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La protection de l'enfant vidomegon au Bénin : mythe ou réalité ?

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par Hospice Bienvenu HOUNYOTON
Université catholique de Lyon / UPMF Grenoble - Master 2 recherche 2009
  

Disponible en mode multipage

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LA PROTECTION DE L'ENFANT VIDOMEGON AU BÉNIN : MYTHE OU RÉALITÉ ?

MEMOIRE PRESENTE PAR :

Bienvenu Hospice HOUNYOTON

En vue de l'obtention du Master 2 Recherche

« Histoire, Droit, Droits de l'Homme »

SOUS LA DIRECTION DE :

Charles M. KABEYA

Marie DOURIS

Année Académique 2008- 2009


« Je certifie sur l'honneur que le présent mémoire est le résultat d'un travail personnel effectué conformément aux normes universitaires en matière de recherche et dans le respect de la charte de l'IDHL de 2008 relative à l'élaboration du mémoire de Master 2 Recherche.

Les opinions émises dans cette étude, ne reflètent pas nécessairement la philosophie de l'IDHL ni celle de l'Université Catholique de Lyon. Par conséquent, elles n'engagent que son auteur ».

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer mes sincères remerciements à Monsieur Charles M. KABEYA et Madame Marie DOURIS pour m'avoir accordé la chance de travailler sur la protection juridique et sociale de l'enfant Vidomègon au Bénin.

Je vous remercie surtout pour vos précieux conseils qui ont été déterminants pour la réalisation de cette étude. Je vous en suis tous deux très reconnaissant.

Je remercie également tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la recherche d'informations et de documents nécessaires à la réalisation de cette étude consacrée à la dérive du Vidomègon  au Bénin notamment Brice, Florent et Serge pour le recueil des témoignages des Vidomègon.

INTRODUCTION

Dans la société traditionnnelle d'autrefois, en particulier du Sud Bénin, est née et s'est développée une pratique de placement temporaire ou à long terme d'un enfant par ses parents géniteurs dans d'autres familles avec pour objectifs l'éducation et la socialisation de l'enfant connue sous l'expression de Vì?ómåg?'n. C'est une pratique qui a lieu en Afrique ouest africaine connue sous le terme de placement, de confiage ou de transfert de l'enfant. La pratique Vì?ómåg?'n apparaît dès lors comme l'un des traits traditionnels des systèmes familiaux africains, qui se pratique sur la base du respect des règles coutumières inspirées de la philosophie de la personne humaine. La pratique Vì?ómåg?'n revêt une double dimension à savoir : une dimension éducative et sociale. Selon Zoukanéini Yanoussi, « la dimension éducative découle du fait qu'en milieu traditionnel, l'enfant élevé ailleurs que dans son foyer naturel est traité avec moins d'indulgence par des tuteurs garants des traditions et valeurs sociales 1(*)». En milieu urbain, le Vì?ómåg?'n selon cet auteur permet à un enfant issu d'un milieu à la base rural voire défavorisé ou pauvre d'être scolarisé ou d'apprendre un métier. La dimension sociale de la pratique Vì?ómåg?'n tient du fait qu'elle permet de resserrer les relations de parenté ou d'alliance. C'est une manifestation de solidarités entre membres d'une famille, une ethnie ou une communauté. La pratique Vì?ómåg?'n produit et entretient des liens sociaux non seulement entre les membres issus d'un ancêtre commun mais aussi entre amis et alliés par le mariage, le pouvoir...etc.

La pratique Vì?ómåg?'n repose sur la forme sociale d'organisation traditionnelle qui caractérisait la société béninoise d'avant les indépendances. C'est pourquoi, elle est très ancrée dans les consciences individuelle et collective. L'ensemble de la communauté la considère comme une marque déposée et l'une des formes de solidarité entre membres de la société et de protection de l'enfant qui a lieu dans la société traditionnelle. Placer un enfant ou adopter un enfant à cette époque , c'est exprimer son attachement à la grande famille, à la communauté et aux valeurs qu'elles véhiculent. Dans ce système où la société prévoyait en effet pour un enfant une protection, comparable à l'organisation des sociétés occidentales qui se déploient à mettre en place un système d'adoption sur fond de mesures législatives et institutionnelles, l'enfant est intégré dans un système de formation tout en étant appelé à contribuer à la participation des activités domestiques et économiques de sa famille d'accueil. La pratique Vì?ómåg?'n se distingue en toute logique de l'adoption légale moderne et se définit comme un système traditionnel de protection où l'enfant placé auprès d'un tiers est élevé comme tous les autres enfants de la famille d'accueil.

Elle se pratique dans l'intérêt supérieur de l'enfant placé appelé aussi en langue Fon2(*) du Sud Bénin, « Vì?ómåg?'n » : un enfant placé auprès de quelqu'un, un enfant vivant chez un tiers, mais aussi chez des parents ou des tuteurs. L'avantage pour le « Vì?ómåg?'n » est de bénéficier en raison de son statut d'une éducation, une socialisation et de profiter du système traditionnel de protection tandis que pour les parents, il s'agit d'assurer à leur progéniture un avenir meilleur. Cette éducation ou la socialisation qui sous tend le placement permettait à l'enfant de se prendre en charge plus tard au plan social, économique, professionnel et politique dans la société. Quant aux éducateurs ou tuteurs ayant à charge un « Vì?ómåg?'n », c'est une marque de reconnaissance sociale et de considération de se voir confié un enfant qui lui obéira au même titre que ses propres enfants. Ces derniers percevaient, le Vì?ómåg?'n comme une faveur, un signe de reconnaissance de leur réussite sociale et mérite et sont tenus en droit de les élever comme leurs propres enfants sans aucune discrimination. Pour un tuteur, se voir confié un enfant, c'est un signe de reconnaissance sociale. C'est aussi une manière pour le tuteur d'exprimer sa solidarité envers les autres membres de la grande famille. Accepter un Vì?ómåg?'n, à l'époque traditionnelle, c'est jouir d'un statut d'un membre influent dans la société, une reconnaissance sociale, signe de notoriété d'un citoyen au sein de la société. Signalons qu'à l'époque traditionnelle, la participation de l'enfant aux activités du ménage d'accueil ne se fait pas au détriment de la socialisation ou de la formation de l'enfant. Privilégier l'intérêt économique de la pratique Vì?ómåg?'n au détriment de son objectif socio-éducatif, était perçu comme une haute trahison, une exploitation du mineur à la limite une violation des droits de la personne de l'enfant. D'ailleurs, la communauté garant de la tradition et de ses valeurs sanctionne toute personne qui ne se conformerait pas aux exigences culturelles notamment en matière de respect des droits de l'enfant en société. La dérive du placement était sanctionnée par l'ensemble de la communauté qui veille au bon fonctionnement d'une pratique qui aura montré tout son intérêt pour les enfants et son utilité pour la société. C'est comme çà que des milliers de béninois ont été grâce à cette pratique élevés, scolarisés et éduqués suivant les règles communautaires d'éducation et les normes traditionnelles de respect de la personne humaine et en particulier de l'enfant. La pratique Vì?ómåg?'n confirme la représentation sociale de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise, considéré comme une incarnation des ancêtres et des forces invisibles de la nature. L'enfant, représentant dans cette vision traditionnelle comme l'assurance vieillesse des parents, l'espoir pour la relève est avant tout considéré comme une source de richesse pour sa communauté d'appartenance. L'enfant est un être désiré et vénéré par tous. Il appartient à la lignée c'est-à-dire à la communauté entière, d'où l'attachement de cette dernière à son éducation et à sa socialisation. L'enfant est pris en charge dans la société traditionnelle par l'ensemble des membres qui constituent son clan qui ont une obligation morale et sociale de le protéger. Un enfant rejeté, abandonné était perçu comme inconcevable et contraire aux règles communautaires. La pratique Vì?ómåg?'n est une originelle invention de socialisation, d'éducation et de protection des enfants qui a fonctionné pendant des siècles et assuré à de nombreux enfants béninois une éducation ou une socialisation pour la vie.

En résumé, la pratique Vì?ómåg?'n, est une pratique de socialisation, d'éducation et de protection de l'enfant qui est très ancrée dans la conscience collective des béninois. Outre ces fonctions sociale et éducative, cette pratique est aussi significative de la mobilité de l'enfant, c'est-à-dire de sa circulation au sein du cercle communautaire et entretient ou maintient les liens sociaux entre les membres de la grande famille. Derrière la pratique Vì?ómåg?'n, se trouvent des enjeux d'éducation, de socialisation et de protection de l'enfant mais aussi des enjeux vitaux pour les parents et la communauté. Elle a fait le bonheur de milliers d'enfants issus de la basse classe et leur a ouvert les portes du plein épanouissement.

Mais les choses se passent autrement depuis deux décennies surtout en zones urbaines où des comportements nouveaux viennent bouleverser les règles traditionnelles de socialisation et de protection des enfants placés. En effet, le passage de la tradition à la modernité est à l'origine des changements que l'on constate aujourd'hui au sujet de la pratique Vì?ómåg?'n. Avec l'avènement de l'économie du marché et des familles nucléaires, le Bénin entre dans une nouvelle marche vers le progrès, qui semble ignorer les règles traditionnelles notamment de protection des enfants vulnérables et démunis. En effet, la paupérisation de la masse de plus en plus croissante : fruit de la modernisation non maîtrisée et de la mondialisation, les contraintes économiques et les nouveaux contextes sociaux rendent plus difficile l'accueil de la pratique traditionnelle du Vì?ómåg?'n. La pauvreté des masses et l'esprit mercantile ayant abouti à la « marchandisation » de l'être humain et plus particulièrement de l'enfant, n'ont pas favorisé le succès jadis connu de la pratique de placement d'enfant. Avec les diverses mutations des moeurs, des valeurs traditionnelles notamment culturelles et sociales, que le Bénin a connues, la pratique Vì?ómåg?'n a perdu tout son sens traditionnel. Elle se trouve dévoyée, détournée et pervertie. La perversion du placement aujourd'hui a atteint des proportions vertigineuses et très inquiétantes au point où la réflexion théorique parle de l'émergence d'un nouveau phénomène qui est celui du Vì?ómåg?'n. Le phénomène Vì?ómåg?'n se distingue de la pratique Vì?ómåg?'n qui était protectrice des droits de l'enfant placé. Il se caractérise par le travail précoce des Vì?ómåg?'n, la maltraitance, l'exploitation économique et la traite des Vì?ómåg?'n. Ce nouveau phénomène dont l'ampleur est très inquiétante frappe beaucoup plus les enfants vulnérables notamment ceux dont les parents éprouvent de difficultés à faire face à leurs besoins élémentaires dans les villages et campagnes ne disposant pas d'infrastructures socio-économiques essentielles de scolarisation. Ces enfants sont envoyés par leurs parents dans les villes pour y scolarisés, éduqués ou apprendre un métier. Mais une fois arrivé en ville, ces enfants vont victimes de formes subtiles de la pratique Vì?ómåg?'n qui les soumettent au lieu de les protéger à une exploitation économique. Ils vont être aussi victimes de formes de violences de tout genre, de la traite, soumis illégalement et précocement au travail. Bref, le phénomène Vì?ómåg?'n viole les droits fondamentaux de l'enfant aujourd'hui au Bénin. D'où la dérive du Vì?ómåg?'n qui constitue l'objet principal de notre étude. La dérive du Vì?ómåg?'n viole les droits et libertés fondamentales de l'enfant placé dont les conditions de vie sont très dégradées. Le Vì?ómåg?'n dans l'entendement des uns et des autres, rime aujourd'hui avec maltraitance, exploitation, traite et autres souffrances pour l'enfant Vì?ómåg?'n, qui vit une sorte de calvaire. Cette dérive qui entraîne des conséquences dommageables aux enfants placés, traduit la nouvelle perception ou représentation de l'enfant dans la société béninoise. La dérive transforme la représentation sociale de l'enfant, viole les différentes conventions sociales et internationales en matière de protection de l'enfant. Même l'État se trouve dépassé par son ampleur et ses conséquences malgré les nombreux dispositifs législatifs de protection de l'enfant en vigueur au Bénin. Cette situation peut s'explique aussi par la défaillance de l'État qui n'offre pas les garanties de protection aux enfants placés. En peinant à s'acquitter de ses obligations éducatives et de protection des enfants, le pouvoir a laissé un terrain libre à la dérive du Vì?ómåg?'n qui frappe les enfants placés qui sont aujourd'hui abandonnés comme en témoigne le manque de mesures spécifiques sur les conditions de leur placement et des obligations des supposés tuteurs.

Une analyse de la dérive du Vì?ómåg?'n laisse envisager qu'elle serait considérée comme l'un des multiples effets induits par la pauvreté et la modernisation du pays. Il suffit pour s'en convaincre de constater ses différentes manifestations et ses conséquences en matière de violation des droits de l'enfant.

Mieux, malgré l'ampleur de la dérive et ses conséquences sur les droits de l'enfant, force est de constater que la pratique Vì?ómåg?'n ne fait l'objet d'aucun encadrement juridique. Les tuteurs de Vì?ómåg?'n ne sont soumis à aucune règle de droit qui détermine et fixe leurs droits et obligations vis-à-vis des Vì?ómåg?'n. Ils sont libres et peuvent agir sans aucune crainte. En dépit des cris d'alerte des défenseurs de droits de l'homme et des associations de la société civile, les autorités n'ont pas su réagir et la situation se caractérise toujours par une absence d'un texte juridique en matière de placement d'enfant au Bénin. Face à cette situation aux conséquences désastreuses pour les enfants Vì?ómåg?'n, victimes de maltraitance, de traite et d'exploitation économique, se pose une problématique majeure à savoir :

Quelle est la part de responsabilité de l'État dans l'émergence du phénomène Vidomègon et qu'elle est la pertinence du système béninois de protection de l'enfant face à ce nouveau phénomène au sein de la société ?

L'autre question qui se pose alors est, comment expliquerait-t-on le silence de l'État qui a pourtant signé la plupart des instruments internationaux de protection de l'enfant et pour quoi s'intéresse-t-il aux seules conséquences du phénomène Vidomègon ?

Il s'agira pour nous de mettre en évidence la défaillance et le silence coupable de l'État face aux nouveaux enjeux de la pratique Vidomègon mais aussi de la place accordée aux Vidomègon dans le système actuel de protection au Bénin. Ce sera aussi l'occasion de voir si le Vidomègon ne mérite-t-il vraiment pas une protection spéciale, qui lui permettrait de se développer et de s'épanouir dans son environnement en respect des différents instruments de droits de l'enfant auxquels le Bénin a librement adhérés ?

Des interrogations subsidiaires à cette problématique majeure sont nécessaires afin de mieux répondre à cette problématique. Ces dernières nous serviront de mieux guider la construction de notre objet d'étude. C'est ainsi que nous nous sommes interrogé également sur la pratique Vì?ómåg?'n. Quelle signification peut-on donner de nos jours à la pratique Vidomègon aujourd'hui au Bénin ? Répond-elle toujours aux normes d'expression de solidarité entre les familles et de protection de l'enfant ? Quelles sont les mesures prises pour protéger les enfants placés ? Existe-t-il aujourd'hui des pistes capables de combattre la dérive du Vì?ómåg?'n ? Si oui lesquelles ?

Pour répondre à cette problématique ainsi qu'aux questions subsidiaires qu'elle suscite, nous avons construit des hypothèses de recherches et définit des variables explicatives. Notre première hypothèse de recherche considère que :

- le passage de la société traditionnelle à une société moderne non endogénisée et mal maîtrisée, serait l'une des raisons de la transformation de la représentation sociale de l'enfant ;

La deuxième hypothèse quant à elle soupçonne que l'inertie, l'irresponsabilité de l'État face aux questions de paupérisation des masses ainsi que son indifférence face à la situation de l'enfant Vidomègon, contribueraient à la dérive du Vidomègon et à la violation des droits et libertés de l'enfant placé près du tiers au Bénin.

Comme variables explicatives de la dérive du Vì?ómåg?'n et de la violation des droits de l'enfant placé aujourd'hui dans la société béninoise, nous évoquons des causes d'ordre économique et social, la variable politique sans oublier la pauvreté et ses impacts sur les masses rurales.

L'objectif général de cette étude est de fournir les indicateurs pertinents sur les droits des Vì?ómåg?'n dans la société béninoise d'aujourd'hui et d'alerter sur l'impérieuse nécessité de réglementer la pratique Vidomègon et d'une définition du statut juridique du Vidomègon en République du Bénin.

De façon spécifique, l'étude vise à

- Inciter les pouvoirs publics à agir expressément afin de garantir aux enfants placés une protection digne en respect aux engagements internationaux de droits de l'homme ;

- Sensibiliser la société civile à oeuvrer plus pour la lutte contre la pauvreté, seule gage d'une protection sûre et renforcée des Vidomègon au Bénin.

Pour mieux appréhender la protection juridique du Vì?ómåg?'n et vérifier nos hypothèses de recherche, nous avons adopté une démarche méthodologique scientifique à double approche basée sur la recherche documentaire et l'empirisme. Ces deux approches ont été complétées par des entrées sociologiques et juridiques.

La première approche méthodologique reconnue pour son caractère comparatif nous a été d'une très grande utilité en ce sens qu'elle nous a permis de passer en revue la littérature dans le domaine de la protection et du placement d'enfant. Dès la formulation de notre thème d'étude, nous avons fait une fouille affinée d'éléments anthropologiques, sociologiques pour saisir la représentation de l'enfant, son statut, son rôle et le sens de la protection dans les sociétés traditionnelles précoloniales. Cette approche a procédé également à l'analyse bibliographique systématique des ouvrages portant sur le phénomène Vì?ómåg?'n au Bénin. La littérature relative à ce sujet est très riche et abondante mais ne parle que de ses conséquences. Très peu d'articles et ouvrages abordent la question fondamentale de la place de l'enfant dans la société actuelle ou du Vì?ómåg?'n. Tout est orienté vers le trafic et le travail d'enfants sans une analyse de ce qui est à la base de la naissance du phénomène Vì?ómåg?'n. Cette recherche documentaire malgré cela, nous a néanmoins servi et car il nous a permis d'obtenir les informations nécessaires liées aux manifestations de la dérive du Vì?ómåg?'n. La recherche documentaire a été complétée par des recherches sur internet sur le sujet. Cette posture scientifique nous a servi de structurer l'arrière plan théorique de cette étude.

La deuxième approche est empirique. Étant donné que cette dernière est fondée sur l'expérience, nous sommes parti, dans le cadre de cette étude, de notre propre perception du phénomène et de nos propres expériences en animation des projets de développement local pour structurer notre réflexion. Cette approche s'appuie également sur les observations effectuées au plan national, les différentes études menées par l'Unicef, le BIT, l'État et la société civile notamment les nombreuses organisations non gouvernementales sur le phénomène Vì?ómåg?'n. L'approche empirique nous a été d'une grande utilité pour nous et a permis le recueil de témoignages d'enfants victimes de ce nouveau phénomène. Nous n'avons pas pu pour des raisons de temps et d'éloignement de notre milieu de travail entendu certains acteurs notamment les parents, les trafiquants et quelques défenseurs des droits de l'enfant. Ceci pourrait constituer l'une des insuffisances de cette étude, car les témoignages ou propos de ces derniers pourraient mieux nous aider dans la compréhension de certaines choses. Mais celà n'affecte en rien la qualité et l'originalité de cette étude qui se veut une contribution à la réflexion sur la nécessité de protection des Vì?ómåg?'n en République du Bénin. En effet, l'originalité de la présente étude réside dans le fait qu'elle ne s'est pas contentée d'étudier le trafic, la traite ou encore moins l'exploitation économique du Vì?ómåg?'n mais aborde plutôt l'épineuse question de la protection juridique et sociale du Vì?ómåg?'n dans la société moderne béninoise.

Afin de mieux appréhender la dérive du Vì?ómåg?'n et d'élucider les préoccupations qu'elle suscite, nous avons organisé et structuré notre réflexion autour d'un raisonnement scientifique décliné en deux grandes parties complémentaires.

Dans la première partie de cette étude, nous faisons un voyage en arrière dans l'univers traditionnel béninois. Il a été question d'appréhender dans un premier chapitre, la vision traditionnelle de l'homme, des droits et devoirs de l'individu en communauté, les garanties de ces droits et devoirs et enfin la place de l'enfant dans cette vision sans oublier la protection de ses droits. Dans un second chapitre, nous exposons la pratique Vì?ómåg?'n en retraçant ses origines, ses fondements et son évolution dans la société. Mais avant cet exposé, nous avons au préalable posé les jalons en abordant les questions de la représentation, l'éducation et la socialisation de l'enfant dans la société béninoise.

Dans son ensemble la deuxième partie consacrée à la dérive du Vì?ómåg?'n, essaie d'aborder les éléments de réponse apportés par l'État béninois ces dix dernières années. Cette partie est structurée autour de deux grands chapitres. Le premier se veut une exposition de la dérive du Vì?ómåg?'n notamment de ses manifestations et son impact sur les droits et libertés de l'enfant placé. Pour ce qui concerne le second chapitre, nous avons analysé le système de protection de l'enfant au Bénin sur la base des différents instruments nationaux et internationaux en matière de droit de l'enfant. Ce chapitre a été l'occasion de questionner la pertinence et l'efficacité du système actuel de protection de l'enfant au Bénin mais aussi des réponses apportées par l'État pour asseoir une protection spécifique aux enfants Vì?ómåg?'n de plus en plus nombreux.

PREMIERE PARTIE : LES DROITS DE L'ENFANT DANS LA SOCIETE TRADITIONNELLE.

Cette première partie est consacrée à la compréhension du fait socioculturel que constitue la pratique Vì?ómåg?'n dans la société traditionnelle béninoise. Nous organiserons non seulement notre analyse autour de ses origines et fondements mais aussi de son rapprochement avec la vision traditionnelle des droits de l'individu. Pour ce faire, un premier chapitre traite d'abord des droits de l'individu dans l'univers traditionnel mais aussi de ses devoirs et du système traditionnel de garantie des droits à l'époque pré-coloniale.

Le deuxième chapitre de cette première grande partie a été consacré à la pratique Vì?ómåg?'n : une invention originelle de protection de l'enfant dans cet univers traditionnel. Autrement, ce chapitre fait l'état des lieux des droits et devoirs de l'enfant dans le système traditionnel structuré autour d'une représentation très forte de l'enfant.

CHAPITRE I- LES DROITS ET DEVOIRS DANS L'UNIVERS TRADITIONNEL BENINOIS

En abordant la question des droits et devoirs dans la société traditionnelle béninoise, ce chapitre jette les bases nécessaires à la compréhension et à la perception de ces deux notions dans une société où l'individu reste essentiellement rattaché au groupe social d'une manière exclusive. Il vise également à souligner la conception traditionnelle de l'individu et du monde (Section 1) et fait un état des lieux de la question des droits et devoirs de l'individu en communauté ainsi que des mécanismes de leur protection (Section2).

Section 1- La vision traditionnelle de l'homme et du monde

Cette section aborde le système de croyances par rapport à la création du monde et de l'homme. Elle traite dans son ensemble, les préoccupations liées à la mort, au culte des anciens mais aussi en la croyance des forces naturelles.

Paragraphe 1- La tradition béninoise : sa vision du monde et des droits de la personne humaine.

Grâce aux travaux de chercheurs béninois notamment de Honorat Aguessy, de Maximilien Quenum, du Père Kiti et d'étrangers, on connaît le mythe de la création dans la société traditionnelle béninoise. Le mythe fondateur de la tradition béninoise, reconnaît qu'au commencement du monde, il y a un être suprême désigné par Dieu. Il est le créateur de toutes les choses qu'il contrôle. Il y aura l'homme, le représentant de Dieu sur terre, doté de pouvoirs pour assurer l'organisation sociale et conduire la destinée humaine. Cette conception du monde souligne la vision particulière de la tradition béninoise du monde et de l'être humain. C'est justement ce que tentera de faire ressortir ce paragraphe organisé autour de la question de la création du monde, la place et le rôle de l'homme dans cet univers.

1- Un monde créé par le Dieu Unique

Selon la mythologie traditionnelle béninoise, le monde ne vient pas du néant. Au commencement, il y a un être suprême qui créa la nature, les animaux, les divinités et les humains. Tous seront placés sur son contrôle et il détermina les rôles des uns et des autres. La mythologie traditionnelle béninoise ne conçoit pas la création du monde comme ex-nihilo mais l'attribue à un créateur unique, insaisissable et insondable. Au commencement de la création de l'univers, on retrouve selon la tradition Mahou ou Mawu désigné par l'Abbé Kiti3(*) par le terme de « Dieu le Créateur Unique ». L'ecclésiastique pense pour sa part qu'il est le créateur du monde mais aussi des fétiches. Cette thèse est d'ailleurs confirmée par d'autres mythes de la création à travers tout le continent. Il le compare à un roi avec ses ministres ou encore à un maître et ses serviteurs. Le Professeur Aguessy4(*), dans un article publié dans les cahiers des religions africaines en 1970, confirme cette vision de la création suivant le modèle béninois. L'auteur révèle qu'à l'origine du monde, il y avait Mahou et Lissa deux divinités dont l'association donne le Créateur. La première selon l'anthropologue est de sexe féminin tandis que la deuxième est  du sexe masculin. Le monde serait né et bâti autour de cette paire de divinités. À chacune des deux échoit une mission spécifique. C'est ainsi que la mise en accord de la nature va être incombée à Mawu, divinité de la fertilité qui sera assistée dans son immense tâche par Dan (serpent), symbole de la vie et du mouvement. À Lissa, divinité de la force et du feu assistée de Gou une divinité de la transformation, de l'industrie et de la culture, reviendra la mise en ordre du monde des hommes. L'union entre Mawu et Lissa engendra plusieurs autres divinités communément appelées Vodoun désigné par Aguessy comme  « Toute puissance dépassant l'entendement humain et agissant au niveau de l'invisible même si ses actions ne se révèlent que dans le monde visible5(*) ». Cette version est proche de celle de Pierre Erny, qui renchérit l'auteur en soulignant que dans la mythologie dahoméenne, « le Créateur est un bisexué, qui engendre deux jumeaux, Lisa qui est mâle apparaissant comme un être solaire et Mawu la femelle représentant la lune6(*) ».

Maximilien Quenum dans une tentative d'explication de la genèse de l'univers, n'a pas apporté un démenti à cette précédente explication. Il pense aussi que «  le monde que nous habitons n'a pas toujours existé et que Dieu en est son Créateur 7(*)». Ce dernier est désigné par cet auteur par des termes assez parlants à savoir Sê (Esprit protecteur), « Sêgbo-Lissa » : le maître des hommes, des esprits des plantes, de tout ce qui existe. Tout ce qui existe dépend de lui et de façon absolue. Cette vision laisse penser à toute la grandeur de Dieu dans l'univers traditionnel, qui est un « être immense, infini, éternel, universel, simple et immuable 8(*)». Il ne se distingue pas d'une divinité et en ce sens représente les fétiches et les Vodoun. La mythologie retient qu'il créa d'abord les astres, les fleuves, les mers et les animaux, tous placés sous la coupole de « Gbêto : le père du monde créé »9(*), qui n'est rien d'autre que l'homme. Par cette perception, l'homme est le maître incontesté du monde et par conséquent de la nature. Nous entendons par la nature l'ensemble des règnes végétaux, animaux et minéraux. Autrement, c'est l'homme qui gouverne la terre, la faune, la flore, les mers et les animaux. Il est le premier dans cette nature et son idéal au regard de la tradition, est de vivre en harmonie avec cette nature. C'est pourquoi, le Créateur lui confia son patrimoine avec des dons de perfection. Toutefois, ses pouvoirs seront encadrés avec des contre pouvoirs que sont les forces invisibles.

2- L'invisible dans la tradition

La mythologie traditionnelle accorde une place prépondérante à l'invisible pour expliquer et justifier la création du monde. Elle développe une conception très particulière du monde avec un poids déterminant du monde invisible réputé être celui des dieux, des ancêtres et de toutes les forces qui assurent l'équilibre. Afin d'équilibrer les pouvoirs dans le monde, Dieu créa des forces invisibles redoutables qui contrôlent les actions de l'homme sur terre. Elles représentent toutes les divinités créées par Dieu créateur, les esprits, les génies mais aussi les ancêtres. Ces forces flottent quelque part dans la nature et surveillent l'activité de l'homme. Certains les rangent carrément dans un monde à part : celui de l'au-delà et de l'invisible. Pourtant, ce monde de l'invisible et de l'au-delà est considéré pour paraphraser Ferdinand Ezémbé, « est un monde ambigu en raison de l'absence d'une certitude duplication du monde possible des vivants10(*) », qui laisse craindre les actes de l'homme sur terre. En revanche l'au-delà serait un lieu quotidien selon cet auteur « qui peut être la nuit, la mer, les carrefours, les forêts sacrées, la source des fleuves, les collines 11(*)». L'au-delà dans la tradition béninoise, représente le lieu de vie par excellence des ancêtres morts mais aussi le « pays » des génies, des fantômes, des revenants et des esprits. En ce qui concerne les ancêtres, ils seraient tapis dans ce monde avec un regard à la fois de protection sur leurs descendants et de sanction de tous ceux qui ne se comporteraient pas bien selon les recommandations du Dieu le créateur pour maintenir une cohésion sociale dans la société. Les ancêtres sont des êtres invisibles qui habitent parmi les humains sous diverses formes notamment sous forme d'animaux ou d'autres espèces de la nature. Ce sont les vrais détenteurs de droits dans la société traditionnelle. Ils sont craints par les hommes en raison de leur caractère sacré et des forces mystiques dont ils disposent. Cette représentation des ancêtres donne tout un sens à la notion de représentation de la personne humaine. C'est ainsi par exemple, qu'il est admis par la conscience collective, que les ancêtres sont nécessaires au monde visible des humains sur terre. Leur bonne volonté est parfois jugée trop nécessaire pour le bien-être et le bonheur des humains. En toute conséquence, ils sont respectés, choyés, suppliés apaisés par des actions de grâce à travers des sacrifices individuels ou par des rites, pour soit manifester le regard porté sur eux par les humains, soit pour leur demander d'intercéder auprès du créateur pour les péchés commis ou pour exhausser leurs voeux.

La compréhension qui se dégage de cette perception du monde, nous amène à formuler l'idée selon la quelle dans l'univers traditionnel béninois, il y aurait selon la croyance un univers global constitué de forces visibles et invisibles. Les forces invisibles bien qu'elles ne soient pas réelles au sens de la raison, sont bien réelles selon la tradition et il faudra bien vivre avec elles, les louer et calmer par des rites magiques qui sont de l'ordre religieux. L'autre caractéristique du monde invisible, est qu'il reste dominé par une multitude de divinités communément appelées fétiches avec des pouvoirs et dons de protection et/ ou de sanction. Certaines de ces divinités relèvent du monde céleste, d'autres des mondes terrestres ou des nymphes. C'est le cas par exemple du Vodoun ou de la divinité Sakpata dans la mythologie traditionnelle, qui est le protecteur de la terre et le prodigateur de maladie dont la variole et la rougeole. Le Hêviosso est perçu comme le maître ou l'arbitre des airs et la divinité qui sanctionne les malintentionnés et les méchants dans la société. Quant aux Tolègba, toxoxu, ils représentent respectivement la sécurité, la richesse mais en même temps le fauteur de trouble c'est-à-dire roi de la division et de la punition à travers la malformation d'un enfant.

Quant au monde des vivants, il est composé des hommes, guidés et contrôlés par les forces du monde invisible, lequel est identifié à un univers où vivent de façon permanence les forces mystiques. Ces forces mystiques et invisibles sont incontrôlables par l'homme, d'où son attitude à observer ses recommandations et les bonnes règles de conduites qu'elles prescrivent. En retour, il peut réclamer des droits mais aussi doit s'acquitter de devoirs vis-à-vis des autres espèces, de ses semblables, des forces du monde invisible et du créateur. En exemple, la tradition recommande que lorsqu'on coupe un arbre de la forêt, il faut toujours envisager d'en planter un pour assurer la perpétuation de l'espèce et assurer ainsi l'équilibre de l'écosystème.

Somme toute, la conception traditionnelle du monde reconnaît un créateur assisté de divinités, d'ancêtres, génies et autres éléments de la nature. C'est une conception basée sur un monde visible et invisible. Cette conception est très forte et se trouve dans toute l'explication que les gens donnent de leurs comportements, attitudes, gestes et manières de faire dans la société.

Paragraphe 2- La perception traditionnelle de l'homme

La mythologie de la création dans la société traditionnelle, reconnait et accorde une place privilégiée à l'homme. La littérature orale ou le discours sur ce dernier dans la société, est très riche et le considère comme le maître du monde visible c'est-à-dire des vivants. Par son génie d'invention, sa capacité d'organisation et ses actions, il domine l'univers en harmonie avec celui-ci. Il s'impose par sa haute valeur et transcenderait l'humain. D'où son caractère sacré auquel vient se greffer toute son utilité pour l'organisation de la vie.

1- L'homme : un être sacré au sens de la tradition

Il y a des sociétés où la sacralité de l'homme constitue le ressort de l'organisation de la vie sociale, économique, politique et culturelle. La société traditionnelle béninoise n'échappe pas à cette vision. Elle s'inscrit dans cette même veine en sacralisant l'être humain. L'approche traditionnelle anthropologique béninoise, révèle une authentique culture de la sacralité de la personne humaine. Cette sacralité s'exprime et se démontre au quotidien à travers des rites, des paroles et des actes, qui confirment les légendes et affirment par conséquent le triomphe de l'homme. Essayons avant tout développement d'appréhender la place que lui accorde la tradition à travers une onto-anthropologie. La tradition place l'homme au centre de l'univers. C'est lui qui assure le lien entre le Créateur et les humains, entre le monde invisible et celui des vivants. Il assure également la liaison entre les divinités, les ancêtres et Dieu. Il s'impose par sa haute valeur et est considéré comme le bien le plus précieux dans l'univers. Il est la valeur absolue dans le temps et l'espace. L'homme dans l'univers traditionnel est un élément essentiel. C'est lui qui donne sens à la création, à la société et représente l'humanité achevée sur terre. Cette représentation qui fait de lui, l'être le plus précieux par la tradition, a pour conséquence, la prise en compte de sa dimension sacrée.

En effet, la tradition considère que, l'homme comme est un être sacré à qui l'on doit un respect absolu à cause de son caractère divin. Il est selon la tradition le représentant de Dieu sur terre. Il est donc un « demi-dieu » sur terre, « dieu rendu homme » comme le pense aussi le christianisme. La dimension de la sacralité de l'homme s'exprime par son corps et son âme. Son corps est le temple de Dieu le Créateur et son âme l'esprit qui sert de lien entre lui et le créateur. Le caractère sacré de l'homme renvoie dans la tradition à la sacralité de la vie humaine. Toujours selon la tradition, la sacralité de la vie est très importance et mérite respect. Elle doit être vécue, donnée, exemplaire, longue et éternelle. Pour magnifier Dieu, la tradition entretient la sacralité de l'homme à travers des rites, des interdits, des pratiques Vodoun, ceci dans l'intérêt de la protection de la vie donnée par Dieu. Les sacrifices aux fétiches, aux divinités intermédiaires sont l'expression de la reconnaissance du caractère sacré de l'être humain. C'est aussi un renouvellement de l'alliance avec Dieu par le rachat des fautes commises par l'homme. Lorsque par exemple, la tradition combat la sorcellerie, récrimine certains actes notamment l'avortement, les infanticides et autres homicides volontaires, considérés comme de la monstruosité et de la méchanceté des hommes, elle le fait au nom du principe de la sacralité de l'homme. Au- delà du corps et de l'esprit de l'homme, sa parole est aussi sacralisée dans la tradition. Tout ce que prononce un être humain est béni de Dieu et pris au sérieux. C'est le cas par exemple de la bénédiction donnée par les parents géniteurs pour un enfant qui sera considérée comme sacrée. Ses gestes, ses actes et comportements par voie de conséquence, sont aussi sacrés et bénis de Dieu.

Au regard de ce caractère d'être sacré, l'homme jouit de droits fondamentaux qui reposent sur la nature humaine. Nous reviendrons plus tard sur ces droits et leur mode de jouissance. La conception traditionnelle de l'homme, ne le perçoit pas seulement comme un être sacré avec des droits reconnus à son caractérise divin, mais le définit comme un acteur social de premier ordre. D'où son importance dans l'organisation sociale la vie.

2- L'homme et la société

À partir du caractère sacré de la vie et de sa personne humaine, l'homme suivant la tradition est la flamme de l'humanité. C'est à lui que Dieu confia les destinées de son monde. Avec son intelligence, sa capacité d'innovation, il est appelé à dominer le monde c'est-à-dire les autres espèces. Il est le maître de ses actions lesquelles doivent avant tout rechercher le bien-être des humains. L'homme selon la vision traditionnel est le socle, la fondation de toute société. De part sa nature, il doit dominer la terre reconnue pourvoyeuse de l'avenir, organiser la société sur les plans social, économique et culturel. C'est lui qui créa la société qui n'est pas une oeuvre de la nature ou de Dieu mais une oeuvre humaine. Il définit les règles de vie sociales d'où la société politique créée. La société doit sa naissance à l'homme qui en est l'artisan premier. Sans l'homme, il n'y aurait pas de société, c'est-à-dire d'organisations sociales politiques, sociales et économiques. D'où le mérite reconnu à cette espèce par la tradition.

La tradition reconnaît aussi que, grâce à l'homme, l'organisation communautaire a vu le jour avec ses différentes composantes à savoir la famille restreinte, la grande famille, la collectivité et par la suite la communauté. Cette dernière a été réalisée par l'homme pour atteindre sa fin, celle de vivre en groupe. La vie en groupe ou en société permet à l'homme d'asseoir sa domination sur les autres espèces et d'organiser la vraie vie selon la tradition. Vivre en société génère pour l'homme de nombreux profits notamment le soutien par ses semblables pour dominer le monde. C'est aussi l'occasion de développer des relations fondées sur la solidarité, le partage et l'entraide. L'homme est dans ce cas précis d'une utilité essentielle pour l'homme. D'ailleurs, un adage de la tradition, montrera l'importance sociale de l'homme pour l'homme en évoquant qu'il vaut mieux se blottir derrière l'homme où l'on est mieux protégé que derrière un arbre qui vous livre aux autres. L'homme est un rempart, une muraille pour l'homme selon la conception traditionnelle. C'est pour cela que sa place dans la société est jugée nécessaire et le contraire nous replongerait dans l'état de nature marqué par la violence et l'animosité.

L'homme créa la société pour lui-même mais pour surtout humaniser les rapports entre les individus. La société traditionnelle dès lors reconnaît son mérite tout en soulignant la primauté du groupe sur l'individu. Cette vision nous fait entrer au coeur de la perception de la société par la tradition. Il n'est point doute de signaler, que dans la société traditionnelle, l'on est préoccupé comme l'écrit Dany Rondeau12(*) par l'harmonie et le bien de la collectivité. Dans la vision traditionnelle, l'individu n'existe pas. Il se fond dans le collectif. C'est le collectif qui détermine l'individu avec une prééminence accordée à ses devoirs. La communauté prime selon la tradition sur l'individu dont l'identité se définit en fonction du rôle qu'il joue au sein de cette dernière ou de son statut. Cette perception de la primauté de la communauté sur l'individu, nous conduit à poser la question  suivante: Quels sont les droits de l'individu dans la société traditionnelle ? Mais où et comment trouver la réponse à cette interrogation majeure ? L'homme étant le maître de l'univers dans cette tradition, ne dispose-t-il pas de droits liés à cette nature ? La réponse de ces interrogations peut être appréhendée à travers la section suivante consacrée essentiellement aux droits et aux devoirs de l'individu dans la société traditionnelle.

Section 2 - La doctrine traditionnelle des droits de l'homme et les mécanismes de protection

Principalement transmise de génération en génération par voix orale, la tradition béninoise comme la plupart des traditions africaines, n'a pas produit une théorie codifiée et officialisée des droits à l'image de l'exemple occidental. Cependant, il serait faux voire illusoire de prétendre que la notion des droits de l'homme était absente dans la conception traditionnelle ou que la société traditionnelle méconnaît les droits liés à l'individu. Au contraire, l'univers traditionnel a une vision très structurée et très avancée des droits liés à la personne humaine. C'est justement de ces droits qu'il est question dans la présente section avec dans un premier paragraphe une analyse des fondements et valeurs de cette vision traditionnelle et les droits que la société reconnaît à l'individu en communauté. Le deuxième paragraphe dans son ensemble, traitera de la question des devoirs de l'individu, de la communauté et des mécanismes de garantie des droits de la personne humaine.

Paragraphe 1- La conception traditionnelle de l'individu et de ses droits

Ce paragraphe dont le but est d'aider à la compréhension de la vision traditionnelle des droits de l'individu, s'appuiera sur les fondements et les valeurs de cette société pour ensuite déboucher sur les droits réels de l'individu.

1- Les fondements et valeurs de la société traditionnelle

Une analyse de la société traditionnelle béninoise, montre qu'il existait une vision des droits de la personne humaine. C'est une société respectueuse des droits individuels notamment des droits naturels. L'individu par sa nature a des droits à respecter en tout lieu et en tout temps. Ceci témoigne que, la société traditionnelle n'a pas attendu une certaine charte ou une quelconque déclaration internationale avant de reconnaître à l'individu des droits. Ces droits sont inhérents à la personne humaine et sont respectés et protégés par des mécanismes traditionnels.

