La protection de l'enfant vidomegon au Bénin : mythe ou réalité ?( Télécharger le fichier original )par Hospice Bienvenu HOUNYOTON Université catholique de Lyon / UPMF Grenoble - Master 2 recherche 2009 |
2- L'exploitation des Vì?ómåg?'n : un drame social aux conséquences énormes pour l'enfant.Selon le dictionnaire Larousse, l'exploitation désigne toute action d'exploiter, de mettre en valeur en vue d'un profit. C'est aussi toute action de tirer un profit abusif de quelqu'un ou de quelque chose. Au Bénin, l'exploitation des Vì?ómåg?'n à des fins commerciales est monnaie courante. C'est une réalité très complexe et très pernicieuse qui met en scène des mineurs à travers le travail domestique, le travail dans les centres de formation, marchés ou le travail sur les chantiers de construction. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n est une réalité très complexe qui va du simple travail anodin au travail nocif nuisant à l'éducation, au développement et à la santé des enfants placés. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n s'observe essentiellement à travers le travail sous ses pires formes. Elle prend de plus en plus une ampleur dans les villes. Selon les statistiques avancées par l'UNICEF en 2002, le Bénin compterait environ 1 041 668 enfants travailleurs de 6 à 14 ans sur l'ensemble du territoire pour une population d'enfants estimée à 1.745.24954(*) selon le dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitation (RGPH) de la même année. Selon l'organisation onusienne, le fléau fait plus de 300 000 victimes chaque année dont essentiellement les jeunes filles. Les filles représentent les deux tiers de cet effectif et de ces enfants concernés par l'exploitation économique. L'âge des enfants est compris en majorité entre 5 et 10 ans. Pour les 10- 14, la tendance reste la même avec quelques 246.262 enfants exerçant une activité économique selon une étude réalisée par M. Agboli Agbo55(*) sur une population générale de 838.749 enfants de cet âge recensés en 2002 lors du dernier recensement. Les résultats du chercheur montrent que l'exploitation par le travail des enfants touche toutes les régions du pays. Ils placent en tête les départements de l'Alibori et du Borgou avec respectivement 51,8%, et 36,7% d'enfants concernés par le travail précoce. Viennent ensuite les départements du Plateau 35,5%, les Collines 34,2% et le Zou 32,2% de leur population de 10-14 ans au travail. Suivent la Donga avec ses 29,7%, le Couffo 26,1%, l'Ouémé 20,30%, l'Atlantique 19,6%. Le littoral et le mono ferment la marche avec respectivement 15% et 11% de leur population. Ces chiffres ne montrent que la catégorie des 10-14 ans. Les chiffres de cette catégorie d'enfants combinés au moins de 10 ans donnent la véritable ampleur de l'exploitation par le travail des enfants placés au Bénin. Le moins qu'on puisse retenir des Vì?ómåg?'n, est qu'ils sont victimes du travail précoce. Le travail d'un enfant en lui-même n'est pas un problème dans une société où l'initiation de l'enfant aux travaux domestiques et champêtres constitue une forme de socialisation. C'est la forme que prend ce travail qui pose actuellement problème avec comme résultat l'exploitation économique des enfants. Cette réalité nous conduit à clarifier le concept de travail de l'enfant dans ce cas. L'organisation Internationale du Travail, définit dans le sens de l'exploitation économique comme tout travail dommageable au bien-être des enfants qui entrave leur éducation, leur développement et leurs moyens d'existence futurs. La Banque Mondiale pour sa part définit le travail des enfants comme un travail exécuté par les enfants qui sont trop jeunes au sens qu'en le faisant, ils réduisent indûment leur bien-être ou leur capacité future à se faire un revenu. Ces deux définitions montrent bien que le travail d'un enfant n'est pas toujours bénéfique pour lui. Au Bénin, les Vì?ómåg?'n sont très concernés par le travail. La quasi-totalité des enfants placés aujourd'hui dans des familles d'accueil se trouve confrontée à une situation de plus en plus difficile et critique étant donné que l'environnement dans lequel ils évoluent ne les protège plus contre l'exploitation. Beaucoup de Vì?ómåg?'n sont exploités par les familles adoptives. Ils sont soumis quotidiennement aux pires formes de travail dont l'exploitation sexuelle. Ils sont contraints à accomplir des travaux dangereux. Ce qui nous laisse penser que derrière un Vì?ómåg?'n exploité, se cache un adulte qui profite de situation d'enfant éloigné de ses parents, d'être immature et vulnérable pour abuser de lui. L'exploitation économique des enfants placés constitue alors l'une des manifestations de la dérive du Vì?ómåg?'n. Les enfants victimes de l'exploitation économique, sont en général les Vì?ómåg?'n employés comme domestiques ou apprentis. Ils sont issus la plupart du temps de familles pauvres et rurales. Trois catégories de Vì?ómåg?'n peuvent être identifiées aujourd'hui au Bénin. Nous avons les : Les Vì?ómåg?'n domestiques : Ce sont des enfants placés qui vivent chez la famille d'accueil ou d'adoption et nourris par les soins de cette dernière. Ils effectuent principalement les tâches domestiques de la famille d'accueil : vaisselle, repassage, petites courses, lessive, cuisine, garde d'enfants et conduite des enfants du ménage à l'école. Ils sont contraints et exercent leurs tâches dans des conditions pénibles à plein temps et sans rétribution56(*). Les Vì?