LA PROTECTION DE L'ENFANT VIDOMEGON AU BÉNIN :
MYTHE OU RÉALITÉ ?
MEMOIRE PRESENTE PAR :
Bienvenu Hospice HOUNYOTON
En vue de l'obtention du Master 2
Recherche
« Histoire, Droit, Droits de
l'Homme »
SOUS LA DIRECTION DE :
Charles M. KABEYA
Marie DOURIS
Année Académique 2008- 2009
« Je certifie sur l'honneur que le présent
mémoire est le résultat d'un travail personnel effectué
conformément aux normes universitaires en matière de recherche
et dans le respect de la charte de l'IDHL de 2008 relative à
l'élaboration du mémoire de Master 2 Recherche.
Les opinions émises dans cette étude, ne
reflètent pas nécessairement la philosophie de l'IDHL ni celle de
l'Université Catholique de Lyon. Par conséquent, elles n'engagent
que son auteur ».
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer mes sincères remerciements
à Monsieur Charles M. KABEYA et Madame Marie DOURIS pour m'avoir
accordé la chance de travailler sur la protection juridique et sociale
de l'enfant Vidomègon au Bénin.
Je vous remercie surtout pour vos précieux conseils qui
ont été déterminants pour la réalisation de cette
étude. Je vous en suis tous deux très reconnaissant.
Je remercie également tous ceux qui de près ou de
loin ont contribué à la recherche d'informations et de documents
nécessaires à la réalisation de cette étude
consacrée à la dérive du Vidomègon au
Bénin notamment Brice, Florent et Serge pour le recueil des
témoignages des Vidomègon.
INTRODUCTION
Dans la société traditionnnelle d'autrefois, en
particulier du Sud Bénin, est née et s'est
développée une pratique de placement temporaire ou à long
terme d'un enfant par ses parents géniteurs dans d'autres familles avec
pour objectifs l'éducation et la socialisation de l'enfant connue sous
l'expression de Vì?ómåg?'n. C'est une pratique qui a lieu
en Afrique ouest africaine connue sous le terme de placement, de confiage ou de
transfert de l'enfant. La pratique Vì?ómåg?'n
apparaît dès lors comme l'un des traits traditionnels des
systèmes familiaux africains, qui se pratique sur la base du respect des
règles coutumières inspirées de la philosophie de la
personne humaine. La pratique Vì?ómåg?'n revêt une
double dimension à savoir : une dimension éducative et
sociale. Selon Zoukanéini Yanoussi, « la dimension
éducative découle du fait qu'en milieu traditionnel, l'enfant
élevé ailleurs que dans son foyer naturel est traité avec
moins d'indulgence par des tuteurs garants des traditions et valeurs
sociales 1(*)». En milieu urbain, le
Vì?ómåg?'n selon cet auteur permet à un enfant issu
d'un milieu à la base rural voire défavorisé ou pauvre
d'être scolarisé ou d'apprendre un métier. La dimension
sociale de la pratique Vì?ómåg?'n tient du fait qu'elle
permet de resserrer les relations de parenté ou d'alliance. C'est une
manifestation de solidarités entre membres d'une famille, une ethnie ou
une communauté. La pratique Vì?ómåg?'n produit et
entretient des liens sociaux non seulement entre les membres issus d'un
ancêtre commun mais aussi entre amis et alliés par le mariage, le
pouvoir...etc.
La pratique Vì?ómåg?'n repose sur la
forme sociale d'organisation traditionnelle qui caractérisait la
société béninoise d'avant les indépendances. C'est
pourquoi, elle est très ancrée dans les consciences individuelle
et collective. L'ensemble de la communauté la considère comme une
marque déposée et l'une des formes de solidarité entre
membres de la société et de protection de l'enfant qui a lieu
dans la société traditionnelle. Placer un enfant ou adopter un
enfant à cette époque , c'est exprimer son attachement à
la grande famille, à la communauté et aux valeurs qu'elles
véhiculent. Dans ce système où la société
prévoyait en effet pour un enfant une protection, comparable à
l'organisation des sociétés occidentales qui se déploient
à mettre en place un système d'adoption sur fond de mesures
législatives et institutionnelles, l'enfant est intégré
dans un système de formation tout en étant appelé à
contribuer à la participation des activités domestiques et
économiques de sa famille d'accueil. La pratique
Vì?ómåg?'n se distingue en toute logique de l'adoption
légale moderne et se définit comme un système traditionnel
de protection où l'enfant placé auprès d'un tiers est
élevé comme tous les autres enfants de la famille d'accueil.
Elle se pratique dans l'intérêt supérieur
de l'enfant placé appelé aussi en langue Fon2(*) du Sud Bénin,
« Vì?ómåg?'n » : un enfant
placé auprès de quelqu'un, un enfant vivant chez un tiers, mais
aussi chez des parents ou des tuteurs. L'avantage pour le
« Vì?ómåg?'n » est de
bénéficier en raison de son statut d'une éducation, une
socialisation et de profiter du système traditionnel de protection
tandis que pour les parents, il s'agit d'assurer à leur
progéniture un avenir meilleur. Cette éducation ou la
socialisation qui sous tend le placement permettait à l'enfant de se
prendre en charge plus tard au plan social, économique, professionnel et
politique dans la société. Quant aux éducateurs ou tuteurs
ayant à charge un « Vì?ómåg?'n »,
c'est une marque de reconnaissance sociale et de considération de se
voir confié un enfant qui lui obéira au même titre que ses
propres enfants. Ces derniers percevaient, le Vì?ómåg?'n
comme une faveur, un signe de reconnaissance de leur réussite sociale et
mérite et sont tenus en droit de les élever comme leurs propres
enfants sans aucune discrimination. Pour un tuteur, se voir confié un
enfant, c'est un signe de reconnaissance sociale. C'est aussi une
manière pour le tuteur d'exprimer sa solidarité envers les autres
membres de la grande famille. Accepter un Vì?ómåg?'n,
à l'époque traditionnelle, c'est jouir d'un statut d'un membre
influent dans la société, une reconnaissance sociale, signe de
notoriété d'un citoyen au sein de la société.
Signalons qu'à l'époque traditionnelle, la participation de
l'enfant aux activités du ménage d'accueil ne se fait pas au
détriment de la socialisation ou de la formation de l'enfant.
Privilégier l'intérêt économique de la pratique
Vì?ómåg?'n au détriment de son objectif
socio-éducatif, était perçu comme une haute trahison, une
exploitation du mineur à la limite une violation des droits de la
personne de l'enfant. D'ailleurs, la communauté garant de la tradition
et de ses valeurs sanctionne toute personne qui ne se conformerait pas aux
exigences culturelles notamment en matière de respect des droits de
l'enfant en société. La dérive du placement était
sanctionnée par l'ensemble de la communauté qui veille au bon
fonctionnement d'une pratique qui aura montré tout son
intérêt pour les enfants et son utilité pour la
société. C'est comme çà que des milliers de
béninois ont été grâce à cette pratique
élevés, scolarisés et éduqués suivant les
règles communautaires d'éducation et les normes traditionnelles
de respect de la personne humaine et en particulier de l'enfant. La pratique
Vì?ómåg?'n confirme la représentation sociale de
l'enfant dans la société traditionnelle béninoise,
considéré comme une incarnation des ancêtres et des forces
invisibles de la nature. L'enfant, représentant dans cette vision
traditionnelle comme l'assurance vieillesse des parents, l'espoir pour la
relève est avant tout considéré comme une source de
richesse pour sa communauté d'appartenance. L'enfant est un être
désiré et vénéré par tous. Il appartient
à la lignée c'est-à-dire à la communauté
entière, d'où l'attachement de cette dernière à son
éducation et à sa socialisation. L'enfant est pris en charge dans
la société traditionnelle par l'ensemble des membres qui
constituent son clan qui ont une obligation morale et sociale de le
protéger. Un enfant rejeté, abandonné était
perçu comme inconcevable et contraire aux règles communautaires.
La pratique Vì?ómåg?'n est une originelle invention de
socialisation, d'éducation et de protection des enfants qui a
fonctionné pendant des siècles et assuré à de
nombreux enfants béninois une éducation ou une socialisation
pour la vie.
En résumé, la pratique
Vì?ómåg?'n, est une pratique de socialisation,
d'éducation et de protection de l'enfant qui est très
ancrée dans la conscience collective des béninois. Outre ces
fonctions sociale et éducative, cette pratique est aussi significative
de la mobilité de l'enfant, c'est-à-dire de sa circulation au
sein du cercle communautaire et entretient ou maintient les liens sociaux
entre les membres de la grande famille. Derrière la pratique
Vì?ómåg?'n, se trouvent des enjeux d'éducation, de
socialisation et de protection de l'enfant mais aussi des enjeux vitaux pour
les parents et la communauté. Elle a fait le bonheur de milliers
d'enfants issus de la basse classe et leur a ouvert les portes du plein
épanouissement.
Mais les choses se passent autrement depuis deux
décennies surtout en zones urbaines où des comportements
nouveaux viennent bouleverser les règles traditionnelles de
socialisation et de protection des enfants placés. En effet, le passage
de la tradition à la modernité est à l'origine des
changements que l'on constate aujourd'hui au sujet de la pratique
Vì?ómåg?'n. Avec l'avènement de l'économie du
marché et des familles nucléaires, le Bénin entre dans
une nouvelle marche vers le progrès, qui semble ignorer les
règles traditionnelles notamment de protection des enfants
vulnérables et démunis. En effet, la paupérisation de la
masse de plus en plus croissante : fruit de la modernisation non
maîtrisée et de la mondialisation, les contraintes
économiques et les nouveaux contextes sociaux rendent plus difficile
l'accueil de la pratique traditionnelle du Vì?ómåg?'n. La
pauvreté des masses et l'esprit mercantile ayant abouti à la
« marchandisation » de l'être humain et plus
particulièrement de l'enfant, n'ont pas favorisé le succès
jadis connu de la pratique de placement d'enfant. Avec les diverses mutations
des moeurs, des valeurs traditionnelles notamment culturelles et sociales, que
le Bénin a connues, la pratique Vì?ómåg?'n a perdu
tout son sens traditionnel. Elle se trouve dévoyée,
détournée et pervertie. La perversion du placement aujourd'hui a
atteint des proportions vertigineuses et très inquiétantes au
point où la réflexion théorique parle de
l'émergence d'un nouveau phénomène qui est celui du
Vì?ómåg?'n. Le phénomène
Vì?ómåg?'n se distingue de la pratique
Vì?ómåg?'n qui était protectrice des droits de
l'enfant placé. Il se caractérise par le travail précoce
des Vì?ómåg?'n, la maltraitance, l'exploitation
économique et la traite des Vì?ómåg?'n. Ce nouveau
phénomène dont l'ampleur est très inquiétante
frappe beaucoup plus les enfants vulnérables notamment ceux dont les
parents éprouvent de difficultés à faire face à
leurs besoins élémentaires dans les villages et campagnes ne
disposant pas d'infrastructures socio-économiques essentielles de
scolarisation. Ces enfants sont envoyés par leurs parents dans les
villes pour y scolarisés, éduqués ou apprendre un
métier. Mais une fois arrivé en ville, ces enfants vont victimes
de formes subtiles de la pratique Vì?ómåg?'n qui les
soumettent au lieu de les protéger à une exploitation
économique. Ils vont être aussi victimes de formes de violences de
tout genre, de la traite, soumis illégalement et précocement au
travail. Bref, le phénomène Vì?ómåg?'n
viole les droits fondamentaux de l'enfant aujourd'hui au Bénin.
D'où la dérive du Vì?ómåg?'n qui constitue
l'objet principal de notre étude. La dérive du
Vì?ómåg?'n viole les droits et libertés
fondamentales de l'enfant placé dont les conditions de vie sont
très dégradées. Le Vì?ómåg?'n dans
l'entendement des uns et des autres, rime aujourd'hui avec maltraitance,
exploitation, traite et autres souffrances pour l'enfant
Vì?ómåg?'n, qui vit une sorte de calvaire. Cette
dérive qui entraîne des conséquences dommageables aux
enfants placés, traduit la nouvelle perception ou représentation
de l'enfant dans la société béninoise. La dérive
transforme la représentation sociale de l'enfant, viole les
différentes conventions sociales et internationales en matière de
protection de l'enfant. Même l'État se trouve
dépassé par son ampleur et ses conséquences malgré
les nombreux dispositifs législatifs de protection de l'enfant en
vigueur au Bénin. Cette situation peut s'explique aussi par la
défaillance de l'État qui n'offre pas les garanties de protection
aux enfants placés. En peinant à s'acquitter de ses obligations
éducatives et de protection des enfants, le pouvoir a laissé un
terrain libre à la dérive du Vì?ómåg?'n qui
frappe les enfants placés qui sont aujourd'hui abandonnés comme
en témoigne le manque de mesures spécifiques sur les conditions
de leur placement et des obligations des supposés tuteurs.
Une analyse de la dérive du
Vì?ómåg?'n laisse envisager qu'elle serait
considérée comme l'un des multiples effets induits par la
pauvreté et la modernisation du pays. Il suffit pour s'en convaincre de
constater ses différentes manifestations et ses conséquences en
matière de violation des droits de l'enfant.
Mieux, malgré l'ampleur de la dérive et ses
conséquences sur les droits de l'enfant, force est de constater que la
pratique Vì?ómåg?'n ne fait l'objet d'aucun encadrement
juridique. Les tuteurs de Vì?ómåg?'n ne sont soumis
à aucune règle de droit qui détermine et fixe leurs droits
et obligations vis-à-vis des Vì?ómåg?'n. Ils sont
libres et peuvent agir sans aucune crainte. En dépit des cris d'alerte
des défenseurs de droits de l'homme et des associations de la
société civile, les autorités n'ont pas su réagir
et la situation se caractérise toujours par une absence d'un texte
juridique en matière de placement d'enfant au Bénin. Face
à cette situation aux conséquences désastreuses pour les
enfants Vì?ómåg?'n, victimes de maltraitance, de traite et
d'exploitation économique, se pose une problématique majeure
à savoir :
Quelle est la part de responsabilité de
l'État dans l'émergence du phénomène
Vidomègon et qu'elle est la pertinence du système béninois
de protection de l'enfant face à ce nouveau phénomène au
sein de la société ?
L'autre question qui se pose alors est, comment
expliquerait-t-on le silence de l'État qui a pourtant signé la
plupart des instruments internationaux de protection de l'enfant et pour
quoi s'intéresse-t-il aux seules conséquences du
phénomène Vidomègon ?
Il s'agira pour nous de mettre en
évidence la défaillance et le silence coupable de l'État
face aux nouveaux enjeux de la pratique Vidomègon mais aussi de la
place accordée aux Vidomègon dans le système actuel de
protection au Bénin. Ce sera aussi l'occasion de voir si le
Vidomègon ne mérite-t-il vraiment pas une protection
spéciale, qui lui permettrait de se développer et de
s'épanouir dans son environnement en respect des différents
instruments de droits de l'enfant auxquels le Bénin a librement
adhérés ?
Des interrogations subsidiaires à cette
problématique majeure sont nécessaires afin de mieux
répondre à cette problématique. Ces dernières nous
serviront de mieux guider la construction de notre objet d'étude. C'est
ainsi que nous nous sommes interrogé également sur la pratique
Vì?ómåg?'n. Quelle signification peut-on donner de nos
jours à la pratique Vidomègon aujourd'hui au Bénin ?
Répond-elle toujours aux normes d'expression de solidarité entre
les familles et de protection de l'enfant ? Quelles sont les mesures
prises pour protéger les enfants placés ? Existe-t-il
aujourd'hui des pistes capables de combattre la dérive du
Vì?ómåg?'n ? Si oui lesquelles ?
Pour répondre à cette problématique ainsi
qu'aux questions subsidiaires qu'elle suscite, nous avons construit des
hypothèses de recherches et définit des variables explicatives.
Notre première hypothèse de recherche considère que :
- le passage de la société
traditionnelle à une société moderne non
endogénisée et mal maîtrisée, serait l'une des
raisons de la transformation de la représentation sociale de
l'enfant ;
La deuxième hypothèse quant à
elle soupçonne que l'inertie, l'irresponsabilité de
l'État face aux questions de paupérisation des masses ainsi que
son indifférence face à la situation de l'enfant
Vidomègon, contribueraient à la dérive du
Vidomègon et à la violation des droits et libertés de
l'enfant placé près du tiers au Bénin.
Comme variables explicatives de la dérive du
Vì?ómåg?'n et de la violation des droits de l'enfant
placé aujourd'hui dans la société béninoise, nous
évoquons des causes d'ordre économique et social, la variable
politique sans oublier la pauvreté et ses impacts sur les masses
rurales.
L'objectif général de cette étude est de
fournir les indicateurs pertinents sur les droits des
Vì?ómåg?'n dans la société béninoise
d'aujourd'hui et d'alerter sur l'impérieuse nécessité de
réglementer la pratique Vidomègon et d'une définition du
statut juridique du Vidomègon en République du
Bénin.
De façon spécifique, l'étude vise
à
- Inciter les pouvoirs publics à agir
expressément afin de garantir aux enfants placés une protection
digne en respect aux engagements internationaux de droits de l'homme ;
- Sensibiliser la société civile
à oeuvrer plus pour la lutte contre la pauvreté, seule gage d'une
protection sûre et renforcée des Vidomègon au
Bénin.
Pour mieux appréhender la protection juridique du
Vì?ómåg?'n et vérifier nos hypothèses de
recherche, nous avons adopté une démarche méthodologique
scientifique à double approche basée sur la recherche
documentaire et l'empirisme. Ces deux approches ont été
complétées par des entrées sociologiques et juridiques.
La première approche méthodologique reconnue
pour son caractère comparatif nous a été d'une très
grande utilité en ce sens qu'elle nous a permis de passer en revue la
littérature dans le domaine de la protection et du placement d'enfant.
Dès la formulation de notre thème d'étude, nous avons
fait une fouille affinée d'éléments anthropologiques,
sociologiques pour saisir la représentation de l'enfant, son statut, son
rôle et le sens de la protection dans les sociétés
traditionnelles précoloniales. Cette approche a procédé
également à l'analyse bibliographique systématique des
ouvrages portant sur le phénomène Vì?ómåg?'n
au Bénin. La littérature relative à ce sujet est
très riche et abondante mais ne parle que de ses conséquences.
Très peu d'articles et ouvrages abordent la question fondamentale de la
place de l'enfant dans la société actuelle ou du
Vì?ómåg?'n. Tout est orienté vers le trafic et le
travail d'enfants sans une analyse de ce qui est à la base de la
naissance du phénomène Vì?ómåg?'n. Cette
recherche documentaire malgré cela, nous a néanmoins servi et car
il nous a permis d'obtenir les informations nécessaires liées aux
manifestations de la dérive du Vì?ómåg?'n. La
recherche documentaire a été complétée par des
recherches sur internet sur le sujet. Cette posture scientifique nous a servi
de structurer l'arrière plan théorique de cette étude.
La deuxième approche est empirique. Étant
donné que cette dernière est fondée sur
l'expérience, nous sommes parti, dans le cadre de cette étude,
de notre propre perception du phénomène et de nos propres
expériences en animation des projets de développement local pour
structurer notre réflexion. Cette approche s'appuie également sur
les observations effectuées au plan national, les différentes
études menées par l'Unicef, le BIT, l'État et la
société civile notamment les nombreuses organisations non
gouvernementales sur le phénomène Vì?ómåg?'n.
L'approche empirique nous a été d'une grande utilité
pour nous et a permis le recueil de témoignages d'enfants victimes de
ce nouveau phénomène. Nous n'avons pas pu pour des raisons de
temps et d'éloignement de notre milieu de travail entendu certains
acteurs notamment les parents, les trafiquants et quelques défenseurs
des droits de l'enfant. Ceci pourrait constituer l'une des insuffisances de
cette étude, car les témoignages ou propos de ces derniers
pourraient mieux nous aider dans la compréhension de certaines choses.
Mais celà n'affecte en rien la qualité et l'originalité de
cette étude qui se veut une contribution à la réflexion
sur la nécessité de protection des Vì?ómåg?'n
en République du Bénin. En effet, l'originalité de la
présente étude réside dans le fait qu'elle ne s'est pas
contentée d'étudier le trafic, la traite ou encore moins
l'exploitation économique du Vì?ómåg?'n mais aborde
plutôt l'épineuse question de la protection juridique et sociale
du Vì?ómåg?'n dans la société moderne
béninoise.
Afin de mieux appréhender la dérive du
Vì?ómåg?'n et d'élucider les préoccupations
qu'elle suscite, nous avons organisé et structuré notre
réflexion autour d'un raisonnement scientifique décliné en
deux grandes parties complémentaires.
Dans la première partie de cette étude, nous
faisons un voyage en arrière dans l'univers traditionnel
béninois. Il a été question d'appréhender dans un
premier chapitre, la vision traditionnelle de l'homme, des droits et devoirs
de l'individu en communauté, les garanties de ces droits et devoirs et
enfin la place de l'enfant dans cette vision sans oublier la protection de ses
droits. Dans un second chapitre, nous exposons la pratique
Vì?ómåg?'n en retraçant ses origines, ses fondements
et son évolution dans la société. Mais avant cet
exposé, nous avons au préalable posé les jalons en
abordant les questions de la représentation, l'éducation et la
socialisation de l'enfant dans la société béninoise.
Dans son ensemble la deuxième partie consacrée
à la dérive du Vì?ómåg?'n, essaie d'aborder
les éléments de réponse apportés par
l'État béninois ces dix dernières années. Cette
partie est structurée autour de deux grands chapitres. Le premier se
veut une exposition de la dérive du Vì?ómåg?'n
notamment de ses manifestations et son impact sur les droits et libertés
de l'enfant placé. Pour ce qui concerne le second chapitre, nous avons
analysé le système de protection de l'enfant au Bénin sur
la base des différents instruments nationaux et internationaux en
matière de droit de l'enfant. Ce chapitre a été l'occasion
de questionner la pertinence et l'efficacité du système actuel de
protection de l'enfant au Bénin mais aussi des réponses
apportées par l'État pour asseoir une protection
spécifique aux enfants Vì?ómåg?'n de plus en plus
nombreux.
PREMIERE PARTIE : LES DROITS DE L'ENFANT DANS LA
SOCIETE TRADITIONNELLE.
Cette première partie est consacrée à la
compréhension du fait socioculturel que constitue la pratique
Vì?ómåg?'n dans la société traditionnelle
béninoise. Nous organiserons non seulement notre analyse autour de ses
origines et fondements mais aussi de son rapprochement avec la vision
traditionnelle des droits de l'individu. Pour ce faire, un premier chapitre
traite d'abord des droits de l'individu dans l'univers traditionnel mais aussi
de ses devoirs et du système traditionnel de garantie des droits
à l'époque pré-coloniale.
Le deuxième chapitre de cette première grande
partie a été consacré à la pratique
Vì?ómåg?'n : une invention originelle de protection de
l'enfant dans cet univers traditionnel. Autrement, ce chapitre fait
l'état des lieux des droits et devoirs de l'enfant dans le
système traditionnel structuré autour d'une représentation
très forte de l'enfant.
CHAPITRE I- LES DROITS ET
DEVOIRS DANS L'UNIVERS TRADITIONNEL BENINOIS
En abordant la question des droits et devoirs dans la
société traditionnelle béninoise, ce chapitre jette les
bases nécessaires à la compréhension et à la
perception de ces deux notions dans une société où
l'individu reste essentiellement rattaché au groupe social d'une
manière exclusive. Il vise également à souligner la
conception traditionnelle de l'individu et du monde (Section 1) et fait un
état des lieux de la question des droits et devoirs de l'individu en
communauté ainsi que des mécanismes de leur protection
(Section2).
Section 1- La vision
traditionnelle de l'homme et du monde
Cette section aborde le système de croyances par
rapport à la création du monde et de l'homme. Elle traite dans
son ensemble, les préoccupations liées à la mort, au culte
des anciens mais aussi en la croyance des forces naturelles.
Paragraphe 1- La tradition
béninoise : sa vision du monde et des droits de la personne
humaine.
Grâce aux travaux de chercheurs béninois
notamment de Honorat Aguessy, de Maximilien Quenum, du Père Kiti et
d'étrangers, on connaît le mythe de la création dans la
société traditionnelle béninoise. Le mythe fondateur de la
tradition béninoise, reconnaît qu'au commencement du monde, il y
a un être suprême désigné par Dieu. Il est le
créateur de toutes les choses qu'il contrôle. Il y aura l'homme,
le représentant de Dieu sur terre, doté de pouvoirs pour assurer
l'organisation sociale et conduire la destinée humaine. Cette conception
du monde souligne la vision particulière de la tradition
béninoise du monde et de l'être humain. C'est justement ce que
tentera de faire ressortir ce paragraphe organisé autour de la
question de la création du monde, la place et le rôle de l'homme
dans cet univers.
1- Un monde créé par le Dieu
Unique
Selon la mythologie traditionnelle béninoise, le monde
ne vient pas du néant. Au commencement, il y a un être
suprême qui créa la nature, les animaux, les divinités et
les humains. Tous seront placés sur son contrôle et il
détermina les rôles des uns et des autres. La mythologie
traditionnelle béninoise ne conçoit pas la création du
monde comme ex-nihilo mais l'attribue à un créateur unique,
insaisissable et insondable. Au commencement de la création de
l'univers, on retrouve selon la tradition Mahou ou Mawu désigné
par l'Abbé Kiti3(*)
par le terme de « Dieu le Créateur Unique ».
L'ecclésiastique pense pour sa part qu'il est le créateur du
monde mais aussi des fétiches. Cette thèse est d'ailleurs
confirmée par d'autres mythes de la création à travers
tout le continent. Il le compare à un roi avec ses ministres ou encore
à un maître et ses serviteurs. Le Professeur Aguessy4(*), dans un article publié
dans les cahiers des religions africaines en 1970, confirme cette vision de la
création suivant le modèle béninois. L'auteur
révèle qu'à l'origine du monde, il y avait Mahou et Lissa
deux divinités dont l'association donne le Créateur. La
première selon l'anthropologue est de sexe féminin tandis que la
deuxième est du sexe masculin. Le monde serait né et
bâti autour de cette paire de divinités. À chacune des deux
échoit une mission spécifique. C'est ainsi que la mise en accord
de la nature va être incombée à Mawu, divinité de la
fertilité qui sera assistée dans son immense tâche par Dan
(serpent), symbole de la vie et du mouvement. À Lissa, divinité
de la force et du feu assistée de Gou une divinité de la
transformation, de l'industrie et de la culture, reviendra la mise en ordre du
monde des hommes. L'union entre Mawu et Lissa engendra plusieurs autres
divinités communément appelées Vodoun
désigné par Aguessy comme « Toute
puissance dépassant l'entendement humain et agissant au niveau de
l'invisible même si ses actions ne se révèlent que dans le
monde visible5(*) ». Cette version est proche de
celle de Pierre Erny, qui renchérit l'auteur en soulignant que dans la
mythologie dahoméenne, « le Créateur est un
bisexué, qui engendre deux jumeaux, Lisa qui est mâle
apparaissant comme un être solaire et Mawu la femelle
représentant la lune6(*) ».
Maximilien Quenum dans une tentative d'explication de la
genèse de l'univers, n'a pas apporté un démenti à
cette précédente explication. Il pense aussi
que « le monde que nous habitons n'a pas toujours
existé et que Dieu en est son Créateur 7(*)». Ce dernier
est désigné par cet auteur par des termes assez parlants à
savoir Sê (Esprit protecteur),
« Sêgbo-Lissa » : le maître des hommes,
des esprits des plantes, de tout ce qui existe. Tout ce qui existe
dépend de lui et de façon absolue. Cette vision laisse penser
à toute la grandeur de Dieu dans l'univers traditionnel, qui est
un « être immense, infini, éternel, universel,
simple et immuable 8(*)». Il ne se distingue pas d'une divinité et
en ce sens représente les fétiches et les Vodoun. La mythologie
retient qu'il créa d'abord les astres, les fleuves, les mers et les
animaux, tous placés sous la coupole de
« Gbêto : le père du monde
créé »9(*), qui n'est rien d'autre que
l'homme. Par cette perception, l'homme est le
maître incontesté du monde et par conséquent de la nature.
Nous entendons par la nature l'ensemble des règnes
végétaux, animaux et minéraux. Autrement, c'est l'homme
qui gouverne la terre, la faune, la flore, les mers et les animaux. Il est le
premier dans cette nature et son idéal au regard de la tradition, est
de vivre en harmonie avec cette nature. C'est pourquoi, le Créateur lui
confia son patrimoine avec des dons de perfection. Toutefois, ses pouvoirs
seront encadrés avec des contre pouvoirs que sont les forces
invisibles.
2- L'invisible dans la
tradition
La mythologie traditionnelle accorde une place
prépondérante à l'invisible pour expliquer et justifier la
création du monde. Elle développe une conception très
particulière du monde avec un poids déterminant du monde
invisible réputé être celui des dieux, des ancêtres
et de toutes les forces qui assurent l'équilibre. Afin
d'équilibrer les pouvoirs dans le monde, Dieu créa des forces
invisibles redoutables qui contrôlent les actions de l'homme sur terre.
Elles représentent toutes les divinités créées par
Dieu créateur, les esprits, les génies mais aussi les
ancêtres. Ces forces flottent quelque part dans la nature et surveillent
l'activité de l'homme. Certains les rangent carrément dans un
monde à part : celui de l'au-delà et de l'invisible.
Pourtant, ce monde de l'invisible et de l'au-delà est
considéré pour paraphraser Ferdinand Ezémbé,
« est un monde ambigu en raison de l'absence d'une certitude
duplication du monde possible des vivants10(*) », qui laisse craindre les
actes de l'homme sur terre. En revanche l'au-delà serait un lieu
quotidien selon cet auteur « qui peut être la nuit,
la mer, les carrefours, les forêts sacrées, la source des fleuves,
les collines 11(*)». L'au-delà dans la
tradition béninoise, représente le lieu de vie par excellence des
ancêtres morts mais aussi le « pays » des
génies, des fantômes, des revenants et des esprits. En ce qui
concerne les ancêtres, ils seraient tapis dans ce monde avec un regard
à la fois de protection sur leurs descendants et de sanction de tous
ceux qui ne se comporteraient pas bien selon les recommandations du Dieu le
créateur pour maintenir une cohésion sociale dans la
société. Les ancêtres sont des êtres invisibles qui
habitent parmi les humains sous diverses formes notamment sous forme d'animaux
ou d'autres espèces de la nature. Ce sont les vrais détenteurs de
droits dans la société traditionnelle. Ils sont craints par les
hommes en raison de leur caractère sacré et des forces mystiques
dont ils disposent. Cette représentation des ancêtres donne tout
un sens à la notion de représentation de la personne humaine.
C'est ainsi par exemple, qu'il est admis par la conscience collective, que les
ancêtres sont nécessaires au monde visible des humains sur terre.
Leur bonne volonté est parfois jugée trop nécessaire pour
le bien-être et le bonheur des humains. En toute conséquence, ils
sont respectés, choyés, suppliés apaisés par des
actions de grâce à travers des sacrifices individuels ou par des
rites, pour soit manifester le regard porté sur eux par les humains,
soit pour leur demander d'intercéder auprès du créateur
pour les péchés commis ou pour exhausser leurs voeux.
La compréhension qui se dégage de cette
perception du monde, nous amène à formuler l'idée selon la
quelle dans l'univers traditionnel béninois, il y aurait selon la
croyance un univers global constitué de forces visibles et invisibles.
Les forces invisibles bien qu'elles ne soient pas réelles au sens de la
raison, sont bien réelles selon la tradition et il faudra bien vivre
avec elles, les louer et calmer par des rites magiques qui sont de l'ordre
religieux. L'autre caractéristique du monde invisible, est qu'il reste
dominé par une multitude de divinités communément
appelées fétiches avec des pouvoirs et dons de protection et/ ou
de sanction. Certaines de ces divinités relèvent du monde
céleste, d'autres des mondes terrestres ou des nymphes. C'est le cas par
exemple du Vodoun ou de la divinité Sakpata dans la mythologie
traditionnelle, qui est le protecteur de la terre et le prodigateur de maladie
dont la variole et la rougeole. Le Hêviosso est perçu comme le
maître ou l'arbitre des airs et la divinité qui sanctionne les
malintentionnés et les méchants dans la société.
Quant aux Tolègba, toxoxu, ils représentent respectivement la
sécurité, la richesse mais en même temps le fauteur de
trouble c'est-à-dire roi de la division et de la punition à
travers la malformation d'un enfant.
Quant au monde des vivants, il est composé des hommes,
guidés et contrôlés par les forces du monde invisible,
lequel est identifié à un univers où vivent de
façon permanence les forces mystiques. Ces forces mystiques et
invisibles sont incontrôlables par l'homme, d'où son attitude
à observer ses recommandations et les bonnes règles de conduites
qu'elles prescrivent. En retour, il peut réclamer des droits mais aussi
doit s'acquitter de devoirs vis-à-vis des autres espèces, de ses
semblables, des forces du monde invisible et du créateur. En exemple, la
tradition recommande que lorsqu'on coupe un arbre de la forêt, il faut
toujours envisager d'en planter un pour assurer la perpétuation de
l'espèce et assurer ainsi l'équilibre de
l'écosystème.
Somme toute, la conception traditionnelle du monde
reconnaît un créateur assisté de divinités,
d'ancêtres, génies et autres éléments de la nature.
C'est une conception basée sur un monde visible et invisible. Cette
conception est très forte et se trouve dans toute l'explication que les
gens donnent de leurs comportements, attitudes, gestes et manières de
faire dans la société.
Paragraphe 2- La perception
traditionnelle de l'homme
La mythologie de la création dans la
société traditionnelle, reconnait et accorde une place
privilégiée à l'homme. La littérature orale ou le
discours sur ce dernier dans la société, est très riche et
le considère comme le maître du monde visible c'est-à-dire
des vivants. Par son génie d'invention, sa capacité
d'organisation et ses actions, il domine l'univers en harmonie avec celui-ci.
Il s'impose par sa haute valeur et transcenderait l'humain. D'où son
caractère sacré auquel vient se greffer toute son utilité
pour l'organisation de la vie.
1- L'homme : un être
sacré au sens de la tradition
Il y a des sociétés où la
sacralité de l'homme constitue le ressort de l'organisation de la vie
sociale, économique, politique et culturelle. La société
traditionnelle béninoise n'échappe pas à cette vision.
Elle s'inscrit dans cette même veine en sacralisant l'être humain.
L'approche traditionnelle anthropologique béninoise,
révèle une authentique culture de la sacralité de la
personne humaine. Cette sacralité s'exprime et se démontre au
quotidien à travers des rites, des paroles et des actes, qui confirment
les légendes et affirment par conséquent le triomphe de l'homme.
Essayons avant tout développement d'appréhender la place que lui
accorde la tradition à travers une onto-anthropologie. La tradition
place l'homme au centre de l'univers. C'est lui qui assure le lien entre le
Créateur et les humains, entre le monde invisible et celui des vivants.
Il assure également la liaison entre les divinités, les
ancêtres et Dieu. Il s'impose par sa haute valeur et est
considéré comme le bien le plus précieux dans l'univers.
Il est la valeur absolue dans le temps et l'espace. L'homme dans l'univers
traditionnel est un élément essentiel. C'est lui qui donne sens
à la création, à la société et
représente l'humanité achevée sur terre. Cette
représentation qui fait de lui, l'être le plus précieux par
la tradition, a pour conséquence, la prise en compte de sa dimension
sacrée.
En effet, la tradition considère que, l'homme comme est
un être sacré à qui l'on doit un respect absolu à
cause de son caractère divin. Il est selon la tradition le
représentant de Dieu sur terre. Il est donc un
« demi-dieu » sur terre, « dieu rendu
homme » comme le pense aussi le christianisme. La dimension de la
sacralité de l'homme s'exprime par son corps et son âme. Son corps
est le temple de Dieu le Créateur et son âme l'esprit qui sert de
lien entre lui et le créateur. Le caractère sacré de
l'homme renvoie dans la tradition à la sacralité de la vie
humaine. Toujours selon la tradition, la sacralité de la vie est
très importance et mérite respect. Elle doit être
vécue, donnée, exemplaire, longue et éternelle. Pour
magnifier Dieu, la tradition entretient la sacralité de l'homme à
travers des rites, des interdits, des pratiques Vodoun, ceci dans
l'intérêt de la protection de la vie donnée par Dieu. Les
sacrifices aux fétiches, aux divinités intermédiaires sont
l'expression de la reconnaissance du caractère sacré de
l'être humain. C'est aussi un renouvellement de l'alliance avec Dieu par
le rachat des fautes commises par l'homme. Lorsque par exemple, la tradition
combat la sorcellerie, récrimine certains actes notamment l'avortement,
les infanticides et autres homicides volontaires, considérés
comme de la monstruosité et de la méchanceté des hommes,
elle le fait au nom du principe de la sacralité de l'homme. Au-
delà du corps et de l'esprit de l'homme, sa parole est aussi
sacralisée dans la tradition. Tout ce que prononce un être humain
est béni de Dieu et pris au sérieux. C'est le cas par exemple de
la bénédiction donnée par les parents géniteurs
pour un enfant qui sera considérée comme sacrée. Ses
gestes, ses actes et comportements par voie de conséquence, sont aussi
sacrés et bénis de Dieu.
Au regard de ce caractère d'être sacré,
l'homme jouit de droits fondamentaux qui reposent sur la nature humaine. Nous
reviendrons plus tard sur ces droits et leur mode de jouissance. La conception
traditionnelle de l'homme, ne le perçoit pas seulement comme un
être sacré avec des droits reconnus à son
caractérise divin, mais le définit comme un acteur social de
premier ordre. D'où son importance dans l'organisation sociale la
vie.
2- L'homme et la société
À partir du caractère sacré de la vie et
de sa personne humaine, l'homme suivant la tradition est la flamme de
l'humanité. C'est à lui que Dieu confia les destinées de
son monde. Avec son intelligence, sa capacité d'innovation, il est
appelé à dominer le monde c'est-à-dire les autres
espèces. Il est le maître de ses actions lesquelles doivent avant
tout rechercher le bien-être des humains. L'homme selon la vision
traditionnel est le socle, la fondation de toute société. De part
sa nature, il doit dominer la terre reconnue pourvoyeuse de l'avenir, organiser
la société sur les plans social, économique et culturel.
C'est lui qui créa la société qui n'est pas une oeuvre de
la nature ou de Dieu mais une oeuvre humaine. Il définit les
règles de vie sociales d'où la société politique
créée. La société doit sa naissance à
l'homme qui en est l'artisan premier. Sans l'homme, il n'y aurait pas de
société, c'est-à-dire d'organisations sociales politiques,
sociales et économiques. D'où le mérite reconnu à
cette espèce par la tradition.
La tradition reconnaît aussi que, grâce à
l'homme, l'organisation communautaire a vu le jour avec ses différentes
composantes à savoir la famille restreinte, la grande famille, la
collectivité et par la suite la communauté. Cette dernière
a été réalisée par l'homme pour atteindre sa fin,
celle de vivre en groupe. La vie en groupe ou en société permet
à l'homme d'asseoir sa domination sur les autres espèces et
d'organiser la vraie vie selon la tradition. Vivre en société
génère pour l'homme de nombreux profits notamment le soutien par
ses semblables pour dominer le monde. C'est aussi l'occasion de
développer des relations fondées sur la solidarité, le
partage et l'entraide. L'homme est dans ce cas précis d'une
utilité essentielle pour l'homme. D'ailleurs, un adage de la tradition,
montrera l'importance sociale de l'homme pour l'homme en évoquant qu'il
vaut mieux se blottir derrière l'homme où l'on est mieux
protégé que derrière un arbre qui vous livre aux autres.
L'homme est un rempart, une muraille pour l'homme selon la conception
traditionnelle. C'est pour cela que sa place dans la société est
jugée nécessaire et le contraire nous replongerait dans
l'état de nature marqué par la violence et l'animosité.
L'homme créa la société pour
lui-même mais pour surtout humaniser les rapports entre les individus. La
société traditionnelle dès lors reconnaît son
mérite tout en soulignant la primauté du groupe sur l'individu.
Cette vision nous fait entrer au coeur de la perception de la
société par la tradition. Il n'est point doute de signaler, que
dans la société traditionnelle, l'on est préoccupé
comme l'écrit Dany Rondeau12(*) par l'harmonie et le bien de la collectivité.
Dans la vision traditionnelle, l'individu n'existe pas. Il se fond dans le
collectif. C'est le collectif qui détermine l'individu avec une
prééminence accordée à ses devoirs. La
communauté prime selon la tradition sur l'individu dont
l'identité se définit en fonction du rôle qu'il joue au
sein de cette dernière ou de son statut. Cette perception de la
primauté de la communauté sur l'individu, nous conduit à
poser la question suivante: Quels sont les droits de l'individu dans la
société traditionnelle ? Mais où et comment trouver
la réponse à cette interrogation majeure ? L'homme
étant le maître de l'univers dans cette tradition, ne dispose-t-il
pas de droits liés à cette nature ? La réponse de ces
interrogations peut être appréhendée à travers la
section suivante consacrée essentiellement aux droits et aux devoirs de
l'individu dans la société traditionnelle.
Section 2 - La doctrine
traditionnelle des droits de l'homme et les mécanismes de protection
Principalement transmise de génération en
génération par voix orale, la tradition béninoise comme la
plupart des traditions africaines, n'a pas produit une théorie
codifiée et officialisée des droits à l'image de l'exemple
occidental. Cependant, il serait faux voire illusoire de prétendre que
la notion des droits de l'homme était absente dans la conception
traditionnelle ou que la société traditionnelle
méconnaît les droits liés à l'individu. Au
contraire, l'univers traditionnel a une vision très structurée et
très avancée des droits liés à la personne humaine.
C'est justement de ces droits qu'il est question dans la présente
section avec dans un premier paragraphe une analyse des fondements et
valeurs de cette vision traditionnelle et les droits que la
société reconnaît à l'individu en
communauté. Le deuxième paragraphe dans son ensemble, traitera de
la question des devoirs de l'individu, de la communauté et des
mécanismes de garantie des droits de la personne humaine.
Paragraphe 1- La conception
traditionnelle de l'individu et de ses droits
Ce paragraphe dont le but est d'aider à la
compréhension de la vision traditionnelle des droits de l'individu,
s'appuiera sur les fondements et les valeurs de cette société
pour ensuite déboucher sur les droits réels de l'individu.
1- Les fondements et valeurs de la
société traditionnelle
Une analyse de la société traditionnelle
béninoise, montre qu'il existait une vision des droits de la personne
humaine. C'est une société respectueuse des droits individuels
notamment des droits naturels. L'individu par sa nature a des droits à
respecter en tout lieu et en tout temps. Ceci témoigne que, la
société traditionnelle n'a pas attendu une certaine charte ou une
quelconque déclaration internationale avant de reconnaître
à l'individu des droits. Ces droits sont inhérents à la
personne humaine et sont respectés et protégés par des
mécanismes traditionnels.
S'il existe une culture des droits de l'individu dans la
société traditionnelle, il n'en demeure pas moins que, ces droits
sont des droits de l'individu en communauté. D'où le lien
très étroit entre individu et communauté dans cette
société. Dans la société traditionnelle, la
communauté c'est-à-dire le groupe existe avant l'individu. La
communauté ou le groupe prime sur l'individu. L'identité d'un
individu dans cette société dépend du rôle qu'il y
joue et de son statut. De toute évidence, la jouissance des droits
dépendra également de ces deux éléments. Au regard
de ce constat, il est à souligner que, dans la société
traditionnelle l'individu n'est pas indépendant, il n'appartient pas
à lui-même ou encore moins n'est pas son propre souverain.