S'il existe une culture des droits de l'individu dans la société traditionnelle, il n'en demeure pas moins que, ces droits sont des droits de l'individu en communauté. D'où le lien très étroit entre individu et communauté dans cette société. Dans la société traditionnelle, la communauté c'est-à-dire le groupe existe avant l'individu. La communauté ou le groupe prime sur l'individu. L'identité d'un individu dans cette société dépend du rôle qu'il y joue et de son statut. De toute évidence, la jouissance des droits dépendra également de ces deux éléments. Au regard de ce constat, il est à souligner que, dans la société traditionnelle l'individu n'est pas indépendant, il n'appartient pas à lui-même ou encore moins n'est pas son propre souverain. L'individu dans la société traditionnelle est inconcevable comme être singulier. Il existe par le groupe et s'accomplit à l'intérieur de ce dernier, considéré à la fois comme sa condition matérielle d'existence, le cadre naturel par excellence de son épanouissement et la finalité de son accomplissement sur terre. Ses rapports avec le groupe ou la communauté sont justes guidés par l'harmonie et l'accord. Comme le précise Claudio Zanghi dans son analyse sur l'individu dans les sociétés africaines, « Exister en Afrique, c'est renoncer à l'être individuel, particulier, égoïste, agressif, conquérant, etc. pour vivre ensemble avec les autres dans la paix et l'harmonie avec les morts, avec le milieu naturel et les esprits qui l'animent13(*) ». Nous partageons cet avis car, effectivement dans la société béninoise, l'individu appartient à un tout qui est la communauté. Il fait partie de cet ensemble qui existe avant sa personne et ses actes, comportements doivent être orientés tout naturellement vers le projet de ce dernier. Il est absorbé par le groupe auquel il se fond et qui lui doit sa survie et la garantie de ses droits. L'individu pour reprendre Mohammed Hedi Sehili, selon la conception traditionnelle, « est enserré dans un réseau de liens avec ses parents, sa grande famille ou élargie, son groupe ethnique mais aussi avec les vivants, les morts, la matière et l'esprit 14(*)». Finalement, l'analyse de la conception traditionnelle, révèle que c'est dans une vision particulière où l'individu n'existe pas et où la communauté existe avant ce dernier que la tradition pense les droits de l'individu.

Mais d'aborder les droits de l'individu en société, il urge de passer en revue les valeurs qui constituent la vision traditionnelle de ces droits dans la société traditionnelle. On ne saurait comprendre l'approche traditionnelle des droits de l'individu sans chercher à savoir qu'elles sont les valeurs de cette société. D'où l'étude des valeurs traditionnelles ?

Justement au sujet des valeurs, nous retrouvons une mine gigantesque de normes, de manières d'agir et d'être, des comportements mais aussi des attitudes concernant la vie de l'individu en communauté. Les valeurs de la société traditionnelle comme l'affirme Théodore NDIAYE  sont « universelles et estimables dans leur essence, dans ce qu'elles ont de plus-être, de devoir-être ou de vouloir être pour tout  homme15(*)» Les valeurs sont constitutives de la société traditionnelle et sont faites pour l'individu et les autres. Selon Mungala, « les valeurs revêtent un caractère dynamique et permettent à l'individu de vivre en harmonie aussi bien avec lui-même qu'avec les autres 16(*)». Leur importance dans la jouissance des droits de l'individu en société est très grande. Les valeurs aident à mieux comprendre la vision traditionnelle des droits de l'individu. Ainsi par les valeurs traditionnelles qui constituent les fondements de cette société, nous retrouvons en premier l'homme, la famille, l'esprit d'appartenance au groupe, l'hospitalité, la fraternité, l'honnêteté, la parole, l'enfant, le mariage. Nous remarquons également que la solidarité est une valeur précieuse et fondamentale dans la société traditionnelle béninoise. La solidarité s'exprime traditionnellement à travers le soutien des autres membres de la communauté et plus particulièrement, la prise en charge des personnes invalides, handicapées, des vieillards et de tous ceux qui se trouvent en difficulté à un moment donné. Qu'en est-il concrètement de ces valeurs dans la société traditionnelle béninoise ?

La société traditionnelle béninoise considère la famille comme l'unité fondamentale de base de la vie en groupe. C'est l'un des principes précieux auquel le peuple béninois accorde une priorité. En effet, un individu selon la tradition est défini sur la base du groupe auquel il appartient dont principalement sa famille. La notion de famille dans la société traditionnelle béninoise est très élargie. Autrement, la famille selon la vision traditionnelle, ne se compose pas seulement d'un père, d'une mère et de leurs enfants mais englobe un groupe entier de personnes. Elle s'étend à des collatéraux à savoir : « le Hennu17(*) » composé des frères et soeurs, neveux et nièces et des amis de son clan ou tribu. La famille joue un rôle important dans la cohésion et l'union des membres qui la composent. La famille est un lieu où chacun a sa place, où les personnes âgées sont vénérées, respectées et où les enfants sont traités avec amour, gentillesse et attention. La notion de famille va au-delà de ce que nous avons vu jusque- là c'est-à-dire de ses membres vivants. Elle comprend aussi les ancêtres et les défunts dont le rôle est aussi important et nécessaire à la cohésion sociale. Les membres d'une famille ne diminuent jamais selon la tradition. Les enfants contribuent à sa croissance et les morts en sont ses membres permanents.

Quant à l'individu, il constitue le fondement même de l'existence. À travers son importance dans la société, l'individu est très précieux et n'a pas d'égal au monde. Il est le début et la fin de la communauté.

En ce qui concerne, l'esprit d'appartenance au groupe, signalons que dans la société traditionnelle, ceci est un pré requis nécessaire à la détermination de sa personne. L'esprit d'appartenance concrètement ne se réduit pas la famille nucléaire. Il va au- delà du groupe descendant du même arbre généalogique et s'étend au village, au clan, à la tribu ou à la ville. Ici, l'individu ne sent pas seul et est entouré des membres de la communauté. Il est complet dès lors qu'il fait partie de cette communauté.

Les enfants dans la société traditionnelle représentent une valeur importante à cause de leur statut d'être humain. Ils constituent la richesse première, le gain de la vie, raison pour laquelle, ils seront aimés et protégés contre le malheur. D'ailleurs, dans la société traditionnelle, un mariage sans enfant est considéré comme inutile et incomplet, car l'enfant symbolise au regard de la tradition le pouvoir, la perpétuation de l'existence humaine et du clan. L'enfant selon la tradition est le sel de la vie, la joie et l'espoir de toute la communauté.

Finissons cette partie consacrée aux valeurs par la solidarité. Elle constitue la base de toute l'organisation communautaire. La solidarité dans la société traditionnelle, était et demeure malgré la rencontre des autres cultures, le moyen par excellence de secours aux autres et de témoignage d'amour dans le respect de la dignité de la personne humaine. Elle constitue une forme de sécurité sociale. Elle se manifeste par exemple à travers un soutien aux personnes âgées, les malades, les invalides, les handicapés et les enfants. La solidarité est une norme coutumière éditée qui s'impose à toute la collectivité pour marquer son attachement aux valeurs du groupe. L'exemple des vieillards, des malades et des enfants en est une illustration parfaite. Les malades ne sont pas délaissées dans la société traditionnelle, les vieillards encore moins relégués dans des maisons d'accueil. La communauté leur témoigne son soutien à travers la solidarité et les accompagne dans leurs difficultés jusqu'à la mort. Quant aux enfants, ils sont bien aimés, élevés et soignés avec attention. Finalement, c'est dans cette vision holiste de la société avec des valeurs humaines, que la société traditionnelle béninoise, a construit son approche des droits de l'individu. Quels sont dans la réalité ces droits reconnus à l'être humain ?

2- Les droits de l'individu en communauté

En paraphrasant Légier et au regard de ce qui a été vu plus haut, la tradition béninoise est ordonnée par trois principales finalités à savoir : la préservation des forces vitales du groupe et dans le groupe les forces vitales de chaque individu, la survie du groupe, des individus qui la composent et l'équilibre imaginé entre communauté et individualité. C'est une tradition respectueuse comme nous l'avions dit des droits naturels de l'individu. Ces droits sont intrinsèques à la personne humaine, issus de la nature humaine et inhérents à chaque individu quelque soit son statut social, économique, son sexe ou son âge. La société traditionnelle avait déjà compris que, l'individu a des droits dont on ne saurait négocier la jouissance quelque soit le milieu et le temps. L'individu dans la tradition jouit d'une gamme assez large de droits à lui reconnus par la communauté dans le cadre de son organisation politique, administrative, économique et même sociale.

Parmi les lignes forces de la tradition béninoise, on retrouve des droits naturels de la personne humaine dont essentiellement les droits à la vie et à la dignité humaine, les droits à l'alimentation, aux soins, à la culture et les libertés d'expression ou de religion. Cette énumération des droits de l'individu dans la société traditionnelle béninoise est très proche de celle retenue évoquée par Fatash Ouguergouz cité par M. Mutuala. Selon F. Ouguergouz, parmi les droits reconnus et protégés par la tradition africaine, on a : « le droit à la vie, la liberté d'association notamment par la corporation des métiers, le droit à l'éducation, la liberté d'aller et de venir, le droit d'asile, le droit de propriété et le droit des personnes âgées, des femmes et des enfants à une protection spéciale18(*)». 

Au sujet du droit à la vie, la tradition béninoise en a fait le premier des droits de l'individu en communauté. Ce droit est un droit naturel reconnu et protégé au nom de la sacralité de la vie reçue par l'homme de Dieu. Il était ainsi pensé traditionnellement que, tout individu à droit à la vie et à l'intégrité physique. La tradition pense et soutient que l'individu a droit au respect de sa personne quelque soit son statut social. De ce droit découlent selon la vision traditionnelle, le droit à une famille et le droit au mariage. Le droit au mariage dans la société traditionnelle, est un droit naturel dont la finalité reste la perpétuation de l'espèce. L'homme et la femme s'unissent librement en vue de la procréation et de l'éducation des enfants fruits du mariage. Le mariage est un contrat certes qui met en jeu deux individus libres mais aussi deux voire des familles. Les personnes liées par un mariage sont traditionnellement tenues de rester ensemble pour élever les enfants. Elles s'engagent à observer les règles du mariage notamment le respect des uns et des autres et des familles. Le rôle premier de l'homme et de la femme mariés est le droit d'assurer l'entretien et l'éducation de leur progéniture. Ils sont aidés par le groupe social qui leur apporte son soutien indéfectible. Cette vision exclut le divorce. Le droit au divorce n'est pas du goût de la tradition qui privilégie la médiation sauf en cas de stérilité ou de raisons suffisamment valables. Le droit de fonder une famille est aussi très présent dans la vision traditionnelle au regard de l'importance que revêt la famille pour la communauté.

La pensée traditionnelle reconnaît également l'égalité entre les individus. Du fait que tous les individus sont créés à l'image de Dieu et dotés des mêmes capacités, ils sont tous égaux au nom de la loi naturelle. À ce point, il est à signaler que la pensée traditionnelle, considère vraiment les individus comme égaux. Il n'y a point de différences fondamentales entre l'homme et la femme, l'esclave, l'homme libre et le maître ou encore moins entre l'enfant et la personne âgée. Tous au nom de la dignité humaine sont égaux et ont les mêmes droits en communauté. Il n'était pas permis de violer impunément ce droit relatif à la dignité humaine. Toutefois, le droit à l'égalité même s'il demeure au regard de la tradition un droit qui mérite respect, n'est pas toujours dans la réalité un droit naturel garanti à tous les individus en société. L'égalité n'est que dans la société traditionnelle une égalité de principe humain mais pas vraiment en acte. Elle est très limitée par une approche de jouissance retardée ou non entière des droits de la personne reconnus à l'individu en communauté. Quant au droit à la propriété, il occupe une place importante dans la pensée traditionnelle en ce sens qu'il permet aux individus d'assurer leur survie. C'est un droit fondé sur la dignité de la personne humaine. Les individus ont reçu selon la tradition du créateur, de la nature et des ancêtres, un droit naturel et perpétuel de posséder des biens. Ce droit en revanche ne sera garanti que suivant l'esprit collectif excluant du coup l'idée d'une propriété privée. Ce sera le cas surtout de la terre considérée comme une propriété collective car c'est elle qui assure la survie et l'avenir de la communauté. Ce droit malgré cette importante limite est considéré comme essentiel pour l'homme à travers l'appropriation collective de la terre et d'autres biens en communauté.

Nous relevons également dans la vision traditionnelle d'autres droits aussi importants et fondamentaux de l'individu tels le droit à l'alimentation, le droit à un habitat et le droit à la sécurité de sa personne. Le droit à la sécurité de la personne humaine est un droit inaliénable de l'individu qui doit être protégé par la communauté. Sa protection doit être totalement garantie et sur tous les plans de la vie. C'est ainsi que, la tradition estime que l'être humain a le droit d'être protégé contre les aléas de la vie notamment, en cas de maladie, de catastrophes, de difficultés, de veuvage ou d'invalidité en respect de sa dignité humaine. Aussi, la tradition estime-t-elle qu'en respect de sa dignité, l'individu a droit à une instruction ou une socialisation. D'où le droit à l'éducation considéré comme essentiel pour l'individu en communauté. La manifestation traditionnelle de ce droit précieux se trouve dans l'initiation qui permet à l'enfant d'acquérir les connaissances nécessaires capables de le préparer à la vie adulte et de l'aider à jouer son rôle dans la société. L'individu jouit dans la pensée traditionnelle d'un droit naturel au travail. Ce droit est très essentiel car il lui permet de subvenir non seulement à ses besoins mais aussi à ceux de ses parents géniteurs et par extension aux besoins de la communauté. Le droit au travail assure l'autonomie de l'individu avec comme nuance que la communauté doit assurer les moyens nécessaires aux hommes et femmes d'en jouir dans le respect de leur dignité humaine.

Outre ces droits fondamentaux, nous remarquons aussi que la vision traditionnelle reconnaît à l'individu, le droit d'honorer la divinité de son choix dans la communauté. Ainsi, note-t-on que la société traditionnelle accepte d'une manière très prononcée et affirmée la liberté de religion. L'individu dans l'univers traditionnel, a le droit de pratiquer la religion de son choix et la communauté a le devoir de le guider et de le soutenir dans sa démarche de jouissance de ce droit primordial. C'est ainsi qu'il est observé dans la société traditionnelle que, les individus y compris les enfants, peuvent adorer différentes divinités en toute liberté mais dans un esprit d'harmonie et de cohésion sociale au sein du groupe. Il n'est pas hors de propos de rappeler que dans la société traditionnelle, il est reconnu et admis les libertés de mouvement, de circulation et de séjour dans la communauté à tout individu sans limitation. Les enfants jouissent totalement de cette liberté fondamentale dans la société traditionnelle. La liberté de circulation et de séjour est à l'origine de la circulation des enfants ou du Vì?ómåg?'n. Du fait que l'individu est ordonné à la vie en communauté, découlent les libertés d'association et de réunion dans la tradition. La reconnaissance de ces deux libertés explique la constitution des associations des hommes et des femmes notamment ceux ayant été initiés au même moment. La liberté d'association permet aux initiés de continuer leur socialisation, d'échanger des connaissances nouvelles ou encore de donner leur point de vue sur un problème précis dans la communauté. La liberté d'association est reconnue par la tradition et favorise surtout la création des groupements de jeunes, de femmes notamment des groupements à caractère festif et culturel comme les groupes folkloriques. Dans l'univers traditionnel, les libertés de pensée et de conscience sont très affirmées. Ces deux libertés sont du domaine de l'individu qui en fonction de son rôle et statut, apporte des éléments de réflexion à l'organisation sociale et à sa survie. La tradition reconnaît aux vieillards, aux femmes et aux enfants le droit à une protection spéciale en raison de leur fragilité ou vulnérabilité. Quant au droit à la santé, il se trouve dans la vision traditionnelle béninoise avec un droit d'accès aux services de féticheurs appelés « Vodounon19(*) ».

En gros, la société traditionnelle au regard de tout ce qui précède reconnaît aux hommes en communauté des droits et des libertés. Ces droits et libertés découlent du fait d'être humain des individus et du fait d'être c'est-à-dire de leur appartenance à la communauté. Les droits de la personne humaine sont garantis et protégés par la communauté à tout être quelque soit sa condition sociale ou son statut. Mais les droits de l'individu en société selon la tradition sont soumis à des devoirs, qui sont à l'instar des droits, ceux de l'individu en société. Cette perception des droits de l'homme est le produit culturel d'une dynamique entre l'individu et la communauté. Elle reflète une dialectique entre droits et devoirs de l'individu en communauté dans un premier temps et dans un second temps, les devoirs de la communauté à l'égard de l'individu. Les droits et devoirs de l'individu et de la communauté sont conçus de façon harmonieuse de telle sorte que les intérêts de l'individu et de la communauté soient assurés et protégés. Cette vision traditionnelle des droits de l'individu en communauté, constitue selon Tunguru Huaraka « la fibre morale de la société traditionnelle africaine20(*) ». Selon cet auteur, la participation de l'individu à la vie de la communauté, est un droit et un devoir qui génère pour sa personne des droits. Autrement, dans l'univers traditionnel, « la valeur de l'individu repose sur sa participation à la vie collective et son engagement envers les fins de la communauté21(*) ». Il est clairement établi que dans l'univers traditionnel, c'est en s'acquittant de ses devoirs que l'individu, peut jouir de ses droits en communauté. Les devoirs expriment et symbolisent en quelque sorte dans l'univers traditionnel béninois et africain, la garantie de ses droits et de la dignité humaine. L'individu qui ne s'acquitte pas de ses devoirs vis-à-vis de sa communauté perd en toute logique sa dignité humaine et par ricochet des droits liés à sa personne. Pour jouir de ses droits en communauté, l'individu possède un certain nombre de devoirs envers ses parents, proches, enfants..., c'est-à-dire envers sa communauté qui le rend existant. L'individu selon la vision tradition traditionnelle possède dès lors qu'il s'acquitte de ses devoirs des droits largement acceptés. Toutefois, ces droits dont il jouit et qui lui sont garantis par la communauté, ne le placent aucunement au- dessus de la masse de façon absolue. La vision traditionnelle des droits de l'homme, met en place un système dont les droits découlent essentiellement des devoirs de l'individu. D'où la préséance des devoirs de l'individu en communauté ?

Paragraphe 2- Les Devoirs de l'individu, de la communauté et garantie des droits de l'homme

La prééminence des devoirs de l'individu dans la vision traditionnelle des droits de l'homme, témoigne de la non-autonomie des droits de la personne humaine qui sont corolaires des devoirs. Les fondements de la société traditionnelle en accordant une place importante aux devoirs de l'individu, enseignent que les droits individuels découlent des devoirs de l'être en communauté. Les devoirs confèrent dans l'univers traditionnel les droits et le respect de la dignité humaine. Mais que peut-on entendre par devoir dans cet univers ? Quels sont les vrais devoirs de l'individu en société ? Telles sont les interrogations que nous essayerons d'éclairer dans ce deuxième paragraphe.

1- Les devoirs dans l'univers traditionnel

Rappelons que dans la société traditionnelle, la notion de devoir est intimement associée à l'ordre et à l'harmonie du monde notamment du monde visible et celui dit des forces invisibles. Les devoirs déterminent une organisation sociale traditionnelle dans laquelle les individus en raison de leur statut n'ont pas les mêmes devoirs et par ricochet les mêmes droits. Mais avant de préciser les devoirs de l'individu dans l'univers traditionnel, il importe de définir le concept afin de mieux appréhender son sens dans cet univers.

Le terme devoir dans un sens général renvoie à « tout acte ou conduite considérés comme s'imposant moralement ou légalement à l'individu indépendamment des ses inclinations ou antipathies personnelles22(*) ». Un devoir au sens traditionnel pour notre part est une contrainte, une obligation d'ordre moral et social qui s'impose aux hommes et femmes qui constituent la communauté ou société. Le devoir sert de guide à l'individu dans la communauté et détermine son comportement dans l'espace public vis-à-vis d'autrui ou envers la communauté. Dans l'univers traditionnel, les droits de la personne humaine sont tirés de ses devoirs. Ils occupent dans la pensée traditionnelle béninoise une place primordiale et déterminent les droits de l'individu que nous avions vus plus haut. Les devoirs situent dans cet univers la personne par rapport aux autres membres de la communauté et orientent sans doute ses comportements et actes. Cela tient essentiellement du fait que, dans la tradition l'individu appartient à une communauté et de ce fait est tenu d'observer un certain nombre d'obligations précises, strictes vis-à-vis de ses semblables et de l'organisation communautaire. Ainsi, dans l'univers traditionnel, du simple fait d'être, l'individu a certes des droits mais aussi des devoirs inconditionnels et inaliénables qui fondent la vision traditionnelle des droits de l'homme. Quatre grands principes guident l'individu dans ses rapports avec les semblables. Il s'agit notamment du respect de la dignité humaine, la responsabilité, la solidarité et la réciprocité. Tous les devoirs de l'individu et de la communauté sont conçus autour de ces grands principes dans la société traditionnelle. On retrouvera ces principaux éléments dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui consacre un chapitre entier aux devoirs de l'individu à travers ses articles 27, 28 et 29. Ces trois articles, qui traitent essentiellement des devoirs de l'individu, précisent les obligations de tout individu vis-à-vis de sa communauté, de l'État mais aussi de la communauté internationale. La vision traditionnelle béninoise est aussi construite sur cette base avec des devoirs envers les membres de sa communauté notamment des enfants, femmes, vieillards, esclaves... etc., l'organisation politique traditionnelle qui représente le pouvoir ou l'État et les autres humains considérés de nos jours considérés comme la communauté internationale. L'individu envers l'un ou l'autre de ces éléments est tenu dans la tradition de s'acquitter de ses devoirs afin de pouvoir jouir pleinement et humainement des droits liés à sa personne.

Parmi les devoirs de l'individu notés aussi bien dans la tradition que dans l'instrument africain des droits de l'homme, nous retrouvons le devoir envers la famille, le devoir de préservation ou de protection de la vie. À ces sujets, il faut dire que la coutume béninoise recommandait à tout individu vivant en communauté de préserver la vie humaine en s'abstenant de tuer ou d'attenter à la vie d'un de ses semblables. C'est un devoir pour l'individu d'oeuvrer à la préservation et à la protection de la vie humaine qui est sacrée comme nous l'avions vu plus haut. De ce devoir de préservation de la humaine découle le droit à la vie que nous avions mentionné plus haut. La tradition recommande à l'individu également d'oeuvrer à la préservation de la famille en respectant en tout temps et en tout lieu ses parents et ses proches. Le respect envers ses parents, les vieillards et les membres de la même appartenance communautaire est un devoir primordial de tout individu. Il est censé les nourrir, les loger et de les assister en cas de nécessité ou de difficultés affichées. Le devoir d'assistance aux parents, aux vieillards et aux enfants est l'un des devoirs de l'individu en communauté. L'individu a également le devoir de travailler pour assurer la cohésion familiale et communautaire en essayant de nouer des relations amicales et apaisées qui promeuvent la paix, renforcent et sauvegardent l'esprit de tolérance. Il a un devoir de travailler pour dans un premier temps gagner sa vie et dans un second temps d'aider sa communauté et contribuer à sa survie. Nous remarquons que la tradition dans le domaine du travail exprime son attachement à ses bienfaits et en fait un devoir de l'individu qui permet à l'individu de ne pas rester oisif ou devenir paresseux. Le devoir du travail au sens de la tradition, assure l'indépendance alimentaire, les besoins primaires et vitaux de l'individu au sein de la communauté. Le devoir du travail appelle le devoir d'alimentation vis-à-vis de sa famille, ses parents et ses enfants. Il importe de rappeler aussi que l'individu dans la conception traditionnelle des droits de l'homme, a un devoir de respect et de considération d'autrui sans discrimination et haine. Le devoir d'aimer son semblable voire de l'étranger comme soi-même témoigne dans l'univers traditionnel le devoir de reconnaissance de la dignité humaine. Le devoir de solidarité fait partie des plus importants devoirs de l'individu dans l'univers traditionnel. Le devoir de solidarité de l'individu en communauté envers autrui, sa communauté et d'autres communautés, est un aspect très présent et prépondérant de la pensée traditionnelle béninoise qui en a fait une de ses aspirations profondes et légitimes. La solidarité constitue à ce titre le fondement même de l'organisation sociale traditionnelle. C'est elle qui détermine toute action de l'individu. La solidarité dans l'univers traditionnel est mécanique comme le précise Emile Durkheim et se manifeste par le soutien de tout individu à un membre de sa communauté ou de la société en difficultés. Ce devoir est très encadré dans la société traditionnelle et sera à l'origine de l'une des pratiques de protection de l'enfant connue au Bénin. Il s'agit de la pratique Vì?ómåg?'n. Le Vì?ómåg?'n : un devoir à la fois de solidarité et de protection de l'enfant dans l'univers traditionnel, renvoie à un autre devoir de l'individu en communauté à savoir sa participation à l'éducation de l'enfant. En termes clairs, la tradition recommande vivement de participer à l'éducation et à la socialisation de l'enfant. L'individu a un devoir de participation très fort dans l'éducation et la socialisation de l'enfant qui représente l'espoir de la communauté. Il doit le protéger contre les actes de violences, la maltraitance, l'exploitation et la violation de ses droits fondamentaux. Dans le domaine de la participation, la tradition reconnaît le devoir de participation à la vie politique, économique et sociale de la communauté à tout individu quelque soit son rang ou statut social ou encore son rôle. Le devoir de participation à la vie communautaire demande à l'individu de s'engager au profit des objectifs collectifs de sa communauté. On retiendra entre autres devoirs de l'individu dans la société traditionnelle, le devoir de protection de l'individu de la nature c'est-à-dire de la faune et de flore, le respect des règles communautaires, le devoir de sauvegarde de la culture et du patrimoine culturel, le devoir d'obéissance aux personnes âgées et aux ancêtres sans oublier les divinités. Ce n'est qu'en s'acquittant de ses différents devoirs que l'individu est en mesure de jouir des droits dans la communauté. Ces devoirs de l'individu sont accompagnés des devoirs de la communauté. Ce qui relance la question des devoirs dans cet univers traditionnel et de son rôle dans la protection des droits de la personne humaine.

La communauté à l'instar de l'individu, a aussi des devoirs qu'elle observe quotidiennement vis-à-vis des individus qui la constituent. La communauté est tenue de s'acquitter des obligations vis- vis de l'individu. Partant, elle assume des responsabilités vis-à- vis de ses membres. Les devoirs de la communauté dans l'univers traditionnel concourent à la préservation et à la sauvegarde de la paix, de la transmission des valeurs fondamentales de la société, bref à l'épanouissement de la personne humaine. La communauté est l'autorité de référence, le garant de l'ordre social, la gardienne des valeurs traditionnelles et de la culture. Parmi les principaux devoirs de la communauté dans l'univers traditionnel, nous avons le devoir d'enseignement des valeurs telles le courage, l'honnêteté, le goût du travail, le respect des adultes et de l'obéissance aux personnes âgées. Elle a un devoir d'éducation et de socialisation des plus jeunes à travers l'initiation à la vie et aux règles de vie en communauté. Dans le domaine de l'éducation de l'enfant, le devoir de la communauté est très important tant pour sa socialisation que pour sa protection. Et pour cause, l'enfant au regard de la communauté traditionnelle, représente l'espoir et la richesse fondamentale.

Au sujet de la représentation sociale de l'enfant, il représente l'ancêtre et symbolise la perpétuation de l'espèce humaine. L'enfant est un potentiel vital et l'espoir de la communauté. Héritier des forces vitales du groupe, l'enfant, espoir de la vieillesse sera rendu roi par la communauté qui assure sa protection d'une manière très forte et réglementée. Nous reviendrons plus tard et de façon plus approfondie sur l'enfant dans la pensée traditionnelle au Bénin. Parmi les autres devoirs de la communauté, nous retrouvons dans la tradition au sud Bénin et plus particulièrement chez les fon du plateau d'Abomey, la protection des individus et du groupe social, la garantie des droits fondamentaux évoqués plus haut et le devoir du respect de la dignité humaine. Le devoir de transmission des valeurs ancestrales auquel viennent se greffer le devoir de solidarité, d'amour et d'entraide, constitue un élément essentiel de la communauté. Comme pour paraphraser Mutuala, la communauté par exemple, a un devoir d'assurer à l'individu une portion de terre pour lui permettre d'exercer son droit au travail et de propriété. La communauté a ainsi donc un devoir de garantie du droit d'exploitation de la terre et par conséquent du droit au travail à l'individu. Elle a le devoir de l'assister dans des moments de catastrophes ou de malheur et surtout de lui rendre justice en cas de conflit dans le respect de procédures propres à son organisation politique et sociale. Elle a un devoir de protection de l'individu notamment de l'enfant à qui elle assure l'éducation nécessaire pour la vie. Partant, la communauté est l'instance traditionnelle reconnue pour épauler les parents dans leur rôle d'éducation. Elle s'implique énormément dans la transmission aux enfants des fondamentaux de base en matière de socialisation ou d'éducation. Son devoir d'éducation et de socialisation est d'une nécessité vitale pour le groupe social.

Au plan social, la communauté a un devoir de pérennisation de la coutume, assimilée dans le contexte traditionnel à la règle de droit assortie de sanctions prononcées et exécutées par une instance juridictionnelle. Elle a également le devoir de protection des hommes et femmes et de maintien des liens de solidarité dans la chaîne communautaire. Elle actualise à cet effet les connaissances utiles aux hommes et aux femmes afin de consolider l'amitié, la paix et la cohésion sociale nécessaires à la survie du groupe. Toujours au plan social, il importe de rappeler que la communauté dans l'univers traditionnel béninois, a une obligation d'assurer à ses membres la santé morale, physique et mentale.

2- La garantie des droits et devoirs de l'homme dans l'univers traditionnel

La société traditionnelle béninoise antérieure à toute influence coloniale et du christianisme, présente pour l'essentiel une très grande analogie avec les autres traditionnelles d'Afrique notamment dans le domaine de la protection des droits fondamentaux de l'être humain. Dans la société traditionnelle béninoise notamment chez les Fon, la protection des droits de l'individu est du ressort de la communauté à travers la personne de son autorité centrale qui est le hennugan23(*). La société traditionnelle a mis en place un mécanisme permanent de garantie et de protection des droits de l'individu en communauté. Autrement, elle a mis en place un appareil permanent de veille, de contrôle et de décision qui assure les droits humains et le respect de la dignité humaine. La protection des droits de l'individu dans la vision traditionnelle est assurée comme nous mentionné plus haut par pouvoir politique très centralisé et dirigé par le Hennugan. Ce dernier représente un patriarche, un chef de lignée. Il est perçu comme le symbole de l'unité des fils et filles de la communauté. Il est mandaté et reconnu de tous les descendants de la tribu, de l'ethnie et du clan, pour agir au nom des ancêtres et des forces invisibles et assurer la protection des droits de l'individu. Il incarne l'autorité centrale qui exerce son pouvoir de contrôle sur les membres de la communauté et surtout de sa protection. Pour parvenir à cette mission qui est l'une des plus délicates, l'autorité centrale se fait appuyer des sages et notables qui l'accompagnent dans ses décisions et dans le respect des règles de la coutume. L'ensemble composé des notables, des sages et du Hennugan, constitue dans la société traditionnelle béninoise, le système de juridiction traditionnel qui veille sur le respect des droits et des devoirs de l'individu. Ce système garantit à l'individu les principaux droits fondamentaux dont les droits à la vie ; à une alimentation ; le droit une famille ; le droit à la propriété à travers le droit à l'exploitation de la terre et de la jouissance des produits qui y sortent. Le système traditionnel à travers l'institution d'un pouvoir politico-administratif et juridique assure sans discrimination aux forces vitales de la communauté les droits naturels reconnus à l'individu. De l'esclave à l'individu, les droits de la personne sont protégés par la communauté à travers son organe politique et juridique. La garantie de ces droits de l'individu par la communauté se réalise dans un esprit collégial et de responsabilité commune. Ce système veille également sur les devoirs de l'individu vis-à-vis de sa communauté. Ce système de protection est très complexe et se décline suivant les différentes composantes de la communauté. Ainsi, le Hennugan est l'organe ou l'autorité centrale, gardienne des valeurs et du culte qui décide de la l'organisation sociale et de la réalisation de la destiné commune ainsi que des droits de la personne humaine.

À un deuxième niveau plus réduit, la protection des droits de la personne est assurée par un chef de famille communément appelé chez les Fon Dah24(*). Ce dernier a les mêmes attributs que le chef de la communauté sur son territoire. Il doit rendre compte au Hennugan qui est l'autorité centrale de référence. Il dispose des moyens matériels et juridiques pour assurer aux membres de la grande famille placés sous son autorité, les droits fondamentaux et le respect de la dignité humaine. Tout comme dans le cas du chef de lignée, le Dah dispose d'un collège composé de personnes âgées, de femmes sages pour accomplir sa mission. Cette autorité investie par le pouvoir central, veille sur les droits de ses membres et surtout des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le respect des droits de ces différentes catégories de personnes et des hommes en général, doit occuper une place prépondérante dans sa politique de direction. Il doit rendre la justice sociale, faire respecter les règles coutumières et d'appliquer les décisions de l'autorité centrale.

Le troisième niveau de garantie des droits de l'individu, est la famille avec à sa tête le père comme autorité de droit selon la tradition. Ce dernier doit garantir et protéger les droits des personnes dont il a la charge notamment des enfants y compris ceux placés par d'autres membres de la communauté. Il doit veiller à ce que les droits fondamentaux soient respectés notamment le droit à la vie, à une alimentation, à un logement et à une vie décente. Il doit observer les mêmes obligations en matière de libertés pour les membres de sa cellule familiale. Ce dernier est placé sous l'autorité du Dah. Pour accomplir sa mission, le père de famille, se concerte avec sa ou ses femmes pour prendre ses décisions au profit des enfants. Il peut être conseillé par d'autres personnes de la famille dans le village ou campagne. Il veille à ce que les enfants soient bien éduqués et que leurs devoirs soient respectés au nom de la tradition. Voilà en gros, le cadre traditionnel de garantie et de protection des droits de la personne humaine dans l'univers traditionnel du Sud Bénin. Ce cadre juridique basé sur la tradition est un système de décision, de veille et d'actions visant à protéger l'individu afin de l'aider à s'accomplir et de contribuer à la réalisation de la destinée de la communauté.

En conclusion partielle, la vision traditionnelle des droits de la personne humaine, est une vision très particulière qui intègre l'individu au groupe et marquée comme le souligne Jean Bruyas, par « la présence au milieu des hommes d'innombrables forces invisibles, de centres de volontés constitués d'ancêtres et de génies 25(*)». La vie humaine est caractérisée par un lien étroit entre les forces du monde invisible et du monde des vivants. Toute la vision traditionnelle est basée sur cette conception qui renvoie à la vision de la vie et de la mort. Cette vision a le mérite de déterminer le sens de l'être et de la solidarité. Une deuxième grande conclusion que nous pouvons retenir de cette vision traditionnelle, est que l'individu n'existe pas en dehors du groupe. On est un être humain que lorsqu'on se reconnaît membre à part entière du groupe et quand on s'inscrit dans son projet collectif dans un lien de solidarité avec des responsabilités que l'on assume. Les individus dans cette vision se sentent solidaires les uns des autres et protecteurs des droits humains. La solidarité est indispensable pour la survie et le progrès du groupe social. Elle permet au groupe de se développer, de progresser et d'innover avec comme finalité la construction d'une société meilleure pour tous. D'autres valeurs donatrices de sens de la vision traditionnelle reflétant la destinée humaine sont entre autres la formation des fils et filles dignes de considération. L'individu dans le projet de la société traditionnelle doit être digne, un homme sensible à son environnement, un homme de grande vision et enfin un homme de langage qui respecte la parole donnée. L'individu doit être également un être du grand agir qui participe à la construction de la société et à son développement. Ses actions doivent oeuvrer à l'épanouissement du collectif. Ce n'est justement et seulement dans ce contexte que l'individu ou l'homme pourra jouir des droits. La conception établit également que l'individu doit remplir des devoirs vis-à-vis de la communauté. Cette vision conduit à la réciprocité des droits et devoirs dans la conception traditionnelle. Dans cette conception ou vision des droits de l'homme, l'enfant jouit des droits et libertés de façon étendue. Il bénéficie également d'une protection particulière de ses droits et libertés. Ce qui signifie ou sous-entend que dans la traditionnelle, la perception de l'enfant est toute particulière et donne lieu à des pratiques qui le protègent contre la maltraitance et l'exploitation. C'est le cas de la pratique Vì?ómåg?'n que nous aborderons dans le chapitre suivant pour appréhender la vision des droits de la personne de l'enfant dans la société traditionnelle béninoise d'avant toute influence coloniale et du christianisme.

CHAPITRE II- REPRESENTATION ET PROTECTION DE L'ENFANT DANS LA SOCIETE TRADITIONNELLE BENINOISE

Ce deuxième grand chapitre traite de l'enfant dans la pensée traditionnelle dans une première section, qui s'intéresse plus finement aux représentations, images et usages de l'enfant dans l'univers traditionnel et de l'idée précise de ses droits et devoirs. Une deuxième section aborde la pratique Vì?ómåg?'n : une innovation traditionnelle de protection de l'enfant dont nous retracerons les origines et son évolution au temps moderne.

Section 1- L'enfant dans la pensée traditionnelle béninoise

Cette section aborde les représentations sociales, images, usages, les droits et devoirs de l'enfant dans la société traditionnelle (Paragraphe1) mais aussi sa socialisation et son éducation (Paragraphe2). Il a été question, dans un premier temps de construire notre analyse sur la place et la représentation de l'enfant dans la société traditionnelle à travers la perception qu'elle fait de ce dernier mais aussi de sa vision et ses attentes à son égard. Un deuxième temps est consacré à la vision particulière de l'éducation et de la socialisation de l'enfant dans la société traditionnelle. Le but de cette structuration est d'apporter une meilleure compréhension et un approfondissement de l'archétype de l'enfant dans la société traditionnelle.

Paragraphe 1- Les représentations sociales de l'enfant et ses droits dans l'univers traditionnel béninois.

Comme pour paraphraser Pierre Erny26(*), l'enfant donne lieu, selon les civilisations, à de diverses représentations qu'il importe de connaître afin de comprendre sa place dans la société et de saisir en profondeur ses attitudes à son égard. L'enfant dans l'univers traditionnel béninois n'échappe pas à cette observation. Les représentations sociales de l'enfant dans la société traditionnelle occupent une place importante dans le projet collectif social et se traduisent par des images, des paroles et des usages qui méritent qu'on fasse un détour sur le sujet.

1- La perception de l'enfant par la tradition

La société traditionnelle a une vision propre et singulière de l'enfant qui place son traitement, son éducation et son intégration sociale au coeur de ses représentations sociales. Cette vision de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois découle de la vision traditionnelle de l'homme ou de la philosophie traditionnelle de la personne humaine. Dans l'univers traditionnel béninois, l'enfant occupe une place particulière. Il représente tout et un acteur social de premier plan. Il est le pilier, le centre, le sens de la vie et tout converge naturellement vers lui. Dans la pensée traditionnelle, l'enfant est considéré comme un être sacré en raison de son caractère divin. L'enfant dans l'univers traditionnel, est perçu comme un don, une bénédiction divine et son identité est plurielle. Il ne naît pas du hasard mais est une réincarnation d'un ancêtre ou d'un aïeul défunt. C'est pourquoi, il est vite perçu comme un être sacré de l'ordre divin. Il symbolise non seulement la continuité de la vie, la perpétuation de l'espèce humaine, mais aussi la continuité du clan ou de la lignée. Il assure également selon la pensée traditionnelle populaire le lien entre le monde des invisibles assimilé au monde des ancêtres et des divinités et celui des vivants, composé du monde vivant autour de nous. L'enfant représente à cet égard, la force vitale qui assure la liaison avec les forces du monde invisible des ancêtres, des divinités et des génies et le monde des humains. Il est fondamentalement perçu comme un adulte réincarné en mission humaine ou au service de la protection du clan, de la lignée voire de la communauté. De toute évidence, il représente le symbole cosmique du monde. Ce double statut de représentant de Dieu et d'être venant du monde transcendantal des morts lui assure une place privilégiée dans la société. Il lui vaut son statut d'être sacré, vénéré, respecté et craint dans la société traditionnelle. Les discours et la littérature orale ressortent son caractère sacré et témoignent du respect, de l'attention que lui accorde la société.

De même, l'enfant dans la représentation traditionnelle symbolise le pouvoir, le prestige et la richesse. En effet, l'enfant selon la représentation traditionnelle, assure une fonction sociale d'une grande importance aux yeux de la société traditionnelle. La conscience collective le considère comme la première de toutes les richesses au monde. En langue Fon, l'expression « adi vi wè gni lé27(*) » traduit cette perception et consacre sa dimension en termes de richesse. De par cette expression populaire, l'enfant est considéré ou hissé au rang de la plus haute et importante richesse dans la société traditionnelle béninoise. Il constitue de par cette considération la raison d'être de la société et fait la fierté du couple, de la famille élargie ou de la communauté. L'enfant est dès lors perçu comme le socle, le pilier autour duquel se construit et s'organise la société. C'est ce qui amène le sociologue béninois Albert Tingbé AZALOU, à affirmer que l'enfant représente, « l'espoir pour la vieillesse et une valeur fondamentale de prestige qui confère bonheur et honneur  dans la société béninoise 28(*)». Dans la pensée traditionnelle, l'enfant n'est pas que richesse, il représente aussi le pouvoir. Autrement, avoir d'enfant voire beaucoup, c'est disposer d'un pouvoir social important. De façon plus explicative, avoir beaucoup d'enfants, signifie avoir beaucoup d'alliés dans la société. Lorsqu'on dispose d'alliés sûrs et nombreux, on détient le pouvoir à travers le contrôle des instances politiques traditionnelles. Le pouvoir économique et politique sont maîtrisés par rapport au nombre d'enfants que dispose une petite famille, une grande famille et une collectivité. C'est grâce aux enfants que des familles maîtrisent l'appareil politique traditionnel, contrôlent l'armée et l'économie au sein de la communauté.

