ABSTRACT
The dynamic of decentralization in the aspect of a durable
development in general, and the control of forests in particular is originated
from a long time occurrence. In front of the disaster resulted from the
deforestation in a great failure and the procedure of destruction of natural
resources, provokes clearly the necessity of changing the race for activities
and render the control of forests to the local communities. In effect, during
the long period of state control of forestry, the definition of the objectives
during the procedure of decision was generally made without the participation
of the populations of the rive rain areas. In the same views of respecting
their rights, the revendications of the populations of the rive rain areas is
on the control participative of the massive forestry, representing at this
level the first and primary act of the procedure that introduce the revision of
the code of forestry in Cameroon. The will of integration of the population can
be materialize, at first through the possibility given to the communities the
controlling of some parts of the forestry sector and not in permanent, at the
other hand, the opportunity given for the community to collect and control some
parts of forestry sector in permanent (communal forests). More than a tenth
after the creation of the communal forest in Cameroon, the result is so
unfortunately presented. In spite of the progresses remarkably observed. It's
suffers again to be fully put the view of the influence of certain various
social and economic that interacts and conducts sometimes the situation of
inequitable. The control decentralizes just like it is practice actually is
long to be democratize participative where the citizens are the real actors and
participle effectively the taking of decision.
12
INTRODUCTION GENERALE
Durant des siècles, les communautés
riveraines1 ont profité de la forêt de manière
rationnelle. Elles utilisaient les ressources forestières de sorte que
celles-ci puissent se renouveler naturellement. Ce mode d'utilisation
s'apparente à une gestion durable2 de l'environnement.
Malheureusement, la politique centralisée d'exploitation des ressources
naturelles a favorisé un processus de déforestation à
grande échelle ne tenant pas compte du droit d'usage des populations. Le
monde est entrain de perdre ses forêts3. Du désastre
actuel se dégage clairement la nécessité de changer le
cours des évènements et de rendre la gestion des forêts aux
communautés locales car, partout dans le monde, de nombreuses personnes
souffrent en raison des processus de destruction qui les privent des ressources
naturelles, dont elles ont toujours tiré leur subsistance. En effet,
pendant la longue période d'étatisation de la gestion
forestière, la définition des objectifs s'est
généralement faite sans la participation des populations
riveraines. Les décideurs ne tiennent pas compte de la culture et des
aspirations des populations locales et certains objectifs sont souvent
contraires aux attentes et intérêts de celles-ci.
Ainsi, les revendications des populations riveraines, portant
sur une gestion participative des massifs forestiers, représentent le
premier acte du processus qui induit la révision du code forestier
camerounais. Le deuxième catalyseur de cette réforme est le
sommet de la terre de Rio de 1992. Celui-ci préconise la conciliation
entre les enjeux économiques et l'impact écologique et social, en
vue de la lutte contre la pauvreté. La conjugaison de ces deux
événements constitue le principal vecteur de la promulgation de
la loi N° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts,
de la faune et de la pêche, complétée par le décret
N° 95/531 du 23 Août 1995 fixant les modalités d'application
du régime des forêts.
L'objectif de cette loi est de promouvoir une gestion durable
des forêts camerounaises, en encourageant la participation de l'ensemble
des usagers au processus d'aménagement et de
1 Article 2 de l'arrêté conjoint n°
122/MINEFI-MINAT du 29 avril 1998 fixant les modalités d'emploi des
revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux
communautés villageoises riveraines.
2 La gestion durable des forêts vise à
garantir que les biens et services procurés par les forêts
répondent aux besoins d'aujourd'hui tout en s'assurant la
continuité de leur disponibilité et de la contribution au
développement à long terme.
3 Antoine Lassagne, « Exploitation
forestière, développement durable et stratégies de pouvoir
dans une forêt tropicale camerounaise », In
Anthropologie et sociétés vol,. 29, n°
1, 2005, pp 49-79.
14
gestion forestière décentralisée. Cette
volonté politique d'intégration des populations se
matérialise, d'une part, à travers la possibilité offerte
aux communautés de gérer une partie du secteur forestier non
permanent (forêts communautaires). Et d'autre part l'opportunité
offerte aux communes d'acquérir et de gérer une partie du secteur
forestier permanent (forêts communales). La décentralisation de la
fiscalité forestière constitue également une autre
innovation majeure de la loi de 1994. Celle-ci définit le processus de
redistribution de la redevance forestière, ainsi qu'il suit : 50% pour
l'Etat, 40% aux collectivités locales et 10% aux communautés
villageoises riveraines de la zone exploitée4. Mais, plus
d'une décennie après la décentralisation de la gestion des
ressources naturelles au Cameroun, le bilan reste mitigé, les
populations possédant un fort potentiel forestier croupissent toujours
dans la pauvreté.
Pour une démarche pertinente, nous allons d'abord
présenter le contexte d'étude.
I. CONTEXTE D'ETUDE
Une relecture de l'histoire des aménagements forestiers
au Cameroun depuis la période coloniale permet de distinguer quatre
séquences essentielles5. En prime, la séquence
précoloniale durant laquelle la gestion forestière est
basée sur des « maîtrises » foncières. Celles-ci
sont fondées sur la propriété collective, lignagère
ou clanique et sur les modalités d'exploitation du capital-nature
(essartage traditionnel, cueillette, chasse et pêche). Ensuite, la
période coloniale, qui introduit une logique « technicienne »
d'aménagement forestier. L'économie forestière formule des
préoccupations d'accumulation. Les forêts deviennent des
unités de production gérées par des acteurs privés
étrangers dont l'objectif est l'extraction de la ressource ligneuse du
territoire camerounais. La troisième séquence est la gestion
postcoloniale centralisée. Celle-ci est marquée par la
promulgation de deux lois forestières en 1973 et 1981. Cette
législation ne marque pas de véritable rupture d'avec le code
forestier français de 1935, l'autorité de l'Etat sur les
forêts y est réaffirmée. En ce sens, cette séquence
officialise la légitimité étatique et renvoie les
légitimités du local à la périphérie. Enfin,
la dernière séquence marque la période de la
décentralisation de la gestion des forêts. Elle est
gouvernée par des actes législatifs et politico- administratifs,
qui amorcent la déconstruction de l'hégémonie de l'Etat.