L'individu dans la société traditionnelle est inconcevable comme
être singulier. Il existe par le groupe et s'accomplit à
l'intérieur de ce dernier, considéré à la fois
comme sa condition matérielle d'existence, le cadre naturel par
excellence de son épanouissement et la finalité de son
accomplissement sur terre. Ses rapports avec le groupe ou la communauté
sont justes guidés par l'harmonie et l'accord. Comme le précise
Claudio Zanghi dans son analyse sur l'individu dans les sociétés
africaines, « Exister en Afrique, c'est renoncer à
l'être individuel, particulier, égoïste, agressif,
conquérant, etc. pour vivre ensemble avec les autres dans la paix et
l'harmonie avec les morts, avec le milieu naturel et les esprits qui
l'animent13(*) ». Nous partageons cet avis
car, effectivement dans la société béninoise, l'individu
appartient à un tout qui est la communauté. Il fait partie de cet
ensemble qui existe avant sa personne et ses actes, comportements doivent
être orientés tout naturellement vers le projet de ce dernier. Il
est absorbé par le groupe auquel il se fond et qui lui doit sa survie et
la garantie de ses droits. L'individu pour reprendre Mohammed Hedi Sehili,
selon la conception traditionnelle, « est enserré dans
un réseau de liens avec ses parents, sa grande famille ou
élargie, son groupe ethnique mais aussi avec les vivants, les morts, la
matière et l'esprit 14(*)». Finalement, l'analyse de la
conception traditionnelle, révèle que c'est dans une vision
particulière où l'individu n'existe pas et où la
communauté existe avant ce dernier que la tradition pense les droits de
l'individu.
Mais d'aborder les droits de l'individu en
société, il urge de passer en revue les valeurs qui constituent
la vision traditionnelle de ces droits dans la société
traditionnelle. On ne saurait comprendre l'approche traditionnelle des droits
de l'individu sans chercher à savoir qu'elles sont les valeurs de cette
société. D'où l'étude des valeurs
traditionnelles ?
Justement au sujet des valeurs, nous retrouvons une mine
gigantesque de normes, de manières d'agir et d'être, des
comportements mais aussi des attitudes concernant la vie de l'individu en
communauté. Les valeurs de la société traditionnelle comme
l'affirme Théodore NDIAYE sont
« universelles et estimables dans leur essence, dans ce
qu'elles ont de plus-être, de devoir-être ou de vouloir être
pour tout homme15(*)» Les valeurs sont constitutives de
la société traditionnelle et sont faites pour l'individu et les
autres. Selon Mungala, « les valeurs revêtent un
caractère dynamique et permettent à l'individu de vivre en
harmonie aussi bien avec lui-même qu'avec les autres 16(*)». Leur
importance dans la jouissance des droits de l'individu en société
est très grande. Les valeurs aident à mieux comprendre la vision
traditionnelle des droits de l'individu. Ainsi par les valeurs traditionnelles
qui constituent les fondements de cette société, nous retrouvons
en premier l'homme, la famille, l'esprit d'appartenance au groupe,
l'hospitalité, la fraternité, l'honnêteté, la
parole, l'enfant, le mariage. Nous remarquons également que la
solidarité est une valeur précieuse et fondamentale dans la
société traditionnelle béninoise. La solidarité
s'exprime traditionnellement à travers le soutien des autres membres de
la communauté et plus particulièrement, la prise en charge des
personnes invalides, handicapées, des vieillards et de tous ceux qui se
trouvent en difficulté à un moment donné. Qu'en est-il
concrètement de ces valeurs dans la société traditionnelle
béninoise ?
La société traditionnelle béninoise
considère la famille comme l'unité fondamentale de base de la vie
en groupe. C'est l'un des principes précieux auquel le peuple
béninois accorde une priorité. En effet, un individu selon la
tradition est défini sur la base du groupe auquel il appartient dont
principalement sa famille. La notion de famille dans la société
traditionnelle béninoise est très élargie. Autrement, la
famille selon la vision traditionnelle, ne se compose pas seulement d'un
père, d'une mère et de leurs enfants mais englobe un groupe
entier de personnes. Elle s'étend à des collatéraux
à savoir : « le Hennu17(*) »
composé des frères et soeurs, neveux et nièces et des
amis de son clan ou tribu. La famille joue un rôle important dans la
cohésion et l'union des membres qui la composent. La famille est un lieu
où chacun a sa place, où les personnes âgées sont
vénérées, respectées et où les enfants sont
traités avec amour, gentillesse et attention. La notion de famille va
au-delà de ce que nous avons vu jusque- là c'est-à-dire de
ses membres vivants. Elle comprend aussi les ancêtres et les
défunts dont le rôle est aussi important et nécessaire
à la cohésion sociale. Les membres d'une famille ne diminuent
jamais selon la tradition. Les enfants contribuent à sa croissance et
les morts en sont ses membres permanents.
Quant à l'individu, il constitue le fondement
même de l'existence. À travers son importance dans la
société, l'individu est très précieux et n'a pas
d'égal au monde. Il est le début et la fin de la
communauté.
En ce qui concerne, l'esprit d'appartenance au groupe,
signalons que dans la société traditionnelle, ceci est un
pré requis nécessaire à la détermination de sa
personne. L'esprit d'appartenance concrètement ne se réduit pas
la famille nucléaire. Il va au- delà du groupe descendant du
même arbre généalogique et s'étend au village, au
clan, à la tribu ou à la ville. Ici, l'individu ne sent pas seul
et est entouré des membres de la communauté. Il est complet
dès lors qu'il fait partie de cette communauté.
Les enfants dans la société traditionnelle
représentent une valeur importante à cause de leur statut
d'être humain. Ils constituent la richesse première, le gain de la
vie, raison pour laquelle, ils seront aimés et protégés
contre le malheur. D'ailleurs, dans la société traditionnelle, un
mariage sans enfant est considéré comme inutile et incomplet, car
l'enfant symbolise au regard de la tradition le pouvoir, la perpétuation
de l'existence humaine et du clan. L'enfant selon la tradition est le sel de la
vie, la joie et l'espoir de toute la communauté.
Finissons cette partie consacrée aux valeurs par la
solidarité. Elle constitue la base de toute l'organisation
communautaire. La solidarité dans la société
traditionnelle, était et demeure malgré la rencontre des autres
cultures, le moyen par excellence de secours aux autres et de témoignage
d'amour dans le respect de la dignité de la personne humaine. Elle
constitue une forme de sécurité sociale. Elle se manifeste par
exemple à travers un soutien aux personnes âgées, les
malades, les invalides, les handicapés et les enfants. La
solidarité est une norme coutumière éditée qui
s'impose à toute la collectivité pour marquer son attachement aux
valeurs du groupe. L'exemple des vieillards, des malades et des enfants en est
une illustration parfaite. Les malades ne sont pas délaissées
dans la société traditionnelle, les vieillards encore moins
relégués dans des maisons d'accueil. La communauté leur
témoigne son soutien à travers la solidarité et les
accompagne dans leurs difficultés jusqu'à la mort. Quant aux
enfants, ils sont bien aimés, élevés et soignés
avec attention. Finalement, c'est dans cette vision holiste de la
société avec des valeurs humaines, que la société
traditionnelle béninoise, a construit son approche des droits de
l'individu. Quels sont dans la réalité ces droits reconnus
à l'être humain ?
2- Les droits de
l'individu en communauté
En paraphrasant Légier et au regard de ce qui a
été vu plus haut, la tradition béninoise est
ordonnée par trois principales finalités à savoir :
la préservation des forces vitales du groupe et dans le groupe les
forces vitales de chaque individu, la survie du groupe, des individus qui la
composent et l'équilibre imaginé entre communauté et
individualité. C'est une tradition respectueuse comme nous l'avions dit
des droits naturels de l'individu. Ces droits sont intrinsèques à
la personne humaine, issus de la nature humaine et inhérents à
chaque individu quelque soit son statut social, économique, son sexe ou
son âge. La société traditionnelle avait déjà
compris que, l'individu a des droits dont on ne saurait négocier la
jouissance quelque soit le milieu et le temps. L'individu dans la tradition
jouit d'une gamme assez large de droits à lui reconnus par la
communauté dans le cadre de son organisation politique, administrative,
économique et même sociale.
Parmi les lignes forces de la tradition béninoise, on
retrouve des droits naturels de la personne humaine dont essentiellement les
droits à la vie et à la dignité humaine, les droits
à l'alimentation, aux soins, à la culture et les libertés
d'expression ou de religion. Cette énumération des droits de
l'individu dans la société traditionnelle béninoise est
très proche de celle retenue évoquée par Fatash Ouguergouz
cité par M. Mutuala. Selon F. Ouguergouz, parmi les droits reconnus et
protégés par la tradition africaine, on a :
« le droit à la vie, la liberté
d'association notamment par la corporation des métiers, le droit
à l'éducation, la liberté d'aller et de venir, le droit
d'asile, le droit de propriété et le droit des personnes
âgées, des femmes et des enfants à une protection
spéciale18(*)».
Au sujet du droit à la vie, la tradition
béninoise en a fait le premier des droits de l'individu en
communauté. Ce droit est un droit naturel reconnu et
protégé au nom de la sacralité de la vie reçue par
l'homme de Dieu. Il était ainsi pensé traditionnellement que,
tout individu à droit à la vie et à
l'intégrité physique. La tradition pense et soutient que
l'individu a droit au respect de sa personne quelque soit son statut social. De
ce droit découlent selon la vision traditionnelle, le droit à une
famille et le droit au mariage. Le droit au mariage dans la
société traditionnelle, est un droit naturel dont la
finalité reste la perpétuation de l'espèce. L'homme et la
femme s'unissent librement en vue de la procréation et de
l'éducation des enfants fruits du mariage. Le mariage est un contrat
certes qui met en jeu deux individus libres mais aussi deux voire des familles.
Les personnes liées par un mariage sont traditionnellement tenues de
rester ensemble pour élever les enfants. Elles s'engagent à
observer les règles du mariage notamment le respect des uns et des
autres et des familles. Le rôle premier de l'homme et de la femme
mariés est le droit d'assurer l'entretien et l'éducation de leur
progéniture. Ils sont aidés par le groupe social qui leur
apporte son soutien indéfectible. Cette vision exclut le divorce. Le
droit au divorce n'est pas du goût de la tradition qui privilégie
la médiation sauf en cas de stérilité ou de raisons
suffisamment valables. Le droit de fonder une famille est aussi très
présent dans la vision traditionnelle au regard de l'importance que
revêt la famille pour la communauté.
La pensée traditionnelle reconnaît
également l'égalité entre les individus. Du fait que tous
les individus sont créés à l'image de Dieu et dotés
des mêmes capacités, ils sont tous égaux au nom de la loi
naturelle. À ce point, il est à signaler que la pensée
traditionnelle, considère vraiment les individus comme égaux. Il
n'y a point de différences fondamentales entre l'homme et la femme,
l'esclave, l'homme libre et le maître ou encore moins entre l'enfant et
la personne âgée. Tous au nom de la dignité humaine sont
égaux et ont les mêmes droits en communauté. Il
n'était pas permis de violer impunément ce droit relatif
à la dignité humaine. Toutefois, le droit à
l'égalité même s'il demeure au regard de la tradition un
droit qui mérite respect, n'est pas toujours dans la
réalité un droit naturel garanti à tous les individus en
société. L'égalité n'est que dans la
société traditionnelle une égalité de principe
humain mais pas vraiment en acte. Elle est très limitée par une
approche de jouissance retardée ou non entière des droits de la
personne reconnus à l'individu en communauté. Quant au droit
à la propriété, il occupe une place importante dans la
pensée traditionnelle en ce sens qu'il permet aux individus d'assurer
leur survie. C'est un droit fondé sur la dignité de la personne
humaine. Les individus ont reçu selon la tradition du créateur,
de la nature et des ancêtres, un droit naturel et perpétuel de
posséder des biens. Ce droit en revanche ne sera garanti que suivant
l'esprit collectif excluant du coup l'idée d'une propriété
privée. Ce sera le cas surtout de la terre considérée
comme une propriété collective car c'est elle qui assure la
survie et l'avenir de la communauté. Ce droit malgré cette
importante limite est considéré comme essentiel pour l'homme
à travers l'appropriation collective de la terre et d'autres biens en
communauté.
Nous relevons également dans la vision traditionnelle
d'autres droits aussi importants et fondamentaux de l'individu tels le droit
à l'alimentation, le droit à un habitat et le droit à la
sécurité de sa personne. Le droit à la
sécurité de la personne humaine est un droit inaliénable
de l'individu qui doit être protégé par la
communauté. Sa protection doit être totalement garantie et sur
tous les plans de la vie. C'est ainsi que, la tradition estime que l'être
humain a le droit d'être protégé contre les aléas de
la vie notamment, en cas de maladie, de catastrophes, de difficultés, de
veuvage ou d'invalidité en respect de sa dignité humaine. Aussi,
la tradition estime-t-elle qu'en respect de sa dignité, l'individu a
droit à une instruction ou une socialisation. D'où le droit
à l'éducation considéré comme essentiel pour
l'individu en communauté. La manifestation traditionnelle de ce droit
précieux se trouve dans l'initiation qui permet à l'enfant
d'acquérir les connaissances nécessaires capables de le
préparer à la vie adulte et de l'aider à jouer son
rôle dans la société. L'individu jouit dans la
pensée traditionnelle d'un droit naturel au travail. Ce droit est
très essentiel car il lui permet de subvenir non seulement à ses
besoins mais aussi à ceux de ses parents géniteurs et par
extension aux besoins de la communauté. Le droit au travail assure
l'autonomie de l'individu avec comme nuance que la communauté doit
assurer les moyens nécessaires aux hommes et femmes d'en jouir dans le
respect de leur dignité humaine.
Outre ces droits fondamentaux, nous remarquons aussi que la
vision traditionnelle reconnaît à l'individu, le droit d'honorer
la divinité de son choix dans la communauté. Ainsi, note-t-on que
la société traditionnelle accepte d'une manière
très prononcée et affirmée la liberté de religion.
L'individu dans l'univers traditionnel, a le droit de pratiquer la religion de
son choix et la communauté a le devoir de le guider et de le soutenir
dans sa démarche de jouissance de ce droit primordial. C'est ainsi qu'il
est observé dans la société traditionnelle que, les
individus y compris les enfants, peuvent adorer différentes
divinités en toute liberté mais dans un esprit d'harmonie et de
cohésion sociale au sein du groupe. Il n'est pas hors de propos de
rappeler que dans la société traditionnelle, il est reconnu et
admis les libertés de mouvement, de circulation et de séjour dans
la communauté à tout individu sans limitation. Les enfants
jouissent totalement de cette liberté fondamentale dans la
société traditionnelle. La liberté de circulation et de
séjour est à l'origine de la circulation des enfants ou du
Vì?ómåg?'n. Du fait que l'individu est ordonné
à la vie en communauté, découlent les libertés
d'association et de réunion dans la tradition. La reconnaissance de ces
deux libertés explique la constitution des associations des hommes et
des femmes notamment ceux ayant été initiés au même
moment. La liberté d'association permet aux initiés de continuer
leur socialisation, d'échanger des connaissances nouvelles ou encore de
donner leur point de vue sur un problème précis dans la
communauté. La liberté d'association est reconnue par la
tradition et favorise surtout la création des groupements de jeunes, de
femmes notamment des groupements à caractère festif et culturel
comme les groupes folkloriques. Dans l'univers traditionnel, les
libertés de pensée et de conscience sont très
affirmées. Ces deux libertés sont du domaine de l'individu qui en
fonction de son rôle et statut, apporte des éléments de
réflexion à l'organisation sociale et à sa survie. La
tradition reconnaît aux vieillards, aux femmes et aux enfants le droit
à une protection spéciale en raison de leur fragilité ou
vulnérabilité. Quant au droit à la santé, il se
trouve dans la vision traditionnelle béninoise avec un droit
d'accès aux services de féticheurs appelés
« Vodounon19(*) ».
En gros, la société traditionnelle au regard de
tout ce qui précède reconnaît aux hommes en
communauté des droits et des libertés. Ces droits et
libertés découlent du fait d'être humain des individus et
du fait d'être c'est-à-dire de leur appartenance à la
communauté. Les droits de la personne humaine sont garantis et
protégés par la communauté à tout être
quelque soit sa condition sociale ou son statut. Mais les droits de l'individu
en société selon la tradition sont soumis à des devoirs,
qui sont à l'instar des droits, ceux de l'individu en
société. Cette perception des droits de l'homme est le produit
culturel d'une dynamique entre l'individu et la communauté. Elle
reflète une dialectique entre droits et devoirs de l'individu en
communauté dans un premier temps et dans un second temps, les devoirs
de la communauté à l'égard de l'individu. Les droits et
devoirs de l'individu et de la communauté sont conçus de
façon harmonieuse de telle sorte que les intérêts de
l'individu et de la communauté soient assurés et
protégés. Cette vision traditionnelle des droits de l'individu en
communauté, constitue selon Tunguru Huaraka « la
fibre morale de la société traditionnelle africaine20(*) ».
Selon cet auteur, la participation de l'individu à la vie de la
communauté, est un droit et un devoir qui génère pour sa
personne des droits. Autrement, dans l'univers traditionnel,
« la valeur de l'individu repose sur sa participation
à la vie collective et son engagement envers les fins de la
communauté21(*) ». Il est clairement
établi que dans l'univers traditionnel, c'est en s'acquittant de ses
devoirs que l'individu, peut jouir de ses droits en communauté. Les
devoirs expriment et symbolisent en quelque sorte dans l'univers traditionnel
béninois et africain, la garantie de ses droits et de la dignité
humaine. L'individu qui ne s'acquitte pas de ses devoirs vis-à-vis de sa
communauté perd en toute logique sa dignité humaine et par
ricochet des droits liés à sa personne. Pour jouir de ses droits
en communauté, l'individu possède un certain nombre de devoirs
envers ses parents, proches, enfants..., c'est-à-dire envers sa
communauté qui le rend existant. L'individu selon la vision tradition
traditionnelle possède dès lors qu'il s'acquitte de ses devoirs
des droits largement acceptés. Toutefois, ces droits dont il jouit et
qui lui sont garantis par la communauté, ne le placent aucunement au-
dessus de la masse de façon absolue. La vision traditionnelle des droits
de l'homme, met en place un système dont les droits découlent
essentiellement des devoirs de l'individu. D'où la
préséance des devoirs de l'individu en
communauté ?
Paragraphe 2- Les Devoirs
de l'individu, de la communauté et garantie des droits de l'homme
La prééminence des devoirs de l'individu dans la
vision traditionnelle des droits de l'homme, témoigne de la
non-autonomie des droits de la personne humaine qui sont corolaires des
devoirs. Les fondements de la société traditionnelle en accordant
une place importante aux devoirs de l'individu, enseignent que les droits
individuels découlent des devoirs de l'être en communauté.
Les devoirs confèrent dans l'univers traditionnel les droits et le
respect de la dignité humaine. Mais que peut-on entendre par devoir dans
cet univers ? Quels sont les vrais devoirs de l'individu en
société ? Telles sont les interrogations que nous essayerons
d'éclairer dans ce deuxième paragraphe.
1- Les devoirs dans l'univers
traditionnel
Rappelons que dans la société traditionnelle, la
notion de devoir est intimement associée à l'ordre et à
l'harmonie du monde notamment du monde visible et celui dit des forces
invisibles. Les devoirs déterminent une organisation sociale
traditionnelle dans laquelle les individus en raison de leur statut n'ont pas
les mêmes devoirs et par ricochet les mêmes droits. Mais avant de
préciser les devoirs de l'individu dans l'univers traditionnel, il
importe de définir le concept afin de mieux appréhender son sens
dans cet univers.
Le terme devoir dans un sens général renvoie
à « tout acte ou conduite considérés
comme s'imposant moralement ou légalement à l'individu
indépendamment des ses inclinations ou antipathies
personnelles22(*) ». Un devoir
au sens traditionnel pour notre part est une contrainte, une
obligation d'ordre moral et social qui s'impose aux hommes et femmes qui
constituent la communauté ou société. Le devoir sert de
guide à l'individu dans la communauté et détermine son
comportement dans l'espace public vis-à-vis d'autrui ou envers la
communauté. Dans l'univers traditionnel, les droits de la personne
humaine sont tirés de ses devoirs. Ils occupent dans la pensée
traditionnelle béninoise une place primordiale et déterminent les
droits de l'individu que nous avions vus plus haut. Les devoirs situent dans
cet univers la personne par rapport aux autres membres de la communauté
et orientent sans doute ses comportements et actes. Cela tient essentiellement
du fait que, dans la tradition l'individu appartient à une
communauté et de ce fait est tenu d'observer un certain nombre
d'obligations précises, strictes vis-à-vis de ses semblables et
de l'organisation communautaire. Ainsi, dans l'univers traditionnel, du simple
fait d'être, l'individu a certes des droits mais aussi des devoirs
inconditionnels et inaliénables qui fondent la vision traditionnelle des
droits de l'homme. Quatre grands principes guident l'individu dans ses rapports
avec les semblables. Il s'agit notamment du respect de la dignité
humaine, la responsabilité, la solidarité et la
réciprocité. Tous les devoirs de l'individu et de la
communauté sont conçus autour de ces grands principes dans la
société traditionnelle. On retrouvera ces principaux
éléments dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples qui consacre un chapitre entier aux devoirs de l'individu à
travers ses articles 27, 28 et 29. Ces trois articles, qui traitent
essentiellement des devoirs de l'individu, précisent les obligations de
tout individu vis-à-vis de sa communauté, de l'État mais
aussi de la communauté internationale. La vision traditionnelle
béninoise est aussi construite sur cette base avec des devoirs envers
les membres de sa communauté notamment des enfants, femmes, vieillards,
esclaves... etc., l'organisation politique traditionnelle qui
représente le pouvoir ou l'État et les autres humains
considérés de nos jours considérés comme la
communauté internationale. L'individu envers l'un ou l'autre de ces
éléments est tenu dans la tradition de s'acquitter de ses devoirs
afin de pouvoir jouir pleinement et humainement des droits liés à
sa personne.
Parmi les devoirs de l'individu notés aussi bien dans
la tradition que dans l'instrument africain des droits de l'homme, nous
retrouvons le devoir envers la famille, le devoir de préservation ou de
protection de la vie. À ces sujets, il faut dire que la coutume
béninoise recommandait à tout individu vivant en
communauté de préserver la vie humaine en s'abstenant de tuer ou
d'attenter à la vie d'un de ses semblables. C'est un devoir pour
l'individu d'oeuvrer à la préservation et à la protection
de la vie humaine qui est sacrée comme nous l'avions vu plus haut. De ce
devoir de préservation de la humaine découle le droit à la
vie que nous avions mentionné plus haut. La tradition recommande
à l'individu également d'oeuvrer à la préservation
de la famille en respectant en tout temps et en tout lieu ses parents et ses
proches. Le respect envers ses parents, les vieillards et les membres de la
même appartenance communautaire est un devoir primordial de tout
individu. Il est censé les nourrir, les loger et de les assister en cas
de nécessité ou de difficultés affichées. Le devoir
d'assistance aux parents, aux vieillards et aux enfants est l'un des devoirs de
l'individu en communauté. L'individu a également le devoir de
travailler pour assurer la cohésion familiale et communautaire en
essayant de nouer des relations amicales et apaisées qui promeuvent la
paix, renforcent et sauvegardent l'esprit de tolérance. Il a un devoir
de travailler pour dans un premier temps gagner sa vie et dans un second temps
d'aider sa communauté et contribuer à sa survie. Nous remarquons
que la tradition dans le domaine du travail exprime son attachement à
ses bienfaits et en fait un devoir de l'individu qui permet à l'individu
de ne pas rester oisif ou devenir paresseux. Le devoir du travail au sens de
la tradition, assure l'indépendance alimentaire, les besoins primaires
et vitaux de l'individu au sein de la communauté. Le devoir du travail
appelle le devoir d'alimentation vis-à-vis de sa famille, ses parents et
ses enfants. Il importe de rappeler aussi que l'individu dans la conception
traditionnelle des droits de l'homme, a un devoir de respect et de
considération d'autrui sans discrimination et haine. Le devoir d'aimer
son semblable voire de l'étranger comme soi-même témoigne
dans l'univers traditionnel le devoir de reconnaissance de la dignité
humaine. Le devoir de solidarité fait partie des plus importants devoirs
de l'individu dans l'univers traditionnel. Le devoir de solidarité de
l'individu en communauté envers autrui, sa communauté et d'autres
communautés, est un aspect très présent et
prépondérant de la pensée traditionnelle béninoise
qui en a fait une de ses aspirations profondes et légitimes. La
solidarité constitue à ce titre le fondement même de
l'organisation sociale traditionnelle. C'est elle qui détermine toute
action de l'individu. La solidarité dans l'univers traditionnel est
mécanique comme le précise Emile Durkheim et se manifeste par le
soutien de tout individu à un membre de sa communauté ou de la
société en difficultés. Ce devoir est très
encadré dans la société traditionnelle et sera à
l'origine de l'une des pratiques de protection de l'enfant connue au
Bénin. Il s'agit de la pratique Vì?ómåg?'n. Le
Vì?ómåg?'n : un devoir à la fois de
solidarité et de protection de l'enfant dans l'univers traditionnel,
renvoie à un autre devoir de l'individu en communauté à
savoir sa participation à l'éducation de l'enfant. En termes
clairs, la tradition recommande vivement de participer à
l'éducation et à la socialisation de l'enfant. L'individu a un
devoir de participation très fort dans l'éducation et la
socialisation de l'enfant qui représente l'espoir de la
communauté. Il doit le protéger contre les actes de violences, la
maltraitance, l'exploitation et la violation de ses droits fondamentaux. Dans
le domaine de la participation, la tradition reconnaît le devoir de
participation à la vie politique, économique et sociale de la
communauté à tout individu quelque soit son rang ou statut social
ou encore son rôle. Le devoir de participation à la vie
communautaire demande à l'individu de s'engager au profit des objectifs
collectifs de sa communauté. On retiendra entre autres devoirs de
l'individu dans la société traditionnelle, le devoir de
protection de l'individu de la nature c'est-à-dire de la faune et de
flore, le respect des règles communautaires, le devoir de sauvegarde de
la culture et du patrimoine culturel, le devoir d'obéissance aux
personnes âgées et aux ancêtres sans oublier les
divinités. Ce n'est qu'en s'acquittant de ses différents devoirs
que l'individu est en mesure de jouir des droits dans la communauté. Ces
devoirs de l'individu sont accompagnés des devoirs de la
communauté. Ce qui relance la question des devoirs dans cet univers
traditionnel et de son rôle dans la protection des droits de la personne
humaine.
La communauté à l'instar de l'individu, a aussi
des devoirs qu'elle observe quotidiennement vis-à-vis des individus qui
la constituent. La communauté est tenue de s'acquitter des obligations
vis- vis de l'individu. Partant, elle assume des responsabilités
vis-à- vis de ses membres. Les devoirs de la communauté dans
l'univers traditionnel concourent à la préservation et à
la sauvegarde de la paix, de la transmission des valeurs fondamentales de la
société, bref à l'épanouissement de la personne
humaine. La communauté est l'autorité de référence,
le garant de l'ordre social, la gardienne des valeurs traditionnelles et de la
culture. Parmi les principaux devoirs de la communauté dans l'univers
traditionnel, nous avons le devoir d'enseignement des valeurs telles le
courage, l'honnêteté, le goût du travail, le respect des
adultes et de l'obéissance aux personnes âgées. Elle a un
devoir d'éducation et de socialisation des plus jeunes à travers
l'initiation à la vie et aux règles de vie en communauté.
Dans le domaine de l'éducation de l'enfant, le devoir de la
communauté est très important tant pour sa socialisation que pour
sa protection. Et pour cause, l'enfant au regard de la communauté
traditionnelle, représente l'espoir et la richesse fondamentale.
Au sujet de la représentation sociale de l'enfant, il
représente l'ancêtre et symbolise la perpétuation de
l'espèce humaine. L'enfant est un potentiel vital et l'espoir de la
communauté. Héritier des forces vitales du groupe, l'enfant,
espoir de la vieillesse sera rendu roi par la communauté qui assure sa
protection d'une manière très forte et réglementée.
Nous reviendrons plus tard et de façon plus approfondie sur l'enfant
dans la pensée traditionnelle au Bénin. Parmi les autres devoirs
de la communauté, nous retrouvons dans la tradition au sud Bénin
et plus particulièrement chez les fon du plateau d'Abomey, la protection
des individus et du groupe social, la garantie des droits fondamentaux
évoqués plus haut et le devoir du respect de la dignité
humaine. Le devoir de transmission des valeurs ancestrales auquel viennent se
greffer le devoir de solidarité, d'amour et d'entraide, constitue un
élément essentiel de la communauté. Comme pour
paraphraser Mutuala, la communauté par
exemple, a un devoir d'assurer à l'individu une portion de terre pour
lui permettre d'exercer son droit au travail et de propriété. La
communauté a ainsi donc un devoir de garantie du droit d'exploitation de
la terre et par conséquent du droit au travail à l'individu. Elle
a le devoir de l'assister dans des moments de catastrophes ou de malheur et
surtout de lui rendre justice en cas de conflit dans le respect de
procédures propres à son organisation politique et sociale. Elle
a un devoir de protection de l'individu notamment de l'enfant à qui elle
assure l'éducation nécessaire pour la vie. Partant, la
communauté est l'instance traditionnelle reconnue pour épauler
les parents dans leur rôle d'éducation. Elle s'implique
énormément dans la transmission aux enfants des fondamentaux de
base en matière de socialisation ou d'éducation. Son devoir
d'éducation et de socialisation est d'une nécessité vitale
pour le groupe social.
Au plan social, la communauté a un devoir de
pérennisation de la coutume, assimilée dans le contexte
traditionnel à la règle de droit assortie de sanctions
prononcées et exécutées par une instance juridictionnelle.
Elle a également le devoir de protection des hommes et femmes et de
maintien des liens de solidarité dans la chaîne communautaire.
Elle actualise à cet effet les connaissances utiles aux hommes et aux
femmes afin de consolider l'amitié, la paix et la cohésion
sociale nécessaires à la survie du groupe. Toujours au plan
social, il importe de rappeler que la communauté dans l'univers
traditionnel béninois, a une obligation d'assurer à ses membres
la santé morale, physique et mentale.
2- La garantie des droits
et devoirs de l'homme dans l'univers traditionnel
La société traditionnelle béninoise
antérieure à toute influence coloniale et du christianisme,
présente pour l'essentiel une très grande analogie avec les
autres traditionnelles d'Afrique notamment dans le domaine de la protection des
droits fondamentaux de l'être humain. Dans la société
traditionnelle béninoise notamment chez les Fon, la protection des
droits de l'individu est du ressort de la communauté à travers la
personne de son autorité centrale qui est le hennugan23(*). La société
traditionnelle a mis en place un mécanisme permanent de garantie et de
protection des droits de l'individu en communauté. Autrement, elle a mis
en place un appareil permanent de veille, de contrôle et de
décision qui assure les droits humains et le respect de la
dignité humaine. La protection des droits de l'individu dans la vision
traditionnelle est assurée comme nous mentionné plus haut par
pouvoir politique très centralisé et dirigé par le
Hennugan. Ce dernier représente un patriarche, un chef de lignée.
Il est perçu comme le symbole de l'unité des fils et filles de
la communauté. Il est mandaté et reconnu de tous les descendants
de la tribu, de l'ethnie et du clan, pour agir au nom des ancêtres et des
forces invisibles et assurer la protection des droits de l'individu. Il incarne
l'autorité centrale qui exerce son pouvoir de contrôle sur les
membres de la communauté et surtout de sa protection. Pour parvenir
à cette mission qui est l'une des plus délicates,
l'autorité centrale se fait appuyer des sages et notables qui
l'accompagnent dans ses décisions et dans le respect des règles
de la coutume. L'ensemble composé des notables, des sages et du
Hennugan, constitue dans la société traditionnelle
béninoise, le système de juridiction traditionnel qui veille sur
le respect des droits et des devoirs de l'individu. Ce système garantit
à l'individu les principaux droits fondamentaux dont les droits à
la vie ; à une alimentation ; le droit une famille ; le
droit à la propriété à travers le droit à
l'exploitation de la terre et de la jouissance des produits qui y sortent. Le
système traditionnel à travers l'institution d'un pouvoir
politico-administratif et juridique assure sans discrimination aux forces
vitales de la communauté les droits naturels reconnus à
l'individu. De l'esclave à l'individu, les droits de la personne sont
protégés par la communauté à travers son organe
politique et juridique. La garantie de ces droits de l'individu par la
communauté se réalise dans un esprit collégial et de
responsabilité commune. Ce système veille également sur
les devoirs de l'individu vis-à-vis de sa communauté. Ce
système de protection est très complexe et se décline
suivant les différentes composantes de la communauté. Ainsi, le
Hennugan est l'organe ou l'autorité centrale, gardienne des valeurs et
du culte qui décide de la l'organisation sociale et de la
réalisation de la destiné commune ainsi que des droits de la
personne humaine.
À un deuxième niveau plus réduit, la
protection des droits de la personne est assurée par un chef de famille
communément appelé chez les Fon Dah24(*). Ce dernier a les mêmes
attributs que le chef de la communauté sur son territoire. Il doit
rendre compte au Hennugan qui est l'autorité centrale de
référence. Il dispose des moyens matériels et juridiques
pour assurer aux membres de la grande famille placés sous son
autorité, les droits fondamentaux et le respect de la dignité
humaine. Tout comme dans le cas du chef de lignée, le Dah dispose d'un
collège composé de personnes âgées, de femmes sages
pour accomplir sa mission. Cette autorité investie par le pouvoir
central, veille sur les droits de ses membres et surtout des femmes, des
enfants et des personnes âgées. Le respect des droits de ces
différentes catégories de personnes et des hommes en
général, doit occuper une place prépondérante dans
sa politique de direction. Il doit rendre la justice sociale, faire respecter
les règles coutumières et d'appliquer les décisions de
l'autorité centrale.
Le troisième niveau de garantie des droits de
l'individu, est la famille avec à sa tête le père comme
autorité de droit selon la tradition. Ce dernier doit garantir et
protéger les droits des personnes dont il a la charge notamment des
enfants y compris ceux placés par d'autres membres de la
communauté. Il doit veiller à ce que les droits fondamentaux
soient respectés notamment le droit à la vie, à une
alimentation, à un logement et à une vie décente. Il doit
observer les mêmes obligations en matière de libertés pour
les membres de sa cellule familiale. Ce dernier est placé sous
l'autorité du Dah. Pour accomplir sa mission, le père de famille,
se concerte avec sa ou ses femmes pour prendre ses décisions au profit
des enfants. Il peut être conseillé par d'autres personnes de la
famille dans le village ou campagne. Il veille à ce que les enfants
soient bien éduqués et que leurs devoirs soient respectés
au nom de la tradition. Voilà en gros, le cadre traditionnel de garantie
et de protection des droits de la personne humaine dans l'univers traditionnel
du Sud Bénin. Ce cadre juridique basé sur la tradition est un
système de décision, de veille et d'actions visant à
protéger l'individu afin de l'aider à s'accomplir et de
contribuer à la réalisation de la destinée de la
communauté.
En conclusion partielle, la vision traditionnelle des droits
de la personne humaine, est une vision très particulière qui
intègre l'individu au groupe et marquée comme le souligne Jean
Bruyas, par « la présence au milieu des hommes
d'innombrables forces invisibles, de centres de volontés
constitués d'ancêtres et de génies 25(*)». La vie
humaine est caractérisée par un lien étroit entre les
forces du monde invisible et du monde des vivants. Toute la vision
traditionnelle est basée sur cette conception qui renvoie à la
vision de la vie et de la mort. Cette vision a le mérite de
déterminer le sens de l'être et de la solidarité. Une
deuxième grande conclusion que nous pouvons retenir de cette vision
traditionnelle, est que l'individu n'existe pas en dehors du groupe. On est un
être humain que lorsqu'on se reconnaît membre à part
entière du groupe et quand on s'inscrit dans son projet collectif dans
un lien de solidarité avec des responsabilités que l'on assume.
Les individus dans cette vision se sentent solidaires les uns des autres et
protecteurs des droits humains. La solidarité est indispensable pour la
survie et le progrès du groupe social. Elle permet au groupe de se
développer, de progresser et d'innover avec comme finalité la
construction d'une société meilleure pour tous. D'autres valeurs
donatrices de sens de la vision traditionnelle reflétant la
destinée humaine sont entre autres la formation des fils et filles
dignes de considération. L'individu dans le projet de la
société traditionnelle doit être digne, un homme sensible
à son environnement, un homme de grande vision et enfin un homme de
langage qui respecte la parole donnée. L'individu doit être
également un être du grand agir qui participe à la
construction de la société et à son développement.
Ses actions doivent oeuvrer à l'épanouissement du collectif. Ce
n'est justement et seulement dans ce contexte que l'individu ou l'homme pourra
jouir des droits. La conception établit également que l'individu
doit remplir des devoirs vis-à-vis de la communauté. Cette vision
conduit à la réciprocité des droits et devoirs dans la
conception traditionnelle. Dans cette conception ou vision des droits de
l'homme, l'enfant jouit des droits et libertés de façon
étendue. Il bénéficie également d'une protection
particulière de ses droits et libertés. Ce qui signifie ou
sous-entend que dans la traditionnelle, la perception de l'enfant est toute
particulière et donne lieu à des pratiques qui le
protègent contre la maltraitance et l'exploitation. C'est le cas de la
pratique Vì?ómåg?'n que nous aborderons dans le chapitre
suivant pour appréhender la vision des droits de la personne de l'enfant
dans la société traditionnelle béninoise d'avant toute
influence coloniale et du christianisme.
CHAPITRE II- REPRESENTATION ET PROTECTION DE
L'ENFANT DANS LA SOCIETE TRADITIONNELLE BENINOISE
Ce deuxième grand chapitre traite de l'enfant dans la
pensée traditionnelle dans une première section, qui
s'intéresse plus finement aux représentations, images et usages
de l'enfant dans l'univers traditionnel et de l'idée précise de
ses droits et devoirs. Une deuxième section aborde la pratique
Vì?ómåg?'n : une innovation traditionnelle de
protection de l'enfant dont nous retracerons les origines et son
évolution au temps moderne.
Section 1- L'enfant dans la pensée traditionnelle
béninoise
Cette section aborde les représentations sociales,
images, usages, les droits et devoirs de l'enfant dans la société
traditionnelle (Paragraphe1) mais aussi sa socialisation et son
éducation (Paragraphe2). Il a été question, dans un
premier temps de construire notre analyse sur la place et la
représentation de l'enfant dans la société traditionnelle
à travers la perception qu'elle fait de ce dernier mais aussi de sa
vision et ses attentes à son égard. Un deuxième temps est
consacré à la vision particulière de l'éducation et
de la socialisation de l'enfant dans la société traditionnelle.
Le but de cette structuration est d'apporter une meilleure compréhension
et un approfondissement de l'archétype de l'enfant dans la
société traditionnelle.
Paragraphe 1- Les
représentations sociales de l'enfant et ses droits dans l'univers
traditionnel béninois.
Comme pour paraphraser Pierre Erny26(*), l'enfant donne lieu, selon
les civilisations, à de diverses représentations qu'il importe
de connaître afin de comprendre sa place dans la société et
de saisir en profondeur ses attitudes à son égard. L'enfant dans
l'univers traditionnel béninois n'échappe pas à cette
observation. Les représentations sociales de l'enfant dans la
société traditionnelle occupent une place importante dans le
projet collectif social et se traduisent par des images, des paroles et des
usages qui méritent qu'on fasse un détour sur le sujet.
1- La perception de l'enfant par la
tradition
La société traditionnelle a une vision propre et
singulière de l'enfant qui place son traitement, son éducation et
son intégration sociale au coeur de ses représentations sociales.
Cette vision de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois
découle de la vision traditionnelle de l'homme ou de la philosophie
traditionnelle de la personne humaine. Dans l'univers traditionnel
béninois, l'enfant occupe une place particulière. Il
représente tout et un acteur social de premier plan. Il est le pilier,
le centre, le sens de la vie et tout converge naturellement vers lui. Dans la
pensée traditionnelle, l'enfant est considéré comme un
être sacré en raison de son caractère divin. L'enfant dans
l'univers traditionnel, est perçu comme un don, une
bénédiction divine et son identité est plurielle. Il ne
naît pas du hasard mais est une réincarnation d'un ancêtre
ou d'un aïeul défunt. C'est pourquoi, il est vite perçu
comme un être sacré de l'ordre divin. Il symbolise non seulement
la continuité de la vie, la perpétuation de l'espèce
humaine, mais aussi la continuité du clan ou de la lignée. Il
assure également selon la pensée traditionnelle populaire le lien
entre le monde des invisibles assimilé au monde des ancêtres et
des divinités et celui des vivants, composé du monde vivant
autour de nous. L'enfant représente à cet égard, la force
vitale qui assure la liaison avec les forces du monde invisible des
ancêtres, des divinités et des génies et le monde des
humains. Il est fondamentalement perçu comme un adulte
réincarné en mission humaine ou au service de la protection du
clan, de la lignée voire de la communauté. De toute
évidence, il représente le symbole cosmique du monde. Ce double
statut de représentant de Dieu et d'être venant du monde
transcendantal des morts lui assure une place privilégiée dans la
société. Il lui vaut son statut d'être sacré,
vénéré, respecté et craint dans la
société traditionnelle. Les discours et la littérature
orale ressortent son caractère sacré et témoignent du
respect, de l'attention que lui accorde la société.
De même, l'enfant dans la représentation
traditionnelle symbolise le pouvoir, le prestige et la richesse. En effet,
l'enfant selon la représentation traditionnelle, assure une fonction
sociale d'une grande importance aux yeux de la société
traditionnelle. La conscience collective le considère comme la
première de toutes les richesses au monde. En langue Fon, l'expression
« adi vi wè gni lé27(*) » traduit cette perception
et consacre sa dimension en termes de richesse. De par cette
expression populaire, l'enfant est considéré ou hissé au
rang de la plus haute et importante richesse dans la société
traditionnelle béninoise. Il constitue de par cette considération
la raison d'être de la société et fait la fierté du
couple, de la famille élargie ou de la communauté. L'enfant est
dès lors perçu comme le socle, le pilier autour duquel se
construit et s'organise la société. C'est ce qui amène le
sociologue béninois Albert Tingbé AZALOU, à affirmer que
l'enfant représente, « l'espoir pour la vieillesse et
une valeur fondamentale de prestige qui confère bonheur et honneur
dans la société béninoise 28(*)». Dans la
pensée traditionnelle, l'enfant n'est pas que richesse, il
représente aussi le pouvoir. Autrement, avoir d'enfant voire beaucoup,
c'est disposer d'un pouvoir social important. De façon plus explicative,
avoir beaucoup d'enfants, signifie avoir beaucoup d'alliés dans la
société. Lorsqu'on dispose d'alliés sûrs et
nombreux, on détient le pouvoir à travers le contrôle des
instances politiques traditionnelles. Le pouvoir économique et politique
sont maîtrisés par rapport au nombre d'enfants que dispose une
petite famille, une grande famille et une collectivité. C'est
grâce aux enfants que des familles maîtrisent l'appareil politique
traditionnel, contrôlent l'armée et l'économie au sein de
la communauté.
