De l'art de gouverner par les lois et par la force d'après Nicolas Machiavel( Télécharger le fichier original )par Julien BUKONOD Université Saint Augustin de Kinshasa - Graduat en philosophie 2009 |
II. 7. La guerre comme art par excellence du princeIl ne sied guère à rappeler que Machiavel part toujours de l'expérience des hommes depuis les temps immémoriaux. Dans L'art de la guerre, il montre comment les princes qui se sont montrés négligents en matière de la guerre ont perdu leur État. Son souci primordial étant celui de la défense nationale, Machiavel conseille qu'il faut, à l'instar de l'ancienne Rome, créer une armée nationale que de compter sur une armée étrangère : « l'on ne peut trouver d'appui solide que dans ses propres armes »59(*). C'est pourquoi, « un prince doit donc n'avoir d'autre objet ni d'autre pensée, ni prendre autre chose pour son art, hormis la guerre (...) »60(*). Pour qu'on parle de bonnes lois dans un État, souligne Machiavel, on doit parler de bonnes armes. La fin de Savonarole rappelle ainsi à tous que les armes sont indispensables à qui veut commander une cité. Contrairement à ce que pense le common man, Machiavel n'incite pas à la guerre mais invite à la défense en cas d'attaque ou de guerre61(*), et il n'est ni le seul ni le premier à le faire. Déjà au VIè siècle av. J.C., le philosophe chinois Maître Sun composa un traité martial, qu'on qualifie de fondateur de la discipline militaire : Le Sunzi bingfa ou L'art de la guerre62(*). Machiavel souhaite imprimer dans l'esprit du prince, les soucis qui doivent l'absorber et le préoccuper. Ce dernier ne doit pas d'abord être dépendant des forces qui pourraient lui nuire ; au contraire il doit constituer des forces propres et ne compter que sur elles. La figure de César Borgia, au chapitre 7, incarne au plus haut point le souci de cette dépendance à l'égard des armes d'autrui. Il s'en défait progressivement, en les anéantissant ou en cultivant des alliances qui les empêchent de lui porter atteinte et dans le même temps, s'attache le peuple conquis. Même si elles n'excluent pas d'autres éléments, les forces prioritairement évoquées dans Le Prince sont celles qui assurent la puissance militaire. Cela implique beaucoup de choses : il en découle le rejet des armées mercenaires qui combattent pour la cité en vertu du salaire qu'elle leur donne, et non par amour de la patrie qui, seul, inspire le courage aux soldats. Son propos conserve une originalité dans le concert des critiques, en ce qu'il nomme le projet d'une armée propre à une analyse de la manière qu'a le prince de se lier aux grands et au peuple. La distinction entre une politique intérieure et une politique extérieure est ici dénuée de sens. Un prince faible du point de vue militaire, ses sujets se montreront d'autant plus favorables au changement apporté par la conquête d'un autre prince ou d'une république qu'ils nourriront de la haine à son égard. Ils se montreront pour le moins réticents à le défendre contre eux. * 59 N. MACHIAVEL, L'art de la guerre, in Le Prince et autres textes, présenté par Yves LÉVY, Paris, Union Générale d'Éditions, 1962, p. 71. * 60 IDEM, op. cit., p. 116. * 61 Voici ce qu'il dit : « Il est par conséquent nécessaire de se préparer aux armes, pour pouvoir, avec la vertu italienne, se défendre face aux étrangers ». (Op. cit., p. 165). * 62 Cf. T. SUN, Le `Sunzi bingfa' ou l'art de la guerre, in Le Point. Hors Série, Mars-Avril 2007, n. 13, p. 82. |
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