Le processus conduisant à la décentralisation de la gestion
forestière
4 Arrêté conjoint n°
122/MINEFI-MINAT du 29 avril 1998 fixant les modalités d'emploi des
revenus provenant de l'exploitation forestière et destinés aux
communautés villageoises riveraines.
5 Mariteuw Chimère Diaw, Henri Assoumou,
Eric Dikongué, « la gestion communautaire des ressources
forestière. Evolution conceptuelle et aménagements
institutionnels en zone de forêt humide camerounaise », In
Gockowsky, Les actes de lancement du programme EPHTA,
Yaoundé, 1997, p 20.
a abouti grâce à un certain nombre d'actions
menées par les populations et les pressions exercées sur le
gouvernement camerounais par les bailleurs de fonds6.
La politique forestière est codifiée par la loi
n° 94/01 du 20 janvier 1994 qui divise le territoire forestier en deux
principaux ensembles : le domaine forestier non permanent et le domaine
forestier permanent. Le domaine forestier non permanent, équivalent au
« domaine protégé », est constitué de terres
forestières susceptibles d'être affectées à des
utilisations autres que forestières. Totalement assis, au plan foncier,
dans le domaine national, c'est un domaine à vocations multiples,
où sont attribuées les ventes de coupes, les forêts
communautaires, les permis et les autorisations de coupe. Il comprend : les
forêts du domaine national, les forêts communautaires et les
forêts des particuliers7.
Le domaine forestier permanent est constitué des terres
affectées définitivement à la forêt et à
l'habitat de la faune. L'aménagement des forêts permanentes est
obligatoire et procède du souci de disposer d'une couverture
végétale reflétant la biodiversité nationale. Il
comprend les forêts domaniales appartenant à l'Etat, et les
forêts communales, qui relèvent du domaine privé des
communes8. Les forêts communales sont des forêts faisant
l'objet d'un acte de classement pour le compte des communes ou qui ont
été plantées par elle. L'acte de classement fixe les
limites et les objectifs de gestion qui peuvent être identiques à
ceux des forêts domaniales, ainsi que de l'exercice des droits d'usage
des populations locales. Elles ouvrent droit à l'établissement
d'un titre foncier au nom des communes concernées. Les forêts
communales sont dotées d'un plan d'aménagement approuvé
par l'administration forestière.
La réforme de 1994 vise une triple
finalité9 : une finalité politique, une
finalité socioéconomique et une finalité
écologique. Au plan politique, il s'agit de traduire, dans les faits les
principes de la participation et de la responsabilisation des populations
villageoises dans la gestion des ressources forestières ; de promouvoir
la démocratie locale et la gouvernance dans la gestion des ressources
forestières. Au plan économique et social, la réforme doit
permettre d'accroître la contribution du secteur forestier au
développement local et à la lutte contre la pauvreté, avec
la réalisation des oeuvres économiques et sociales (adduction
d'eau, électrification, construction et entretien des routes, des ponts,
entretien ou
6 François Ekoko, Jake Brunner, « La
réforme de la politique forestière au Cameroun : Enjeux, bilan,
perspectives », WRI, 2000, p 4.
7 Articles 20 et 34 de la loi n°94/01 du 20
janvier 1994 portant des forêts, de la faune et de la pêche.
8 Article 30 de la loi n°94/01 du 20 janvier 1994
portant des forêts, de la faune et de la pêche.
9 Patrice Bigombé Logo, « les
régimes de la tenure forestière et leurs incidences sur la
gestion des forêts et la lutte contre la pauvreté »,
GRAPS-CERAD, Yaoundé, 2007, p 10.
équipement des établissements scolaires et des
formations sanitaires). Et, enfin, au plan écologique, elle vise
à garantir une gestion durable des écosystèmes
forestiers.
Mais en octroyant un droit exclusif aux exploitants
forestiers, soit 70% de la surface exploitable10, la loi de 1994
limite considérablement les droits d'usage des populations riveraines.
Dans le cas des forêts communales, qui sont classées dans le
domaine permanent de l'Etat, l'acte de classement fixe les limites de
l'exercice des droits d'usage des populations locales. Ainsi, des
activités agro forestières sont strictement interdites dans les
limites de la forêt communale. On note un déficit de terres
cultivables consécutif au déploiement de la foresterie communale.
Cette raréfaction des terres a comme corollaire la naissance des
conflits entre les populations riveraines. En outre, La multiplication des
inégalités, des injustices dans l'allocation des ressources et le
partage des bénéfices qui en sont tirés a
généré des conflits entre les différents acteurs
intervenant dans le secteur forestier11. Le manque de terres
cultivables conduit à une baisse des revenus des communautés
riveraines. Ainsi, la pratique de l'agriculture, représentant la
principale activité génératrice de devises, devient
hypothétique. Dés lors, l'exploitation forestière tend
à paupériser les populations malgré les royalties
générées par ce secteur.
La grave crise qui a secoué le monde dans les
années 1980, notamment les pays en développement, est à
l'origine de la baisse drastique des prix des principales matières
premières, telles que le cacao, le café et le pétrole.