En résumé, l'enfant représente selon la pensée traditionnelle une force économique sociale, une précieuse valeur ajoutée mais aussi assure la relève de la communauté. Il représente pour un couple son apport à la société et assure le bonheur des parents d'une part et de la communauté d'autre part. L'enfant assure principalement la sécurité à la femme dans le milieu traditionnel et privilège au père. C'est pour quoi, il est perçu par la tradition comme la première richesse du monde car il garantie la survie aux parents et aux parents. C'est aussi pour cette raison que sa place dans l'organisation sociale traditionnelle est très importante. Cette place de l'enfant et son importance lui valent dans l'univers traditionnel reconnaissance et honneur. D'où tout l'intérêt que lui accorde la société qui reste très attentive à ses besoins de survie et de protection. Chez les populations du sud Bénin d'avant la période coloniale, l'enfant est perçu avant tout comme un être cher, le ciment du couple et le trésor de la vie mais aussi le créateur de liens sociaux. Grâce à l'enfant, les différentes tribus, ethnies tissent des liens d'amitié et de solidarité. Dans l'imaginaire collectif de ces populations, l'enfant joue un rôle positif très énorme dans la création des liens sociaux et du maintien de l'ordre social. Il oeuvre dans la même veine pour la cohésion, la paix et est un vecteur de développement des communautés et signe du progrès.

L'originalité de cette pensée traditionnelle de l'enfant, réside dans sa perception de l'enfant dans une vision communautaire. En effet, l'étude de la représentation sociale de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois, montre que ce dernier n'appartient pas seulement à ses parents géniteurs mais plutôt à la communauté. Il n'appartient donc pas au couple géniteur mais au groupe familial c'est-à-dire la grande famille et à la collectivité ou la communauté d'appartenance sociale, linguistique et culturelle. Son identité se construit dans un cadre communautaire. En revanche, la communauté est astreinte à des obligations, à des devoirs bien précis notamment la garantie de ses droits fondamentaux, d'une bonne socialisation et de sa protection dans le cadre du respect de sa personne. La communauté veille donc sur l'intérêt supérieur de l'enfant et est dès lors, perçue comme l'unité fondamentale, le cadre naturel où se réalise le plein épanouissement de la personne de l'enfant avec la garantie de ses droits et devoirs.

2- Les droits et devoirs de l'enfant

S'il est une erreur qu'il faudra éviter, c'est d'imaginer l'enfant dans la pensée traditionnelle sans droits, même si sa condition est ordonnée à la vie de la communauté. L'enfant dans la pensée traditionnelle de par son caractère sacré, du simple fait d'être humain et d'être, jouit bien évidemment de droits et de libertés. Avant d'aborder concrètement les droits de l'enfant dans la société traditionnelle, il importe de rappeler que, les droits dont jouit l'enfant en communauté, sont ceux réservés aux ancêtres, qui sont les seuls et vrais détenteurs de droits dans cette société. L'enfant étant un ancêtre en miniature, ses droits sont ceux des ancêtres communs et puissants de sa communauté d'appartenance. De par cette conception, il est établi que les droits de l'enfant sont ceux des ancêtres et des adultes. Parmi les droits reconnus, respectés, garantis et protégés de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois, nous avons entre autres le droit à la vie qui est le plus sacré des droits ; le droit à une alimentation (le droit d'être nourri), le droit à une maison qui symbolise le droit à une famille et le droit au logement, le droit au champ ou à la fortune représentant le droit à la propriété pour l'enfant mais également le droit à l'héritage, le droit aux mânes protecteurs qui est l'équivalent de nos jours du droit d'être protégé notamment conte le mal, la maltraitance, les abus et l'exploitation et le droit à une éducation. Nous notons également l'égalité entre enfants. Signalons que le droit à l'égalité est un principe fondamental qui caractérise l'univers traditionnel même si son application est souvent limitée. Autrement, l'égalité n'existe pas entre les hommes dans la vision traditionnelle, mais plutôt entre les membres d'une différente catégorie sociale donnée. La tradition exclut dans le monde des enfants la discrimination. Selon la tradition, tous les enfants sont égaux et méritent d'être traités avec la même attention. Revenons sur le premier des droits, c'est-à-dire du droit à la vie pour signaler qu'il constitue la base de la société traditionnelle. La vie humaine étant selon la représentation sociale collective sacrée et inviolable, nul n'a le droit de porter atteinte à la vie et plus particulièrement à celle d'un enfant. C'est ce qui explique l'attitude de la société à surprotéger l'enfant contre les méchants et les sorciers et contre tout abus. On retrouve également sous une autre expression le droit à la propriété à travers ce qui est appelé le droit à la fortune. Cette expression symbolise le droit à l'héritage qui assure la survie matérielle et économique de l'enfant. Nous avons aussi dans l'univers d'autres droits reconnus à l'enfant, notamment le droit à un nom et à une identité, le droit à la parole et le droit à la participation communautaire. En effet, c'est dans ce dernier cas qu'on retrouve le travail de l'enfant qui aide sa famille dans ses différentes tâches quotidiennes à savoir les travaux domestiques ménagers pour les jeunes filles, culture de champ, surveillance du bétail de la famille pour les jeunes garçons. L'univers traditionnel est aussi caractérisé par la grande liberté de l'enfant. Ainsi, l'enfant jouit d'une totale liberté dont la liberté de religion, la libre circulation, la liberté d'agir. Il a aussi une liberté de jeux et de loisirs très considérable. L'enfant dans l'univers traditionnel peut consacrer tout son temps aux jeux et aux loisirs sans que personne ne le lui refuse, car il est dans son droit le plus plénier. Ces différents droits et libertés font de l'enfant dans l'univers traditionnel, un enfant roi avec des droits biens reconnus, garantis et protégés par la communauté à l'endroit de sa personne. Ces droits doivent être assurés et garantis à l'enfant en raison de son immaturité intellectuelle et physique afin de lui assurer le bonheur et la protection. La particularité de la vision traditionnelle des droits de l'enfant que nous venons de voir, est qu'ils ne sont écrits nulle part encore moins rassemblés dans un quelconque document. Ils sont en revanche gravés dans toutes les consciences individuelles, collectives et dans tous les coeurs des citoyens de la communauté.

L'autre particularité de la vision traditionnelle des droits de l'enfant est que ce dernier n'a pas que des droits. Il possède aussi des devoirs vis- à-vis de ses parents et de la communauté. Ses devoirs relèvent du fait de son être et plus précisément du fait que les parents et la communauté sont ceux qui lui assurent l'existence, la survie et la protection de ses droits. C'est ainsi que malgré son jeune âge, l'enfant dans l'univers traditionnel est lui aussi astreint à des devoirs bien détaillés. Ces devoirs contrairement aux droits sont nettement énumérés montrant leur prééminence dans la société traditionnelle béninoise voire africaine. Parmi ces devoirs de l'enfant, nous notons en premier l'obéissance. Le devoir d'obéir aux personnes adultes, aux personnes âgées traduit la volonté de la société de reconnaître la place accordée à l'expérience. L'enfant a un devoir social d'obéir à ses parents et aux aînés. Ce devoir instaure dans la société traditionnelle le droit d'aînesse et à pour limite, la privation pour l'enfant de critiquer ou rejeter la parole de l'adulte et d'exprimer avec liberté son opinion. Il le contraint également à la soumission aux personnes plus âgées dans l'organisation sociale. C'est ainsi qu'au nom de ce devoir, les personnes adultes décident et agissent au nom de l'enfant, chose contraire à la conception actuelle des droits de l'enfant comme nous le constatons dans les différents instruments internationaux de protection de l'enfant. Cette vision vient en contradiction en quelque sorte à tout ce qui a été développé concernant notamment la jouissance sans limite des droits par l'enfant en raison de son statut d'ancêtre dans la communauté mais s'explique par le but du projet collectif de sa socialisation. L'enfant a également un devoir de participation aux travaux domestiques et champêtres de ses parents, le devoir de respecter, d'aider et d'assister quelque soit la circonstance les vieillards en cas de besoin. Il est aussi recommandé à l'enfant dans l'univers traditionnel béninois de servir sa communauté d'appartenance en mettant ses forces et capacités physiques et intellectuelles à sa disposition. Il lui est demandé également de sauvegarder la tradition à travers la préservation des valeurs culturelles, des normes et de la coutume. Au cas où, l'enfant ne s'acquitte pas de ses différents devoirs, ses droits en société peuvent lui être refusés ou non garantis par la collectivité. Mais vu que la société a un devoir de garantir les droits de l'enfant et de les protéger, une autre solution peut être envisagée si l'enfant n'arrive pas à observer ses obligations sociales. Il s'agit du recours à la punition ou sanction. D'où l'importance de la question de la sanction dans la représentation sociale de l'enfant. En effet, la représentation collective traditionnelle de l'enfant, considère la sanction qu'elle soit physique ou autre, nécessaire pour éduquer, socialiser et garantir les droits de l'enfant. La sanction participe à la transformation de l'enfant notamment sert à lui donner un caractère d'être humain dans le monde des vivants. Ainsi, il peut être corrigé s'il ne respecte pas ses obligations mais de façon très modérée et humaine avec un objectif social : la perfection de sa personne humaine.

Au total, l'enfant dans l'univers traditionnel jouit d'une variété de droits limités dans une certaine mesure par la communauté avec des devoirs énumérés en dépit de son jeune âge. Ce qui pourrait laisser à conclure que la conception des droits de l'enfant reste ambiguë et floue. Cette confuse situation n'empêche pas pour autant de relever l'originalité du système traditionnel de droits de l'enfant avec des droits inaliénables et inconditionnels d'une part, et des devoirs inaliénables et inconditionnels d'autre part pour l'enfant. Ce détour précieux dans cette étude, qui aborde la question de la représentation de l'enfant, de ses droits et devoirs dans l'univers traditionnel a un avantage certain, celui d'appréhender le système traditionnel de socialisation de l'enfant. C'est ce que nous aborderons dans ce second paragraphe consacré à la question de l'intégration de l'enfant à la vie sociale de la communauté.

Paragraphe 2- La socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel

Dans la société traditionnelle béninoise, la question de l'intégration de l'enfant revêt une importance particulière. L'intégration de l'enfant est réalisée de façon progressive et marque son passage du monde des ancêtres et des forces invisibles au monde des humains. Cette rupture du monde des ancêtres entre dans le cadre du processus de sa socialisation. L'intégration constitue explicitement dans le contexte traditionnel à préparer, former l'enfant à la vie communautaire notamment dans ses aspects politique, économique, religieux, familial, professionnel et organisationnel. L'intégration de l'enfant constitue en somme une sorte d'instruction civique et d'éducation de sa personne.

1- La socialisation de l'enfant

La socialisation selon Rocher, est « un processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise, tout au cours de sa vie, les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l'influence d'expériences et d'agents sociaux significatifs et, par là, s'adapte à l'environnement social où elle doit vivre...29(*) ». Au regard de cette définition, nous pouvons qualifier la socialisation d'une démarche sociale dont le but, est de permettre à l'enfant l'apprentissage des règles de la vie et d'intériorisation des normes socioculturelles de son milieu. Ainsi, la socialisation permet à l'enfant de forger sa personnalité, son identité et de s'adapter au groupe social. On remarque dès lors que la socialisation est un processus de préparation à une vie réussie, complète et épanouie de l'enfant. C'est la thèse soutenue par KWADZO Amewusika Boévi Tay, qui définit la socialisation de l'enfant comme « un processus d'inculcation par lequel, l'enfant, acquiert des connaissances, apprend à s'adapter au groupe ou à la société et à se comporter d'une manière approuvée30(*) ».

La socialisation permet donc à l'enfant, en somme, d'acquérir un savoir-faire, un savoir-vivre et un savoir vivre à partir des éléments culturels du groupe social auquel appartient l'enfant. Au-delà de cette réflexion sur la clarification du concept, la socialisation joue une fonction sociale importante. Nous retiendrons entre autres fonctions, le conformisme aux des règles communautaires, le contrôle social et surtout la fonction d'intégration. C'est cette dernière fonction qui nous intéresse dans notre analyse. Ainsi, dans l'univers traditionnel béninois, il importe de souligner que, la socialisation d'un enfant se fait tout au long de l'enfance et s'étend à l'âge adulte. Elle est graduelle et tient compte surtout de l'âge de l'enfant, de son sexe et de son rang social. Dans la société traditionnelle béninoise, deux sortes de socialisation sont nettement distinguées et méritent qu'on s'y attarde. On remarque en gros dans la société traditionnelle, une première forme de socialisation de l'enfant qui est une oeuvre essentiellement affectée à la mère. En effet, c'est la mère qui faut acquérir à l'enfant les comportements primaires notamment ceux relatifs à son corps et à l'entourage. La maman dans cette période de socialisation que nous qualifierons de primaire, prend soin de l'enfant et le protège contre le mal en établissant entre et l'enfant une relation de type fusionnel.

La socialisation secondaire par contre, est plus large et se fait par l'intermédiaire de la communauté dans son ensemble. C'est une phase qui requiert également la participation des enfants de la même classe d'âge de l'enfant notamment ses amis d'initiation. La socialisation secondaire connaît dans sa phase pratique, des événements très importants symbolisant la marche de l'enfant vers l'âge adulte. Il s'agit des initiations dont les connues sont celles qui se déroulent dans les bois sacrés. Nous avons également la circoncision, la naissance de son premier enfant, de l'éducation sexuelle et bien entendu du mariage qui sont d'autres éléments de socialisation par excellence de l'enfant dans l'univers traditionnel. En ce qui concerne les agents de socialisation, on retiendra surtout les parents géniteurs mais aussi la grande famille, dans une certaine mesure la communauté et les groupes d'initiés voire sociaux. Ces différents agents sont mandatés pour agir tout au long de la socialisation de l'enfant et prendre en charge l'ensemble du processus devant aboutir à faire de lui, un citoyen complet et utile à la communauté. La socialisation de l'enfant prend aussi en compte le volet protection de l'enfant, qui est l'un des principes qui régit la vie.

La socialisation d'un enfant dans l'univers traditionnel passe prioritairement par son accueil dans la société mais aussi par tout ce qui relève de sa survie notamment de sa préparation à la vie. Innombrables sont dans la pensée traditionnelle béninoise, les pratiques ou rites caractéristiques de l'accueil d'un enfant. Chez les Fon, les essentiels rites d'accueil et d'intégration d'un enfant sont entre autres, les cérémonies de « Sunkunkun31(*) » et de « Vidéton32(*) ». Ces deux cérémonies, rites de présentation de l'enfant aux forces cosmiques c'est-à-dire aux astres et aux «hommes, revêtent une importance capitale pour le devenir de l'enfant. Ces deux précieux rites ont des bienfaits certains pour l'enfant et son avenir. Selon la tradition, un enfant pour qui ces deux rites n'ont pas été effectués ou sont négligés, ne sera pas épanoui dans sa vie adulte. Il a toutes les chances de représenter pour la communauté une tare ou un cas social difficile à gérer plus tard. Le troisième rite important d'intégration de l'enfant chez les Fon est le rite « agbassa33(*) ». Il marque la fin des rites d'accueil et d'intégration à la communauté et consiste à la consécration du nouveau-né par un aïeul. Il se déroule pour la plupart du temps en présence des membres des deux familles (maternelle et paternelle) de l'enfant afin de désigner l'ancêtre protecteur de l'enfant communément appelé Joto34(*). Au pays fon, la conscience collective pense que, la responsabilité de l'ancêtre protecteur dans la conception et à la formation de l'enfant est grande. Ce dernier selon la représentation collective, l'ancêtre protecteur est celui qui prendra soin de l'enfant. Dès lors, il ne reste plus à l'enfant de grandir en sagesse et d'acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice de sa future vie d'adulte sous les regards attendris et de sollicitude des parents géniteurs et de la communauté.

Signalons que pour la suite, la socialisation de l'enfant se poursuit selon son développement physique et son âge à travers des initiations telles les initiations dans les bois sacrés, la circoncision et surtout l'initiation au travail. L'initiation très précoce de l'enfant au travail, est perçue dans la tradition comme une initiation aux valeurs de l'effort. Cette initiation au travail concerne les travaux légers notamment quelques travaux domestiques et champêtres, qui permettent à l'enfant de développer le goût au travail et servent à le préparer à la vie d'adulte responsable et utile à sa communauté d'appartenance. Cette initiation au travail était bien réglementée en ce sens qu'elle doit éviter de porter atteintes aux capacités physiques de l'enfant et à ses droits. Chacune des instances traditionnelles de socialisation (parents, grande famille et communauté), a un regard de contrôle sur l'intensité de la participation de l'enfant. Chacune doit veiller à ce que le travail de l'enfant, soit le plus humain possible et visé son bien- être. Cette vision permet d'appréhender le travail de l'enfant dans la société traditionnelle que nous verrons plus tard à travers la pratique Vì?ómåg?'n.

Si la socialisation de l'enfant dans cette société demeure un élément primordial, elle n'est réussie que lorsqu'elle s'appuie sur une éducation bien réussie. D'où la relation entre la socialisation et l'éducation de l'enfant. En effet, avec les rites d'accueil, d'intégration et les soins prodigués à l'enfant, commence l'éducation de l'enfant. L'éducation est définie selon le dictionnaire Larousse comme l'action d'éduquer, de former et d'instruire quelqu'un. C'est aussi toute action concourant au développement des facultés physiques, intellectuelles et morale, à l'acquisition de la connaissance et de la pratique des usages et savoir-faire de société d'une personne notamment d'un enfant. Selon Jean-Pierre FAYE, « éduquer d'un point de vue formel, c'est développer, insérer l'individu dans une dimension sélective sociale, spirituelle, culturelle...etc. 35(*) ». Eduquer un enfant dans la société traditionnelle, c'est l'humaniser et assurer son intégration dans un clan ou une tribu. Cela présuppose que la société transmet à l'enfant un ensemble de valeurs, principes et normes appropriées à sa vision du monde ou qui correspondent à l'idéal auquel elle aspire.

En milieu fon, le terme « Vikplonkplon36(*) », est celui utilisé pour désigner cette mission de la communauté.  La particularité de l'éducation dans l'univers traditionnel, est quelle revêt un caractère pluridimensionnel collégial, pragmatiste, fonctionnel et intégrationniste. L'éducation d'un enfant dans cet univers est une mission collective qui vise à lui faire acquérir un savoir- faire, un savoir vivre et l'initier aux valeurs morales, civiques et éthiques de sa communauté d'appartenance. L'éducation dès lors devient un fait social de grande importance car elle assure non seulement la transmission à l'enfant des codes et principes mais aussi les principales lois qui régissent sa communauté mais aussi de le préparer pour la vie d'adulte. L'éducation d'un enfant dans le milieu traditionnel, implique aussi bien les parents géniteurs, la famille que la communauté dans son ensemble. Ce caractère collégial du modèle éducatif traditionnel traduit en quelque sorte la forte responsabilisation des acteurs de la société. Ce qui confirme l'idée que l'éducation est une action communautaire et collective assurée par tous les membres de la communauté. L'éducation en milieu traditionnel est co-éducative, citoyenne et très participative. C'est un devoir collectif et tout manquement à cette obligation sociale déstabilise la cohésion sociale. Le caractère fonctionnel de l'éducation se mesure à travers les valeurs qu'elle véhicule et transmet à l'enfant, lesquelles doivent tenir compte de l'environnement physique et de ses réalités sociales. L'éducation dans l'univers traditionnel est une éducation qui imite les gestes et faits de l'adulte. Elle remplit une fonction primaire de préparation de l'enfant à la mémorisation des valeurs de liberté, d'initiative, de paix et surtout de solidarité envers sa communauté d'appartenance. L'éducation dans l'univers traditionnel met particulièrement en jeu un enfant qui n'est qu'un apprenant, un réceptacle au service d'un ou des maîtres détenteurs de connaissances. Elle est pragmatiste et intégrationniste en ce sens qu'elle permet à l'enfant de s'insérer dans un tissu social large et sécurisé qui lui assure ses droits et le protège. L'éducation dans le milieu traditionnel est adaptée à l'âge de l'enfant, ce qui confirme son caractère continu et progressif. L'ensemble de ces éléments qui participent à l'intégration, l'accueil et l'éducation de l'enfant constitue la trame de la socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois. Pour réussir sa mission de socialisation, la société traditionnelle mobilise certains outils dont les plus connus sont les contes, les proverbes et les jeux.

2 - L'univers traditionnel béninois et les moyens de socialisation d'un enfant

La société traditionnelle à l'instar des autres sociétés d'Afrique noire, dans sa mission de socialisation de l'enfant utilise un panel de moyens traditionnels. Ces moyens d'éducation et de socialisation de l'enfant sont principalement les contes, les proverbes sans oublier les jeux. En milieu Fon, les contes et les proverbes sont fortement mobilisés pour socialiser l'enfant. Les contes et proverbes servent à former la personnalité et sont très bien inscrits dans les mentalités. S'ils ont de ce fait une importance sociale et éducative reconnue, c'est parce qu'ils sont riches en enseignements et en valeurs pour l'enfant. Les contes renferment à eux seuls les nombreux et riches enseignements de la tradition transmis de génération en génération. C'est pour cette raison qu'ils sont plébiscités en tête des outils traditionnels de socialisation, d'où leur importance aussi bien pour l'enfant que pour la société. Les contes dans ce milieu constituent un précieux outil d'éducation car nous dit Maximilien QUENUM, ils « ... cachent sous un voile d'une amusante fiction de puissantes leçons de morale37(*) », qui servent à façonner l'enfant et le rendre utile pour la communauté. Les contes, ces historiettes racontées aux enfants par les adultes notamment les grands-parents à la tombée de la nuit ont un double objectif d'enseignement et d'activité ludique. Autrement dit, les contes enseignent aux enfants les valeurs tels le courage, l'obéissance, le respect de l'autre, la solidarité, le partage, la discrétion et l'honnêteté. Ils enseignent le bien et découragent le mal qui ne favorise pas l'épanouissement de l'être humain. Les contes apprennent à l'enfant à s'éloigner de tout ce qui est vice et défaut nuisibles à son bien-être comme l'avidité, la gourmandise, la cupidité, la jalousie et l'orgueil. Les contes servent également à développer chez l'enfant certains comportements appréciés dans la société comme le respect de la parole donnée ou reçue et l'habileté. Les contes constituent pour finir un véritable outil de protection de l'enfant.

Quant aux proverbes, ils sont très courts, précis et détaillés avec comme objectif l'enseignement du bien et découragent le mal. Les proverbes sont de petites anecdotes se présentant entre deux personnes très drôles dont le but est de corriger les tares de la société traditionnelle. On y a recours quotidiennement pour éduquer l'enfant aux bonnes habitudes et comportements acceptés par le groupe social. Les proverbes enseignent à l'enfant appelé à devenir adulte, l'amour du prochain et du travail, la prudence, la générosité, la patience et surtout le respect du bien commun. Les proverbes défendent les plus fragiles notamment l'innocent, l'orphelin, la veuve, le vieillard mais aussi l'enfant première richesse de la communauté qu'ils cherchent à protéger avec simplement de la parole.

En résumé, les contes et proverbes sont d'une grande nécessité à l'éducation et à la socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel en raison de l'absence d'institutions formelles comme l'école. Mais l'éducation et la socialisation de l'enfant pour être efficaces et complètes, ont besoin de s'appuyer sur d'autres outils comme les devinettes et les jeux. En ce qui concerne principalement les jeux, ils servent à développer les capacités physiques, intellectuelles et artistiques de l'enfant. Les jeux dans l'univers traditionnel servent à développer chez l'enfant la mémoire et de renforcer son esprit de partage et de solidarité. La place qu'occupent les jeux dans l'univers traditionnel sans institutions spécialement dédiées aux activités ludiques est très considérable en ce sens qu'ils accompagnent l'enfant dans son processus de développement personnel. On rencontre les jeux au début et à la fin de toute l'activité de l'enfant qui joue en toute liberté. Les jeux dans l'univers traditionnel sont conçus en fonction de l'âge de l'enfant et demandent un véritable travail de réflexion et d'imagination. Les jeux ont pour finalité en milieu traditionnel de faire découvrir à l'enfant sa classe d'âge mais ausi de lui faciliter la maîtrise de son environnement, de l'amener à affronter les épreuves et à relever les défis dans un esprit collectif. D'où leur fonction socio-éducative.

Somme toute à travers cette section, nous venons d'aborder les questions de la représentation sociale et de socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois. Il ressort de notre développement que, selon la conscience collective traditionnelle, l'enfant est un être précieux, sacré et le plus cher au monde. Il est perçu également comme un ancêtre, une divinité, un génie et une force invisible. Son statut d'être fragile, vulnérable et sans défense, a tôt fait penser dans la représentation traditionnelle à sa protection. L'enfant dans cette logique, a des droits qui sont inaliénables qui méritent garantie et protection de la part des adultes. L'enfant apparaît clairement comme un véritable sujet de droit avec des droits et devoirs bien distingués inscrits dans les consciences individuelle et collective. Sa protection a fait l'objet d'une création originelle à travers la pratique Vì?ómåg?'n que nous allons aborder dans notre seconde section.

Section 2- Le Vì?ómåg?'n comme une invention originelle de protection de l'enfant au Bénin : Origines, fondements et évolutions

En introduction à cette section, il convient de signaler qu'elle aborde la problématique de la protection de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois avant l'adoption de normes modernes. Elle essaie de souligner la vision traditionnelle de la protection de l'enfant au sens global à travers l'originelle invention de la pratique Vì?ómåg?'n. Afin de mieux appréhender cette vision, notre analyse s'est évertuée dans un premier temps à souligner son caractère ancien en remontant à ses origines, préciser ses principes fondamentaux et à retracer son évolution dans la société béninoise (Paragraphe1). Dans un second temps, l'analyse montre concrètement en quoi, cette pratique se révèle être un moyen traditionnel de protection de l'enfant par le tiers et la communauté (Paragraphe2).

Paragraphe 1- Des origines, fondements et évolutions du Vidomègon

Tout le monde s'accorde à reconnaître dans la société béninoise les bienfaits de la pratique Vì?ómåg?'n. C'est une pratique coutumière de promotion sociale, de respect des droits et de protection de l'enfant. Nous essayerons de retracer ses origines et ses fondements et son évolution après une clarification nécessaire du concept même qui fait objet de notre étude.

1- Définition, origines et fondements du Vidomègon

La pratique Vì?ómåg?'n, est une pratique qui a lieu depuis la nuit des temps dans la société traditionnelle béninoise. Elle consiste pour une famille à confier ou à placer son enfant à un membre de la grande famille, un proche ou une amie. Son objectif originel est d'assurer la socialisation et la protection de l'enfant. C'est une pratique de solidarité et d'entraide entre les membres du même clan ou d'une collectivité qui garantit à l'enfant un mieux être social. C'est  « l'une des formes de solidarité entre les membres d'une même famille, d'une même collectivité ou d'une même communauté38(*) » selon Claire HOUNGAN AYEMONA. Le Vì?ómåg?'n est « une sorte de rééquilibrage social et de justice alliant la socialisation et la protection de l'enfant dans un système traditionnel de placement »39(*). C'est une noble et respectable pratique de promotion et d'ascension sociale d'un enfant dont le but ultime reste son épanouissement dans la communauté et la garantie de ses droits fondamentaux élémentaires. C'est pourquoi, elle reste très ancrée dans les consciences individuelle et collective, persiste et résiste malgré les différents progrès notés au sein de la société.

La pratique de placement d'enfant dans la société béninoise, reste un fait socioculturel de socialisation et de protection de l'enfant dont les origines remontent vraisemblablement très loin dans l'histoire du pays. D'aucuns affirmeront qu'elle est et demeure la première forme publique de protection de l'enfant connue au Bénin. C'est une pratique aussi vieille qui remonte selon certains socio-anthropologues à la constitution des premières communautés de vie de l'aire culturelle fon adja-Tado. C'est une invention des autochtones qui a existé avant l'avènement de la conquête du centre Bénin par les « Agasùvi »40(*) au XVIIème siècle. Autrement, la pratique est plus vieille que l'histoire du Danxomè. Historiquement, le placement ou le confiage d'un enfant à un tiers pour sa socialisation fait partie de la coutume, de la tradition des peuples autochtones. Au départ, le placement ne concernait que les garçons qui sont la colonne vertébrale de la communauté. Il va s'étendre bien plus tard aux filles mais restera très limité et consistera à apprendre à ces dernières les fondamentaux de la vie de femme et de mère au foyer. Les frères et soeurs s'échangeaient les enfants afin d'en assurer leur socialisation. Confiés très jeunes, les enfants vont être initiés aux normes de la communauté, aux règles de la vie en communauté et aux différentes techniques voire métiers pratiqués par la communauté. C'était une pratique très démocratisée qui a lieu entre les membres d'une même descendance.

À l'avènement de la création du royaume du Danxomè, la pratique sera plus organisée et structurée. Elle a été vite récupérée par la royauté qui en fait son outil privilégié de socialisation des princes et princesses. En effet, les différents rois de la « dynastie des Houégbadja » au centre du Bénin, qui vont se succéder y ont recours afin de garantir à leur descendance la socialisation et l'éducation nécessaires pour gouverner mais aussi pour vivre dans la société en harmonie avec ses règles, normes et coutumes. Les princes et princesses étaient confiés à des nobles parfois à un simple citoyen dont la réputation de combat, en techniques de guerre, en savoirs mystiques, médicaux et l'humilité sont reconnus de tous et s'imposent. Ces personnes choisies au sein de la noblesse de la société et honorées ainsi vivent cette pratique comme signe de leur reconnaissance sociale et ont de ce fait une lourde responsabilité dans la socialisation et le devenir de l'enfant confié. C'est pour cela qu'elles joueront leur rôle d'éducateur et de protecteur de l'enfant avec amour. Il arrivait que des royaumes frères, amis ou alliés se confiaient leurs princes et princesses pour en assurer l'éducation qui ouvre les portes des honneurs. Le cas le plus illustratif est l'exemple entre le royaume de Porto- Novo et celui du Danxomè au XIXème siècle où le jeune DASSI, dernier roi de Porto-Novo connu sous le nom de Toffa 1er, a été confié et élevé par les nobles du royaume frère du Danxomè. C'est en effet, grâce au placement traditionnel c'est-à-dire du Vì?ómåg?'n, qu'il a pu développer les qualités d'homme politique très fin qu'on lui reconnaît. Il en est de même pour sa capacité d'écoute de son peuple, ses qualités de négociateur en matière de relations internationales sans oublier les techniques de guerre.

Par la suite, la pratique tombera dans le champ de l'aristocratie où les nobles y ont souvent et pendant longtemps recours pour assurer l'éducation de leurs enfants. Vers la fin du déclin du royaume de Danxomè au XXème siècle, les citoyens se réapproprient la pratique et la démocratisent. Les familles pouvaient dès lors replacer librement un ou plusieurs enfants à un proche ou ami qui se charge de la socialisation de l'enfant faisant objet du placement. Le tuteur reçoit des parents la délégation partielle parfois totale du droit de paternité et est le seul responsable de l'éducation de l'enfant. L'autorité parentale se trouve donc exercée par le tuteur qui de ce fait à des obligations vis- à- vis de l'enfant. Nous pouvons citer en autres, l'obligation d'assurer une alimentation à l'enfant, l'obligation de le nourrir, de le former ou de l'instruire, de lui garantir un toit, de lui assurer des vêtements décents et de préserver sa vie. L'enfant dans la famille d'accueil est considéré comme l'enfant légitime de la famille. À ce titre, il a les mêmes droits que les enfants légitimes et traité comme tel sans discrimination aucune. Il bénéficie des mêmes règles de protection.

Voilà donc les origines de cette pratique dont les fondements sont la socialisation et l'éducation de l'enfant. Les fondements de cette pratique telle qu'elle a été pensée à l'origine, sont le respect de la dignité de l'enfant, la garantie de ses droits fondamentaux élémentaires et de ses libertés, la protection de l'enfant et la solidarité. Concernant la solidarité, la pratique Vì?ómåg?'n, reste l'un des signes de la vision de justice sociale et d'entraide entre les membres de la société à l'époque traditionnelle. La solidarité est le coeur de la pratique Vì?ómåg?'n. C'est elle qui doit guider selon la vision traditionnelle, l'éducation ou la socialisation d'un enfant. L'autre particularité de la pratique Vì?ómåg?'n est qu'elle assure une fonction sociale pédagogique d'une grande importance en ce sens qu'elle constitue un moyen par excellence de socialisation et de l'enfant. La pratique assure l'égalité des chances à tous les enfants de la société et oeuvre pour qu'ils se développent et s'épanouissent sans être inquiétés par la violation de leurs droits.

2- Evolution de la pratique Vì?ómåg?'n au Bénin

À propos de l'évolution du Vì?ómåg?'n, nous notons trois grandes phases, qui reflètent chacune la représentation temporelle sociale et la vision de protection de l'enfant au sein de la société. Selon chacune de ces phases d'évolution, l'accent sur mis sur la surprotection ou la protection tout court de l'enfant.

La première grande époque marquant l'évolution de la pratique Vì?ómåg?'n, remonte à l'époque coloniale où l'instruction va faciliter son développement. Ce fut la première révolution où le Vì?ómåg?'n sortira du cadre traditionnel familial villageois pour les pôles urbains. En effet, au temps colonial, des milliers d'enfants issus de ménages ruraux, ont été placés chez la poignée de cadres travaillant dans l'administration coloniale et dans ses structures de démembrement au niveau cantonal. Ces cadres avaient été sollicités par les parents ou proches de la famille restés au village, pour la garde d'un ou plusieurs enfants, qui vont être scolarisés, ou suivre une formation qualifiante pour exercer un métier dans la société. Placer son enfant au temps colonial, auprès d'un cadre modèle, c'est un privilège et la garantie d'un avenir meilleur pour ce dernier. D'ailleurs, les premiers cadres dahoméens ont été pour leur grande majorité d'anciens enfants placés c'est-à-dire des Vì?ómåg?'n. Joseph GNONLONFOUN, ancien ministre des droits de l'homme, reconnaît le bien que cette pratique lui a apportée. Il affirmait dans une émission que lui, « qui est un enfant issu d'une famille modeste, a eu la chance d'avoir reçu une instruction qui a lui permis de réaliser ses rêves d'enfants et de satisfaire ses besoins grâce à cette pratique ancestrale très originelle de Vì?ómåg?'n41(*) ». Il reconnaîtra de façon plus précise que « le fait d'avoir été un enfant placé, lui a permis de forger ses aptitudes et de devenir un homme épanoui 42(*)». Ce fut le cas pour des milliers d'enfants qui vont migrer vers les centres urbains pour y être scolarisés et éduqués pour leur propre bonheur. Cette tendance nationale amorcée va progressivement s'accentuer et connaîtra une hausse aux indépendances avant de se généraliser plus davantage pendant la période révolutionnaire.

Cette période symbolise la démocratisation et la généralisation de la pratique au service de l'enfant notamment de l'enfant issu d'un milieu pauvre et défavorisé. Avec la modernisation du pays et la construction des grands centres de formation dans les milieux urbains, des enfants de milieux ruraux vont pouvoir se former en s'appuyant sur la solidarité et plus singulièrement sur le Vì?ómåg?'n perçu à notre avis comme un système qui participe de la solidarité nationale, de la protection de l'enfant et de l'obligation des uns et des autres envers les enfants. La campagne de scolarisation de tous les enfants annoncée par le gouvernement révolutionnaire qui assurait fournitures, alimentation et bourses aux enfants, généralisera une pratique qui jusque-là était réservée aux personnes qui ont des parents vivants en ville. À partir de cette politique de scolarisation massive des enfants, certains ménages accueilleront au minimum trois enfants qui pour la plupart ne sont pas issus de leur famille d'origine. Ces ménages ont contribué à l'essor sans précédent du Vì?ómåg?'n. Le Vì?ómåg?'n a un avantage pour les différentes parties concernées à savoir les enfants, la famille d'accueil et les parents géniteurs.

Pour le tuteur, le fait d'accepter un Vì?ómåg?'n au sein de sa famille est une opportunité formidable, car ce dernier l'aide à accomplir ses tâches ménagères contre l'assurance et la garantie d'une scolarisation et d'une bonne éducation. Il lui permet de bénéficier de l'aide précieuse de la famille d'origine de l'enfant. Cette aide est généralement constituée de denrées alimentaires plus chères dans les centres urbains. Pour les parents de l'enfant, le fait d'avoir un enfant « akowé 43(*)», est une chance et un gage d'une vieillesse épanouie et assurée. Un enfant  « akowé », dans l'imaginaire collectif est le symbole de la réussite sociale. C'est pour quoi, les parents s'évertueront à en avoir un à travers l'opportunité que leur offre le système traditionnel du Vì?ómåg?'n. Concernant l'enfant placé, la pratique constitue pour lui une chance énorme, car il reçoit une éducation et une scolarisation qui le préparent à la vie. Il a droit à une scolarisation, à un logement à une alimentation et le droit à une famille qui l'élève dans la dignité et le respect de ses droits fondamentaux élémentaires. Ces différents avantages ainsi énumérés ajoutés à la volonté du pouvoir central de garantir la scolarisation à tous les enfants du pays, ont favorisé la généralisation et le succès observés de la pratique dans les années 70 et 80. D'autres motifs expliqueront l'essor de cette pratique notamment la concurrence entre les familles, les collectivités et les régions, qui ont beaucoup oeuvré pour que leurs enfants profitent de cette aubaine. Toutes les régions du pays en ont profité à cette époque et se sont battues pour trouver une famille d'accueil à leurs enfants en ville. Riches ou pauvres, analphabètes ou instruits, la motivation était la même et la mobilisation générale. Aucun ménage, aucune famille n'échappait à cette période au phénomène qui prend donc une ampleur très considérable. Jusque-là, le placement d'enfant se déroule dans un esprit d'entraide, de solidarité ou d'échanges culturels c'est-à-dire entre les différents peuples. Il respecte les droits de l'enfant avec des contraintes aussi bien pour les tuteurs, les parents et les enfants placés ou confiés.

Mais avec le renouveau démocratique, les moeurs changent, les mentalités évoluent également et la pratique va être progressivement détournée de son esprit originel. L'esprit originel de solidarité va être pervertie avec au final, l'avènement d'une nouvelle perception de l'enfant. L'enfant, notamment le Vì?ómåg?'n à partir des années 90, ne va plus être perçu comme un trésor, une personne à socialiser avant tout et ses droits progressivement vont être violés. Le placement d'enfant revêt alors un aspect plus économique que d'entraide sociale. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Nous pouvons citer en autres, la crise économique des années 80, la naissance des familles nucléaires et l'éclatement de l'esprit communautaire. Tous ces facteurs ont contribué à la nouvelle évolution du Vì?ómåg?'n que nous aborderons dans notre deuxième partie à travers le terme plus consacré de « phénomène Vì?ómåg?'n », devenu une problématique de droit de l'homme et particulièrement de l'enfant béninois.

Malgré cela, il faudra retenir que le Vì?ómåg?'n reste un phénomène social culturellement ancré dont la vision de base est la protection de l'enfant. C'est ce que nous démontrerons dans notre deuxième section avec comme arguments l'originalité et la vision traditionnelle de la protection de l'enfant au Bénin.

Paragraphe 2- La pratique Vì?ómåg?'n et la problématique de la protection de l'enfant

La protection de l'enfant apparaît comme une valeur fondamentale dans l'univers traditionnel béninois. Le devoir de protection des enfants et plus particulièrement ceux qui sont placés auprès d'une autre famille est une exigence réglementée par les instances traditionnelles publiques. L'enfant placé ou confié a fait pendant longtemps, l'objet des préoccupations essentielles de la société traditionnelle. À propos de la protection de l'enfant, rappelons qu'elle est fondée dans l'univers traditionnel sur les deux instances que sont la famille restreinte et la famille élargie. Le dispositif traditionnel de protection de l'enfant est caractérisé par une multitude d'acteurs qui interviennent de façon coordonnée pour que soit effective sa protection. Notre propos à cette question de la protection dans l'univers traditionnel, est de mettre en évidence quelques aspects de la vision traditionnelle de la protection de l'enfance et plus particulièrement la responsabilité du tiers et l'implication de la communauté.

