La question de la protection des droits de l'homme dans les rapports euro-méditerranéens( Télécharger le fichier original )par Marine GOUVERS Faculté de droit de Poitiers - Master de recherche droit public fondamental 2008 |
La question de la protection des droits de
l'homme Mémoire Par Marine Gourvès Poitiers, septembre 2008 La question de la protection des droits de
l'homme Mémoire Par SOMMAIRE IntroductionPremière partie: Un cadre juridique impliquant la protection des droits de l'homme Chapitre I. Le cadre multi dimensionnel du partenariat euro-méditerranéen Chapitre II. La stratégie de promotion des droits de l'homme du partenariat euro-méditerranéen Seconde partie: Un processus lacunaire sur le terrain des droits de l'homme Chapitre I. Le non respect des termes du partenariat Chapitre II. Solutions envisageables Conclusion SIGLES ET ABRÉVIATIONS APEM Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne CE Communauté européenne CJCE Cour de justice des Communautés européennes IEDDH initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme IEVP Instrument européen de voisinage et de partenariat OLP Organisation de libération de la Palestine ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies PEM Partenariat Euro-méditerranéen PESC Politique étrangère et de sécurité commune PEV Politique européenne de voisinage TCE Traité établissant la Communauté européenne UE Union européenne UPM Union pour la Méditerranée INTRODUCTIONL'introduction de la question des droits de l'homme dans les relations euroméditerranéenne est relativement récente. Initialement exclus des débats relatifs à la coopération économique de part et d'autre de la Méditerranée, elle s'imposa alors que la Communauté européenne (CE) inscrivait leur promotion au coeur de ses politiques de développement. Au cours du XXIème siècle, les relations euro-méditerranéennes ont d'abord été marquées par la volonté de la Communauté européenne d'établir des relations étroites avec les Etats du bassin méditerranéen dans les années 1960-70. Cette volonté s'est concrétisée par l'adoption d'une série d'accords commerciaux à partir de 19721. Seule la Libye en fut exclue à cause de l'embargo sur les armes et des sanctions économiques auxquels elle avait été soumise du fait des activités terroristes qui lui étaient imputées2. En matière de coopération politique, il fut reproché à la Communauté de s'être <<(étroitement) limitée à une sorte de diplomatie déclaratoire notamment dans le conflit du Proche-Orient où son plus grand succès semble d'avoir été capable de parvenir à une position commune à Venise en 1980»3. Les relations entre la Communauté et les Etats du pourtour oriental et méridional méditerranéen étaient donc à cette époque essentiellement de nature économique. La fin de la guerre froide et la disparition des enjeux idéologiques liés à la quête d'Etats disposés à soutenir l'un ou l'autre bloc a marqué une évolution des relations extérieures de la Communauté européenne. Il fut alors question de développer une politique extérieure plus cohérente allant au delà de ses dimensions économiques traditionnelles. Parallèlement, la guerre du Golfe et le conflit israélo-palestinien renforcèrent la volonté de stabiliser la région méditerranéenne bordant les frontières de l'Europe. 1 Union européenne et méditerranée : chronologie, disponible sur le site de la Documentation Française à cette adresse: http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europe-mediterranee/chronologie.shtml 2 Elle conserve depuis 1999 un statut d'observateur au sein du partenariat. 3 Jean Paul Chagnollaud et Bernard Ravenel Bernard, <<Pour une politique méditerranéenne de l'Europe», in Confluences Méditerranée, n°7, Eté 1993. C'est dans ce contexte que la Commission européenne proposa l'élaboration d'une <<politique méditerranéenne rénovée» au Conseil: <<La commission réitère sa conviction que la proximité géographique et l'intensité des rapports de toute nature font de la stabilité et de la prospérité des Etats tiers méditerranéens des éléments essentiels pour la Communauté ellemême. Une aggravation du déséquilibre économique et social entre la Communauté et les PTM [Pays Tiers Méditerranéens] du fait de leurs évolutions respectives serait difficilement tolérable pour la Communauté elle-même»4. Ainsi, en 1992, fut élaborée une politique méditerranéenne rénovée plus ambitieuse visant à mettre en place d'une part, un soutien structurel aux gouvernements menant des politiques d'ouverture et de réformes économiques et, d'autre part, une amélioration de ses mode et volume de financement. Cette politique a progressivement amorcé une orientation vers un partenariat global, confirmée consécutivement par les Conseils Européens de Lisbonne (1992) de Corfou et Essen (1994) et de Cannes (1995). Le conseil européen de Cannes fut l'occasion de réaffirmer <<l'importance stratégique [attachée] à ce que les relations de l'Union européenne avec ses partenaires de la Méditerranée prennent une nouvelle dimension»5 et annonçait la création d'un partenariat euro-méditerranéen (PEM). En novembre 1995, à Barcelone, les quinze Etats membres de l'Union européenne (UE) et douze Etats méditerranéens6 se réunissaient sur la voie d'une même et grande ambition: la construction d'un partenariat global et durable entre les deux rives de la Méditerranée. Cette conférence donna lieu, les 27 et 28 novembre7, à la déclaration de Barcelone, texte initiateur du processus de Barcelone prévoyant d'une part le renforcement de la coopération politique, économique et sociale entre les partenaires et d'autre part l'assistance au développement des Etats méditerranéens via l'attribution d'une aide financière et technique de la part de la Communauté européenne. Dans le contexte de la promotion des droits de l'homme ayant émergé à la fin de la guerre froide, la Déclaration de 1995 fixait entre autres objectifs celui du respect des droits fondamentaux dans le cadre du partenariat. Cet objectif, tout à fait nouveau dans des relations 4 Document cité par Jean Paul Chagnollaud et Bernard Ravenel, op. cit. 5 Conseil Européen de Cannes, 26 et27 juin 1995, conclusions de la présidence, p.6. 