Cette chute contribue à fragiliser une économie camerounaise
dépendante du pétrole et des autres matières
premières. En outre, la dévaluation du FCFA en janvier 1994
plonge également les économies des pays africains dans la
récession. C'est dans ce contexte économique morose que
l'exploitation forestière connaît une expansion. L'exploitation
forestière industrielle est la principale composante économique
du secteur forestier camerounais. Le chiffre d'affaires de celui-ci est
estimé à 350 milliards de FCFA12. Avec une valeur
d'environ 300 milliards de FCFA, les exportations de bois constituent la
deuxième source de recettes d'exportation après le
pétrole. Pour illustration de l'importance de l'exploitation
forestière dans l'économie nationale, les exportations de bois
comptent pour 15% des recettes d'exportation au Cameroun pendant l'exercice
1997/199813.
10 Antoine Lassagne, « Exploitation
forestière, développement durable et stratégies de pouvoir
dans une forêt tropicale camerounaise », In
Anthropologie et sociétés vol,. 29, n°
1, 2005, pp 49-79.
11 Patrice Bigombé Logo, Bernard Dabire,
Gérer autrement les conflits forestiers au
Cameroun, PUCAC, Yaoundé, 2002, p 32.
12 Patrice Bigombé Logo, « le
désarroi des populations villageoises », In
FPAE, 2006, p 3.
13 Op cit. , p 3.
16
Cette contribution est estimée à 25% pendant
l'année 2000/200114. De même, la contribution du
secteur forestier au produit intérieur brut est estimée entre 8%
et 10%, et la participation du secteur au budget de l'Etat, à travers
différentes taxes et redevances, fluctue entre 35 et 40 milliards de
FCFA par an15. En termes de création d'emplois, le secteur
forestier compte 90 000 emplois directs et indirects.16
Il faut relever ici que la filière forestière
est en proie à un ralentissement de ses activités, ainsi les
recettes d'exportation de la filière bois en 2006 sont estimées
à 16 % des exportations du Cameroun17. Le secteur forestier
camerounais est dans la récession, selon le syndicat des exploitants
forestiers du Cameroun, 30 % des commandes passées ont été
annulées18. Cet état de chose est lié au
contexte économique mondial ponctué par la grave crise
financière et économique qui secoue le monde depuis 2008. Parler
de la problématique de la gestion décentralisée des
forêts au Cameroun nécessite que nous délimitions le
sujet.
II. DELIMITATION DU SUJET
Pour mener cette étude, notre choix s'est porté sur
la commune de Moloundou comme espace de travail durant la période allant
de 2006 à 2009.
A. Délimitation spatiale
Nous avons choisi la commune de Moloundou pour une double
raison. D'abord, celleci est avec trois autres institutions communales (Dimako,
Gari-gombo et Yokadouma) les précurseurs de la foresterie communale au
Cameroun. La seconde raison est l'opportunité que nous a offerte le
CTFC, à travers notre stage académique. Ayant le couvert de cette
structure, il était ainsi plus évident d'obtenir les informations
sur la gestion forestière communale
B. Délimitation temporelle
Pour mener cette étude, nous avons choisi la
période qui va de 2006 (date du début de l'exploitation du massif
forestier) à 2009, date correspondant à l'arrêt de
l'exploitation dû au
14 Timothée Fometé, « la
fiscalité forestière et l'implication des communautés
locales à la gestion forestière au Cameroun », In
Document RDFN n° 25b (ii), DFID/FRR/ODI, London,
2001, p 22.
15
http://www.fpae.net/article.php?id
article=119.
16 Timothée Fometé, « la
fiscalité forestière et l'implication des communautés
locales à la gestion forestière au Cameroun », In
Document RDFN n° 25b (ii), DFID/FRR/ODI, London,
2001, p 22.
17 La mafia du bois au Cameroun,
http://www.bonaberi.com/article.php?aid=2485
18 Op cit. , p 7.
ralentissement des activités dans le secteur forestier.
C'est une période qui correspond à l'exploitation de la
forêt communale ainsi qu'au renflouement des caisses de la commune.
C. Délimitation matérielle
Nous avons eu recours, entre autres, aux documents
spécifiques à l'instar du plan d'aménagement de la
forêt communale de Moloundou, de son étude d'impact
environnemental, du texte de loi n° 94/01 du 20 janvier 1994
, du décret n° 95/531 du 23 Août 1995 fixant les
modalités d'application du régime des forêts et bien
d'autres textes et normes environnementales en vigueur. Outre ces documents, la
théorie des interdépendances, développée par
Norbert Elias nous a aidé dans l'analyse de nos données de
terrain. La sociologie du développement, le cours intitulé «
corruption, Etat et développement », ainsi que les autres cours
dispensés tout au long de notre formation ont facilité une
appréhension plus cohérente du mécanisme de gestion
communale. Cette délimitation de notre thème de recherche nous
conduit à relever les différents intérêts que
revêt notre étude.
III. INTERET D'ETUDE
Le contexte socio-économique du Cameroun est
caractérisé par une pauvreté ambiante des populations,
ceci malgré les richesses naturelles que possèdent certaines
régions du pays. Le processus de décentralisation dans la gestion
des ressources naturelles présente un grand intérêt dans la
recherche socio-anthropologique dans la mesure où cette innovation peut
contribuer à l'amélioration des conditions de vie des
communautés riveraines. Le présent travail revêt un double
intérêt scientifique et social.
A. Intérêt scientifique
Notre étude revêt un intérêt
scientifique, dans la mesure où elle vient continuer les nombreux
travaux déjà effectués sur la question de la gestion
forestière au Cameroun. Ces études, souvent basées sur la
fiscalité forestière décentralisée19 et
la gestion des forêts
19 Les redevances forestières annuelles ou
redevances de superficie constituent l'instrument majeur de la fiscalité
décentralisée. Il existe également les taxes parafiscales
représentant la contribution des exploitants forestiers à la
réalisation des infrastructures socio-économiques définies
dans les cahiers de charges des exploitants et de 1000/m3 de bois
exploité pour les ventes de coupe instituées par la lettre
circulaire n° 370/LC/MINEF/CAB du ministre de l'environnement et des
forêts du 22 février 1996 au bénéfice des
communautés villageoises riveraines.