1- La pratique Vì?ómåg?'n: une protection traditionnelle de l'enfant par un tiers autre que les parents géniteurs

Dans le système traditionnel de placement ou de confiage de l'enfant, le personnage central et très important que l'on rencontre est le tuteur ou le tiers. Le tuteur est le premier acteur de la protection de l'enfance au Bénin, du moins dans la société traditionnelle et dans une certaine mesure dans la société actuelle. Le tuteur à l'origine, est généralement dans le cas de la pratique coutumière, un oncle, une tante ou tout autre parent de la famille élargie. Il arrive souvent que le tuteur d'un Vì?ómåg?'n soit aussi un ami de la famille ou toute personne de passage dans le milieu de l'enfant et dont la personnalité et les caractères forcent l'admiration des parents biologiques. C'est le cas des instituteurs ou institutrices ou d'autres fonctionnaires de l'État qui se verront confier la garde d'un enfant pour en assurer l'éducation après un séjour dans le milieu de l'enfant. Le tiers est la pierre angulaire du système traditionnel de protection de l'enfance et plus particulièrement du Vì?ómåg?'n, car ses actions en faveur du respect et de la protection des droits de l'enfant, sont d'une portée sociale de taille. Le tiers autre que les parents biologiques des enfants placés, est le principal pourvoyeur de protection sociale du Vì?ómåg?'n. La tradition lui assigne le rôle de protecteur primaire, qui l'amène à prendre soin de l'enfant Vì?ómåg?'n, à endosser dans bien des cas ses charges d'éducation, de socialisation et de protection. Il est souvent plus présent dans la vie de l'enfant placé et joue un rôle déterminant dans son éducation, sa socialisation et de protection de ses droits. Le tiers est en quelque sorte un père éducateur qui exerce de façon partielle ou totale, l'autorité parentale. Il doit être animé par un esprit de partage, de l'amour et du sacrifice pour le prochain. Un tuteur doit avant tout savoir procurer au Vì?ómåg?'n, l'amour paternel et rester attentif à ses besoins psychologiques, matériels et économiques. Educateur de premier rang, un tuteur ou un tiers, tient lieu des parents du Vì?ómåg?'n. Il exerce le droit d'autorité parentale sur l'enfant placé. Par conséquent, c'est à lui que revient de plein droit suivant la conception traditionnelle, l'éducation, la socialisation et de la protection de l'enfant. Il élève et éduque à sa façon le Vì?ómåg?'n afin de faire de lui un citoyen responsable et utile à la société. En acceptant d'accueillir un Vì?ómåg?'n dans son foyer, le tiers exerce les missions traditionnellement assignées aux parents géniteurs de l'enfant. Il devient le responsable moral et social de l'enfant. Sa mission dès lors ne sera pas que l'éducation de l'enfant mais la garantie de ses droits fondamentaux et de ses libertés. Il s'engage socialement, moralement voire même juridiquement, à prendre soin de la personne du Vì?ómåg?'n qui est rappelons-le un mineur, c'est-à-dire un être intellectuellement et physiquement immature, fragile et vulnérable. Il le représente tout naturellement dans tous les actes sociaux et civils à l'exception de ceux que la société définit comme relevant du domaine des parents géniteurs de l'enfant. Il accomplit tous les actes administratifs qui engagent le Vì?ómåg?'n. C'est le tiers qui répond en cas de problèmes au nom des parents biologiques d'un enfant placé notamment dans le cadre de l'école ou de sa formation professionnelle. Il répond également au nom de l'enfant et de ses parents biologiques en cas de délits commis par le Vì?ómåg?'n.

Le tiers une fois, qu'il accueille un Vì?ómåg?'n, a des obligations vis-à-vis de ce dernier. Il doit notamment le considérer et le traiter comme son propre enfant. Il doit lui garantir avant tout une alimentation, un logement, des soins nécessaires en cas de maladie, un habillement décent, un épanouissement avec la possibilité de se reposer et de pratiquer des loisirs de son choix. À travers ces éléments, nous nous rendons compte que le tiers, est le premier garant des droits de l'enfant et plus précisément les droits à l'alimentation, au logement, à la santé, au repos et aux loisirs. Le tuteur n'a pas que le devoir de garantie des droits du Vì?ómåg?'n. Il a aussi un sacré devoir de protection des droits de ce dernier au sein de sa famille. En matière de protection, le tiers a l'obligation d'assurer la protection de la vie du Vì?ómåg?'n. Il doit protéger son droit à la vie, qui est l'un des plus précieux droits appartenant à l'enfant à protéger quoi qu'en soient le moment et les circonstances. Ce droit a pour corolaire, le droit à la santé et le droit à l'intégrité corporelle, tous deux préservés par le tiers à l'enfant placé. Le tiers protège également le Vì?ómåg?'n contre les mauvais traitements, les coups et blessures, la privation d'aliments, les négligences et l'exploitation économique. Cela signifie pas que le tiers responsable de l'éducation du Vì?ómåg?'n, ne peut avoir recours à l'usage de son droit correctionnel ou de le frapper. Le tiers dans la société a le droit de châtier, de punir un Vì?ómåg?'n, si ceci concourt à sa protection, son bonheur et contribue à son éducation. L'usage de ce droit doit être exercé avec mesure et tout abus par le tiers est sanctionné par la communauté. Le devoir de protection du tiers est tel qu'il est le garant des droits de l'enfant placé. Il doit faire de telle sorte que le placement ne devienne pas un handicap pour l'épanouissement de l'enfant. Il fait de sorte que la protection sociale du Vì?ómåg?'n devienne une réalité effective et ne crée pas des perturbations notamment des troubles psychologiques ou de personnalité chez l'enfant. Il assure le maintien des relations entre l'enfant et ses parents biologiques en respectant leurs droits de parents quand bien même il dispose de la l'autorité parentale déléguée. Le tiers garantit les différentes libertés reconnues à la personne du Vì?ómåg?'n notamment la liberté d'opinion, d'expression, de religion et de mouvement.

Au regard de ce qui a été développé plus haut, nous pouvons conclure, que le Vì?ómåg?'n est une pratique de protection de l'enfant par le tiers. Le tiers est le personnage clé dans la mise en oeuvre de cette pratique en ce sens qu'il garantit et protège les droits et libertés de l'enfant. Il le protège contre les dangers de la vie notamment contre toutes formes d'exploitation, le travail, la maltraitance et les violences à l'encontre de sa personne. C'est lui qui contribue à la réalisation effective pour le Vì?ómåg?'n du droit à une éducation, le droit d'acquérir des connaissances nécessaires à sa future vie d'adulte. Le tuteur est un personnage qui privilégie l'intérêt supérieur du Vì?ómåg?'n, lui donne une seconde chance dans la vie en lui assurant les droits élémentaires et le protéger contre la violation de ces droits. D'où son utilité et son statut dans la société traditionnelle et moderne avant que la pratique ne connaisse son évolution actuelle. Le tiers n'est pas le seul acteur de la protection du Vì?ómåg?'n. La collectivité intervient aussi pour que les droits de l'enfant Vì?ómåg?'n soient toujours respectés et qu'il soit protégé contre les abus et autres formes de violences.

2- Le Vì?ómåg?'n : une protection traditionnelle de l'enfant par la communauté

Si dans notre analyse, nous avions montré que l'une des missions de la communauté dans l'univers traditionnel, était la socialisation de l'enfant et de la prise en charge de l'ensemble de son développement psychomoteur, affectif et culturel, ce n'est qu'un pan de son action. L'autre plus grande mission dévolue à la communauté dans cet univers est la protection de l'enfant. Le débat sur la question de la protection de l'enfance par la communauté, est d'un enjeu aussi considérable que nous essayerons de montrer à travers la place de la communauté dans cette immense tâche et plus particulièrement lorsque l'enfant est placé auprès d'un tiers.

Mais avant, il ne serait pas provocateur de dire que, la communauté dans l'univers traditionnel est par excellence l'institution traditionnelle la plus originale et efficace de protection de l'enfant et plus particulièrement du Vì?ómåg?'n. Rappelons que la communauté selon la vision traditionnelle existe pour garantir les droits naturels de l'enfant. Sa survie dépend énormément de la réalisation de cette mission. C'est elle qui doit veiller à la sûreté, au bonheur et à la protection de l'enfant dans le respect des lois ancestrales et divines. Il s'agit pour elle de protéger tous les droits en jeu qui permettent l'accomplissement de l'humanité de l'enfant qui, rappelons-le une fois encore, est un être éminemment fragile et vulnérable. Elle doit avant tout sauvegarder ses intérêts et le protéger contre tout ce qui peut le nuire. Telle est en résumé, la mission traditionnelle de protection de l'enfant assignée à la communauté, qui de par cette mission a la légitimité pour intervenir dans le cadre de la protection globale de l'enfant. En ce qui concerne la pratique Vì?ómåg?'n, cette mission de protection est plus attendue car elle vise à assurer à l'enfant éloigné de sa famille ses droits et à le protéger contre tout ce qui peut nuire à ses intérêts et le nuire. C'est pour quoi, la première grande action de la communauté, a été au temps traditionnel de garantir la sécurité globale de l'environnement de l'enfant Vì?ómåg?'n. Elle assure et protège à l'enfant, le droit à la vie, le droit de survie ou de vivre et le droit au développement. D'une façon plus précise, la communauté assure et protège le droit d'existence à l'enfant placé. Dans ce cadre, elle vielle à ce que l'enfant placé ne soit exposé à des situations pouvant conduire à la mort. Le tiers est bien informé et sensibilisé à ce sujet. Quant au droit à la survie, la communauté garantit ce droit en faisant de sorte que l'enfant placé mange à sa faim. Elle veille qu'il soit bien nourri avec des rations bien équilibrées. Le mécanisme traditionnel de protection de ce droit se traduit par le devoir de tout membre de la communauté de nourrir tout enfant placé ou de contribuer à son alimentation. Cet appel à l'alimentation du Vì?ómåg?'n, est plus important et précieux lorsque le tuteur ou tiers en charge de son éducation, n'a pas les moyens nécessaires pour le faire. Tout membre de la grande famille est invité par la communauté à un devoir de solidarité en garantissant à l'enfant le droit de vivre. Le droit de vivre est confondu ici au droit à l'alimentation qui est la condition indispensable à la réalisation des autres droits. Le droit de vivre est un droit qui permet la poursuite de la vie et la communauté fournit l'aide alimentaire nécessaire en cas de besoins pour qu'il soit effectif pour le Vì?ómåg?'n. Nous voyons à travers cette vision que la communauté, lutte contre la malnutrition et le manque de nourriture dont pourrait être victime un enfant placé. Au niveau du statut du Vì?ómåg?'n dans la famille d'accueil, il faut souligner que, son statut ne doit pas être différent de celui des enfants légitimes du tuteur. La communauté veille à ce que le Vì?ómåg?'n, soit considéré comme un enfant à part entière. Il doit pouvoir être élevé et protégé sans aucune forme de discrimination quand bien même, il se trouve éloigné de ses parents biologiques. Elle veille à ce que le tiers respecte cette obligation et garantit par ricochet le droit à une famille à l'enfant placé. Elle protège l'enfant contre toute forme de discrimination au sein de la famille d'accueil.

Dans le domaine de l'éducation, la communauté oeuvre pour que la pratique Vì?ómåg?'n, soit bien vécue par l'enfant objet de placement et perçue comme un moyen d'intégration et de socialisation respectueux de sa dignité humaine. L'enfant doit pouvoir bénéficier d'une formation de base qui lui assure son insertion dans la vie communautaire. La communauté n'admet pas qu'un Vì?ómåg?'n parvienne à l'âge adulte sans qualification professionnelle pour se lancer dans la vie. Le tiers sous la contrainte de la communauté, a l'obligation de transmettre ses connaissances au Vì?ómåg?'n ou à défaut lui assurer une formation à travers l'apprentissage d'un métier choisi librement par l'enfant. C'est grâce à ce dispositif traditionnel que des milliers d'enfants, ont appris un métier ou ont été scolarisés de par le passé. Là encore, l'action de la communauté est salutaire et précieuse. N'oublions pas de souligner que l'ensemble des membres de la communauté est ici aussi appeler à participer à l'éducation de l'enfant. Chacun apporte sa petite contribution à quelque niveau que ce soit à la réalisation du droit à une éducation dans cet univers traditionnel.

Dans le domaine sanitaire, la communauté assure au Vì?ómåg?'n, l'accès aux soins élémentaires et appropriés. La bonne santé du Vì?ómåg?'n revêt un enjeu et un défi pour la communauté. Lorsqu'un enfant confié se porte bien, on estime que le tuteur ou tiers joue bien son rôle de père éducateur. La communauté l'aide à s'acquitter de ce devoir en lui donnant les recettes principales en matière de traitement contre les possibles maladies dont pourrait souffrir tout enfant dans la société. Ce droit est si évident que, tout manquement est sanctionné et perçu comme une offense à la collectivité. Il en est également de même pour d'autres droits notamment le doit à un logement, à un habillement décent, à la culture et au repos. La communauté estime que tout enfant a droit de disposer d'un toit, de pouvoir se vêtir de façon décente, de jouer au jeu de son choix en toute liberté et de se reposer. Le devoir de protection du Vì?ómåg?'n par la communauté ne se réduit pas au seul volet de la garantie des droits élémentaires. Une série d'actions coordonnées est mise en place pour le protéger contre la maltraitance ou autres abus et l'exploitation à des fins économiques du Vì?ómåg?'n.

En ce qui concerne les mauvais traitements, même si la communauté accepte les châtiments corporels, elle ne tolère pas que son usage soit exagéré et répétitif dans le cadre de l'éducation du Vì?ómåg?'n. Elle ne tolère pas qu'il soit fréquemment battu ou violenté. Les souffrances morales et psychologiques à l'endroit d'un Vì?ómåg?'n sont fortement décriées et découragées par les responsables communautaires. Le tiers n'a pas le droit de commettre des actes de violences et de maltraitance à l'endroit d'un Vì?ómåg?'n, au risque de sanctions lourdes perçues comme une déchéance sociale. L'exemple qui illustre le plus la protection du Vì?ómåg?'n par la communauté, est le retrait de la garde de l'enfant au tiers. En effet, lorsqu'un tiers a recours de façon régulière à la violence, la communauté à travers son premier responsable est informé par les autres membres. Saisie, l'autorité appelle le tuteur, lui conseille de revoir ses méthodes d'éducation. Si les actes de maltraitance et de violences persistent, le chef retire la garde de l'enfant et l'exclut de la communauté avec la perte de ses droits.

En matière de travail par exemple, même si la communauté reconnaît comme l'écrit Denise L. NDEMBI, que « le travail de l'enfant est un moyen de socialisation et d'acquisition des compétences et incontournables pour son avenir... 44(*)» ; elle le limite à des tâches légères. Les tâches légères tolérées par la communauté que peut exercer un Vì?ómåg?'n, sont entre autres la vaisselle, le transport de l'eau destinée à la cuisson de l'alimentation et les petites courses. Tout le reste est perçu comme de l'exploitation et la communauté le décourage énormément. Nous voyons à travers ceci, que la communauté accepte dans une proportion contrôlée et raisonnable, la participation du Vì?ómåg?'n aux activités domestiques de la famille d'accueil en contrepartie aux soins et protection que lui assure le tiers. Elle veille à ce que, cette participation de l'enfant, ne dépasse pas les capacités physiques et intellectuelles et ne porte pas atteinte à son développement ou son épanouissement. À travers cette position de la communauté, c'est toute la vision traditionnelle du travail de l'enfant qui est ainsi précisée. Le travail d'un enfant et par extension d'un Vì?ómåg?'n, ne doit être qu'un travail d'initiation à la vie. Le travail ne donnera à l'enfant que le goût à l'effort pour la satisfaction de ses besoins. Nous voyons donc que, le Vì?ómåg?'n est une forme de protection par la communauté de l'enfant contre l'exploitation, la maltraitance et l'esclavage. Elle garantit à l'enfant placé dans une autre famille que sa famille biologique, les droits reconnus à l'individu dans l'univers traditionnel béninois. Elle fait de sorte que l'enfant placé puisse vivre dans des conditions humaines qui respectent sa dignité. La communauté protège aussi les libertés de l'enfant Vì?ómåg?'n notamment sa liberté de religion, d'opinion et d'expression. La communauté a toujours accordée une place à la parole de l'enfant placé afin que la situation qu'il vit soit relatée de façon démocratique. Elle oeuvre pour que le choix religieux de l'enfant placé soit respecté lorsque ce dernier a une confession autre que celle du tiers. La communauté a mis des garde-fous pour que la protection du Vì?ómåg?'n soit une réalité. Pour ce faire, elle responsabilise tous ses membres qui doivent l'aider à atteindre son objectif de protection du Vì?ómåg?'n contre ses propres parents en évitant qu'ils le vendent, le mettent en gage en violation de ses droits. Chacun a une part de responsabilité lorsqu'un Vì?ómåg?'n est victime de toute dérive. La communauté est pour finir le garant social et moral de la pratique coutumière d'entraide du Vì?ómåg?'n au Bénin.

En résumé, la présente section précise ce que représente la pratique Vì?ómåg?'n dans l'univers traditionnel béninois, ses origines et fondements. Elle a fait le point sur son évolution à travers son développement et sa généralisation jusqu'aux années 90. Elle montre aussi que, c'est une invention originelle de protection de l'enfant par le tiers et la communauté pour lesquels, le bonheur de l'enfant doit être la priorité de toute action dans la société. La pratique protège l'enfant contre tout danger, la maltraitance et l'exploitation. Elle protège spécifiquement le Vì?ómåg?'n en incriminant certains comportements qui peuvent nuire à son développement et à son épanouissement. La pratique à cet effet, protège le Vì?ómåg?'n aussi bien dans sa vie privée que familiale dans le respect de la dignité humaine. C'est pourquoi, elle demeure la pratique la plus approuvée par les béninois car non seulement, elle garantit et protège les droits de l'enfant mais aussi constitue une seconde chance réservée à une certaine catégorie d'enfants au sein de la société. Elle a fonctionné pendant des années et a fait le bonheur de nombreux d'enfants issus de milieux pauvres et très défavorisés qui constituent l'élite actuelle au pouvoir au Bénin. Sauf qu'au fil des ans, l'idée originelle de solidarité qui sous-tend la pratique va disparaître laissant place à une dérive qui prend une ampleur très inquiétante. Cette dérive ou perversion est la combinaison de quelques facteurs sociologiques et juridiques à savoir la disparition du pouvoir de la communauté, la modernisation non maîtrisée et l'absence de cadre institutionnel de reconnaissance de cette noble pratique. Le Vidomègon de nos jours ne fait plus le bonheur des enfants au Bénin mais au contraire apparaît comme la source de leurs difficiles situations. Il a été simplement détourné et perverti sous le silence coupable des autorités.

DEUXIEME PARTIE : LA DERIVE DU VIDOMÅGON ET LA PROTECTION DES ENFANTS PLACES AU BENIN

Au Bénin, depuis que la pratique du placement d'enfants a subi une déformation à des fins inavouées et commerciales, les Vì?ómåg?'n sont confrontés à de nombreuses difficultés qui constituent un obstacle majeur à leur épanouissement. Ils sont de plus en plus maltraités, soumis précocement au travail ou encore victimes d'exploitation économique et de traite en violation des différentes dispositions nationales et internationales des droits de l'homme et plus particulièrement des droits de l'enfant. La situation malheureuse que connaissent ces enfants, a conduit à une prise de conscience nationale des autorités publiques, qui ont tenté d'adopter des mesures supplémentaires de protection en faveur de ces enfants dont les effets tardent à contribuer à la résorption du phénomène.

Nous essayerons de voir d'une part la problématique de la dérive du Vì?ómåg?'n et ses conséquences (Chapitre1) et comment la prise de conscience et la volonté des autorités publiques a conduit à une protection complémentaire des Vì?ómåg?'n au Bénin avec des mesures spécifiques de protection d'autre part (Chapitre2)

CHAPITRE 1- LA DERIVE DU VIDOMEGON ET SES CONSEQUENCES POUR L'ENFANT

La dérive du Vì?ómåg?'n est une réalité sociale dramatique que traverse une certaine catégorie d'enfants au Bénin. Cette réalité de plus en plus courante qui se développe avec une ampleur inquiétante, est observée dans les principales villes du pays et même au-delà des frontières nationales. Ayant connu une évolution très remarquable ces quinze dernières d'années, la dérive du Vì?ómåg?'n, profite plus à des intermédiaires et dans une certaine mesure aux parents et relèguent au second rang l'intérêt de l'enfant placé. Elle viole ouvertement les droits de l'enfant. C'est pour cette raison qu'elle est devenue la préoccupation politique des autorités publiques qui essayent tant bien que mal d'en limiter le développement ou la propagation. La dérive du Vì?ómåg?'n défie particulièrement le système national de protection de l'enfance. Ses conséquences sont dramatiques pour le jeune enfant placé. Un Vì?ómåg?'n de nos jours au Bénin est livré aux mains de prédateurs que ce sont les trafiquants. Victimes d'exploitation et de maltraitance, de trafic à l'intérieur et vers l'extérieur du pays, les Vì?ómåg?'n vivent un malaise profond. En plus, l'environnement dans lequel évoluent ces enfants, ne favorise pas la jouissance et la garantie de leurs droits fondamentaux. C'est le « phénomène Vì?ómåg?'n », dont nous essayerons d'en dresser le tableau à travers l'exposé de ses manifestations (section1) ainsi que ses nombreuses conséquences en matière de droits de l'enfant (section2).

Section 1- L'exposé de la dérive Vì?ómåg?'n au Bénin

La dérive du Vì?ómåg?'n apparaît aujourd'hui au Bénin comme une perversion de l'esprit originel de solidarité qui a longtemps sous tendu la pratique de placement d'enfant. Le placement d'enfant est devenu « une activité plus commerciale qu'une manifestation de solidarité collective45(*) » comme le souligne Aide et Action Bénin. Cette mutation de la pratique solidaire à des fins purement économiques marque un retour en arrière en ce sens que la dérive instaure dans la société béninoise une nouvelle forme d'esclavagisme des temps modernes. Nous allons essayer de voir les manifestations de cette dérive à travers les questions de maltraitance et d'exploitation économique des Vì?ómåg?'n d'une part (Paragraphe1) et la traite de l'enfant d'autre part (Paragraphe2).

Paragraphe 1-La maltraitance et l'exploitation économiques des enfants Vì?ómåg?'n

Au Bénin depuis plus d'une décennie, les Vì?ómåg?'n font de plus en plus l'objet de maltraitance et d'exploitation économique de la part des adultes et plus particulièrement des tuteurs. Ils sont victimes du «  phénomène Vì?ómåg?'n ». Malgré les nombreuses mesures de protection de l'enfant, la maltraitance et l'exploitation des Vì?ómåg?'n sont de nos jours, devenues des actes auxquels ont recours les personnes en charge de l'éducation de ces enfants.

1- La maltraitance des Vì?ómåg?'n

La maltraitance des Vì?ómåg?'n de nos jours est un phénomène généralisé et très banalisé qui a lieu dans la société béninoise. Une plus grande majorité des tuteurs aujourd'hui a recours aux violences pour éduquer un enfant Vì?ómåg?'n. Le recours à la maltraitance dans la pratique de placement, révèle pour notre part, la perception de l'enfant dans la société béninoise actuelle et par conséquent de la protection des droits et libertés de l'enfant. Beaucoup de gens ayant en charge l'éducation d'un Vì?ómåg?'n, considèrent comme normal, le fait que l'enfant placé soit maltraité. Cet esprit est né des différentes transformations induites par une « pseudo- modernisation » du pays et les différentes mutations sociales observées dans la société ces dernières décennies. La maltraitance est présente dans la vie quotidienne de ces enfants placés en violation aux instruments internationaux de protection de l'enfant. Autrement, les dispositions internationales et nationales qui interdisent la maltraitance ne sont pas respectées et donc foulées au pied par les adultes. Essayons de définir le concept et de préciser quels sont les différents types de maltraitance que subissent les Vì?ómåg?'n dans la société béninoise d'aujourd'hui.

Selon le dictionnaire Larousse, la maltraitance c'est le fait de maltraiter un enfant ou encore l'ensemble des mauvais traitements exercés sur lui. Maltraiter un enfant, c'est le soumettre à de mauvais traitements ou lui infliger des violences inhumaines. Cette notion de mauvais traitements est constante dans toutes les acceptations possibles de la maltraitance au Bénin. L'Observatoire Français de l'Action Sociale Décentralisée estime pour sa part qu'un enfant maltraité est, « un enfant victime de violences physique, cruauté mentale, d'abus sexuels, négligences lourdes ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique 46(*)».

La définition onusienne est plus claire à ce propos et rejoint ces deux précédentes définitions. L'Organisation des Nations Unies, entend par maltraitance, toute violation faite, toute référence à tout acte violent de nature à entraîner ou risquant d'entraîner, un préjudice physique, sexuel ou psychologique à l'enfant. L'ONU précise les actes qui peuvent relever de la maltraitance. Ces actes sont entre autres les menaces, les négligences, l'exploitation, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté de l'enfant, tant au sein de la vie privée que publique. Cette définition de l'ONU est très large et s'étend à l'exploitation de l'enfant.

La convention des droits de l'enfant, pour sa part, définit la maltraitance comme, « toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle commise à l'égard d'un enfant pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de ses représentants légaux ou de toute personne à qui il est confié 47(*)». Au niveau continental, même si la Charte des droits de l'homme et des peuples, n'évoque pas expressément la maltraitance de l'enfant, son article V qui interdit toutes formes d'exploitation ou d'avilissement de l'homme aborde le sujet à travers les traitements cruels inhumains ou dégradants. La maltraitance est donc interdite par l'instrument juridique continental.

Au niveau national, le code pénal la définit comme tout mauvais traitement subi par l'enfant résultant d'un acte des parents ou du tuteur. La maltraitance selon le code pénal béninois, englobe les négligences, les abandons, les abus physiques ou matériels voire affectifs dont pourrait être victime un enfant. Cette définition intègre entre autres la violence physique qui comprend les châtiments corporels. Les articles 18 et 19 de la constitution du 11 Décembre 1990, interdisent la maltraitance de l'enfant. Ces articles interdisent le recours aux châtiments corporels dans l'éducation nationale et prévoient des sanctions contre tout agent de l'État, qui a recours aux actes violents dans le cadre de l'exercice de sa mission. La maltraitance est donc réprouvée par les lois nationales et est par delà tout interdite par la société. Car, elle porte atteinte à la dignité de l'enfant. Pour les cas avérés, la loi autorise l'intervention de l'État à l'intérieur de la famille, qu'elle soit la famille biologique ou famille d'accueil à travers le Procureur de la République, qui doit automatiquement mettre en oeuvre une poursuite judicaire contre le maltraitant de l'enfant. L'État en cas de maltraitance avérée, a le devoir de retirer la garde de l'enfant aux parents ou au tuteur et d'autoriser de façon administrative son placement dans un centre ou dans une famille. L'enfant maltraité selon la loi peut porter plainte contre ses parents ou contre le tiers responsable de sa situation. Il a le droit de dénoncer toute personne qui le maltraite au regard de la loi. Sauf que dans la pratique, l'enfant en raison de la culture ne dénonce presque jamais son bourreau de façon officielle. L'institution chargée de la lutte contre la maltraitance de l'enfant au Bénin est la Brigade de Protection des Mineurs. C'est un service spécialisé de la police nationale créée en 1983 par décret 83-233 du 29 Juin 1983. Ce décret sera remplacé par le décret 90-186 du 20 Août 1990, qui étend les champs d'intervention de la Brigade de Protection des Mineurs à la lutte contre le trafic et la traite de l'enfant.

La maltraitance ainsi définie et abordée par rapport aux instruments internationaux et textes béninois, nous aborderons la maltraitance concrète des Vì?ómåg?'n au Bénin. Soulignons que les enfants Vì?ómåg?'n subissent toutes les formes de violences définies par les textes internationaux. La première forme de violence que subissent les enfants placés au Bénin aujourd'hui est constituée d'actes physiques violents. Les violences physiques constituent la forme la plus directe et la plus visible des mauvais traitements dont sont victimes les Vì?ómåg?'n. Les violences physiques dont sont victimes les Vì?ómåg?'n, sont des mauvais traitements physiques constitués pour la plupart du temps de coups, de blessures volontaires et de brûlures. Ce sont des actes qui ont un préjudice énorme sur l'intégrité physique de l'enfant avec des dommages corporels assez désastreux. Ce sont aussi les châtiments corporels, les morsures et les brimades. Les violences physiques sont les plus courantes et les plus nombreuses que subissent les enfants placés. Elles sont facilement observables et mesurables sur les enfants qui en portent les traces.

La deuxième forme de violence subie par les Vì?ómåg?'n, concerne les violences d'ordre psychologique et moral. Les violences morales sont des mauvais traitements psychologiques ou une cruauté mentale. Selon Manciaux, la violence morale est une « exposition répétée d'un enfant à des situations dont l'impact émotionnel dépasse ses capacités d'intégration psychologique 48(*)». Les violences morales sont constituées d'agressions verbales, de paroles blessantes et de dévalorisation systématique. Les violences morales sont des actes servant à dénigrer et à dévaloriser systématiquement le Vì?ómåg?'n, caractérisés par des humiliations verbales et non verbales accompagnées de menaces provoquant chez l'enfant placé la peur et la crainte. Les humiliations concernent pour la plupart du temps, les conditions des parents géniteurs des Vì?ómåg?'n ou leurs propres capacités physiques voire intellectuelles. La troisième forme de violence que connaissent les enfants placés, a rapport aux abus sexuels. Les violences sexuelles concernent beaucoup plus les filles. Elles peuvent être intrafamiliales ou extra-familiales. Dans le premier, il s'agit de la domination par le tuteur ou par ses enfants avec des agressions sexuelles notamment le viol le tout opéré avec l'intimidation. Dans le deuxième cas, il est question des violences sexuelles subies par la jeune ville Vì?ómåg?'n en dehors de la famille d'accueil. Ce sont les actes commis par des adultes que cette dernière rencontre dans le cadre de ses activités généralement de vente dans les marchés ou ailleurs. En gros, les violences sexuelles créent un véritable traumatisme grave chez la jeune fille. Le viol répété entraîne des grossesses non désirées et des maladies transmissibles dont le SIDA. Les violences ou abus sexuels affectent sérieusement l'épanouissement psychosexuel de la fille.

Voici les différents types de violences subies par les enfants Vì?ómåg?'n dans la société béninoise d'aujourd'hui. Pour illustrer notre analyse, nous avons recueilli le témoignage de quelques enfants afin de se rendre compte de leurs situations réelles. Ces enfants vivent une situation dramatique et portent la marque de cette forme de cruauté qui témoigne de la dureté de leur vie.

Koffi 11 ans, placé depuis qu'il avait sept ans raconte : « J'ai été placé chez une amie à ma tante paternelle, qui a promis que je serai scolarisé et deviendrai soit un agent de police, soit un gendarme ou soit un cadre instituteur. J'étais content de la suivre. Mais une fois arrivé en ville, mes malheurs ont commencé et le projet de scolarisation a été très vite abandonné. Je me charge de l'aider dans son activité commerciale. Je suis quotidiennement battu et violenté. Je dormais dans ce qui servait de cuisine à la famille et me levais tous les jours à cinq heures du matin. Je dormais à peu près cinq heures par jour et n'avais pas le droit à la moindre pause. J'étais chargé des petites courses de la famille et du nettoyage de la maisonnée. D'ailleurs, ma tutrice me frappait si je ne me dépêchais pas ou ne faisais pas bien mon travail. J'étais en plus battu par son mari qui n'est jamais satisfait de mon rendement. Le mari me frappait avec une lanière aspergée de purée de piment. Les deux m'insultaient tout le temps. Ma tutrice me privait en plus de nourritures et ne s'occupait presque jamais de moi lorsque je tombais malade49(*) ».

Agossi, âgée de 10 ans, orpheline de mère et placée par son père chez une tutrice dans une ville secondaire nous raconte son aventure lors d'un entretien : « Je suis placée en tant que Vì?ómåg?'n près de dame Gisèle à Bohicon. Mon rôle est de l'aider en tant que domestique. Je me charge des tâches domestiques de la maison. En plus, je l'aide à vendre l'eau glacée et les yaourts qu'elle fabrique. Quand je n'apporte pas la somme qu'il fallait ou quand je ne vends pas tout, elle me bat très durement. Elle me menace quotidiennement de me tuer si je perdais la recette de son commerce. Un jour, il m'avait manqué 50 F et comme je n'ai pas de l'argent pour rembourser, je ne pouvais pas rentrer. J'ai pleuré tout ce jour. Finalement, les gens du quartier m'ont ramenée à la maison et elle a promis de ne pas me toucher. À peine partis, elle se mit à me rudoyer et me tordre le cou, mes bras et pieds. Elle m'a mis du piment dans le sexe. J'ai beaucoup souffert de la brûlure occasionnée par cet acte ignoble. Elle me prive de nourritures quotidiennement et ne garantit pas les soins lorsque je tombe malade. Mon expérience avec elle est un enfer car je n'ai pas été traitée comme une personne. J'ai été très affectée et traine encore les séquelles et autres traumatismes liés aux mauvais traitements que j'ai subis50(*) »

Jean-Louis, petit garçon de 10 ans, a connu une mésaventure pareille que les deux précédentes. Placé à Porto-Novo auprès d'un maître artisan, nous disait-il, il a été victime de la dérive du Vì?ómåg?'n. Jean-Louis a pour mission les travaux domestiques et de l'entretien de l'atelier de son patron et tuteur à la fois. Il dit avoir fait au quotidien objet de maltraitance, de brimades, de négligences et autres humiliations. Pas d'alimentation et pas de soins de santé pour lui. Sa vie est un rythmé par les coups et blessures. Ce qui est insupportable pour moi disait- il, est que bien que je sois docile, mon tuteur me traite de Vì?ómåg?'n ingrat. Et pourtant, je n'ai pas droit à l'école comme tous ses enfants, pas le droit d'être habillé décemment, de m'épanouir et de vivre dans une famille comme les autres enfants. Un jour alors que je n'avais pas mangé la veille avant de me coucher, j'ai mangé le reste d'un repas le lendemain matin avant de précéder mon tuteur à l'atelier. C'était tout mon tort. J'ai été sérieusement battu à mort par mon tuteur. Avec un « parmatoire » et une lanière en peau de boeuf spécialement achetée à cause de moi, il m'a tapé pendant plus d'une demi-heure. Je porte la marque de cette inoubliable matinée car j'ai deux phalanges de ma main droite qui ne peuvent plus se plier normalement. Je suis tout le temps soumis aux durs travaux à l'atelier. J'ai fini par fuguer et être accueilli par le centre Don Bosco de Tokpota. Ici au moins je me sens mieux avec les prêtres qui m'ont trouvé un nouveau patron qui me traite bien. Mais sa situation antérieure me marque beaucoup. Je n'arrive pas à l'oublier51(*) ».

Zanou, un petit garçon originaire de l'Atlantique dans son témoignage nous livre les manifestations de la dérive du placement d'enfant. Voici ce qu'il nous dit. «  Je suis un enfant malheureux, sans éducation et sans droits. Placé dans une famille à Cotonou par mon oncle, mon rôle dans ma famille d'accueil est de servir toute la journée les autres. Je suis maltraité et exploité par la femme de mon tuteur qui vend au marché Gbogbanou de Cotonou. Je dois me lever tous les jours très tôt et aller faire sortir les marchandises. À dix heures, elle me rejoint et nous commençons la journée. Quand elle vient, elle ne me félicite jamais et se met toujours à m'insulter, m'humilier ainsi que mes parents qui habitent Zinvié au village. C'est une honte. Tout le monde est au courant dans ce grand marché de ma situation. J'ai une journée de travail de plus de 12 heures. Je n'ai pas droit à de pauses en plus et je transporte des charges lourdes toute la journée. Elle m'inflige des traitements dégradants tous les jours. Battu, insulté et privé de nourritures, je n'ai pas droit à un seul mot ni demander quoi que ce soit. Elle est méchante à la limite une sorcière car elle est sans coeur pour moi... 52(*)».

Le dernier témoigne concerne l'abus sexuel dont sont victimes les enfants placés aujourd'hui au Bénin notamment les jeunes. Amida rapporte son cas. «  Un jour après avoir passé une journée à n'avoir pas réussi à vendre mes produits, je m'apprêtais à me rendre à la maison avec la peur au ventre et les représailles de ma tutrice, quand un monsieur m'appela et me proposa de le suivre pour qu'il m'achète mes produits. Naïvement, je l'ai suivi car il paraît relativement bien. Il m'a conduit dans un endroit marécageux plus précisément dans une chambre où il faisait extrêmement noir. C'est arrivé là-dedans que je me suis rendue compte qu'il n'y avait personne alors qu'il m'a rassuré que sa femme et ses enfants y habitent. Il me tira dans cet endroit et m'ordonna de me déshabiller. Je le suppliai de ne pas me faire du mal mais il continua par me menacer en sortant un couteau. Sous la menace, j'exécutai et il m'avait violé. Il ne m'avait rien acheté à la fin me laissant avec mes pleures et chagrins. Arrivée à la maison, j'informai ma tutrice qui n'a voulu rien savoir. Elle m'a encore frappé parce que je n'ai vendu mes produits. Elle a refusé de m'emmener à l'hôpital et d'aller voir mon violeur. J'en suis vraiment affectée et regrette d'être née de famille pauvre. Elle me traite en plus de petite prostituée depuis ce jour. C'est humiliant et très dégradant. 53(*)»

Somme toute, ces différents témoignages, montrent l'ampleur des violences subies par les Vì?ómåg?'n. Coupés de leur environnement familial et protecteur, leurs droits élémentaires sont bafoués. Leur situation est très difficile et laisse ressortir de réels éléments de maltraitance comme les sévices corporels (coups et blessures), la maltraitance physique voire affective, les abus sexuels, la non scolarisation, la surcharge de travaux non adaptés à leur âge. La maltraitance des enfants met en évidence des actes de violations des droits des Vì?ómåg?'n. Nous reviendrons plus tard de façon détaillée sur la violation de leurs droits. La maltraitance des Vì?ómåg?'n se manifeste également par l'exploitation économique des enfants. C'est ce que nous développerons dans notre deuxième sous-partie.

2- L'exploitation des Vì?ómåg?'n : un drame social aux conséquences énormes pour l'enfant.

Selon le dictionnaire Larousse, l'exploitation désigne toute action d'exploiter, de mettre en valeur en vue d'un profit. C'est aussi toute action de tirer un profit abusif de quelqu'un ou de quelque chose. Au Bénin, l'exploitation des Vì?ómåg?'n à des fins commerciales est monnaie courante. C'est une réalité très complexe et très pernicieuse qui met en scène des mineurs à travers le travail domestique, le travail dans les centres de formation, marchés ou le travail sur les chantiers de construction. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n est une réalité très complexe qui va du simple travail anodin au travail nocif nuisant à l'éducation, au développement et à la santé des enfants placés. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n s'observe essentiellement à travers le travail sous ses pires formes. Elle prend de plus en plus une ampleur dans les villes. Selon les statistiques avancées par l'UNICEF en 2002, le Bénin compterait environ 1 041 668 enfants travailleurs de 6 à 14 ans sur l'ensemble du territoire pour une population d'enfants estimée à 1.745.24954(*) selon le dernier Recensement Général de la Population et de l'Habitation (RGPH) de la même année. Selon l'organisation onusienne, le fléau fait plus de 300 000 victimes chaque année dont essentiellement les jeunes filles. Les filles représentent les deux tiers de cet effectif et de ces enfants concernés par l'exploitation économique. L'âge des enfants est compris en majorité entre 5 et 10 ans. Pour les 10- 14, la tendance reste la même avec quelques 246.262 enfants exerçant une activité économique selon une étude réalisée par M. Agboli Agbo55(*) sur une population générale de 838.749 enfants de cet âge recensés en 2002 lors du dernier recensement. Les résultats du chercheur montrent que l'exploitation par le travail des enfants touche toutes les régions du pays. Ils placent en tête les départements de l'Alibori et du Borgou avec respectivement 51,8%, et 36,7% d'enfants concernés par le travail précoce. Viennent ensuite les départements du Plateau 35,5%, les Collines 34,2% et le Zou 32,2% de leur population de 10-14 ans au travail. Suivent la Donga avec ses 29,7%, le Couffo 26,1%, l'Ouémé 20,30%, l'Atlantique 19,6%. Le littoral et le mono ferment la marche avec respectivement 15% et 11% de leur population. Ces chiffres ne montrent que la catégorie des 10-14 ans. Les chiffres de cette catégorie d'enfants combinés au moins de 10 ans donnent la véritable ampleur de l'exploitation par le travail des enfants placés au Bénin. Le moins qu'on puisse retenir des Vì?ómåg?'n, est qu'ils sont victimes du travail précoce. Le travail d'un enfant en lui-même n'est pas un problème dans une société où l'initiation de l'enfant aux travaux domestiques et champêtres constitue une forme de socialisation. C'est la forme que prend ce travail qui pose actuellement problème avec comme résultat l'exploitation économique des enfants. Cette réalité nous conduit à clarifier le concept de travail de l'enfant dans ce cas. L'organisation Internationale du Travail, définit dans le sens de l'exploitation économique comme tout travail dommageable au bien-être des enfants qui entrave leur éducation, leur développement et leurs moyens d'existence futurs. La Banque Mondiale pour sa part définit le travail des enfants comme un travail exécuté par les enfants qui sont trop jeunes au sens qu'en le faisant, ils réduisent indûment leur bien-être ou leur capacité future à se faire un revenu. Ces deux définitions montrent bien que le travail d'un enfant n'est pas toujours bénéfique pour lui. Au Bénin, les Vì?ómåg?'n sont très concernés par le travail. La quasi-totalité des enfants placés aujourd'hui dans des familles d'accueil se trouve confrontée à une situation de plus en plus difficile et critique étant donné que l'environnement dans lequel ils évoluent ne les protège plus contre l'exploitation. Beaucoup de Vì?ómåg?'n sont exploités par les familles adoptives. Ils sont soumis quotidiennement aux pires formes de travail dont l'exploitation sexuelle. Ils sont contraints à accomplir des travaux dangereux. Ce qui nous laisse penser que derrière un Vì?ómåg?'n exploité, se cache un adulte qui profite de situation d'enfant éloigné de ses parents, d'être immature et vulnérable pour abuser de lui.

L'exploitation économique des enfants placés constitue alors l'une des manifestations de la dérive du Vì?ómåg?'n. Les enfants victimes de l'exploitation économique, sont en général les Vì?ómåg?'n employés comme domestiques ou apprentis. Ils sont issus la plupart du temps de familles pauvres et rurales. Trois catégories de Vì?ómåg?'n peuvent être identifiées aujourd'hui au Bénin. Nous avons les :

Les Vì?ómåg?'n domestiques : Ce sont des enfants placés qui vivent chez la famille d'accueil ou d'adoption et nourris par les soins de cette dernière. Ils effectuent principalement les tâches domestiques de la famille d'accueil : vaisselle, repassage, petites courses, lessive, cuisine, garde d'enfants et conduite des enfants du ménage à l'école. Ils sont contraints et exercent leurs tâches dans des conditions pénibles à plein temps et sans rétribution56(*).