En résumé, l'enfant représente selon la
pensée traditionnelle une force économique sociale, une
précieuse valeur ajoutée mais aussi assure la relève de la
communauté. Il représente pour un couple son apport à la
société et assure le bonheur des parents d'une part et de la
communauté d'autre part. L'enfant assure principalement la
sécurité à la femme dans le milieu traditionnel et
privilège au père. C'est pour quoi, il est perçu par la
tradition comme la première richesse du monde car il garantie la survie
aux parents et aux parents. C'est aussi pour cette raison que sa place dans
l'organisation sociale traditionnelle est très importante. Cette place
de l'enfant et son importance lui valent dans l'univers traditionnel
reconnaissance et honneur. D'où tout l'intérêt que lui
accorde la société qui reste très attentive à ses
besoins de survie et de protection. Chez les populations du sud Bénin
d'avant la période coloniale, l'enfant est perçu avant tout comme
un être cher, le ciment du couple et le trésor de la vie mais
aussi le créateur de liens sociaux. Grâce à l'enfant, les
différentes tribus, ethnies tissent des liens d'amitié et de
solidarité. Dans l'imaginaire collectif de ces populations, l'enfant
joue un rôle positif très énorme dans la création
des liens sociaux et du maintien de l'ordre social. Il oeuvre dans la
même veine pour la cohésion, la paix et est un vecteur de
développement des communautés et signe du progrès.
L'originalité de cette pensée traditionnelle de
l'enfant, réside dans sa perception de l'enfant dans une vision
communautaire. En effet, l'étude de la représentation sociale de
l'enfant dans l'univers traditionnel béninois, montre que ce dernier
n'appartient pas seulement à ses parents géniteurs mais
plutôt à la communauté. Il n'appartient donc pas au couple
géniteur mais au groupe familial c'est-à-dire la grande famille
et à la collectivité ou la communauté d'appartenance
sociale, linguistique et culturelle. Son identité se construit dans un
cadre communautaire. En revanche, la communauté est astreinte à
des obligations, à des devoirs bien précis notamment la garantie
de ses droits fondamentaux, d'une bonne socialisation et de sa protection dans
le cadre du respect de sa personne. La communauté veille donc sur
l'intérêt supérieur de l'enfant et est dès lors,
perçue comme l'unité fondamentale, le cadre naturel où se
réalise le plein épanouissement de la personne de l'enfant avec
la garantie de ses droits et devoirs.
2- Les droits et devoirs de l'enfant
S'il est une erreur qu'il faudra éviter, c'est
d'imaginer l'enfant dans la pensée traditionnelle sans droits,
même si sa condition est ordonnée à la vie de la
communauté. L'enfant dans la pensée traditionnelle de par son
caractère sacré, du simple fait d'être humain et
d'être, jouit bien évidemment de droits et de libertés.
Avant d'aborder concrètement les droits de l'enfant dans la
société traditionnelle, il importe de rappeler que, les droits
dont jouit l'enfant en communauté, sont ceux réservés aux
ancêtres, qui sont les seuls et vrais détenteurs de droits dans
cette société. L'enfant étant un ancêtre en
miniature, ses droits sont ceux des ancêtres communs et puissants de sa
communauté d'appartenance. De par cette conception, il est établi
que les droits de l'enfant sont ceux des ancêtres et des adultes. Parmi
les droits reconnus, respectés, garantis et protégés de
l'enfant dans l'univers traditionnel béninois, nous avons entre autres
le droit à la vie qui est le plus sacré des droits ; le
droit à une alimentation (le droit d'être nourri), le droit
à une maison qui symbolise le droit à une famille et le droit au
logement, le droit au champ ou à la fortune représentant le droit
à la propriété pour l'enfant mais également le
droit à l'héritage, le droit aux mânes protecteurs qui est
l'équivalent de nos jours du droit d'être protégé
notamment conte le mal, la maltraitance, les abus et l'exploitation et le droit
à une éducation. Nous notons également
l'égalité entre enfants. Signalons que le droit à
l'égalité est un principe fondamental qui caractérise
l'univers traditionnel même si son application est souvent
limitée. Autrement, l'égalité n'existe pas entre les
hommes dans la vision traditionnelle, mais plutôt entre les membres d'une
différente catégorie sociale donnée. La tradition exclut
dans le monde des enfants la discrimination. Selon la tradition, tous les
enfants sont égaux et méritent d'être traités avec
la même attention. Revenons sur le premier des droits,
c'est-à-dire du droit à la vie pour signaler qu'il constitue la
base de la société traditionnelle. La vie humaine étant
selon la représentation sociale collective sacrée et inviolable,
nul n'a le droit de porter atteinte à la vie et plus
particulièrement à celle d'un enfant. C'est ce qui explique
l'attitude de la société à surprotéger l'enfant
contre les méchants et les sorciers et contre tout abus. On retrouve
également sous une autre expression le droit à la
propriété à travers ce qui est appelé le droit
à la fortune. Cette expression symbolise le droit à
l'héritage qui assure la survie matérielle et économique
de l'enfant. Nous avons aussi dans l'univers d'autres droits reconnus à
l'enfant, notamment le droit à un nom et à une identité,
le droit à la parole et le droit à la participation
communautaire. En effet, c'est dans ce dernier cas qu'on retrouve le travail de
l'enfant qui aide sa famille dans ses différentes tâches
quotidiennes à savoir les travaux domestiques ménagers pour les
jeunes filles, culture de champ, surveillance du bétail de la famille
pour les jeunes garçons. L'univers traditionnel est aussi
caractérisé par la grande liberté de l'enfant. Ainsi,
l'enfant jouit d'une totale liberté dont la liberté de religion,
la libre circulation, la liberté d'agir. Il a aussi une liberté
de jeux et de loisirs très considérable. L'enfant dans l'univers
traditionnel peut consacrer tout son temps aux jeux et aux loisirs sans que
personne ne le lui refuse, car il est dans son droit le plus plénier.
Ces différents droits et libertés font de l'enfant dans l'univers
traditionnel, un enfant roi avec des droits biens reconnus, garantis et
protégés par la communauté à l'endroit de sa
personne. Ces droits doivent être assurés et garantis à
l'enfant en raison de son immaturité intellectuelle et physique afin de
lui assurer le bonheur et la protection. La particularité de la vision
traditionnelle des droits de l'enfant que nous venons de voir, est qu'ils ne
sont écrits nulle part encore moins rassemblés dans un quelconque
document. Ils sont en revanche gravés dans toutes les consciences
individuelles, collectives et dans tous les coeurs des citoyens de la
communauté.
L'autre particularité de la vision traditionnelle des
droits de l'enfant est que ce dernier n'a pas que des droits. Il possède
aussi des devoirs vis- à-vis de ses parents et de la
communauté. Ses devoirs relèvent du fait de son être
et plus précisément du fait que les parents et la
communauté sont ceux qui lui assurent l'existence, la survie et la
protection de ses droits. C'est ainsi que malgré son jeune âge,
l'enfant dans l'univers traditionnel est lui aussi astreint à des
devoirs bien détaillés. Ces devoirs contrairement aux droits sont
nettement énumérés montrant leur prééminence
dans la société traditionnelle béninoise voire africaine.
Parmi ces devoirs de l'enfant, nous notons en premier l'obéissance. Le
devoir d'obéir aux personnes adultes, aux personnes âgées
traduit la volonté de la société de reconnaître la
place accordée à l'expérience. L'enfant a un devoir social
d'obéir à ses parents et aux aînés. Ce devoir
instaure dans la société traditionnelle le droit d'aînesse
et à pour limite, la privation pour l'enfant de critiquer ou rejeter la
parole de l'adulte et d'exprimer avec liberté son opinion. Il le
contraint également à la soumission aux personnes plus
âgées dans l'organisation sociale. C'est ainsi qu'au nom de ce
devoir, les personnes adultes décident et agissent au nom de l'enfant,
chose contraire à la conception actuelle des droits de l'enfant comme
nous le constatons dans les différents instruments internationaux de
protection de l'enfant. Cette vision vient en contradiction en quelque sorte
à tout ce qui a été développé concernant
notamment la jouissance sans limite des droits par l'enfant en raison de son
statut d'ancêtre dans la communauté mais s'explique par le but du
projet collectif de sa socialisation. L'enfant a également un devoir de
participation aux travaux domestiques et champêtres de ses parents, le
devoir de respecter, d'aider et d'assister quelque soit la circonstance les
vieillards en cas de besoin. Il est aussi recommandé à l'enfant
dans l'univers traditionnel béninois de servir sa communauté
d'appartenance en mettant ses forces et capacités physiques et
intellectuelles à sa disposition. Il lui est demandé
également de sauvegarder la tradition à travers la
préservation des valeurs culturelles, des normes et de la coutume. Au
cas où, l'enfant ne s'acquitte pas de ses différents devoirs, ses
droits en société peuvent lui être refusés ou non
garantis par la collectivité. Mais vu que la société a un
devoir de garantir les droits de l'enfant et de les protéger, une autre
solution peut être envisagée si l'enfant n'arrive pas à
observer ses obligations sociales. Il s'agit du recours à la punition ou
sanction. D'où l'importance de la question de la sanction dans la
représentation sociale de l'enfant. En effet, la représentation
collective traditionnelle de l'enfant, considère la sanction qu'elle
soit physique ou autre, nécessaire pour éduquer, socialiser et
garantir les droits de l'enfant. La sanction participe à la
transformation de l'enfant notamment sert à lui donner un
caractère d'être humain dans le monde des vivants. Ainsi, il peut
être corrigé s'il ne respecte pas ses obligations mais de
façon très modérée et humaine avec un objectif
social : la perfection de sa personne humaine.
Au total, l'enfant dans l'univers traditionnel jouit d'une
variété de droits limités dans une certaine mesure par la
communauté avec des devoirs énumérés en
dépit de son jeune âge. Ce qui pourrait laisser à conclure
que la conception des droits de l'enfant reste ambiguë et floue. Cette
confuse situation n'empêche pas pour autant de relever
l'originalité du système traditionnel de droits de l'enfant avec
des droits inaliénables et inconditionnels d'une part, et des devoirs
inaliénables et inconditionnels d'autre part pour l'enfant. Ce
détour précieux dans cette étude, qui aborde la question
de la représentation de l'enfant, de ses droits et devoirs dans
l'univers traditionnel a un avantage certain, celui d'appréhender le
système traditionnel de socialisation de l'enfant. C'est ce que nous
aborderons dans ce second paragraphe consacré à la question de
l'intégration de l'enfant à la vie sociale de la
communauté.
Paragraphe 2- La
socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel
Dans la société traditionnelle béninoise,
la question de l'intégration de l'enfant revêt une importance
particulière. L'intégration de l'enfant est
réalisée de façon progressive et marque son passage du
monde des ancêtres et des forces invisibles au monde des humains. Cette
rupture du monde des ancêtres entre dans le cadre du processus de sa
socialisation. L'intégration constitue explicitement dans le contexte
traditionnel à préparer, former l'enfant à la vie
communautaire notamment dans ses aspects politique, économique,
religieux, familial, professionnel et organisationnel. L'intégration de
l'enfant constitue en somme une sorte d'instruction civique et
d'éducation de sa personne.
1- La socialisation de l'enfant
La socialisation selon Rocher, est
« un processus par lequel la personne humaine
apprend et intériorise, tout au cours de sa vie, les
éléments socioculturels de son milieu, les intègre
à la structure de sa personnalité sous l'influence
d'expériences et d'agents sociaux significatifs et, par là,
s'adapte à l'environnement social où elle doit
vivre...29(*) ». Au regard de cette
définition, nous pouvons qualifier la socialisation d'une
démarche sociale dont le but, est de permettre à l'enfant
l'apprentissage des règles de la vie et d'intériorisation des
normes socioculturelles de son milieu. Ainsi, la socialisation permet à
l'enfant de forger sa personnalité, son identité et de s'adapter
au groupe social. On remarque dès lors que la socialisation est un
processus de préparation à une vie réussie,
complète et épanouie de l'enfant. C'est la thèse soutenue
par KWADZO Amewusika Boévi Tay, qui définit la socialisation de
l'enfant comme « un processus d'inculcation par lequel,
l'enfant, acquiert des connaissances, apprend à s'adapter au groupe ou
à la société et à se comporter d'une
manière approuvée30(*) ».
La socialisation permet donc à l'enfant, en somme,
d'acquérir un savoir-faire, un savoir-vivre et un savoir vivre à
partir des éléments culturels du groupe social auquel appartient
l'enfant. Au-delà de cette réflexion sur la clarification du
concept, la socialisation joue une fonction sociale importante. Nous
retiendrons entre autres fonctions, le conformisme aux des règles
communautaires, le contrôle social et surtout la fonction
d'intégration. C'est cette dernière fonction qui nous
intéresse dans notre analyse. Ainsi, dans l'univers traditionnel
béninois, il importe de souligner que, la socialisation d'un enfant se
fait tout au long de l'enfance et s'étend à l'âge adulte.
Elle est graduelle et tient compte surtout de l'âge de l'enfant, de son
sexe et de son rang social. Dans la société traditionnelle
béninoise, deux sortes de socialisation sont nettement
distinguées et méritent qu'on s'y attarde. On remarque en gros
dans la société traditionnelle, une première forme de
socialisation de l'enfant qui est une oeuvre essentiellement affectée
à la mère. En effet, c'est la mère qui faut
acquérir à l'enfant les comportements primaires notamment ceux
relatifs à son corps et à l'entourage. La maman dans cette
période de socialisation que nous qualifierons de primaire, prend soin
de l'enfant et le protège contre le mal en établissant entre et
l'enfant une relation de type fusionnel.
La socialisation secondaire par contre, est plus large et se
fait par l'intermédiaire de la communauté dans son ensemble.
C'est une phase qui requiert également la participation des enfants de
la même classe d'âge de l'enfant notamment ses amis d'initiation.
La socialisation secondaire connaît dans sa phase pratique, des
événements très importants symbolisant la marche de
l'enfant vers l'âge adulte. Il s'agit des initiations dont les connues
sont celles qui se déroulent dans les bois sacrés. Nous avons
également la circoncision, la naissance de son premier enfant, de
l'éducation sexuelle et bien entendu du mariage qui sont d'autres
éléments de socialisation par excellence de l'enfant dans
l'univers traditionnel. En ce qui concerne les agents de socialisation, on
retiendra surtout les parents géniteurs mais aussi la grande famille,
dans une certaine mesure la communauté et les groupes d'initiés
voire sociaux. Ces différents agents sont mandatés pour agir tout
au long de la socialisation de l'enfant et prendre en charge l'ensemble du
processus devant aboutir à faire de lui, un citoyen complet et utile
à la communauté. La socialisation de l'enfant prend aussi en
compte le volet protection de l'enfant, qui est l'un des principes qui
régit la vie.
La socialisation d'un enfant dans l'univers traditionnel passe
prioritairement par son accueil dans la société mais aussi par
tout ce qui relève de sa survie notamment de sa préparation
à la vie. Innombrables sont dans la pensée traditionnelle
béninoise, les pratiques ou rites caractéristiques de l'accueil
d'un enfant. Chez les Fon, les essentiels rites d'accueil et
d'intégration d'un enfant sont entre autres, les
cérémonies de « Sunkunkun31(*) » et de
« Vidéton32(*) ». Ces deux cérémonies,
rites de présentation de l'enfant aux forces cosmiques
c'est-à-dire aux astres et aux «hommes, revêtent une
importance capitale pour le devenir de l'enfant. Ces deux précieux
rites ont des bienfaits certains pour l'enfant et son avenir. Selon la
tradition, un enfant pour qui ces deux rites n'ont pas été
effectués ou sont négligés, ne sera pas épanoui
dans sa vie adulte. Il a toutes les chances de représenter pour la
communauté une tare ou un cas social difficile à gérer
plus tard. Le troisième rite important d'intégration de l'enfant
chez les Fon est le rite « agbassa33(*) ». Il marque la
fin des rites d'accueil et d'intégration à la communauté
et consiste à la consécration du nouveau-né par un
aïeul. Il se déroule pour la plupart du temps en présence
des membres des deux familles (maternelle et paternelle) de l'enfant afin de
désigner l'ancêtre protecteur de l'enfant communément
appelé Joto34(*).
Au pays fon, la conscience collective pense que, la responsabilité de
l'ancêtre protecteur dans la conception et à la formation de
l'enfant est grande. Ce dernier selon la représentation collective,
l'ancêtre protecteur est celui qui prendra soin de l'enfant. Dès
lors, il ne reste plus à l'enfant de grandir en sagesse et
d'acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice de
sa future vie d'adulte sous les regards attendris et de sollicitude des parents
géniteurs et de la communauté.
Signalons que pour la suite, la socialisation de l'enfant se
poursuit selon son développement physique et son âge à
travers des initiations telles les initiations dans les bois sacrés, la
circoncision et surtout l'initiation au travail. L'initiation très
précoce de l'enfant au travail, est perçue dans la tradition
comme une initiation aux valeurs de l'effort. Cette initiation au travail
concerne les travaux légers notamment quelques travaux domestiques et
champêtres, qui permettent à l'enfant de développer le
goût au travail et servent à le préparer à la vie
d'adulte responsable et utile à sa communauté d'appartenance.
Cette initiation au travail était bien réglementée en ce
sens qu'elle doit éviter de porter atteintes aux capacités
physiques de l'enfant et à ses droits. Chacune des instances
traditionnelles de socialisation (parents, grande famille et
communauté), a un regard de contrôle sur l'intensité de la
participation de l'enfant. Chacune doit veiller à ce que le travail de
l'enfant, soit le plus humain possible et visé son bien- être.
Cette vision permet d'appréhender le travail de l'enfant dans la
société traditionnelle que nous verrons plus tard à
travers la pratique Vì?ómåg?'n.
Si la socialisation de l'enfant dans cette
société demeure un élément primordial, elle n'est
réussie que lorsqu'elle s'appuie sur une éducation bien
réussie. D'où la relation entre la socialisation et
l'éducation de l'enfant. En effet, avec les rites d'accueil,
d'intégration et les soins prodigués à l'enfant, commence
l'éducation de l'enfant. L'éducation est définie selon
le dictionnaire Larousse comme l'action d'éduquer, de former et
d'instruire quelqu'un. C'est aussi toute action concourant au
développement des facultés physiques, intellectuelles et morale,
à l'acquisition de la connaissance et de la pratique des usages et
savoir-faire de société d'une personne notamment d'un enfant.
Selon Jean-Pierre FAYE, « éduquer d'un point de
vue formel, c'est développer, insérer l'individu dans une
dimension sélective sociale, spirituelle, culturelle...etc.
35(*) ».
Eduquer un enfant dans la société traditionnelle, c'est
l'humaniser et assurer son intégration dans un clan ou une tribu. Cela
présuppose que la société transmet à l'enfant un
ensemble de valeurs, principes et normes appropriées à sa vision
du monde ou qui correspondent à l'idéal auquel elle aspire.
En milieu fon, le terme
« Vikplonkplon36(*) », est celui utilisé pour
désigner cette mission de la communauté. La
particularité de l'éducation dans l'univers traditionnel, est
quelle revêt un caractère pluridimensionnel collégial,
pragmatiste, fonctionnel et intégrationniste. L'éducation d'un
enfant dans cet univers est une mission collective qui vise à lui faire
acquérir un savoir- faire, un savoir vivre et l'initier aux valeurs
morales, civiques et éthiques de sa communauté d'appartenance.
L'éducation dès lors devient un fait social de grande importance
car elle assure non seulement la transmission à l'enfant des codes et
principes mais aussi les principales lois qui régissent sa
communauté mais aussi de le préparer pour la vie d'adulte.
L'éducation d'un enfant dans le milieu traditionnel, implique aussi bien
les parents géniteurs, la famille que la communauté dans son
ensemble. Ce caractère collégial du modèle éducatif
traditionnel traduit en quelque sorte la forte responsabilisation des acteurs
de la société. Ce qui confirme l'idée que
l'éducation est une action communautaire et collective assurée
par tous les membres de la communauté. L'éducation en milieu
traditionnel est co-éducative, citoyenne et très participative.
C'est un devoir collectif et tout manquement à cette obligation sociale
déstabilise la cohésion sociale. Le caractère fonctionnel
de l'éducation se mesure à travers les valeurs qu'elle
véhicule et transmet à l'enfant, lesquelles doivent tenir compte
de l'environnement physique et de ses réalités sociales.
L'éducation dans l'univers traditionnel est une éducation qui
imite les gestes et faits de l'adulte. Elle remplit une fonction primaire de
préparation de l'enfant à la mémorisation des valeurs de
liberté, d'initiative, de paix et surtout de solidarité envers sa
communauté d'appartenance. L'éducation dans l'univers
traditionnel met particulièrement en jeu un enfant qui n'est qu'un
apprenant, un réceptacle au service d'un ou des maîtres
détenteurs de connaissances. Elle est pragmatiste et
intégrationniste en ce sens qu'elle permet à l'enfant de
s'insérer dans un tissu social large et sécurisé qui lui
assure ses droits et le protège. L'éducation dans le milieu
traditionnel est adaptée à l'âge de l'enfant, ce qui
confirme son caractère continu et progressif. L'ensemble de ces
éléments qui participent à l'intégration, l'accueil
et l'éducation de l'enfant constitue la trame de la socialisation de
l'enfant dans l'univers traditionnel béninois. Pour réussir sa
mission de socialisation, la société traditionnelle mobilise
certains outils dont les plus connus sont les contes, les proverbes et les
jeux.
2 - L'univers
traditionnel béninois et les moyens de socialisation d'un enfant
La société traditionnelle à l'instar des
autres sociétés d'Afrique noire, dans sa mission de socialisation
de l'enfant utilise un panel de moyens traditionnels. Ces moyens
d'éducation et de socialisation de l'enfant sont principalement les
contes, les proverbes sans oublier les jeux. En milieu Fon, les contes et les
proverbes sont fortement mobilisés pour socialiser l'enfant. Les contes
et proverbes servent à former la personnalité et sont très
bien inscrits dans les mentalités. S'ils ont de ce fait une importance
sociale et éducative reconnue, c'est parce qu'ils sont riches en
enseignements et en valeurs pour l'enfant. Les contes renferment à eux
seuls les nombreux et riches enseignements de la tradition transmis de
génération en génération. C'est pour cette raison
qu'ils sont plébiscités en tête des outils traditionnels de
socialisation, d'où leur importance aussi bien pour l'enfant que pour
la société. Les contes dans ce milieu constituent un
précieux outil d'éducation car nous dit Maximilien QUENUM, ils
« ... cachent sous un voile d'une amusante fiction de
puissantes leçons de morale37(*) », qui servent
à façonner l'enfant et le rendre utile pour la communauté.
Les contes, ces historiettes racontées aux enfants par les adultes
notamment les grands-parents à la tombée de la nuit ont un double
objectif d'enseignement et d'activité ludique. Autrement dit, les
contes enseignent aux enfants les valeurs tels le courage, l'obéissance,
le respect de l'autre, la solidarité, le partage, la discrétion
et l'honnêteté. Ils enseignent le bien et découragent le
mal qui ne favorise pas l'épanouissement de l'être humain. Les
contes apprennent à l'enfant à s'éloigner de tout ce qui
est vice et défaut nuisibles à son bien-être comme
l'avidité, la gourmandise, la cupidité, la jalousie et l'orgueil.
Les contes servent également à développer chez l'enfant
certains comportements appréciés dans la société
comme le respect de la parole donnée ou reçue et
l'habileté. Les contes constituent pour finir un véritable outil
de protection de l'enfant.
Quant aux proverbes, ils sont très courts,
précis et détaillés avec comme objectif l'enseignement du
bien et découragent le mal. Les proverbes sont de petites anecdotes se
présentant entre deux personnes très drôles dont le but est
de corriger les tares de la société traditionnelle. On y a
recours quotidiennement pour éduquer l'enfant aux bonnes habitudes et
comportements acceptés par le groupe social. Les proverbes enseignent
à l'enfant appelé à devenir adulte, l'amour du prochain et
du travail, la prudence, la générosité, la patience et
surtout le respect du bien commun. Les proverbes défendent les plus
fragiles notamment l'innocent, l'orphelin, la veuve, le vieillard mais aussi
l'enfant première richesse de la communauté qu'ils cherchent
à protéger avec simplement de la parole.
En résumé, les contes et proverbes sont d'une
grande nécessité à l'éducation et à la
socialisation de l'enfant dans l'univers traditionnel en raison de l'absence
d'institutions formelles comme l'école. Mais l'éducation et la
socialisation de l'enfant pour être efficaces et complètes, ont
besoin de s'appuyer sur d'autres outils comme les devinettes et les jeux. En ce
qui concerne principalement les jeux, ils servent à développer
les capacités physiques, intellectuelles et artistiques de l'enfant. Les
jeux dans l'univers traditionnel servent à développer chez
l'enfant la mémoire et de renforcer son esprit de partage et de
solidarité. La place qu'occupent les jeux dans l'univers traditionnel
sans institutions spécialement dédiées aux
activités ludiques est très considérable en ce sens qu'ils
accompagnent l'enfant dans son processus de développement personnel. On
rencontre les jeux au début et à la fin de toute
l'activité de l'enfant qui joue en toute liberté. Les jeux dans
l'univers traditionnel sont conçus en fonction de l'âge de
l'enfant et demandent un véritable travail de réflexion et
d'imagination. Les jeux ont pour finalité en milieu traditionnel de
faire découvrir à l'enfant sa classe d'âge mais ausi de lui
faciliter la maîtrise de son environnement, de l'amener à
affronter les épreuves et à relever les défis dans un
esprit collectif. D'où leur fonction socio-éducative.
Somme toute à travers cette section, nous venons
d'aborder les questions de la représentation sociale et de socialisation
de l'enfant dans l'univers traditionnel béninois. Il ressort de notre
développement que, selon la conscience collective traditionnelle,
l'enfant est un être précieux, sacré et le plus cher au
monde. Il est perçu également comme un ancêtre, une
divinité, un génie et une force invisible. Son statut
d'être fragile, vulnérable et sans défense, a tôt
fait penser dans la représentation traditionnelle à sa
protection. L'enfant dans cette logique, a des droits qui sont
inaliénables qui méritent garantie et protection de la part des
adultes. L'enfant apparaît clairement comme un véritable sujet de
droit avec des droits et devoirs bien distingués inscrits dans les
consciences individuelle et collective. Sa protection a fait l'objet d'une
création originelle à travers la pratique
Vì?ómåg?'n que nous allons aborder dans notre seconde
section.
Section 2- Le
Vì?ómåg?'n comme une invention originelle de protection de
l'enfant au Bénin : Origines, fondements et évolutions
En introduction à cette section, il convient de
signaler qu'elle aborde la problématique de la protection de l'enfant
dans l'univers traditionnel béninois avant l'adoption de normes
modernes. Elle essaie de souligner la vision traditionnelle de la protection de
l'enfant au sens global à travers l'originelle invention de la pratique
Vì?ómåg?'n. Afin de mieux appréhender cette vision,
notre analyse s'est évertuée dans un premier temps à
souligner son caractère ancien en remontant à ses origines,
préciser ses principes fondamentaux et à retracer son
évolution dans la société béninoise (Paragraphe1).
Dans un second temps, l'analyse montre concrètement en quoi, cette
pratique se révèle être un moyen traditionnel de protection
de l'enfant par le tiers et la communauté (Paragraphe2).
Paragraphe 1- Des origines,
fondements et évolutions du Vidomègon
Tout le monde s'accorde à reconnaître dans la
société béninoise les bienfaits de la pratique
Vì?ómåg?'n. C'est une pratique coutumière de
promotion sociale, de respect des droits et de protection de l'enfant. Nous
essayerons de retracer ses origines et ses fondements et son évolution
après une clarification nécessaire du concept même qui
fait objet de notre étude.
1- Définition, origines et
fondements du Vidomègon
La pratique Vì?ómåg?'n, est une pratique
qui a lieu depuis la nuit des temps dans la société
traditionnelle béninoise. Elle consiste pour une famille à
confier ou à placer son enfant à un membre de la grande famille,
un proche ou une amie. Son objectif originel est d'assurer la socialisation et
la protection de l'enfant. C'est une pratique de solidarité et
d'entraide entre les membres du même clan ou d'une collectivité
qui garantit à l'enfant un mieux être social.
C'est « l'une des formes de solidarité
entre les membres d'une même famille, d'une même
collectivité ou d'une même communauté38(*) »
selon Claire HOUNGAN AYEMONA. Le Vì?ómåg?'n est
« une sorte de rééquilibrage social et de
justice alliant la socialisation et la protection de l'enfant dans un
système traditionnel de placement »39(*). C'est une noble et
respectable pratique de promotion et d'ascension sociale d'un enfant dont le
but ultime reste son épanouissement dans la communauté et la
garantie de ses droits fondamentaux élémentaires. C'est pourquoi,
elle reste très ancrée dans les consciences individuelle et
collective, persiste et résiste malgré les différents
progrès notés au sein de la société.
La pratique de placement d'enfant dans la
société béninoise, reste un fait socioculturel de
socialisation et de protection de l'enfant dont les origines remontent
vraisemblablement très loin dans l'histoire du pays. D'aucuns
affirmeront qu'elle est et demeure la première forme publique de
protection de l'enfant connue au Bénin. C'est une pratique aussi vieille
qui remonte selon certains socio-anthropologues à la constitution des
premières communautés de vie de l'aire culturelle fon adja-Tado.
C'est une invention des autochtones qui a existé avant
l'avènement de la conquête du centre Bénin par les
« Agasùvi »40(*) au XVIIème siècle. Autrement, la
pratique est plus vieille que l'histoire du Danxomè.
Historiquement, le placement ou le confiage d'un enfant à un
tiers pour sa socialisation fait partie de la coutume, de la tradition des
peuples autochtones. Au départ, le placement ne concernait que les
garçons qui sont la colonne vertébrale de la communauté.
Il va s'étendre bien plus tard aux filles mais restera très
limité et consistera à apprendre à ces dernières
les fondamentaux de la vie de femme et de mère au foyer. Les
frères et soeurs s'échangeaient les enfants afin d'en assurer
leur socialisation. Confiés très jeunes, les enfants vont
être initiés aux normes de la communauté, aux règles
de la vie en communauté et aux différentes techniques voire
métiers pratiqués par la communauté. C'était une
pratique très démocratisée qui a lieu entre les membres
d'une même descendance.
À l'avènement de la création du
royaume du Danxomè, la pratique sera plus organisée et
structurée. Elle a été vite récupérée
par la royauté qui en fait son outil privilégié de
socialisation des princes et princesses. En effet, les différents rois
de la « dynastie des Houégbadja » au centre du
Bénin, qui vont se succéder y ont recours afin de garantir
à leur descendance la socialisation et l'éducation
nécessaires pour gouverner mais aussi pour vivre dans la
société en harmonie avec ses règles, normes et coutumes.
Les princes et princesses étaient confiés à des nobles
parfois à un simple citoyen dont la réputation de combat, en
techniques de guerre, en savoirs mystiques, médicaux et
l'humilité sont reconnus de tous et s'imposent. Ces personnes choisies
au sein de la noblesse de la société et honorées ainsi
vivent cette pratique comme signe de leur reconnaissance sociale et ont de ce
fait une lourde responsabilité dans la socialisation et le devenir de
l'enfant confié. C'est pour cela qu'elles joueront leur rôle
d'éducateur et de protecteur de l'enfant avec amour. Il arrivait que des
royaumes frères, amis ou alliés se confiaient leurs princes et
princesses pour en assurer l'éducation qui ouvre les portes des
honneurs. Le cas le plus illustratif est l'exemple entre le royaume de Porto-
Novo et celui du Danxomè au XIXème siècle où le
jeune DASSI, dernier roi de Porto-Novo connu sous le nom de Toffa
1er, a été confié et élevé par
les nobles du royaume frère du Danxomè. C'est en effet,
grâce au placement traditionnel c'est-à-dire du
Vì?ómåg?'n, qu'il a pu développer les
qualités d'homme politique très fin qu'on lui reconnaît. Il
en est de même pour sa capacité d'écoute de son peuple, ses
qualités de négociateur en matière de relations
internationales sans oublier les techniques de guerre.
Par la suite, la pratique tombera dans le champ de
l'aristocratie où les nobles y ont souvent et pendant longtemps recours
pour assurer l'éducation de leurs enfants. Vers la fin du déclin
du royaume de Danxomè au XXème siècle, les citoyens se
réapproprient la pratique et la démocratisent. Les familles
pouvaient dès lors replacer librement un ou plusieurs enfants à
un proche ou ami qui se charge de la socialisation de l'enfant faisant objet
du placement. Le tuteur reçoit des parents la délégation
partielle parfois totale du droit de paternité et est le seul
responsable de l'éducation de l'enfant. L'autorité parentale se
trouve donc exercée par le tuteur qui de ce fait à des
obligations vis- à- vis de l'enfant. Nous pouvons citer en autres,
l'obligation d'assurer une alimentation à l'enfant, l'obligation de le
nourrir, de le former ou de l'instruire, de lui garantir un toit, de lui
assurer des vêtements décents et de préserver sa vie.
L'enfant dans la famille d'accueil est considéré comme l'enfant
légitime de la famille. À ce titre, il a les mêmes droits
que les enfants légitimes et traité comme tel sans discrimination
aucune. Il bénéficie des mêmes règles de protection.
Voilà donc les origines de cette pratique dont les
fondements sont la socialisation et l'éducation de l'enfant. Les
fondements de cette pratique telle qu'elle a été pensée
à l'origine, sont le respect de la dignité de l'enfant, la
garantie de ses droits fondamentaux élémentaires et de ses
libertés, la protection de l'enfant et la solidarité. Concernant
la solidarité, la pratique Vì?ómåg?'n, reste l'un
des signes de la vision de justice sociale et d'entraide entre les membres de
la société à l'époque traditionnelle. La
solidarité est le coeur de la pratique Vì?ómåg?'n.
C'est elle qui doit guider selon la vision traditionnelle, l'éducation
ou la socialisation d'un enfant. L'autre particularité de la pratique
Vì?ómåg?'n est qu'elle assure une fonction sociale
pédagogique d'une grande importance en ce sens qu'elle constitue un
moyen par excellence de socialisation et de l'enfant. La pratique assure
l'égalité des chances à tous les enfants de la
société et oeuvre pour qu'ils se développent et
s'épanouissent sans être inquiétés par la violation
de leurs droits.
2- Evolution de la
pratique Vì?ómåg?'n au Bénin
À propos de l'évolution du
Vì?ómåg?'n, nous notons trois grandes phases, qui
reflètent chacune la représentation temporelle sociale et la
vision de protection de l'enfant au sein de la société. Selon
chacune de ces phases d'évolution, l'accent sur mis sur la surprotection
ou la protection tout court de l'enfant.
La première grande époque marquant
l'évolution de la pratique Vì?ómåg?'n, remonte
à l'époque coloniale où l'instruction va faciliter son
développement. Ce fut la première révolution où le
Vì?ómåg?'n sortira du cadre traditionnel familial
villageois pour les pôles urbains. En effet, au temps colonial, des
milliers d'enfants issus de ménages ruraux, ont été
placés chez la poignée de cadres travaillant dans
l'administration coloniale et dans ses structures de démembrement au
niveau cantonal. Ces cadres avaient été sollicités par les
parents ou proches de la famille restés au village, pour la garde d'un
ou plusieurs enfants, qui vont être scolarisés, ou suivre une
formation qualifiante pour exercer un métier dans la
société. Placer son enfant au temps colonial, auprès d'un
cadre modèle, c'est un privilège et la garantie d'un avenir
meilleur pour ce dernier. D'ailleurs, les premiers cadres dahoméens ont
été pour leur grande majorité d'anciens enfants
placés c'est-à-dire des Vì?ómåg?'n. Joseph
GNONLONFOUN, ancien ministre des droits de l'homme, reconnaît le bien que
cette pratique lui a apportée. Il affirmait dans une émission que
lui, « qui est un enfant issu d'une famille modeste, a
eu la chance d'avoir reçu une instruction qui a lui permis de
réaliser ses rêves d'enfants et de satisfaire ses besoins
grâce à cette pratique ancestrale très originelle de
Vì?ómåg?'n41(*) ». Il reconnaîtra de
façon plus précise que « le fait d'avoir
été un enfant placé, lui a permis de forger ses aptitudes
et de devenir un homme épanoui 42(*)». Ce fut le cas pour des milliers
d'enfants qui vont migrer vers les centres urbains pour y être
scolarisés et éduqués pour leur propre bonheur. Cette
tendance nationale amorcée va progressivement s'accentuer et
connaîtra une hausse aux indépendances avant de se
généraliser plus davantage pendant la période
révolutionnaire.
Cette période symbolise la démocratisation et la
généralisation de la pratique au service de l'enfant notamment de
l'enfant issu d'un milieu pauvre et défavorisé. Avec la
modernisation du pays et la construction des grands centres de formation dans
les milieux urbains, des enfants de milieux ruraux vont pouvoir se former en
s'appuyant sur la solidarité et plus singulièrement sur le
Vì?ómåg?'n perçu à notre avis comme un
système qui participe de la solidarité nationale, de la
protection de l'enfant et de l'obligation des uns et des autres envers les
enfants. La campagne de scolarisation de tous les enfants annoncée par
le gouvernement révolutionnaire qui assurait fournitures, alimentation
et bourses aux enfants, généralisera une pratique qui
jusque-là était réservée aux personnes qui ont des
parents vivants en ville. À partir de cette politique de scolarisation
massive des enfants, certains ménages accueilleront au minimum trois
enfants qui pour la plupart ne sont pas issus de leur famille d'origine. Ces
ménages ont contribué à l'essor sans
précédent du Vì?ómåg?'n. Le
Vì?ómåg?'n a un avantage pour les différentes
parties concernées à savoir les enfants, la famille d'accueil et
les parents géniteurs.
Pour le tuteur, le fait d'accepter un
Vì?ómåg?'n au sein de sa famille est une opportunité
formidable, car ce dernier l'aide à accomplir ses tâches
ménagères contre l'assurance et la garantie d'une scolarisation
et d'une bonne éducation. Il lui permet de bénéficier de
l'aide précieuse de la famille d'origine de l'enfant. Cette aide est
généralement constituée de denrées alimentaires
plus chères dans les centres urbains. Pour les parents de l'enfant, le
fait d'avoir un enfant « akowé 43(*)», est une chance et
un gage d'une vieillesse épanouie et assurée. Un enfant
« akowé », dans l'imaginaire collectif est
le symbole de la réussite sociale. C'est pour quoi, les parents
s'évertueront à en avoir un à travers l'opportunité
que leur offre le système traditionnel du
Vì?ómåg?'n. Concernant l'enfant placé, la pratique
constitue pour lui une chance énorme, car il reçoit une
éducation et une scolarisation qui le préparent à la vie.
Il a droit à une scolarisation, à un logement à une
alimentation et le droit à une famille qui l'élève dans la
dignité et le respect de ses droits fondamentaux
élémentaires. Ces différents avantages ainsi
énumérés ajoutés à la volonté du
pouvoir central de garantir la scolarisation à tous les enfants du pays,
ont favorisé la généralisation et le succès
observés de la pratique dans les années 70 et 80. D'autres motifs
expliqueront l'essor de cette pratique notamment la concurrence entre les
familles, les collectivités et les régions, qui ont beaucoup
oeuvré pour que leurs enfants profitent de cette aubaine. Toutes les
régions du pays en ont profité à cette époque et se
sont battues pour trouver une famille d'accueil à leurs enfants en
ville. Riches ou pauvres, analphabètes ou instruits, la motivation
était la même et la mobilisation générale. Aucun
ménage, aucune famille n'échappait à cette période
au phénomène qui prend donc une ampleur très
considérable. Jusque-là, le placement d'enfant se déroule
dans un esprit d'entraide, de solidarité ou d'échanges culturels
c'est-à-dire entre les différents peuples. Il respecte les droits
de l'enfant avec des contraintes aussi bien pour les tuteurs, les parents et
les enfants placés ou confiés.
Mais avec le renouveau démocratique, les moeurs
changent, les mentalités évoluent également et la
pratique va être progressivement détournée de son esprit
originel. L'esprit originel de solidarité va être pervertie avec
au final, l'avènement d'une nouvelle perception de l'enfant. L'enfant,
notamment le Vì?ómåg?'n à partir des années
90, ne va plus être perçu comme un trésor, une personne
à socialiser avant tout et ses droits progressivement vont être
violés. Le placement d'enfant revêt alors un aspect plus
économique que d'entraide sociale. Plusieurs raisons expliquent cette
situation. Nous pouvons citer en autres, la crise économique des
années 80, la naissance des familles nucléaires et
l'éclatement de l'esprit communautaire. Tous ces facteurs ont
contribué à la nouvelle évolution du
Vì?ómåg?'n que nous aborderons dans notre deuxième
partie à travers le terme plus consacré de
« phénomène Vì?ómåg?'n »,
devenu une problématique de droit de l'homme et particulièrement
de l'enfant béninois.
Malgré cela, il faudra retenir que le
Vì?ómåg?'n reste un phénomène social
culturellement ancré dont la vision de base est la protection de
l'enfant. C'est ce que nous démontrerons dans notre deuxième
section avec comme arguments l'originalité et la vision traditionnelle
de la protection de l'enfant au Bénin.
Paragraphe 2- La pratique
Vì?ómåg?'n et la problématique de la protection de
l'enfant
La protection de l'enfant apparaît comme une valeur
fondamentale dans l'univers traditionnel béninois. Le devoir de
protection des enfants et plus particulièrement ceux qui sont
placés auprès d'une autre famille est une exigence
réglementée par les instances traditionnelles publiques. L'enfant
placé ou confié a fait pendant longtemps, l'objet des
préoccupations essentielles de la société traditionnelle.
À propos de la protection de l'enfant, rappelons qu'elle est
fondée dans l'univers traditionnel sur les deux instances que sont la
famille restreinte et la famille élargie. Le dispositif traditionnel de
protection de l'enfant est caractérisé par une multitude
d'acteurs qui interviennent de façon coordonnée pour que soit
effective sa protection. Notre propos à cette question de la protection
dans l'univers traditionnel, est de mettre en évidence quelques aspects
de la vision traditionnelle de la protection de l'enfance et plus
particulièrement la responsabilité du tiers et l'implication de
la communauté.
1- La pratique
Vì?ómåg?'n: une protection traditionnelle de l'enfant par
un tiers autre que les parents géniteurs
Dans le système traditionnel de placement ou de
confiage de l'enfant, le personnage central et très important que l'on
rencontre est le tuteur ou le tiers. Le tuteur est le premier acteur de la
protection de l'enfance au Bénin, du moins dans la société
traditionnelle et dans une certaine mesure dans la société
actuelle. Le tuteur à l'origine, est généralement dans le
cas de la pratique coutumière, un oncle, une tante ou tout autre parent
de la famille élargie. Il arrive souvent que le tuteur d'un
Vì?ómåg?'n soit aussi un ami de la famille ou toute
personne de passage dans le milieu de l'enfant et dont la personnalité
et les caractères forcent l'admiration des parents biologiques. C'est le
cas des instituteurs ou institutrices ou d'autres fonctionnaires de
l'État qui se verront confier la garde d'un enfant pour en assurer
l'éducation après un séjour dans le milieu de l'enfant. Le
tiers est la pierre angulaire du système traditionnel de protection de
l'enfance et plus particulièrement du Vì?ómåg?'n,
car ses actions en faveur du respect et de la protection des droits de
l'enfant, sont d'une portée sociale de taille. Le tiers autre que les
parents biologiques des enfants placés, est le principal pourvoyeur de
protection sociale du Vì?ómåg?'n. La tradition lui assigne
le rôle de protecteur primaire, qui l'amène à prendre soin
de l'enfant Vì?ómåg?'n, à endosser dans bien des cas
ses charges d'éducation, de socialisation et de protection. Il est
souvent plus présent dans la vie de l'enfant placé et joue un
rôle déterminant dans son éducation, sa socialisation et
de protection de ses droits. Le tiers est en quelque sorte un père
éducateur qui exerce de façon partielle ou totale,
l'autorité parentale. Il doit être animé par un esprit de
partage, de l'amour et du sacrifice pour le prochain. Un tuteur doit avant tout
savoir procurer au Vì?ómåg?'n, l'amour paternel et rester
attentif à ses besoins psychologiques, matériels et
économiques. Educateur de premier rang, un tuteur ou un tiers, tient
lieu des parents du Vì?ómåg?'n. Il exerce le droit
d'autorité parentale sur l'enfant placé. Par conséquent,
c'est à lui que revient de plein droit suivant la conception
traditionnelle, l'éducation, la socialisation et de la protection de
l'enfant. Il élève et éduque à sa façon le
Vì?ómåg?'n afin de faire de lui un citoyen responsable et
utile à la société. En acceptant d'accueillir un
Vì?ómåg?'n dans son foyer, le tiers exerce les missions
traditionnellement assignées aux parents géniteurs de l'enfant.