18
communautaires, ne renseignent pas souvent sur la foresterie
communale. L'étude pourra servir de canevas aux gestionnaires des
collectivités territoriales et autres acteurs du développement
local en ce sens qu'elle traite d'une thématique actuelle qui est celle
de la gestion des ressources naturelles et financières. De plus, nous
estimons nécessaire d'analyser la question de la participation des
communautés riveraines dans la mise en oeuvre des forêts
communales au Cameroun. En l'explorant, nous mettons en exergue le cardre
formel qui entoure cette participation.
B. Intérêt social
L'intérêt est également d'ordre social.
L'objectif est de contribuer à l'amélioration de la gouvernance
forestière, à travers d'une part, la planification
adéquate des revenus générés par l'exploitation
forestière ayant pour finalité le changement social
(amélioration de l'accès des communautés aux services
sociaux de base) et d'autre part, la prise en compte de la participation des
populations riveraines. Ce travail pourrait éclairer les actions des
organismes de la société civile et des populations dans la
sauvegarde de l'environnement.
Une définition des concepts nous permettrait de mieux
envisager la suite de notre
travail.
IV. DEFINITION DES CONCEPTS
Pour une meilleure compréhension de notre thème de
recherche, un certain nombre de concepts méritent d'être
clarifiés.
· Forêt communale
Selon l'article 30 de la loi de 1994 portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche, est considérée
comme forêt communale, toute forêt faisant l'objet d'un
acte de classement pour le compte de la commune
concernée ou plantée par cette commune. A la
faveur de la loi d'orientation sur la décentralisation, les communes
possèdent la capacité de se constituer un patrimoine domanial
propre, notamment au travers des forêts communales qui, selon la loi
forestière, relèvent du domaine privé de la
municipalité dès la signature de l'acte de classement.
· Décentralisation
forestière
La décentralisation est le passage de la gouvernance de
haut en bas à la gouvernance ascendante. En d'autres termes, c'est un
processus de transfert des pouvoirs (autorités, compétences,
responsabilités et ressources), d'une instance centralisée aux
unités des autorités locales, de collectivités et des
acteurs locaux, dans l'intention de leur permettre d'envisager, de planifier et
de mettre en oeuvre des mesures de gestion forestière destinées
à produire et à partager les avantages que procurent les
forêts20.
· Gestion
La gestion est présentée comme l'ensemble des
techniques de contrôle de l'activité des organisations
(administration, entreprise ou association). Elle comprend un ensemble
d'activités, qui permet d'atteindre les objectifs d'une entreprise ou
d'une organisation. Ces activités consistent à : planifier,
organiser, diriger, contrôler, inspirer, former, communiquer,
récompenser, écouter, mobiliser et orienter21.
En nous inspirant de la définition de gestion et de
décentralisation forestière, nous dirons que la gestion
décentralisée est un ensemble de techniques de contrôle du
processus de transfert de pouvoirs d'une instance centrale aux autorités
locales, dans l'intention de leurs permettre d'envisager, de planifier et de
mettre en oeuvre des mesures destinées à produire et à
partager les avantages que fournissent la forêt. La gestion
décentralisée des forêts fait appel aux notions de gestion
durable et de gestion participative.
· Gestion durable des forêts
La gestion durable des forêts est un mode de gestion
forestière qui fixe des critères, indicateurs et objectifs
sociaux et environnementaux en plus des objectifs économiques à
la gestion forestière. C'est un processus de gestion des forêts
qui permet d'atteindre un ou plusieurs objectifs clairement
spécifiés dans l'optique de la production continue des biens et
des services issus des produits forestiers désirés, sans causer
la réduction de la valeur inhérente et de leur
productivité future et sans causer des effets indésirables sur
l'environnement physique et social22. C'est également
l'utilisation des ressources naturelles de façon à maintenir leur
diversité biologique, leur productivité, leur capacité de
régénérer
20 OIBT, « A qui le pouvoir », In
Volume 12 n° 3, 2004, p 12.
21
http://www.idrc.ca/fr/ev-43631-201-1-DOTOPIC.html
22 Richard Nasi, « Aménagement des
forêts à vocation de production », In Acte de
l'atelier de recherche/formation sur la gestion des ressources renouvelables et
l'aménagement forestier, Dschang, 3 au 9 novembre 1997, p
6.
20
leur vitalité et leur capacité à
satisfaire actuellement et pour le futur des fonctions écologiques,
économiques et sociales pertinentes23. En ce qui concerne les
indicateurs et critères, ceux-ci sont développés pour
évaluer, parfois mesurer et certifier, de manière crédible
et indépendante les progrès vers une gestion durable, au niveau
des Etats et les collectivités24. En somme la gestion durable
prend en compte les besoins des générations actuelles sans
compromettre ceux des générations futures.
· Gestion participative
La gestion participative est définie comme
étant toute approche de la gestion des ressources qui, dans les phases
de son élaboration et de sa mise en oeuvre, intègre de
façon optimale les populations locales et tous les autres
intervenants25. Par ailleurs, la gestion participative est
caractérisée comme étant une approche pluraliste de la
gestion des ressources naturelles faisant appel à divers partenaires
assumant des rôles variés et qui tendent
généralement vers des objectifs de protection de l'environnement,
d'exploitation durable des ressources naturelles, partage équitable des
bénéfices et responsabilités liés à
l'exploitation des ressources26. Cette définition renvoie
à un processus construit autour de certains fondements, notamment
l'accès total aux informations concernant les questions et solutions
pertinentes, liberté et capacité de s'organiser, liberté
d'exprimer les besoins et les sujets préoccupants, milieu social non
discriminatoire). En somme, l'approche gestion participative définit et
garantit les fonctions, droits et responsabilités des populations
riveraines aux ressources naturelles.