Les Vì?ómåg?'n vendeuses : Ce sont les jeunes filles qui travaillent cumulant à la fois travaux domestiques et activités commerciales. Cette catégorie de Vì?ómåg?'n travailleurs est le gros lot constitué des filles vendeuses ambulantes que l'on rencontre sur les grandes places publiques, les marchés et centres commerciaux de la capitale et des principales villes du pays. Lorsqu'elles ne sont pas vendeuses aux marchés, on les retrouve derrières les étalages de leur tutrice ou tuteur en qualité de vendeuses dans les boutiques ou encore en tant que servantes dans les restaurants et bars57(*).

Les Vì?ómåg?'n producteurs ou apprentis : Ce sont tous ces enfants qui travaillent dans les centres de formation, ateliers, mines, carrières et sur les chantiers de construction sans oublier ceux qui par leurs activités permettent à leur famille d'origine de survivre. Parfois, ils sont rétribués en fonction de leur travail mais avec un salaire très insignifiant.

Le point commun à tous ces enfants est qu'ils sont illégalement soumis au travail réglementé pourtant au Bénin à 14 ans qui est l'âge légal de mise au travail d'un enfant. Le travail des mineurs avant 14 ans est légalement interdit. C'est dire donc que ceux qui emploient des Vì?ómåg?'n comme domestiques ou agents économiques devraient être punis au regard de la loi. Ce n'est pas le cas car malgré cette disposition nationale, les Vì?ómåg?'n continuent d'être soumis précocement au travail. Ils travaillent en plus de leur jeune âge dans des conditions désastreuses et inhumaines. Dans la plupart des activées qu'ils effectuent, le risque de détérioration de leur santé est très grand et très rapide dans un monde où ils sont plus considérés comme une marchandise qu'un être humain. Pourtant, les articles 34, 35 et 36 de la convention des droits de l'enfant interdisant l'exploitation de l'enfant, montrent que tout enfant doit être protégé contre toute forme d'action préjudiciable à tout son aspect de son bien-être en raison de son humanité. Revenons sur la situation des Vì?ómåg?'n pour signaler qu'ils sont victimes au quotidien de lésions et de maladies liées à leur travail. Leur santé mentale, physique, affectif et leur éducation sont sérieusement compromis. Ils manipulent des produits qui ne sont pas adaptés à leur âge et travaillent plus de dix heures par jour. Ils sont soumis au travail et exploités par des adultes notamment des tuteurs ou tutrices en violation des dispositions nationales et instruments internationaux de protection de l'enfant. Le cas des enfants apprentis dans les centres de formation et autres chantiers de construction est très révélateur de la situation de ces enfants qui connaissent des troubles de croissance et des déformations. L'exploitation des Vì?ómåg?'n à des fins économiques est très perceptible dans le secteur informel qui échappe au contrôle institutionnel et de la législation en matière de protection de l'enfant contre l'exploitation et les pires formes de travail. Malgré les nombreuses stratégies, mesures et mécanismes de protection des enfants contre l'exploitation, la question au Bénin est encore loin d'être résolue. La pratique de placement d'enfant est devenue une source de richesse pour les citoyens qui s'organisent pour mettre en place un système rôdé de violation des droits de la personne humaine de l'enfant. Elle est devenue synonyme d'exploitation et d'esclavagisme moderne qui prive les enfants Vì?ómåg?'n de leur dignité en raison des préjudices et autres traumatismes qu'elle leur pose notamment sur les plans affectif, mental, physique et moral.

En résumé, l'exploitation économique des Vì?ómåg?'n est une triste réalité qui consiste à mettre au travail de façon précoce des enfants initialement placés pour des raisons d'éducation ou de socialisation. La pratique traditionnelle de placement d'enfant devient alors une sorte de marchandisation de l'enfant. Elle glisse vers une dérive pernicieuse et devient par conséquent aux yeux des observateurs et des défenseurs des droits de l'homme une pratique néfaste aux conséquences lourdes pour les enfants. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n devient alors la manifestation de la dérive de ce que nous désignons par le « phénomène Vì?ómåg?'n » aux conséquences énormes pour l'enfant. L'exploitation économique va à l'encontre des règles traditionnelles de travail tolérable pour l'enfant dans le cadre de son éducation pour ériger un système d'esclavagisme moderne. Elle se développe également en violant les textes nationaux et internationaux de protection de l'enfant. Considéré hier comme un trésor, la première des richesses, l'enfant notamment le Vì?ómåg?'n est devenu avec l'exploitation économique, une marchandise, une ressource de revenus pour les ménages, un élément d'ajustement des salaires pour les fonctionnaires et de survie pour les parents géniteurs. L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n engendre la traite des enfants : une autre manifestation de la dérive du « phénomène Vì?ómåg?'n » que nous examinerons dans notre second paragraphe.

Paragraphe 2- La traite des enfants

L'exploitation économique des enfants placés a un corolaire qui lui est intimement lié. On ne saurait parler de l'un sans l'autre car les deux ont une commune finalité à savoir l'utilisation de la main d'oeuvre enfantine à des fins économiques. Il s'agit de la traite des enfants qui constitue en toute logique la troisième manifestation de la dérive du Vì?ómåg?'n. Définie par l'Organisation des Nations Unies comme « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, aux fins d'exploitation, par la menace de recours ou le recours à la menace ou à d'autres formes de contraintes, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant une autorité sur une autre 58(*)», la traite des enfants est une réalité qui frappe la population fragile et vulnérable des Vì?ómåg?'n. La traite des enfants se développe à l'échelle nationale avec une extension vers les pays de la sous-région. Elle prend concrètement la forme d'un trafic interne et de trafic externe.

1- Le trafic interne de Vì?ómåg?'n

Selon la définition que propose le Petit Robert, on entend par trafic tout commerce plus ou moins clandestin, honteux et illicite. Le trafic est une transaction illégale qui implique une multitude d'acteurs aux intérêts bien déterminés. On parle du trafic d'enfants à partir du moment où est déplacé de façon légale ou illégale un enfant d'un lieu à un autre et plus particulièrement d'un pays à un autre. Le trafic d'enfants s'entend également comme une transaction de mineurs. L'enfant dans le trafic est l'objet et le but visé reste son exploitation économique détaillée plus haut. Le trafic d'enfants suppose la circulation des enfants avec des intermédiaires dont les objectifs sont l'exploitation économique des enfants.

Au Bénin, les Vì?ómåg?'n sont victimes d'un trafic interne très organisé. La production de ces dix dernières années sur ce nouveau phénomène est assez importante et renseigne sur les tenants et les aboutissants de cette ignoble pratique. Le trafic interne est marqué par un déplacement des enfants des zones rurales et défavorisées du pays vers les grands pôles économiques notamment des centres urbains où ils y sont livrés à des ménages à la recherche d'enfants pour les aider dans leurs différents travaux domestiques ou activités commerciales. Une étude menée par l'Unicef, précise que (53,3%) des enfants victimes du trafic interne atterrissent à Cotonou suivies de Parakou (11%) et de Porto-Novo (8,7%) respectivement capitale économique de la région septentrionale et capitale politique du Bénin. D'autres villes comme Bohicon, Abomey-Calavi, Kandi, Abomey et Malanville accueillent le reste du contingent. Ces enfants sont acheminés dans ces grands pôles urbains par route ou par transport inter urbain et parfois par motocyclettes pour échapper au contrôle des forces de sécurité. Selon une étude réalisée par le Ministère de la Famille en collaboration avec l'Unicef en 2002, 7 enfants placés sur 10 sont victimes de trafic interne. 55% d'enfants trafiqués à Cotonou selon Terre des Hommes sont des jeunes exploitées59(*). Placées dans les foyers en ville, ces enfants s'occupent essentiellement des enfants de la famille d'accueil, de la lessive, la vaisselle et de toutes autres formes de travaux domestiques. Les enfants trafiqués sont généralement accueillis en ville par trois catégories de foyers. La première catégorie concerne les salariés, fonctionnaires et assimilés de l'État ou du secteur public. Cette catégorie rémunère très souvent sur la base de louage les services des enfants placés. La deuxième catégorie est constituée de commerçants, commerçantes ou d'opérateurs économiques dont le niveau de vie est très élevé par rapport à la moyenne nationale. Les enfants sont pris en charge en retour des différents services qu'ils rendent à la famille avec comme un avantage possible, l'initiation aux règles de commerce. Les artisans, les petits ouvriers sont ceux qui reçoivent en dernier le dernier contingent d'enfants victimes de trafic interne. Les enfants sont ici exploités et participent aux activités économiques du foyer. Le trafic interne des Vì?ómåg?'n est assuré par des trafiquants qui écument les villages avec des promesses souvent irréalisées et irréalisables aux parents qui leur confient leurs enfants. Ce sont eux qui tirent profit du trafic en gagnant de l'argent sur le dos d'une part des enfants et des parents d'autre part. Les trafiquants sont souvent des membres ou amis proches de la famille d'accueil, ce qui facilite le confiage des enfants par les parents dont les conditions de vie et la misère qui les accable, ne leur permettent pas de s'occuper de leur progéniture. D'autres acteurs sociaux les aident à faire leur sale besogne. Nous pouvons retenir entre autres les transporteurs, les agents de l'État en l'occurrence les fonctionnaires de police, de la gendarmerie et de l'administration qui les laissent faire. Les enfants sont acheminés vers les villes sans aucune déclaration auprès des services de la préfecture, de la mairie d'accueil ou des services de police. Le trafic interne est caractérisé par quatre types de trafic à savoir : le trafic-ouvrier, le trafic-don, le trafic- gage et le trafic-vente.

Le trafic-ouvrier consiste à une utilisation de la main- d'oeuvre enfantine, notamment l'emploi des Vì?ómåg?'n âgés de 5 à 10 ans comme des aides à l'heure, des aides-artisans, des aides-maçons, des coffreurs, des domestiques ou des ouvriers agricoles. Le trafic-gage se réalise sur la base d'un contrat qui lie les parents de l'enfant placé à son tuteur ou employeur et se caractérise par la contraction d'une dette par les parents. Les parents contractent une dette auprès du trafiquant et mettent en gage l'enfant qui ne retourne qu'une fois qu'il a fini de rembourser cette dette. Quant au trafic-don, il se distingue des deux précédents et se caractérise par un don de l'enfant souvent à un membre de la famille ou ami pour qu'il poursuive ses études ou qu'il suive une formation professionnelle. Le trafic-don fait de l'enfant la propriété de son tuteur. Souvent l'enfant donné est confié par le tuteur à une autre personne en échange de rémunération. La dernière forme de trafic est celle qui met purement en vente l'enfant.

Somme toute, le trafic interne favorise le déplacement illégal des Vì?ómåg?'n. C'est une forme de déplacement d'enfants à des fins d'exploitation dans les foyers en villes. Le trafic interne est donc lié à l'exploitation des Vì?ómåg?'n par les adultes qui viole leurs droits fondamentaux et élémentaires. Le trafic interne implique la ruse, la tromperie des parents et la contrainte des Vì?ómåg?'n qui sont utilisés de façon différente en fonction de leur âge. Le trafic interne des enfants est devenu un prétexte d'exploitation économique des enfants.

2- Vì?ómåg?'n et le trafic externe

Le trafic externe encore appelé trafic transfrontalier concerne les enfants béninois notamment les Vì?ómåg?'n. Ces derniers sont les premières victimes de cette manifestation de la dérive du Vì?ómåg?'n, qui une fois encore était une pratique traditionnelle de placement par les parents auprès d'un membre de la famille élargie visant à assurer à l'enfant placé un gîte, un couvert, une éducation et une formation professionnelle. Cette pratique de rééquilibrage social est un prétexte pour exploiter au-delà des frontières nationales les enfants. Les enfants béninois en particulier les Vì?ómåg?'n sont déplacés vers les pays limitrophes, d'Afrique centrale ou autres par la ruse et placés dans des ménages étrangers où ils y sont économiquement ou sexuellement exploités. La plupart du temps, ce sont des membres de la famille élargie, qui sillonnent les villages à l'intérieur du pays pour solliciter et obtenir sur la base de fausses promesses la garde des enfants qu'ils vont vendre dans les pays de la sous-région. Parfois, ce sont les trafiquants directement qui écument les zones rurales déshéritées pour acheter des enfants auprès de leurs parents contre 10.000 ou 20.000 de FCFA60(*). Les parents dans ce deuxième cas vendent leurs enfants comme domestiques, travailleurs agricoles ou employés de plantation. Le trafic externe est une réelle affaire de transaction dans laquelle les parents cèdent leurs enfants à des acheteurs via un réseau d'intermédiaires très structuré. On peut se demander pour quelles raisons, une telle pratique a cours dans la société. La principale raison souvent évoquée est la pauvreté. En effet, beaucoup de parents éprouvés par les difficultés sociales et surtout économiques n'ont pas les moyens pour supporter les charges liées à leurs enfants nombreux dans ces milieux. Ils vont recourir à cette pratique pour se débarrasser d'un certain nombre. La réalité est plus perceptible et prégnante dans les familles polygamiques très nombreuse. Le faible niveau d'instruction constitue l'autre facteur qui concourt à la traite en général auquel s'adjoint indubitablement l'ignorance par les parents des lois. Au sujet du trafic externe, signalons que les enfants faisant objet de cette manifestation de la dérive du Vì?ómåg?'n sont acheminés vers des pays riches comme le Gabon, le Nigéria, la Côte d'Ivoire où ils y sont exploités dans les plantations de cacao, de coton...etc. Cet acte n'est rien d'autre que de l'esclavagisme moderne dont les Vì?ómåg?'n sont victimes. Comme son nom l'indique, la traite des enfants à travers ce trafic vers l'extérieur est un esclavagisme de notre temps. Selon l'Unicef quelques 200.000 Vì?ómåg?'n sont concernés par cet esclavage moderne. 86% des victimes sont des filles dont l'âge serait compris entre 5 et 14 ans. Social parle d'enlèvement pour désigner le trafic externe des Vì?ómåg?'n. À une étude qu'elle a conduite, elle démontre qu'il y aurait entre 1996 et 2000, plus de 10.000 enfants enlevés du Bénin vers d'autres destinations sans leur consentement61(*). La réalité est plus grave car il faudra multiplier par quatre voire cinq ce chiffre pour se rendre compte de l'ampleur de ce trafic externe qui n'est rien d'autre que la traite des enfants. Le transport des enfants vers l'extérieur se fait avec des embarcations de fortune et par bateaux. Le Bénin est devenu un pays pourvoyeur d'enfants vers ces pays supposés plus riches. Quelques événements montrent le caractère préoccupant de ce trafic. Nous retenons les événements du bateau Etiréno et des petites mains dans les carrières nigérianes.

En effet, le 17 Avril 2001, un bateau nigérian après avoir été refoulé par les autorités gabonaises et camerounaises, accosta au large des côtes béninoises où il avait un mois au préalable embarqué quelques 147 clandestins. Le refoulement par ces deux pays considérés comme récepteurs où la force du travail des enfants est exploitée dans de nombreux secteurs de l'économie informelle urbaine, rurale et dans la sphère domestique, s'explique par le fait que le bateau était suspecté d'achalander le trafic d'enfants qui sévit en Afrique de l'Ouest dont le Bénin en est un principal pourvoyeur. À bord, il y avait 43 enfants, tous destinés à la traite au Gabon, où ils devraient être employés loin de chez eux et de leurs parents en tant que domestiques et travailleurs dans les plantations de ce pays. Parmi les 43 enfants on notait 16 filles et 24 garçons. Les trois autres enfants étaient des bébés. 16 filles et 7 garçons avaient moins de 15 ans. 31 d'entre eux voyageaient tous seuls c'est-à-dire non accompagnés tant dis que 9 voyageaient à bord de ce bateau avec un parent notamment un membre de la grande famille. Tous savaient sans exception qu'ils vont au Gabon pour y travailler pendant une longue période de leur vie. 13 des 40 enfants proviennent du Bénin, huit du Togo, 17 du Mali, 1 du Sénégal et 1 de la Guinée62(*).

Deux ans plus tard, une situation analogue se répéta au Nigéria voisin où il a été découvert plus d'une centaine d'enfants béninois âgés entre six et seize ans exploités dans les carrières de granit des États d'Abeokuta et d'Ogoun situées au sud-ouest du pays. Il s'agit concrètement de 74 petites mains exploitées dans les carrières de ces deux États qui cassaient des pierres pendant plus de 14 heures par jour sans aucune mesure de sécurité. Ils avaient entre 4 et 10 ans et présentaient à leur accueil à Cotonou les signes visibles de la traite et de l'exploitation économique des enfants. Ce sont des enfants très maigres, malnutris et maltraités portant les stigmates de la violence du travail forcé. Ces deux cas ne sont pas les seuls cas de trafic externe et de traite des enfants en République du Bénin. En 1997 déjà, les autorités avaient découvert 40 enfants dans les cales d'un navire amarré au port de Cotonou à destination du Gabon. Le trafic externe des Vì?ómåg?'n vers les pays étrangers est monnaie courante. On les rencontre dans les capitales togolaise, burkinabè, nigérienne, ghanéenne où ils y sont exploités. Ils sont frauduleusement acheminés vers ces pays pour y être exploiter en violation des instrumentaux nationaux, régionaux et internationaux de lutte contre le trafic d'enfants. Les événements se multiplient et se développent avec une ampleur inquiétante malgré l'engagement de l'État béninois à faire respecter et promouvoir les droits de l'enfant.

En résumé, ce paragraphe aborde la question de la traite des Vì?ómåg?'n au Bénin, qui est un des aspects visibles de la dérive, du détournement ou du dévoiement du placement traditionnel des enfants. Abandonnés, livrés à des trafiquants ou vendus par leurs propres parents, forcés à travailler dans des conditions inhumaines, les Vì?ómåg?'n constituent les victimes des maux dont souffre le Bénin notamment de l'extrême pauvreté à travers la traite dont nous ne venons de saisir les différentes formes. Les violences à l'encontre des Vì?ómåg?'n, l'exploitation économique et la traite ne sont pas de nature des situations de garantie des droits de ces enfants. Au contraire, elles bafouent leurs droits élémentaires et fondamentaux. En tout état de cause, la dérive du Vì?ómåg?'n devient un problème de droit de l'homme car violant les droits de l'enfant. C'est justement ce que nous essayerons de développer à travers l'analyse des conséquences de cette dérive en matière de droits de l'enfant placé dans la suivante section.

Section 2 - Les conséquences de la dérive du Vì?ómåg?'n

La dérive du Vì?ómåg?'n telle que nous l'avions constatée dans ses différentes manifestations qui la caractérisent, constitue un phénomène social aux conséquences désastreuses pour l'enfant. La dérive apparaît dès lors comme une négation des droits fondamentaux et des libertés reconnus à l'enfant aussi bien par la société traditionnelle que par la communauté internationale à travers ses différents instruments de protection de l'enfant. La violation des droits et libertés fondamentales des Vì?ómåg?'n (Paragraphe1) a pour corolaire, la fragilisation enfants par certains maux (Paragraphe2).

Paragraphe 1- Des droits et libertés des Vì?ómåg?'n

Une analyse de la dérive du Vì?ómåg?'n montre que c'est un phénomène qui bafoue certains droits fondamentaux et libertés de l'enfant. Nous le constaterons à travers ce paragraphe avec précision sur ces droits et libertés violés au quotidien et essayerons de siuer la la responsabilité des uns et des autres.

1- L'état des lieux des droits fondamentaux des Vì?ómåg?'n

Alors que la pratique traditionnelle du Vì?ómåg?'n était synonyme de respect des droits élémentaires de l'enfant, la dérive les bafoue au quotidien. Tout le monde se met d'accord pour reconnaître aujourd'hui que la situation des droits des Vì?ómåg?'n est de plus en plus difficile et reste caractérisée par une négation des droits reconnus à la personne de l'enfant. Parmi ces droits fondamentaux violés, nous avons la non- discrimination, le droit à la vie notamment à la survie et au développement, le droit à l'identité. Le droit à la protection à savoir la protection contre les maltraitances, les mauvis traitements et autres abus, la protection contre le travail et les autres formes d'exploitation, n'est plus respecté et garanti aux enfants placés dans la société. Ces droits ne sont que de la fiction pour ces enfants et l'État ne réussit pas en assurer la jouissance effective à ces milliers d'enfants dont le destin est clairement voué à l'échec. Ils sont simplement abandonnés par tout le monde et livrés aux trafiquants qui vivent sur le dos de ces enfants. Voyons de façon plus détaillée comment ces droits sont violés au quotidiennement.

Au sujet de la non- discrimination, signalons que l'article 2 de la convention relative aux droits des enfants, reconnaît à tous les enfants quelque soit leur origine, leur condition sociale ou de leurs parents, le droit d'être traités avec égalité et respect des droits inhérents à leur personne. Les États au regard de cet article 2 sont tenus d'assurer ce principe de non-discrimination à tout enfant. Ayant ratifié la dite convention, le gouvernement béninois est censé garantir à tous les enfants y compris les Vì?ómåg?'n ce principe qui est une conséquence de l'article 1 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 10 Décembre 1948. Ces deux articles qui font référence à l'égalité, à la dignité affirment clairement que tous les hommes sont égaux et ont droit sans aucune discrimination à une égale protection. Ceci reste de loin effectif pour les Vì?ómåg?'n pour qui la dignité d'être humain reste très menacée par violences physiques, les atteintes morales et psychologiques. Ils ne sont pas toujours traités au même titre que les autres enfants de la société. Aujourd'hui, être Vì?ómåg?'n dans la société béninoise, c'est avoir un statut différent des autres enfants et par conséquent de traitements différents. Les situations où les enfants placés ou confiés sont victimes de discrimination concernent la vie en famille, la scolarisation, l'habillement sont nombreuses. Ils sont traités autrement et il suffit de rendre visite à une famille pour se rendre compte de l'état de discrimination de ces enfants. Habillés en haillons, non scolarisés, les enfants placés ne vivent pas comme les autres enfants de la famille d'accueil. L'écart de traitement entre un enfant légitime, naturel et un Vì?ómåg?'n, renseigne bien plus sur cette situation qui ne respecte pas la dignité de l'enfant placé. En plus, la législation ne garantit pas de façon concrète ce droit à la non-discrimination aux Vì?ómåg?'n, ce qui ouvre la voie à toutes les formes de violation de ce principe fondamental de droits de l'homme.

En matière de droit à la survie et au développement de l'enfant, qui parait pourtant aller de soi au regard de la représentation sociale de l'enfant dans la société, la situation des Vì?ómåg?'n reste caractérisée par une insécurité globale de protection de leur environnement. Ils sont mal nourris, mal logés et mal soignés.

Quant au droit à l'éducation perçu comme un droit qui concourt à l'autonomisation de l'individu et par voie de conséquence de l'enfant, il n'est pas toujours garanti aux Vì?ómåg?'n. Ce droit qui prône l'éducation définie par l'Unesco, comme « le principal outil qui permet à des adultes et à des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur communauté 63(*) », n'est pas toujours assuré à tous les enfants sur la base du principe de l'égalité des chances. Très peu d'enfants Vì?ómåg?'n ont accès au droit à l'éducation consacré par la constitution béninoise du 11 Décembre 1990 disposant que « l'Etat pourvoit à l'éducation de la jeunesse par des écoles publiques. L'enseignement primaire est obligatoire. L'Etat assure progressivement de l'enseignement public64(*) ». Le droit à l'éducation est reconnu par la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples, adoptée en 1981 au Kenya notamment en son article 17 et l'article 11 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant de 1990, qui prévoit des droits éducatifs complets de l'enfant africain. L'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme en a fait un droit inaliénable, car sans éducation, ni instruction, il n'y a point de liberté et l'on reste sous tutelle et dominée. L'éducation constitue au regard de déclaration universelle, un rempart contre la violation des droits de l'enfant et la discrimination. L'éducation, le levain de la société, change l'homme et par conséquent participe au progrès de cette dernière. Nous savions la place qu'accorde la société traditionnelle à ce droit majeur et fondamental de la personne humaine. Ne pas garantir l'éducation à l'enfance, c'est hypothéquer tout progrès, la paix et la cohésion nationale. Une société prospère est une société qui assure en priorité à sa jeunesse une éducation. D'où la foi que placent les instruments internationaux et le gouvernement béninois à l'éducation. Malheureusement, l'éducation n'est pas encore garantie à tous les enfants béninois. Certaines catégories comme les enfants handicapés et les Vì?ómåg?'n sont exclus de la scolarisation pour des raisons que nous ignorons. L'État a pourtant indiqué qu'elle est obligatoire. Cette situation des Vì?ómåg?'n est à l'origine de la violation de leurs droits. Le non-accès à l'éducation ou à une formation, constitue pour nous, l'une des raisons essentielles de la situation d'exploitation, de mauvais traitements et de traite des Vì?ómåg?'n.

Du point de vue identitaire, les Vì?ómåg?'n n'ont pas une identité. Leur identité pour la plupart du temps est trahie et ils ne jouissent pas toujours du droit d'être élevés par leurs parents comme le recommande l'article 7 de la convention des droits de l'homme. À travers cette idée, nous interpellons la responsabilité de l'État à assurer ce droit à l'identité qui est un droit à une nationalité et à la citoyenneté. Les Vì?ómåg?'n n'ont pas une identité officielle car ils ne disposent pas de pièces justificatives établissant leur nationalité ou citoyenneté. Cet état de choses montre clairement que l'État béninois n'oeuvre pas dans le sens de l'esprit de la convention pour fixer le statut des Vì?ómåg?'n au regard de la loi. L'identité n'ouvre-t-elle- pas l'accès aux droits et autres privilèges sans oublier les services qu'une nation propose à sa population ? Les Vì?ómåg?'n en revanche au Bénin sont des enfants sans identité, ce qui favorise la dérive notamment la violation de leurs droits fondamentaux.

En matière de droit à la protection, signalons que la situation actuelle des Vì?ómåg?'n n'est pas tout à fait reluisante. Le droit au bien-être des Vì?ómåg?'n n'est pas assuré car les décisions relatives à leur placement ne tiennent plus compte de leur intérêt de même que l'éducation qui leur est réservée par les tuteurs ou toute autre personne ayant à charge leur garde ou éducation. La situation est identique par rapport au droit d'être protégé contre les mauvais traitements. En effet, même si l'article 19 de la convention des droits de l'enfant, convention à laquelle a adhéré le Bénin, recommande aux États de protéger l'enfant contre toutes les formes de violences et brutalités physiques ou mentales, contre l'abandon, l'absence de soins, les mauvais traitements, l'exploitation et la violence sexuelle, les Vì?ómåg?'n ne sont pas concernés par cette mesure. Toutes les mesures de protection du dispositif national ne tiennent pas compte de leur fragile et spécifique vulnérabilité. C'est pour quoi, ils continuent d'être victimes au quotidien de maltraitance, de négligences, de mauvais traitements et d'exploitation économique dont les conséquences sur leur développement physique et psychologique et leur vie ne sont plus à mentionner. En matière de protection contre l'exploitation, il importe de rappeler que la dérive du Vì?ómåg?'n, soumet de façon très précoce les enfants placés au travail. Ils sont contraints d'accomplir des travaux dangereux nuisant à leur éducation et développement. La protection contre l'exploitation et les mauvais traitements des Vì?ómåg?'n n'est pas assurée par le dispositif actuel de protection de l'enfance. Les Vì?ómåg?'n avec la dérive, se voient dans la foulée violer leur droit à la protection contre l'exploitation sexuelle (Art 34 de la Convention des droits de l'enfant), leur droit à la protection contre l'enlèvement, contre la vente et contre les autres formes d'exploitation (Art 35 et 36 de la CDE).

Au sujet du droit à la santé, les Vì?ómåg?'n ne jouissent pas comme le recommandent la convention et les instruments régionaux du droit de jouir d'un meilleur état de santé et d'être soigné (Art 24). Ce droit qui paraît pourtant évident mis en oeuvre dans la société traditionnelle, n'est pas totalement garanti aujourd'hui aux Vì?ómåg?'n dans la société béninoise moderne. Ils n'ont pas accès aux soins primaires de santé comme le précisent les témoignages d'enfants que nous avions rencontrés et mentionnés plus haut. La dérive du Vì?ómåg?'n viole clairement le droit à la santé entendu comme l'un des droits fondamentaux de l'enfant de même que le droit à l'alimentation.

D'autres droits reconnus à l'enfant sont également violés en ce qui concerne les Vì?ómåg?'n. Il s'agit des droits à la culture, au repos et aux loisirs. S'il est collectivement admis dans la société traditionnelle que, l'enfant jouit d'un droit de participer à l'animation culturelle de sa communauté, du droit au repos et aux loisirs, la dérive du Vì?ómåg?'n ne favorise plus la jouissance de ces droits reconnus dans les différents instruments de protection de l'enfance. Les Vì?ómåg?'n n'ont pas droit au repos, aux loisirs encore moins à la culture. Ils travaillent plus de quatorze heures par jour, se lèvent les premiers et se couchent les derniers dans les différentes familles d'accueil ou dans les plantations. Ils sont privés de repos, n'ont pas accès à la culture et ne peuvent pratiquer les loisirs de leur choix comme les autres enfants de la société. Cet état de choses, montre clairement que les enfants placés au Bénin ne jouissent pas des droits pourtant reconnus aux enfants à travers les instruments de protection. Les droits les plus élémentaires leur sont déniés. Ils sont par conséquent désarmés et constituent les oubliés de la Nation car les autorités trainent toujours à clarifier leur situation légale.

2- La situation générale des libertés fondamentales des Vì?ómåg?'n

Du latin libertas, la liberté désigne « l'état de l'homme libre » qui s'oppose à « l'esclave ». La liberté au sens positif du terme est la souveraineté inaliénable de l'être humain. Renoncer à sa liberté c'est renoncer à son humanité comme le signale Rousseau. Définie négativement, la liberté symbolise l'absence de soumission, de servitude et de contrainte. Elle exprime la situation d'une personne qui n'est pas sous la dépendance absolue de quelqu'un d'autre. Les libertés fondamentales désignent l'ensemble des droits subjectifs primordiaux pour l'individu, assurés dans un État de droit ou une démocratie. Les libertés fondamentales sont les grands piliers des droits de l'homme notamment ceux de la première génération.

Au Bénin, le droit aux libertés notamment à la liberté d'opinion, la liberté d'expression, d'association ou de réunion et la liberté de religion, a été tout le temps respecté notamment dans l'univers traditionnel. Ce droit aux libertés a beaucoup évolué depuis les années 1990 notamment avec la ratification par le Bénin de la convention des droits de l'enfant. Cette ratification a permis une progression importante notamment en ce qui concerne la prise en compte de l'avis de l'enfant dans les décisions qui doivent désormais veiller plus à son intérêt. Cette avancée importante n'est pas pour autant une réalité pour les Vì?ómåg?'n qui n'ont pas le droit à la parole dans les familles d'accueil. Les Vì?ómåg?'n ne bénéficient pas des ces libertés fondamentales indispensables pour leur épanouissement et développement physique, mental et moral. Ces libertés sont niées par la dérive aux enfants Vì?ómåg?'n. En clairs, leur liberté d'expression, d'opinion, de pensée et de religion sont bâillonnées. Ils n'ont pas droit à la parole encore moins de pratiquer la religion de leur choix ou avoir un avis sur un sujet donné.

Considérée comme l'une des libertés fondamentales de l'homme, la liberté d'opinion, reconnue par les différents instruments juridiques de droit de l'homme notamment la déclaration universelle des droits de l'homme, la convention relative aux droits de l'enfant et dans le contexte africain par la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, est censée être garantie aux enfants placés au Bénin. C'est une liberté protégée au plan national qui implique pour le droit d'avoir sa propre opinion sur un sujet donné sans être inquiété par quoi que ce soit. Sauf que dans la réalité, les enfants placés dans la société béninoise d'aujourd'hui ne peuvent pas avoir d'opinion. Les tuteurs ou autres personnes ayant à charge l'éducation des Vì?ómåg?'n, n'accordent aucune importance à leur parole. Tout avis d'un enfant placé est perçu comme un défi à la famille d'accueil et considéré dénudé de tout sens. Dans une situation qui oppose les enfants légitimes de la famille d'accueil ou toute autre personne de la société, la parole des enfants placés n'est pas toujours considérée. La parole des Vì?ómåg?'n n'est pas prise en compte aussi par les juges et autorités politico- administratives. L'image type socialement retenue des Vì?ómåg?'n est qu'ils sont enfants fainéants, paresseux, menteurs, voleurs, têtus et sournois. Cette image ne permet pas d'affronter la parole de l'enfant à celle de son tuteur ou du trafiquant. L'enfant placé victime de mauvais traitements, de violences sexuelles ou d'enlèvement, ne peut se défendre et sa parole est simplement bâillonnée, ce qui permet dans plusieurs affaires impliquant des trafiquants ou tuteurs d'être innocentés et de se tirer d'affaire. Ceci prouve que les Vì?ómåg?'n ne sont pas écoutés et leur avis importe peu dans les ménages. La plupart des tuteurs et tutrices aujourd'hui, considèrent que les Vì?ómåg?'n n'ont pas droit d'exprimer leurs besoins, de faire part de leurs difficultés encore moins donner leur avis sur une question ou une situation donnée dans la famille d'accueil. Les libertés d'expression et d'opinion des Vì?ómåg?'n ne sont pas respectées pour eux. Ces deux libertés sont simplement bafouées avec la dérive du placement d'enfant.

La négation des libertés fondamentales s'étend à d'autres libertés fondamentales telles la liberté de pensée, de conscience, de religion ou du choix de ce qui est bien pour sa personne. Les Vì?ómåg?'n ne sont pas toujours assurés de jouir d'une liberté de pensée et de conscience. Ils ne peuvent pas non plus pratiquer la religion de leur choix et manifester leurs convictions. Toutes ces libertés se trouvent bafouées par la dérive du Vì?ómåg?'n. Dans plusieurs cas, les enfants placés par exemple en matière de liberté de religion, sont contraints de pratiquer sans aucun respect de leur choix la religion de leur tuteur. Il est très difficile pour des Vì?ómåg?'n de pratiquer dans une famille où les tuteurs sont des évangélistes par exemple le catholicisme. Au lieu d'aider les enfants placés à suivre l'enseignement religieux qui leur convient, les tuteurs les obligent et contraignent à suivre leurs propres pratiques en violation aux dispositions de droits de l'homme. Il n'y a pas autre religion pour l'enfant placé que celle de son tuteur. La dérive du Vì?ómåg?'n favorise ainsi l'intolérance religieuse. C'est ainsi que, des enfants Vì?ómåg?'n à la base pratiquants des religions traditionnelles vont être obligés à devenir des chrétiens contre leur propre volonté voire parfois devenir des musulmans. On note en matière religieuse que les enfants placés sont contraints à participer aux enseignements religieux, ce qui nous conduit au coeur de la problématique des sectes. Beaucoup de Vì?ómåg?'n sont victimes de l'influence des sectes qui les manipulent juste pour qu'ils obéissent à leurs tuteurs ou tutrices. Cette manière de faire arrache à ces enfants toute dignité et surtout leur identité. Car dans ce processus, ils se verront changer de nom. Leur nom d'origine est considéré comme barbare et porte malheur pour le ménage et sa cohésion. Ils se verront nier ainsi la reconnaissance de leur identité et des attributs qui sont liés à leur personnalité. La situation en est de même pour les libertés d'association et de réunion. En effet, les Vì?ómåg?'n ne sont pas pour la plupart du temps autorisés à fonder quelque groupe culturel, sportif et politique ou d'y entrer. Les Vì?ómåg?'n pour finir ne jouissent pas du droit à l'information pourtant reconnu comme contribuant à l'acquisition des connaissances par l'enfant et à surtout à la compréhension d'autres cultures notamment d'autres valeurs et moeurs.

La violation des droits élémentaires et des libertés fondamentales par la dérive du Vì?ómåg?'n traduit à quel point la situation des Vì?ómåg?'n est critique et préoccupante. Les conséquences de la dérive ne se manifestent pas seulement en termes de violation des droits et libertés, elles s'expriment aussi par des maux qui fragilisent les enfants placés.

Paragraphe 2- La dérive du Vì?ómåg?'n et la fragilisation des enfants placés

La dérive du Vì?ómåg?'n est une situation qui fragilise énormément les enfants placés. Cette fragilisation se caractérise par l'analphabétisme et une dégradation sanitaire. Ce sont également des enfants abandonnés oubliés par les pouvoirs publics d'où l'importance d'analyser les maux dont ils souffrent à travers cette sous-section.

1- Éducation et santé des Vì?ómåg?'n

Le Vì?ómåg?'n, cette vieille et forte tradition qui perdure dans la société béninoise, est détournée de son but initial et se caractérise par la violation des droits et des libertés des enfants placés. La violation des droits et libertés des enfants traduit une certaine fragilisation des enfants confiés. Aujourd'hui encore deux tiers des enfants placés sont des filles. Une enquête menée en 1999 par ESAM, sur un échantillon de 138 personnes victimes de la traite, dénombrait 96 enfants constitués principalement des jeunes filles65(*). En dépit de leur diversité ethnique comme le renseigne l'enquête, ces enfants présentent des caractéristiques sur le plan de l'éducation. La quasi-totalité des Vì?ómåg?'n n'ont pas un niveau d'instruction suffisant pour pouvoir se défendre. Malgré tous les progrès réalisés par le Bénin ces dix dernières années, la grande majorité des Vì?ómåg?'n ne sont pas scolarisés et même l'entrée de la loi rendant l'éducation materne et primaire obligatoire et gratuite ne leur profite pas. Il y a clairement aujourd'hui plus d'enfants Vì?ómåg?'n non scolarisés. Même si le taux de scolarisation est en nette évolution depuis plus de dix ans, les Vì?ómåg?'n ne bénéficient pas du minimum reconnu en termes d'instruction. Beaucoup de tuteurs préfèrent leur confier les activités domestiques et la garde de leurs enfants que de les inscrire à l'école. Cette situation engendre un fort taux d'analphabétisme dans le rang de ces enfants. En plus de la privation du droit à un milieu familial, les Vì?ómåg?'n à plus de 80% sont des illettrés. Toutes les études montrent l'écart entre la scolarisation des enfants Vì?ómåg?'n et des enfants ordinaires dans la société. Il apparaît que les Vì?ómåg?'n subissent un comportement discriminatoire. Cette discrimination s'observe entre la différence du taux de scolarisation des enfants biologiques des familles d'accueil et le taux général national de scolarisation des enfants confiés dans le pays. Une petite nuance mérite quand même d'être faite. Dans les zones rurales, cette discrimination à l'égard des enfants confiés est moins ressentie et la tendance générale est assez équilibrée. L'inégalité entre le taux d'instruction des enfants biologiques et les Vì?ómåg?'n dans les milieux urbains est bien connue et très bien documentée. D'autres études menées ces dix dernières années montrent aussi que, la grande majorité des Vì?ómåg?'n n'ont jamais été instruits ou ont un niveau très bas. Ce qui nous semble important à préciser est de toute évidence le taux d'analphabétisme élevé dans la population des enfants confiés ou placés au pair. Le taux de déscolarisation est aussi avancé et se justifie en général par le fait que beaucoup d'enfants ont abandonné très tôt l'école pour plusieurs raisons. Les raisons les plus connues sont le défaut de paiement de contribution scolaire lié à la situation de pauvreté des parents, le défaut lié au décès d'un ou des deux parents biologiques, le faible niveau d'instruction et de compétences des parents. À ces raisons s'ajoutent le détournement ou la perte des valeurs traditionnelles africaines et surtout la disparition de l'esprit de communauté. Cette dernière raison est à l'origine des piètres valeurs développées et entretenues par la société moderne qui bafoue le droit à l'éducation des Vì?ómåg?'n. Certains tentent d'expliquer cet état de choses par la pauvreté. Certes, le lien entre la pauvreté et l'analphabétisme des enfants est évident, mais il n'est pas pour autant une raison pour justifier la violation du droit élémentaire d'éducation garanti depuis la nuit des temps dans la société traditionnelle à tout enfant comme nous l'avions remarqué plus haut. Aujourd'hui, dans certaines consciences individuelles renforcées par les pesanteurs sociologiques, les Vì?ómåg?'n ne doivent pas aller à l'école car une fois qu'ils sont inscrits, ils leur échappent et ne sont plus malléables et moins faciles à exploiter et encadrer.

Sur le plan sanitaire, les Vì?ómåg?'n sont aussi défavorisés et fragilisés par un manque de soins. La santé mentale, physique et psychologique des enfants confiés n'est plus de nos jours une préoccupation des personnes ayant à charge leur garde. L'exploitation économique par le travail des Vì?ómåg?'n entraîne des conséquences physiques et provoque des troubles psychiques importants. Au plan physique par exemple, les conséquences liées à l'exploitation sont surtout les lésions et autres blessures qui sont la marque de la souffrance que vivent les enfants placés. « Le port de charge d'un poids excessif et le travail dans de mauvaises positions sont particulièrement nocifs du point de vue de la croissance et du développement du squelette et sont à l'origine des déformations de la colonne vertébrale, du thorax et du bassin66(*) », confirment une étude des experts du BIT. D'un point de vue psychologique, les Vì?ómåg?'n ont une existence chargée de soucis et de troubles. D'abord le transfèrement dans un cadre d'accueil sans affection, amour et attention représente le premier élément de destruction des enfants placés. Le transfèrement dans une externe à leur famille d'origine, crée des stress énormes chez les Vì?ómåg?'n qui sont conscients de leur statut d'enfants dont les seuls devoirs sont d'obéir, servir et générer de revenus aux tuteurs. Ils n'ont ni droit de protestation ni de contestation. Ils ne peuvent exprimer leurs sentiments encore faire preuve de créativité. Cet état de choses provoque des bouleversements profonds chez les Vì?ómåg?'n, qui sont atteints de troubles mentaux. La plupart deviennent des marginaux, se renferment sur eux-mêmes. Ils sont révoltés et développent des situations de rancoeur très avancées. Les différents torts causés aux enfants confiés par la dérive sont à l'origine des situations de grandes criminalités que connaît la société. Les enfants placés sont les parents pauvres en matière de soins primaires de santé. Rappelons que la plupart du temps, ils sont malades du paludisme, développent des diarrhées chroniques et souffrent d'infections respiratoires aigües, sans être soignés. Il ressort de cette analyse que la situation scolaire et sanitaire des Vì?ómåg?'n est très dégradante et ne leur permet de bien grandir, d'être entourés de soins et de vivre dans l'insouciance et de s'épanouir comme les enfants biologiques des familles d'accueil. Ils sont fragilisés par le développement d'une nouvelle perception ou représentation de l'enfant assimilable à de la marchandise. La « marchandisation » des enfants dans la société de nos jours fragilise leur éducation et santé. Cette situation laisse envisager que les Vì?ómåg?'n sont en danger permanent dans la société. Les Vì?ómåg?'n ne sont pas seulement fragilisés par ces deux maux aujourd'hui dans la société. Ils le sont aussi grâce à une forme d'anomie aggravante, d'où l'idée d'une protection juridique limitée.