Il devient le responsable moral et social de l'enfant. Sa mission dès
lors ne sera pas que l'éducation de l'enfant mais la garantie de ses
droits fondamentaux et de ses libertés. Il s'engage socialement,
moralement voire même juridiquement, à prendre soin de la personne
du Vì?ómåg?'n qui est rappelons-le un mineur,
c'est-à-dire un être intellectuellement et physiquement immature,
fragile et vulnérable. Il le représente tout naturellement dans
tous les actes sociaux et civils à l'exception de ceux que la
société définit comme relevant du domaine des parents
géniteurs de l'enfant. Il accomplit tous les actes administratifs qui
engagent le Vì?ómåg?'n. C'est le tiers qui répond en
cas de problèmes au nom des parents biologiques d'un enfant
placé notamment dans le cadre de l'école ou de sa formation
professionnelle. Il répond également au nom de l'enfant et de
ses parents biologiques en cas de délits commis par le
Vì?ómåg?'n.
Le tiers une fois, qu'il accueille un
Vì?ómåg?'n, a des obligations vis-à-vis de ce
dernier. Il doit notamment le considérer et le traiter comme son propre
enfant. Il doit lui garantir avant tout une alimentation, un logement, des
soins nécessaires en cas de maladie, un habillement décent, un
épanouissement avec la possibilité de se reposer et de pratiquer
des loisirs de son choix. À travers ces éléments, nous
nous rendons compte que le tiers, est le premier garant des droits de l'enfant
et plus précisément les droits à l'alimentation, au
logement, à la santé, au repos et aux loisirs. Le tuteur n'a pas
que le devoir de garantie des droits du Vì?ómåg?'n. Il a
aussi un sacré devoir de protection des droits de ce dernier au sein de
sa famille. En matière de protection, le tiers a l'obligation d'assurer
la protection de la vie du Vì?ómåg?'n. Il doit
protéger son droit à la vie, qui est l'un des plus
précieux droits appartenant à l'enfant à protéger
quoi qu'en soient le moment et les circonstances. Ce droit a pour corolaire,
le droit à la santé et le droit à
l'intégrité corporelle, tous deux préservés par le
tiers à l'enfant placé. Le tiers protège également
le Vì?ómåg?'n contre les mauvais traitements, les coups et
blessures, la privation d'aliments, les négligences et l'exploitation
économique. Cela signifie pas que le tiers responsable de
l'éducation du Vì?ómåg?'n, ne peut avoir recours
à l'usage de son droit correctionnel ou de le frapper. Le tiers dans la
société a le droit de châtier, de punir un
Vì?ómåg?'n, si ceci concourt à sa protection, son
bonheur et contribue à son éducation. L'usage de ce droit doit
être exercé avec mesure et tout abus par le tiers est
sanctionné par la communauté. Le devoir de protection du tiers
est tel qu'il est le garant des droits de l'enfant placé. Il doit faire
de telle sorte que le placement ne devienne pas un handicap pour
l'épanouissement de l'enfant. Il fait de sorte que la protection sociale
du Vì?ómåg?'n devienne une réalité effective
et ne crée pas des perturbations notamment des troubles psychologiques
ou de personnalité chez l'enfant. Il assure le maintien des relations
entre l'enfant et ses parents biologiques en respectant leurs droits de parents
quand bien même il dispose de la l'autorité parentale
déléguée. Le tiers garantit les différentes
libertés reconnues à la personne du
Vì?ómåg?'n notamment la liberté d'opinion,
d'expression, de religion et de mouvement.
Au regard de ce qui a été
développé plus haut, nous pouvons conclure, que le
Vì?ómåg?'n est une pratique de protection de l'enfant par
le tiers. Le tiers est le personnage clé dans la mise en oeuvre de cette
pratique en ce sens qu'il garantit et protège les droits et
libertés de l'enfant. Il le protège contre les dangers de la vie
notamment contre toutes formes d'exploitation, le travail, la maltraitance et
les violences à l'encontre de sa personne. C'est lui qui contribue
à la réalisation effective pour le
Vì?ómåg?'n du droit à une éducation, le droit
d'acquérir des connaissances nécessaires à sa future vie
d'adulte. Le tuteur est un personnage qui privilégie
l'intérêt supérieur du Vì?ómåg?'n, lui
donne une seconde chance dans la vie en lui assurant les droits
élémentaires et le protéger contre la violation de ces
droits. D'où son utilité et son statut dans la
société traditionnelle et moderne avant que la pratique ne
connaisse son évolution actuelle. Le tiers n'est pas le seul acteur de
la protection du Vì?ómåg?'n. La collectivité
intervient aussi pour que les droits de l'enfant Vì?ómåg?'n
soient toujours respectés et qu'il soit protégé contre les
abus et autres formes de violences.
2- Le
Vì?ómåg?'n : une protection traditionnelle de l'enfant
par la communauté
Si dans notre analyse, nous avions
montré que l'une des missions de la communauté dans l'univers
traditionnel, était la socialisation de l'enfant et de la prise en
charge de l'ensemble de son développement psychomoteur, affectif et
culturel, ce n'est qu'un pan de son action. L'autre plus grande mission
dévolue à la communauté dans cet univers est la protection
de l'enfant. Le débat sur la question de la protection de l'enfance par
la communauté, est d'un enjeu aussi considérable que nous
essayerons de montrer à travers la place de la communauté dans
cette immense tâche et plus particulièrement lorsque l'enfant est
placé auprès d'un tiers.
Mais avant, il ne serait pas provocateur de dire que, la
communauté dans l'univers traditionnel est par excellence l'institution
traditionnelle la plus originale et efficace de protection de l'enfant et plus
particulièrement du Vì?ómåg?'n. Rappelons que la
communauté selon la vision traditionnelle existe pour garantir les
droits naturels de l'enfant. Sa survie dépend énormément
de la réalisation de cette mission. C'est elle qui doit veiller à
la sûreté, au bonheur et à la protection de l'enfant dans
le respect des lois ancestrales et divines. Il s'agit pour elle de
protéger tous les droits en jeu qui permettent l'accomplissement de
l'humanité de l'enfant qui, rappelons-le une fois encore, est un
être éminemment fragile et vulnérable. Elle doit avant tout
sauvegarder ses intérêts et le protéger contre tout ce qui
peut le nuire. Telle est en résumé, la mission traditionnelle de
protection de l'enfant assignée à la communauté, qui de
par cette mission a la légitimité pour intervenir dans le cadre
de la protection globale de l'enfant. En ce qui concerne la pratique
Vì?ómåg?'n, cette mission de protection est plus attendue
car elle vise à assurer à l'enfant éloigné de sa
famille ses droits et à le protéger contre tout ce qui peut
nuire à ses intérêts et le nuire. C'est pour quoi, la
première grande action de la communauté, a été au
temps traditionnel de garantir la sécurité globale de
l'environnement de l'enfant Vì?ómåg?'n. Elle assure et
protège à l'enfant, le droit à la vie, le droit de survie
ou de vivre et le droit au développement. D'une façon plus
précise, la communauté assure et protège le droit
d'existence à l'enfant placé. Dans ce cadre, elle vielle
à ce que l'enfant placé ne soit exposé à des
situations pouvant conduire à la mort. Le tiers est bien informé
et sensibilisé à ce sujet. Quant au droit à la survie, la
communauté garantit ce droit en faisant de sorte que l'enfant
placé mange à sa faim. Elle veille qu'il soit bien nourri avec
des rations bien équilibrées. Le mécanisme traditionnel de
protection de ce droit se traduit par le devoir de tout membre de la
communauté de nourrir tout enfant placé ou de contribuer à
son alimentation. Cet appel à l'alimentation du
Vì?ómåg?'n, est plus important et précieux lorsque
le tuteur ou tiers en charge de son éducation, n'a pas les moyens
nécessaires pour le faire. Tout membre de la grande famille est
invité par la communauté à un devoir de solidarité
en garantissant à l'enfant le droit de vivre. Le droit de vivre est
confondu ici au droit à l'alimentation qui est la condition
indispensable à la réalisation des autres droits. Le droit de
vivre est un droit qui permet la poursuite de la vie et la communauté
fournit l'aide alimentaire nécessaire en cas de besoins pour qu'il soit
effectif pour le Vì?ómåg?'n. Nous voyons à travers
cette vision que la communauté, lutte contre la malnutrition et le
manque de nourriture dont pourrait être victime un enfant placé.
Au niveau du statut du Vì?ómåg?'n dans la famille
d'accueil, il faut souligner que, son statut ne doit pas être
différent de celui des enfants légitimes du tuteur. La
communauté veille à ce que le Vì?ómåg?'n,
soit considéré comme un enfant à part entière. Il
doit pouvoir être élevé et protégé sans
aucune forme de discrimination quand bien même, il se trouve
éloigné de ses parents biologiques. Elle veille à ce que
le tiers respecte cette obligation et garantit par ricochet le droit à
une famille à l'enfant placé. Elle protège l'enfant
contre toute forme de discrimination au sein de la famille d'accueil.
Dans le domaine de l'éducation, la communauté
oeuvre pour que la pratique Vì?ómåg?'n, soit bien
vécue par l'enfant objet de placement et perçue comme un moyen
d'intégration et de socialisation respectueux de sa dignité
humaine. L'enfant doit pouvoir bénéficier d'une formation de base
qui lui assure son insertion dans la vie communautaire. La communauté
n'admet pas qu'un Vì?ómåg?'n parvienne à l'âge
adulte sans qualification professionnelle pour se lancer dans la vie. Le tiers
sous la contrainte de la communauté, a l'obligation de transmettre ses
connaissances au Vì?ómåg?'n ou à défaut lui
assurer une formation à travers l'apprentissage d'un métier
choisi librement par l'enfant. C'est grâce à ce dispositif
traditionnel que des milliers d'enfants, ont appris un métier ou ont
été scolarisés de par le passé. Là encore,
l'action de la communauté est salutaire et précieuse. N'oublions
pas de souligner que l'ensemble des membres de la communauté est ici
aussi appeler à participer à l'éducation de l'enfant.
Chacun apporte sa petite contribution à quelque niveau que ce soit
à la réalisation du droit à une éducation dans cet
univers traditionnel.
Dans le domaine sanitaire, la communauté assure au
Vì?ómåg?'n, l'accès aux soins
élémentaires et appropriés. La bonne santé du
Vì?ómåg?'n revêt un enjeu et un défi pour la
communauté. Lorsqu'un enfant confié se porte bien, on estime que
le tuteur ou tiers joue bien son rôle de père éducateur. La
communauté l'aide à s'acquitter de ce devoir en lui donnant les
recettes principales en matière de traitement contre les possibles
maladies dont pourrait souffrir tout enfant dans la société. Ce
droit est si évident que, tout manquement est sanctionné et
perçu comme une offense à la collectivité. Il en est
également de même pour d'autres droits notamment le doit à
un logement, à un habillement décent, à la culture et au
repos. La communauté estime que tout enfant a droit de disposer d'un
toit, de pouvoir se vêtir de façon décente, de jouer au jeu
de son choix en toute liberté et de se reposer. Le devoir de protection
du Vì?ómåg?'n par la communauté ne se réduit
pas au seul volet de la garantie des droits élémentaires. Une
série d'actions coordonnées est mise en place pour le
protéger contre la maltraitance ou autres abus et l'exploitation
à des fins économiques du Vì?ómåg?'n.
En ce qui concerne les mauvais traitements, même si la
communauté accepte les châtiments corporels, elle ne tolère
pas que son usage soit exagéré et répétitif dans le
cadre de l'éducation du Vì?ómåg?'n. Elle ne
tolère pas qu'il soit fréquemment battu ou violenté. Les
souffrances morales et psychologiques à l'endroit d'un
Vì?ómåg?'n sont fortement décriées et
découragées par les responsables communautaires. Le tiers n'a pas
le droit de commettre des actes de violences et de maltraitance à
l'endroit d'un Vì?ómåg?'n, au risque de sanctions lourdes
perçues comme une déchéance sociale. L'exemple qui
illustre le plus la protection du Vì?ómåg?'n par la
communauté, est le retrait de la garde de l'enfant au tiers. En effet,
lorsqu'un tiers a recours de façon régulière à la
violence, la communauté à travers son premier responsable est
informé par les autres membres. Saisie, l'autorité appelle le
tuteur, lui conseille de revoir ses méthodes d'éducation. Si les
actes de maltraitance et de violences persistent, le chef retire la garde de
l'enfant et l'exclut de la communauté avec la perte de ses droits.
En matière de travail par exemple, même si la
communauté reconnaît comme l'écrit Denise L. NDEMBI, que
« le travail de l'enfant est un moyen de socialisation et
d'acquisition des compétences et incontournables pour son
avenir... 44(*)» ; elle le limite à des
tâches légères. Les tâches légères
tolérées par la communauté que peut exercer un
Vì?ómåg?'n, sont entre autres la vaisselle, le transport de
l'eau destinée à la cuisson de l'alimentation et les petites
courses. Tout le reste est perçu comme de l'exploitation et la
communauté le décourage énormément. Nous voyons
à travers ceci, que la communauté accepte dans une proportion
contrôlée et raisonnable, la participation du
Vì?ómåg?'n aux activités domestiques de la famille
d'accueil en contrepartie aux soins et protection que lui assure le tiers. Elle
veille à ce que, cette participation de l'enfant, ne dépasse pas
les capacités physiques et intellectuelles et ne porte pas atteinte
à son développement ou son épanouissement. À
travers cette position de la communauté, c'est toute la vision
traditionnelle du travail de l'enfant qui est ainsi précisée. Le
travail d'un enfant et par extension d'un Vì?ómåg?'n, ne
doit être qu'un travail d'initiation à la vie. Le travail ne
donnera à l'enfant que le goût à l'effort pour la
satisfaction de ses besoins. Nous voyons donc que, le
Vì?ómåg?'n est une forme de protection par la
communauté de l'enfant contre l'exploitation, la maltraitance et
l'esclavage. Elle garantit à l'enfant placé dans une autre
famille que sa famille biologique, les droits reconnus à l'individu dans
l'univers traditionnel béninois. Elle fait de sorte que l'enfant
placé puisse vivre dans des conditions humaines qui respectent sa
dignité. La communauté protège aussi les libertés
de l'enfant Vì?ómåg?'n notamment sa liberté de
religion, d'opinion et d'expression. La communauté a toujours
accordée une place à la parole de l'enfant placé afin que
la situation qu'il vit soit relatée de façon démocratique.
Elle oeuvre pour que le choix religieux de l'enfant placé soit
respecté lorsque ce dernier a une confession autre que celle du tiers.
La communauté a mis des garde-fous pour que la protection du
Vì?ómåg?'n soit une réalité. Pour ce faire,
elle responsabilise tous ses membres qui doivent l'aider à atteindre son
objectif de protection du Vì?ómåg?'n contre ses propres
parents en évitant qu'ils le vendent, le mettent en gage en violation de
ses droits. Chacun a une part de responsabilité lorsqu'un
Vì?ómåg?'n est victime de toute dérive. La
communauté est pour finir le garant social et moral de la pratique
coutumière d'entraide du Vì?ómåg?'n au
Bénin.
En résumé, la présente section
précise ce que représente la pratique
Vì?ómåg?'n dans l'univers traditionnel béninois, ses
origines et fondements. Elle a fait le point sur son évolution à
travers son développement et sa généralisation jusqu'aux
années 90. Elle montre aussi que, c'est une invention originelle de
protection de l'enfant par le tiers et la communauté pour lesquels, le
bonheur de l'enfant doit être la priorité de toute action dans la
société. La pratique protège l'enfant contre tout danger,
la maltraitance et l'exploitation. Elle protège spécifiquement le
Vì?ómåg?'n en incriminant certains comportements qui
peuvent nuire à son développement et à son
épanouissement. La pratique à cet effet, protège le
Vì?ómåg?'n aussi bien dans sa vie privée que
familiale dans le respect de la dignité humaine. C'est pourquoi, elle
demeure la pratique la plus approuvée par les béninois car non
seulement, elle garantit et protège les droits de l'enfant mais aussi
constitue une seconde chance réservée à une certaine
catégorie d'enfants au sein de la société. Elle a
fonctionné pendant des années et a fait le bonheur de nombreux
d'enfants issus de milieux pauvres et très défavorisés qui
constituent l'élite actuelle au pouvoir au Bénin. Sauf qu'au fil
des ans, l'idée originelle de solidarité qui sous-tend la
pratique va disparaître laissant place à une dérive qui
prend une ampleur très inquiétante. Cette dérive ou
perversion est la combinaison de quelques facteurs sociologiques et juridiques
à savoir la disparition du pouvoir de la communauté, la
modernisation non maîtrisée et l'absence de cadre institutionnel
de reconnaissance de cette noble pratique. Le Vidomègon de nos jours ne
fait plus le bonheur des enfants au Bénin mais au contraire
apparaît comme la source de leurs difficiles situations. Il a
été simplement détourné et perverti sous le silence
coupable des autorités.
DEUXIEME PARTIE : LA
DERIVE DU VIDOMÅGON ET LA PROTECTION DES ENFANTS PLACES AU BENIN
Au Bénin, depuis que la pratique du placement
d'enfants a subi une déformation à des fins inavouées et
commerciales, les Vì?ómåg?'n sont confrontés
à de nombreuses difficultés qui constituent un obstacle majeur
à leur épanouissement. Ils sont de plus en plus
maltraités, soumis précocement au travail ou encore victimes
d'exploitation économique et de traite en violation des
différentes dispositions nationales et internationales des droits de
l'homme et plus particulièrement des droits de l'enfant. La situation
malheureuse que connaissent ces enfants, a conduit à une prise de
conscience nationale des autorités publiques, qui ont tenté
d'adopter des mesures supplémentaires de protection en faveur de ces
enfants dont les effets tardent à contribuer à la
résorption du phénomène.
Nous essayerons de voir d'une part la problématique
de la dérive du Vì?ómåg?'n et ses
conséquences (Chapitre1) et comment la prise de conscience et la
volonté des autorités publiques a conduit à une
protection complémentaire des Vì?ómåg?'n au
Bénin avec des mesures spécifiques de protection d'autre part
(Chapitre2)
CHAPITRE 1- LA DERIVE DU
VIDOMEGON ET SES CONSEQUENCES POUR L'ENFANT
La dérive du Vì?ómåg?'n est une
réalité sociale dramatique que traverse une certaine
catégorie d'enfants au Bénin. Cette réalité de plus
en plus courante qui se développe avec une ampleur inquiétante,
est observée dans les principales villes du pays et même
au-delà des frontières nationales. Ayant connu une
évolution très remarquable ces quinze dernières
d'années, la dérive du Vì?ómåg?'n, profite
plus à des intermédiaires et dans une certaine mesure aux parents
et relèguent au second rang l'intérêt de l'enfant
placé. Elle viole ouvertement les droits de l'enfant. C'est pour cette
raison qu'elle est devenue la préoccupation politique des
autorités publiques qui essayent tant bien que mal d'en limiter le
développement ou la propagation. La dérive du
Vì?ómåg?'n défie particulièrement le
système national de protection de l'enfance. Ses conséquences
sont dramatiques pour le jeune enfant placé. Un
Vì?ómåg?'n de nos jours au Bénin est livré
aux mains de prédateurs que ce sont les trafiquants. Victimes
d'exploitation et de maltraitance, de trafic à l'intérieur et
vers l'extérieur du pays, les Vì?ómåg?'n vivent un
malaise profond. En plus, l'environnement dans lequel évoluent ces
enfants, ne favorise pas la jouissance et la garantie de leurs droits
fondamentaux. C'est le « phénomène
Vì?ómåg?'n », dont nous essayerons d'en
dresser le tableau à travers l'exposé de ses manifestations
(section1) ainsi que ses nombreuses conséquences en matière de
droits de l'enfant (section2).
Section 1- L'exposé de
la dérive Vì?ómåg?'n au Bénin
La dérive du Vì?ómåg?'n
apparaît aujourd'hui au Bénin comme une perversion de l'esprit
originel de solidarité qui a longtemps sous tendu la pratique de
placement d'enfant. Le placement d'enfant est devenu
« une activité plus commerciale qu'une
manifestation de solidarité collective45(*) » comme le souligne Aide et
Action Bénin. Cette mutation de la pratique solidaire à des fins
purement économiques marque un retour en arrière en ce sens que
la dérive instaure dans la société béninoise une
nouvelle forme d'esclavagisme des temps modernes. Nous allons essayer de voir
les manifestations de cette dérive à travers les questions de
maltraitance et d'exploitation économique des
Vì?ómåg?'n d'une part (Paragraphe1) et la traite de
l'enfant d'autre part (Paragraphe2).
Paragraphe 1-La
maltraitance et l'exploitation économiques des enfants
Vì?ómåg?'n
Au Bénin depuis plus d'une décennie, les
Vì?ómåg?'n font de plus en plus l'objet de maltraitance et
d'exploitation économique de la part des adultes et plus
particulièrement des tuteurs. Ils sont victimes du «
phénomène Vì?ómåg?'n ».
Malgré les nombreuses mesures de protection de l'enfant, la maltraitance
et l'exploitation des Vì?ómåg?'n sont de nos jours,
devenues des actes auxquels ont recours les personnes en charge de
l'éducation de ces enfants.
1- La maltraitance des
Vì?ómåg?'n
La maltraitance des Vì?ómåg?'n de nos
jours est un phénomène généralisé et
très banalisé qui a lieu dans la société
béninoise. Une plus grande majorité des tuteurs aujourd'hui a
recours aux violences pour éduquer un enfant
Vì?ómåg?'n. Le recours à la maltraitance dans la
pratique de placement, révèle pour notre part, la perception de
l'enfant dans la société béninoise actuelle et par
conséquent de la protection des droits et libertés de l'enfant.
Beaucoup de gens ayant en charge l'éducation d'un
Vì?ómåg?'n, considèrent comme normal, le fait que
l'enfant placé soit maltraité. Cet esprit est né des
différentes transformations induites par une « pseudo-
modernisation » du pays et les différentes mutations sociales
observées dans la société ces dernières
décennies. La maltraitance est présente dans la vie quotidienne
de ces enfants placés en violation aux instruments internationaux de
protection de l'enfant. Autrement, les dispositions internationales et
nationales qui interdisent la maltraitance ne sont pas respectées et
donc foulées au pied par les adultes. Essayons de définir le
concept et de préciser quels sont les différents types de
maltraitance que subissent les Vì?ómåg?'n dans la
société béninoise d'aujourd'hui.
Selon le dictionnaire Larousse, la maltraitance c'est le fait
de maltraiter un enfant ou encore l'ensemble des mauvais traitements
exercés sur lui. Maltraiter un enfant, c'est le soumettre à de
mauvais traitements ou lui infliger des violences inhumaines. Cette notion de
mauvais traitements est constante dans toutes les acceptations possibles de la
maltraitance au Bénin. L'Observatoire Français de l'Action
Sociale Décentralisée estime pour sa part qu'un enfant
maltraité est, « un enfant victime de violences
physique, cruauté mentale, d'abus sexuels, négligences lourdes
ayant des conséquences graves sur son développement physique et
psychologique 46(*)».
La définition onusienne est plus claire à ce
propos et rejoint ces deux précédentes définitions.
L'Organisation des Nations Unies, entend par maltraitance, toute violation
faite, toute référence à tout acte violent de nature
à entraîner ou risquant d'entraîner, un préjudice
physique, sexuel ou psychologique à l'enfant. L'ONU précise les
actes qui peuvent relever de la maltraitance. Ces actes sont entre autres les
menaces, les négligences, l'exploitation, la contrainte ou la privation
arbitraire de liberté de l'enfant, tant au sein de la vie privée
que publique. Cette définition de l'ONU est très large et
s'étend à l'exploitation de l'enfant.
La convention des droits de l'enfant, pour sa part,
définit la maltraitance comme, « toute forme de
violence, d'atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d'abandon
ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la
violence sexuelle commise à l'égard d'un enfant pendant qu'il est
sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou de ses
représentants légaux ou de toute personne à qui il est
confié 47(*)». Au niveau continental,
même si la Charte des droits de l'homme et des peuples, n'évoque
pas expressément la maltraitance de l'enfant, son article V qui interdit
toutes formes d'exploitation ou d'avilissement de l'homme aborde le sujet
à travers les traitements cruels inhumains ou dégradants. La
maltraitance est donc interdite par l'instrument juridique continental.
Au niveau national, le code pénal la définit
comme tout mauvais traitement subi par l'enfant résultant d'un acte des
parents ou du tuteur. La maltraitance selon le code pénal
béninois, englobe les négligences, les abandons, les abus
physiques ou matériels voire affectifs dont pourrait être victime
un enfant. Cette définition intègre entre autres la violence
physique qui comprend les châtiments corporels. Les articles 18 et 19 de
la constitution du 11 Décembre 1990, interdisent la maltraitance de
l'enfant. Ces articles interdisent le recours aux châtiments corporels
dans l'éducation nationale et prévoient des sanctions contre tout
agent de l'État, qui a recours aux actes violents dans le cadre de
l'exercice de sa mission. La maltraitance est donc réprouvée par
les lois nationales et est par delà tout interdite par la
société. Car, elle porte atteinte à la dignité de
l'enfant. Pour les cas avérés, la loi autorise l'intervention de
l'État à l'intérieur de la famille, qu'elle soit la
famille biologique ou famille d'accueil à travers le Procureur de la
République, qui doit automatiquement mettre en oeuvre une poursuite
judicaire contre le maltraitant de l'enfant. L'État en cas de
maltraitance avérée, a le devoir de retirer la garde de l'enfant
aux parents ou au tuteur et d'autoriser de façon administrative son
placement dans un centre ou dans une famille. L'enfant maltraité selon
la loi peut porter plainte contre ses parents ou contre le tiers responsable de
sa situation. Il a le droit de dénoncer toute personne qui le maltraite
au regard de la loi. Sauf que dans la pratique, l'enfant en raison de la
culture ne dénonce presque jamais son bourreau de façon
officielle. L'institution chargée de la lutte contre la maltraitance de
l'enfant au Bénin est la Brigade de Protection des Mineurs. C'est un
service spécialisé de la police nationale créée en
1983 par décret 83-233 du 29 Juin 1983. Ce décret sera
remplacé par le décret 90-186 du 20 Août 1990, qui
étend les champs d'intervention de la Brigade de Protection des Mineurs
à la lutte contre le trafic et la traite de l'enfant.
La maltraitance ainsi définie et abordée par
rapport aux instruments internationaux et textes béninois, nous
aborderons la maltraitance concrète des Vì?ómåg?'n
au Bénin. Soulignons que les enfants Vì?ómåg?'n
subissent toutes les formes de violences définies par les textes
internationaux. La première forme de violence que subissent les enfants
placés au Bénin aujourd'hui est constituée d'actes
physiques violents. Les violences physiques constituent la forme la plus
directe et la plus visible des mauvais traitements dont sont victimes les
Vì?ómåg?'n. Les violences physiques dont sont victimes les
Vì?ómåg?'n, sont des mauvais traitements physiques
constitués pour la plupart du temps de coups, de blessures volontaires
et de brûlures. Ce sont des actes qui ont un préjudice
énorme sur l'intégrité physique de l'enfant avec des
dommages corporels assez désastreux. Ce sont aussi les châtiments
corporels, les morsures et les brimades. Les violences physiques sont les plus
courantes et les plus nombreuses que subissent les enfants placés. Elles
sont facilement observables et mesurables sur les enfants qui en portent les
traces.
La deuxième forme de violence subie par les
Vì?ómåg?'n, concerne les violences d'ordre psychologique et
moral. Les violences morales sont des mauvais traitements psychologiques ou une
cruauté mentale. Selon Manciaux, la violence morale est une
« exposition répétée d'un enfant
à des situations dont l'impact émotionnel dépasse ses
capacités d'intégration psychologique 48(*)». Les
violences morales sont constituées d'agressions verbales, de paroles
blessantes et de dévalorisation systématique. Les violences
morales sont des actes servant à dénigrer et à
dévaloriser systématiquement le Vì?ómåg?'n,
caractérisés par des humiliations verbales et non verbales
accompagnées de menaces provoquant chez l'enfant placé la peur et
la crainte. Les humiliations concernent pour la plupart du temps, les
conditions des parents géniteurs des Vì?ómåg?'n ou
leurs propres capacités physiques voire intellectuelles. La
troisième forme de violence que connaissent les enfants placés, a
rapport aux abus sexuels. Les violences sexuelles concernent beaucoup plus les
filles. Elles peuvent être intrafamiliales ou extra-familiales. Dans le
premier, il s'agit de la domination par le tuteur ou par ses enfants avec des
agressions sexuelles notamment le viol le tout opéré avec
l'intimidation. Dans le deuxième cas, il est question des violences
sexuelles subies par la jeune ville Vì?ómåg?'n en dehors
de la famille d'accueil. Ce sont les actes commis par des adultes que cette
dernière rencontre dans le cadre de ses activités
généralement de vente dans les marchés ou ailleurs. En
gros, les violences sexuelles créent un véritable traumatisme
grave chez la jeune fille. Le viol répété entraîne
des grossesses non désirées et des maladies transmissibles dont
le SIDA. Les violences ou abus sexuels affectent sérieusement
l'épanouissement psychosexuel de la fille.
Voici les différents types de violences subies par les
enfants Vì?ómåg?'n dans la société
béninoise d'aujourd'hui. Pour illustrer notre analyse, nous avons
recueilli le témoignage de quelques enfants afin de se rendre compte de
leurs situations réelles. Ces enfants vivent une situation dramatique et
portent la marque de cette forme de cruauté qui témoigne de la
dureté de leur vie.
Koffi 11 ans, placé depuis qu'il avait sept ans
raconte : « J'ai été placé chez une
amie à ma tante paternelle, qui a promis que je serai scolarisé
et deviendrai soit un agent de police, soit un gendarme ou soit un cadre
instituteur. J'étais content de la suivre. Mais une fois arrivé
en ville, mes malheurs ont commencé et le projet de scolarisation a
été très vite abandonné. Je me charge de l'aider
dans son activité commerciale. Je suis quotidiennement battu et
violenté. Je dormais dans ce qui servait de cuisine à la famille
et me levais tous les jours à cinq heures du matin. Je dormais à
peu près cinq heures par jour et n'avais pas le droit à la
moindre pause. J'étais chargé des petites courses de la famille
et du nettoyage de la maisonnée. D'ailleurs, ma tutrice me frappait si
je ne me dépêchais pas ou ne faisais pas bien mon travail.
J'étais en plus battu par son mari qui n'est jamais satisfait de mon
rendement. Le mari me frappait avec une lanière aspergée de
purée de piment. Les deux m'insultaient tout le temps. Ma tutrice me
privait en plus de nourritures et ne s'occupait presque jamais de moi lorsque
je tombais malade49(*) ».
Agossi, âgée de 10 ans, orpheline de
mère et placée par son père chez une tutrice dans une
ville secondaire nous raconte son aventure lors d'un entretien :
« Je suis placée en tant que
Vì?ómåg?'n près de dame Gisèle
à Bohicon. Mon rôle est de l'aider en tant que domestique. Je me
charge des tâches domestiques de la maison. En plus, je l'aide à
vendre l'eau glacée et les yaourts qu'elle fabrique. Quand je n'apporte
pas la somme qu'il fallait ou quand je ne vends pas tout, elle me bat
très durement. Elle me menace quotidiennement de me tuer si je perdais
la recette de son commerce. Un jour, il m'avait manqué 50 F et comme je
n'ai pas de l'argent pour rembourser, je ne pouvais pas rentrer. J'ai
pleuré tout ce jour. Finalement, les gens du quartier m'ont
ramenée à la maison et elle a promis de ne pas me toucher.
À peine partis, elle se mit à me rudoyer et me tordre le cou, mes
bras et pieds. Elle m'a mis du piment dans le sexe. J'ai beaucoup souffert de
la brûlure occasionnée par cet acte ignoble. Elle me prive de
nourritures quotidiennement et ne garantit pas les soins lorsque je tombe
malade. Mon expérience avec elle est un enfer car je n'ai pas
été traitée comme une personne. J'ai été
très affectée et traine encore les séquelles et autres
traumatismes liés aux mauvais traitements que j'ai subis50(*) »
Jean-Louis, petit garçon de 10 ans, a connu une
mésaventure pareille que les deux précédentes.
Placé à Porto-Novo auprès d'un maître artisan, nous
disait-il, il a été victime de la dérive du
Vì?ómåg?'n. Jean-Louis a pour mission les travaux
domestiques et de l'entretien de l'atelier de son patron et tuteur à la
fois. Il dit avoir fait au quotidien objet de maltraitance, de brimades, de
négligences et autres humiliations. Pas d'alimentation et pas de soins
de santé pour lui. Sa vie est un rythmé par les coups et
blessures. Ce qui est insupportable pour moi disait- il, est que bien que je
sois docile, mon tuteur me traite de
Vì?ómåg?'n ingrat. Et pourtant, je n'ai pas droit
à l'école comme tous ses enfants, pas le droit d'être
habillé décemment, de m'épanouir et de vivre dans une
famille comme les autres enfants. Un jour alors que je n'avais pas mangé
la veille avant de me coucher, j'ai mangé le reste d'un repas le
lendemain matin avant de précéder mon tuteur à l'atelier.
C'était tout mon tort. J'ai été sérieusement battu
à mort par mon tuteur. Avec un « parmatoire » et une
lanière en peau de boeuf spécialement achetée à
cause de moi, il m'a tapé pendant plus d'une demi-heure. Je porte la
marque de cette inoubliable matinée car j'ai deux phalanges de ma main
droite qui ne peuvent plus se plier normalement. Je suis tout le temps
soumis aux durs travaux à l'atelier.
J'ai fini par fuguer et être accueilli par le centre Don Bosco de
Tokpota. Ici au moins je me sens mieux avec les prêtres qui m'ont
trouvé un nouveau patron qui me traite bien. Mais sa situation
antérieure me marque beaucoup. Je n'arrive pas à
l'oublier51(*) ».
Zanou, un petit garçon originaire de l'Atlantique
dans son témoignage nous livre les manifestations de la dérive du
placement d'enfant. Voici ce qu'il nous dit. « Je suis un
enfant malheureux, sans éducation et sans droits. Placé dans une
famille à Cotonou par mon oncle, mon rôle dans ma famille
d'accueil est de servir toute la journée les autres. Je suis
maltraité et exploité par la femme de mon tuteur qui vend au
marché Gbogbanou de Cotonou. Je dois me lever tous les jours très
tôt et aller faire sortir les marchandises. À dix heures, elle me
rejoint et nous commençons la journée. Quand elle vient, elle ne
me félicite jamais et se met toujours à m'insulter, m'humilier
ainsi que mes parents qui habitent Zinvié au village. C'est une honte.
Tout le monde est au courant dans ce grand marché de ma situation. J'ai
une journée de travail de plus de 12 heures. Je n'ai pas droit à
de pauses en plus et je transporte des charges lourdes toute la journée.
Elle m'inflige des traitements dégradants tous les jours. Battu,
insulté et privé de nourritures, je n'ai pas droit à un
seul mot ni demander quoi que ce soit. Elle est méchante à la
limite une sorcière car elle est sans coeur pour
moi... 52(*)».
Le dernier témoigne concerne l'abus sexuel dont sont
victimes les enfants placés aujourd'hui au Bénin notamment les
jeunes. Amida rapporte son cas. « Un jour après
avoir passé une journée à n'avoir pas réussi
à vendre mes produits, je m'apprêtais à me rendre à
la maison avec la peur au ventre et les représailles de ma tutrice,
quand un monsieur m'appela et me proposa de le suivre pour qu'il
m'achète mes produits. Naïvement, je l'ai suivi car il paraît
relativement bien. Il m'a conduit dans un endroit marécageux plus
précisément dans une chambre où il faisait
extrêmement noir. C'est arrivé là-dedans que je me suis
rendue compte qu'il n'y avait personne alors qu'il m'a rassuré que sa
femme et ses enfants y habitent. Il me tira dans cet endroit et m'ordonna de me
déshabiller. Je le suppliai de ne pas me faire du mal mais il continua
par me menacer en sortant un couteau. Sous la menace, j'exécutai et il
m'avait violé. Il ne m'avait rien acheté à la fin me
laissant avec mes pleures et chagrins. Arrivée à la maison,
j'informai ma tutrice qui n'a voulu rien savoir. Elle m'a encore frappé
parce que je n'ai vendu mes produits. Elle a refusé de m'emmener
à l'hôpital et d'aller voir mon violeur. J'en suis vraiment
affectée et regrette d'être née de famille pauvre. Elle me
traite en plus de petite prostituée depuis ce jour. C'est humiliant et
très dégradant. 53(*)»
Somme toute, ces différents témoignages,
montrent l'ampleur des violences subies par les Vì?ómåg?'n.
Coupés de leur environnement familial et protecteur, leurs droits
élémentaires sont bafoués. Leur situation est très
difficile et laisse ressortir de réels éléments de
maltraitance comme les sévices corporels (coups et blessures), la
maltraitance physique voire affective, les abus sexuels, la non scolarisation,
la surcharge de travaux non adaptés à leur âge. La
maltraitance des enfants met en évidence des actes de violations des
droits des Vì?ómåg?'n. Nous reviendrons plus tard de
façon détaillée sur la violation de leurs droits. La
maltraitance des Vì?ómåg?'n se manifeste également
par l'exploitation économique des enfants. C'est ce que nous
développerons dans notre deuxième sous-partie.
2- L'exploitation des
Vì?ómåg?'n : un drame social aux conséquences
énormes pour l'enfant.
Selon le dictionnaire Larousse, l'exploitation désigne
toute action d'exploiter, de mettre en valeur en vue d'un profit. C'est aussi
toute action de tirer un profit abusif de quelqu'un ou de quelque chose. Au
Bénin, l'exploitation des Vì?ómåg?'n à des
fins commerciales est monnaie courante. C'est une réalité
très complexe et très pernicieuse qui met en scène des
mineurs à travers le travail domestique, le travail dans les centres de
formation, marchés ou le travail sur les chantiers de construction.
L'exploitation économique des Vì?ómåg?'n est une
réalité très complexe qui va du simple travail anodin au
travail nocif nuisant à l'éducation, au développement et
à la santé des enfants placés. L'exploitation
économique des Vì?ómåg?'n s'observe essentiellement
à travers le travail sous ses pires formes. Elle prend de plus en plus
une ampleur dans les villes. Selon les statistiques avancées par
l'UNICEF en 2002, le Bénin compterait environ 1 041 668
enfants travailleurs de 6 à 14 ans sur l'ensemble du territoire pour une
population d'enfants estimée à 1.745.24954(*) selon le dernier Recensement
Général de la Population et de l'Habitation (RGPH) de la
même année. Selon l'organisation onusienne, le fléau fait
plus de 300 000 victimes chaque année dont essentiellement les
jeunes filles. Les filles représentent les deux tiers de cet effectif et
de ces enfants concernés par l'exploitation économique.
L'âge des enfants est compris en majorité entre 5 et 10 ans. Pour
les 10- 14, la tendance reste la même avec quelques 246.262 enfants
exerçant une activité économique selon une étude
réalisée par M. Agboli Agbo55(*) sur une population générale de 838.749
enfants de cet âge recensés en 2002 lors du dernier recensement.
Les résultats du chercheur montrent que l'exploitation par le travail
des enfants touche toutes les régions du pays. Ils placent en tête
les départements de l'Alibori et du Borgou avec respectivement
51,8%, et 36,7% d'enfants concernés par le travail précoce.
Viennent ensuite les départements du Plateau 35,5%, les Collines 34,2%
et le Zou 32,2% de leur population de 10-14 ans au travail. Suivent la Donga
avec ses 29,7%, le Couffo 26,1%, l'Ouémé 20,30%, l'Atlantique
19,6%. Le littoral et le mono ferment la marche avec respectivement 15% et 11%
de leur population. Ces chiffres ne montrent que la catégorie des 10-14
ans. Les chiffres de cette catégorie d'enfants combinés au moins
de 10 ans donnent la véritable ampleur de l'exploitation par le travail
des enfants placés au Bénin. Le moins qu'on puisse retenir des
Vì?ómåg?'n, est qu'ils sont victimes du travail
précoce. Le travail d'un enfant en lui-même n'est pas un
problème dans une société où l'initiation de
l'enfant aux travaux domestiques et champêtres constitue une forme de
socialisation. C'est la forme que prend ce travail qui pose actuellement
problème avec comme résultat l'exploitation économique des
enfants. Cette réalité nous conduit à clarifier le concept
de travail de l'enfant dans ce cas. L'organisation Internationale du Travail,
définit dans le sens de l'exploitation économique comme tout
travail dommageable au bien-être des enfants qui entrave leur
éducation, leur développement et leurs moyens d'existence futurs.
La Banque Mondiale pour sa part définit le travail des enfants
comme un travail exécuté par les enfants qui sont trop
jeunes au sens qu'en le faisant, ils réduisent indûment leur
bien-être ou leur capacité future à se faire un revenu.
Ces deux définitions montrent bien que le travail d'un enfant n'est pas
toujours bénéfique pour lui. Au Bénin, les
Vì?ómåg?'n sont très concernés par le
travail. La quasi-totalité des enfants placés aujourd'hui dans
des familles d'accueil se trouve confrontée à une situation de
plus en plus difficile et critique étant donné que
l'environnement dans lequel ils évoluent ne les protège plus
contre l'exploitation. Beaucoup de Vì?ómåg?'n sont
exploités par les familles adoptives. Ils sont soumis quotidiennement
aux pires formes de travail dont l'exploitation sexuelle. Ils sont contraints
à accomplir des travaux dangereux. Ce qui nous laisse penser que
derrière un Vì?ómåg?'n exploité, se cache un
adulte qui profite de situation d'enfant éloigné de ses parents,
d'être immature et vulnérable pour abuser de lui.
L'exploitation économique des enfants placés
constitue alors l'une des manifestations de la dérive du
Vì?ómåg?'n. Les enfants victimes de l'exploitation
économique, sont en général les
Vì?ómåg?'n employés comme domestiques ou apprentis.
Ils sont issus la plupart du temps de familles pauvres et rurales. Trois
catégories de Vì?ómåg?'n peuvent être
identifiées aujourd'hui au Bénin. Nous avons
les :
Les Vì?ómåg?'n
domestiques : Ce sont des enfants placés qui vivent
chez la famille d'accueil ou d'adoption et nourris par les soins de cette
dernière. Ils effectuent principalement les tâches domestiques de
la famille d'accueil : vaisselle, repassage, petites courses, lessive,
cuisine, garde d'enfants et conduite des enfants du ménage à
l'école. Ils sont contraints et exercent leurs tâches dans des
conditions pénibles à plein temps et sans
rétribution56(*).
Les Vì?ómåg?'n
vendeuses : Ce sont les jeunes filles qui travaillent
cumulant à la fois travaux domestiques et activités commerciales.
Cette catégorie de Vì?ómåg?'n travailleurs est le
gros lot constitué des filles vendeuses ambulantes que l'on rencontre
sur les grandes places publiques, les marchés et centres commerciaux de
la capitale et des principales villes du pays. Lorsqu'elles ne sont pas
vendeuses aux marchés, on les retrouve derrières les
étalages de leur tutrice ou tuteur en qualité de vendeuses dans
les boutiques ou encore en tant que servantes dans les restaurants et
bars57(*).