V. REVUE DE LITTERATURE
L'organisation des pouvoirs publics dans les
sociétés contemporaines conditionne l'efficacité et
l'efficience de l'action publique. La rationalisation des différents
niveaux d'intervention et de compétences est un facteur-clé d'une
bonne gouvernance27. Dans ce
23 Op cit. , p 6.
24
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestiondurabledesfor%C3%AAts
25 Décret n° 95/466/PM du 20 juillet 1995 fixant les
modalités d'application de la faune.
26 Grazia Borrini-Feyerabend, Taghi Farvar,
Jean-Claude Nguinguiri, Vincent Awa Ndangang, La gestion
participative des ressources naturelles : Organisation, négociation et
apprentissage par l'action, Kasparek Verlag, Heidelberg, 2000, p
1.
27 Corinne Labbouz, «Le cas de la
décentralisation et de la déconcentration au Cameroun », in
La Gouvernance dans la lutte contre la
pauvreté, Axes Management/LARGOTEC- Université
Paris XII, 2007, p 1.
contexte, la recherche du niveau pertinent d'intervention
dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques est
essentielle. La nécessité de promouvoir la proximité de
l'action publique dans un cadre national cohérent et performant pour le
citoyen conduit à s'interroger sur l'équilibre entre l'action de
l'Etat et l'action décentralisée.
Trop fortement centralisée, l'organisation des
pouvoirs publics affaiblit l'initiative locale et en compromet le libre
développement. Décentralisée sans accompagnement de
l'échelon déconcentré, l'organisation administrative est
soumise au risque d'inefficacité et de manque de cohérence. Au
coeur de cette réflexion, les Etats doivent trouver un juste
équilibre entre les compétences dévolues à
l'échelon local et celles réservées à
l'échelon central. Cette question offre, dans le monde d'aujourd'hui,
une pluralité de réponses au regard de l'histoire, des cultures,
des pratiques, des données socio-économiques de chaque pays. Face
à ces nombreux facteurs de complexité, les gouvernants
définissent une ligne de conduite stratégique, à
même d'assurer un juste équilibre entre les services
déconcentrés de l'Etat et les collectivités locales.
À cet effet, les pouvoirs publics camerounais ont
consacré depuis, la révision constitutionnelle28 du 18
janvier 1996, la décentralisation29 dans la Constitution, qui
précise que le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé.
Ce principe désormais intangible ne peut être remis en cause que
par la voie constitutionnelle. Dès lors, les bases d'une nouvelle
répartition des compétences entre l'Etat et les
collectivités territoriales, et entre les collectivités
territoriales elles-mêmes ont été jetées. De fait,
ce processus repose sur une base législative ambitieuse, à
travers l'adoption, par l'assemblée nationale, des lois de
décentralisation du 22 juillet 200430.
Le défi qui se pose désormais aux services de
l'Etat est de réussir le processus de décentralisation à
la fois en le soutenant et en le contrôlant. Cette politique s'inscrit
nécessairement, pour les services de l'Etat, dans une remise en question
de leurs modes d'organisation et de leurs systèmes d'action. Toutefois,
il reste à appréhender la place effective des
représentants de l'Etat et leur fournir un cadre de compétences
clarifié, afin de soutenir le mouvement de décentralisation en
cours. Il s'agit avant tout de donner aux collectivités les conditions
et les moyens effectifs d'assumer leurs nouvelles responsabilités.
28 Loi N°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du Cameroun du 2 juin 1972.
29 La décentralisation est tout acte par lequel un
gouvernement central cède formellement des pouvoirs à des acteurs
et à des institutions d'un niveau inférieur dans la
hiérarchie politico-administrative et territoriale.
30 Loi n°2004-017 du 22 juillet 2004 portant orientation de
la décentralisation, loi n°2004-018 fixant les règles
applicables aux communes, loi n° 2004-019 fixant les règles
applicables aux régions.
22
24
Du point de vue de ces enjeux, décentralisation et
déconcentration31 sont indissolublement
liées32, la seconde étant la condition de
réussite de la première. Les services déconcentrés
de l'État se retrouvent ainsi à être tout à la fois
les garants, les animateurs, et les régulateurs de la
décentralisation, au plus près de l'action et des politiques
locales.
D'autres dimensions significatives peuvent être
incluses à l'actif de la décentralisation : la
libéralisation et la dévolution. La libéralisation
consiste pour l'Etat à libérer des espaces sociaux sur lesquels
il a un pouvoir contraignant. Il ne délègue ni ne
transfère ses pouvoirs, mais se détache plutôt en mettant
en place les dispositifs législatifs et administratifs, qui permettent
ou formalisent l'entrée des forces périphériques
concurrentes dans des champs qui leur étaient légalement
fermés. Trois formes dominent cette ouverture du champ social :
libéralisation de la société civile, libéralisation
de l'espace politique et libéralisation de l'économie. Il est
important de souligner que ces formes, qui constituent une
décentralisation du point de vue de l'Etat, ne conduisent pas
nécessairement sur une déconcentration du champ social et sur une
plus grande efficacité. Celles-ci dépendent, en effet, de la
qualité des mécanismes visant à réguler les
stratégies d'acteurs et les dynamiques concurrentielles.