2- Les Vì?ómåg?'n fragilisés par l'absence d'une protection juridique

Ce sous- titre aborde la question de la protection juridique des Vì?ómåg?'n et sert à évoquer la nécessité pour la législateur béninois de faire quelque chose pour ces milliers d'enfants abandonnés et oubliés de nos jours. En effet, si au Bénin, le statut juridique de l'enfant ordinaire semble être réglé et encadré aux plans pénal et civil, en matière d'éducation, de scolarisation et du travail, aucune disposition nationale au jour d'aujourd'hui ne fait état de la protection de la catégorie d'enfants pourtant fragiles et vulnérables que représentent les Vì?ómåg?'n aussi vieux que le fondement même de la société moderne béninoise. Autrement dit, le dispositif national de protection de l'enfant au Bénin ne fait à aucun moment cas de cette impressionnante population d'enfants à l'échelle du territoire national. Il n'existe aucun mécanisme de protection de ces enfants et le législateur béninois ne les a pas mis au coeur de son action de protection des enfants de la République. Nous sommes au regard de ce qui suit, en situation d'absence de normes spéciales visant à assurer une protection aux enfants placés, qui de fait sont abandonnés par l'État.

En plus de cette absence de normes spéciales de protection des enfants placés, force est de constater que la pratique même de placement c'est à dire le Vì?ómåg?'n ne fait l'objet d'aucun encadrement juridique. Et les pouvoirs publics ne font rien pour remédier à cette situation et corriger cette grosse imperfection du mécanisme de protection des enfants. Jusqu'à aujourd'hui, la pratique n'est pas tout comme l'enfant Vì?ómåg?'n, régie par un cadre juridique. Les tuteurs et autres personnes en charge de l'éducation des Vì?ómåg?'n ne sont soumis à aucune règle juridique qui fixe ou détermine leurs droits et obligations à l'égard de ces derniers. Ils sont libres et peuvent agir sans crainte et sans être inquiété par la loi. Aucun dispositif ne réglemente le Vì?ómåg?'n perçu à notre avis comme une pratique d'adoption illégale malgré toute son utilité sociale. Elle ne repose sur aucun fondement juridique. Pas de procédure administrative de placement ou d'adoption d'un Vì?ómåg?'n par un tuteur, tout se développe sur la base du gré à gré entre les parents et le ou les tuteurs. À aucun moment, l'État n'intervient dans la procédure de placement des Vì?ómåg?'n. Il se tient à l'écart et ne joue pas son rôle de protecteur de l'enfant.

Cette absence d'un cadre juridique qui fixerait dans un premier le statut juridique de l'enfant et déterminerait les règles de placement d'enfant dans un second temps, constitue une grave erreur, une faute lourde et pénalise voire fragilise les Vì?ómåg?'n. Cette anomie est la vraie source de la difficile situation des enfants placés au Bénin. Ce vide juridique relatif au statut du Vì?ómåg?'n et de la pratique, nous montre que la protection de l'enfant n'est pas encore une préoccupation des pouvoirs publics béninois.

Alors que les différents instruments internationaux de droit affirment, réaffirment et demandent que, l'enfant en raison de sa fragilité, son immaturité et sa vulnérabilité, doit fait l'objet d'une attention particulière, les Vì?ómåg?'n sont absents voire exclus du dispositif béninois de protection de l'enfant. Sans statut juridique les Vì?ómåg?'n ne peuvent avoir la garantie de leurs droits. Or tout le monde s'accorde à reconnaître que c'est le statut juridique qui donne accès à la réalisation des droits. Sans statuts, les enfants placés ne peuvent qu'être fragilisés, maltraités, exploités et soumis très précocement au travail. Cette anomie que nous venons d'évoquer ne peut que favoriser la violation des droits de l'enfant. N'ayant pas réglé ce problème de statut juridique de l'enfant placé et encadré juridiquement aussi la pratique de confiage d'enfant, l'État va avoir recours aux mesures générales internes et internationales de protection pour tenter d'assurer un semblant de protection aux Vì?ómåg?'n. Mais malgré, le recours à ces mesures, la protection juridique et sociale des Vì?ómåg?'n reste toujours limitée. Nous reviendrons plus tard sur cette protection à travers l'analyse du mécanisme national de protection de l'enfant.

Résumons nos propos pour mentionner que la dérive du Vì?ómåg?'n a des conséquences sur les droits et libertés des enfants confiés dans la société béninoise d'aujourd'hui. Elle les fragilise aux plans éducatif, sanitaire et en termes de garantie juridique. L'extrême dangerosité de la dérive a amené les pouvoirs publics sous la contrainte de la communauté internationale, à mettre en place des mesures visant à protéger les Vì?ómåg?'n et à assurer leur bien-être. C'est ainsi que plusieurs mesures ont été adoptées et plusieurs textes renforcés comme le code de travail, les lois sur la traite des enfants sans oublier les mesures sociales visant aussi à assurer la protection des Vì?ómåg?'n. Nous verrons tout ceci à travers notre deuxième chapitre consacrée à la protection des Vì?ómåg?'n au Bénin.

Nous ne saurions finir ce chapitre sur la dérive du Vidomègon sans aborder les raisons ou causes de cette situation. Aujourd'hui, une réalité de fait pouvant élucider l'émergence du phénomène Vidomègon dans la société béninoise, est le passage à la modernité. En effet, le passage à la modernité a été très mal préparé, mal réussi, mal maîtrisé voire non endogénisé. Le passage à la société moderne au lendemain de l'indépendance a désorganisé l'organisation sociale traditionnelle. La communauté jusque-là garant de l'organisation sociale a été dépouillée de son rôle par le nouvel État né suite à l'indépendance en 1960 sans aucune négociation. La communauté qui assurait autrefois l'éducation et la socialisation a été dépossédée de cette immense tâche au détriment d'un pouvoir central qui n'est pas en mesure d'assurer ou de garantir aux enfants de la nation l'accès à l'éducation. Cette situation va conduire à un manque criard d'éducation dans les familles nouvelles familles surtout en milieux défavorisés. Le passage de la tradition à la modernité a aussi contribué à l'éclatement de l'esprit familial, de la solidarité et de l'entraide sociale. La communauté tout comme les parents n'arrivent plus à exercer leur autorité morale et parentale sur l'enfant. C'est toute l'idée de l'esprit de la solidarité constitutive des sociétés traditionnelles africaines qui se trouve menacée avec à la clé la désorganisation du tissu et la dislocation de la famille au sens traditionnel, lequel s'aligne désormais sur le modèle occidental. En tout état de cause, la protection de l'enfant a pris un coup et ne sera plus l'objet principal qui sous-tend le placement ou le confiage d'un enfant. Au niveau politique, il est à signaler que, l'échec des différentes politiques publiques en matière d'éducation ainsi que de la non maîtrise de la démographie, de l'urbanisation grandissante et désordonnée, a contribué en partie au développement du phénomène Vì?ómåg?'n. En gros, c'est l'échec de ce passage de société traditionnelle à une société moderne non maîtrisée qui a préparé le terrain au phénomène vu que la tradition n'exerce plus son pouvoir d'autorité.

La dérive du Vì?ómåg?'n tient aussi du fait qu'au niveau économique, la situation du pays au lendemain des indépendances n'a pas été favorable à la garantie des droits fondamentaux de l'enfant. La pauvreté monétaire et humaine que connaît le pays a été un élément essentiel dans la perversion de la pratique traditionnelle d'entraide. En effet, avec un Indice de Développement Humain (IDH) des plus faibles de la planète soit 478 en 200667(*), le Bénin fait partie des pays pauvres et très endettés du monde. Parmi les 9568(*) nations en développement, le pays occupe le 80ème rang. Son économie est très dépendante de l'extérieur notamment du Nigéria et des pays occidentaux. La situation économique, financière et sociale du pays est très dégradée. Au niveau social, on constate une paupérisation des couches sociales notamment en milieux ruraux. Malgré les différents programmes d'ajustement structurel et de relance économique de l'économie nationale intervenus ces deux dernières décennies, la situation générale du pays ne s'améliore guère et s'accentue avec un indice global de pauvreté très élevé. Lorsqu'on prend isolément les familles rurales, elles sont de plus en plus pauvres et vivent continuellement dans un environnement économique aussi pauvre. Elles n'arrivent plus à faire face aux besoins élémentaires de leur progéniture à cause de l'appauvrissement des sols, du faible rendement agricole, de l'ensablement des lacs et lagunes mais aussi des fleuves. Une telle situation génère la misère et le manque de ressources financières. S'ajoutent à ces quelques éléments le manque d'infrastructures sociocommunautaires de base. En ville, la situation n'est guère reluisante. Les ménages des centres urbains sont aussi frappés par la pauvreté essentiellement marquée par un faible pouvoir d'achat auquel viennent s'ajouter le chômage et le sous-emploi. Cette situation qui ne favorise guère la situation des parents a des impacts directs sur la situation que subissent les Vì?ómåg?'n. Elle a favorisé le recours à la main d'oeuvre enfantine venue des zones rurales et déshéritées en ville. Cette attitude développée et entretenue par les citadins pour survivre va modifier le paysage béninois en matière de solidarité. Les pratiques traditionnelles et culturelles vont être simplement dévoyées dont la pratique Vì?ómåg?'n. La situation d'inertie de l'État démissionnaire et défaillant a contribué à la perversion de la pratique Vì?ómåg?'n. En effet, pendant des années l'État incapable d'assumer ses rôles d'éducation, de développement, d'aménagement du territoire, a adopté une situation de silence coupable au sujet des Vì?ómåg?'n. Pendant longtemps, le silence des autorités publiques et la complicité coupable de la société tout entière ont favorisé la perversion du Vì?ómåg?'n dont la victime principale reste et demeure l'enfant issu de famille pauvre, analphabète et déshéritée.

Au final, l'échec de la modernisation de l'État moderne, son incapacité à assurer une survie aux populations, l'affaiblissement de la communauté notamment du rôle de la famille élargie, l'effondrement des valeurs traditionnelles de solidarité et d'entraide, constituent les vraies raisons plausibles de l'émergence de la dérive du Vì?ómåg?'n constatée au Bénin depuis près de vingt ans dont la cible privilégiée reste et demeure l'enfant pauvre et démuni. La dérive portée sur la scène internationale va obliger le Bénin va contraint à apporter des solutions. C'est lorsque cette dernière lui intima l'ordre d'adopter des mesures effectives de protection des Vì?ómåg?'n au risque de son exclusion de la communauté internationale, que l'État béninois va tenter de lutter contre le phénomène Vì?ómåg?'n via des mesures spécifiques complémentaires. Ces mesures ne sont pas toujours à la hauteur des espérances de la communauté internationale et nécessitent plus d'actions dans le temps.

CHAPITRE 2- DE LA PROTECTION GENERALE DE L'ENFANT À LA PROTECTION SPECIFIQUE DES VIDOMEGONS CONTRE LA DERIVE DU VIDOMEGON.

Comme nous venons de le constater dans le premier chapitre de cette deuxième partie, l'institution de la protection -sociale et juridique- de l'enfant dans la société béninoise remonte très loin et date de l'époque précoloniale et traditionnelle. L'attachement au respect des droits et libertés de l'enfant va être plus affirmé à l'indépendance en 1960, date de la naissance de l'État moderne béninois. La protection en elle même n'a pas changé de philosophie mais le sujet concerné c'est-à-dire l'enfant a évolué avec une nouvelle conception de sa personne. L'État moderne à la naissance reconnaît à l'enfant de nouveaux droits et est tenu de les lui garantir au vu de ses engagements internationaux. En termes plus juridiques, le pays se dota au lendemain de l'indépendance d'un arsenal national juridique de protection de l'enfant auquel s'ajoutent des dispositions internationales en la matière. Le Bénin à l'instar des autres du pays du monde, a mis en place des instruments et adhéré à des mécanismes juridiques de protection de l'enfance. L'ensemble de ces deux instruments est censé assurer d'un point de juridique, un environnement protecteur des droits reconnus à l'enfant dans la société moderne.

Malheureusement, ce système de protection ne profite pas à tous les enfants de la République plus particulièrement aux Vì?ómåg?'n dont les droits et libertés sont violés comme nous l'avions évoqué dans le précédent chapitre. Cette situation suscite beaucoup d'interrogations et la communauté internationale interpelle les pouvoirs publics béninois sur leur devoir de garantie des droits de l'enfant. C'est ainsi que les autorités vont revoir la stratégie nationale en matière des droits de l'enfant. Dès lors, la protection de l'enfant va évoluer. On passe progressivement d'une protection plus générale de l'enfant (Section 1) à une protection spécifique des Vì?ómåg?'n suite à la perversion du Vì?ómåg?'n (Section2).

Section 1- La protection juridique et sociale de l'enfant au Bénin

La protection de l'enfant a connu une rapide évolution ces dernières années en raison de la conception de l'enfant dans une société de plus en plus moderne et tournée vers la mondialisation. La reconnaissance des droits fondamentaux et des libertés de l'enfant comme le témoigne l'incorporation à la constitution nationale de la convention relative aux droits de l'enfant adoptée le 20 Novembre 1989 en est la preuve de l'importance accordée par la société de la nouvelle philosophie des droits de l'enfant. Dès le préambule de la Constitution du 11 Décembre 1990, « affirmant solennellement la détermination du peuple béninois de création d'un État de droit... dans lequel les droits fondamentaux et les libertés publiques sont garantis et protégés 69(*)», la question de la protection de l'enfant a été au coeur des réflexions et des actions du gouvernement. L'alinéa 2 de l'article 26 de la loi fondamentale est plus expressif et consacre au titre d'une obligation constitution la protection de la famille, de la mère et plus particulièrement de l'enfant. D'une manière générale, l'État garantit une protection à l'enfant. Cette protection qui repose à la fois sur des textes nationaux (Paragraphe1) et des textes internationaux de protection des enfants ratifiés par le Bénin (Paragraphe2).

Paragraphe 1- Les textes internes de protection de l'enfant

La législation interne de protection de l'enfant repose sur des textes de lois constitutionnelles existantes et des textes en matière pénale, civile et sociale. Il y a donc une abondance de textes internes qui garantissent la protection juridique, judiciaire et sociale de l'enfant dans la société béninoise. Mais une question fondamentale mérite d'être éclairée à savoir : quel est l'enfant protégé par ces textes ? Le présent paragraphe apporte des réponses à cette interrogation formule une définition de l'enfant dans le droit béninois tout en essayant de dresser un état des lieux de la législation en matière de protection de l'enfant. Il aborde également les mesures d'ordre institutionnel qui accompagnent cette protection de l'enfant.

1- Etat des lieux de la protection de l'enfant au Bénin

Avant de développer cet aspect, nous avions jugé bon de clarifier le concept de l'enfant dans le droit positif béninois. Ceci pourrait servir à comprendre et décrypter l'attitude de l'Etat béninois à l'égard des Vì?ómåg?'n. Selon la conception béninoise, on entend par enfant, tout être humain qui n'a pas atteint sa majorité. Il s'agit pour s'aligner sur les dispositions internationales, de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans. Mais l'une des spécificités de la conception moderne de l'enfant, est ce que l'enfant n'est pas considéré comme un adulte en devenir avec des droits en devenir, mais un être à part entière dans la société avec la même représentation en terme de dignité, de projets et de protection tout comme l'adulte. Selon les dispositions nationales, l'enfant au sens premier du terme est une mineure jouissant de statut d'être humain ne pouvant encore se défendre et satisfaire tout seul ses besoins essentiels. C'est un adulte certes en miniature, mais qui doit pouvoir comme le précise Aurélie La Rosa se « développer normalement, matériellement et spirituellement... 70(*)». L'enfant doit être protégé et recevoir l'attention particulière des uns et des autres en raison de sa fragilité et de sa vulnérabilité sous-tend la conception moderne de l'enfant. La protection d'un enfant devient dans la conception moderne une obligation. C'est pour cela, qu'elle a été consacrée dans la constitution du 11 Décembre 1990. C'est une conception qui est issue de la perception traditionnelle de l'enfant, notamment au regard de son rôle et de sa place dans la survie de la société. L'enfant dont il s'agit est vu dans son état complet avec des droits et devoirs bien précis et déterminés. Cet enfant dans la conception béninoise, n'est pas appréhendé avec différence montrant ainsi que dans la nouvelle vision il n'y a pas de différence entre les enfants de la société. Il n'y a pas une distinction à effectuer entre un enfant handicapé et un Vì?ómåg?'n encore moins entre un enfant légitime et un enfant naturel ou un enfant dont les parents sont pauvres. Tous les enfants sont identiques, ils ont les mêmes droits et devoirs au sein de la société et méritent d'être protégés de la même manière. Toutefois, l'analyse du droit positif béninois montre que le statut officiel de l'enfant est établi en fonction de son âge. De l'analyse se dégage l'établissement d'un âge légal par le législateur béninois. Cet âge diffère selon les matières. En matière civil par exemple, le nouveau code des personnes et de la famille établit la capacité juridique de l'enfant à partir de 21 ans, alors qu'en matière politique le droit de vote est accordé dès l'âge de 18 ans71(*). En matière pénale, l'âge de la responsabilité pénale est fixé à 18 ans selon l'article 1 de l'ordonnance 69-23 du 10 Juillet 1969 relative au jugement des infractions commises par les mineurs de moins de 18 ans.

Quant à la protection concrètement dite de l'enfant, il faut signaler qu'elle concerne les champs civil, pénal, éducatif, social, sanitaire, du travail et de la maltraitance. C'est une protection à priori complète et totale vu les domaines qu'elle touche. Essayons de ressortir les plus grands points de cette protection afin de se rendre compte de son efficacité concernant les enfants placés.

Le premier champ que nous abordons est la protection civile de l'enfant dans le droit béninois. Il faut signaler que dans le droit béninois, le code civil confère à l'enfant dès sa naissance un statut. Il définit précisément la nature de ses liens de filiation et les nombreux droits et devoirs qui en découlent, destinés à préserver son éducation et à lui assurer un développement harmonieux. Le code civil définit aussi les différents attributs de l'autorité parentale tout en garantissant les intérêts de l'enfant. C'est l'article 371 du code civil qui organise l'autorité parentale. L'article 372 dispose que l'autorité doit être avant tout assurée par les père et mère légitimes en commun accord. En général, comme le précise F.A. Saizonou, « l'enfant dans selon l'esprit du code civil béninois, n'exerce pas lui-même ses droits 72(*)». Cette présomption d'inaptitude dérivant de la minorité de l'enfant entraîne selon cet auteur une conséquence importante à savoir que le mineur doit être placée sous une autorité qui sera non seulement chargée de le guider, de l'élever mais de l'éduquer. C'est ce que prévoient les articles 371 à 381 du code civil béninois. En ce qui concerne l'administration et la jouissance légale des biens de l'enfant, les articles 382 à 389 en déterminent les principales règles. C'est ainsi que selon l'article 383 du code civil, les biens d'un enfant sont gérés par le père avec le concours de la mère et, dans les autres cas sous le contrôle du juge, soit par le père, soit par la mère. L'administration sous entend que l'enfant ait des biens propres. Or dans la culture béninoise, les biens d'un enfant ne sont connus après le décès d'un ou des deux parents. Cette situation n'empêche tout de même pas d'asseoir d'une protection civile des droits de l'enfant. Au plan civil, l'enfant est protégé dans son identité et son nom doit être respecté au regard de la loi. Il a droit à un nom qui doit être son identifiant et tout changement abusif à quelque fin et pour quelque motif qu'il soit de son identité est sanctionné.

Au plan pénal, la loi assure une protection générale à tout individu. En conséquence, l'enfant bénéficie lui aussi de toute la protection prévue par le droit pénal. Il jouit d'une protection juridique et judiciaire qui doit respecter ses droits et ses intérêts en toute situation et circonstance. La loi prévoit une protection plus soutenue à tout enfant victime d'actes violant ses droits, lorsqu'il commet une infraction ou se trouve en danger moral et social. À ce sujet, signalons que les peines encourues par les auteurs d'infraction à l'encontre de l'enfant sont plus sévères et plus graves lorsque la minorité ou la vulnérabilité de ce dernier est plus constatée. Le code pénal punit la maltraitance protégeant ainsi l'enfant contre les mauvais traitements. En cas de maltraitance avérée dans un ménage parental par exemple, c'est le juge du tribunal correctionnel qui doit connaître de l'affaire et intervenir plus rapidement afin de trouver une famille de remplacement à l'enfant. L'article 316 du code pénal assure la protection du mineur âgé de moins de 15 ans en définissant en sa faveur un régime spécial. Le code pénal béninois protège le mineur contre biens d'autres choses. L'article 300 punit l'infanticide et condamne à une peine allant de 10 à 20 ans toute mère auteur ou complice d'infanticide. Il condamne à la peine capitale toute personne auteur ou complice d'infanticide. L'article 312 punit d'une peine allant de 10 à 20 ans toute mère et de travaux forcés à perpétuité tout auteur ou complice responsable de la privation de la vie d'un enfant sans en avoir l'envie ou l'intention. Ces dispositions montrent bien la place accordée au droit à la vie d'un enfant dans le droit béninois. Au- delà du simple principe de respect de la vie, cette position offre la garantie à des milliers d'enfants polymalformés, handicapés, enfants mystiques de pouvoir survivre et de vivre comme tout enfant dans la société. L'article 345 punit l'enlèvement et le recel d'enfant d'une peine de 5 à 10 ans, tant dis que l'article 351 punit l'incitation à l'abandon d'un enfant. L'abandon ou délit des tiers, lorsqu'il est accomplit dans un esprit de lucre est sévèrement punit par la loi. Cet article protège l'enfant contre un placement à but lucratif c'est-à-dire à ds fins économiques.

En ce qui concerne la protection d'un enfant auteur d'infraction ou en danger, c'est l'ordonnance N° 69-23/PR/MJL du 10 Juillet 196973(*) relative au jugement des infractions commises par les mineurs, qui en fixe les règles. Cette même ordonnance précitée garantit la protection juridique et judiciaire des mineurs de moins de 18 ans. Cette ordonnance règle de façon générale toutes les questions liées aux juridictions compétentes pour connaître d'une affaire concernant ou impliquant un mineur. Elle prévoit des dispositions de faveur à l'égard du mineur de 13 ans. Ces dispositions qualifiées de particulières concernent entre autres, l'instruction obligatoire avant jugement, l'enquête de personnalité, le huis-clos et l'assistance judiciaire. L'article 56 de cette ordonnance recommande la prise en charge des frais de l'assistance judiciaire du mineur de 13 ans par la collectivité c'est-à-dire par le trésor public lorsque les parents biologiques de ce dernier n'ont pas les moyens de les payer. Les décisions des tribunaux doivent être des mesures d'assistance, de rééducation et de surveillance afin d'aider le mineur à évoluer en harmonie avec la société tout en se corrigeant. Les articles 309, 345 à 347 et 354 du code pénal et l'article 1240-6 du même code prévoient d'autres infractions sur la personne du mineur et des sanctions qui en découlent74(*). C'est le cas par exemple de déclaration d'enfant à l'officier civil hors délais, du défaut de déclaration ou de remise de nouveau-né. Le refus de restitution d'enfant et la non-représentation d'enfant, qui sont punis par les articles 345 et 357 du code pénal. Les articles 332-2 et 333 punissent le viol, les agissements impudiques ou les attentats à la pudeur, l'exploitation sexuelle et le proxénétisme. La protection contre les mauvais traitements, les déplacements illégaux de mineurs et les enlèvements de mineurs sont régis par la loi 61-20 du 05 Juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de moins de 18 ans hors du territoire national, et l'ordonnance de N° 73-37 du 17 Avril 1973 relative à la traite et à l'enlèvement qui mineurs. Cette dernière ordonnance a modifié le code pénal en matière de traite des personnes et d'enlèvement de mineurs. Elle punit sévèrement l'enlèvement de mineur de la peine capitale. Elle a été adoptée afin de lutter contre les différentes formes de maltraitance, les mauvais traitements dont pourrait être victime un enfant. Elle dispose que « aucun mineur dahoméen de moins de dix-huit ans ne pourra quitter le territoire s'il n'est porteur de l'autorisation spécialement établie par le sous-préfet de son lieu d'origine75(*) »

Au plan social et sanitaire, la protection de l'enfant est assurée dans le droit béninois par d'importants décrets et ordonnance. En matière de protection sociale, c'est l'ordonnance 73/03 du 17 Janvier 197376(*) et le décret 84/67 du 31 Janvier 198477(*), qui instaurent les prestations sociales au profit des enfants. En effet, même si théoriquement les prestations familiales dont l'introduction dans la société béninoise remonte à 1955, doivent être fournies à tous les enfants, elles ne concernent dans le droit positif béninois que les enfants dont les parents sont des fonctionnaires de l'État. Autrement les prestations familiales ne concernent pas les Vì?ómåg?'n notamment leurs familles. L'ordonnance 73/03 de Janvier 1973 limite son champ aux enfants des fonctionnaires de l'État. Les enfants dont les parents travaillent dans le secteur privé bénéficient depuis les années 1990 d'un régime spécial. La grande majorité des familles ne bénéficient pas d'allocations familiales. Le paysan, l'artisan et le commerçant du secteur informel, ne bénéficient pas de cette allocation pour pouvoir faire aux charges de leurs enfants. Cette limitation des allocations aux seuls agents travailleurs du secteur public et dans une certaine mesure du secteur privé a d'énormes conséquences sur la situation générale de la protection sociale des enfants. Pour réparer cette injustice, l'État a mis en place un dispositif plus léger et sans grande envergure de protection sociale. Il s'agit d'un dispositif de secours au profit des enfants malheureux, les secours pour résoudre les problèmes d'urgence d'un nécessiteux ou d'un indigent, les aides ponctuelles allouées à certaines familles, les secours temporaires pour aider un indigent à résoudre un problème, les aides en cas de maladie grave et les secours à l'enfance malheureuse, institué par le décret N° 84/67 du 31 Janvier 1984. La protection sanitaire de l'enfant est régie en République du Bénin par un décret datant du 4 Mars 1977. Il s'agit du décret 77/57 du 4/03/1977 rendant obligatoire la vaccination contre certaines maladies telles que la Tuberculose, le Trétracoq, le BCG. Par cette obligation de vaccination, l'État consacre le droit à la santé dans son dispositif de protection de l'enfance. Sans la santé, la vie d'un enfant n'aurait aucun sens. La santé étant un des biens précieux de l'homme et en particulier de l'enfant, il faudra en garantir la jouissance à l'enfant afin qu'il évolue harmonieusement.

Au plan du droit de travail, la protection de l'enfant en la matière remonte à la période coloniale avec le décret N° 1783ITLS/D du 12 Juillet 1954. Il sera modifié par l'arrêté N° 371/MTAS/DGM/DAS du 26 Août 1987. Ces deux instruments autorisent l'enfant à accomplir des tâches dites légères de caractère saisonnier ou temporaire. La durée de travail ne doit en aucun cas dépasser 4 heures et demie par jour selon l'arrêté du 26 Août 1987. Il interdit aussi le travail de l'enfant entre 20 heures et 8 heures. L'arrêté interdit également le travail d'un enfant les dimanches et jours fériés. La loi prévoit que les enfants ne peuvent travailler que sur l'accord de principe ou sur l'autorisation de leurs parents. Elle traite également de la nature des travaux et interdit tout travail en usine pour les mineurs. Le dispositif interdit pour les enfants les travaux insalubres et dangereux comme les graissages, les réparations de machine en marche, les nettoyages et autres travaux sur des machines dont les parties dangereuses ne sont pas recouvertes d'un dispositif de sécurité. Cet arrêté n'est plus d'actualité car il a été remplacé par la loi 98-004 du 27 Janvier 1998, portant sur le code du travail, qui réglemente le travail de l'enfant. Elle protège l'enfant contre le travail et s'applique et peut être considérée comme une loi essentiellement faite pour les enfants Vì?ómåg?'n. Cette loi à travers l'article 3 dispose : « le travail forcé est interdit de façon absolue 78(*)». En interdisant le travail forcé, cette loi a été adoptée pour protéger les enfants Vì?ómåg?'n soumis à des travaux forcés et dans des conditions déshumanisantes. L'esprit de cette loi est de renforcer la protection des enfants en matière de travail et d'apprentissage et dans les différentes formes d'exploitation auxquelles ils sont soumis par leur patron, contre la violation de leurs droits et libertés fondamentales. Cette loi garantit également les droits au repos, au congé et aux loisirs des enfants. C'est une loi qui protège l'enfant en matière de formation professionnelle. Elle limite l'âge d'entrée en apprentissage pour les enfants ou au travail. Quant à la protection de l'éducation, signalons que, c'est l'ordonnance N° 75-30 du 23 Juin 1975 qui garantit le droit à l'éducation à l'enfant au Bénin. Ce droit à l'éducation se trouve consacré par la constitution du 11 Décembre 1990 notamment dans son article 13 disposant en sa teneur que : « L'État pourvoit à l'éducation de la jeunesse par des écoles publiques. L'enseignement primaire est obligatoire et l'État doit assurer progressivement la gratuité de l'enseignement public 79(*)». Cette disposition assure une scolarisation obligatoire à tout enfant jusqu'à 12 ans. Pourtant la gratuité de l'enseignement n'a pas toujours été assurée. Elle ne le deviendra qu'en octobre 2006 avec son cortège de problème d'application dans les zones déshéritées.

Au-delà de ces textes de lois qui garantissent la protection de l'enfant, nous avons des mesures d'accompagnement se traduisant par la création d'institutions pour soit assurer la protection judiciaire de l'enfant soit pour lutter contre les abus à son égard.

2- Les mesures institutionnelles de protection de l'enfant

En matière de protection de l'enfant, la législation béninoise a crée des structures administratives et judiciaires pour accompagner le dispositif juridique que nous venons de constater d'analyser précédemment.  Il s'agit principalement d'institutions dont la finalité est la protection l'enfant au plan judiciaire, sociale et contre les maltraitances.

Ainsi au niveau de la protection judicaire du mineur, il a été créé des tribunaux pour mineurs. Il en existe trois tribunaux spécialisés pour enfants dans le traitement de la délinquance juvénile. Des juges pour mineurs sont identifiés et chargés de la défense et de la protection de l'enfant. Les tribunaux de première instance sont chargés de prendre en main la question de la protection du mineur au niveau de la justice avec cette instauration de tribunaux pour mineurs. Ils doivent principalement statuer sur le cas des enfants en danger moral ou en conflit avec la loi. Il existe au niveau judicaire d'autres services tels la Direction de l'Administration pénitentiaire et de l'assistance sociale chargée en ce qui concerne les mineurs de les assister dans la procédure pénale devant conduire à leur inculpation ou relaxation. Cette direction a vu sa compétence renforcée depuis le décret 2004-131 du 17 Mars 2004 portant attributions et fonctionnement du Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l'Homme.

Au niveau du Ministère de l'intérieur et de la défense nationale, on retrouve la Brigade de Protection des Mineurs, qui est assure la protection de l'enfance menacée et maltraitée. La Brigade de Protection des Mineurs est un service de police connue pour ses actions d'éclats et de sauvetage des mineurs des mains de trafiquants ou de personnes les maltraitant. Créée par le décret N° 83-233 du 29 Juin 1983 et restructurée par l'arrêté N°45/MISPAT/DGPN du 28 Février 1991, la Brigade de Protection des Mineurs a pour mission d'assurer la protection de l'enfance et de l'adolescence par la prévention et la répression. Elle s'occupe donc de la protection des enfants de 0 à 18 ans et a une compétence sur l'ensemble du territoire national. Elle intervient principalement dans les cas impliquant les enfants en danger physique ou moral. Elle mène notamment des actions de prévention de la délinquance juvénile et s'est transformée au fil des ans en une véritable institution de transaction et de règlement à l'amiable. D'où son caractère plus social que policier. Actuellement, il n'y a qu'une seule unité de Brigade de Protection des Mineurs basée à Cotonou avec un centre d'accueil pas totalement fonctionnel en raison du manque de moyens financiers et humains qualifiés. Ce qui n'empêche pas son fonctionnement car dans les localités où cette institution n'existe pas, ce sont les commissariats de police et les brigades de gendarmerie qui prennent le relais. La Brigade de Protection des Mineurs dispose d'un numéro vert spécial et gratuit qui sert de plate forme téléphonique de dénonciation de la maltraitance subie par un enfant. Cette dénonciation se fait dans l'anonymat et permet de sauver des milliers d'enfants des griffes des personnes malintentionnées qui bafouent leurs droits et libertés.

Au Ministère de la Justice, de la Législation des droits de l'Homme, il a été crée une Direction spécialement chargée de la Protection de l'Enfance et de la Jeunesse. Cette direction a en charge la protection du mineur délinquant et de l'assistance à lui fournir en cas de besoin en vue de sa réintégration et de sa rééducation. Créée par le décret N° 96-299 du 18 Juillet 1996, cette direction qui a pour entre autres attributions le règlement et le suivi des questions relatives à l'enfance délinquante ou en danger moral, joue le rôle de la Direction de l'Education Surveillée. Elle veille également à l'assistance des mineurs pendant les procédures judiciaires, pendant l'exécution des sentences et conduit les différentes études en vue de l'élaboration de la législation dans les domaines de la prévention et du traitement de la délinquance juvénile. Il a été aussi institués des Centres Nationaux de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (CNSEA). Le premier Centre National de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence a été crée remonte à 1967 notamment au décret N° 67-316/PR/MJL du 9 Septembre 1967. Il a été établi à Dan au centre du pays avant d'être transféré pour des raisons d'efficacité à Agblangandan. Les objectifs du centre se résument à l'éducation complète et à l'insertion sociale des enfants délinquants ou en voie de délinquance. De façon spécifique, le CNSEA aide le jeune délinquant à une reconversion de mentalité et à un changement de comportement, lutte contre la marginalisation sociale dont sont victimes les enfants en situation difficile. Il permet également à l'enfant de s'affirmer au plan professionnel grâce à l'apprentissage d'un métier qu'il aura choisi en toute liberté, de lui assurer une éducation globale basée sur ses besoins réels. Le centre permet enfin de récupérer le jeune délinquant en vue de lui éviter la drogue, l'alcool, la prostitution, le viol et autre dérive dont il pourrait être victime dans la société. Il y a trois centres de sauvegarde de l'enfance et de l'Adolescence aujourd'hui au Bénin. Le premier étant établi à Agblangandan, on en trouve un second à Akassato et le troisième se situe à Parakou. Les centres de sauvegarde sont placés depuis 2004 sous la tutelle de la DPEJ du Ministère en charge des droits de l'homme. Ils accueillent dans un régime d'internat les enfants en conflit avec la loi ou en danger moral et les inadaptés sociaux. Ce sont des enfants placés sur ordonnance du juge des enfants. L'éducation et la rééducation sont les principales actions de ces centres qui fonctionnent grâce à une subvention versée par le budget national. Ils sont aussi subventionnés par des partenaires privés ou des entreprises semi-publiques telles la SOBETEX, la SITEX, la Loterie Nationale ou la Croix-Rouge Bénin. Les centres de sauvegarde connaissent une série de difficultés liées notamment à l'instabilité des pensionnaires, la pénurie de matériel de travail et du personnel éducateur spécialisé qualifié. Au total, les centres de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence constituent un dispositif formidable de protection de l'enfance avec des ambitions nobles aux moyens limités.

Nous avons depuis la ratification par le Bénin de la Convention des Droits de l'Enfant, un Comité National des Droits de l'Enfant, qui veille à la mise en oeuvre de la convention en vue d'assurer la protection de l'enfant béninois. Le Comité National centralise toutes les actions concernant la mise en oeuvre de la convention. Ses actions servent à mettre en place une base de données fiables sur l'évolution des droits de l'enfant et permettent un bon suivi par l'État de la politique nationale de protection de l'enfance. Le comité a également pour mission la lutte contre l'exploitation économique, la maltraitance, le trafic et la traite d'enfants. Le comité effectue la formation des populations sur la convention des droits de l'enfant, effectue des visites de terrain dans les centres d'hébergement d'enfants en situation difficile notamment les centres de sauvegarde et les quartiers de mineurs dans les prisons du pays afin de se rendre compte du respect des droits des enfants. Le comité National a eu le mérite d'avoir installé dans les douze départements du pays, des antennes départementales qui servent de relais à la base auprès des populations. Toujours au plan institutionnel, nous avons la création depuis les années 90 d'un Ministère chargé de la famille et de l'enfant. C'est ce Ministère qui préside la Cellule Nationale de Suivi et de Coordination pour la Protection de l'Enfance, une autre création pour protéger l'enfant. La Cellule Nationale de Suivi et de Coordination coordonne les différentes actions de protection de l'enfant à l'échelle nationale. Elle comprend plusieurs organisations de la société civile mais aussi des associations, ONG de défense ou de promotion des droits de l'enfant. Ces textes juridiques internes et mesures institutionnelles vont être complétés par les différents instruments internationaux de protection de l'enfant auxquels le Bénin a librement adhérés.

Paragraphe 2- Les instruments internationaux de protection de l'enfant

Rappelons que la République du Bénin est partie aux principales conventions internationales des droits humains dont celles qui visent la protection de l'enfance. Certaines de ces conventions sont des instruments onusiens tans dis que les autres sont constitués d'accords régionaux.

1- Les instruments juridiques onusiens de protection de l'enfant

Le Bénin a ratifié de nombreux textes internationaux qui ont force de loi dans son ordre juridique interne en matière de protection de l'enfant. Ces dispositions internationales selon l'article 147 de la Constitution, ont une autorité supérieure à celle des lois nationales et viennent ainsi compléter le droit interne pour asseoir l'arsenal juridique de protection de l'enfant en vigueur au Bénin et applicable normalement à tous les enfants. Le premier instrument de protection de l'enfant auquel les pouvoirs publics béninois se réfèrent reste la Convention des Droits de l'Enfant (CDE) adoptée le 20 Novembre 1989 et ratifiée par le Bénin le 3 Août 1990. C'est un instrument à caractère contraignant pour les Etats, qui marque une rupture avec la protection générale de l'enfant observée au début et la première moitié du XXème siècle en abordant la question de la protection spéciale de l'enfant en proclamant des nouveaux droits qui lui sont reconnus. La Convention relative aux Droits de l'Enfant, est un instrument fondamental de défense et de protection des droits civils, économiques, politiques, culturels et sociaux de l'enfant. Elle lui garantit, le droit à une filiation, à un nom et à une nationalité (Art 7-8), le droit à une vie privée (Art16), le droit à la non discrimination (Art 2-30), le droit à une justice (Art 3-4-12- 19 -22 -40 et 41). L'article 23 parle essentiellement de la protection des enfants handicapés. La convention proclame également les droits politiques de l'enfant comme la liberté d'expression (Art 12-13), la liberté de pensée, de conscience et de religion (Art 14). L'article 15 proclame la liberté d'association et de réunion pour l'enfant. En matière de droits économiques, la convention reconnait à l'enfant, le droit à un niveau de vie suffisant et à l'assistance matérielle (Art 17 -27) et aussi le droit à la sécurité sociale (Art 26). Aux plans social et culturel, la convention proclame et assure des droits fondamentaux à l'enfant tels le droit à la nutrition (Art 27), le droit à la santé (Art- 3-24), l'accès aux soins médicaux et plus particulièrement des enfants handicapés (Art 3 -21 -23 25- 38 -40). L'article 31 assure le droit aux loisirs et aux activités artistiques tant dis que le droit à l'éducation se trouve consacré à travers les articles (23-28-29- 32). Le droit à l'information appropriée a été proclamé par les articles 17-23-24 et 28.

Concernant le volet de la protection de l'enfant, la convention protège les droits fondamentaux de l'enfant à savoir la protection contre la violence (Article 19.1), la protection contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle (Art 34). L'article 37 traite de l'interdiction de soumettre un enfant à la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants mais aussi de l'interdiction d'arrêter illégalement et de détenir un enfant. L'article 32 assure la protection de l'enfant contre l'exploitation au travail alors la protection contre les mauvais traitements se situe dans les articles 9-19 et 39. La protection contre la privation des libertés en revanche est assurée par les articles 11-14 et 37. La convention protège également l'enfant contre la séparation de ses parents (Art 9-10). Les articles 35 et 36 protègent l'enfant contre l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants et contre toutes les formes d'exploitation. L'Article 40 assure la protection de l'enfant en conflit avec la loi.