Les Vì?ómåg?'n producteurs ou
apprentis : Ce sont tous ces enfants qui travaillent dans
les centres de formation, ateliers, mines, carrières et sur les
chantiers de construction sans oublier ceux qui par leurs activités
permettent à leur famille d'origine de survivre. Parfois, ils sont
rétribués en fonction de leur travail mais avec un salaire
très insignifiant.
Le point commun à tous ces enfants est qu'ils sont
illégalement soumis au travail réglementé pourtant au
Bénin à 14 ans qui est l'âge légal de mise au
travail d'un enfant. Le travail des mineurs avant 14 ans est légalement
interdit. C'est dire donc que ceux qui emploient des
Vì?ómåg?'n comme domestiques ou agents économiques
devraient être punis au regard de la loi. Ce n'est pas le cas car
malgré cette disposition nationale, les Vì?ómåg?'n
continuent d'être soumis précocement au travail. Ils travaillent
en plus de leur jeune âge dans des conditions désastreuses et
inhumaines. Dans la plupart des activées qu'ils effectuent, le risque de
détérioration de leur santé est très grand et
très rapide dans un monde où ils sont plus
considérés comme une marchandise qu'un être humain.
Pourtant, les articles 34, 35 et 36 de la convention des droits de l'enfant
interdisant l'exploitation de l'enfant, montrent que tout enfant doit
être protégé contre toute forme d'action
préjudiciable à tout son aspect de son bien-être en raison
de son humanité. Revenons sur la situation des
Vì?ómåg?'n pour signaler qu'ils sont victimes au quotidien
de lésions et de maladies liées à leur travail. Leur
santé mentale, physique, affectif et leur éducation sont
sérieusement compromis. Ils manipulent des produits qui ne sont pas
adaptés à leur âge et travaillent plus de dix heures par
jour. Ils sont soumis au travail et exploités par des adultes notamment
des tuteurs ou tutrices en violation des dispositions nationales et instruments
internationaux de protection de l'enfant. Le cas des enfants apprentis dans les
centres de formation et autres chantiers de construction est très
révélateur de la situation de ces enfants qui connaissent des
troubles de croissance et des déformations. L'exploitation des
Vì?ómåg?'n à des fins économiques est
très perceptible dans le secteur informel qui échappe au
contrôle institutionnel et de la législation en matière de
protection de l'enfant contre l'exploitation et les pires formes de travail.
Malgré les nombreuses stratégies, mesures et mécanismes de
protection des enfants contre l'exploitation, la question au Bénin est
encore loin d'être résolue. La pratique de placement d'enfant est
devenue une source de richesse pour les citoyens qui s'organisent pour mettre
en place un système rôdé de violation des droits de la
personne humaine de l'enfant. Elle est devenue synonyme d'exploitation et
d'esclavagisme moderne qui prive les enfants Vì?ómåg?'n de
leur dignité en raison des préjudices et autres traumatismes
qu'elle leur pose notamment sur les plans affectif, mental, physique et moral.
En résumé, l'exploitation économique des
Vì?ómåg?'n est une triste réalité qui
consiste à mettre au travail de façon précoce des enfants
initialement placés pour des raisons d'éducation ou de
socialisation. La pratique traditionnelle de placement d'enfant devient alors
une sorte de marchandisation de l'enfant. Elle glisse vers une dérive
pernicieuse et devient par conséquent aux yeux des observateurs et des
défenseurs des droits de l'homme une pratique néfaste aux
conséquences lourdes pour les enfants. L'exploitation économique
des Vì?ómåg?'n devient alors la manifestation de la
dérive de ce que nous désignons par le
« phénomène Vì?ómåg?'n »
aux conséquences énormes pour l'enfant. L'exploitation
économique va à l'encontre des règles traditionnelles de
travail tolérable pour l'enfant dans le cadre de son éducation
pour ériger un système d'esclavagisme moderne. Elle se
développe également en violant les textes nationaux et
internationaux de protection de l'enfant. Considéré hier comme
un trésor, la première des richesses, l'enfant notamment le
Vì?ómåg?'n est devenu avec l'exploitation
économique, une marchandise, une ressource de revenus pour les
ménages, un élément d'ajustement des salaires pour les
fonctionnaires et de survie pour les parents géniteurs. L'exploitation
économique des Vì?ómåg?'n engendre la traite des
enfants : une autre manifestation de la dérive du
« phénomène Vì?ómåg?'n »
que nous examinerons dans notre second paragraphe.
Paragraphe 2- La traite
des enfants
L'exploitation économique des enfants placés a
un corolaire qui lui est intimement lié. On ne saurait parler de l'un
sans l'autre car les deux ont une commune finalité à savoir
l'utilisation de la main d'oeuvre enfantine à des fins
économiques. Il s'agit de la traite des enfants qui constitue en toute
logique la troisième manifestation de la dérive du
Vì?ómåg?'n. Définie par l'Organisation des Nations
Unies comme « le recrutement, le transport, le transfert,
l'hébergement ou l'accueil de personnes, aux fins d'exploitation, par la
menace de recours ou le recours à la menace ou à d'autres formes
de contraintes, par enlèvement, fraude, tromperie, abus
d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par
l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le
consentement d'une personne ayant une autorité sur une
autre 58(*)»,
la traite des enfants est une réalité qui frappe la
population fragile et vulnérable des Vì?ómåg?'n. La
traite des enfants se développe à l'échelle nationale avec
une extension vers les pays de la sous-région. Elle prend
concrètement la forme d'un trafic interne et de trafic externe.
1- Le trafic interne de
Vì?ómåg?'n
Selon la définition que propose le Petit Robert, on
entend par trafic tout commerce plus ou moins clandestin, honteux et illicite.
Le trafic est une transaction illégale qui implique une multitude
d'acteurs aux intérêts bien déterminés. On parle du
trafic d'enfants à partir du moment où est déplacé
de façon légale ou illégale un enfant d'un lieu à
un autre et plus particulièrement d'un pays à un autre. Le trafic
d'enfants s'entend également comme une transaction de mineurs. L'enfant
dans le trafic est l'objet et le but visé reste son exploitation
économique détaillée plus haut. Le trafic d'enfants
suppose la circulation des enfants avec des intermédiaires dont les
objectifs sont l'exploitation économique des enfants.
Au Bénin, les Vì?ómåg?'n sont
victimes d'un trafic interne très organisé. La production de ces
dix dernières années sur ce nouveau phénomène est
assez importante et renseigne sur les tenants et les aboutissants de cette
ignoble pratique. Le trafic interne est marqué par un déplacement
des enfants des zones rurales et défavorisées du pays vers les
grands pôles économiques notamment des centres urbains où
ils y sont livrés à des ménages à la recherche
d'enfants pour les aider dans leurs différents travaux domestiques ou
activités commerciales. Une étude menée par l'Unicef,
précise que (53,3%) des enfants victimes du trafic interne atterrissent
à Cotonou suivies de Parakou (11%) et de Porto-Novo (8,7%)
respectivement capitale économique de la région septentrionale et
capitale politique du Bénin. D'autres villes comme Bohicon,
Abomey-Calavi, Kandi, Abomey et Malanville accueillent le reste du contingent.
Ces enfants sont acheminés dans ces grands pôles urbains par route
ou par transport inter urbain et parfois par motocyclettes pour
échapper au contrôle des forces de sécurité. Selon
une étude réalisée par le Ministère de la Famille
en collaboration avec l'Unicef en 2002, 7 enfants placés sur 10 sont
victimes de trafic interne. 55% d'enfants trafiqués à Cotonou
selon Terre des Hommes sont des jeunes exploitées59(*). Placées dans les
foyers en ville, ces enfants s'occupent essentiellement des enfants de la
famille d'accueil, de la lessive, la vaisselle et de toutes autres formes de
travaux domestiques. Les enfants trafiqués sont
généralement accueillis en ville par trois catégories de
foyers. La première catégorie concerne les salariés,
fonctionnaires et assimilés de l'État ou du secteur public. Cette
catégorie rémunère très souvent sur la base de
louage les services des enfants placés. La deuxième
catégorie est constituée de commerçants,
commerçantes ou d'opérateurs économiques dont le niveau de
vie est très élevé par rapport à la moyenne
nationale. Les enfants sont pris en charge en retour des différents
services qu'ils rendent à la famille avec comme un avantage possible,
l'initiation aux règles de commerce. Les artisans, les petits ouvriers
sont ceux qui reçoivent en dernier le dernier contingent d'enfants
victimes de trafic interne. Les enfants sont ici exploités et
participent aux activités économiques du foyer. Le trafic interne
des Vì?ómåg?'n est assuré par des trafiquants qui
écument les villages avec des promesses souvent
irréalisées et irréalisables aux parents qui leur confient
leurs enfants. Ce sont eux qui tirent profit du trafic en gagnant de l'argent
sur le dos d'une part des enfants et des parents d'autre part. Les trafiquants
sont souvent des membres ou amis proches de la famille d'accueil, ce qui
facilite le confiage des enfants par les parents dont les conditions de vie et
la misère qui les accable, ne leur permettent pas de s'occuper de leur
progéniture. D'autres acteurs sociaux les aident à faire leur
sale besogne. Nous pouvons retenir entre autres les transporteurs, les agents
de l'État en l'occurrence les fonctionnaires de police, de la
gendarmerie et de l'administration qui les laissent faire. Les enfants sont
acheminés vers les villes sans aucune déclaration auprès
des services de la préfecture, de la mairie d'accueil ou des services de
police. Le trafic interne est caractérisé par quatre types de
trafic à savoir : le trafic-ouvrier, le trafic-don, le trafic- gage
et le trafic-vente.
Le trafic-ouvrier consiste à une utilisation de la
main- d'oeuvre enfantine, notamment l'emploi des Vì?ómåg?'n
âgés de 5 à 10 ans comme des aides à l'heure, des
aides-artisans, des aides-maçons, des coffreurs, des domestiques ou des
ouvriers agricoles. Le trafic-gage se réalise sur la base d'un contrat
qui lie les parents de l'enfant placé à son tuteur ou employeur
et se caractérise par la contraction d'une dette par les parents. Les
parents contractent une dette auprès du trafiquant et mettent en gage
l'enfant qui ne retourne qu'une fois qu'il a fini de rembourser cette dette.
Quant au trafic-don, il se distingue des deux précédents et se
caractérise par un don de l'enfant souvent à un membre de la
famille ou ami pour qu'il poursuive ses études ou qu'il suive une
formation professionnelle. Le trafic-don fait de l'enfant la
propriété de son tuteur. Souvent l'enfant donné est
confié par le tuteur à une autre personne en échange de
rémunération. La dernière forme de trafic est celle qui
met purement en vente l'enfant.
Somme toute, le trafic interne favorise le déplacement
illégal des Vì?ómåg?'n. C'est une forme de
déplacement d'enfants à des fins d'exploitation dans les foyers
en villes. Le trafic interne est donc lié à l'exploitation des
Vì?ómåg?'n par les adultes qui viole leurs droits
fondamentaux et élémentaires. Le trafic interne implique la ruse,
la tromperie des parents et la contrainte des Vì?ómåg?'n
qui sont utilisés de façon différente en fonction de leur
âge. Le trafic interne des enfants est devenu un prétexte
d'exploitation économique des enfants.
2- Vì?ómåg?'n
et le trafic externe
Le trafic externe encore appelé trafic transfrontalier
concerne les enfants béninois notamment les
Vì?ómåg?'n. Ces derniers sont les premières victimes
de cette manifestation de la dérive du Vì?ómåg?'n,
qui une fois encore était une pratique traditionnelle de placement par
les parents auprès d'un membre de la famille élargie visant
à assurer à l'enfant placé un gîte, un couvert, une
éducation et une formation professionnelle. Cette pratique de
rééquilibrage social est un prétexte pour exploiter
au-delà des frontières nationales les enfants. Les enfants
béninois en particulier les Vì?ómåg?'n sont
déplacés vers les pays limitrophes, d'Afrique centrale ou autres
par la ruse et placés dans des ménages étrangers où
ils y sont économiquement ou sexuellement exploités. La plupart
du temps, ce sont des membres de la famille élargie, qui sillonnent les
villages à l'intérieur du pays pour solliciter et obtenir sur la
base de fausses promesses la garde des enfants qu'ils vont vendre dans les
pays de la sous-région. Parfois, ce sont les trafiquants directement qui
écument les zones rurales déshéritées pour acheter
des enfants auprès de leurs parents contre 10.000 ou 20.000 de
FCFA60(*). Les parents
dans ce deuxième cas vendent leurs enfants comme domestiques,
travailleurs agricoles ou employés de plantation. Le trafic externe est
une réelle affaire de transaction dans laquelle les parents
cèdent leurs enfants à des acheteurs via un réseau
d'intermédiaires très structuré. On peut se demander pour
quelles raisons, une telle pratique a cours dans la société. La
principale raison souvent évoquée est la pauvreté. En
effet, beaucoup de parents éprouvés par les difficultés
sociales et surtout économiques n'ont pas les moyens pour supporter les
charges liées à leurs enfants nombreux dans ces milieux. Ils vont
recourir à cette pratique pour se débarrasser d'un certain
nombre. La réalité est plus perceptible et prégnante dans
les familles polygamiques très nombreuse. Le faible niveau
d'instruction constitue l'autre facteur qui concourt à la traite en
général auquel s'adjoint indubitablement l'ignorance par les
parents des lois. Au sujet du trafic externe, signalons que les enfants faisant
objet de cette manifestation de la dérive du
Vì?ómåg?'n sont acheminés vers des pays riches comme
le Gabon, le Nigéria, la Côte d'Ivoire où ils y sont
exploités dans les plantations de cacao, de coton...etc. Cet acte n'est
rien d'autre que de l'esclavagisme moderne dont les
Vì?ómåg?'n sont victimes. Comme son nom l'indique, la
traite des enfants à travers ce trafic vers l'extérieur est un
esclavagisme de notre temps. Selon l'Unicef quelques 200.000
Vì?ómåg?'n sont concernés par cet esclavage moderne.
86% des victimes sont des filles dont l'âge serait compris entre 5 et 14
ans. Social parle d'enlèvement pour désigner le trafic externe
des Vì?ómåg?'n. À une étude qu'elle a
conduite, elle démontre qu'il y aurait entre 1996 et 2000, plus de
10.000 enfants enlevés du Bénin vers d'autres destinations sans
leur consentement61(*). La
réalité est plus grave car il faudra multiplier par quatre voire
cinq ce chiffre pour se rendre compte de l'ampleur de ce trafic externe qui
n'est rien d'autre que la traite des enfants. Le transport des enfants vers
l'extérieur se fait avec des embarcations de fortune et par bateaux. Le
Bénin est devenu un pays pourvoyeur d'enfants vers ces pays
supposés plus riches. Quelques événements montrent le
caractère préoccupant de ce trafic. Nous retenons les
événements du bateau Etiréno et des petites mains dans les
carrières nigérianes.
En effet, le 17 Avril 2001, un bateau nigérian
après avoir été refoulé par les autorités
gabonaises et camerounaises, accosta au large des côtes béninoises
où il avait un mois au préalable embarqué quelques 147
clandestins. Le refoulement par ces deux pays considérés comme
récepteurs où la force du travail des enfants est
exploitée dans de nombreux secteurs de l'économie informelle
urbaine, rurale et dans la sphère domestique, s'explique par le fait que
le bateau était suspecté d'achalander le trafic d'enfants qui
sévit en Afrique de l'Ouest dont le Bénin en est un principal
pourvoyeur. À bord, il y avait 43 enfants, tous destinés
à la traite au Gabon, où ils devraient être employés
loin de chez eux et de leurs parents en tant que domestiques et travailleurs
dans les plantations de ce pays. Parmi les 43 enfants on notait 16 filles et 24
garçons. Les trois autres enfants étaient des
bébés. 16 filles et 7 garçons avaient moins de 15 ans. 31
d'entre eux voyageaient tous seuls c'est-à-dire non accompagnés
tant dis que 9 voyageaient à bord de ce bateau avec un parent notamment
un membre de la grande famille. Tous savaient sans exception qu'ils vont au
Gabon pour y travailler pendant une longue période de leur vie. 13 des
40 enfants proviennent du Bénin, huit du Togo, 17 du Mali, 1 du
Sénégal et 1 de la Guinée62(*).
Deux ans plus tard, une situation analogue se
répéta au Nigéria voisin où il a été
découvert plus d'une centaine d'enfants béninois
âgés entre six et seize ans exploités dans les
carrières de granit des États d'Abeokuta et d'Ogoun
situées au sud-ouest du pays. Il s'agit concrètement de 74
petites mains exploitées dans les carrières de ces deux
États qui cassaient des pierres pendant plus de 14 heures par jour sans
aucune mesure de sécurité. Ils avaient entre 4 et 10 ans et
présentaient à leur accueil à Cotonou les signes visibles
de la traite et de l'exploitation économique des enfants. Ce sont des
enfants très maigres, malnutris et maltraités portant les
stigmates de la violence du travail forcé. Ces deux cas ne sont pas les
seuls cas de trafic externe et de traite des enfants en République du
Bénin. En 1997 déjà, les autorités avaient
découvert 40 enfants dans les cales d'un navire amarré au port de
Cotonou à destination du Gabon. Le trafic externe des
Vì?ómåg?'n vers les pays étrangers est monnaie
courante. On les rencontre dans les capitales togolaise, burkinabè,
nigérienne, ghanéenne où ils y sont exploités. Ils
sont frauduleusement acheminés vers ces pays pour y être exploiter
en violation des instrumentaux nationaux, régionaux et internationaux de
lutte contre le trafic d'enfants. Les événements se multiplient
et se développent avec une ampleur inquiétante malgré
l'engagement de l'État béninois à faire respecter et
promouvoir les droits de l'enfant.
En résumé, ce paragraphe aborde la question de
la traite des Vì?ómåg?'n au Bénin, qui est un des
aspects visibles de la dérive, du détournement ou du
dévoiement du placement traditionnel des enfants. Abandonnés,
livrés à des trafiquants ou vendus par leurs propres parents,
forcés à travailler dans des conditions inhumaines, les
Vì?ómåg?'n constituent les victimes des maux dont souffre
le Bénin notamment de l'extrême pauvreté à travers
la traite dont nous ne venons de saisir les différentes formes. Les
violences à l'encontre des Vì?ómåg?'n,
l'exploitation économique et la traite ne sont pas de nature des
situations de garantie des droits de ces enfants. Au contraire, elles bafouent
leurs droits élémentaires et fondamentaux. En tout état de
cause, la dérive du Vì?ómåg?'n devient un
problème de droit de l'homme car violant les droits de l'enfant. C'est
justement ce que nous essayerons de développer à travers
l'analyse des conséquences de cette dérive en matière de
droits de l'enfant placé dans la suivante section.
Section 2 - Les conséquences de la
dérive du Vì?ómåg?'n
La dérive du Vì?ómåg?'n telle que
nous l'avions constatée dans ses différentes manifestations qui
la caractérisent, constitue un phénomène social aux
conséquences désastreuses pour l'enfant. La dérive
apparaît dès lors comme une négation des droits
fondamentaux et des libertés reconnus à l'enfant aussi bien par
la société traditionnelle que par la communauté
internationale à travers ses différents instruments de protection
de l'enfant. La violation des droits et libertés fondamentales des
Vì?ómåg?'n (Paragraphe1) a pour corolaire, la
fragilisation enfants par certains maux (Paragraphe2).
Paragraphe 1- Des droits
et libertés des Vì?ómåg?'n
Une analyse de la dérive du
Vì?ómåg?'n montre que c'est un phénomène qui
bafoue certains droits fondamentaux et libertés de l'enfant. Nous le
constaterons à travers ce paragraphe avec précision sur ces
droits et libertés violés au quotidien et essayerons de siuer la
la responsabilité des uns et des autres.
1- L'état des lieux des droits
fondamentaux des Vì?ómåg?'n
Alors que la pratique traditionnelle du
Vì?ómåg?'n était synonyme de respect des droits
élémentaires de l'enfant, la dérive les bafoue au
quotidien. Tout le monde se met d'accord pour reconnaître aujourd'hui que
la situation des droits des Vì?ómåg?'n est de plus en plus
difficile et reste caractérisée par une négation des
droits reconnus à la personne de l'enfant. Parmi ces droits fondamentaux
violés, nous avons la non- discrimination, le droit à la vie
notamment à la survie et au développement, le droit à
l'identité. Le droit à la protection à savoir la
protection contre les maltraitances, les mauvis traitements et autres abus, la
protection contre le travail et les autres formes d'exploitation, n'est plus
respecté et garanti aux enfants placés dans la
société. Ces droits ne sont que de la fiction pour ces enfants et
l'État ne réussit pas en assurer la jouissance effective à
ces milliers d'enfants dont le destin est clairement voué à
l'échec. Ils sont simplement abandonnés par tout le monde et
livrés aux trafiquants qui vivent sur le dos de ces enfants. Voyons de
façon plus détaillée comment ces droits sont violés
au quotidiennement.
Au sujet de la non- discrimination, signalons que l'article 2
de la convention relative aux droits des enfants, reconnaît à tous
les enfants quelque soit leur origine, leur condition sociale ou de leurs
parents, le droit d'être traités avec égalité et
respect des droits inhérents à leur personne. Les États au
regard de cet article 2 sont tenus d'assurer ce principe de non-discrimination
à tout enfant. Ayant ratifié la dite convention, le gouvernement
béninois est censé garantir à tous les enfants y compris
les Vì?ómåg?'n ce principe qui est une conséquence
de l'article 1 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
de 10 Décembre 1948. Ces deux articles qui font référence
à l'égalité, à la dignité affirment
clairement que tous les hommes sont égaux et ont droit sans aucune
discrimination à une égale protection. Ceci reste de loin
effectif pour les Vì?ómåg?'n pour qui la dignité
d'être humain reste très menacée par violences physiques,
les atteintes morales et psychologiques. Ils ne sont pas toujours
traités au même titre que les autres enfants de la
société. Aujourd'hui, être Vì?ómåg?'n
dans la société béninoise, c'est avoir un statut
différent des autres enfants et par conséquent de traitements
différents. Les situations où les enfants placés ou
confiés sont victimes de discrimination concernent la vie en famille, la
scolarisation, l'habillement sont nombreuses. Ils sont traités autrement
et il suffit de rendre visite à une famille pour se rendre compte de
l'état de discrimination de ces enfants. Habillés en haillons,
non scolarisés, les enfants placés ne vivent pas comme les autres
enfants de la famille d'accueil. L'écart de traitement entre un enfant
légitime, naturel et un Vì?ómåg?'n, renseigne bien
plus sur cette situation qui ne respecte pas la dignité de l'enfant
placé. En plus, la législation ne garantit pas de façon
concrète ce droit à la non-discrimination aux
Vì?ómåg?'n, ce qui ouvre la voie à toutes les formes
de violation de ce principe fondamental de droits de l'homme.
En matière de droit à la survie et au
développement de l'enfant, qui parait pourtant aller de soi au regard de
la représentation sociale de l'enfant dans la société, la
situation des Vì?ómåg?'n reste caractérisée
par une insécurité globale de protection de leur environnement.
Ils sont mal nourris, mal logés et mal soignés.
Quant au droit à l'éducation perçu comme
un droit qui concourt à l'autonomisation de l'individu et par voie de
conséquence de l'enfant, il n'est pas toujours garanti aux
Vì?ómåg?'n. Ce droit qui prône l'éducation
définie par l'Unesco, comme « le principal outil qui
permet à des adultes et à des enfants économiquement et
socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se
procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur
communauté 63(*) », n'est
pas toujours assuré à tous les enfants sur la base du
principe de l'égalité des chances. Très peu d'enfants
Vì?ómåg?'n ont accès au droit à
l'éducation consacré par la constitution béninoise du 11
Décembre 1990 disposant que « l'Etat pourvoit
à l'éducation de la jeunesse par des écoles publiques.
L'enseignement primaire est obligatoire. L'Etat assure progressivement de
l'enseignement public64(*) ». Le droit à
l'éducation est reconnu par la Charte Africaine des droits de l'Homme et
des peuples, adoptée en 1981 au Kenya notamment en son article 17 et
l'article 11 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de
l'Enfant de 1990, qui prévoit des droits éducatifs complets de
l'enfant africain. L'article 26 de la déclaration universelle des droits
de l'homme en a fait un droit inaliénable, car sans éducation, ni
instruction, il n'y a point de liberté et l'on reste sous tutelle et
dominée. L'éducation constitue au regard de déclaration
universelle, un rempart contre la violation des droits de l'enfant et la
discrimination. L'éducation, le levain de la société,
change l'homme et par conséquent participe au progrès de cette
dernière. Nous savions la place qu'accorde la société
traditionnelle à ce droit majeur et fondamental de la personne humaine.
Ne pas garantir l'éducation à l'enfance, c'est hypothéquer
tout progrès, la paix et la cohésion nationale. Une
société prospère est une société qui assure
en priorité à sa jeunesse une éducation. D'où la
foi que placent les instruments internationaux et le gouvernement
béninois à l'éducation. Malheureusement,
l'éducation n'est pas encore garantie à tous les enfants
béninois. Certaines catégories comme les enfants
handicapés et les Vì?ómåg?'n sont exclus de la
scolarisation pour des raisons que nous ignorons. L'État a pourtant
indiqué qu'elle est obligatoire. Cette situation des
Vì?ómåg?'n est à l'origine de la violation de leurs
droits. Le non-accès à l'éducation ou à une
formation, constitue pour nous, l'une des raisons essentielles de la situation
d'exploitation, de mauvais traitements et de traite des
Vì?ómåg?'n.
Du point de vue identitaire, les
Vì?ómåg?'n n'ont pas une identité. Leur
identité pour la plupart du temps est trahie et ils ne jouissent pas
toujours du droit d'être élevés par leurs parents comme le
recommande l'article 7 de la convention des droits de l'homme. À travers
cette idée, nous interpellons la responsabilité de l'État
à assurer ce droit à l'identité qui est un droit à
une nationalité et à la citoyenneté. Les
Vì?ómåg?'n n'ont pas une identité officielle car ils
ne disposent pas de pièces justificatives établissant leur
nationalité ou citoyenneté. Cet état de choses montre
clairement que l'État béninois n'oeuvre pas dans le sens de
l'esprit de la convention pour fixer le statut des
Vì?ómåg?'n au regard de la loi. L'identité
n'ouvre-t-elle- pas l'accès aux droits et autres privilèges
sans oublier les services qu'une nation propose à sa population ?
Les Vì?ómåg?'n en revanche au Bénin sont des enfants
sans identité, ce qui favorise la dérive notamment la violation
de leurs droits fondamentaux.
En matière de droit à la protection, signalons
que la situation actuelle des Vì?ómåg?'n n'est pas tout
à fait reluisante. Le droit au bien-être des
Vì?ómåg?'n n'est pas assuré car les décisions
relatives à leur placement ne tiennent plus compte de leur
intérêt de même que l'éducation qui leur est
réservée par les tuteurs ou toute autre personne ayant à
charge leur garde ou éducation. La situation est identique par rapport
au droit d'être protégé contre les mauvais traitements. En
effet, même si l'article 19 de la convention des droits de l'enfant,
convention à laquelle a adhéré le Bénin,
recommande aux États de protéger l'enfant contre toutes les
formes de violences et brutalités physiques ou mentales, contre
l'abandon, l'absence de soins, les mauvais traitements, l'exploitation et la
violence sexuelle, les Vì?ómåg?'n ne sont pas
concernés par cette mesure. Toutes les mesures de protection du
dispositif national ne tiennent pas compte de leur fragile et spécifique
vulnérabilité. C'est pour quoi, ils continuent d'être
victimes au quotidien de maltraitance, de négligences, de mauvais
traitements et d'exploitation économique dont les conséquences
sur leur développement physique et psychologique et leur vie ne sont
plus à mentionner. En matière de protection contre
l'exploitation, il importe de rappeler que la dérive du
Vì?ómåg?'n, soumet de façon très
précoce les enfants placés au travail. Ils sont contraints
d'accomplir des travaux dangereux nuisant à leur éducation et
développement. La protection contre l'exploitation et les mauvais
traitements des Vì?ómåg?'n n'est pas assurée par le
dispositif actuel de protection de l'enfance. Les
Vì?ómåg?'n avec la dérive, se voient dans la
foulée violer leur droit à la protection contre l'exploitation
sexuelle (Art 34 de la Convention des droits de l'enfant), leur droit
à la protection contre l'enlèvement, contre la vente et contre
les autres formes d'exploitation (Art 35 et 36 de la CDE).
Au sujet du droit à la santé, les
Vì?ómåg?'n ne jouissent pas comme le recommandent la
convention et les instruments régionaux du droit de jouir d'un meilleur
état de santé et d'être soigné (Art 24). Ce droit
qui paraît pourtant évident mis en oeuvre dans la
société traditionnelle, n'est pas totalement garanti aujourd'hui
aux Vì?ómåg?'n dans la société
béninoise moderne. Ils n'ont pas accès aux soins primaires de
santé comme le précisent les témoignages d'enfants que
nous avions rencontrés et mentionnés plus haut. La dérive
du Vì?ómåg?'n viole clairement le droit à la
santé entendu comme l'un des droits fondamentaux de l'enfant de
même que le droit à l'alimentation.
D'autres droits reconnus à l'enfant sont
également violés en ce qui concerne les
Vì?ómåg?'n. Il s'agit des droits à la culture, au
repos et aux loisirs. S'il est collectivement admis dans la
société traditionnelle que, l'enfant jouit d'un droit de
participer à l'animation culturelle de sa communauté, du droit au
repos et aux loisirs, la dérive du Vì?ómåg?'n ne
favorise plus la jouissance de ces droits reconnus dans les différents
instruments de protection de l'enfance. Les Vì?ómåg?'n
n'ont pas droit au repos, aux loisirs encore moins à la culture. Ils
travaillent plus de quatorze heures par jour, se lèvent les premiers et
se couchent les derniers dans les différentes familles d'accueil ou dans
les plantations. Ils sont privés de repos, n'ont pas accès
à la culture et ne peuvent pratiquer les loisirs de leur choix comme les
autres enfants de la société. Cet état de choses, montre
clairement que les enfants placés au Bénin ne jouissent pas des
droits pourtant reconnus aux enfants à travers les instruments de
protection. Les droits les plus élémentaires leur sont
déniés. Ils sont par conséquent désarmés et
constituent les oubliés de la Nation car les autorités trainent
toujours à clarifier leur situation légale.
2- La situation
générale des libertés fondamentales des
Vì?ómåg?'n
Du latin libertas, la liberté désigne «
l'état de l'homme libre » qui s'oppose à
« l'esclave ». La liberté au sens positif du terme
est la souveraineté inaliénable de l'être humain. Renoncer
à sa liberté c'est renoncer à son humanité comme le
signale Rousseau. Définie négativement, la liberté
symbolise l'absence de soumission, de servitude et de contrainte. Elle exprime
la situation d'une personne qui n'est pas sous la dépendance absolue de
quelqu'un d'autre. Les libertés fondamentales désignent
l'ensemble des droits subjectifs primordiaux pour l'individu, assurés
dans un État de droit ou une démocratie. Les libertés
fondamentales sont les grands piliers des droits de l'homme notamment ceux de
la première génération.
Au Bénin, le droit aux libertés notamment
à la liberté d'opinion, la liberté d'expression,
d'association ou de réunion et la liberté de religion, a
été tout le temps respecté notamment dans l'univers
traditionnel. Ce droit aux libertés a beaucoup évolué
depuis les années 1990 notamment avec la ratification par le
Bénin de la convention des droits de l'enfant. Cette ratification a
permis une progression importante notamment en ce qui concerne la prise en
compte de l'avis de l'enfant dans les décisions qui doivent
désormais veiller plus à son intérêt. Cette
avancée importante n'est pas pour autant une réalité pour
les Vì?ómåg?'n qui n'ont pas le droit à la parole
dans les familles d'accueil. Les Vì?ómåg?'n ne
bénéficient pas des ces libertés fondamentales
indispensables pour leur épanouissement et développement
physique, mental et moral. Ces libertés sont niées par la
dérive aux enfants Vì?ómåg?'n. En clairs, leur
liberté d'expression, d'opinion, de pensée et de religion sont
bâillonnées. Ils n'ont pas droit à la parole encore moins
de pratiquer la religion de leur choix ou avoir un avis sur un sujet
donné.
Considérée comme l'une des libertés
fondamentales de l'homme, la liberté d'opinion, reconnue par les
différents instruments juridiques de droit de l'homme notamment la
déclaration universelle des droits de l'homme, la convention relative
aux droits de l'enfant et dans le contexte africain par la charte africaine des
droits et du bien-être de l'enfant, est censée être garantie
aux enfants placés au Bénin. C'est une liberté
protégée au plan national qui implique pour le droit d'avoir sa
propre opinion sur un sujet donné sans être inquiété
par quoi que ce soit. Sauf que dans la réalité, les enfants
placés dans la société béninoise d'aujourd'hui ne
peuvent pas avoir d'opinion. Les tuteurs ou autres personnes ayant à
charge l'éducation des Vì?ómåg?'n, n'accordent
aucune importance à leur parole. Tout avis d'un enfant placé est
perçu comme un défi à la famille d'accueil et
considéré dénudé de tout sens. Dans une situation
qui oppose les enfants légitimes de la famille d'accueil ou toute autre
personne de la société, la parole des enfants placés n'est
pas toujours considérée. La parole des
Vì?ómåg?'n n'est pas prise en compte aussi par les juges et
autorités politico- administratives. L'image type socialement retenue
des Vì?ómåg?'n est qu'ils sont enfants fainéants,
paresseux, menteurs, voleurs, têtus et sournois. Cette image ne permet
pas d'affronter la parole de l'enfant à celle de son tuteur ou du
trafiquant. L'enfant placé victime de mauvais traitements, de violences
sexuelles ou d'enlèvement, ne peut se défendre et sa parole est
simplement bâillonnée, ce qui permet dans plusieurs affaires
impliquant des trafiquants ou tuteurs d'être innocentés et de se
tirer d'affaire. Ceci prouve que les Vì?ómåg?'n ne sont pas
écoutés et leur avis importe peu dans les ménages. La
plupart des tuteurs et tutrices aujourd'hui, considèrent que les
Vì?ómåg?'n n'ont pas droit d'exprimer leurs besoins, de
faire part de leurs difficultés encore moins donner leur avis sur une
question ou une situation donnée dans la famille d'accueil. Les
libertés d'expression et d'opinion des Vì?ómåg?'n ne
sont pas respectées pour eux. Ces deux libertés sont simplement
bafouées avec la dérive du placement d'enfant.
La négation des libertés fondamentales
s'étend à d'autres libertés fondamentales telles la
liberté de pensée, de conscience, de religion ou du choix de ce
qui est bien pour sa personne. Les Vì?ómåg?'n ne sont pas
toujours assurés de jouir d'une liberté de pensée et de
conscience. Ils ne peuvent pas non plus pratiquer la religion de leur choix et
manifester leurs convictions. Toutes ces libertés se trouvent
bafouées par la dérive du Vì?ómåg?'n. Dans
plusieurs cas, les enfants placés par exemple en matière de
liberté de religion, sont contraints de pratiquer sans aucun respect de
leur choix la religion de leur tuteur. Il est très difficile pour des
Vì?ómåg?'n de pratiquer dans une famille où les
tuteurs sont des évangélistes par exemple le catholicisme. Au
lieu d'aider les enfants placés à suivre l'enseignement religieux
qui leur convient, les tuteurs les obligent et contraignent à suivre
leurs propres pratiques en violation aux dispositions de droits de l'homme. Il
n'y a pas autre religion pour l'enfant placé que celle de son tuteur. La
dérive du Vì?ómåg?'n favorise ainsi
l'intolérance religieuse. C'est ainsi que, des enfants
Vì?ómåg?'n à la base pratiquants des religions
traditionnelles vont être obligés à devenir des
chrétiens contre leur propre volonté voire parfois devenir des
musulmans. On note en matière religieuse que les enfants placés
sont contraints à participer aux enseignements religieux, ce qui nous
conduit au coeur de la problématique des sectes. Beaucoup de
Vì?ómåg?'n sont victimes de l'influence des sectes qui les
manipulent juste pour qu'ils obéissent à leurs tuteurs ou
tutrices. Cette manière de faire arrache à ces enfants toute
dignité et surtout leur identité. Car dans ce processus, ils se
verront changer de nom. Leur nom d'origine est considéré comme
barbare et porte malheur pour le ménage et sa cohésion. Ils se
verront nier ainsi la reconnaissance de leur identité et des attributs
qui sont liés à leur personnalité. La situation en est de
même pour les libertés d'association et de réunion. En
effet, les Vì?ómåg?'n ne sont pas pour la plupart du temps
autorisés à fonder quelque groupe culturel, sportif et politique
ou d'y entrer. Les Vì?ómåg?'n pour finir ne jouissent pas
du droit à l'information pourtant reconnu comme contribuant à
l'acquisition des connaissances par l'enfant et à surtout à la
compréhension d'autres cultures notamment d'autres valeurs et moeurs.
La violation des droits élémentaires et des
libertés fondamentales par la dérive du
Vì?ómåg?'n traduit à quel point la situation des
Vì?ómåg?'n est critique et préoccupante. Les
conséquences de la dérive ne se manifestent pas seulement en
termes de violation des droits et libertés, elles s'expriment aussi par
des maux qui fragilisent les enfants placés.
Paragraphe 2- La
dérive du Vì?ómåg?'n et la fragilisation des enfants
placés
La dérive du Vì?ómåg?'n est une
situation qui fragilise énormément les enfants placés.
Cette fragilisation se caractérise par l'analphabétisme et une
dégradation sanitaire. Ce sont également des enfants
abandonnés oubliés par les pouvoirs publics d'où
l'importance d'analyser les maux dont ils souffrent à travers cette
sous-section.
1- Éducation et santé des
Vì?ómåg?'n
Le Vì?ómåg?'n, cette vieille et forte
tradition qui perdure dans la société béninoise, est
détournée de son but initial et se caractérise par la
violation des droits et des libertés des enfants placés. La
violation des droits et libertés des enfants traduit une certaine
fragilisation des enfants confiés. Aujourd'hui encore deux tiers des
enfants placés sont des filles. Une enquête menée en 1999
par ESAM, sur un échantillon de 138 personnes victimes de la traite,
dénombrait 96 enfants constitués principalement des jeunes
filles65(*). En
dépit de leur diversité ethnique comme le renseigne
l'enquête, ces enfants présentent des caractéristiques sur
le plan de l'éducation. La quasi-totalité des
Vì?ómåg?'n n'ont pas un niveau d'instruction suffisant pour
pouvoir se défendre. Malgré tous les progrès
réalisés par le Bénin ces dix dernières
années, la grande majorité des Vì?ómåg?'n ne
sont pas scolarisés et même l'entrée de la loi rendant
l'éducation materne et primaire obligatoire et gratuite ne leur profite
pas. Il y a clairement aujourd'hui plus d'enfants
Vì?ómåg?'n non scolarisés. Même si le taux de
scolarisation est en nette évolution depuis plus de dix ans, les
Vì?ómåg?'n ne bénéficient pas du minimum
reconnu en termes d'instruction. Beaucoup de tuteurs préfèrent
leur confier les activités domestiques et la garde de leurs enfants que
de les inscrire à l'école. Cette situation engendre un fort taux
d'analphabétisme dans le rang de ces enfants. En plus de la privation du
droit à un milieu familial, les Vì?ómåg?'n à
plus de 80% sont des illettrés. Toutes les études montrent
l'écart entre la scolarisation des enfants
Vì?ómåg?'n et des enfants ordinaires dans la
société. Il apparaît que les Vì?ómåg?'n
subissent un comportement discriminatoire. Cette discrimination s'observe entre
la différence du taux de scolarisation des enfants biologiques des
familles d'accueil et le taux général national de scolarisation
des enfants confiés dans le pays. Une petite nuance mérite quand
même d'être faite. Dans les zones rurales, cette discrimination
à l'égard des enfants confiés est moins ressentie et la
tendance générale est assez équilibrée.
L'inégalité entre le taux d'instruction des enfants biologiques
et les Vì?ómåg?'n dans les milieux urbains est bien connue
et très bien documentée. D'autres études menées ces
dix dernières années montrent aussi que, la grande
majorité des Vì?ómåg?'n n'ont jamais
été instruits ou ont un niveau très bas. Ce qui nous
semble important à préciser est de toute évidence le taux
d'analphabétisme élevé dans la population des enfants
confiés ou placés au pair. Le taux de déscolarisation est
aussi avancé et se justifie en général par le fait
que beaucoup d'enfants ont abandonné très tôt
l'école pour plusieurs raisons. Les raisons les plus connues sont le
défaut de paiement de contribution scolaire lié à la
situation de pauvreté des parents, le défaut lié au
décès d'un ou des deux parents biologiques, le faible niveau
d'instruction et de compétences des parents. À ces raisons
s'ajoutent le détournement ou la perte des valeurs traditionnelles
africaines et surtout la disparition de l'esprit de communauté. Cette
dernière raison est à l'origine des piètres valeurs
développées et entretenues par la société moderne
qui bafoue le droit à l'éducation des
Vì?ómåg?'n. Certains tentent d'expliquer cet état de
choses par la pauvreté. Certes, le lien entre la pauvreté et
l'analphabétisme des enfants est évident, mais il n'est pas pour
autant une raison pour justifier la violation du droit
élémentaire d'éducation garanti depuis la nuit des temps
dans la société traditionnelle à tout enfant comme nous
l'avions remarqué plus haut. Aujourd'hui, dans certaines consciences
individuelles renforcées par les pesanteurs sociologiques, les
Vì?ómåg?'n ne doivent pas aller à l'école car
une fois qu'ils sont inscrits, ils leur échappent et ne sont plus
malléables et moins faciles à exploiter et encadrer.
Sur le plan sanitaire, les Vì?ómåg?'n sont
aussi défavorisés et fragilisés par un manque de soins. La
santé mentale, physique et psychologique des enfants confiés
n'est plus de nos jours une préoccupation des personnes ayant à
charge leur garde. L'exploitation économique par le travail des
Vì?ómåg?'n entraîne des conséquences physiques
et provoque des troubles psychiques importants. Au plan physique par exemple,
les conséquences liées à l'exploitation sont surtout les
lésions et autres blessures qui sont la marque de la souffrance que
vivent les enfants placés. « Le port de charge
d'un poids excessif et le travail dans de mauvaises positions sont
particulièrement nocifs du point de vue de la croissance et du
développement du squelette et sont à l'origine des
déformations de la colonne vertébrale, du thorax et du
bassin66(*) »,
confirment une étude des experts du BIT. D'un point de
vue psychologique, les Vì?ómåg?'n ont une existence
chargée de soucis et de troubles. D'abord le transfèrement dans
un cadre d'accueil sans affection, amour et attention représente le
premier élément de destruction des enfants placés. Le
transfèrement dans une externe à leur famille d'origine,
crée des stress énormes chez les Vì?ómåg?'n
qui sont conscients de leur statut d'enfants dont les seuls devoirs sont
d'obéir, servir et générer de revenus aux tuteurs. Ils
n'ont ni droit de protestation ni de contestation. Ils ne peuvent exprimer
leurs sentiments encore faire preuve de créativité. Cet
état de choses provoque des bouleversements profonds chez les
Vì?ómåg?'n, qui sont atteints de troubles mentaux. La
plupart deviennent des marginaux, se renferment sur eux-mêmes. Ils sont
révoltés et développent des situations de rancoeur
très avancées. Les différents torts causés aux
enfants confiés par la dérive sont à l'origine des
situations de grandes criminalités que connaît la
société. Les enfants placés sont les parents pauvres en
matière de soins primaires de santé. Rappelons que la plupart du
temps, ils sont malades du paludisme, développent des diarrhées
chroniques et souffrent d'infections respiratoires aigües, sans être
soignés. Il ressort de cette analyse que la situation scolaire et
sanitaire des Vì?ómåg?'n est très dégradante
et ne leur permet de bien grandir, d'être entourés de soins et
de vivre dans l'insouciance et de s'épanouir comme les enfants
biologiques des familles d'accueil. Ils sont fragilisés par le
développement d'une nouvelle perception ou représentation de
l'enfant assimilable à de la marchandise. La
« marchandisation » des enfants dans la
société de nos jours fragilise leur éducation et
santé. Cette situation laisse envisager que les
Vì?ómåg?'n sont en danger permanent dans la
société. Les Vì?ómåg?'n ne sont pas seulement
fragilisés par ces deux maux aujourd'hui dans la société.