La dévolution, quant à elle,
est le transfert à des entités autres que l'Etat, de pouvoirs de
décision préalablement détenus par ce dernier. La
reconnaissance de nouveaux droits communautaires sur la gestion des
forêts, des pêcheries et des ressources naturelles, en
général, est une forme de dévolution. Son étendue
et son efficacité dépendent de l`importance de la nature du
paquet de droits et de pouvoirs effectivement transférés et du
degré d'autonomie locale qui en résulte. Le transfert de pouvoirs
en question se heurte, cependant, pour son adéquation sociale, au
problème du choix de l'unité sociale d'action. La
décentralisation est une réalité qui s'applique
aujourd'hui à de nombreux domaines d'activités. C'est notamment
le cas de la gestion des forêts au Cameroun.
La décentralisation de la gestion des massifs
forestiers au Cameroun connaît de nombreuses avancées
significatives, à travers l'adoption de la loi forestière de 1994
et son décret d'application de 1995. En effet, cette loi prévoit
la dévolution de certaines fonctions
31 Le processus de déconcentration suppose
qu'une autorité centrale délègue certains pouvoirs de
décision à des représentants locaux. En
réalité, l'État ne cède pas ses pouvoirs, il
délocalise les modalités de son exercice. Ce
déplacement est aussi un mouvement d'un centre vers une
périphérie, donc, une forme de décentralisation.
32 Mariteuw Chimère Diaw, Phil René Oyono,
« Instrumentalité et déficit des itinéraires de
décentralisation de la gestion des ressources naturelles au Cameroun
», Bulletin arbres, forêts et communautés
rurales n°15-16, Décembre 1998, pp 15-16.
traditionnelles de l'Etat à des entités
locales. A ce sujet, Samuel Assembe Mvondo33 pense que l'attrait de
la décentralisation réside beaucoup plus sur l'hypothèse
scientifique. Pour cet auteur, elle est le moyen par excellence de gérer
de manière efficiente les affaires publiques. En répondant
à la diversité des attentes et demandes locales, la
décentralisation permet de palier la soif de participation
démocratique au développement local et à la politique
locale exprimée par les populations de base. La gestion
décentralisée des ressources naturelles de l'Etat vers le local
est donc susceptible d'instaurer une gouvernance efficiente et équitable
desdites ressources et des bénéfices subséquents pour la
majorité des acteurs locaux, induisant ainsi une équité
socio-écologique. Cet argument, bien que pertinent, n'est cependant pas
le seul capable de refléter la portée positive de la
décentralisation dans la gestion des ressources naturelles.
Le modèle camerounais de décentralisation met
en exergue de multiples acquis socioéconomiques34 pouvant
être regroupés en trois principales catégories. Il s'agit,
en premier lieu, de la nouvelle configuration du paysage organisationnel local,
qui entraîne un remodelage des rapports sociaux entre les
différents lignages. Ces rapports structurent les communautés
locales et les liens qu'elles entretiennent avec les ressources naturelles en
général, et les forêts en particulier. Ensuite, nous
pouvons relever l'introduction de nouvelles formes de financements
endogènes pour la revitalisation du développement local et la
lutte contre la pauvreté à l'échelle rurale. L'impact de
cette manne financière commence à être perceptible,
à travers la réalisation des infrastructures sociales de base,
même si le taux de réalisation des investissements par rapport aux
revenus générés reste faible. Désormais, la
décentralisation des forêts favorise également la
participation dans un cadre normalisé et officialisé d'autres
acteurs non étatiques, notamment les communautés et
collectivités locales, de participer à la gestion desdites
ressources. Enfin, la décentralisation de la gestion forestière
au Cameroun jette les bases de la naissance d'une véritable
société civile rurale, qui tourne autour des associations et
autres groupements d'intérêts communs, susceptibles de mieux
participer au développement et à l'avènement d'une
véritable démocratie locale. Ce dernier acquis est très
souvent l'objet de réflexions et est explicité par plus d'un
auteur.
Le processus de décentralisation de la gestion des
ressources forestières place les collectivités locales et les
communautés villageoises au coeur d'un faisceau de
33Samuel Assembe Mvondo, «
décentralisation des ressources forestières et justice
environnementale : analyse des évidences empiriques du sud Cameroun
» in LEAD journal, vol. 1, Switzerland, 2005, pp
35-37.
34 Op cit. p 42.
responsabilités35. Concrètement,
parler de décentralisation et éclatement des pouvoirs
étatiques équivaut également à reconsidérer
les degrés de responsabilisation des acteurs
périphériques. Cette recomposition de rapports de force,
déjà séculaires, doit conduire les collectivités
locales et les communautés villageoises à se positionner et
à articuler leur propre définition du politique et de
l'économique. C'est sur l'apport des appareils législatifs de la
décentralisation et des projets portant sur leurs ressources, qu'elles
sont appelées à montrer leur aptitude à s'organiser et
à négocier les conditions de leur «participation».
En outre, la nécessité de transférer de
manière concrète les pleins pouvoirs au niveau local est
soulignée. Cette idée est défendue par Ribot36,
qui soutient que la délégation effective des pouvoirs aux
autorités locales leur permet de répondre avec délicatesse
aux préoccupations et attentes de la population. De plus, l'auteur
interroge la construction du processus de décentralisation autour
d'institutions locales représentatives et responsables. Sa
préoccupation est de savoir si les organes de gestion
décentralisée des forêts représentent les
populations et s'ils sont tenus responsables pour les décisions prises
à leurs égards. Ainsi, la responsabilité électorale
est un facteur prépondérant dans le choix des dirigeants des
collectivités locales ou des comités de gestion.