Vient en second lieu, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'enfant, adoptée en Juillet 1990 à Addis-Abeba par les Chefs d'Etat et de gouvernement de la défunte Organisation de l'Unité Africaine (OUA) devenue depuis 2004 Union Africaine à laquelle le Bénin a adhéré le 20 Janvier 1986. Cet instrument qui reprend pour la plupart les dispositions de la Convention des Droits de l'Enfant, a eu comme mérite d'apporter une touche spécifiquement concernant la vision africaine de l'enfant. Rappelons qu'elle partage d'énormes points de similitude avec la convention notamment en matière de garantie des droits fondamentaux de l'enfant. Elle reconnaît à l'enfant africain, les droits à la vie, à un nom, la liberté d'expression, le droit aux loisirs et aux jeux auxquels viennent compléter les droits à l'eau, à l'alimentation et le droit à la santé. En intégrant ces trois derniers volets, la Charte se distingue de la convention et tient compte de la protection de l'enfant suivant les réalités du continent. En matière de protection, la charte protège l'enfant contre les discriminations et surtout contre l'apartheid (Art 26), contre l'enlèvement, la vente, le trafic et la traite d'enfants (Art 29) à quelque fin que ce soit, sous toute forme que ce soit aussi bien par les parents ou une personne ayant la charge de son éducation. Les articles 15 et 16 protègent respectivement l'enfant contre le travail, les abus et la torture. L'article 17 pour sa part traite de l'administration de la justice des mineurs alors que l'article 21 assure la protection de l'enfant contre les pratiques sociales et culturelles dangereuses. Les articles 22-27et 29 garantissent respectivement la protection de l'enfant en cas de conflit armé, contre l'exploitation sexuelle et la vente, le trafic et l'enlèvement de mineur.

En dehors de ces deux instruments, le Bénin fait partie d'autres dispositions onusiennes connexes à caractère international qui ont force juridique dans son arsenal interne en matière de protection de l'enfant. Nous retenons entre autres les conventions N° 138 et 182, de l'Organisation International du Travail ratifiées par le Bénin portant respectivement sur l'âge minimum d'admission au travail des enfants et sur les pires formes de travail des enfants.

La convention N° 138 ratifiée le 6 Novembre 2001 par le Bénin, recommande aux États parties, de s'engager et de poursuivre une politique nationale visant à assurer l'abolition effective du travail des enfants et à élever progressivement leur âge minimum d'admission à l'emploi et au travail. Le Bénin en ratifiant cette convention qui assure un développement physique et mental, s'est aligné sur l'OIT en fixant dans son droit l'âge d'admission au travail à 14 ans. Ceci n'empêche pas pourtant que les Vì?ómåg?'n soient précocement admis à travailler dans la société béninoise.

Quant à la convention N°182 relative aux pires formes de travail des enfants ratifiée elle aussi le 6 Novembre 2001 par le Bénin, elle concerne l'élimination des pratiques telles que le travail forcé, le travail dangereux, l'esclavage, la traite, l'utilisation des enfants à des fins de prostitution ou pornographiques dans des conditions d'exploitation. Ces deux dispositions de l'OIT ont été intégrées normalement dans le droit interne béninois pour lutter contre le travail précoce de l'enfant et éliminer les pratiques modernes d'exploitation d'enfants. Dans la réalité, ces deux dispositifs onusiens ne sont pas toujours efficaces car elles n'empêchent pas le phénomène Vì?ómåg?'n de bafouer les droits de l'enfant dans les domaines du travail et de l'exploitation économique ou de la traite des enfants.

2- Les instruments régionaux de protection de l'enfant béninois

Outre les instruments onusiens, le Bénin fait partie de nombreux accords régionaux de protection de l'enfant. Il s'agit essentiellement d'accords signés avec les pays voisins et les pays de destination finale des enfants béninois dans le cadre de la traite d'enfants.

Les accords régionaux de protection de l'enfant signés entre le Bénin et ses voisins d'une part et les pays de destination des enfants, traitent essentiellement de la traite d'enfants et des questions de réhabilitation et de réinsertion de ces enfants au retour dans leur pays d'origine. Le plus premier de ces accords est la déclaration de Libreville III de 2003. Elle recommande aux Etats francophones de l'Afrique centrale et occidentale, l'harmonisation de leurs législations nationales en matière de lutte contre la traite des enfants et d'exploitation des enfants. C'est une déclaration salutaire qui traduit la volonté et la détermination des Etats à harmoniser leurs législations respectives afin de traquer et de réprimer les trafiquants et acteurs impliqués dans la traite ou le trafic des enfants partout où ils se trouvent dans ces deux espaces économiques. Elle vise également la prévention, la réintégration, la réhabilitation et la protection les enfants victimes de la traite.

Le deuxième accord de protection de l'enfant a été signé entre le Bénin et le Nigéria. Il s'agit d'un Mémorandum signé le 14 Août 2003 imposant aux deux gouvernements :

- l'élaboration d'une coopération efficace sur la traite des personnes notamment la traite des enfants ;

- l'identification, l'enquête et le jugement des agents trafiquants et les trafiquants ;

- la protection enfin des victimes de la traite et le rapatriement dans leur pays d'origine.

Ce Mémorandum au-delà de la question de la traite des personnes aborde également toutes les questions frontalières notamment en ce qui concerne le trafic des personnes entre les deux pays. Ce mémorandum d'entente a été suivi en Juin 2005 par la signature d'un accord de coopération avec un comité conjoint et binational ainsi que des mécanismes de collaboration dans la lutte contre le trafic ou la traite des personnes et plus particulièrement des enfants. Cet Accord du 5 juin 2005 de Cotonou porte essentiellement sur les questions de la prévention, de la répression et de la suppression de la traite en particulier la traite des femmes et des enfants.

Un autre accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest a été signé le 27 Juillet 2005 à Abidjan en République de Côte d'Ivoire. Il a été signé entre le Bénin, le Burkina-Faso, la Guinée, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Libéria et la Côte d'Ivoire et regroupe les domaines de la prévention, protection, rapatriement, réunification, réhabilitation, réinsertion et la coopération.

Le 6 Juillet 2006, un nouvel accord multilatéral sur la traite des femmes et des enfants a été signé à Abuja au Nigéria par les deux organisations régionales à savoir la CEDEAO et la CEEAC. Le but de ce nouvel accord est de renforcer la coopération entre les divers gouvernements des deux espaces d'Afrique Centrale et Occidentale en matière de rapatriement des victimes et d'extradition des trafiquants. C'est un accord contraignant pour les 15 pays membres de la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest et les onze de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale.

L'ensemble de ces différents instruments internationaux, régionaux et nationaux ainsi que le dispositif administratif et institutionnel, constituent l'arsenal juridique de protection de l'enfant en vigueur au Bénin. C'est un arsenal assez impressionnant qui devant protéger tous les enfants du pays. Ils sont juridiquement applicables à toutes les catégories d'enfants, les enfants sans difficultés et les plus vulnérables comme les Vì?ómåg?'n sans aucune discrimination. Nous pouvons dire au regard de ce qui précède qu'il existe théoriquement au Bénin, des instruments institutionnels et juridiques de protection de la personne du Vì?ómåg?'n puisque les dispositions de protection d'un enfant lui sont également applicables. Sauf que dans la réalité, les choses ne passent pas toujours ainsi. Il ne serait pas exagérer de dire que les Vì?ómåg?'n au contraire ne bénéficient pas toujours de la même protection que les enfants ordinaires du moins comme cela devrait être suivant le dispositif juridique en vigueur. On peut donc affirmer sans aucune réserve qu'en dépit des instruments juridiques nationaux et internationaux de protection, les enfants Vì?ómåg?'n ne sont pas toujours protégés convenablement. Ils sont victimes de mauvais traitements, de violences, de négligence, de travail et de traite. Ils n'ont pas un accès égal à l'éducation et les procédures judicaires ne tiennent pas compte de leurs problématiques et de leurs besoins. Du droit à l'éducation à la protection contre l'exploitation et la traite, les Vì?ómåg?'n, sont les oubliés du système national de protection pas toujours protégés comme cela se devrait être. Ce qui montre l'inefficacité des différents textes nationaux ainsi que les conventions et autres traités auxquels a adhérés le Bénin. Il se pose la question fondamentale de l'application des textes de protection de l'enfant dans le contexte national. Les textes de protection sont inappliqués et les lois nationales insuffisantes pour protéger les Vì?ómåg?'n. Face à cette action qui ressemble à une démission de l'État, les pouvoirs publics s'intéressent de plus en plus à ces enfants d'où la protection complémentaire des enfants placés au Bénin.

Section 2- Vers une protection spécifique des Vì?ómåg?'n en République du Bénin

La persistance de la dérive du Vì?ómåg?'n, son ampleur et ses conséquences montre clairement que la protection de l'enfant au Bénin s'avère incomplète. Cette situation est liée à l'absence ou l'insuffisance de mécanismes sûrs d'application des textes de loi du droit positif béninois. Elle s'explique également par un manque de volonté des autorités politiques, un refus de légiférer sur la pratique traditionnelle Vì?ómåg?'n et surtout d'un refus du personnel administratif d'appliquer les textes de lois en faveur des Vì?ómåg?'n. Acculées par la communauté internationale, les autorités béninoises ont envisagé depuis peu des mesures pour améliorer la condition des Vì?ómåg?'n en matière de protection de leurs droits. Ces mesures concernent des lois spécifiques complémentaires de protection (Paragraphe1) et des mesures sociales de protection (Paragraphe2).

Paragraphe 1- Les mesures complémentaires législatives et institutionnelles de protection des Vì?ómåg?'n

Face à la limite de la mise en oeuvre de la politique nationale de protection de l'enfant et conscients de l'ampleur du phénomène Vì?ómåg?'n et de ses conséquences, les pouvoirs publics béninois ont envisagé de faire mieux en imaginant une forme spécifique de protection des Vì?ómåg?'n. C'est ainsi qu'elles adopteront des mesures d'ordre législatif auxquelles viennent renforcer des mesures institutionnelles déjà existantes de protection de l'enfant.

1- Les textes complémentaires de protection du Vì?ómåg?'n

Au Bénin, nous assistons depuis les cinq dernières années à une prise de conscience de l'État sur la situation déplorable des Vì?ómåg?'n. Les pouvoirs exécutif et législatif sont décidés à assurer une protection complète aux enfants placés. Lorsque cet enfant est vulnérable, leur responsabilité est plus grande car tout se repose sur eux. Conscients que la situation ne saurait plus perdurer car elle risque d'affecter le développement du pays, les divers gouvernements ont mis au centre de leur politique de protection et d'actions les Vì?ómåg?'n sans pour autant les nommer concrètement. Ce qui pose toujours un problème de droit dans la protection de ces enfants.

À défaut d'une loi spécifique réglementant la pratique du Vì?ómåg?'n et de clarification du statut juridique du Vì?ómåg?'n, le gouvernement a opté pour l'adoption de lois certes réalistes et plus larges qui tiennent compte des réalités sociales capables de garantir une protection censée être profitable à tous les enfants mais toujours sans grand succès. En travaillant dans ce sens, l'Etat Béninois ne se conforme-t-il pas à l'article 20 de la Convention relative aux Droits de l'enfant, qui stipule: « Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial (...) a droit une protection et une aide spéciales de l'Etat80(*) ». Bref, il se refuse d'affronter la réalité nationale du Vì?ómåg?'n. Il prend tout de même des mesures qui concernent expressément les Vì?ómåg?'n. Parmi ces mesures législatives nous pouvons citer la loi N° 2003-03 du 03Mars 2003 relative à la répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du Bénin. Cette loi loin d'être une loi qui concerne toutes les mineures de moins de 18 ans, lutte contre certaines pratiques traditionnelles néfastes dont sont souvent victimes les Vì?ómåg?'n à savoir les mutilations génitales. Cette loi cherche avant tout à sauver les enfants placés d'une pratique culturelle imposée par la coutume qui a lieu à l'encontre de leur personne souvent sans leur consentement et celui de leurs parents génétiques. En procédant de la sorte l'État protège les enfants placés et privés de leur milieu familial de base.

Nous retiendrons également la loi N° 2002-07 du 24 août 2004 portant Code des Personnes et de la Famille en République du Bénin. Cette loi règle la question de la coutume et du droit moderne en ce qui concerne les droits de la femme et particulièrement les droits successoraux des enfants légitimes et naturels. Cette loi présente un avantage certain pour les Vì?ómåg?'n qui peuvent désormais avoir droit à une part de l'héritage de leur tuteur ou tutrice lorsque durant toute leur vie, ils ont été considérés comme enfants de la famille d'accueil.

La loi N° 2006-19 du 05 Septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes, vient renforcer la protection de nombreuses Vì?ómåg?'n dans la société. Selon l'article 1er de cette loi, «  Constitue un harcèlement sexuel, aux termes de la présente loi, le fait pour quelqu'un de donner des ordres, d'user de paroles, de gestes, d'écrits, de message et ce, de façon répétée, de proférer des menaces, d'imposer des contraintes, d'exercer des pressions ou d'utiliser tout autre moyen aux fins d'obtenir d'une personne en situation de vulnérabilité ou de subordination, des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers contre la volonté de la personne harcelée81(*) ». Cette loi concerne à plus d'un titre les enfants Vì?ómåg?'n notamment les filles qui subissent au quotidien les pressions sexuelles souvent de la part de leur tuteur ou de leurs enfants. La loi met un accent sur la vulnérabilité de la victime, du statut économique et social de l'enfant et laisse l'appréciation au juge afin de protéger l'enfant contre cette forme de violation des droits de la personne humaine. L'article 17 de cette loi évoque les mesures possibles que peut prononcer le juge lorsque la victime est une mineure. Il peut par exemple prononcer en gros des mesures de protection et d'éducation de la victime en autorisant soit une remise aux parents, soit un placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation, de formation professionnelle...etc. Cette loi punit d'une peine grave d'emprisonnement toute personne qui harcèle une enfant placée. Nous pouvons évoquer dans ce sens toujours l'arrêté interministériel relatif à l'interdiction et la sanction des pratiques comme la pédophilie, l'incitation à la débauche. Ces dispositions sont de nature à protéger les Vì?ómåg?'n contre le harcèlement de certaines personnes comme es patrons et pour ceux qui ont la chance d'aller à l'école contre les enseignants82(*). Il s'agit d'un arrêté signé entre les ministères des enseignements primaire et secondaire et le ministère de la formation technique et professionnelle, qui vise à protéger les enfants vulnérables notamment les quelques filles qui ont accès à l'éducation et qui se trouvent éloignées de leur famille d'origine.

La disposition phare de protection complémentaire des Vì?ómåg?'n est intervenue en 2006 et concerne la loi relative aux conditions de déplacement des mineurs et de la répression de la traite d'enfants en République du Bénin. Il s'agit de la loi N° 2006- 04 du 05 Avril 2006 portant sur quelques dispositions fondamentales notamment les définitions, les conditions des déplacements des enfants à l'intérieur et l'extérieur du Bénin mais aussi des dispositions administratives, pénales et de quelques dispositions finales. Cette loi abroge toutes les dispositions antérieures relatives au déplacement et à la traite des mineurs y compris du décret N° 95-191 du 24 Juin 199583(*) et renforce par conséquent la protection des Vì?ómåg?'n. Elle définit et interdit formellement dans le droit béninois la traite et l'exploitation économique d'enfants. La loi fixe également les conditions de déplacement des mineurs à l'intérieur et à l'extérieur du pays. L'article 7 de cette loi dispose au plan interne qu'«  Aucun enfant ne peut être déplacé à l'intérieur du pays, séparé de ses parents biologiques ou de la personne ayant autorité sur lui, sans une autorisation spéciale délivrée par l'autorité administrative compétente du lieu de sa résidence, sauf décision judiciaire ou les cas spécialement recommandés par les services sociaux et les services sanitaires84(*) ». L'article 8 précise que « Nul ne peut recevoir un enfant sans s'être assuré de l'accomplissement de la formalité administrative prévue à l'article 7 de la présente loi. Tout enfant accueilli par une personne en un lieu autre que celui de la résidence de ses parents biologiques ou de la personne ayant autorité sur lui, doit faire l'objet d'une déclaration à l'autorité administrative territorialement compétente du lieu d'accueil dans les soixante douze heures de son arrivée sous peine des sanctions prévues à l'article 18 de la présente loi85(*) ». Ces deux articles essaient de réglementer implicitement le déplacement des Vì?ómåg?'n à l'intérieur du territoire national et obligent les tuteurs potentiels et les parents à remplir des formalités. Cette obligation est un gage de protection des enfants placés victimes jusque-là de traite et d'exploitation économique. Pour ce qui est du déplacement à l'extérieur, la loi à travers son article 12 dispose que « Tout enfant béninois non accompagné de son père, de sa mère ou d'une personne ayant autorité sur lui ne peut quitter le territoire national sans une autorisation spéciale délivrée par le maire de son lieu de résidence, sauf décision judiciaire ou les cas spécialement recommandés par les services sociaux et les services sanitaires. L'autorisation de sortie à la demande du père, de la mère ou d'une personne ayant autorité sur lui doit comporter les mentions suivantes: son lieu de provenance; sa destination; le motif de son voyage; l'identité de la personne qui l'accueille, de l'établissement ou de l'institution où il se rend86(*) ».

La loi du 05 Avril 2006 comme nous pouvons le constater durcit les conditions de placement des enfants autant des zones rurales vers les centres urbains que vers les pays de transit ou de destination où ils y sont naturellement exploités. Elle fixe des sanctions administratives et pénales contre les autorités politico-administratives mais aussi pour les parents géniteurs, qui transporteraient ou déplaceraient illégalement un ou plusieurs enfants à l'intérieur ou à l'extérieur du Bénin. Les peines encourues sont assez lourdes en termes d'années d'emprisonnement. Elles peuvent aller de 20 ans d'emprisonnement ferme à la perpétuité si l'enfant meurt au cours du déplacement ou disparaît dans une opération de traite. Les peines sont identiques pour le trafiquant et le complice qui font ont recours à la force, à la contrainte, l'enlèvement, la fraude, la tromperie, la ruse, l'abus de confiance ou d'autorité pour enrôler un enfant. Il est en de même lorsqu'il fait usage de privation d'alimentation, de soins, d'incitation à la débauche, d'attentat à la pudeur, de viol, de coups et blessures volontaires ou de toutes autres formes d'actes de violences. La loi punit également la tentative et la complicité en matière de déplacement et de traite d'enfants et double les peines en cas de récidive. Désormais tout citoyen auteur ou complice de déplacement illégal de mineur ou de traite est puni au regard de la loi. Les autorités politico-administratives qui refusent jusque-là d'appliquer les textes en matière de protection des droits de la personne de l'enfant seront également punies, rétrogradées dans leur carrière voire radiées de l'administration publique et emprisonnées. La loi punit aussi les acquéreurs indélicats d'enfants qui ne se conformeraient pas aux dispositions législatives en vigueur. Ces derniers encourent lorsque leur responsabilité est avérée une peine comprise entre 6 et 24 mois assortie d'une amende de 500.000 à 5.000.000 F CFA. Comme le pensent certains sociologues et juristes béninois, cette loi semble s'attaquer à aux manifestations de la dérive du Vì?ómåg?'n et de tenter une réglementation du placement d'enfants en République du Bénin. C'est une arme contre la maltraitance, l'exploitation économique en gros contre la violation des droits des Vì?ómåg?'n et de leur traite en direction des pays de la sous-région et du continent. Pour notre part, cette ultime loi s'attaque à un élément déterminant de la dérive du Vì?ómåg?'n en durcissant les conditions de déplacement et les possibilités de traite dont sont victimes les enfants placés mais ne règle pas le problème essentiel qui est celui de l'adoption d'une loi sur la pratique de placement d'enfants.. Espérons qu'elle soit effectivement appliquée au plan national et complétée par le code de l'enfant déjà élaboré et en étude au parlement. Ces différents textes juridiques de protection complémentaire des Vì?ómåg?'n, sont accompagnés de mesures de renforcement des structures de protection de l'enfant.

2- Les nouvelles mesures institutionnelles de protection des Vì?ómåg?'n

Afin de poursuivre sa politique de protection complémentaire des Vì?ómåg?'n, le gouvernement béninois depuis un moment, a décidé de renforcer les structures de protection existantes afin de les rendre plus efficaces. Il consacre une bonne partie des moyens destinés à la protection de l'enfant à la lutte contre la violence à l'égard des Vì?ómåg?'n. C'est ainsi que le gouvernement a renforcé les structures pionnières en matière de lutte contre la violence et à la maltraitance à l'encontre des Vì?ómåg?'n. Il a décidé de renforcer plus particulièrement la Brigade de Protection des Mineurs en la dotant d'un logiciel de collectes de données et de nouveaux matériels. L'État a aussi entrepris dans le cadre du renforcement de la Brigade de Protection des Mineurs de recruter du personnel qualifié et spécialisé dans la protection de l'enfant. Il envisage pour accompagner l'institution de former des Officiers de Police Judiciaires (OPJ), des Agents Supérieurs de la Police Judiciaire et de Gendarmerie sur le droit des enfants. Cette implication des commissariats et de la gendarmerie doit accentuer leur intervention en matière de protection de l'enfant surtout à travers le territoire national notamment dans des départements, communes où n'existe pas encore une antenne de la Brigade de Protection des Mineurs.

Au niveau du Ministère de la Justice de la Législation et des Droits de l'Homme, la Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse a été aussi réformée avec en plus de la coordination de ses activités traditionnelles de délinquance juvénile, travaille sur la répression des infractions commises à l'encontre des Vì?ómåg?'n au plan national. La politique d'appui aux institutions a également touché les Centres Nationaux de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence. Ces centres doivent depuis quelques années accueillir, former les Vì?ómåg?'n victimes de traite ou d'exploitation à un métier et leur assurer une insertion socioprofessionnelle. Les centres de sauvegarde ont désormais comme mission la réduction des lourdes problématiques des Vì?ómåg?'n qui les empêchent de s'épanouir convenablement dans la société. L'État s'est engagé à renforcer ces structures afin qu'elles puissent garantir aux Vì?ómåg?'n, l'assistance juridique et sociale nécessaires en matière de respect de leurs droits fondamentaux. Dans le domaine de la protection judicaire, le gouvernement essaie d'installer progressivement dans les départements les tribunaux pour mineurs avec des juges pour mineurs pouvant connaître des affaires impliquant les mineurs notamment ces enfants placés appelés Vì?ómåg?'n. Il déploie d'énormes moyens financiers afin de former des éducateurs, des jeunes pour la sensibilisation des droits de l'enfant et la lutte contre la traite et l'adoption illégale d'enfant connue sous le terme de Vì?ómåg?'n.

La Cellule Nationale des Enfants et Situation Difficile, créée en 1994 à la suite d'une étude de l'Unicef, est appuyée financièrement par le gouvernement afin qu'elle puisse travailler dans le sens de la garantie des droits des enfants difficiles notamment les enfants de la rue et des Vì?ómåg?'n. Cette cellule qui travaille sur la base d'un plan annuel est placée depuis sous la responsabilité du Ministère en charge des questions sociales notamment de la Direction de la Protection Sociale de l'Enfant (DPSE). La cellule mène des actions salutaires en termes de protection de l'enfant notamment des séances d'Information-Éducation- Communication à l'endroit des parents et toutes les personnes ayant à charge la garde ou l'éducation d'un enfant dans la société. La cellule a tenu jusqu'à nos jours de nombreuses séances radio et formé des milliers d'alphabétiseurs et d'animateurs en milieu rural sur les droits de l'enfant surtout pour que ceux qui ont moins de 14 ans ne soient plus placés et qu'ils soient scolarisés jusqu'à la fin des enseignements primaires. La cellule est à l'origine avec le soutien de l'Unicef du film « Le Destin d'Assiba » dont les échos retentissent dans les ménagers ruraux.

Quelques autres initiatives méritent d'être soulignées. Il s'agit en autres de l'installation des commissions nationale, départementale et locale des droits de l'enfant (CNDE, CDDE, CLDE), l'équipement des Centres Sociaux et l'aide à la mise en réseaux d'ONG nationales érigées en réseaux de lutte contre la violence faite aux enfants, contre le trafic, la traite et l'exploitation. Nous ne manquerons pas d'évoquer également la mise en place d'une cellule dite Enfant Ayant Besoin de Mesures Spéciales de Protection (EABMSP). Le gouvernement a favorisé ces dernières années la création d'un parlement des enfants qui participe à l'exécution d'activités de lutte contre les violences subies par les enfants dans la société béninoise d'aujourd'hui et surtout de la défense des droits des Vì?ómåg?'n.

Paragraphe 2- Les mesures sociales de protection des Vì?ómåg?'n

Cette sous-partie s'intéresse aux mesures complémentaires spécifiques mises en place par le gouvernement béninois depuis la dérive du placement d'enfants pour protéger les Vì?ómåg?'n contre la maltraitance et l'exploitation économique. Ces mesures sont deux sortes à savoir les mesures en faveur de l'éducation et les mesures visant à réduire la pauvreté des parents géniteurs.

1- Les mesures en faveur de l'éducation

Face à l'ampleur du phénomène Vì?ómåg?'n et ses conséquences sur les enfants, notamment des enfants placés, le gouvernement béninois a pris des mesures exceptionnelles en matière d'éducation afin de garantir les droits des enfants victimes de cette dérive. Ces mesures visent à freiner l'ampleur de la dérive et favoriser un environnement protecteur des droits de l'enfant placé. Il a élaboré une stratégie et une politique nationale d'actions en faveur de l'éducation. Cette stratégie repose sur une éducation de base et d'alphabétisation des enfants placés. En matière d'éducation de base, le gouvernement a réalisé des progrès importants au cours de ces cinq dernières années pour les enfants. En ce qui concerne la petite enfance, on a assisté à un accroissement des activités d'éveil pour la petite enfance. Les dépenses publiques pour les écoles maternelles ont augmenté et la capacité d'accueil a plus que doublé. Il en est de même pour l'enseignement primaire où de véritables progrès ont été réalisés en qualité et en quantité pour la scolarisation des filles victimes à plus de 70% de la dérive aujourd'hui. Selon une étude menée par Aide et Action- Bénin, les jeunes filles placées dans les foyers à 90% ne sont pas scolarisées et ne l'ont jamais été, ce qui les empêche de s'informer sur leurs droits et les obligations de l'État vis-à-vis d'elles. C'est pour quoi, l'État fera de la scolarisation des filles une priorité nationale. Les principales actions pour promouvoir l'accès des filles à l'éducation, ont été pour le gouvernement béninois, d'augmenter d'une façon considérables les places scolaires à travers la construction d'infrastructures nouvelles, la sensibilisation de proximité des parents et la gratuité de l'enseignement primaire devenue une réalité depuis Octobre 2006. Cette mesure vise à assurer l'accès à l'éducation à tous les enfants. Elle garantit aussi l'égalité des chances pour tous les enfants et évite ainsi les discriminations dont sont victimes les Vì?ómåg?'n dans les familles d'accueil en matière de scolarisation. Cette mesure supprime les charges liées au fonctionnement des établissements initialement demandées aux parents des enfants placés qu'on connait de pauvres et très démunis. Il s'agit notamment de la suppression des frais liés à la scolarité fixés par les établissements, les différentes souscriptions pour achat de matériels et fournitures pour assurer le fonctionnement de ces établissements publics. Cette suppression a favorisé l'augmentation du taux de scolarisation dans les campagnes et villages même en centres urbains. Elle a permis d'améliorer le taux national de scolarisation qui est passé de 81% en 1999 à 96% en 200587(*) et selon les nouvelles enquêtes à près de 100% en 2008. L'état des lieux de la scolarisation avant cette mesure en faveur de l'éducation, révélé par cette Aoudaghost montre clairement que l'accès à l'enseignement n'était pas universel dans les milieux ruraux. Le taux de scolarisation était de 86% pour les garçons contre 64% pour les filles avec un taux d'achèvement de scolarité estimée respectivement à 52% et 42%88(*). Cette situation était à la base du placement des enfants qui abandonnent les chemins de l'école pour être exploités en ville. Avec cette mesure instaurée en 2006 assurant la gratuité de l'enseignement, ce sont des milliers d'enfants qui sont non seulement sauvés mais trouvent la protection et la promotion de ce droit fondamental assuré par l'Etat qu'est l'accès à l'éducation. Depuis 2006, on assiste à une forte scolarisation des enfants surtout des filles dans à l'échelle nationale surtout dans les zones rurales et défavorisées. Les petites filles précocement placées en ville pour y être exploitées comme domestiques peuvent rester près de leurs géniteurs mais aussi se rendre à l'école afin de se doter des fondamentaux nécessaires à la vie en société notamment les règles de conduite et les savoir-faire y afférents. Signalons que cette mesure a été possible sous la pression de la société civile notamment des ONG engagées dans la lutte contre le phénomène Vì?ómåg?'n mais aussi grâce aux conseils et plaidoyers de l'Unicef, le BIT et les diverses organisations non gouvernementales de défense et de promotion des droits de l'enfant. La concrétisation dans les faits de l'accès à l'éducation a permis de donner une seconde chance à des enfants placés qui sont formés aujourd'hui notamment les filles dans les centres sociaux aussi bien en milieux ruraux qu'en centres urbains. L'État accorde une attention toute particulière aux enfants orphelins et de tuteurs pauvres. Cette mesure est venue à juste titre car, elle permet aux pouvoirs publics d'honorer leur engagement international en matière de l'accès à l'éducation et plus particulièrement de l'article 13 de la loi fondamentale béninoise relative à l'éducation.

Ces différentes actions découlent comme nous l'avions précisé plus haut d'une stratégie et une politique nationale en matière d'éducation. Il s'agit de la lettre de la politique éducative adoptée en Février 2005 par le Bénin visant à assurer d'ici à 2015, l'éducation à tous conformément aux objectifs du millénaire pour le développement, de la Politique Nationale d'Education des Filles (PNEF) et le Plan Décennal de Développement du Secteur Educatif (PDDSE). Ces différentes stratégies ont opté pour un paquet éducatif afin d'accélérer la scolarisation des filles et par extension des Vì?ómåg?'n. Le volet infrastructure a permis de doter les établissements de salles de classe de qualité et de type EQF89(*). Toutes les actions qui découlent de ces politiques ont pour but la protection des enfants les plus vulnérables et susceptibles d'exploitation, de traite ou de trafic. L'éducation constituera le premier volet du budget de l'État avec près de 59 Milliards de F CFA en 2009. Avec ce budget, le gouvernement envisage de recruter et de former des enseignants pour remédier non seulement au manque d'enseignants mais aussi s'assurer que les enfants peuvent être maintenus jusqu'à la fin de l'enseignement de base. Dans ce budget, il est également question de prendre en charge les frais liés au fonctionnement des établissements scolaires et de subvention des cantines scolaires et de leur généralisation dans les milieux où elles n'existaient pas encore notamment dans certains villages, campagnes et villes. Cette mesure vise à encourager la scolarisation des enfants et d'éviter tout placement précoce.

Les autorités béninoises à travers cette mesure ont conscience que le développement du pays passe forcément par l'éducation de ses fils et filles. Elles viennent de réaliser aussi que l'éducation devient le moyen efficace pour combattre le phénomène Vì?ómåg?'n et le pilier sur lequel doivent se reposer toutes les actions de promotion et de protection des enfants. L'éducation peut lutter contre les violations des droits des enfants car un enfant scolarisé est un enfant averti qui connait ses droits peut les revendiquer. L'éducation dans cette veine peut lutter contre les mauvais traitements, le trafic, la traite et l'exploitation. C'est pour quoi, elle est devenue une priorité du pouvoir en place pour assurer une égalité à tous et un développement harmonieux de l'enfant.

Outre ces mesures en faveur de l'éducation, nous notons aussi des actions qui contribuent à la réalisation de l'accès à l'éducation. Il s'agit dans le domaine civil, de la délivrance gratuite de l'acte de naissance aux enfants issus de familles pauvres dont les parents n'ont pas toujours les moyens d'entrer en possession de cette pièce nécessaire pour que les enfants puissent se présenter aux examens de fin d'étude primaire. Rappelons que pour inscrire un enfant, la législation en vigueur demande un justificatif notamment l'acte de naissance établi le jour de la venue au monde de l'enfant. Dans les campagnes et zones reculées, les parents n'ont pas toujours ce précieux outil, ce qui empêche des milliers d'enfants d'être inscrits. Lorsque les autorités des établissements acceptent pour aider l'enfant une inscription sans l'acte, il se trouve qu'à la constitution des dossiers pour le CEP90(*), l'acte n'est jamais obtenu. Sans pièces justificatives les enfants ne se présentent pas aux examens, ce qui entraîne l'abandon de la majorité d'entre eux au Cours Moyen 2. Les enfants qui abandonnent l'école faute d'acte de naissance sont vite placés par les parents en ville et très souvent en raison de leur maîtrise des fondamentaux en Français vont être envoyés à l'extérieur du pays c'est-à-dire dans les pays voisins. Les malheureux vont être envoyés en ville où ils y seront maltraités et exploités comme nous l'avions vu tout au long de cette étude. C'est pour éviter une telle situation que le gouvernement s'est engagé à fournir aux enfants en classe d'examen l'acte nécessaire pour se présenter. Il demande déjà à l'inscription aux directeurs d'établissements d'accepter tous les enfants sans pièce justificative et pour ceux qui sont en classe d'examen, délivre des jugements supplétifs à défaut de l'acte authentique. Avec l'aide des bailleurs et des organisations de la société civile, les actes sont délivrés à des enfants en situation difficile. Depuis 2007, l'État a mis en place un dispositif de délivrance d'acte de naissance à tous les citoyens de plus de 18 ans et parallèlement aux enfants en difficulté. Ce dispositif a contribué à la scolarisation des enfants notamment des milieux ruraux susceptibles et a permis d'augmenter le taux d'achèvement des enfants scolarisés. Dans le domaine sanitaire, le gouvernement a entrepris des actions qui appuient le dispositif éducatif. Il dote les écoles et autres lieux de formations de médicaments nécessaires. Des enfants scolarisés en cas de problèmes sont soignés dans les écoles et suivis par un infirmier référent à la maison. L'État s'est aussi engagé, pour lutter contre le phénomène et favoriser la scolarisation des enfants, dans une campagne de sensibilisation des parents sur les droits de l'enfant d'une part, et leurs droits et obligations vis-à-vis de l'enfant d'autre part. Cette campagne vise surtout à sensibiliser les parents et la communauté dans son ensemble sur les conséquences néfastes du Vì?ómåg?'n dans la société moderne et ses impacts sur les enfants. La mesure leur prodigue les conseils afin qu'ils adoptent face aux trafiquants des attitudes responsables. Pour y parvenir, l'État a recours aux moyens traditionnels et modernes de sensibilisation comme les radios communautaires, les assemblées de villages et de campagnes et le recours aux services des têtes couronnées.

Bien que ces mesures en faveur de l'éducation soient justifiées et jugées nécessaires, elles ne suffisent pas à elles-seules pour protéger les Vì?ómåg?'n contre ce phénomène aux conséquences désastreuses pour les enfants. Il faudra plus d'actions pour garantir un environnement favorable à la protection des Vì?ómåg?'n l'enfant. D'où le recours aux mesures dites sociales de lutte contre la pauvreté.

1- Les mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté

Les réponses apportées par l'État béninois pour éradiquer ou diminuer l'ampleur du Vì?ómåg?'n consacrent tout un volet à la lutte contre la pauvreté. Car derrière le phénomène de Vì?ómåg?'n aux conséquences destructrices et ravageuses pour l'enfant, se dissimule la question fondamentale de la pauvreté. Les liens entre la pauvreté et le phénomène Vì?ómåg?'n sont clairement établis et très étroits. Le phénomène Vì?ómåg?'n découle d'une insatisfaction des besoins sociaux fondamentaux d'une grande majorité de ménages, une insatisfaction qui amène à tirer profit de l'enfant pour les uns et les placer pour survivre pour les autres. La pauvreté est dès lors considérée comme la cause première de la dérive du Vì?ómåg?'n en République du Bénin. Le phénomène Vì?ómåg?'n est à la fois une cause et une conséquence directe de la pauvreté. Le mécanisme de la dérive du Vì?ómåg?'n est entretenu par la pauvreté mais aussi de la modernisation avec la perte des valeurs sociales traditionnelles.

Au sujet de la pauvreté, elle a évolué ces dernières années aussi bien en milieu que rural comme le démontre ADEGBEDI91(*) dans son étude sur la dynamique de la pauvreté au Bénin. Selon cette étude, elle a considérablement évolué selon le genre, le ménage, la taille du ménage, selon le lieu de résidence, le statut du chef de ménage mais aussi selon l'âge du chef du ménage que l'on soit en milieu urbain ou zone rurale. Les études ELAM92(*) et ECVR93(*) menées après 2000, montrent que la pauvreté s'est accentuée ces dernières années et frappe de plus en plus de populations qu'elles soient en milieux urbains ou ruraux. Le Seuil de Pauvreté Global en milieux ruraux est établi à 51.413 F CFA contre 91.705 F CFA en milieux urbains94(*). Cette situation ne favorise guère la situation des béninois et des béninoises. La situation s'aggrave de plus en plus malgré les progrès économiques sur ces dix dernières avec une croissance d'au moins 5% par an. Les pauvres deviennent plus pauvres et n'arrivent toujours pas à satisfaire les besoins primaires et élémentaires de leur famille en termes de santé, d'alimentation, d'éducation, loisirs etc. Aujourd'hui au Bénin, seule une petite frange d'individus vit avec plus de deux dollars par jour. La grande majorité vit en deçà du seuil international de pauvreté avec des conditions de vie déshumanisantes à savoir logements impropres, sans eau potable, électricité, et sans soins de santé primaires. Cette majorité a de lourds handicaps qui l'empêchent d'assurer la protection des enfants. Dès lors, l'enfant qui vit dans un tel ménage est aussi pauvre et susceptible d'être victime du phénomène Vì?ómåg?'n. Cette majorité de parents et d'enfants ne disposent pas du minimum requis pour survivre. D'où l'élaboration en 2002 du Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP) par l'État. Le DSRP est outil qui s'inspire de la Déclaration de la Politique de la Population (DEPOLIPO95(*)) adoptée en 1996 et des perspectives du développement à long terme réalisées auprès des différentes couches de la population ayant abouti à l'élaboration d'une vision stratégique nationale à l'horizon 2025. Cette déclaration et cette vision ont permis à l'État d'élaboré entre 2001 et 2006 un Programme d'Action de Gouvernement(PAG), qui fait de la lutte contre la pauvreté le pilier central du développement et de protection de l'enfant notamment de son environnement. Le DSRP est une forme d'opérationnalisation du PAG qui s'attaque à la pauvreté rurale. Le DSRP à travers le PAG a identifié la lutte contre la pauvreté comme un défi national dont la réduction pourrait avoir des retombées positives pour les enfants notamment en termes de protection de leurs droits. La lutte contre la pauvreté au regard de ce qui précède, apparaît aux yeux des pouvoirs publics comme une solution pour combattre le phénomène Vì?ómåg?'n. Le DSRP vise clairement les couches paupérisées et intègre en marge des politiques macroéconomiques, les problématiques du développement rural, de la sécurité alimentaire, de l'accès aux soins de santé, de l'égal accès à l'enseignement pour les enfants quelque soit leur lieu de résidence sur le territoire, de la réduction des inégalités et des accès autres droits fondamentaux. Le DSRP associe pour sa mise en oeuvre les questions liées à l'enfance malheureuse, la planification familiale, la sécurité foncière et la sensibilisation des parents sur les droits de l'enfant dans une démarche transversale. Le Plan d'Action du Gouvernement 2001- 2006 à travers ses objectifs N° 6 et 7 relatifs respectivement à la « Lutte contre la pauvreté » et « Jeunesse, genre et développement », aborde la question protection de l'enfance en insistant sur la nécessité de scolarisation des enfants et d'amélioration des conditions de vie de leurs parents. Il prévoit des actions d'accroissement de la production agricole à travers une mécanisation de l'agriculture, la mise à disposition des paysans et agriculteurs des moyens pour développer leur exploitation et par ricochet de l'amélioration de leurs conditions de vie.

Pour ce faire, le Bénin a lancé une multitude de projets, programmes nationaux et d'actions visant à lutter contre la pauvreté. Nous en avons volontairement retenus ceux qui semblent avoir un impact sur la protection des Vì?ómåg?'n. Il s'agit entre autres, du Programme AGeFIB, du PNDCC96(*) et du Programme National de Micro finance. Le Programme de l'Agence de Financement des Initiatives de Base (AGeFIB), comporte deux sous-projets importants à savoir : «  Le projet Fonds Social de Lutte contre la Pauvreté et du Fonds pour la Protection de l'Enfance au Bénin ». Initié par le Gouvernement et soutenu par la Banque Mondiale, le programme AGeFIB est un programme d'actions pluridimensionnelles menées au Bénin pour lutter contre la pauvreté en zones rurales au Bénin. Il permet dans un premier la construction d'infrastructures communautaires et soutient dans un second temps les activités génératrices de revenus initiées par les populations rurales. Grâce à son premier volet, ce programme a permis la construction d'infrastructures notamment des pistes de désertes rurales, des ponts, des centres de santé, des écoles...etc. Son second volet porte quant à lui sur la question de la sensibilisation des parents et des communautés locales sur le fléau Vì?ómåg?'n et ses conséquences sur les droits de l'enfant. Il met l'accent sur la nécessité de protection des enfants contre toutes formes de travail et d'exploitation économique. Le projet a connu un succès remarquable et a permis de sauver des milliers d'enfants contre la traite en raison de l'amélioration des conditions de vie des parents en alliant lutte contre la pauvreté et défense et promotion des droits de l'enfant.

La deuxième action de lutte contre la pauvreté en rapport à la protection de l'enfant est le Projet National d'appui au Développement Conduit par les Communautés (PNDCC). Ce projet a pour objectif la promotion d'une nouvelle approche de développement conduit par les communautés, les ministères sectoriels, les gouvernements locaux décentralisés et les communautés locales afin d'améliorer l'accès des communautés les plus pauvres aux services sociaux et financiers. Il comporte quatre composantes dont les 2 et 3 abordent respectivement l'amélioration de l'accès des pauvres aux services sociaux et infrastructures de base, et l'amélioration de l'accès des pauvres aux services financiers pour des activités génératrices de revenus. Démarré en 2005, il a permis à mi parcours, la réalisation de plus de 1446 salles de classe, la construction de centres de santé, des pistes rurales et le financement de 625 microprojets dans plusieurs communes notamment celles les plus défavorisées du pays. Grâce au PNDCC, le maintien des enfants à l'école jusqu'à la fin des études primaires devient de plus en plus une réalité. Il permet la scolarisation des filles et est perçu comme un véritable projet de développement national qui garantit aux populations des revenus certains et sûrs capables de les aider à réaliser leurs projets et de s'occuper de façon convenable de leur progéniture.