Ils le sont aussi grâce à une forme d'anomie aggravante,
d'où l'idée d'une protection juridique limitée.
2- Les Vì?ómåg?'n
fragilisés par l'absence d'une protection juridique
Ce sous- titre aborde la question de la protection juridique
des Vì?ómåg?'n et sert à évoquer la
nécessité pour la législateur béninois de faire
quelque chose pour ces milliers d'enfants abandonnés et oubliés
de nos jours. En effet, si au Bénin, le statut juridique de l'enfant
ordinaire semble être réglé et encadré aux plans
pénal et civil, en matière d'éducation, de scolarisation
et du travail, aucune disposition nationale au jour d'aujourd'hui ne fait
état de la protection de la catégorie d'enfants pourtant fragiles
et vulnérables que représentent les
Vì?ómåg?'n aussi vieux que le fondement même de la
société moderne béninoise. Autrement dit, le dispositif
national de protection de l'enfant au Bénin ne fait à aucun
moment cas de cette impressionnante population d'enfants à
l'échelle du territoire national. Il n'existe aucun mécanisme de
protection de ces enfants et le législateur béninois ne les a
pas mis au coeur de son action de protection des enfants de la
République. Nous sommes au regard de ce qui suit, en situation
d'absence de normes spéciales visant à assurer une protection aux
enfants placés, qui de fait sont abandonnés par
l'État.
En plus de cette absence de normes spéciales de
protection des enfants placés, force est de constater que la pratique
même de placement c'est à dire le Vì?ómåg?'n
ne fait l'objet d'aucun encadrement juridique. Et les pouvoirs publics ne font
rien pour remédier à cette situation et corriger cette grosse
imperfection du mécanisme de protection des enfants. Jusqu'à
aujourd'hui, la pratique n'est pas tout comme l'enfant
Vì?ómåg?'n, régie par un cadre juridique. Les
tuteurs et autres personnes en charge de l'éducation des
Vì?ómåg?'n ne sont soumis à aucune règle
juridique qui fixe ou détermine leurs droits et obligations à
l'égard de ces derniers. Ils sont libres et peuvent agir sans crainte et
sans être inquiété par la loi. Aucun dispositif ne
réglemente le Vì?ómåg?'n perçu à notre
avis comme une pratique d'adoption illégale malgré toute son
utilité sociale. Elle ne repose sur aucun fondement juridique. Pas de
procédure administrative de placement ou d'adoption d'un
Vì?ómåg?'n par un tuteur, tout se développe sur la
base du gré à gré entre les parents et le ou les tuteurs.
À aucun moment, l'État n'intervient dans la procédure de
placement des Vì?ómåg?'n. Il se tient à
l'écart et ne joue pas son rôle de protecteur de l'enfant.
Cette absence d'un cadre juridique qui fixerait dans un
premier le statut juridique de l'enfant et déterminerait les
règles de placement d'enfant dans un second temps, constitue une grave
erreur, une faute lourde et pénalise voire fragilise les
Vì?ómåg?'n. Cette anomie est la vraie source de la
difficile situation des enfants placés au Bénin. Ce vide
juridique relatif au statut du Vì?ómåg?'n et de la
pratique, nous montre que la protection de l'enfant n'est pas encore une
préoccupation des pouvoirs publics béninois.
Alors que les différents instruments internationaux
de droit affirment, réaffirment et demandent que, l'enfant en raison
de sa fragilité, son immaturité et sa
vulnérabilité, doit fait l'objet d'une attention
particulière, les Vì?ómåg?'n sont absents voire
exclus du dispositif béninois de protection de l'enfant. Sans statut
juridique les Vì?ómåg?'n ne peuvent avoir la garantie de
leurs droits. Or tout le monde s'accorde à reconnaître que c'est
le statut juridique qui donne accès à la réalisation des
droits. Sans statuts, les enfants placés ne peuvent qu'être
fragilisés, maltraités, exploités et soumis très
précocement au travail. Cette anomie que nous venons d'évoquer ne
peut que favoriser la violation des droits de l'enfant. N'ayant pas
réglé ce problème de statut juridique de l'enfant
placé et encadré juridiquement aussi la pratique de confiage
d'enfant, l'État va avoir recours aux mesures générales
internes et internationales de protection pour tenter d'assurer un semblant de
protection aux Vì?ómåg?'n. Mais malgré, le recours
à ces mesures, la protection juridique et sociale des
Vì?ómåg?'n reste toujours limitée. Nous reviendrons
plus tard sur cette protection à travers l'analyse du mécanisme
national de protection de l'enfant.
Résumons nos propos pour mentionner que la
dérive du Vì?ómåg?'n a des conséquences sur
les droits et libertés des enfants confiés dans la
société béninoise d'aujourd'hui. Elle les fragilise aux
plans éducatif, sanitaire et en termes de garantie juridique.
L'extrême dangerosité de la dérive a amené les
pouvoirs publics sous la contrainte de la communauté internationale,
à mettre en place des mesures visant à protéger les
Vì?ómåg?'n et à assurer leur bien-être. C'est
ainsi que plusieurs mesures ont été adoptées et plusieurs
textes renforcés comme le code de travail, les lois sur la traite des
enfants sans oublier les mesures sociales visant aussi à assurer la
protection des Vì?ómåg?'n. Nous verrons tout ceci à
travers notre deuxième chapitre consacrée à la protection
des Vì?ómåg?'n au Bénin.
Nous ne saurions finir ce chapitre sur la dérive du
Vidomègon sans aborder les raisons ou causes de cette situation.
Aujourd'hui, une réalité de fait pouvant élucider
l'émergence du phénomène Vidomègon dans la
société béninoise, est le passage à la
modernité. En effet, le passage à la modernité a
été très mal préparé, mal réussi, mal
maîtrisé voire non endogénisé. Le passage à
la société moderne au lendemain de l'indépendance a
désorganisé l'organisation sociale traditionnelle. La
communauté jusque-là garant de l'organisation sociale a
été dépouillée de son rôle par le nouvel
État né suite à l'indépendance en 1960 sans aucune
négociation. La communauté qui assurait autrefois
l'éducation et la socialisation a été
dépossédée de cette immense tâche au
détriment d'un pouvoir central qui n'est pas en mesure d'assurer ou de
garantir aux enfants de la nation l'accès à l'éducation.
Cette situation va conduire à un manque criard d'éducation dans
les familles nouvelles familles surtout en milieux défavorisés.
Le passage de la tradition à la modernité a aussi
contribué à l'éclatement de l'esprit familial, de la
solidarité et de l'entraide sociale. La communauté tout comme les
parents n'arrivent plus à exercer leur autorité morale et
parentale sur l'enfant. C'est toute l'idée de l'esprit de la
solidarité constitutive des sociétés traditionnelles
africaines qui se trouve menacée avec à la clé la
désorganisation du tissu et la dislocation de la famille au sens
traditionnel, lequel s'aligne désormais sur le modèle occidental.
En tout état de cause, la protection de l'enfant a pris un coup et ne
sera plus l'objet principal qui sous-tend le placement ou le confiage d'un
enfant. Au niveau politique, il est à signaler que, l'échec des
différentes politiques publiques en matière d'éducation
ainsi que de la non maîtrise de la démographie, de l'urbanisation
grandissante et désordonnée, a contribué en partie au
développement du phénomène Vì?ómåg?'n.
En gros, c'est l'échec de ce passage de société
traditionnelle à une société moderne non
maîtrisée qui a préparé le terrain au
phénomène vu que la tradition n'exerce plus son pouvoir
d'autorité.
La dérive du Vì?ómåg?'n tient aussi
du fait qu'au niveau économique, la situation du pays au lendemain des
indépendances n'a pas été favorable à la garantie
des droits fondamentaux de l'enfant. La pauvreté monétaire et
humaine que connaît le pays a été un élément
essentiel dans la perversion de la pratique traditionnelle d'entraide. En
effet, avec un Indice de Développement Humain (IDH) des plus faibles de
la planète soit 478 en 200667(*), le Bénin fait partie des pays pauvres et
très endettés du monde. Parmi les 9568(*) nations en
développement, le pays occupe le 80ème rang. Son
économie est très dépendante de l'extérieur
notamment du Nigéria et des pays occidentaux. La situation
économique, financière et sociale du pays est très
dégradée. Au niveau social, on constate une paupérisation
des couches sociales notamment en milieux ruraux. Malgré les
différents programmes d'ajustement structurel et de relance
économique de l'économie nationale intervenus ces deux
dernières décennies, la situation générale du pays
ne s'améliore guère et s'accentue avec un indice global de
pauvreté très élevé. Lorsqu'on prend
isolément les familles rurales, elles sont de plus en plus pauvres et
vivent continuellement dans un environnement économique aussi pauvre.
Elles n'arrivent plus à faire face aux besoins
élémentaires de leur progéniture à cause de
l'appauvrissement des sols, du faible rendement agricole, de l'ensablement des
lacs et lagunes mais aussi des fleuves. Une telle situation
génère la misère et le manque de ressources
financières. S'ajoutent à ces quelques éléments le
manque d'infrastructures sociocommunautaires de base. En ville, la situation
n'est guère reluisante. Les ménages des centres urbains sont
aussi frappés par la pauvreté essentiellement marquée par
un faible pouvoir d'achat auquel viennent s'ajouter le chômage et le
sous-emploi. Cette situation qui ne favorise guère la situation des
parents a des impacts directs sur la situation que subissent les
Vì?ómåg?'n. Elle a favorisé le recours à la
main d'oeuvre enfantine venue des zones rurales et
déshéritées en ville. Cette attitude
développée et entretenue par les citadins pour survivre va
modifier le paysage béninois en matière de solidarité. Les
pratiques traditionnelles et culturelles vont être simplement
dévoyées dont la pratique Vì?ómåg?'n. La
situation d'inertie de l'État démissionnaire et défaillant
a contribué à la perversion de la pratique
Vì?ómåg?'n. En effet, pendant des années
l'État incapable d'assumer ses rôles d'éducation, de
développement, d'aménagement du territoire, a adopté une
situation de silence coupable au sujet des Vì?ómåg?'n.
Pendant longtemps, le silence des autorités publiques et la
complicité coupable de la société tout entière ont
favorisé la perversion du Vì?ómåg?'n dont la victime
principale reste et demeure l'enfant issu de famille pauvre, analphabète
et déshéritée.
Au final, l'échec de la modernisation de l'État
moderne, son incapacité à assurer une survie aux populations,
l'affaiblissement de la communauté notamment du rôle de la famille
élargie, l'effondrement des valeurs traditionnelles de solidarité
et d'entraide, constituent les vraies raisons plausibles de l'émergence
de la dérive du Vì?ómåg?'n constatée au
Bénin depuis près de vingt ans dont la cible
privilégiée reste et demeure l'enfant pauvre et démuni. La
dérive portée sur la scène internationale va obliger le
Bénin va contraint à apporter des solutions. C'est lorsque cette
dernière lui intima l'ordre d'adopter des mesures effectives de
protection des Vì?ómåg?'n au risque de son exclusion de la
communauté internationale, que l'État béninois va tenter
de lutter contre le phénomène Vì?ómåg?'n via
des mesures spécifiques complémentaires. Ces mesures ne sont pas
toujours à la hauteur des espérances de la communauté
internationale et nécessitent plus d'actions dans le temps.
CHAPITRE 2- DE LA
PROTECTION GENERALE DE L'ENFANT À LA PROTECTION SPECIFIQUE DES
VIDOMEGONS CONTRE LA DERIVE DU VIDOMEGON.
Comme nous venons de le constater dans le premier chapitre de
cette deuxième partie, l'institution de la protection -sociale et
juridique- de l'enfant dans la société béninoise remonte
très loin et date de l'époque précoloniale et
traditionnelle. L'attachement au respect des droits et libertés de
l'enfant va être plus affirmé à l'indépendance en
1960, date de la naissance de l'État moderne béninois. La
protection en elle même n'a pas changé de philosophie mais le
sujet concerné c'est-à-dire l'enfant a évolué avec
une nouvelle conception de sa personne. L'État moderne à la
naissance reconnaît à l'enfant de nouveaux droits et est tenu de
les lui garantir au vu de ses engagements internationaux. En termes plus
juridiques, le pays se dota au lendemain de l'indépendance d'un arsenal
national juridique de protection de l'enfant auquel s'ajoutent des
dispositions internationales en la matière. Le Bénin à
l'instar des autres du pays du monde, a mis en place des instruments et
adhéré à des mécanismes juridiques de protection de
l'enfance. L'ensemble de ces deux instruments est censé assurer d'un
point de juridique, un environnement protecteur des droits reconnus à
l'enfant dans la société moderne.
Malheureusement, ce système de protection ne profite
pas à tous les enfants de la République plus
particulièrement aux Vì?ómåg?'n dont les droits et
libertés sont violés comme nous l'avions évoqué
dans le précédent chapitre. Cette situation suscite beaucoup
d'interrogations et la communauté internationale interpelle les pouvoirs
publics béninois sur leur devoir de garantie des droits de l'enfant.
C'est ainsi que les autorités vont revoir la stratégie nationale
en matière des droits de l'enfant. Dès lors, la protection de
l'enfant va évoluer. On passe progressivement d'une protection plus
générale de l'enfant (Section 1) à une protection
spécifique des Vì?ómåg?'n suite à la
perversion du Vì?ómåg?'n (Section2).
Section 1- La protection
juridique et sociale de l'enfant au Bénin
La protection de l'enfant a connu une rapide évolution
ces dernières années en raison de la conception de l'enfant dans
une société de plus en plus moderne et tournée vers la
mondialisation. La reconnaissance des droits fondamentaux et des
libertés de l'enfant comme le témoigne l'incorporation à
la constitution nationale de la convention relative aux droits de l'enfant
adoptée le 20 Novembre 1989 en est la preuve de l'importance
accordée par la société de la nouvelle philosophie des
droits de l'enfant. Dès le préambule de la Constitution du 11
Décembre 1990, « affirmant solennellement la
détermination du peuple béninois de création d'un
État de droit... dans lequel les droits fondamentaux et les
libertés publiques sont garantis et
protégés 69(*)», la question de la protection de
l'enfant a été au coeur des réflexions et des actions du
gouvernement. L'alinéa 2 de l'article 26 de la loi fondamentale est plus
expressif et consacre au titre d'une obligation constitution la protection de
la famille, de la mère et plus particulièrement de l'enfant.
D'une manière générale, l'État garantit une
protection à l'enfant. Cette protection qui repose à la fois sur
des textes nationaux (Paragraphe1) et des textes internationaux de protection
des enfants ratifiés par le Bénin (Paragraphe2).
Paragraphe 1- Les textes
internes de protection de l'enfant
La législation interne de protection de l'enfant repose
sur des textes de lois constitutionnelles existantes et des textes en
matière pénale, civile et sociale. Il y a donc une abondance de
textes internes qui garantissent la protection juridique, judiciaire et sociale
de l'enfant dans la société béninoise. Mais une question
fondamentale mérite d'être éclairée à
savoir : quel est l'enfant protégé par ces textes ? Le
présent paragraphe apporte des réponses à cette
interrogation formule une définition de l'enfant dans le droit
béninois tout en essayant de dresser un état des lieux de la
législation en matière de protection de l'enfant. Il aborde
également les mesures d'ordre institutionnel qui accompagnent cette
protection de l'enfant.
1- Etat des lieux de la protection de
l'enfant au Bénin
Avant de développer cet aspect, nous avions jugé
bon de clarifier le concept de l'enfant dans le droit positif béninois.
Ceci pourrait servir à comprendre et décrypter l'attitude de
l'Etat béninois à l'égard des
Vì?ómåg?'n. Selon la conception béninoise, on entend
par enfant, tout être humain qui n'a pas atteint sa majorité. Il
s'agit pour s'aligner sur les dispositions internationales, de tout être
humain âgé de moins de dix-huit ans. Mais l'une des
spécificités de la conception moderne de l'enfant, est ce que
l'enfant n'est pas considéré comme un adulte en devenir avec des
droits en devenir, mais un être à part entière dans la
société avec la même représentation en terme de
dignité, de projets et de protection tout comme l'adulte. Selon les
dispositions nationales, l'enfant au sens premier du terme est une mineure
jouissant de statut d'être humain ne pouvant encore se défendre et
satisfaire tout seul ses besoins essentiels. C'est un adulte certes en
miniature, mais qui doit pouvoir comme le précise Aurélie La Rosa
se « développer normalement, matériellement
et spirituellement... 70(*)». L'enfant doit être
protégé et recevoir l'attention particulière des uns et
des autres en raison de sa fragilité et de sa
vulnérabilité sous-tend la conception moderne de l'enfant. La
protection d'un enfant devient dans la conception moderne une obligation. C'est
pour cela, qu'elle a été consacrée dans la constitution du
11 Décembre 1990. C'est une conception qui est issue de la perception
traditionnelle de l'enfant, notamment au regard de son rôle et de sa
place dans la survie de la société. L'enfant dont il s'agit est
vu dans son état complet avec des droits et devoirs bien précis
et déterminés. Cet enfant dans la conception béninoise,
n'est pas appréhendé avec différence montrant ainsi que
dans la nouvelle vision il n'y a pas de différence entre les enfants de
la société. Il n'y a pas une distinction à effectuer entre
un enfant handicapé et un Vì?ómåg?'n encore moins
entre un enfant légitime et un enfant naturel ou un enfant dont les
parents sont pauvres. Tous les enfants sont identiques, ils ont les mêmes
droits et devoirs au sein de la société et méritent
d'être protégés de la même manière.
Toutefois, l'analyse du droit positif béninois montre que le
statut officiel de l'enfant est établi en fonction de son âge. De
l'analyse se dégage l'établissement d'un âge légal
par le législateur béninois. Cet âge diffère selon
les matières. En matière civil par exemple, le nouveau code des
personnes et de la famille établit la capacité juridique de
l'enfant à partir de 21 ans, alors qu'en matière politique le
droit de vote est accordé dès l'âge de 18 ans71(*). En matière
pénale, l'âge de la responsabilité pénale est
fixé à 18 ans selon l'article 1 de l'ordonnance 69-23 du 10
Juillet 1969 relative au jugement des infractions commises par les mineurs de
moins de 18 ans.
Quant à la protection concrètement dite de
l'enfant, il faut signaler qu'elle concerne les champs civil, pénal,
éducatif, social, sanitaire, du travail et de la maltraitance. C'est une
protection à priori complète et totale vu les domaines qu'elle
touche. Essayons de ressortir les plus grands points de cette protection afin
de se rendre compte de son efficacité concernant les enfants
placés.
Le premier champ que nous abordons est la protection civile de
l'enfant dans le droit béninois. Il faut signaler que dans le droit
béninois, le code civil confère à l'enfant dès sa
naissance un statut. Il définit précisément la nature de
ses liens de filiation et les nombreux droits et devoirs qui en
découlent, destinés à préserver son
éducation et à lui assurer un développement harmonieux. Le
code civil définit aussi les différents attributs de
l'autorité parentale tout en garantissant les intérêts de
l'enfant. C'est l'article 371 du code civil qui organise l'autorité
parentale. L'article 372 dispose que l'autorité doit être avant
tout assurée par les père et mère légitimes en
commun accord. En général, comme le précise F.A. Saizonou,
« l'enfant dans selon l'esprit du code civil
béninois, n'exerce pas lui-même ses droits 72(*)». Cette
présomption d'inaptitude dérivant de la minorité de
l'enfant entraîne selon cet auteur une conséquence importante
à savoir que le mineur doit être placée sous une
autorité qui sera non seulement chargée de le guider, de
l'élever mais de l'éduquer. C'est ce que prévoient les
articles 371 à 381 du code civil béninois. En ce qui concerne
l'administration et la jouissance légale des biens de l'enfant, les
articles 382 à 389 en déterminent les principales règles.
C'est ainsi que selon l'article 383 du code civil, les biens d'un enfant sont
gérés par le père avec le concours de la mère et,
dans les autres cas sous le contrôle du juge, soit par le père,
soit par la mère. L'administration sous entend que l'enfant ait des
biens propres. Or dans la culture béninoise, les biens d'un enfant ne
sont connus après le décès d'un ou des deux parents. Cette
situation n'empêche tout de même pas d'asseoir d'une protection
civile des droits de l'enfant. Au plan civil, l'enfant est
protégé dans son identité et son nom doit être
respecté au regard de la loi. Il a droit à un nom qui doit
être son identifiant et tout changement abusif à quelque fin et
pour quelque motif qu'il soit de son identité est sanctionné.
Au plan pénal, la loi assure une protection
générale à tout individu. En conséquence, l'enfant
bénéficie lui aussi de toute la protection prévue par le
droit pénal. Il jouit d'une protection juridique et judiciaire qui doit
respecter ses droits et ses intérêts en toute situation et
circonstance. La loi prévoit une protection plus soutenue à tout
enfant victime d'actes violant ses droits, lorsqu'il commet une infraction ou
se trouve en danger moral et social. À ce sujet, signalons que les
peines encourues par les auteurs d'infraction à l'encontre de l'enfant
sont plus sévères et plus graves lorsque la minorité ou la
vulnérabilité de ce dernier est plus constatée. Le code
pénal punit la maltraitance protégeant ainsi l'enfant contre
les mauvais traitements. En cas de maltraitance avérée dans un
ménage parental par exemple, c'est le juge du tribunal correctionnel qui
doit connaître de l'affaire et intervenir plus rapidement afin de trouver
une famille de remplacement à l'enfant. L'article 316 du code
pénal assure la protection du mineur âgé de moins de 15 ans
en définissant en sa faveur un régime spécial. Le code
pénal béninois protège le mineur contre biens d'autres
choses. L'article 300 punit l'infanticide et condamne à une peine allant
de 10 à 20 ans toute mère auteur ou complice d'infanticide. Il
condamne à la peine capitale toute personne auteur ou complice
d'infanticide. L'article 312 punit d'une peine allant de 10 à 20 ans
toute mère et de travaux forcés à perpétuité
tout auteur ou complice responsable de la privation de la vie d'un enfant sans
en avoir l'envie ou l'intention. Ces dispositions montrent bien la place
accordée au droit à la vie d'un enfant dans le droit
béninois. Au- delà du simple principe de respect de la vie, cette
position offre la garantie à des milliers d'enfants
polymalformés, handicapés, enfants mystiques de pouvoir survivre
et de vivre comme tout enfant dans la société. L'article 345
punit l'enlèvement et le recel d'enfant d'une peine de 5 à 10
ans, tant dis que l'article 351 punit l'incitation à l'abandon d'un
enfant. L'abandon ou délit des tiers, lorsqu'il est accomplit dans un
esprit de lucre est sévèrement punit par la loi. Cet article
protège l'enfant contre un placement à but lucratif
c'est-à-dire à ds fins économiques.
En ce qui concerne la protection d'un enfant auteur
d'infraction ou en danger, c'est l'ordonnance N° 69-23/PR/MJL du 10
Juillet 196973(*) relative
au jugement des infractions commises par les mineurs, qui en fixe les
règles. Cette même ordonnance précitée garantit la
protection juridique et judiciaire des mineurs de moins de 18 ans. Cette
ordonnance règle de façon générale toutes les
questions liées aux juridictions compétentes pour connaître
d'une affaire concernant ou impliquant un mineur. Elle prévoit des
dispositions de faveur à l'égard du mineur de 13 ans. Ces
dispositions qualifiées de particulières concernent entre autres,
l'instruction obligatoire avant jugement, l'enquête de
personnalité, le huis-clos et l'assistance judiciaire. L'article 56 de
cette ordonnance recommande la prise en charge des frais de l'assistance
judiciaire du mineur de 13 ans par la collectivité c'est-à-dire
par le trésor public lorsque les parents biologiques de ce dernier
n'ont pas les moyens de les payer. Les décisions des tribunaux doivent
être des mesures d'assistance, de rééducation et de
surveillance afin d'aider le mineur à évoluer en harmonie avec la
société tout en se corrigeant. Les articles 309, 345 à
347 et 354 du code pénal et l'article 1240-6 du même code
prévoient d'autres infractions sur la personne du mineur et des
sanctions qui en découlent74(*). C'est le cas par exemple de déclaration
d'enfant à l'officier civil hors délais, du défaut de
déclaration ou de remise de nouveau-né. Le refus de restitution
d'enfant et la non-représentation d'enfant, qui sont punis par les
articles 345 et 357 du code pénal. Les articles 332-2 et 333 punissent
le viol, les agissements impudiques ou les attentats à la pudeur,
l'exploitation sexuelle et le proxénétisme. La protection contre
les mauvais traitements, les déplacements illégaux de mineurs et
les enlèvements de mineurs sont régis par la loi 61-20 du 05
Juillet 1961 relative au déplacement des mineurs de moins de 18 ans hors
du territoire national, et l'ordonnance de N° 73-37 du 17 Avril 1973
relative à la traite et à l'enlèvement qui mineurs. Cette
dernière ordonnance a modifié le code pénal en
matière de traite des personnes et d'enlèvement de mineurs. Elle
punit sévèrement l'enlèvement de mineur de la peine
capitale. Elle a été adoptée afin de lutter contre les
différentes formes de maltraitance, les mauvais traitements dont
pourrait être victime un enfant. Elle dispose que
« aucun mineur dahoméen de moins de dix-huit ans
ne pourra quitter le territoire s'il n'est porteur de l'autorisation
spécialement établie par le sous-préfet de son lieu
d'origine75(*) »
Au plan social et sanitaire, la protection de l'enfant est
assurée dans le droit béninois par d'importants décrets et
ordonnance. En matière de protection sociale, c'est l'ordonnance 73/03
du 17 Janvier 197376(*) et
le décret 84/67 du 31 Janvier 198477(*), qui instaurent les prestations sociales au profit
des enfants. En effet, même si théoriquement les prestations
familiales dont l'introduction dans la société béninoise
remonte à 1955, doivent être fournies à tous les enfants,
elles ne concernent dans le droit positif béninois que les enfants dont
les parents sont des fonctionnaires de l'État. Autrement les prestations
familiales ne concernent pas les Vì?ómåg?'n notamment leurs
familles. L'ordonnance 73/03 de Janvier 1973 limite son champ aux enfants des
fonctionnaires de l'État. Les enfants dont les parents travaillent dans
le secteur privé bénéficient depuis les années
1990 d'un régime spécial. La grande majorité des familles
ne bénéficient pas d'allocations familiales. Le paysan, l'artisan
et le commerçant du secteur informel, ne bénéficient pas
de cette allocation pour pouvoir faire aux charges de leurs enfants. Cette
limitation des allocations aux seuls agents travailleurs du secteur public et
dans une certaine mesure du secteur privé a d'énormes
conséquences sur la situation générale de la protection
sociale des enfants. Pour réparer cette injustice, l'État a mis
en place un dispositif plus léger et sans grande envergure de protection
sociale. Il s'agit d'un dispositif de secours au profit des enfants malheureux,
les secours pour résoudre les problèmes d'urgence d'un
nécessiteux ou d'un indigent, les aides ponctuelles allouées
à certaines familles, les secours temporaires pour aider un indigent
à résoudre un problème, les aides en cas de maladie grave
et les secours à l'enfance malheureuse, institué par le
décret N° 84/67 du 31 Janvier 1984. La protection sanitaire de
l'enfant est régie en République du Bénin par un
décret datant du 4 Mars 1977. Il s'agit du décret 77/57 du
4/03/1977 rendant obligatoire la vaccination contre certaines maladies telles
que la Tuberculose, le Trétracoq, le BCG. Par cette obligation de
vaccination, l'État consacre le droit à la santé dans son
dispositif de protection de l'enfance. Sans la santé, la vie d'un enfant
n'aurait aucun sens. La santé étant un des biens précieux
de l'homme et en particulier de l'enfant, il faudra en garantir la jouissance
à l'enfant afin qu'il évolue harmonieusement.
Au plan du droit de travail, la protection de l'enfant en la
matière remonte à la période coloniale avec le
décret N° 1783ITLS/D du 12 Juillet 1954. Il sera modifié par
l'arrêté N° 371/MTAS/DGM/DAS du 26 Août 1987. Ces deux
instruments autorisent l'enfant à accomplir des tâches dites
légères de caractère saisonnier ou temporaire. La
durée de travail ne doit en aucun cas dépasser 4 heures et demie
par jour selon l'arrêté du 26 Août 1987. Il interdit aussi
le travail de l'enfant entre 20 heures et 8 heures. L'arrêté
interdit également le travail d'un enfant les dimanches et jours
fériés. La loi prévoit que les enfants ne peuvent
travailler que sur l'accord de principe ou sur l'autorisation de leurs parents.
Elle traite également de la nature des travaux et interdit tout travail
en usine pour les mineurs. Le dispositif interdit pour les enfants les travaux
insalubres et dangereux comme les graissages, les réparations de machine
en marche, les nettoyages et autres travaux sur des machines dont les parties
dangereuses ne sont pas recouvertes d'un dispositif de sécurité.
Cet arrêté n'est plus d'actualité car il a
été remplacé par la loi 98-004 du 27 Janvier 1998,
portant sur le code du travail, qui réglemente le travail de l'enfant.
Elle protège l'enfant contre le travail et s'applique et peut être
considérée comme une loi essentiellement faite pour les enfants
Vì?ómåg?'n. Cette loi à travers l'article 3
dispose : « le travail forcé est interdit de
façon absolue 78(*)». En interdisant le travail
forcé, cette loi a été adoptée pour protéger
les enfants Vì?ómåg?'n soumis à des travaux
forcés et dans des conditions déshumanisantes. L'esprit de cette
loi est de renforcer la protection des enfants en matière de travail et
d'apprentissage et dans les différentes formes d'exploitation
auxquelles ils sont soumis par leur patron, contre la violation de leurs droits
et libertés fondamentales. Cette loi garantit également les
droits au repos, au congé et aux loisirs des enfants. C'est une loi qui
protège l'enfant en matière de formation professionnelle. Elle
limite l'âge d'entrée en apprentissage pour les enfants ou au
travail. Quant à la protection de l'éducation, signalons que,
c'est l'ordonnance N° 75-30 du 23 Juin 1975 qui garantit le droit à
l'éducation à l'enfant au Bénin. Ce droit à
l'éducation se trouve consacré par la constitution du 11
Décembre 1990 notamment dans son article 13 disposant en sa teneur que :
« L'État pourvoit à l'éducation de la
jeunesse par des écoles publiques. L'enseignement primaire est
obligatoire et l'État doit assurer progressivement la gratuité de
l'enseignement public 79(*)». Cette disposition assure une
scolarisation obligatoire à tout enfant jusqu'à 12 ans. Pourtant
la gratuité de l'enseignement n'a pas toujours été
assurée. Elle ne le deviendra qu'en octobre 2006 avec son cortège
de problème d'application dans les zones
déshéritées.
Au-delà de ces textes de lois qui garantissent la
protection de l'enfant, nous avons des mesures d'accompagnement se traduisant
par la création d'institutions pour soit assurer la protection
judiciaire de l'enfant soit pour lutter contre les abus à son
égard.
2- Les mesures
institutionnelles de protection de l'enfant
En matière de protection de l'enfant, la
législation béninoise a crée des structures
administratives et judiciaires pour accompagner le dispositif juridique que
nous venons de constater d'analyser précédemment. Il s'agit
principalement d'institutions dont la finalité est la protection
l'enfant au plan judiciaire, sociale et contre les maltraitances.
Ainsi au niveau de la protection judicaire du mineur, il a
été créé des tribunaux pour mineurs. Il en existe
trois tribunaux spécialisés pour enfants dans le traitement de la
délinquance juvénile. Des juges pour mineurs sont
identifiés et chargés de la défense et de la protection de
l'enfant. Les tribunaux de première instance sont chargés de
prendre en main la question de la protection du mineur au niveau de la justice
avec cette instauration de tribunaux pour mineurs. Ils doivent principalement
statuer sur le cas des enfants en danger moral ou en conflit avec la loi. Il
existe au niveau judicaire d'autres services tels la Direction de
l'Administration pénitentiaire et de l'assistance sociale chargée
en ce qui concerne les mineurs de les assister dans la procédure
pénale devant conduire à leur inculpation ou relaxation. Cette
direction a vu sa compétence renforcée depuis le décret
2004-131 du 17 Mars 2004 portant attributions et fonctionnement du
Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de
l'Homme.
Au niveau du Ministère de l'intérieur et de la
défense nationale, on retrouve la Brigade de Protection des Mineurs, qui
est assure la protection de l'enfance menacée et maltraitée. La
Brigade de Protection des Mineurs est un service de police connue pour ses
actions d'éclats et de sauvetage des mineurs des mains de trafiquants ou
de personnes les maltraitant. Créée par le décret N°
83-233 du 29 Juin 1983 et restructurée par l'arrêté
N°45/MISPAT/DGPN du 28 Février 1991, la Brigade de Protection des
Mineurs a pour mission d'assurer la protection de l'enfance et de l'adolescence
par la prévention et la répression. Elle s'occupe donc de la
protection des enfants de 0 à 18 ans et a une compétence sur
l'ensemble du territoire national. Elle intervient principalement dans les cas
impliquant les enfants en danger physique ou moral. Elle mène notamment
des actions de prévention de la délinquance juvénile et
s'est transformée au fil des ans en une véritable institution de
transaction et de règlement à l'amiable. D'où son
caractère plus social que policier. Actuellement, il n'y a qu'une seule
unité de Brigade de Protection des Mineurs basée à Cotonou
avec un centre d'accueil pas totalement fonctionnel en raison du manque de
moyens financiers et humains qualifiés. Ce qui n'empêche pas son
fonctionnement car dans les localités où cette institution
n'existe pas, ce sont les commissariats de police et les brigades de
gendarmerie qui prennent le relais. La Brigade de Protection des Mineurs
dispose d'un numéro vert spécial et gratuit qui sert de plate
forme téléphonique de dénonciation de la maltraitance
subie par un enfant. Cette dénonciation se fait dans l'anonymat et
permet de sauver des milliers d'enfants des griffes des personnes
malintentionnées qui bafouent leurs droits et libertés.
Au Ministère de la Justice, de la Législation
des droits de l'Homme, il a été crée une Direction
spécialement chargée de la Protection de l'Enfance et de la
Jeunesse. Cette direction a en charge la protection du mineur
délinquant et de l'assistance à lui fournir en cas de besoin en
vue de sa réintégration et de sa rééducation.
Créée par le décret N° 96-299 du 18 Juillet 1996,
cette direction qui a pour entre autres attributions le règlement et le
suivi des questions relatives à l'enfance délinquante ou en
danger moral, joue le rôle de la Direction de l'Education
Surveillée. Elle veille également à l'assistance des
mineurs pendant les procédures judiciaires, pendant l'exécution
des sentences et conduit les différentes études en vue de
l'élaboration de la législation dans les domaines de la
prévention et du traitement de la délinquance juvénile. Il
a été aussi institués des Centres Nationaux de Sauvegarde
de l'Enfance et de l'Adolescence (CNSEA). Le premier Centre National de
Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence a été crée
remonte à 1967 notamment au décret N° 67-316/PR/MJL du 9
Septembre 1967. Il a été établi à Dan au centre du
pays avant d'être transféré pour des raisons
d'efficacité à Agblangandan. Les objectifs du centre se
résument à l'éducation complète et à
l'insertion sociale des enfants délinquants ou en voie de
délinquance. De façon spécifique, le CNSEA aide le jeune
délinquant à une reconversion de mentalité et à un
changement de comportement, lutte contre la marginalisation sociale dont sont
victimes les enfants en situation difficile. Il permet également
à l'enfant de s'affirmer au plan professionnel grâce à
l'apprentissage d'un métier qu'il aura choisi en toute liberté,
de lui assurer une éducation globale basée sur ses besoins
réels. Le centre permet enfin de récupérer le jeune
délinquant en vue de lui éviter la drogue, l'alcool, la
prostitution, le viol et autre dérive dont il pourrait être
victime dans la société. Il y a trois centres de sauvegarde de
l'enfance et de l'Adolescence aujourd'hui au Bénin. Le premier
étant établi à Agblangandan, on en trouve un second
à Akassato et le troisième se situe à Parakou. Les centres
de sauvegarde sont placés depuis 2004 sous la tutelle de la DPEJ du
Ministère en charge des droits de l'homme. Ils accueillent dans un
régime d'internat les enfants en conflit avec la loi ou en danger moral
et les inadaptés sociaux. Ce sont des enfants placés sur
ordonnance du juge des enfants. L'éducation et la
rééducation sont les principales actions de ces centres qui
fonctionnent grâce à une subvention versée par le budget
national. Ils sont aussi subventionnés par des partenaires privés
ou des entreprises semi-publiques telles la SOBETEX, la SITEX, la Loterie
Nationale ou la Croix-Rouge Bénin. Les centres de sauvegarde connaissent
une série de difficultés liées notamment à
l'instabilité des pensionnaires, la pénurie de matériel de
travail et du personnel éducateur spécialisé
qualifié. Au total, les centres de Sauvegarde de l'Enfance et de
l'Adolescence constituent un dispositif formidable de protection de l'enfance
avec des ambitions nobles aux moyens limités.
Nous avons depuis la ratification par le Bénin de la
Convention des Droits de l'Enfant, un Comité National des Droits de
l'Enfant, qui veille à la mise en oeuvre de la convention en vue
d'assurer la protection de l'enfant béninois. Le Comité National
centralise toutes les actions concernant la mise en oeuvre de la convention.
Ses actions servent à mettre en place une base de données fiables
sur l'évolution des droits de l'enfant et permettent un bon suivi par
l'État de la politique nationale de protection de l'enfance. Le
comité a également pour mission la lutte contre l'exploitation
économique, la maltraitance, le trafic et la traite d'enfants. Le
comité effectue la formation des populations sur la convention des
droits de l'enfant, effectue des visites de terrain dans les centres
d'hébergement d'enfants en situation difficile notamment les centres de
sauvegarde et les quartiers de mineurs dans les prisons du pays afin de se
rendre compte du respect des droits des enfants. Le comité National a eu
le mérite d'avoir installé dans les douze départements du
pays, des antennes départementales qui servent de relais à la
base auprès des populations. Toujours au plan institutionnel, nous
avons la création depuis les années 90 d'un Ministère
chargé de la famille et de l'enfant. C'est ce Ministère qui
préside la Cellule Nationale de Suivi et de Coordination pour la
Protection de l'Enfance, une autre création pour protéger
l'enfant. La Cellule Nationale de Suivi et de Coordination coordonne les
différentes actions de protection de l'enfant à l'échelle
nationale. Elle comprend plusieurs organisations de la société
civile mais aussi des associations, ONG de défense ou de promotion des
droits de l'enfant. Ces textes juridiques internes et mesures institutionnelles
vont être complétés par les différents instruments
internationaux de protection de l'enfant auxquels le Bénin a librement
adhérés.
Paragraphe 2- Les
instruments internationaux de protection de l'enfant
Rappelons que la République du Bénin est partie
aux principales conventions internationales des droits humains dont celles qui
visent la protection de l'enfance. Certaines de ces conventions sont des
instruments onusiens tans dis que les autres sont constitués d'accords
régionaux.
1- Les instruments juridiques
onusiens de protection de l'enfant
Le Bénin a ratifié de nombreux textes
internationaux qui ont force de loi dans son ordre juridique interne en
matière de protection de l'enfant. Ces dispositions internationales
selon l'article 147 de la Constitution, ont une autorité
supérieure à celle des lois nationales et viennent ainsi
compléter le droit interne pour asseoir l'arsenal juridique de
protection de l'enfant en vigueur au Bénin et applicable normalement
à tous les enfants. Le premier instrument de protection de l'enfant
auquel les pouvoirs publics béninois se réfèrent reste la
Convention des Droits de l'Enfant (CDE) adoptée le 20 Novembre 1989 et
ratifiée par le Bénin le 3 Août 1990. C'est un instrument
à caractère contraignant pour les Etats, qui marque une rupture
avec la protection générale de l'enfant observée au
début et la première moitié du XXème siècle
en abordant la question de la protection spéciale de l'enfant en
proclamant des nouveaux droits qui lui sont reconnus. La Convention relative
aux Droits de l'Enfant, est un instrument fondamental de défense et de
protection des droits civils, économiques, politiques, culturels et
sociaux de l'enfant. Elle lui garantit, le droit à une filiation,
à un nom et à une nationalité (Art 7-8), le droit à
une vie privée (Art16), le droit à la non discrimination (Art
2-30), le droit à une justice (Art 3-4-12- 19 -22 -40 et 41). L'article
23 parle essentiellement de la protection des enfants handicapés. La
convention proclame également les droits politiques de l'enfant comme
la liberté d'expression (Art 12-13), la liberté de pensée,
de conscience et de religion (Art 14). L'article 15 proclame la liberté
d'association et de réunion pour l'enfant. En matière de droits
économiques, la convention reconnait à l'enfant, le droit
à un niveau de vie suffisant et à l'assistance matérielle
(Art 17 -27) et aussi le droit à la sécurité sociale (Art
26). Aux plans social et culturel, la convention proclame et assure des droits
fondamentaux à l'enfant tels le droit à la nutrition (Art 27), le
droit à la santé (Art- 3-24), l'accès aux soins
médicaux et plus particulièrement des enfants handicapés
(Art 3 -21 -23 25- 38 -40). L'article 31 assure le droit aux loisirs et aux
activités artistiques tant dis que le droit à l'éducation
se trouve consacré à travers les articles (23-28-29- 32). Le
droit à l'information appropriée a été
proclamé par les articles 17-23-24 et 28.
Concernant le volet de la protection de l'enfant, la
convention protège les droits fondamentaux de l'enfant à savoir
la protection contre la violence (Article 19.1), la protection contre toutes
les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle (Art 34). L'article
37 traite de l'interdiction de soumettre un enfant à la torture et
autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants mais aussi
de l'interdiction d'arrêter illégalement et de détenir un
enfant. L'article 32 assure la protection de l'enfant contre l'exploitation au
travail alors la protection contre les mauvais traitements se situe dans les
articles 9-19 et 39. La protection contre la privation des libertés en
revanche est assurée par les articles 11-14 et 37. La convention
protège également l'enfant contre la séparation de ses
parents (Art 9-10). Les articles 35 et 36 protègent l'enfant contre
l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants et contre toutes les
formes d'exploitation. L'Article 40 assure la protection de l'enfant en conflit
avec la loi.
Vient en second lieu, la Charte Africaine des Droits et du
Bien-être de l'enfant, adoptée en Juillet 1990 à
Addis-Abeba par les Chefs d'Etat et de gouvernement de la défunte
Organisation de l'Unité Africaine (OUA) devenue depuis 2004 Union
Africaine à laquelle le Bénin a adhéré le 20
Janvier 1986. Cet instrument qui reprend pour la plupart les dispositions de la
Convention des Droits de l'Enfant, a eu comme mérite d'apporter une
touche spécifiquement concernant la vision africaine de l'enfant.