A l'origine, le processus de décentralisation
engagé par le gouvernement camerounais a pour ambition de rompre avec
les pratiques de gestion de l'Etat forestier37. Cette réforme
doit, entre autres : contribuer à la construction de la
démocratie locale dans la gestion des forêts, amplifier la
participation des populations à la prise de décision sur leur
gestion ; asseoir une dynamique de débat, de discussion et de dialogue
autour de la gestion des forêts ; contribuer à
l'amélioration des conditions de vie des populations riveraines,
à travers la réalisation des oeuvres sociales et enfin garantir
une gestion rationnelle et durable des ressources forestières. Si des
avancées dans le processus de mise en oeuvre de la loi de 1994 relative
à la gestion des forêts sont observées jusqu'à
présent, il convient toutefois de relever l'apparition d'effets pervers
relatifs aux actions des élites38 locales dans la gestion des
ressources forestières.
35 Mariteuw Chimère Diaw, Phil René
Oyono, « Instrumentalité et déficit des itinéraires
de décentralisation de la gestion des ressources naturelles au Cameroun
», In Bulletin arbres, forêts et communautés
rurales n°15-16, Décembre 1998, pp 15-16.
36 Jesse Ribot, La
décentralisation démocratique des ressources
naturelles, World Resources Institute, 2002, p 12.
37 L'Etat forestier est un Etat autoritaire. Il
annihile la participation des populations à la gestion des ressources
forestières, plus particulièrement aux bénéfices de
l'exploitation forestière.
38 Giovanni Busino définit les
élites comme étant une minorité disposant, dans une
société déterminée, à un moment
donné, d'un prestige, des privilèges découlant de
qualités naturelles valorisées socialement (par exemple la race,
le sang) ou de qualités acquises (cultures, mérites,
aptitudes).
Les modes et logiques d'actions des élites locales
impliquées dans la gestion forestière au Cameroun sont à
l'origine de nombreux dysfonctionnements. A cet effet, Patrice
Bigombé39 présente le phénomène de
l'émergence des élites locales, comme la constitution d'une caste
privilégiée dans la gestion des ressources provenant de la
forêt. Partant de la définition que donne Giovanni
Busino40, il met en exergue l'acquisition des pouvoirs par une
minorité de par leurs positions sociales, politiques et les fonctions
exercées. Il ressort de cette analyse que la légitimité
des élites dans le champ de la gestion décentralisée des
forêts ne repose pas forcement sur des qualités naturelles, mais
plutôt sur leur capital politique et social. Cela a quelques fois des
répercussions sur les revenus issus de l'exploitation des produits de la
forêt.
Les manières de faire, d'agir, et de gérer des
élites sont les facteurs majeurs qui limitent l'investissement des
revenus41 de la gestion décentralisée des forêts
dans le développement local. Les multiples stratégies auxquelles
ont recours les élites dans la gestion des forêts sont fonction
des services et des bénéfices escomptés42. Les
élites se positionnent en principales entités productives dans le
processus de demande et d'acquisition des espaces forestiers, et en
élites loyales43 dans la rétrocession des redevances
forestières. En ce qui l'aspect productivité, Djeumo44
remarque qu'il n'existe pratiquement pas de dossiers d'attribution de
forêts communales, communautaires ou des zones d'intérêt
cynégétique à gestion communautaire qui n'aient
bénéficié, de manière directe ou indirecte, de
l'appui ou d'un quelconque soutien des élites. Leurs actions portent
généralement sur plusieurs
39Patrice Bigombé Logo, « Les
élites et la gestion décentralisée des forêts au
Cameroun. Essai d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la
rente forestière en contexte de décentralisation »,
CERAD-GEPAC-GRAPS, pp 11-17.
40 Giovanni Busino, Elite(s) et
élitisme, Paris, PUF, Collection « Que sais-je ?
», 1992, p 4.
41 Patrice Bigombé Logo, Les élites
et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai
d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la rente
forestière en contexte de décentralisation, CERAD-GEPAC-GRAPS, pp
11-17.
42 Op cit. , p 17.
43 Dans ce contexte, la loyauté
démontrée par les élites est une ruse habile. Il s'agit de
présenter l'image d'un politicien local, qui assume les engagements
politiques pris pour le bien-être de la communauté et qui,
travaille pour la réalisation des objectifs de son mandat. Cette image
d'élites loyales s'exprime dans les actions engagées pour
garantir la rétrocession effective des revenus financiers issus de
l'exploitation forestière aux communes et aux communautés
villageoises riveraines, et à la mobilisation collective des
gestionnaires des redevances forestières en vue du retardement de la
péréquation. Les maires utilisent la diplomatie des couloirs et
la persuasion des autorités publiques pour empêcher la
matérialisation du système de péréquation visant
à faire bénéficier les redevances forestières aux
communes non forestières. La réglementation en matière de
procédures et de normes de collecte, de distribution et de gestion des
redevances, est instrumentalisée pour atteindre ces objectifs. Les
élites sont perçues comme des « messies » commis
à la tâche de veiller sur le bien être des
communautés.
44 Alain Djeumo, « Développement des
forêts communautaires au Cameroun : genèse, situation actuelle et
contraintes », In Réseau de
foresterie pour le développement local, n°25 (b), pp
1-17.
26
répertoires, notamment, la prise d'initiative, la
mobilisation communautaire, la participation financière, le montage
intellectuel du dossier, le démêlement des procédures
administratives et le suivi des dossiers45. Ce sont donc, toutes ces
actions qui leurs confèrent un statut d'élites utiles,
travaillant pour le développement de leurs communautés.