6 Cf. Carte de la région en annexe 1. 7 Cf. Texte de la déclaration en annexe 2. qui avaient jusqu'alors des visées économiques, devait bouleverser les priorités établies et s'intégrer dans la politique de développement poursuivie par la Communauté dans une région qui ne brillait pas par son engagement dans ce domaine. La Communauté, ses Etats membres ainsi que chacun des nouveaux partenaires du Sud s'engageaient ainsi à respecter et à promouvoir les droits de l'homme dans le cadre de leurs relations mutuelles et dans le cadre de leurs politiques nationales propres. Dans cette perspective, différents instruments politiques, financiers et juridiques ont été mis en place, tant sur le plan régional que bilatéral. Il s'agit entre autres de l'instauration d'un dialogue politique régulier contribuant à officialiser le débat relatif à la question des droits de l'homme qui était auparavant proscrit des discussions et circonscrit au domaine de la politique intérieure; de l'établissement de programmes financiers de développement intégrant le respect des droits de l'homme comme condition à l'attribution de l'aide; et surtout, de l'introduction d'une clause de conditionnalité au sein des accords bilatéraux conclus entre la Communauté et chacun de ses partenaires. Malgré sa vocation à améliorer la situation des droits de l'homme sur le pourtour méditerranéen, la politique mise en place au cours de ces dix dernières années n'a pas eu les effets escomptés et le partenariat euro-méditerranéen souffre aujourd'hui d'ambitions déchues. Les violations des libertés fondamentales restent en effet monnaie courante au sein des pays du Sud et le manque d'engagement sur ce terrain est resté flagrant. En effet, la coopération économique n'a pas été affectée par le manque de résultats obtenus sur le terrain des droits de l'homme et la Communauté européenne semble être restée aveugle à la détérioration de la situation en s'abstenant de recourir aux instruments ad hoc dont elle s'est dotée. On peut ainsi remettre en cause la place qui a été attribuée dans les faits à la promotion du respect des droits de l'homme dans les relations euro-méditerranéennes. La question reste posée de savoir si la politique relative aux droits de l'homme dans le cadre du partenariat était vraiment adaptée aux défis régionaux tels que le refus qu'y opposent depuis des décennies les régimes autoritaires du Sud. Il convient alors de s'interroger sur l'insuccès du partenariat dans le domaine des droits de l'homme: quelles sont les causes et la nature de l'échec de la stratégie de promotion des droits de l'homme dans le cadre des relations euro-méditerranéennes? L'actualité de cette étude se vérifie
à l'aune de la mise en place d'une nouvelle (UPM) visant à prendre le relais du partenariat. En effet, la complexité et la faible efficience du processus de Barcelone ont été critiquées8 et depuis 2000 la Commission européenne a reconnu la nécessité de donner un nouvel élan au processus. Cependant, «s'entendre sur la nécessité d'un changement ne suffit pas pour qu'il se réalise, notamment lorsque est concerné le fonctionnement d'une enceinte internationale régie par le consensus»9. Ainsi, si la mesure des faiblesses sociales du processus de Barcelone semble avoir été prise par les initiateurs de l'Union pour la Méditerranée, les ajustements indispensables à l'effectivité de la promotion des droits de l'homme dans la région n'y sont pas à l'ordre du jour. En somme, il ne suffit pas de simplement constater que la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée dans la région méditerranéenne mais il convient de s'interroger sur les raisons de cet échec afin de permettre une amélioration de la situation. Dans cette optique, une première partie consacrée à l'exposition du contexte juridique de notre exposé présentera le contenu général du partenariat avant d'analyser les éléments consacrés à la protection des droits de l'homme. Dans la seconde partie, nous étudierons les lacunes de l'application de ces dispositions, avant d'en explorer les solutions envisageables. 8 Sous la coordination de Frédéric Allemand, «L'Union pour la Méditerranée, pourquoi, comment?», publié par la Fondation pour l'innovation politique, juin 2008, p. 4. 9 Ibid, p. 10. PARTIE I : UN CADRE JURIDIQUE IMPLIQUANT LA PROTECTION
DES Il est indispensable de revenir sur les tenants et les aboutissants du partenariat afin de déterminer quels sont ses objectifs, ses institutions et les mécanismes mis en place pour d'assurer son bon fonctionnement. C'est pourquoi le cadre multidimensionnel du partenariat sera d'abord présenté (chapitre I.) avant que la place réservée aux droits de l'homme dans le processus et la stratégie développée dans le but d'assurer leur respect et leur promotion soit étudiée (chapitre II). CHAPITRE I. LE CADRE MULTI DIMENSIONNEL DU PARTENARIAT EURO- MEDITERRANEEN Le partenariat euro-méditerranéen a été construit selon un principe de complémentarité entre une structure multilatérale établie au niveau régional (I) et une structure bilatérale ayant connu quelques modifications récemment, permettant une meilleure adaptation de la coopération entre l'Union et chacun de ses partenaires (II). I. La structure multilatérale du partenariat euro-méditerranéenLa structure multilatérale du partenariat a été développée afin d'une part, d'assurer la cohérence de la politique de coopération entre les partenaires et d'autre part de garantir la continuité et le renforcement d'un dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Il est important d'insister sur le champ d'application du partenariat euro-méditerranéen (A) avant d'exposer les différents instruments multilatéraux développés dans le cadre du partenariat (B). |
|