Rappelons qu'elle partage d'énormes points de similitude avec la
convention notamment en matière de garantie des droits fondamentaux de
l'enfant. Elle reconnaît à l'enfant africain, les droits à
la vie, à un nom, la liberté d'expression, le droit aux loisirs
et aux jeux auxquels viennent compléter les droits à l'eau,
à l'alimentation et le droit à la santé. En
intégrant ces trois derniers volets, la Charte se distingue de la
convention et tient compte de la protection de l'enfant suivant les
réalités du continent. En matière de protection, la charte
protège l'enfant contre les discriminations et surtout contre
l'apartheid (Art 26), contre l'enlèvement, la vente, le trafic et la
traite d'enfants (Art 29) à quelque fin que ce soit, sous toute forme
que ce soit aussi bien par les parents ou une personne ayant la charge de son
éducation. Les articles 15 et 16 protègent respectivement
l'enfant contre le travail, les abus et la torture. L'article 17 pour sa part
traite de l'administration de la justice des mineurs alors que l'article 21
assure la protection de l'enfant contre les pratiques sociales et culturelles
dangereuses. Les articles 22-27et 29 garantissent respectivement la protection
de l'enfant en cas de conflit armé, contre l'exploitation sexuelle et la
vente, le trafic et l'enlèvement de mineur.
En dehors de ces deux instruments, le Bénin fait
partie d'autres dispositions onusiennes connexes à caractère
international qui ont force juridique dans son arsenal interne en
matière de protection de l'enfant. Nous retenons entre autres les
conventions N° 138 et 182, de l'Organisation International du Travail
ratifiées par le Bénin portant respectivement sur l'âge
minimum d'admission au travail des enfants et sur les pires formes de travail
des enfants.
La convention N° 138 ratifiée le 6 Novembre
2001 par le Bénin, recommande aux États parties, de s'engager et
de poursuivre une politique nationale visant à assurer l'abolition
effective du travail des enfants et à élever progressivement leur
âge minimum d'admission à l'emploi et au travail. Le Bénin
en ratifiant cette convention qui assure un développement physique et
mental, s'est aligné sur l'OIT en fixant dans son droit l'âge
d'admission au travail à 14 ans. Ceci n'empêche pas pourtant que
les Vì?ómåg?'n soient précocement admis à
travailler dans la société béninoise.
Quant à la convention N°182 relative aux pires
formes de travail des enfants ratifiée elle aussi le 6 Novembre 2001 par
le Bénin, elle concerne l'élimination des pratiques telles que
le travail forcé, le travail dangereux, l'esclavage, la traite,
l'utilisation des enfants à des fins de prostitution ou pornographiques
dans des conditions d'exploitation. Ces deux dispositions de l'OIT ont
été intégrées normalement dans le droit interne
béninois pour lutter contre le travail précoce de l'enfant et
éliminer les pratiques modernes d'exploitation d'enfants. Dans la
réalité, ces deux dispositifs onusiens ne sont pas toujours
efficaces car elles n'empêchent pas le phénomène
Vì?ómåg?'n de bafouer les droits de l'enfant dans les
domaines du travail et de l'exploitation économique ou de la traite des
enfants.
2- Les instruments
régionaux de protection de l'enfant béninois
Outre les instruments onusiens, le Bénin fait partie de
nombreux accords régionaux de protection de l'enfant. Il s'agit
essentiellement d'accords signés avec les pays voisins et les pays de
destination finale des enfants béninois dans le cadre de la traite
d'enfants.
Les accords régionaux de protection de l'enfant
signés entre le Bénin et ses voisins d'une part et les pays de
destination des enfants, traitent essentiellement de la traite d'enfants et des
questions de réhabilitation et de réinsertion de ces enfants au
retour dans leur pays d'origine. Le plus premier de ces accords est la
déclaration de Libreville III de 2003. Elle recommande aux Etats
francophones de l'Afrique centrale et occidentale, l'harmonisation de leurs
législations nationales en matière de lutte contre la traite des
enfants et d'exploitation des enfants. C'est une déclaration salutaire
qui traduit la volonté et la détermination des Etats à
harmoniser leurs législations respectives afin de traquer et de
réprimer les trafiquants et acteurs impliqués dans la traite ou
le trafic des enfants partout où ils se trouvent dans ces deux espaces
économiques. Elle vise également la prévention, la
réintégration, la réhabilitation et la protection les
enfants victimes de la traite.
Le deuxième accord de protection de l'enfant a
été signé entre le Bénin et le Nigéria.
Il s'agit d'un Mémorandum signé le 14 Août 2003 imposant
aux deux gouvernements :
- l'élaboration d'une coopération efficace sur
la traite des personnes notamment la traite des enfants ;
- l'identification, l'enquête et le jugement des agents
trafiquants et les trafiquants ;
- la protection enfin des victimes de la traite et le
rapatriement dans leur pays d'origine.
Ce Mémorandum au-delà de la question de la
traite des personnes aborde également toutes les questions
frontalières notamment en ce qui concerne le trafic des personnes entre
les deux pays. Ce mémorandum d'entente a été suivi en Juin
2005 par la signature d'un accord de coopération avec un comité
conjoint et binational ainsi que des mécanismes de collaboration dans la
lutte contre le trafic ou la traite des personnes et plus
particulièrement des enfants. Cet Accord du 5 juin 2005 de Cotonou porte
essentiellement sur les questions de la prévention, de la
répression et de la suppression de la traite en particulier la traite
des femmes et des enfants.
Un autre accord multilatéral de coopération en
matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest a
été signé le 27 Juillet 2005 à Abidjan en
République de Côte d'Ivoire. Il a été signé
entre le Bénin, le Burkina-Faso, la Guinée, le Mali, le Niger, le
Nigéria, le Libéria et la Côte d'Ivoire et regroupe les
domaines de la prévention, protection, rapatriement,
réunification, réhabilitation, réinsertion et la
coopération.
Le 6 Juillet 2006, un nouvel accord multilatéral sur la
traite des femmes et des enfants a été signé à
Abuja au Nigéria par les deux organisations régionales à
savoir la CEDEAO et la CEEAC. Le but de ce nouvel accord est de renforcer la
coopération entre les divers gouvernements des deux espaces d'Afrique
Centrale et Occidentale en matière de rapatriement des victimes et
d'extradition des trafiquants. C'est un accord contraignant pour les 15 pays
membres de la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest et
les onze de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale.
L'ensemble de ces différents instruments
internationaux, régionaux et nationaux ainsi que le dispositif
administratif et institutionnel, constituent l'arsenal juridique de protection
de l'enfant en vigueur au Bénin. C'est un arsenal assez impressionnant
qui devant protéger tous les enfants du pays. Ils sont juridiquement
applicables à toutes les catégories d'enfants, les enfants sans
difficultés et les plus vulnérables comme les
Vì?ómåg?'n sans aucune discrimination. Nous pouvons dire
au regard de ce qui précède qu'il existe théoriquement au
Bénin, des instruments institutionnels et juridiques de protection de la
personne du Vì?ómåg?'n puisque les dispositions de
protection d'un enfant lui sont également applicables. Sauf que dans la
réalité, les choses ne passent pas toujours ainsi. Il ne serait
pas exagérer de dire que les Vì?ómåg?'n au contraire
ne bénéficient pas toujours de la même protection que les
enfants ordinaires du moins comme cela devrait être suivant le dispositif
juridique en vigueur. On peut donc affirmer sans aucune réserve qu'en
dépit des instruments juridiques nationaux et internationaux de
protection, les enfants Vì?ómåg?'n ne sont pas toujours
protégés convenablement. Ils sont victimes de mauvais
traitements, de violences, de négligence, de travail et de traite. Ils
n'ont pas un accès égal à l'éducation et les
procédures judicaires ne tiennent pas compte de leurs
problématiques et de leurs besoins. Du droit à l'éducation
à la protection contre l'exploitation et la traite, les
Vì?ómåg?'n, sont les oubliés du système
national de protection pas toujours protégés comme cela se
devrait être. Ce qui montre l'inefficacité des différents
textes nationaux ainsi que les conventions et autres traités auxquels a
adhérés le Bénin. Il se pose la question fondamentale de
l'application des textes de protection de l'enfant dans le contexte national.
Les textes de protection sont inappliqués et les lois nationales
insuffisantes pour protéger les Vì?ómåg?'n. Face
à cette action qui ressemble à une démission de
l'État, les pouvoirs publics s'intéressent de plus en plus
à ces enfants d'où la protection complémentaire des
enfants placés au Bénin.
Section 2- Vers une
protection spécifique des Vì?ómåg?'n en
République du Bénin
La persistance de la dérive du
Vì?ómåg?'n, son ampleur et ses conséquences montre
clairement que la protection de l'enfant au Bénin s'avère
incomplète. Cette situation est liée à l'absence ou
l'insuffisance de mécanismes sûrs d'application des textes de loi
du droit positif béninois. Elle s'explique également par un
manque de volonté des autorités politiques, un refus de
légiférer sur la pratique traditionnelle
Vì?ómåg?'n et surtout d'un refus du personnel administratif
d'appliquer les textes de lois en faveur des Vì?ómåg?'n.
Acculées par la communauté internationale, les autorités
béninoises ont envisagé depuis peu des mesures pour
améliorer la condition des Vì?ómåg?'n en
matière de protection de leurs droits. Ces mesures concernent des lois
spécifiques complémentaires de protection (Paragraphe1) et des
mesures sociales de protection (Paragraphe2).
Paragraphe 1- Les mesures
complémentaires législatives et institutionnelles de protection
des Vì?ómåg?'n
Face à la limite de la mise en
oeuvre de la politique nationale de protection de l'enfant et conscients de
l'ampleur du phénomène Vì?ómåg?'n et de ses
conséquences, les pouvoirs publics béninois ont envisagé
de faire mieux en imaginant une forme spécifique de protection des
Vì?ómåg?'n. C'est ainsi qu'elles adopteront des mesures
d'ordre législatif auxquelles viennent renforcer des mesures
institutionnelles déjà existantes de protection de l'enfant.
1- Les textes complémentaires de
protection du Vì?ómåg?'n
Au Bénin, nous assistons depuis les cinq
dernières années à une prise de conscience de
l'État sur la situation déplorable des
Vì?ómåg?'n. Les pouvoirs exécutif et
législatif sont décidés à assurer une protection
complète aux enfants placés. Lorsque cet enfant est
vulnérable, leur responsabilité est plus grande car tout se
repose sur eux. Conscients que la situation ne saurait plus perdurer car elle
risque d'affecter le développement du pays, les divers gouvernements ont
mis au centre de leur politique de protection et d'actions les
Vì?ómåg?'n sans pour autant les nommer concrètement.
Ce qui pose toujours un problème de droit dans la protection de ces
enfants.
À défaut d'une loi spécifique
réglementant la pratique du Vì?ómåg?'n et de
clarification du statut juridique du Vì?ómåg?'n, le
gouvernement a opté pour l'adoption de lois certes réalistes et
plus larges qui tiennent compte des réalités sociales capables de
garantir une protection censée être profitable à tous les
enfants mais toujours sans grand succès. En travaillant dans ce sens,
l'Etat Béninois ne se conforme-t-il pas à l'article 20 de la
Convention relative aux Droits de l'enfant, qui stipule:
« Tout enfant qui est temporairement ou
définitivement privé de son milieu familial (...) a droit une
protection et une aide spéciales de l'Etat80(*) ».
Bref, il se refuse d'affronter la réalité nationale du
Vì?ómåg?'n. Il prend tout de même des mesures qui
concernent expressément les Vì?ómåg?'n. Parmi ces
mesures législatives nous pouvons citer la loi N° 2003-03 du 03Mars
2003 relative à la répression de la pratique des mutilations
génitales féminines en République du Bénin. Cette
loi loin d'être une loi qui concerne toutes les mineures de moins de 18
ans, lutte contre certaines pratiques traditionnelles néfastes dont
sont souvent victimes les Vì?ómåg?'n à savoir les
mutilations génitales. Cette loi cherche avant tout à sauver les
enfants placés d'une pratique culturelle imposée par la coutume
qui a lieu à l'encontre de leur personne souvent sans leur consentement
et celui de leurs parents génétiques. En procédant de la
sorte l'État protège les enfants placés et privés
de leur milieu familial de base.
Nous retiendrons également la loi N° 2002-07 du
24 août 2004 portant Code des Personnes et de la Famille en
République du Bénin. Cette loi règle la question de la
coutume et du droit moderne en ce qui concerne les droits de la femme et
particulièrement les droits successoraux des enfants légitimes et
naturels. Cette loi présente un avantage certain pour les
Vì?ómåg?'n qui peuvent désormais avoir droit
à une part de l'héritage de leur tuteur ou tutrice lorsque durant
toute leur vie, ils ont été considérés comme
enfants de la famille d'accueil.
La loi N° 2006-19 du 05 Septembre 2006 portant
répression du harcèlement sexuel et protection des victimes,
vient renforcer la protection de nombreuses Vì?ómåg?'n dans
la société. Selon l'article 1er de cette loi,
« Constitue un harcèlement sexuel, aux termes de
la présente loi, le fait pour quelqu'un de donner des ordres, d'user de
paroles, de gestes, d'écrits, de message et ce, de façon
répétée, de proférer des menaces, d'imposer des
contraintes, d'exercer des pressions ou d'utiliser tout autre moyen aux fins
d'obtenir d'une personne en situation de vulnérabilité ou de
subordination, des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit
d'un tiers contre la volonté de la personne harcelée81(*) ».
Cette loi concerne à plus d'un titre les enfants
Vì?ómåg?'n notamment les filles qui subissent au quotidien
les pressions sexuelles souvent de la part de leur tuteur ou de leurs enfants.
La loi met un accent sur la vulnérabilité de la victime, du
statut économique et social de l'enfant et laisse l'appréciation
au juge afin de protéger l'enfant contre cette forme de violation des
droits de la personne humaine. L'article 17 de cette loi évoque les
mesures possibles que peut prononcer le juge lorsque la victime est une
mineure. Il peut par exemple prononcer en gros des mesures de protection et
d'éducation de la victime en autorisant soit une remise aux parents,
soit un placement dans une institution ou un établissement public ou
privé d'éducation, de formation professionnelle...etc. Cette loi
punit d'une peine grave d'emprisonnement toute personne qui harcèle une
enfant placée. Nous pouvons évoquer dans ce sens toujours
l'arrêté interministériel relatif à l'interdiction
et la sanction des pratiques comme la pédophilie, l'incitation à
la débauche. Ces dispositions sont de nature à protéger
les Vì?ómåg?'n contre le harcèlement de certaines
personnes comme es patrons et pour ceux qui ont la chance d'aller à
l'école contre les enseignants82(*). Il s'agit d'un arrêté signé
entre les ministères des enseignements primaire et secondaire et le
ministère de la formation technique et professionnelle, qui vise
à protéger les enfants vulnérables notamment les quelques
filles qui ont accès à l'éducation et qui se trouvent
éloignées de leur famille d'origine.
La disposition phare de protection complémentaire des
Vì?ómåg?'n est intervenue en 2006 et concerne la loi
relative aux conditions de déplacement des mineurs et de la
répression de la traite d'enfants en République du Bénin.
Il s'agit de la loi N° 2006- 04 du 05 Avril 2006 portant sur quelques
dispositions fondamentales notamment les définitions, les conditions des
déplacements des enfants à l'intérieur et
l'extérieur du Bénin mais aussi des dispositions administratives,
pénales et de quelques dispositions finales. Cette loi abroge toutes les
dispositions antérieures relatives au déplacement et à la
traite des mineurs y compris du décret N° 95-191 du 24 Juin
199583(*) et renforce par
conséquent la protection des Vì?ómåg?'n. Elle
définit et interdit formellement dans le droit béninois la traite
et l'exploitation économique d'enfants. La loi fixe également les
conditions de déplacement des mineurs à l'intérieur et
à l'extérieur du pays. L'article 7 de cette loi dispose au plan
interne qu'« Aucun enfant ne
peut être déplacé à l'intérieur du pays,
séparé de ses parents biologiques ou de la personne ayant
autorité sur lui, sans une autorisation spéciale
délivrée par l'autorité administrative compétente
du lieu de sa résidence, sauf décision judiciaire ou les cas
spécialement recommandés par les services sociaux et les services
sanitaires84(*) ». L'article 8 précise
que « Nul ne peut recevoir un enfant sans s'être
assuré de l'accomplissement de la formalité administrative
prévue à l'article 7 de la présente loi. Tout enfant
accueilli par une personne en un lieu autre que celui de la résidence de
ses parents biologiques ou de la personne ayant autorité sur lui, doit
faire l'objet d'une déclaration à l'autorité
administrative territorialement compétente du lieu d'accueil dans les
soixante douze heures de son arrivée sous peine des sanctions
prévues à l'article 18 de la présente loi85(*) ». Ces
deux articles essaient de réglementer implicitement le
déplacement des Vì?ómåg?'n à
l'intérieur du territoire national et obligent les tuteurs potentiels et
les parents à remplir des formalités. Cette obligation est un
gage de protection des enfants placés victimes jusque-là de
traite et d'exploitation économique. Pour ce qui est du
déplacement à l'extérieur, la loi à travers son
article 12 dispose que « Tout enfant béninois non
accompagné de son père, de sa mère ou d'une personne ayant
autorité sur lui ne peut quitter le territoire national sans une
autorisation spéciale délivrée par le maire de son lieu de
résidence, sauf décision judiciaire ou les cas
spécialement recommandés par les services sociaux et les services
sanitaires. L'autorisation de sortie à la demande du père, de la
mère ou d'une personne ayant autorité sur lui doit comporter les
mentions suivantes: son lieu de provenance; sa destination; le motif de son
voyage; l'identité de la personne qui l'accueille, de
l'établissement ou de l'institution où il se rend86(*) ».
La loi du 05 Avril 2006 comme nous pouvons le constater durcit
les conditions de placement des enfants autant des zones rurales vers les
centres urbains que vers les pays de transit ou de destination où ils y
sont naturellement exploités. Elle fixe des sanctions administratives et
pénales contre les autorités politico-administratives mais aussi
pour les parents géniteurs, qui transporteraient ou déplaceraient
illégalement un ou plusieurs enfants à l'intérieur ou
à l'extérieur du Bénin. Les peines encourues sont assez
lourdes en termes d'années d'emprisonnement. Elles peuvent aller de 20
ans d'emprisonnement ferme à la perpétuité si l'enfant
meurt au cours du déplacement ou disparaît dans une
opération de traite. Les peines sont identiques pour le trafiquant et le
complice qui font ont recours à la force, à la contrainte,
l'enlèvement, la fraude, la tromperie, la ruse, l'abus de confiance ou
d'autorité pour enrôler un enfant. Il est en de même
lorsqu'il fait usage de privation d'alimentation, de soins, d'incitation
à la débauche, d'attentat à la pudeur, de viol, de coups
et blessures volontaires ou de toutes autres formes d'actes de violences. La
loi punit également la tentative et la complicité en
matière de déplacement et de traite d'enfants et double les
peines en cas de récidive. Désormais tout citoyen auteur ou
complice de déplacement illégal de mineur ou de traite est puni
au regard de la loi. Les autorités politico-administratives qui refusent
jusque-là d'appliquer les textes en matière de protection des
droits de la personne de l'enfant seront également punies,
rétrogradées dans leur carrière voire radiées de
l'administration publique et emprisonnées. La loi punit aussi les
acquéreurs indélicats d'enfants qui ne se conformeraient pas aux
dispositions législatives en vigueur. Ces derniers encourent lorsque
leur responsabilité est avérée une peine comprise entre 6
et 24 mois assortie d'une amende de 500.000 à 5.000.000 F CFA. Comme le
pensent certains sociologues et juristes béninois, cette loi semble
s'attaquer à aux manifestations de la dérive du
Vì?ómåg?'n et de tenter une réglementation du
placement d'enfants en République du Bénin. C'est une arme contre
la maltraitance, l'exploitation économique en gros contre la violation
des droits des Vì?ómåg?'n et de leur traite en direction
des pays de la sous-région et du continent. Pour notre part, cette
ultime loi s'attaque à un élément déterminant de la
dérive du Vì?ómåg?'n en durcissant les conditions de
déplacement et les possibilités de traite dont sont victimes les
enfants placés mais ne règle pas le problème essentiel qui
est celui de l'adoption d'une loi sur la pratique de placement d'enfants..
Espérons qu'elle soit effectivement appliquée au plan national
et complétée par le code de l'enfant déjà
élaboré et en étude au parlement. Ces différents
textes juridiques de protection complémentaire des
Vì?ómåg?'n, sont accompagnés de mesures de
renforcement des structures de protection de l'enfant.
2- Les nouvelles mesures institutionnelles de
protection des Vì?ómåg?'n
Afin de poursuivre sa politique de protection
complémentaire des Vì?ómåg?'n, le gouvernement
béninois depuis un moment, a décidé de renforcer les
structures de protection existantes afin de les rendre plus efficaces. Il
consacre une bonne partie des moyens destinés à la protection de
l'enfant à la lutte contre la violence à l'égard des
Vì?ómåg?'n. C'est ainsi que le gouvernement a
renforcé les structures pionnières en matière de lutte
contre la violence et à la maltraitance à l'encontre des
Vì?ómåg?'n. Il a décidé de renforcer plus
particulièrement la Brigade de Protection des Mineurs en la dotant d'un
logiciel de collectes de données et de nouveaux matériels.
L'État a aussi entrepris dans le cadre du renforcement de la Brigade de
Protection des Mineurs de recruter du personnel qualifié et
spécialisé dans la protection de l'enfant. Il envisage pour
accompagner l'institution de former des Officiers de Police Judiciaires (OPJ),
des Agents Supérieurs de la Police Judiciaire et de Gendarmerie sur le
droit des enfants. Cette implication des commissariats et de la gendarmerie
doit accentuer leur intervention en matière de protection de l'enfant
surtout à travers le territoire national notamment dans des
départements, communes où n'existe pas encore une antenne de la
Brigade de Protection des Mineurs.
Au niveau du Ministère de la Justice de la
Législation et des Droits de l'Homme, la Direction de la Protection
Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse a été aussi
réformée avec en plus de la coordination de ses activités
traditionnelles de délinquance juvénile, travaille sur la
répression des infractions commises à l'encontre des
Vì?ómåg?'n au plan national. La politique d'appui aux
institutions a également touché les Centres Nationaux de
Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence. Ces centres doivent depuis
quelques années accueillir, former les Vì?ómåg?'n
victimes de traite ou d'exploitation à un métier et leur assurer
une insertion socioprofessionnelle. Les centres de sauvegarde ont
désormais comme mission la réduction des lourdes
problématiques des Vì?ómåg?'n qui les
empêchent de s'épanouir convenablement dans la
société. L'État s'est engagé à renforcer ces
structures afin qu'elles puissent garantir aux Vì?ómåg?'n,
l'assistance juridique et sociale nécessaires en matière de
respect de leurs droits fondamentaux. Dans le domaine de la protection
judicaire, le gouvernement essaie d'installer progressivement dans les
départements les tribunaux pour mineurs avec des juges pour mineurs
pouvant connaître des affaires impliquant les mineurs notamment ces
enfants placés appelés Vì?ómåg?'n. Il
déploie d'énormes moyens financiers afin de former des
éducateurs, des jeunes pour la sensibilisation des droits de l'enfant et
la lutte contre la traite et l'adoption illégale d'enfant connue sous le
terme de Vì?ómåg?'n.
La Cellule Nationale des Enfants et Situation Difficile,
créée en 1994 à la suite d'une étude de l'Unicef,
est appuyée financièrement par le gouvernement afin qu'elle
puisse travailler dans le sens de la garantie des droits des enfants difficiles
notamment les enfants de la rue et des Vì?ómåg?'n. Cette
cellule qui travaille sur la base d'un plan annuel est placée depuis
sous la responsabilité du Ministère en charge des questions
sociales notamment de la Direction de la Protection Sociale de l'Enfant (DPSE).
La cellule mène des actions salutaires en termes de protection de
l'enfant notamment des séances d'Information-Éducation-
Communication à l'endroit des parents et toutes les personnes ayant
à charge la garde ou l'éducation d'un enfant dans la
société. La cellule a tenu jusqu'à nos jours de nombreuses
séances radio et formé des milliers d'alphabétiseurs et
d'animateurs en milieu rural sur les droits de l'enfant surtout pour que ceux
qui ont moins de 14 ans ne soient plus placés et qu'ils soient
scolarisés jusqu'à la fin des enseignements primaires. La cellule
est à l'origine avec le soutien de l'Unicef du film « Le
Destin d'Assiba » dont les échos retentissent dans les
ménagers ruraux.
Quelques autres initiatives méritent d'être
soulignées. Il s'agit en autres de l'installation des commissions
nationale, départementale et locale des droits de l'enfant (CNDE, CDDE,
CLDE), l'équipement des Centres Sociaux et l'aide à la mise en
réseaux d'ONG nationales érigées en réseaux de
lutte contre la violence faite aux enfants, contre le trafic, la traite et
l'exploitation. Nous ne manquerons pas d'évoquer également la
mise en place d'une cellule dite Enfant Ayant Besoin de Mesures
Spéciales de Protection (EABMSP). Le gouvernement a favorisé ces
dernières années la création d'un parlement des enfants
qui participe à l'exécution d'activités de lutte contre
les violences subies par les enfants dans la société
béninoise d'aujourd'hui et surtout de la défense des droits des
Vì?ómåg?'n.
Paragraphe 2- Les mesures
sociales de protection des Vì?ómåg?'n
Cette sous-partie s'intéresse aux mesures
complémentaires spécifiques mises en place par le gouvernement
béninois depuis la dérive du placement d'enfants pour
protéger les Vì?ómåg?'n contre la maltraitance et
l'exploitation économique. Ces mesures sont deux sortes à savoir
les mesures en faveur de l'éducation et les mesures visant à
réduire la pauvreté des parents géniteurs.
1- Les mesures en faveur de l'éducation
Face à l'ampleur du phénomène
Vì?ómåg?'n et ses conséquences sur les enfants,
notamment des enfants placés, le gouvernement béninois a pris des
mesures exceptionnelles en matière d'éducation afin de garantir
les droits des enfants victimes de cette dérive. Ces mesures visent
à freiner l'ampleur de la dérive et favoriser un environnement
protecteur des droits de l'enfant placé. Il a élaboré une
stratégie et une politique nationale d'actions en faveur de
l'éducation. Cette stratégie repose sur une éducation de
base et d'alphabétisation des enfants placés. En matière
d'éducation de base, le gouvernement a réalisé des
progrès importants au cours de ces cinq dernières années
pour les enfants. En ce qui concerne la petite enfance, on a assisté
à un accroissement des activités d'éveil pour la petite
enfance. Les dépenses publiques pour les écoles maternelles ont
augmenté et la capacité d'accueil a plus que doublé. Il en
est de même pour l'enseignement primaire où de véritables
progrès ont été réalisés en qualité
et en quantité pour la scolarisation des filles victimes à plus
de 70% de la dérive aujourd'hui. Selon une étude menée par
Aide et Action- Bénin, les jeunes filles placées dans les foyers
à 90% ne sont pas scolarisées et ne l'ont jamais
été, ce qui les empêche de s'informer sur leurs droits et
les obligations de l'État vis-à-vis d'elles. C'est pour quoi,
l'État fera de la scolarisation des filles une priorité
nationale. Les principales actions pour promouvoir l'accès des filles
à l'éducation, ont été pour le gouvernement
béninois, d'augmenter d'une façon considérables les
places scolaires à travers la construction d'infrastructures nouvelles,
la sensibilisation de proximité des parents et la gratuité de
l'enseignement primaire devenue une réalité depuis Octobre 2006.
Cette mesure vise à assurer l'accès à l'éducation
à tous les enfants. Elle garantit aussi l'égalité des
chances pour tous les enfants et évite ainsi les discriminations dont
sont victimes les Vì?ómåg?'n dans les familles d'accueil
en matière de scolarisation. Cette mesure supprime les charges
liées au fonctionnement des établissements initialement
demandées aux parents des enfants placés qu'on connait de pauvres
et très démunis. Il s'agit notamment de la suppression des frais
liés à la scolarité fixés par les
établissements, les différentes souscriptions pour achat de
matériels et fournitures pour assurer le fonctionnement de ces
établissements publics. Cette suppression a favorisé
l'augmentation du taux de scolarisation dans les campagnes et villages
même en centres urbains. Elle a permis d'améliorer le taux
national de scolarisation qui est passé de 81% en 1999 à 96%
en 200587(*) et selon les
nouvelles enquêtes à près de 100% en 2008. L'état
des lieux de la scolarisation avant cette mesure en faveur de
l'éducation, révélé par cette Aoudaghost montre
clairement que l'accès à l'enseignement n'était pas
universel dans les milieux ruraux. Le taux de scolarisation était de 86%
pour les garçons contre 64% pour les filles avec un taux
d'achèvement de scolarité estimée respectivement à
52% et 42%88(*). Cette
situation était à la base du placement des enfants qui
abandonnent les chemins de l'école pour être exploités en
ville. Avec cette mesure instaurée en 2006 assurant la gratuité
de l'enseignement, ce sont des milliers d'enfants qui sont non seulement
sauvés mais trouvent la protection et la promotion de ce droit
fondamental assuré par l'Etat qu'est l'accès à
l'éducation. Depuis 2006, on assiste à une forte scolarisation
des enfants surtout des filles dans à l'échelle nationale surtout
dans les zones rurales et défavorisées. Les petites filles
précocement placées en ville pour y être exploitées
comme domestiques peuvent rester près de leurs géniteurs mais
aussi se rendre à l'école afin de se doter des fondamentaux
nécessaires à la vie en société notamment les
règles de conduite et les savoir-faire y afférents. Signalons que
cette mesure a été possible sous la pression de la
société civile notamment des ONG engagées dans la lutte
contre le phénomène Vì?ómåg?'n mais aussi
grâce aux conseils et plaidoyers de l'Unicef, le BIT et les diverses
organisations non gouvernementales de défense et de promotion des droits
de l'enfant. La concrétisation dans les faits de l'accès à
l'éducation a permis de donner une seconde chance à des enfants
placés qui sont formés aujourd'hui notamment les filles dans les
centres sociaux aussi bien en milieux ruraux qu'en centres urbains.
L'État accorde une attention toute particulière aux enfants
orphelins et de tuteurs pauvres. Cette mesure est venue à juste titre
car, elle permet aux pouvoirs publics d'honorer leur engagement international
en matière de l'accès à l'éducation et plus
particulièrement de l'article 13 de la loi fondamentale béninoise
relative à l'éducation.
Ces différentes actions découlent comme nous
l'avions précisé plus haut d'une stratégie et une
politique nationale en matière d'éducation. Il s'agit de la
lettre de la politique éducative adoptée en Février 2005
par le Bénin visant à assurer d'ici à 2015,
l'éducation à tous conformément aux objectifs du
millénaire pour le développement, de la Politique Nationale
d'Education des Filles (PNEF) et le Plan Décennal de
Développement du Secteur Educatif (PDDSE). Ces différentes
stratégies ont opté pour un paquet éducatif afin
d'accélérer la scolarisation des filles et par extension des
Vì?ómåg?'n. Le volet infrastructure a permis de doter les
établissements de salles de classe de qualité et de type
EQF89(*). Toutes les
actions qui découlent de ces politiques ont pour but la protection des
enfants les plus vulnérables et susceptibles d'exploitation, de traite
ou de trafic. L'éducation constituera le premier volet du budget de
l'État avec près de 59 Milliards de F CFA en 2009. Avec ce
budget, le gouvernement envisage de recruter et de former des enseignants pour
remédier non seulement au manque d'enseignants mais aussi s'assurer
que les enfants peuvent être maintenus jusqu'à la fin de
l'enseignement de base. Dans ce budget, il est également question de
prendre en charge les frais liés au fonctionnement des
établissements scolaires et de subvention des cantines scolaires et de
leur généralisation dans les milieux où elles
n'existaient pas encore notamment dans certains villages, campagnes et villes.
Cette mesure vise à encourager la scolarisation des enfants et
d'éviter tout placement précoce.
Les autorités béninoises à travers cette
mesure ont conscience que le développement du pays passe
forcément par l'éducation de ses fils et filles. Elles viennent
de réaliser aussi que l'éducation devient le moyen efficace pour
combattre le phénomène Vì?ómåg?'n et le
pilier sur lequel doivent se reposer toutes les actions de promotion et de
protection des enfants. L'éducation peut lutter contre les violations
des droits des enfants car un enfant scolarisé est un enfant averti qui
connait ses droits peut les revendiquer. L'éducation dans cette veine
peut lutter contre les mauvais traitements, le trafic, la traite et
l'exploitation. C'est pour quoi, elle est devenue une priorité du
pouvoir en place pour assurer une égalité à tous et un
développement harmonieux de l'enfant.
Outre ces mesures en faveur de l'éducation, nous notons
aussi des actions qui contribuent à la réalisation de
l'accès à l'éducation. Il s'agit dans le domaine civil,
de la délivrance gratuite de l'acte de naissance aux enfants issus de
familles pauvres dont les parents n'ont pas toujours les moyens d'entrer en
possession de cette pièce nécessaire pour que les enfants
puissent se présenter aux examens de fin d'étude primaire.
Rappelons que pour inscrire un enfant, la législation en vigueur demande
un justificatif notamment l'acte de naissance établi le jour de la
venue au monde de l'enfant. Dans les campagnes et zones reculées, les
parents n'ont pas toujours ce précieux outil, ce qui empêche des
milliers d'enfants d'être inscrits. Lorsque les autorités des
établissements acceptent pour aider l'enfant une inscription sans
l'acte, il se trouve qu'à la constitution des dossiers pour le
CEP90(*), l'acte n'est
jamais obtenu. Sans pièces justificatives les enfants ne se
présentent pas aux examens, ce qui entraîne l'abandon de la
majorité d'entre eux au Cours Moyen 2. Les enfants qui abandonnent
l'école faute d'acte de naissance sont vite placés par les
parents en ville et très souvent en raison de leur maîtrise des
fondamentaux en Français vont être envoyés à
l'extérieur du pays c'est-à-dire dans les pays voisins. Les
malheureux vont être envoyés en ville où ils y seront
maltraités et exploités comme nous l'avions vu tout au long de
cette étude. C'est pour éviter une telle situation que le
gouvernement s'est engagé à fournir aux enfants en classe
d'examen l'acte nécessaire pour se présenter. Il demande
déjà à l'inscription aux directeurs
d'établissements d'accepter tous les enfants sans pièce
justificative et pour ceux qui sont en classe d'examen, délivre des
jugements supplétifs à défaut de l'acte authentique. Avec
l'aide des bailleurs et des organisations de la société civile,
les actes sont délivrés à des enfants en situation
difficile. Depuis 2007, l'État a mis en place un dispositif de
délivrance d'acte de naissance à tous les citoyens de plus de 18
ans et parallèlement aux enfants en difficulté. Ce dispositif a
contribué à la scolarisation des enfants notamment des milieux
ruraux susceptibles et a permis d'augmenter le taux d'achèvement des
enfants scolarisés. Dans le domaine sanitaire, le gouvernement a
entrepris des actions qui appuient le dispositif éducatif. Il dote les
écoles et autres lieux de formations de médicaments
nécessaires. Des enfants scolarisés en cas de problèmes
sont soignés dans les écoles et suivis par un infirmier
référent à la maison. L'État s'est aussi
engagé, pour lutter contre le phénomène et favoriser la
scolarisation des enfants, dans une campagne de sensibilisation des parents sur
les droits de l'enfant d'une part, et leurs droits et obligations
vis-à-vis de l'enfant d'autre part. Cette campagne vise surtout à
sensibiliser les parents et la communauté dans son ensemble sur les
conséquences néfastes du Vì?ómåg?'n dans la
société moderne et ses impacts sur les enfants. La mesure leur
prodigue les conseils afin qu'ils adoptent face aux trafiquants des attitudes
responsables. Pour y parvenir, l'État a recours aux moyens traditionnels
et modernes de sensibilisation comme les radios communautaires, les
assemblées de villages et de campagnes et le recours aux services des
têtes couronnées.
Bien que ces mesures en faveur de l'éducation soient
justifiées et jugées nécessaires, elles ne suffisent pas
à elles-seules pour protéger les Vì?ómåg?'n
contre ce phénomène aux conséquences désastreuses
pour les enfants. Il faudra plus d'actions pour garantir un environnement
favorable à la protection des Vì?ómåg?'n l'enfant.
D'où le recours aux mesures dites sociales de lutte contre la
pauvreté.
1- Les mesures en faveur de la lutte
contre la pauvreté
Les réponses apportées par l'État
béninois pour éradiquer ou diminuer l'ampleur du
Vì?ómåg?'n consacrent tout un volet à la lutte
contre la pauvreté. Car derrière le phénomène de
Vì?ómåg?'n aux conséquences destructrices et
ravageuses pour l'enfant, se dissimule la question fondamentale de la
pauvreté. Les liens entre la pauvreté et le
phénomène Vì?ómåg?'n sont clairement
établis et très étroits. Le phénomène
Vì?ómåg?'n découle d'une insatisfaction des besoins
sociaux fondamentaux d'une grande majorité de ménages, une
insatisfaction qui amène à tirer profit de l'enfant pour les uns
et les placer pour survivre pour les autres. La pauvreté est dès
lors considérée comme la cause première de la
dérive du Vì?ómåg?'n en République du
Bénin. Le phénomène Vì?ómåg?'n est
à la fois une cause et une conséquence directe de la
pauvreté. Le mécanisme de la dérive du
Vì?ómåg?'n est entretenu par la pauvreté mais aussi
de la modernisation avec la perte des valeurs sociales traditionnelles.
Au sujet de la pauvreté, elle a évolué
ces dernières années aussi bien en milieu que rural comme le
démontre ADEGBEDI91(*) dans son étude sur la dynamique de la
pauvreté au Bénin. Selon cette étude, elle a
considérablement évolué selon le genre, le ménage,
la taille du ménage, selon le lieu de résidence, le statut du
chef de ménage mais aussi selon l'âge du chef du ménage que
l'on soit en milieu urbain ou zone rurale. Les études ELAM92(*) et ECVR93(*) menées après
2000, montrent que la pauvreté s'est accentuée ces
dernières années et frappe de plus en plus de populations
qu'elles soient en milieux urbains ou ruraux. Le Seuil de Pauvreté
Global en milieux ruraux est établi à 51.413 F CFA contre 91.705
F CFA en milieux urbains94(*). Cette situation ne favorise guère la
situation des béninois et des béninoises. La situation s'aggrave
de plus en plus malgré les progrès économiques sur ces dix
dernières avec une croissance d'au moins 5% par an. Les pauvres
deviennent plus pauvres et n'arrivent toujours pas à satisfaire les
besoins primaires et élémentaires de leur famille en termes de
santé, d'alimentation, d'éducation, loisirs etc. Aujourd'hui au
Bénin, seule une petite frange d'individus vit avec plus de deux dollars
par jour. La grande majorité vit en deçà du seuil
international de pauvreté avec des conditions de vie
déshumanisantes à savoir logements impropres, sans eau potable,
électricité, et sans soins de santé primaires. Cette
majorité a de lourds handicaps qui l'empêchent d'assurer la
protection des enfants. Dès lors, l'enfant qui vit dans un tel
ménage est aussi pauvre et susceptible d'être victime du
phénomène Vì?ómåg?'n. Cette majorité
de parents et d'enfants ne disposent pas du minimum requis pour survivre.
D'où l'élaboration en 2002 du Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté (DSRP) par l'État. Le DSRP est
outil qui s'inspire de la Déclaration de la Politique de la Population
(DEPOLIPO95(*))
adoptée en 1996 et des perspectives du développement à
long terme réalisées auprès des différentes couches
de la population ayant abouti à l'élaboration d'une vision
stratégique nationale à l'horizon 2025. Cette déclaration
et cette vision ont permis à l'État d'élaboré
entre 2001 et 2006 un Programme d'Action de Gouvernement(PAG), qui fait de la
lutte contre la pauvreté le pilier central du développement et de
protection de l'enfant notamment de son environnement. Le DSRP est une forme
d'opérationnalisation du PAG qui s'attaque à la pauvreté
rurale. Le DSRP à travers le PAG a identifié la lutte contre la
pauvreté comme un défi national dont la réduction pourrait
avoir des retombées positives pour les enfants notamment en termes de
protection de leurs droits. La lutte contre la pauvreté au regard de ce
qui précède, apparaît aux yeux des pouvoirs publics comme
une solution pour combattre le phénomène
Vì?ómåg?'n. Le DSRP vise clairement les couches
paupérisées et intègre en marge des politiques
macroéconomiques, les problématiques du développement
rural, de la sécurité alimentaire, de l'accès aux soins de
santé, de l'égal accès à l'enseignement pour les
enfants quelque soit leur lieu de résidence sur le territoire, de la
réduction des inégalités et des accès autres droits
fondamentaux. Le DSRP associe pour sa mise en oeuvre les questions liées
à l'enfance malheureuse, la planification familiale, la
sécurité foncière et la sensibilisation des parents sur
les droits de l'enfant dans une démarche transversale. Le Plan d'Action
du Gouvernement 2001- 2006 à travers ses objectifs N° 6 et 7
relatifs respectivement à la « Lutte contre la
pauvreté » et « Jeunesse, genre et
développement », aborde la question protection de l'enfance en
insistant sur la nécessité de scolarisation des enfants et
d'amélioration des conditions de vie de leurs parents. Il prévoit
des actions d'accroissement de la production agricole à travers une
mécanisation de l'agriculture, la mise à disposition des paysans
et agriculteurs des moyens pour développer leur exploitation et par
ricochet de l'amélioration de leurs conditions de vie.
Pour ce faire, le Bénin a lancé une multitude de
projets, programmes nationaux et d'actions visant à lutter contre la
pauvreté. Nous en avons volontairement retenus ceux qui semblent avoir
un impact sur la protection des Vì?ómåg?'n. Il s'agit entre
autres, du Programme AGeFIB, du PNDCC96(*) et du Programme National de Micro finance. Le
Programme de l'Agence de Financement des Initiatives de Base (AGeFIB), comporte
deux sous-projets importants à savoir : « Le projet
Fonds Social de Lutte contre la Pauvreté et du Fonds pour la Protection
de l'Enfance au Bénin ». Initié par le Gouvernement et
soutenu par la Banque Mondiale, le programme AGeFIB est un programme d'actions
pluridimensionnelles menées au Bénin pour lutter contre la
pauvreté en zones rurales au Bénin. Il permet dans un premier la
construction d'infrastructures communautaires et soutient dans un second temps
les activités génératrices de revenus initiées par
les populations rurales. Grâce à son premier volet, ce programme a
permis la construction d'infrastructures notamment des pistes de
désertes rurales, des ponts, des centres de santé, des
écoles...etc. Son second volet porte quant à lui sur la question
de la sensibilisation des parents et des communautés locales sur le
fléau Vì?ómåg?'n et ses conséquences sur les
droits de l'enfant. Il met l'accent sur la nécessité de
protection des enfants contre toutes formes de travail et d'exploitation
économique. Le projet a connu un succès remarquable et a permis
de sauver des milliers d'enfants contre la traite en raison de
l'amélioration des conditions de vie des parents en alliant lutte contre
la pauvreté et défense et promotion des droits de l'enfant.
La deuxième action de lutte contre la pauvreté
en rapport à la protection de l'enfant est le Projet National
d'appui au Développement Conduit par les Communautés (PNDCC). Ce
projet a pour objectif la promotion d'une nouvelle approche de
développement conduit par les communautés, les ministères
sectoriels, les gouvernements locaux décentralisés et les
communautés locales afin d'améliorer l'accès des
communautés les plus pauvres aux services sociaux et financiers. Il
comporte quatre composantes dont les 2 et 3 abordent respectivement
l'amélioration de l'accès des pauvres aux services sociaux et
infrastructures de base, et l'amélioration de l'accès des pauvres
aux services financiers pour des activités génératrices de
revenus. Démarré en 2005, il a permis à mi parcours, la
réalisation de plus de 1446 salles de classe, la construction de centres
de santé, des pistes rurales et le financement de 625 microprojets dans
plusieurs communes notamment celles les plus défavorisées du
pays. Grâce au PNDCC, le maintien des enfants à l'école
jusqu'à la fin des études primaires devient de plus en plus une
réalité. Il permet la scolarisation des filles et est
perçu comme un véritable projet de développement national
qui garantit aux populations des revenus certains et sûrs capables de les
aider à réaliser leurs projets et de s'occuper de façon
convenable de leur progéniture.