La rétribution46 des investissements
consentis dans l'acquisition des espaces forestiers, la rétrocession des
taxes et redevances forestière, s'opère lorsque les revenus
forestiers sont mis à la disposition des gestionnaires légaux de
ces fonds. Elle prend généralement deux formes : une
rétribution collective au sein de « la classe élitiste
» et une rétribution individuelle. La rétribution collective
se caractérise par une multiplication des dépenses
financières relatives à la gestion administrative et bureautique
des institutions locales de gestion des forêts, à la
réalisation des projets non définis par les plans de gestion de
ces espaces et au paiement des indemnités, parfois colossales, pour le
niveau et le milieu de vie, aux membres de bureaux des associations des
forêts communautaires, des comités de valorisations des ressources
fauniques et de gestion des redevances forestières47. La
dimension collective réside dans le fait que les fonds qui sont
alloués à ces dépenses de fonctionnement sont
partagés avec l'ensemble des membres des bureaux des organes locaux de
gestion.
La rétribution individuelle, quant à elle, se
traduit par les pratiques de distraction de fonds. C'est ce que relève
Hubert Ngoumou.48 Pour lui, le manque de transparence dans la
circulation de l'information et la redistribution des fonds, la non
déclaration des montants des chèques dus aux populations, le
manque de critères objectifs de partage des fonds sont des
phénomènes courants observés dans les communes. En plus,
la non production des documents comptables garants d'une
traçabilité et d'une lisibilité de la gestion des fonds
reste aussi un élément qui ne favorise pas le bon fonctionnement
de la gestion de la rente forestière communautaire. Par ailleurs,
l'argent perçu par certains maires au profit des communautés
n'est pas redistribué aux communautés et emprunte des
destinations inconnues.
45 Patrice Bigombe Logo, « La fiscalité
forestière décentralisée dans la réforme
camerounaise », In Revue Africaine de sciences sociales et
d'études culturelles, 2004, pp 203-233.
46 Patrice Bigombé Logo, Les élites
et la gestion décentralisée des forêts au Cameroun. Essai
d'analyse politiste de la gestion néo patrimoniale de la rente
forestière en contexte de décentralisation, CERAD-GEPAC-GRAPS, p
16.
47 Patrice Bigombé Logo, les régimes de
la tenure forestière et leurs incidences sur la gestion des forêts
et la lutte contre la pauvreté, GRAPS-CERAD, Yaoundé, 2007, p
15.
48 Hubert Ngoumou, Etude empirique de
la fiscalité forestière décentralisée au Cameroun :
levier du développement local ?, Mémoire de master
en foresterie rurale et tropicale, Ecole nationale de génie rural des
eaux et forêts, Montpellier, Décembre 2005, p 45-55.
Les élites développent des logiques et des
stratégies de captation, de gestion néo patrimoniale de la rente
forestière, qui annihilent les efforts de développement des
populations rurales. En effet, les pratiques et politiques de
décentralisation mises en oeuvre dans ce cadre sont coercitives et
reproduisent, au niveau local, les pratiques de l'Etat forestier. La garantie
d'une performance réelle de cette réforme, au triple plan
politique, économique et écologique, exige en définitive
une dévolution effective des pouvoirs à des institutions
endogènes locales et aux responsables démocratiquement
élus au niveau des villages, qui rendent compte de l'exercice de leurs
pouvoirs à la fois aux populations villageoises riveraines et aux
institutions étatiques. Ces différentes démarches
scientifiques constituent le point de départ des analyses que nous
entendons faire dans le cadre de cette étude.
VI. PROBLEMATIQUE
La décentralisation est un processus interactif,
contradictoire et dynamique, qui reflète l'historicité des
circonstances et des forces sociales qui le modèlent. L'Etat,
évidemment, a une place prépondérante dans ces mouvements
puisqu'il les reconnaît, les initie, les accompagne ou les
délégitime. Il ne les construit cependant pas de manière
formelle. La décentralisation peut-être considérée
comme un transfert à des entités autres que l'Etat, de pouvoirs
de décision antérieurement détenus par ce dernier.
L'aspect dévolutif de la loi de 1994 est mis en exergue à travers
la possibilité d'associer les collectivités locales et les
communautés villageoises à la gestion des ressources
forestières de manière rationnelle pour un développement
durable. Il s'agit de donner à celles-ci le droit de
propriété sur les forêts et sur les bénéfices
y afférents, à travers le transfert effectif du pouvoir au niveau
local. Cependant, le pouvoir acquis par les élites dans le champ de la
gestion décentralisée des forêts au Cameroun, notamment les
forêts communautaires et la RFA, a constitué un levier de
prédation de la rente forestière. Le niveau de vie des
populations mais aussi celui des infrastructures sociales n'a pas
foncièrement changé par rapport à la période
d'étatisation du domaine forestier. A cet effet, la
question fondamentale que nous nous posons est la suivante : en quoi la
mise en place de la forêt communale comme processus de gestion
décentralisée des forêts au Cameroun constitue-t-elle une
opportunité réelle de développement endogène
à l'échelle locale ? Au delà de ces préoccupations,
quelle est l'implication des populations locales dans la gestion durable des
forêts communales ?
28
VII. HYPOTHESES
Comme réponse à notre préoccupation, nous
émettons une hypothèse principale et deux hypothèses
secondaires.
· Hypothèse principale
La mise en oeuvre de la forêt communale traduit dans
les faits les principes de la gouvernance, de la participation et de la
responsabilisation des populations villageoises dans la gestion des ressources
forestières.
· Hypothèse secondaire 1
La non-maîtrise des connaissances relatives à
l'exploitation forestière et des outils de management constituent une
entrave à la bonne gouvernance de la forêt communale.
· Hypothèse secondaire 2
Les populations locales ne sont pas intégrées dans
le processus de gestion du massif forestier communal.
VIII. PROCESSUS METHODOLOGIQUE
Pour tout travail scientifique, une démarche
explicative de la méthode s'impose. La méthode est une conception
intellectuelle coordonnant un ensemble d'opérations ou de techniques
mises en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs49.
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