D'autres projets ou programmes continueront dans la même dynamique d'amélioration des conditions de vie des populations afin d'accroître leurs potentialités économiques. Nous pouvons citer, le programme de Micro Crédits aux Plus Pauvres (PCPP). Le PPCPP est un ambitieux programme de micro-crédits lancé le 27 Février 2007 et financé sur fonds propres par le gouvernement béninois, qui touche directement et à moindre coût, ceux-là qui de par leur précarité sont exclus de la vie nationale et dont les enfants ont toutes les chances d'être victimes du phénomène Vì?ómåg?'n. Le gouvernement en fait un leitmotiv de la lutte contre la pauvreté en vue d'un développement socio-économique des couches défavorisées. Pour son démarrage, l'État a fait un effort louable avec près de 3 Milliards de FCFA. Il sera ouvert à la suite aux partenaires privés et la communauté internationale. Son montant total atteindra 10 Milliards un an après. Il profite à près de 3 Millions de béninois pauvres. Son principe est simple, sur 100 F CFA prêté à un plus démuni, le bénéficiaire ne paiera au bout de six mois que 5 F dont 3 F au titre d'une épargne personnelle qui lu sera restituée. Le PCPP, est un prêt de 30.000 C CFA soit environ 45 Euros à une personne pauvre exclue du circuit classique de financement d'activités c'est à dire aussi bien par les banques que les institutions traditionnelles de micro-finance. Grâce à ce programme de micro crédit, des milliers de femmes des zones rurales mais aussi les pauvres des villes ont pu saisir leur chance de développer ou d'entreprendre une activité génératrice de revenus qui leur permet de faire face aux besoins élémentaires de leur ménage et par extension de leur progéniture. Ce programme apparaît à plus d'un titre à nos yeux comme une opportunité, une chance pour les plus pauvres qui sont éloignés de toute activité pouvant générer des revenus suffisants pour se prendre en charge et satisfaire les besoins de base de leurs enfants.

Nous citerons également les projets d'alphabétisation des populations et d'aides aux parents dont les enfants. Avec le projet d'alphabétisation, l'État s'attaque à l'ignorance, source de pauvreté et entend régler le problème de méconnaissance des droits des citoyens d'une part et des droits des enfants d'autre part. Cette action vise à faire connaître aux citoyens les différents textes qui assurent la protection de leurs enfants. Cela est plus nécessaire puisque c'est dans le milieu rural et analphabète que les trafiquants opèrent en dissimulant leurs intentions finales aux parents. La scolarisation des enfants et l'alphabétisation des parents sont deux mesures sociales géniales de garantie des droits des enfants. Ces différents projets et programmes visent à lutter contre la pauvreté en accroissant leurs revenus annuels et d'asseoir une politique de protection sociale de l'enfant.

En résumé, les différentes mesures sociales en faveur de l'éducation et de lutte contre la pauvreté, contribuent à freiner l'élan du moins l'ampleur du phénomène Vì?ómåg?'n à défaut de l'éradiquer pour le moment. Elles tentent de renforcer le système de protection de l'enfant en lui garantissant un environnement protecteur de ses droits. La réduction de la pauvreté aurait un impact positif sur la protection des droits de l'enfant et particulièrement du Vì?ómåg?'n, qui peut vivre comme tous les autres enfants. De ce fait, c'est son statut social qui se trouve renforcé.

Conclusion

Cette étude nous a permis de découvrir la vision traditionnelle de la protection de l'enfant au Bénin, ses droits, devoirs et sa place dans la société. Elle nous a également permis d'appréhender la situation des enfants placés communément appelés Vì?ómåg?'n, qui n'est pas reluisante au regard de la violation des droits de ces enfants engendrée par le phénomène ou la dérive du Vì?ómåg?'n. L'étude nous a permis de tirer un certain nombre d'enseignements à savoir qu'on ne peut plus considérer dans la société béninoise d'aujourd'hui la pratique Vì?ómåg?'n comme une marque de solidarité et d'épanouissement d'un enfant. Jadis perçue comme une chance pour les enfants issus de milieux pauvres, cette pratique au fil des années a été détournée, pervertie et éloignée de ses objectifs sociaux, éducatifs et de protection de l'enfant. Elle s'est transformée, mutée en un esclavagisme des temps modernes avec comme résultat la violation des droits et libertés fondamentales de l'enfant.

Au-delà de cette transformation, l'étude nous a révélé que c'est la perception sociale de l'enfant même qui change dans une société nucléarisée ou l'individualisme commence par avoir de l'ascendance sur l'esprit traditionnel communautaire. L'enfant n'est plus l'objet précieux et est simplement dévalorisé. Il ne joue plus le rôle de créateur de liens sociaux mais plutôt considéré comme une source moderne de revenus. La pratique de solidarité est en voie de disparition. Désormais on ne pourrait plus s'appuyer sur cette vielle pratique pour préparer l'avenir de l'enfant et assurer sa protection dans la société sans grands moyens que l'idée de placer son intérêt supérieur au- dessus de tout. Le Vì?ómåg?'n évoque aujourd'hui, le travail précoce de l'enfant, la maltraitance, l'exploitation économique voire la traite d'enfants. La dérive du Vì?ómåg?'n fruit des changements intervenus dans la société ces dernières années, est le signe visible de la dévalorisation de l'enfant. L'enfant n'a plus la même importance au regard des trafiquants et certains citoyens comme par le passé. L'enfant est sans doute considéré dans la société moderne béninoise comme un bien économique au même titre que les autres biens économiques entrant dans l'économie du pays. Les divers bouleversements intervenus ces années dans la société béninoise, la crise qui affecte les ménages notamment la paupérisation, sont autant de choses ayant remis en cause la solidarité traditionnelle qui présente dès lors ses limites. Avec ce bouleversement, le Vì?ómåg?'n est devenu une forme de réallocation des charges des parents et permet aux tuteurs d'arrondir la fin du mois. Cette situation fait perdre du coup à la pratique Vì?ómåg?'n ses fondements traditionnels et les valeurs qu'elle véhicule pour s'inscrire dans une logique d'exploitation à des fins économiques de l'enfant placé. En termes clairs, la dérive provoque des dérapages qui offrent un nouveau visage du fait socioculturel traditionnel que constituait la pratique de placement au sein de la société. Avec la violation des droits des Vì?ómåg?'n que provoque la dérive du placement d'enfants, on est en mesure d'affirmer que l'enfant, socle du développement d'une société voire d'une nation, vit désormais dans une situation d'insécurité sociale et juridique globale. Ceci est d'autant plus vrai pour les Vì?ómåg?'n pour la simple raison que les pouvoirs publics n'ont pas pu mettre en oeuvre une politique d'application des différents instruments de protection de l'enfant, qui pourraient les protéger contre les maltraitances, l'exploitation et la traite. La cause d'une telle situation reste l'inertie, l'irresponsabilité de l'État mais aussi la complicité de la société dans son ensemble, qui plongent dans le chaos les enfants notamment les Vì?ómåg?'n. Autrement, la nouvelle situation de ces enfants placés est due en partie à une irresponsabilité des pouvoirs publics nationaux, qui malgré les mécanismes de protection, sont responsables de la situation que subissent les Vì?ómåg?'n au Bénin. Ils ne font pas assez d'efforts du moins plus concrets pour assurer une meilleure condition de vie aux Vì?ómåg?'n et les protéger contre les manifestations du phénomène Vì?ómåg?'n. Lorsque les pouvoirs publics décident de faire appliquer les différents textes de protection des mineurs, ces derniers se révèlent inefficaces. Le mécanisme de protection des Vì?ómåg?'n, est confronté à des difficultés politiques mais aussi socio-économiques comme la pauvreté. Il ressort de nos analyses, que la pauvreté constitue l'élément déterminant dans l'émergence de la dérive du Vì?ómåg?'n. La situation de paupérisation des parents favorise le développement du phénomène Vì?ómåg?'n, qui empêche des milliers d'enfants de vivre heureux dans la société. Pour le combattre véritablement, il faudra réduire la pauvreté et les inégalités de répartition des revenus du pays.

Notre étude révèle également les limites du système béninois de protection de l'enfance. En effet, le Bénin est encore loin au regard de notre analyse, d'assurer une protection juridique et sociale complète voire suffisante aux Vì?ómåg?'n. Ceci relève vraiment d'un mythe et l'état actuel des choses ne permet pas d'être optimiste car les mesures réelles de protection des Vì?ómåg?'n tardent voir le jour. Malgré l'impressionnant arsenal juridique mis en place, les Vì?ómåg?'n ne bénéficient pas toujours d'une protection efficace. Ils continuent d'être les victimes de la dérive ou du phénomène Vì?ómåg?'n aux conséquences dévastatrices pour eux. Ils ne jouissent pas toujours d'une protection effective comme en témoigne le manque de loi garantissant leurs droits et libertés dans les foyers et familles d'accueil. Autrement dit, ils ne sont pas juridiquement couverts. Les différentes mesures de protection de l'enfance ne sont pas toujours appliquées ou étendues aux Vì?ómåg?'n au Bénin. C'est pour quoi, malgré la robustesse de l'arsenal juridique de protection de l'enfant, le phénomène ne cesse de se développer avec des stratégies plus rodées jusqu'à atteindre une ampleur inquiétante. Ce qui laisse dire qu'une kyrielle d'instruments juridiques internationaux et nationaux juxtaposés, ne suffit pas pour garantir une protection effective des droits des Vì?ómåg?'n. Dans le cas béninois, ceci est un échec total car la politique nationale de protection de l'enfance est loin d'être efficace. Elle est sélective et discriminante comme en témoigne le refus d'appliquer les textes de lois aux enfants Vì?ómåg?'n. En d'autres termes, le mécanisme actuel de protection de l'enfance en vigueur n'intègre ou ne prend pas vraiment en compte les Vì?ómåg?'n dans sa politique de garantie et de protection des droits de l'enfant. Ils sont volontairement mis à l'écart, révélant ainsi le déphasage observé entre la réalité et le dispositif juridique et social. En s'attaquant aux manifestations de la dérive, l'État s'est trompé de cible, car ce n'est pas la lutte contre le trafic, la traite ou le travail des Vì?ómåg?'n, qu'il faut privilégier mais plutôt s'attaquer à la pratique de placement elle-même.

Face à cette situation, il faut agir très rapidement, aller plus loin que la simple juxtaposition des textes de protection de l'enfant, l'adoption de mesures complémentaires inefficaces et afficher une volonté politique plus concrète en s'attaquant aux racines de la dérive du phénomène Vì?ómåg?'n. Il ne suffira pas simplement de mettre en place un arsenal juridique reconnaissant la protection de l'enfant mais adopter de vraies mesures de protection des enfants placés en République du Bénin. Il apparaît à nos yeux plus qu'opportun de protéger ces enfants contre la cupidité des tuteurs en codifiant la pratique traditionnelle de placement d'enfant. Ceci passera par l'adoption d'une loi par les pouvoirs publics d'une loi qui réglementerait le placement et fixerait les droits et devoirs non seulement des tuteurs mais aussi des parents géniteurs. Il va falloir corriger les lacunes du dispositif existant en matière de protection de l'enfance et imaginer des solutions plus concrètes qui permettent de rendre plus réelle la protection des Vì?ómåg?'n. Les pouvoirs publics doivent rompre pour ce faire avec leur silence coupable, leur attitude d'indifférence et agir vraiment contre le phénomène Vì?ómåg?'n, qui est devenu non seulement un problème de droits de l'homme, mais de justice sociale et surtout de développement. Il faudra le combattre car il constitue une négation des droits de l'enfant. Le moins qu'on puisse vraiment faire pour ces enfants eux serait de les soulager de leurs peines, de leur donner une chance afin qu'ils puissent contribuer contre tous les autres enfants au développement du pays plus tard. Les pouvoirs publics doivent à ce sujet tout faire pour assurer aux Vì?ómåg?'n une enfance épanouie et heureuse et les protéger contre les violences, la maltraitance et l'exploitation économique dont ils sont systématiquement victimes dans la société aujourd'hui. Cette protection pourrait passer par deux pistes essentielles à savoir une solution juridique d'une part et une solution politique et institutionnelle d'autre part. Dans le premier cas, nous suggérerons d'établir une juridiction nationale spécialisée sur la question des Vì?ómåg?'n. Cette dernière doit punir les tuteurs indélicats et les trafiquants contre les atrocités qu'ils auront commises à l'endroit des Vì?ómåg?'n mais aussi punir les parents qui placent illégalement les enfants. L'institution d'une juridiction nationale spécialisée permettrait aux Vì?ómåg?'n de vivre en paix et de repousser le loin possible d'eux les frontières de l'exploitation économique, de la traite, de la maltraitance ou encore du travail précoce.

Dans un second temps, il peut s'agir de l'adoption d'une solution non juridique. L'État pourrait mettre en place une politique nationale préventive de lutter contre la dérive du Vì?ómåg?'n en sensibilisant davantage les parents et les trafiquants contre la dérive de ce phénomène. Cette politique passera par le renforcement des actions des différentes institutions en charge de la protection de l'enfance. L'État pourrait par exemple instituer un prix ou une bourse qui récompenserait les bons parents, qui gardent et élèvent dans la dignité leurs enfants malgré leurs moyens limités ou les tuteurs qui ont développé une bonne pratique, une bonne attitude à l'égard des Vì?ómåg?'n qui leur sont confiés. La solution non juridique doit exiger une prise de conscience collective face à la transformation de la représentation sociale de l'enfant au sein de la société mais aussi des nouveaux problèmes que pose le phénomène Vì?ómåg?'n. Elle doit pour ce faire, mettre en place une organisation sociale adaptée inspirée de la tradition, en termes d'application concrète d'une politique d'éducation, de socialisation responsable et collective de l'enfant. C'est à ce seul prix qu'une politique de garantie efficace et de promotion des droits de l'enfant doit être possible. D'une façon plus explicite, nous préconisons le retour raisonné à la tradition, en redynamisant la solidarité entre les hommes et en les sensibilisant davantage sur leurs droits et devoirs vis-à-vis des enfants. Ceci est d'autant plus nécessaire en raison du caractère incomplet de l'État qui n'est qu'une sorte de colosse aux pieds d'argile. En remuant les cendres de la tradition, l'État pourra disposer du temps nécessaire pour asseoir une politique moderne de protection des droits de l'enfant qui intègre les Vì?ómåg?'n, en réglant d'abord les problèmes liés à la paupérisation et au développement équilibré de la Nation. Dans un contexte de sous-développement, de pays pauvre et très endetté avec un niveau de vie très faible, le recours à la tradition modernisée serait un salut, un pas déterminant et peut garantir une protection des enfants de la Nation. La pratique Vì?ómåg?'n pourrait retrouver aussi tout son prestige d'antan et les Vì?ómåg?'n tirer le maximum de bénéfice notamment en matière d'éducation, de formation et de socialisation pour la vie adulte. Signalons que les députés, les ministres, les cadres bref, la société dans son ensemble doit cesser de voir la Vì?ómåg?'n comme l'orgueil, la fierté nationale et reconsidérer sa position vis-à-vis de cette pratique qu'il urge d'encadrer juridiquement pour garantir une protection sûre et complète aux enfants en République du Bénin. Car le développement du pays passe par le règlement du problème du Vì?ómåg?'n. Si vraiment le Bénin veut être vraiment un pays émergent, un état démocratique, bien gouverné, prospère au rayonnement culturel, économique riche d'ici à l'horizon 2025 comme le préconisent les divers documents de développement, il faudra très tôt s'attaquer à la pratique Vì?ómåg?'n. Avouons que le développement ne sera pas possible avec un tel état des droits des Vì?ómåg?'n dans le pays. Il est encore trop tôt et la parade peut être trouvée. Seules les autorités publiques compétences ont le pouvoir de changer les choses et nous interpellons à ce sujet le gouvernement actuel du changement qui doit se réapproprier la question des Vì?ómåg?'n et adopter dans les mois à venir le code de l'enfant qui sera un premier outil qui servira de référence en matière de protection des enfants placés au Bénin.

BIBLIOGRAPHIE

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B) Documents spécifiques

- CEREDEC-AFRIQUE, Constitutions et textes constitutionnels de la République du Bénin depuis les origines Dahoméennes, Cotonou, Fondation Friedrich NAUMANN, 1997,328 p

- Recueil de textes de loi sur le trafic des enfants, Ministère de la Famille, de la Protection Sociale et de la Solidarité, Cotonou, Novembre 2004,31 p.

- Loi N° 2006-19 du 05 Septembre 2006 Portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin, Ministère de la Famille et de l'Enfant, Cotonou, 2007, 17 p.

- Loi N° 2005-31 du 05 Avril 2006 Portant Prévention, Prise en Charge et Contrôle du VIH/SIDA en République du Bénin, Ministère de la Famille et de l'Enfant, Cotonou, 2007,Cotonou, 28p.

- Le code des personnes et de la famille, Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, Cotonou, 2006, 32 p.

- Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant, Ministère de la Famille de la Protection Sociale et de la Solidarité & Ministère de la Justice de la Législation et Droits de l'Homme, 3ème Edition, Juin 2002, 52 p.

C) Rapports :

- Anti- Slavery International, Projet sous-régional de lutte contre le travail et le trafic des enfants domestiques en Afrique Centrale et de l'Ouest, Octobre et Décembre 2000,

- Anti- Slavery International, Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre : une réalité persistante, Genève, 11-15 Juin 2001.

- Enfants Solidaires d'Afrique et du Monde, «  Trafic d'enfants entre le Bénin et le Gabon », Rapport effectué par Alain François ADIHOU.

- La violence étatique au Bénin, projet coordonné par l'organisation Mondiale Contre la Torture, Genève, Janvier 2005.

D) Dictionnaires

- Paul Robert, Le Petit Robert (2007)

- Dictionnaire de la langue Fongbé du Bénin sur la toile, par M. Gérard POIROT

Tables des matières

REMERCIEMENTS 3

INTRODUCTION 4

CHAPITRE I- LES DROITS ET DEVOIRS DANS L'UNIVERS TRADITIONNEL BENINOIS 13

Section 1- La vision traditionnelle de l'homme et du monde 13

Paragraphe 1- La tradition béninoise : sa vision du monde et des droits de la personne humaine. 13

1- Un monde créé par le Dieu Unique 13

2- L'invisible dans la tradition 15

Paragraphe 2- La perception traditionnelle de l'homme 17

1- L'homme : un être sacré au sens de la tradition 17

2- L'homme et la société 18

Section 2 - La doctrine traditionnelle des droits de l'homme et les mécanismes de protection 20

Paragraphe 1- La conception traditionnelle de l'individu et de ses droits 20

1- Les fondements et valeurs de la société traditionnelle 20

2- Les droits de l'individu en communauté 24

Paragraphe 2- Les Devoirs de l'individu, de la communauté et garantie des droits de l'homme 28

1- Les devoirs dans l'univers traditionnel 29

2- La garantie des droits et devoirs de l'homme dans l'univers traditionnel 33

Paragraphe 1- Les représentations sociales de l'enfant et ses droits dans l'univers traditionnel béninois. 36

1- La perception de l'enfant par la tradition 37

2- Les droits et devoirs de l'enfant 39

Paragraphe 2- La socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel 42

1- La socialisation de l'enfant 42

2 - L'univers traditionnel béninois et les moyens de socialisation d'un enfant 47

Section 2- Le Vì?ómåg?'n comme une invention originelle de protection de l'enfant au Bénin : Origines, fondements et évolutions 49

Paragraphe 1- Des origines, fondements et évolutions du Vidomègon 49

1- Définition, origines et fondements du Vidomègon 49

2- Evolution de la pratique Vì?ómåg?'n au Bénin 52

Paragraphe 2- La pratique Vì?ómåg?'n et la problématique de la protection de l'enfant 55

1- La pratique Vì?ómåg?'n: une protection traditionnelle de l'enfant par un tiers autre que les parents géniteurs 55

2- Le Vì?ómåg?'n : une protection traditionnelle de l'enfant par la communauté 58

DEUXIEME PARTIE : LA DERIVE DU VIDOMÅGON ET LA PROTECTION DES ENFANTS PLACES AU BENIN 63

CHAPITRE 1- LA DERIVE DU VIDOMEGON ET SES CONSEQUENCES POUR L'ENFANT 64

Section 1- L'exposé de la dérive Vì?ómåg?'n au Bénin 64

Paragraphe 1-La maltraitance et l'exploitation économiques des enfants Vì?ómåg?'n 65

1- La maltraitance des Vì?ómåg?'n 65

2- L'exploitation des Vì?ómåg?'n : un drame social aux conséquences énormes pour l'enfant. 71

Paragraphe 2- La traite des enfants 75

1- Le trafic interne de Vì?ómåg?'n 76

2- Vì?ómåg?'n et le trafic externe 78

Paragraphe 1- Des droits et libertés des Vì?ómåg?'n 81

1- L'état des lieux des droits fondamentaux des Vì?ómåg?'n 81

2- La situation générale des libertés fondamentales des Vì?ómåg?'n 85

Paragraphe 2- La dérive du Vì?ómåg?'n et la fragilisation des enfants placés 88

1- Éducation et santé des Vì?ómåg?'n 88

CHAPITRE 2- DE LA PROTECTION GENERALE DE L'ENFANT À LA PROTECTION SPECIFIQUE DES VIDOMEGONS CONTRE LA DERIVE DU VIDOMEGON. 95

Section 1- La protection juridique et sociale de l'enfant au Bénin 95

Paragraphe 1- Les textes internes de protection de l'enfant 96

1- Etat des lieux de la protection de l'enfant au Bénin 96

2- Les mesures institutionnelles de protection de l'enfant 102

Paragraphe 2- Les instruments internationaux de protection de l'enfant 105

1- Les instruments juridiques onusiens de protection de l'enfant 105

2- Les instruments régionaux de protection de l'enfant béninois 108

Section 2- Vers une protection spécifique des Vì?ómåg?'n en République du Bénin 110

Paragraphe 1- Les mesures complémentaires législatives et institutionnelles de protection des Vì?ómåg?'n 110

1- Les textes complémentaires de protection du Vì?ómåg?'n 110

Paragraphe 2- Les mesures sociales de protection des Vì?ómåg?'n 116

1- Les mesures en faveur de la lutte contre la pauvreté 121

Conclusion 126

Résumé

La pratique Vì?ómåg?'n est une pratique noble et sociale de protection de l'enfant dans la société béninoise. Elle ne date pas d'hier et cela fait des siècles qu'elle a été conçue pour assurer la protection des plus vulnérables dans la société. Mais aujourd'hui, après l'échec de la modernisation, l'effondrement de la famille élargie et du système traditionnel de garantie des droits individuels voire de l'enfant, la dépravation des moeurs et coutumes, la pratique Vì?ómåg?'n a été mis à mal, ramené, croyons- nous, par des individus mal intentionnés, à une exploitation économique, au travail, à la maltraitance, au trafic et à la traite de l'enfant, bref au phénomène Vì?ómåg?'n. Le phénomène Vì?ómåg?'n est la preuve perceptible de cette transformation de cette noble pratique aux conséquences dangereuses pour les droits de l'enfant. Le présent mémoire aborde la question en voyageant au coeur de la société traditionnelle pour appréhender non seulement les droits et devoirs de l'individu en société, mais la protection des droits de l'enfant à travers cette pratique. Il analyse la société moderne avec son incapacité à apporter des réponses aux questions de développement pour établir les vraies causes de l'émergence du phénomène Vì?ómåg?'n, qui n'honore pas le pays mais en plus viole, bafoue les droits et libertés des enfants et défie le système national de protection mis en place. Ce mémoire fournit l'éclairage historique sur cette pratique et sur sa pertinence encore aujourd'hui et peut à ce titre intéressé tous ceux qui travaillent pour la défense, la promotion et la protection des droits de l'enfant au Bénin.

Mots clés : Pratique Vì?ómåg?'n, le Vì?ómåg?'n ou enfant placé, le phénomène ou la dérive Vì?ómåg?'n

* 1 YANOUSSI.Z., « Les déterminants démographiques et sociologiques du confiage des enfants au Burkina-Faso », in Etude de la population Africaine, Vol 22, N° 2, 2007, p 205-231.

* 2 Peuple de la République du Bénin, et fondateur de l'ancien royaume du Dahomey qui s'est développé à partir de la ville d'Abomey. Comme les Adja avec lesquels ils sont associés à partir du XVIIème siècle sous le nom d'Adja-Fon, les Fon tiennent leur origine des migrations yoruba venue de l'est et leurs liens matrimoniaux avec les populations locales. Nés des contacts entre les grands courants culturels de l'Est et de l'Ouest du Golfe de Guinée (Ewé), les Fon ont intégré les esprits locaux à leurs croyances. Cette synthèse se manifeste à travers l'art, la religion et les attributs du pouvoir.

* 3 KITI. (Abbé). « Religions traditionalistes », Études dahoméennes, nouvelle série, n°11, janv. 1968, Porto-Novo, lRAD.

* 4 AGUESSY.H., « La divinité Legba et la dynamique du panthéon Vodoun au Dan-Homé », Cahiers des religions africaines, 4° année, janv.1970, Kinshasa

* 5 AGUESSY.H., op. Cit

* 6 ERNY.P., « L'enfant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique noire », L'Harmattan, Paris, 1991, P 61.

* 7 QUENUM.M., « Au pays des Fons : us et coutumes du Dahomey », Maisonneuve et Larose, 3ème édition, Paris, 1983, p 61.

* 8 QUENUM.M., op. Cit. p 66.

* 9 QUENUM.M., op. Cit. p63.

* 10 EZEMBE.F., « L'enfant africain et ses univers », Karthala, Paris, 2003, p 74.

* 11 EZEMBE.F., op.cit.

* 12 RONDEAU.D., « La relation des droits aux devoirs : approche interculturelle », in Revue ASPECTS, n° 1 - 2008, pages 135.

* 13 SEHILI.H.M., « La question de l'universalité des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés », Mémoire de Master Recherche en Droit Constitutionnel et Théorie du Droit, http://www.memoireonline.com/02/08/916, 22 Mars 2009 à 22H 14.

* 14 SEHILI.H.M., op.cit.

* 15 NDIAYE.T. « Aspects philosophiques et religieux des valeurs », Revue Éthiopiques, N° 31, 1982.

* 16 MUNGALA.A.S., «  L'éducation traditionnelle en Afrique et ses valeurs fondamentales  », in Revue Ethiopiques, N° 29, 1982

* 17

* 18 MUTUALA.M., in « Charte des droits de l'homme des peuples et des cultures africaines », p.200, http://www.sqdi.org/volumes/pdf/12.2_-_mubiala.pdf, 25 Mars 2009- 18H 36.

* 19 Terme désignant en langue Fon du Bénin, guérisseur, féticheur et de médecin traditionnel. Le Vodounon est détenteur de connaissances en matières médicales et peut guérir par les plantes mais aussi par les esprits.

* 20 Tunguru Huaraka, « Les fondements des droits de l'homme en Afrique », dans A. Lapeyre, F. de Tinguy et K. Vasak (dir.), Les dimensions universelles des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1990, p.240.

* 21 Tunguru Huaraka, op.cit

* 22 RONDEAU.D., op.cit. p 129 ; citant Erica-Irène A. in «  Les devoirs de l'individu envers la communauté et les limitations des droits et libertés de l'homme en vertu de l'article 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme », New York, Nations unies, 1983.

* 23 Chef de la collectivité, de la lignée, garant de la tradition et des valeurs. C'est une autorité qui assure la protection de l'ensemble des grandes familles constituant la collectivité.

* 24 Chef placé à la tête d'un ensemble composée de familles membres de la grande collectivité vivant sur un même espace généralement dans une concession assez étendue.

* 25 BRUYAS.J., « Les sociétés traditionnelles de l'Afrique Noire », L'Harmattan, Paris, 2001, P 15.

* 26 ERNY.P., « L'enfant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique Noire », L'Harmattan, Paris, 1990

* 27 Terme désignant que l'enfant est le bénéfice divin. Il exprime la richesse et la valeur conférées à l'enfant dans la société traditionnelle béninoise.

* 28 AZALOU.T.A, « Rites et datation de nom de naissance chez les aja-fon du Bénin », cité par SODJIEDO R., in Mémoire DEA, Université Catholique de Lyon, 1996, p 13.

* 29 ROCHER G, « Introduction à la sociologie générale », HMH, 3ème édition, 2005, 685 p

* 30 KWADZO.A.B.T., « Socialisation de l'enfant dans le milieu familial et hors de famille », in série : Famille, enfant et développement en Afrique, Unesco, Paris, 1988.

* 31 C'est un rite de présentation de l'enfant aux astres et plus particulièrement à la lune qui a lieu le mois qui suit la naissance d'un enfant. Lors de cette cérémonie, la mère et le nouveau sont initialement enfermés dès le coucher du soleil car la tradition interdit qu'ils aperçoivent la lune avant la cérémonie. Entre temps, un membre de la famille, pose juste après le coucher du soleil sur le toit du nouveau né un rameau préalablement traîné dans tous les lieux de la maison familiale ou la mère est censée avoir mis les pieds lors de sa grossesse et à la suite de son accouchement. Á l'apparition de la lune, le houévi (membre de la famille) passe à l'acte en soufflant dans une petite bouteille quarante ou quarante une fois selon le sexe de l'enfant. Il invoquera lors de cette cérémonie les astres d'accueil l'enfant et autorise le nouveau né et sa mère à désormais sortir de leur retraite et de se montrer aux autres.

* 32 Rite de présentation de l'enfant à l'ensemble des membres de la collectivité qui comprend la grande famille élargie mais aussi des amis notamment des membres de la famille de la mère du nouveau-né. Le rite Vidéton constitue en terme traditionnel la cérémonie de baptême de l'enfant paré à cette occasion de beaux vêtements, de colliers, bracelets et autres objets qui embellissent son corps. Contrairement au premier rite, celui autorise le nouveau-né et sa maman à se rendre au marché, au champ et de participer aux activités de la communauté sans crainte. C'est au cours de ce rite d'intégration que l'imposition de nom de l'enfant a lieu. Le père de l'enfant aidé des akovinon et des chefs traditionnels révèlent au public présent qui accueille avec ferveur et joie la présentation du nouveau membre de la lignée, son nom et la signification qu'il revêt.

* 33 Rite d'identification de l'ancêtre protecteur qui doit veiller sur l'enfant durant toute sa vie. À la suite de ce rite l'enfant acquiert de nouveaux droits qui sont ceux de l'ancêtre incarnateur et protecteur. Le rite Agbassa est pourvoyeur de nouveaux droits notamment des droits des adultes pour l'enfant.

* 34 Terme en langue Fon pour désigner l'ancêtre protecteur d'un enfant. C'est l'ancêtre qui se réincarné à travers l'enfant.

* 35 FAYE Jean- Pierre, communication sur Pédagogie traditionnelle et problématique philosophique de l'éducation, Thiès, 30 Mars-05 Avril 2003.

* 36 Éduquer, élever un enfant en langue fon. Il s'agit de toute forme visant à forger la personnalité de l'enfant et développant en lui les capacités de défense au sein de la société.

* 37 QUENUM.M., « Au pays des Fons : us et coutumes du Dahomey », Maisonneuve et Larose, 3ème édition, Paris, 1983, p 34.

* 38 HOUNGAN. AYEMONA.C., « Disons non au trafic des enfants ! », préface de la série de la Bande dessinée Lutte Contre le Trafic des Enfants, N° 001, Ministère de la Famille, de la Solidarité Sociale et de la Solidarité, Juin 2002.

* 39 HOUNGAN A.C., ibid.

* 40 Les Agasùvi sont les descendants du clan des Agasù. Ce clan selon la légende serait issu du XVII ème siècle de l'union d'une princesse Adja de Tado et d'une panthère. De leur union naît Agasù. Les Agasùvi sont considérés comme des mi- hommes et mi -animaux. Suite à une querelle de succession, les Agasùvi fuiront Tado dans le Togo actuel pour s'installer à Allada au Bénin actuel. Ils intégreront très facilement la culture autochtone Aïzo. D'Allada qui sera désignée comme leur capitale religieuse. L'histoire renseigne qu'ils étendront progressivement leur influence au Nord et au Sud. Au Nord, le deuxième fils fondera en 1685 le royaume de Porto-Novo encore appelé Adjatchè ou Hogbonou. Le benjamin se dirigera vers le centre et le nord tandis que l'aîné est resté à Allada Il ne va malheureusement pas régner mais amorcer le processus de création du royaume. C'est son petit fils Houégbadja qui va fonder en l'an 1645 le royaume du Danxomè. La dynastie des Agasùvi va contrôler le centre et le Sud du Dahomey Bénin avec des cités Etats dont la plus célèbre sera le royaume du Danxomè.

* 41 GNONLONFOUN J.,  « La problématique des vidomègons et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale pervertie », Aide et Action Bénin, Cotonou, Mars 2005, P3.

* 42 GNONLONFOUN J.,  ibid.

* 43 Le terme akowé désigne le lettré de l'administration publique de l'État au Bénin. Alain Kisito METODJO, dans son ouvrage « Devenir maire en Afrique : Décentralisation et notabilités locales au Bénin) », paru aux Editions L'Harmattan en 2008, précisera dans les pages 19 et 20, que le mot doit son origine à la langue yoruba et désigne l'évolué c'est-à-dire l'occidentalisé. Un Akowé, c'est l'évolué qui est allé à l'école du blanc qui jouit d'un certain statut et privilège au sein de la société.

* 44 NDEMBI L.D, «Le travail des enfants en Afrique Subsaharienne : Le cas du Bénin, Gabon et du Togo », l'Harmattan, Paris, 2007, p 61.

* 45 Aide et Action Bénin, « La problématique des vidomègons et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale pervertie », Cotonou, Mars 2005, P4

* 46 Observatoire Français de l'Action Sociale Décentralisée, « l'enfant maltraité », Paris, 1993.

* 47 Article 19 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant du 20 novembre 1989

* 48 MANCIAUX. M. « L'enfant maltraité », Fleurus, Paris, 1993, p 148

* 49 Propos recueillis et retranscrits par nos soins. Ils ont été recueillis lors d'un entretien avec Koffi dans le quartier populaire de Zongo à Cotonou, Novembre 2007

* 50 Propos recueillis au Centre des Jeunes et de loisirs de la ville de Bohicon par AYADJI Hyacinthe, un assistant social de formation et retranscrits par nos soins. , Décembre 2007.

* 51 Propos recueillis et traduits par nos soins avec cet ancien Vì?ómåg?'n aujourd'hui pris en charge par le service diocésain de l'Eglise Saint François de Xavier de Porto-Novo. Il a été récupéré par les frères samaritains qui lui assurent les soins nécessaires. Ils lui ont garanti une formation professionnelle en le plaçant chez un patron responsable qui ne le maltraite plus. De même, il est initié aux fondamentaux en langue française. C'est un enfant meurtri mais heureux qui nous avait livré ses impressions.

* 52 Propos recueillis par APLOGAN Florent, Animateur Radio Communautaire Foun-Foun Tokpa de Porto-Novo. La retranscription a été assurée par nous-même.

* 53 Propos recueillis et traduits par OGOUMA Brice, Décembre 2007.

* 54 Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique(INSAE), « Principaux Indicateurs Sociodémographiques », Cotonou, Décembre 2003

* 55 AGBOLI-AGBO.M., « Le travail des 10 -14 ans au Bénin : les normes à l'épreuve des faits », CEFORP, UAC- BENIN, Septembre 2006, p 5

* 56 Aide et Action Bénin in « La problématique des vidomègons et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale pervertie », op.cit., p 6.

* 57 Ibid. p 6.

* 58  TERRE DES HOMMES., « Lutte contre la traite des enfants, Stratégie sectorielle », 2007, P.11

* 59 LALEYE G., « Trafic des enfants au Bénin- Causes et implications : Cas de la commune de SEME-KPODJI », Mémoire de fin de formation, INJEPS, 2002, p13.

* 60 Ces montants sont compris entre 15 et 30 Euros. C'est le prix d'un enfant depuis que les trafiquants organisés en réseau recrutent et transportent vers les autres pays les Vì?ómåg?'n 

* 61 Social Alert., «  SOS traffiking on the tracks of stolen childhoods- A comparative analysis of child trafficking in the word », Research on Economic Social and cultural Rights, 2000, N°2 Brussels

* 62 DOTTRIDGE.M., « Les enfants, une marchandise ? Agir contre la traite des enfants », FITH, 2004, p19

* 63 « Unesco droit à l'éducation », http://www.fao.org/righttofood/kc/links_fr.htm, Décembre 2008, 18H30.

* 64 Constitution de la République du Bénin, 11 Décembre 1990, art 13.

* 65 ESAM., « Étude sur le trafic des enfants entre le Bénin et le Gabon », 2000

* 66 Bureau International du Travail, « Le travail des enfants », Genève, 1980 P 40-41.

* 67 PNUD, « Rapport Développement Humain Durable », 2006

* 68 PNUD, ibid,

* 69 Constitution béninoise du 11 Décembre 1990, préambule, paragraphe 6

* 70 LA ROSA. A., «  La protection de l'enfant en droit international pénal : Etat des lieux », Mémoire Master Recherche, Lille, 2004, p 28.

* 71 OMCT, in « La violence étatique au Bénin » rapport alternatif du comité des droits de l'homme, Genève, 2005, p 78.

* 72 SAIZONOU.A.F., in « Regard d'Afrique sur la Maltraitance », sous la Direction de Thérèse Agossou, Karthala, Paris, 2000, 105.

* 73 SODJIEDO HOUNTON.R.F. « La Justice pour mineurs au Bénin : Protection juridique et judiciaire de l'enfant au Bénin », www. Dei.belgique.be, le 25 Mai 2009 à 12H 23.

* 74 SAIZONOU.A.F., Op cit, p 106

* 75 Article 1er de la loi N° 61-20 du 5 Juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de moins de 18 ans hors du territoire de la République du Dahomey (Bénin).

* 76 PNUD -Bénin, «  Rapport sur le Développement Humain au Bénin », 2003.

* 77 SAIZONOU.A.F., op cit, p 106

* 78 Article 3 code du travail en République du Bénin, Janvier 1998

* 79 Constitution Béninoise du 11 Décembre 1990, Art 13.

* 80 Convention Relative aux Droits de l'Enfant, 1989, Article 20.

* 81 Ministère de la Famille et de l'Enfant, «  Loi portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin », Août2007, p 6.

* 82 Arrêté interministériel N°16/MEPS/METFP/CAB/DC/SGM/SA, 1er Octobre 2003.

* 83 Ce décret intervenu après la période du renouveau démocratique a fixé au milieu des années les nouvelles règles de déplacement des mineurs en exigeant des autorisations administratives de sortie du territoire des mineurs de moins de dix-huit. Ce décret dispose, qu'aucun enfant ne peut-être confié pour un déplacement à l'extérieur s'il n'a atteint quatorze ans, sauf dans les cas spécialement recommandés par les services sociaux et sanitaires.

* 84 Article 7 de la loi 2006-04 d'Avril 2006 portant sur les conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d'enfants en République du Bénin, Ministère de la Famille et de l'Enfant, 2007, p 10.

* 85 Ibid. p 11.

* 86 Ibid. p 12-13.

* 87 Aoudaghost- BÉNIN., «  Etat des lieux sommaire sur les DESC au Bénin », 2006, p 40.

* 88 Aoudaghost- BÉNIN., ibid.

* 89 Ecole de Qualité Fondamentale : C'est un outil de planification centrale et de traduction de la vision opérationnelle de la réforme du système éducatif béninois. Il fixe les conditions nécessaires à l'apprentissage des élèves, permet d'augmenter les chances d'accès à tous les enfants et tend à réduire les écarts entre les taux de scolarisation des garçons et des filles. Il prend en compte les questions liées à la qualification du personnel enseignant, de l'environnement scolaire, du matériel didactique et pédagogique sans oublier l'équipement et le mobilier. Les normes de d'Ecole de Qualité Fondamentale prévoient que les salles de classe soient construites en dur avec des dimensions conformes aux normes internationales. Elles doivent offrir à chaque apprenant une place assise et de matériels adéquats.

* 90 Certificat d'étude Primaire : un diplôme qui sanctionne les études au niveau primaire. L'enfant admis à cet examen peut aller au collège et au lycée ou l'enseignement pour le moment n'est gratuit à ce niveau.

* 91 ADEGBIDI.A.,  « Dynamique de la pauvreté au Bénin », Janvier 2002

* 92 Enquête Légère Auprès des Ménages. C'est une enquête qui a pour but de suivre les comportements et les caractéristiques des ménages et groupes vulnérables dans en ville.

* 93 Enquête sur les conditions de vie en milieu rural, l'ECVR fournit la vision des conditions de vie en milieu rural et sert à établir le profil de la pauvreté rurale.

* 94 ALLAGNON.I., « Le document Stratégique de Réduction de la Pauvreté », Décembre 2002, http:/WWW.gouv.bj/spip.php/IMG/ art 273, 29 Mai 2009 à 18H21.

* 95 La Déclaration de la politique de la Population élaborée en 1996 est étalée sur une période de 15 ans. Elle se charge de prendre en compte la résolution des problèmes de la population en général et le renforcement de leurs capacités à s'auto- suffire et s'épanouir en particulier.

* 96 Projet National au Développement Conduit par les Communautés. Il a été mis en oeuvre grâce à l'accord de financement de développement CR 3990-BEN et H 128- BEN, signé entre la République du Bénin et l'Association International de Développement (IDA) le 04 Novembre 2004






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