D'autres projets ou programmes continueront dans la
même dynamique d'amélioration des conditions de vie des
populations afin d'accroître leurs potentialités
économiques. Nous pouvons citer, le programme de Micro Crédits
aux Plus Pauvres (PCPP). Le PPCPP est un ambitieux programme de
micro-crédits lancé le 27 Février 2007 et financé
sur fonds propres par le gouvernement béninois, qui touche directement
et à moindre coût, ceux-là qui de par leur
précarité sont exclus de la vie nationale et dont les enfants ont
toutes les chances d'être victimes du phénomène
Vì?ómåg?'n. Le gouvernement en fait un leitmotiv de la
lutte contre la pauvreté en vue d'un développement
socio-économique des couches défavorisées. Pour son
démarrage, l'État a fait un effort louable avec près de 3
Milliards de FCFA. Il sera ouvert à la suite aux partenaires
privés et la communauté internationale. Son montant total
atteindra 10 Milliards un an après. Il profite à près de
3 Millions de béninois pauvres. Son principe est simple, sur 100 F CFA
prêté à un plus démuni, le
bénéficiaire ne paiera au bout de six mois que 5 F dont 3 F au
titre d'une épargne personnelle qui lu sera restituée. Le PCPP,
est un prêt de 30.000 C CFA soit environ 45 Euros à une personne
pauvre exclue du circuit classique de financement d'activités c'est
à dire aussi bien par les banques que les institutions traditionnelles
de micro-finance. Grâce à ce programme de micro crédit, des
milliers de femmes des zones rurales mais aussi les pauvres des villes ont pu
saisir leur chance de développer ou d'entreprendre une activité
génératrice de revenus qui leur permet de faire face aux besoins
élémentaires de leur ménage et par extension de leur
progéniture. Ce programme apparaît à plus d'un titre
à nos yeux comme une opportunité, une chance pour les plus
pauvres qui sont éloignés de toute activité pouvant
générer des revenus suffisants pour se prendre en charge et
satisfaire les besoins de base de leurs enfants.
Nous citerons également les projets
d'alphabétisation des populations et d'aides aux parents dont les
enfants. Avec le projet d'alphabétisation, l'État s'attaque
à l'ignorance, source de pauvreté et entend régler le
problème de méconnaissance des droits des citoyens d'une part et
des droits des enfants d'autre part. Cette action vise à faire
connaître aux citoyens les différents textes qui assurent la
protection de leurs enfants. Cela est plus nécessaire puisque c'est dans
le milieu rural et analphabète que les trafiquants opèrent en
dissimulant leurs intentions finales aux parents. La scolarisation des enfants
et l'alphabétisation des parents sont deux mesures sociales
géniales de garantie des droits des enfants. Ces différents
projets et programmes visent à lutter contre la pauvreté en
accroissant leurs revenus annuels et d'asseoir une politique de protection
sociale de l'enfant.
En résumé, les différentes mesures
sociales en faveur de l'éducation et de lutte contre la
pauvreté, contribuent à freiner l'élan du moins l'ampleur
du phénomène Vì?ómåg?'n à
défaut de l'éradiquer pour le moment. Elles tentent de renforcer
le système de protection de l'enfant en lui garantissant un
environnement protecteur de ses droits. La réduction de la
pauvreté aurait un impact positif sur la protection des droits de
l'enfant et particulièrement du Vì?ómåg?'n, qui peut
vivre comme tous les autres enfants. De ce fait, c'est son statut social qui se
trouve renforcé.
Conclusion
Cette étude nous a permis de découvrir la vision
traditionnelle de la protection de l'enfant au Bénin, ses droits,
devoirs et sa place dans la société. Elle nous a également
permis d'appréhender la situation des enfants placés
communément appelés Vì?ómåg?'n, qui n'est pas
reluisante au regard de la violation des droits de ces enfants
engendrée par le phénomène ou la dérive du
Vì?ómåg?'n. L'étude nous a permis de tirer un
certain nombre d'enseignements à savoir qu'on ne peut plus
considérer dans la société béninoise d'aujourd'hui
la pratique Vì?ómåg?'n comme une marque de
solidarité et d'épanouissement d'un enfant. Jadis perçue
comme une chance pour les enfants issus de milieux pauvres, cette pratique au
fil des années a été détournée, pervertie et
éloignée de ses objectifs sociaux, éducatifs et de
protection de l'enfant. Elle s'est transformée, mutée en un
esclavagisme des temps modernes avec comme résultat la violation des
droits et libertés fondamentales de l'enfant.
Au-delà de cette transformation, l'étude nous a
révélé que c'est la perception sociale de l'enfant
même qui change dans une société nucléarisée
ou l'individualisme commence par avoir de l'ascendance sur l'esprit
traditionnel communautaire. L'enfant n'est plus l'objet précieux et est
simplement dévalorisé. Il ne joue plus le rôle de
créateur de liens sociaux mais plutôt considéré
comme une source moderne de revenus. La pratique de solidarité est en
voie de disparition. Désormais on ne pourrait plus s'appuyer sur cette
vielle pratique pour préparer l'avenir de l'enfant et assurer sa
protection dans la société sans grands moyens que l'idée
de placer son intérêt supérieur au- dessus de tout. Le
Vì?ómåg?'n évoque aujourd'hui, le travail
précoce de l'enfant, la maltraitance, l'exploitation économique
voire la traite d'enfants. La dérive du Vì?ómåg?'n
fruit des changements intervenus dans la société ces
dernières années, est le signe visible de la
dévalorisation de l'enfant. L'enfant n'a plus la même importance
au regard des trafiquants et certains citoyens comme par le passé.
L'enfant est sans doute considéré dans la société
moderne béninoise comme un bien économique au même titre
que les autres biens économiques entrant dans l'économie du pays.
Les divers bouleversements intervenus ces années dans la
société béninoise, la crise qui affecte les ménages
notamment la paupérisation, sont autant de choses ayant remis en cause
la solidarité traditionnelle qui présente dès lors ses
limites. Avec ce bouleversement, le Vì?ómåg?'n est devenu
une forme de réallocation des charges des parents et permet aux tuteurs
d'arrondir la fin du mois. Cette situation fait perdre du coup à la
pratique Vì?ómåg?'n ses fondements traditionnels et les
valeurs qu'elle véhicule pour s'inscrire dans une logique d'exploitation
à des fins économiques de l'enfant placé. En termes
clairs, la dérive provoque des dérapages qui offrent un nouveau
visage du fait socioculturel traditionnel que constituait la pratique de
placement au sein de la société. Avec la violation des droits des
Vì?ómåg?'n que provoque la dérive du placement
d'enfants, on est en mesure d'affirmer que l'enfant, socle du
développement d'une société voire d'une nation, vit
désormais dans une situation d'insécurité sociale et
juridique globale. Ceci est d'autant plus vrai pour les
Vì?ómåg?'n pour la simple raison que les pouvoirs publics
n'ont pas pu mettre en oeuvre une politique d'application des différents
instruments de protection de l'enfant, qui pourraient les protéger
contre les maltraitances, l'exploitation et la traite. La cause d'une telle
situation reste l'inertie, l'irresponsabilité de l'État mais
aussi la complicité de la société dans son ensemble, qui
plongent dans le chaos les enfants notamment les
Vì?ómåg?'n. Autrement, la nouvelle situation de ces
enfants placés est due en partie à une irresponsabilité
des pouvoirs publics nationaux, qui malgré les mécanismes de
protection, sont responsables de la situation que subissent les
Vì?ómåg?'n au Bénin. Ils ne font pas assez d'efforts
du moins plus concrets pour assurer une meilleure condition de vie aux
Vì?ómåg?'n et les protéger contre les
manifestations du phénomène Vì?ómåg?'n.
Lorsque les pouvoirs publics décident de faire appliquer les
différents textes de protection des mineurs, ces derniers se
révèlent inefficaces. Le mécanisme de protection des
Vì?ómåg?'n, est confronté à des
difficultés politiques mais aussi socio-économiques comme la
pauvreté. Il ressort de nos analyses, que la pauvreté constitue
l'élément déterminant dans l'émergence de la
dérive du Vì?ómåg?'n. La situation de
paupérisation des parents favorise le développement du
phénomène Vì?ómåg?'n, qui empêche des
milliers d'enfants de vivre heureux dans la société. Pour le
combattre véritablement, il faudra réduire la pauvreté et
les inégalités de répartition des revenus du pays.
Notre étude révèle également les
limites du système béninois de protection de l'enfance. En effet,
le Bénin est encore loin au regard de notre analyse, d'assurer une
protection juridique et sociale complète voire suffisante aux
Vì?ómåg?'n. Ceci relève vraiment d'un mythe et
l'état actuel des choses ne permet pas d'être optimiste car les
mesures réelles de protection des Vì?ómåg?'n tardent
voir le jour. Malgré l'impressionnant arsenal juridique mis en place,
les Vì?ómåg?'n ne bénéficient pas toujours
d'une protection efficace. Ils continuent d'être les victimes de la
dérive ou du phénomène Vì?ómåg?'n aux
conséquences dévastatrices pour eux. Ils ne jouissent pas
toujours d'une protection effective comme en témoigne le manque de loi
garantissant leurs droits et libertés dans les foyers et familles
d'accueil. Autrement dit, ils ne sont pas juridiquement couverts. Les
différentes mesures de protection de l'enfance ne sont pas toujours
appliquées ou étendues aux Vì?ómåg?'n au
Bénin. C'est pour quoi, malgré la robustesse de l'arsenal
juridique de protection de l'enfant, le phénomène ne cesse de se
développer avec des stratégies plus rodées jusqu'à
atteindre une ampleur inquiétante. Ce qui laisse dire qu'une kyrielle
d'instruments juridiques internationaux et nationaux juxtaposés, ne
suffit pas pour garantir une protection effective des droits des
Vì?ómåg?'n. Dans le cas béninois, ceci est un
échec total car la politique nationale de protection de l'enfance est
loin d'être efficace. Elle est sélective et discriminante comme en
témoigne le refus d'appliquer les textes de lois aux enfants
Vì?ómåg?'n. En d'autres termes, le mécanisme actuel
de protection de l'enfance en vigueur n'intègre ou ne prend pas
vraiment en compte les Vì?ómåg?'n dans sa politique de
garantie et de protection des droits de l'enfant. Ils sont volontairement mis
à l'écart, révélant ainsi le déphasage
observé entre la réalité et le dispositif juridique et
social. En s'attaquant aux manifestations de la dérive, l'État
s'est trompé de cible, car ce n'est pas la lutte contre le trafic, la
traite ou le travail des Vì?ómåg?'n, qu'il faut
privilégier mais plutôt s'attaquer à la pratique de
placement elle-même.
Face à cette situation, il faut agir très
rapidement, aller plus loin que la simple juxtaposition des textes de
protection de l'enfant, l'adoption de mesures complémentaires
inefficaces et afficher une volonté politique plus concrète en
s'attaquant aux racines de la dérive du phénomène
Vì?ómåg?'n. Il ne suffira pas simplement de mettre en place
un arsenal juridique reconnaissant la protection de l'enfant mais adopter de
vraies mesures de protection des enfants placés en République du
Bénin. Il apparaît à nos yeux plus qu'opportun de
protéger ces enfants contre la cupidité des tuteurs en codifiant
la pratique traditionnelle de placement d'enfant. Ceci passera par l'adoption
d'une loi par les pouvoirs publics d'une loi qui réglementerait le
placement et fixerait les droits et devoirs non seulement des tuteurs mais
aussi des parents géniteurs. Il va falloir corriger les lacunes du
dispositif existant en matière de protection de l'enfance et imaginer
des solutions plus concrètes qui permettent de rendre plus
réelle la protection des Vì?ómåg?'n. Les pouvoirs
publics doivent rompre pour ce faire avec leur silence coupable, leur attitude
d'indifférence et agir vraiment contre le phénomène
Vì?ómåg?'n, qui est devenu non seulement un
problème de droits de l'homme, mais de justice sociale et surtout de
développement. Il faudra le combattre car il constitue une
négation des droits de l'enfant. Le moins qu'on puisse vraiment faire
pour ces enfants eux serait de les soulager de leurs peines, de leur donner
une chance afin qu'ils puissent contribuer contre tous les autres enfants au
développement du pays plus tard. Les pouvoirs publics doivent à
ce sujet tout faire pour assurer aux Vì?ómåg?'n une enfance
épanouie et heureuse et les protéger contre les violences, la
maltraitance et l'exploitation économique dont ils sont
systématiquement victimes dans la société aujourd'hui.
Cette protection pourrait passer par deux pistes essentielles à savoir
une solution juridique d'une part et une solution politique et institutionnelle
d'autre part. Dans le premier cas, nous suggérerons d'établir une
juridiction nationale spécialisée sur la question des
Vì?ómåg?'n. Cette dernière doit punir les tuteurs
indélicats et les trafiquants contre les atrocités qu'ils auront
commises à l'endroit des Vì?ómåg?'n mais aussi punir
les parents qui placent illégalement les enfants. L'institution d'une
juridiction nationale spécialisée permettrait aux
Vì?ómåg?'n de vivre en paix et de repousser le loin
possible d'eux les frontières de l'exploitation économique, de la
traite, de la maltraitance ou encore du travail précoce.
Dans un second temps, il peut s'agir de l'adoption d'une
solution non juridique. L'État pourrait mettre en place une politique
nationale préventive de lutter contre la dérive du
Vì?ómåg?'n en sensibilisant davantage les parents et les
trafiquants contre la dérive de ce phénomène. Cette
politique passera par le renforcement des actions des différentes
institutions en charge de la protection de l'enfance. L'État pourrait
par exemple instituer un prix ou une bourse qui récompenserait les
bons parents, qui gardent et élèvent dans la dignité leurs
enfants malgré leurs moyens limités ou les tuteurs qui ont
développé une bonne pratique, une bonne attitude à
l'égard des Vì?ómåg?'n qui leur sont confiés.
La solution non juridique doit exiger une prise de conscience collective face
à la transformation de la représentation sociale de l'enfant au
sein de la société mais aussi des nouveaux problèmes que
pose le phénomène Vì?ómåg?'n. Elle doit pour
ce faire, mettre en place une organisation sociale adaptée
inspirée de la tradition, en termes d'application concrète d'une
politique d'éducation, de socialisation responsable et collective de
l'enfant. C'est à ce seul prix qu'une politique de garantie efficace et
de promotion des droits de l'enfant doit être possible. D'une
façon plus explicite, nous préconisons le retour raisonné
à la tradition, en redynamisant la solidarité entre les hommes et
en les sensibilisant davantage sur leurs droits et devoirs vis-à-vis des
enfants. Ceci est d'autant plus nécessaire en raison du caractère
incomplet de l'État qui n'est qu'une sorte de colosse aux pieds
d'argile. En remuant les cendres de la tradition, l'État pourra
disposer du temps nécessaire pour asseoir une politique moderne de
protection des droits de l'enfant qui intègre les
Vì?ómåg?'n, en réglant d'abord les problèmes
liés à la paupérisation et au développement
équilibré de la Nation. Dans un contexte de
sous-développement, de pays pauvre et très endetté avec un
niveau de vie très faible, le recours à la tradition
modernisée serait un salut, un pas déterminant et peut garantir
une protection des enfants de la Nation. La pratique
Vì?ómåg?'n pourrait retrouver aussi tout son prestige
d'antan et les Vì?ómåg?'n tirer le maximum de
bénéfice notamment en matière d'éducation, de
formation et de socialisation pour la vie adulte. Signalons que les
députés, les ministres, les cadres bref, la société
dans son ensemble doit cesser de voir la Vì?ómåg?'n comme
l'orgueil, la fierté nationale et reconsidérer sa position
vis-à-vis de cette pratique qu'il urge d'encadrer juridiquement pour
garantir une protection sûre et complète aux enfants en
République du Bénin. Car le développement du pays passe
par le règlement du problème du Vì?ómåg?'n.
Si vraiment le Bénin veut être vraiment un pays émergent,
un état démocratique, bien gouverné, prospère au
rayonnement culturel, économique riche d'ici à l'horizon 2025
comme le préconisent les divers documents de développement, il
faudra très tôt s'attaquer à la pratique
Vì?ómåg?'n. Avouons que le développement ne sera pas
possible avec un tel état des droits des Vì?ómåg?'n
dans le pays. Il est encore trop tôt et la parade peut être
trouvée. Seules les autorités publiques compétences ont le
pouvoir de changer les choses et nous interpellons à ce sujet le
gouvernement actuel du changement qui doit se réapproprier la question
des Vì?ómåg?'n et adopter dans les mois à venir le
code de l'enfant qui sera un premier outil qui servira de
référence en matière de protection des enfants
placés au Bénin.
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Paris, 2004, 271 p.
B) Documents spécifiques
- CEREDEC-AFRIQUE, Constitutions et textes constitutionnels de
la République du Bénin depuis les origines Dahoméennes,
Cotonou, Fondation Friedrich NAUMANN, 1997,328 p
- Recueil de textes de loi sur le trafic des enfants,
Ministère de la Famille, de la Protection Sociale et de la
Solidarité, Cotonou, Novembre 2004,31 p.
- Loi N° 2006-19 du 05 Septembre 2006 Portant
répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en
République du Bénin, Ministère de la Famille et de
l'Enfant, Cotonou, 2007, 17 p.
- Loi N° 2005-31 du 05 Avril 2006 Portant
Prévention, Prise en Charge et Contrôle du VIH/SIDA en
République du Bénin, Ministère de la Famille et de
l'Enfant, Cotonou, 2007,Cotonou, 28p.
- Le code des personnes et de la famille, Ministère de
la Famille, de la Femme et de l'Enfant, Cotonou, 2006, 32 p.
- Charte Africaine des Droits et du Bien-être de
l'Enfant, Ministère de la Famille de la Protection Sociale et de la
Solidarité & Ministère de la Justice de la Législation
et Droits de l'Homme, 3ème Edition, Juin 2002, 52 p.
C) Rapports :
- Anti- Slavery International, Projet sous-régional de
lutte contre le travail et le trafic des enfants domestiques en Afrique
Centrale et de l'Ouest, Octobre et Décembre 2000,
- Anti- Slavery International, Trafic des enfants en Afrique
de l'Ouest et du Centre : une réalité persistante,
Genève, 11-15 Juin 2001.
- Enfants Solidaires d'Afrique et du Monde, «
Trafic d'enfants entre le Bénin et le Gabon », Rapport
effectué par Alain François ADIHOU.
- La violence étatique au Bénin, projet
coordonné par l'organisation Mondiale Contre la Torture, Genève,
Janvier 2005.
D) Dictionnaires
- Paul Robert, Le Petit Robert (2007)
- Dictionnaire de la langue Fongbé du Bénin sur
la toile, par M. Gérard POIROT
Tables des matières
REMERCIEMENTS
3
INTRODUCTION
4
CHAPITRE I- LES DROITS ET DEVOIRS DANS L'UNIVERS
TRADITIONNEL BENINOIS
13
Section 1- La vision traditionnelle de l'homme et
du monde
13
Paragraphe 1- La tradition béninoise :
sa vision du monde et des droits de la personne humaine.
13
1- Un monde créé par le Dieu
Unique
13
2- L'invisible
dans la tradition
15
Paragraphe 2- La perception traditionnelle de
l'homme
17
1- L'homme : un être sacré
au sens de la tradition
17
2- L'homme et la société
18
Section 2 - La doctrine traditionnelle des droits
de l'homme et les mécanismes de protection
20
Paragraphe 1- La conception traditionnelle de
l'individu et de ses droits
20
1- Les fondements et valeurs de la
société traditionnelle
20
2- Les droits de l'individu en
communauté
24
Paragraphe 2- Les Devoirs de l'individu, de la
communauté et garantie des droits de l'homme
28
1- Les devoirs dans l'univers
traditionnel
29
2- La garantie des droits et devoirs de l'homme
dans l'univers traditionnel
33
Paragraphe 1- Les représentations sociales
de l'enfant et ses droits dans l'univers traditionnel béninois.
36
1- La perception de l'enfant par la
tradition
37
2- Les droits et devoirs de l'enfant
39
Paragraphe 2- La socialisation de l'enfant dans
l'univers traditionnel
42
1- La socialisation de l'enfant
42
2 - L'univers traditionnel béninois et
les moyens de socialisation d'un enfant
47
Section 2- Le Vì?ómåg?'n comme
une invention originelle de protection de l'enfant au Bénin :
Origines, fondements et évolutions
49
Paragraphe 1- Des origines, fondements et
évolutions du Vidomègon
49
1- Définition, origines et fondements
du Vidomègon
49
2- Evolution de la pratique
Vì?ómåg?'n au Bénin
52
Paragraphe 2- La pratique
Vì?ómåg?'n et la problématique de la protection de
l'enfant
55
1- La pratique Vì?ómåg?'n:
une protection traditionnelle de l'enfant par un tiers autre que les parents
géniteurs
55
2- Le Vì?ómåg?'n : une
protection traditionnelle de l'enfant par la communauté
58
DEUXIEME PARTIE : LA DERIVE DU VIDOMÅGON
ET LA PROTECTION DES ENFANTS PLACES AU BENIN
63
CHAPITRE 1- LA DERIVE DU VIDOMEGON ET SES
CONSEQUENCES POUR L'ENFANT
64
Section 1- L'exposé de la dérive
Vì?ómåg?'n au Bénin
64
Paragraphe 1-La maltraitance et l'exploitation
économiques des enfants Vì?ómåg?'n
65
1- La maltraitance des
Vì?ómåg?'n
65
2- L'exploitation des
Vì?ómåg?'n : un drame social aux conséquences
énormes pour l'enfant.
71
Paragraphe 2- La traite des enfants
75
1- Le trafic interne de
Vì?ómåg?'n
76
2- Vì?ómåg?'n et le
trafic externe
78
Paragraphe 1- Des droits et libertés des
Vì?ómåg?'n
81
1- L'état des lieux des droits
fondamentaux des Vì?ómåg?'n
81
2- La situation générale des
libertés fondamentales des Vì?ómåg?'n
85
Paragraphe 2- La dérive du
Vì?ómåg?'n et la fragilisation des enfants
placés
88
1- Éducation et santé des
Vì?ómåg?'n
88
CHAPITRE 2- DE LA PROTECTION GENERALE DE L'ENFANT
À LA PROTECTION SPECIFIQUE DES VIDOMEGONS CONTRE LA DERIVE DU
VIDOMEGON.
95
Section 1- La protection juridique et sociale de
l'enfant au Bénin
95
Paragraphe 1- Les textes internes de protection de
l'enfant
96
1- Etat des lieux de la protection de
l'enfant au Bénin
96
2- Les mesures institutionnelles de protection de
l'enfant
102
Paragraphe 2- Les instruments internationaux de
protection de l'enfant
105
1- Les instruments juridiques onusiens de
protection de l'enfant
105
2- Les instruments régionaux de
protection de l'enfant béninois
108
Section 2- Vers une protection spécifique
des Vì?ómåg?'n en République du Bénin
110
Paragraphe 1- Les mesures complémentaires
législatives et institutionnelles de protection des
Vì?ómåg?'n
110
1- Les textes complémentaires de
protection du Vì?ómåg?'n
110
Paragraphe 2- Les mesures sociales de protection
des Vì?ómåg?'n
116
1- Les mesures en faveur de la lutte contre
la pauvreté
121
Conclusion
126
Résumé
La pratique Vì?ómåg?'n est une pratique
noble et sociale de protection de l'enfant dans la société
béninoise. Elle ne date pas d'hier et cela fait des siècles
qu'elle a été conçue pour assurer la protection des plus
vulnérables dans la société. Mais aujourd'hui,
après l'échec de la modernisation, l'effondrement de la famille
élargie et du système traditionnel de garantie des droits
individuels voire de l'enfant, la dépravation des moeurs et coutumes, la
pratique Vì?ómåg?'n a été mis à mal,
ramené, croyons- nous, par des individus mal intentionnés,
à une exploitation économique, au travail, à la
maltraitance, au trafic et à la traite de l'enfant, bref au
phénomène Vì?ómåg?'n. Le
phénomène Vì?ómåg?'n est la preuve
perceptible de cette transformation de cette noble pratique aux
conséquences dangereuses pour les droits de l'enfant. Le présent
mémoire aborde la question en voyageant au coeur de la
société traditionnelle pour appréhender non seulement les
droits et devoirs de l'individu en société, mais la protection
des droits de l'enfant à travers cette pratique. Il analyse la
société moderne avec son incapacité à apporter des
réponses aux questions de développement pour établir les
vraies causes de l'émergence du phénomène
Vì?ómåg?'n, qui n'honore pas le pays mais en plus viole,
bafoue les droits et libertés des enfants et défie le
système national de protection mis en place. Ce mémoire fournit
l'éclairage historique sur cette pratique et sur sa pertinence encore
aujourd'hui et peut à ce titre intéressé tous ceux qui
travaillent pour la défense, la promotion et la protection des droits de
l'enfant au Bénin.
Mots clés : Pratique
Vì?ómåg?'n, le Vì?ómåg?'n ou enfant
placé, le phénomène ou la dérive
Vì?ómåg?'n
* 1 YANOUSSI.Z.,
« Les déterminants démographiques et sociologiques
du confiage des enfants au Burkina-Faso », in Etude de la
population Africaine, Vol 22, N° 2, 2007, p 205-231.
* 2 Peuple de la
République du Bénin, et fondateur de l'ancien royaume du Dahomey
qui s'est développé à partir de la ville d'Abomey. Comme
les Adja avec lesquels ils sont associés à partir du
XVIIème siècle sous le nom d'Adja-Fon, les Fon tiennent leur
origine des migrations yoruba venue de l'est et leurs liens matrimoniaux avec
les populations locales. Nés des contacts entre les grands courants
culturels de l'Est et de l'Ouest du Golfe de Guinée (Ewé), les
Fon ont intégré les esprits locaux à leurs croyances.
Cette synthèse se manifeste à travers l'art, la religion et les
attributs du pouvoir.
* 3 KITI. (Abbé).
« Religions traditionalistes », Études
dahoméennes, nouvelle série, n°11, janv. 1968, Porto-Novo,
lRAD.
* 4 AGUESSY.H.,
« La divinité Legba et la dynamique du panthéon
Vodoun au Dan-Homé », Cahiers des religions africaines,
4° année, janv.1970, Kinshasa
* 5 AGUESSY.H., op. Cit
* 6 ERNY.P.,
« L'enfant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique
noire », L'Harmattan, Paris, 1991, P 61.
* 7 QUENUM.M.,
« Au pays des Fons : us et coutumes du
Dahomey », Maisonneuve et Larose, 3ème
édition, Paris, 1983, p 61.
* 8 QUENUM.M., op. Cit. p
66.
* 9 QUENUM.M., op. Cit.
p63.
* 10
EZEMBE.F., « L'enfant africain et ses univers »,
Karthala, Paris, 2003, p 74.
* 11 EZEMBE.F., op.cit.
* 12
RONDEAU.D., « La relation des droits aux devoirs : approche
interculturelle », in Revue ASPECTS, n° 1 - 2008, pages
135.
* 13
SEHILI.H.M., « La question de l'universalité des
droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et
libertés », Mémoire de Master Recherche en Droit
Constitutionnel et Théorie du Droit,
http://www.memoireonline.com/02/08/916,
22 Mars 2009 à 22H 14.
* 14
SEHILI.H.M., op.cit.
* 15
NDIAYE.T. « Aspects philosophiques et religieux des
valeurs », Revue Éthiopiques, N° 31, 1982.
* 16 MUNGALA.A.S.,
« L'éducation traditionnelle en Afrique et ses valeurs
fondamentales », in Revue Ethiopiques, N° 29, 1982
* 17
* 18 MUTUALA.M., in
« Charte des droits de l'homme des peuples et des cultures
africaines », p.200,
http://www.sqdi.org/volumes/pdf/12.2_-_mubiala.pdf,
25 Mars 2009- 18H 36.
* 19 Terme désignant
en langue Fon du Bénin, guérisseur, féticheur et de
médecin traditionnel. Le Vodounon est détenteur de connaissances
en matières médicales et peut guérir par les plantes mais
aussi par les esprits.
* 20 Tunguru Huaraka,
« Les fondements des droits de l'homme en Afrique »,
dans A. Lapeyre, F. de Tinguy et K. Vasak (dir.), Les dimensions
universelles des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1990, p.240.
* 21 Tunguru Huaraka,
op.cit
* 22 RONDEAU.D., op.cit.
p 129 ; citant Erica-Irène A. in « Les devoirs
de l'individu envers la communauté et les limitations des droits et
libertés de l'homme en vertu de l'article 29 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme », New York, Nations unies,
1983.
* 23 Chef de la
collectivité, de la lignée, garant de la tradition et des
valeurs. C'est une autorité qui assure la protection de l'ensemble des
grandes familles constituant la collectivité.
* 24 Chef placé
à la tête d'un ensemble composée de familles membres de la
grande collectivité vivant sur un même espace
généralement dans une concession assez étendue.
* 25 BRUYAS.J.,
« Les sociétés traditionnelles de l'Afrique
Noire », L'Harmattan, Paris, 2001, P 15.
* 26 ERNY.P.,
« L'enfant dans la pensée traditionnelle de l'Afrique
Noire », L'Harmattan, Paris, 1990
* 27 Terme désignant
que l'enfant est le bénéfice divin. Il exprime la richesse et la
valeur conférées à l'enfant dans la société
traditionnelle béninoise.
* 28 AZALOU.T.A,
« Rites et datation de nom de naissance chez les aja-fon du
Bénin », cité par SODJIEDO R., in Mémoire DEA,
Université Catholique de Lyon, 1996, p 13.
* 29 ROCHER G,
« Introduction à la sociologie
générale », HMH, 3ème
édition, 2005, 685 p
* 30 KWADZO.A.B.T.,
« Socialisation de l'enfant dans le milieu familial et hors de
famille », in série : Famille, enfant et
développement en Afrique, Unesco, Paris, 1988.
* 31 C'est un rite de
présentation de l'enfant aux astres et plus particulièrement
à la lune qui a lieu le mois qui suit la naissance d'un enfant. Lors de
cette cérémonie, la mère et le nouveau sont initialement
enfermés dès le coucher du soleil car la tradition interdit
qu'ils aperçoivent la lune avant la cérémonie. Entre
temps, un membre de la famille, pose juste après le coucher du soleil
sur le toit du nouveau né un rameau préalablement
traîné dans tous les lieux de la maison familiale ou la
mère est censée avoir mis les pieds lors de sa grossesse et
à la suite de son accouchement. Á l'apparition de la lune, le
houévi (membre de la famille) passe à l'acte en soufflant dans
une petite bouteille quarante ou quarante une fois selon le sexe de l'enfant.
Il invoquera lors de cette cérémonie les astres d'accueil
l'enfant et autorise le nouveau né et sa mère à
désormais sortir de leur retraite et de se montrer aux autres.
* 32 Rite de
présentation de l'enfant à l'ensemble des membres de la
collectivité qui comprend la grande famille élargie mais aussi
des amis notamment des membres de la famille de la mère du
nouveau-né. Le rite Vidéton constitue en terme traditionnel la
cérémonie de baptême de l'enfant paré à cette
occasion de beaux vêtements, de colliers, bracelets et autres objets qui
embellissent son corps. Contrairement au premier rite, celui autorise le
nouveau-né et sa maman à se rendre au marché, au champ et
de participer aux activités de la communauté sans crainte. C'est
au cours de ce rite d'intégration que l'imposition de nom de l'enfant a
lieu. Le père de l'enfant aidé des akovinon et des chefs
traditionnels révèlent au public présent qui accueille
avec ferveur et joie la présentation du nouveau membre de la
lignée, son nom et la signification qu'il revêt.
* 33 Rite d'identification
de l'ancêtre protecteur qui doit veiller sur l'enfant durant toute sa
vie. À la suite de ce rite l'enfant acquiert de nouveaux droits qui
sont ceux de l'ancêtre incarnateur et protecteur. Le rite Agbassa est
pourvoyeur de nouveaux droits notamment des droits des adultes pour
l'enfant.
* 34 Terme en langue Fon
pour désigner l'ancêtre protecteur d'un enfant. C'est
l'ancêtre qui se réincarné à travers l'enfant.
*
35 FAYE Jean- Pierre,
communication sur Pédagogie traditionnelle et problématique
philosophique de l'éducation, Thiès, 30 Mars-05 Avril 2003.
* 36 Éduquer,
élever un enfant en langue fon. Il s'agit de toute forme visant à
forger la personnalité de l'enfant et développant en lui les
capacités de défense au sein de la société.
* 37
QUENUM.M., « Au pays des Fons : us et coutumes du
Dahomey », Maisonneuve et Larose, 3ème
édition, Paris, 1983, p 34.
* 38 HOUNGAN. AYEMONA.C.,
« Disons non au trafic des enfants !
», préface de la série de la Bande
dessinée Lutte Contre le Trafic des Enfants, N° 001,
Ministère de la Famille, de la Solidarité Sociale et de la
Solidarité, Juin 2002.
* 39 HOUNGAN A.C., ibid.
* 40 Les Agasùvi
sont les descendants du clan des Agasù. Ce clan selon la légende
serait issu du XVII ème siècle de l'union d'une princesse Adja de
Tado et d'une panthère. De leur union naît Agasù. Les
Agasùvi sont considérés comme des mi- hommes et mi
-animaux. Suite à une querelle de succession, les Agasùvi fuiront
Tado dans le Togo actuel pour s'installer à Allada au Bénin
actuel. Ils intégreront très facilement la culture autochtone
Aïzo. D'Allada qui sera désignée comme leur capitale
religieuse. L'histoire renseigne qu'ils étendront progressivement leur
influence au Nord et au Sud. Au Nord, le deuxième fils fondera en 1685
le royaume de Porto-Novo encore appelé Adjatchè ou Hogbonou. Le
benjamin se dirigera vers le centre et le nord tandis que l'aîné
est resté à Allada Il ne va malheureusement pas régner
mais amorcer le processus de création du royaume. C'est son petit fils
Houégbadja qui va fonder en l'an 1645 le royaume du Danxomè. La
dynastie des Agasùvi va contrôler le centre et le Sud du
Dahomey Bénin avec des cités Etats dont la plus
célèbre sera le royaume du Danxomè.
* 41 GNONLONFOUN J.,
« La problématique des vidomègons et du
trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale
pervertie », Aide et Action Bénin, Cotonou, Mars 2005,
P3.
* 42 GNONLONFOUN J.,
ibid.
* 43 Le terme akowé
désigne le lettré de l'administration publique de l'État
au Bénin. Alain Kisito METODJO, dans son ouvrage
« Devenir maire en Afrique : Décentralisation et
notabilités locales au Bénin) »,
paru aux Editions L'Harmattan en 2008, précisera dans les pages
19 et 20, que le mot doit son origine à la langue yoruba et
désigne l'évolué c'est-à-dire
l'occidentalisé. Un Akowé, c'est l'évolué qui est
allé à l'école du blanc qui jouit d'un certain statut et
privilège au sein de la société.
* 44 NDEMBI L.D,
«Le travail des enfants en Afrique Subsaharienne : Le cas du
Bénin, Gabon et du Togo », l'Harmattan, Paris, 2007, p
61.
* 45 Aide et Action
Bénin, « La problématique des vidomègons
et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale
pervertie », Cotonou, Mars 2005, P4
* 46 Observatoire
Français de l'Action Sociale Décentralisée,
« l'enfant maltraité », Paris, 1993.
* 47 Article 19 de la
Convention Internationale des Droits de l'Enfant du 20 novembre 1989
* 48 MANCIAUX. M. «
L'enfant maltraité », Fleurus, Paris, 1993, p
148
* 49 Propos recueillis et
retranscrits par nos soins. Ils ont été recueillis lors d'un
entretien avec Koffi dans le quartier populaire de Zongo à Cotonou,
Novembre 2007
* 50 Propos recueillis au
Centre des Jeunes et de loisirs de la ville de Bohicon par AYADJI Hyacinthe, un
assistant social de formation et retranscrits par nos soins. , Décembre
2007.
* 51 Propos recueillis et
traduits par nos soins avec cet ancien Vì?ómåg?'n
aujourd'hui pris en charge par le service diocésain de l'Eglise Saint
François de Xavier de Porto-Novo. Il a été
récupéré par les frères samaritains qui lui
assurent les soins nécessaires. Ils lui ont garanti une formation
professionnelle en le plaçant chez un patron responsable qui ne le
maltraite plus. De même, il est initié aux fondamentaux en langue
française. C'est un enfant meurtri mais heureux qui nous avait
livré ses impressions.
* 52 Propos recueillis par
APLOGAN Florent, Animateur Radio Communautaire Foun-Foun Tokpa de Porto-Novo.
La retranscription a été assurée par nous-même.
* 53 Propos recueillis et
traduits par OGOUMA Brice, Décembre 2007.
* 54 Institut National de la
Statistique et de l'Analyse Economique(INSAE), « Principaux
Indicateurs Sociodémographiques », Cotonou,
Décembre 2003
* 55
AGBOLI-AGBO.M., « Le travail des 10 -14 ans au
Bénin : les normes à l'épreuve des
faits », CEFORP, UAC- BENIN, Septembre 2006, p 5
* 56 Aide et Action
Bénin in « La problématique des vidomègons
et du trafic des enfants au Bénin : Regard sur une pratique sociale
pervertie », op.cit., p 6.
* 57 Ibid. p 6.
* 58 TERRE DES
HOMMES., « Lutte contre la traite des enfants, Stratégie
sectorielle », 2007, P.11
* 59 LALEYE
G., « Trafic des enfants au Bénin- Causes et
implications : Cas de la commune de SEME-KPODJI »,
Mémoire de fin de formation, INJEPS, 2002, p13.
* 60 Ces montants sont
compris entre 15 et 30 Euros. C'est le prix d'un enfant depuis que les
trafiquants organisés en réseau recrutent et transportent vers
les autres pays les Vì?ómåg?'n
* 61 Social
Alert., « SOS traffiking on the tracks of stolen childhoods- A
comparative analysis of child trafficking in the word », Research on
Economic Social and cultural Rights, 2000, N°2 Brussels
* 62 DOTTRIDGE.M.,
« Les enfants, une marchandise ? Agir contre la traite des
enfants », FITH, 2004, p19
* 63 « Unesco
droit à l'éducation »,
http://www.fao.org/righttofood/kc/links_fr.htm,
Décembre 2008, 18H30.
* 64 Constitution de la
République du Bénin, 11 Décembre 1990, art 13.
* 65 ESAM.,
« Étude sur le trafic des enfants entre le Bénin et
le Gabon », 2000
* 66 Bureau International du
Travail, « Le travail des enfants »,
Genève, 1980 P 40-41.
* 67 PNUD,
« Rapport Développement Humain Durable », 2006
* 68 PNUD, ibid,
* 69 Constitution
béninoise du 11 Décembre 1990, préambule, paragraphe 6
* 70 LA ROSA. A.,
« La protection de l'enfant en droit international
pénal : Etat des lieux », Mémoire Master
Recherche, Lille, 2004, p 28.
* 71 OMCT, in
« La violence étatique au Bénin »
rapport alternatif du comité des droits de l'homme, Genève, 2005,
p 78.
* 72 SAIZONOU.A.F., in
« Regard d'Afrique sur la Maltraitance », sous la
Direction de Thérèse Agossou, Karthala, Paris, 2000, 105.
* 73 SODJIEDO HOUNTON.R.F.
« La Justice pour mineurs au Bénin : Protection juridique
et judiciaire de l'enfant au Bénin », www.
Dei.belgique.be, le 25 Mai 2009 à 12H 23.
* 74 SAIZONOU.A.F., Op cit, p
106
* 75 Article 1er
de la loi N° 61-20 du 5 Juillet 1961 relative au déplacement des
mineurs de moins de 18 ans hors du territoire de la République du
Dahomey (Bénin).
* 76 PNUD -Bénin,
« Rapport sur le Développement Humain au
Bénin », 2003.
* 77 SAIZONOU.A.F., op cit,
p 106
* 78 Article 3 code du travail
en République du Bénin, Janvier 1998
* 79 Constitution
Béninoise du 11 Décembre 1990, Art 13.
* 80 Convention Relative aux
Droits de l'Enfant, 1989, Article 20.
* 81 Ministère de la
Famille et de l'Enfant, « Loi portant répression du
harcèlement sexuel et protection des victimes en République du
Bénin », Août2007, p 6.
* 82 Arrêté
interministériel N°16/MEPS/METFP/CAB/DC/SGM/SA, 1er
Octobre 2003.
* 83 Ce décret
intervenu après la période du renouveau démocratique a
fixé au milieu des années les nouvelles règles de
déplacement des mineurs en exigeant des autorisations administratives
de sortie du territoire des mineurs de moins de dix-huit. Ce décret
dispose, qu'aucun enfant ne peut-être confié pour un
déplacement à l'extérieur s'il n'a atteint quatorze ans,
sauf dans les cas spécialement recommandés par les services
sociaux et sanitaires.
* 84 Article 7 de la loi
2006-04 d'Avril 2006 portant sur les conditions de déplacement des
mineurs et répression de la traite d'enfants en République du
Bénin, Ministère de la Famille et de l'Enfant, 2007, p 10.
* 85 Ibid. p 11.
* 86 Ibid. p 12-13.
* 87 Aoudaghost-
BÉNIN., « Etat des lieux sommaire sur les DESC au
Bénin », 2006, p 40.
* 88 Aoudaghost- BÉNIN.,
ibid.
* 89 Ecole
de Qualité Fondamentale : C'est un outil de planification centrale
et de traduction de la vision opérationnelle de la réforme du
système éducatif béninois. Il fixe les conditions
nécessaires à l'apprentissage des élèves, permet
d'augmenter les chances d'accès à tous les enfants et tend
à réduire les écarts entre les taux de scolarisation des
garçons et des filles. Il prend en compte les questions liées
à la qualification du personnel enseignant, de l'environnement scolaire,
du matériel didactique et pédagogique sans oublier
l'équipement et le mobilier. Les normes de d'Ecole de Qualité
Fondamentale prévoient que les salles de classe soient construites en
dur avec des dimensions conformes aux normes internationales. Elles doivent
offrir à chaque apprenant une place assise et de matériels
adéquats.
* 90 Certificat d'étude
Primaire : un diplôme qui sanctionne les études au niveau
primaire. L'enfant admis à cet examen peut aller au collège et au
lycée ou l'enseignement pour le moment n'est gratuit à ce
niveau.
* 91 ADEGBIDI.A.,
« Dynamique de la pauvreté au
Bénin », Janvier 2002
* 92 Enquête
Légère Auprès des Ménages. C'est une enquête
qui a pour but de suivre les comportements et les caractéristiques des
ménages et groupes vulnérables dans en ville.
* 93 Enquête sur les
conditions de vie en milieu rural, l'ECVR fournit la vision des conditions de
vie en milieu rural et sert à établir le profil de la
pauvreté rurale.
* 94 ALLAGNON.I.,
« Le document Stratégique de Réduction de la
Pauvreté », Décembre 2002,
http:/WWW.gouv.bj/spip.php/IMG/ art 273, 29 Mai 2009 à 18H21.
* 95 La Déclaration de
la politique de la Population élaborée en 1996 est
étalée sur une période de 15 ans. Elle se charge de
prendre en compte la résolution des problèmes de la population en
général et le renforcement de leurs capacités à
s'auto- suffire et s'épanouir en particulier.
* 96 Projet National au
Développement Conduit par les Communautés. Il a
été mis en oeuvre grâce à l'accord de financement de
développement CR 3990-BEN et H 128- BEN, signé entre la
République du Bénin et l'Association International de
Développement (IDA) le 04 Novembre 2004
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