ómåg?'n vendeuses : Ce sont les jeunes filles qui travaillent cumulant à la fois travaux domestiques et activités commerciales. Cette catégorie de Vì?ómåg?'n travailleurs est le gros lot constitué des filles vendeuses ambulantes que l'on rencontre sur les grandes places publiques, les marchés et centres commerciaux de la capitale et des principales villes du pays. Lorsqu'elles ne sont pas vendeuses aux marchés, on les retrouve derrières les étalages de leur tutrice ou tuteur en qualité de vendeuses dans les boutiques ou encore en tant que servantes dans les restaurants et bars57(*). Les Vì?ómåg?'n producteurs ou apprentis : Ce sont tous ces enfants qui travaillent dans les centres de formation, ateliers, mines, carrières et sur les chantiers de construction sans oublier ceux qui par leurs activités permettent à leur famille d'origine de survivre. Parfois, ils sont rétribués en fonction de leur travail mais avec un salaire très insignifiant. Le point commun à tous ces enfants est qu'ils sont illégalement soumis au travail réglementé pourtant au Bénin à 14 ans qui est l'âge légal de mise au travail d'un enfant. Le travail des mineurs avant 14 ans est légalement interdit. C'est dire donc que ceux qui emploient des Vì?ómåg?'n comme domestiques ou agents économiques devraient être punis au regard de la loi. Ce n'est pas le cas car malgré cette disposition nationale, les Vì?ómåg?'n continuent d'être soumis précocement au travail. Ils travaillent en plus de leur jeune âge dans des conditions désastreuses et inhumaines. Dans la plupart des activées qu'ils effectuent, le risque de détérioration de leur santé est très grand et très rapide dans un monde où ils sont plus considérés comme une marchandise qu'un être humain. Pourtant, les articles 34, 35 et 36 de la convention des droits de l'enfant interdisant l'exploitation de l'enfant, montrent que tout enfant doit être protégé contre toute forme d'action préjudiciable à tout son aspect de son bien-être en raison de son humanité. Revenons sur la situation des Vì?ómåg?'n pour signaler qu'ils sont victimes au quotidien de lésions et de maladies liées à leur travail. Leur santé mentale, physique, affectif et leur éducation sont sérieusement compromis. Ils manipulent des produits qui ne sont pas adaptés à leur âge et travaillent plus de dix heures par jour. Ils sont soumis au travail et exploités par des adultes notamment des tuteurs ou tutrices en violation des dispositions nationales et instruments internationaux de protection de l'enfant. Le cas des enfants apprentis dans les centres de formation et autres chantiers de construction est très révélateur de la situation de ces enfants qui connaissent des troubles de croissance et des déformations. L'exploitation des Vì?ómåg?'n à des fins économiques est très perceptible dans le secteur informel qui échappe au contrôle institutionnel et de la législation en matière de protection de l'enfant contre l'exploitation et les pires formes de travail. Malgré les nombreuses stratégies, mesures et mécanismes de protection des enfants contre l'exploitation, la question au Bénin est encore loin d'être résolue. La pratique de placement d'enfant est devenue une source de richesse pour les citoyens qui s'organisent pour mettre en place un système rôdé de violation des droits de la personne humaine de l'enfant. Elle est devenue synonyme d'exploitation et d'esclavagisme moderne qui prive les enfants Vì?ómåg?'n de leur dignité en raison des préjudices et autres traumatismes qu'elle leur pose notamment sur les plans affectif, mental, physique et moral. En résumé, l'exploitation économique des Vì?ómåg?'n est une triste réalité qui consiste à mettre au travail de façon précoce des enfants initialement placés pour des raisons d'éducation ou de socialisation. La pratique traditionnelle de placement d'enfant devient alors une sorte de marchandisation de l'enfant. Elle glisse vers une dérive pernicieuse et devient par conséquent aux yeux des observateurs et des défenseurs des droits de l'homme une pratique néfaste aux conséquences lourdes pour les enfants. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n devient alors la manifestation de la dérive de ce que nous désignons par le « phénomène Vì?ómåg?'n » aux conséquences énormes pour l'enfant. L'exploitation économique va à l'encontre des règles traditionnelles de travail tolérable pour l'enfant dans le cadre de son éducation pour ériger un système d'esclavagisme moderne. Elle se développe également en violant les textes nationaux et internationaux de protection de l'enfant. Considéré hier comme un trésor, la première des richesses, l'enfant notamment le Vì?ómåg?'n est devenu avec l'exploitation économique, une marchandise, une ressource de revenus pour les ménages, un élément d'ajustement des salaires pour les fonctionnaires et de survie pour les parents géniteurs. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n engendre la traite des enfants : une autre manifestation de la dérive du « phénomène Vì?ómåg?'n » que nous examinerons dans notre second paragraphe. * 54 Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique(INSAE), « Principaux Indicateurs Sociodémographiques », Cotonou, Décembre 2003 * 55 AGBOLI-AGBO.M., « Le travail des 10 -14 ans au Bénin : les normes à l'épreuve des faits », CEFORP, UAC- BENIN, Septembre 2006, p 5 * 56 Aide et Action Bénin in « La problématique des vidomègons et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale pervertie », op.cit., p 6. * 57 Ibid. p 6. |
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