LES ENJEUX ÉTHIQUES
DE LA CHANSON `'IKEA''
DE KOFFI OLOMIDÉ
0. INTRODUCTION
Il n'est secret à personne que la musique occupe une
place considérable dans la société. Elle reçoit
aussi une valeur remarquable pour la vie des hommes, tant sur le plan culturel
qu'éducationnel. Son rôle est tel qu'elle participe, comme il en
est de l'art poétique, à la transformation des impressions
imaginaires, des états d'âmes ou des sentiments en images, elle
traduit en faits vécus les imaginations des hommes. Ce rôle varie
selon les circonstances et les besoins. La musique est utilisée en
moments de fête pour traduire la joie, la jouissance, et en moments de
solitude, pour consoler ou caresser les coeurs affligés, elle est aussi
utilisée pour les moments de méditation...
Ainsi, les musiciens, comme les écrivains, les
poètes, les prophètes, et tous les autres artistes ont devoir
« de tisser l'identité et l'histoire des peuples auxquels
ils s'identifient ou dont ils prennent une certaine longueur d'avance. A ce
titre, ils ont une responsabilité plus que délicate devant
l'existence humaine prise dans sa globalité. Ils donnent le temps au
temps, la vie à la vie. (...) ils nous imposent des manières
d'être et de paraître, de voir et de sentir, d'avoir et de valoir,
de savoir et de pouvoir »1(*).
C'est dans cet ordre d'idée que s'inscrit l'art
musical congolais. Il porte ses propres règles, ses rythmes, ses
exigences, ses danses : voilà qui fait sa particularité et
son originalité. C'est cette particularité qui le
différencie de l'ensemble et du reste du monde. La musique congolaise
doit répondre et traduire le besoin du peuple, elle doit toucher les
réalités de vie, non seulement sur le plan affectif et
passionnel, mais aussi et surtout sur le plan culturel et éducationnel.
Mais, contrairement à cette attente, la musique congolaise actuelle,
pour la plupart des cas, traduit plus un seul aspect de la vie des hommes en
société, elle répond mieux aux besoins des ``amoureux'',
des adolescents, des amoureux déçus..., utilise des termes
vulgaires et obscènes, sans tenir compte ni de l'éducation ni de
ses conséquences sur l'ensemble de la jeunesse.
Pour ce faire, vue la gravité et l'allure avec
laquelle les choses tournent, nous avons choisi de faire halte pour
réfléchir un peu sur ce problème. Les efforts ici
engagés voudraient donc dégager les enjeux éthiques de la
musique congolaise, en focalisant notre attention sur la chanson
« IKEA » de l'artiste musicien Koffi Olomidé, dont
nous analyserons le contenu pour voir son impact et ses conséquences sur
l'ensemble de la société, surtout de la jeunesse congolaise.
I. KOFFI OLOMIDE :
BIOBIBLIOGRAPHIE
I.1. Sa vie
Chateur, auteur-compositeur congolais, Antoine Agbepa Mumba,
alias Koffi Olomidé, a vu le jour le 13 Aout 1956 à Stanleyville,
l'actuel Kisangani. Né à l'absence de son père, sa
mère le nommera Antoine, selon la coutume du pays de son père, le
Sierra Leone, concernant les natifs de ce jour de la semaine. Il est curieux de
voir que, né un certain vendredi, comme si ce fait de naitre ce jour ne
suffisait pas, au sortir du ventre de sa mère le petit Antoine eut la
main collée à la joue, signe de tristesse, et fut allaité
par une autre femme que sa propre mère, car cette dernière en
était incapable. Le sentiment d'abandon éprouvé par sa
mère par le fait d'avoir mis un enfant au monde loin de chez elle et
l'absence de son mari qui aurait envisagé de la quitter pour une autre
femme, ce difficile départ de la vie du jeune Antoine fit qu'il soit
surnommé « Antoine Makila Mabe », ce qui signifie,
« Antoine Mauvais Sang ».
Koffi Olomidé fit ses études primaires et
secondaires dans son pays natal, et continuât ses études
supérieures en France, d'où il ressort avec un diplôme en
science commerciale en 1980, avec un mémoire intitulé :
``La commercialisation minière du Zaïre, un atout pour
celui-ci ?''.
I.2. Sa carrière
musicale
L'attirance par l'art de la chanson pour Koffi date de son
enfance. Il faut noter l'immense admiration qu'il avouait de la musique de
Rochereau Tabu Ley qu'il considérait comme son idole et de qui il
trouvait des chansons à interpréter ou à transformer en y
ajoutant ses propres paroles, l'apprentissage de la guitare et la passion qu'il
éprouvait pour la musique. Tout cela marque son penchant musical. Ses
études en France feront qu'il ne s'y lance pas directement ou
totalement.
Sa carrière musicale éclate dans la seconde
moitié des années 70. Il est à ce temps un artiste
compositeur et travaille en collaboration avec les orchestres en place, dont
les groupes Zaïko Langa Langa et Viva la Musica.
Le goût effréné de la musique et le
désir d'aller toujours plus loin le poussent à créer son
propre orchestre, Le Quartier Latin International, dont il est lui-même
le patron, cela trois ans après la sortie de l'album
« Ngounda » en 1983. Son travail lui a valu su
succès et lui a permis d'octroyer différents prix, tant au niveau
national, continental qu'international. Nous pouvons citer cinq disques d'or
(1994, 1999, 2000, 2004, 2008) et quatre trophées aux Kora awards en
2002... Jusqu'aujourd'hui, Koffi est classé parmi les musiciens les plus
anciens, les renommés et les plus populaires du monde.
I.3. Ses oeuvres
· Ba la joie (1978)
· Ngounda (1983)
· Lady bo (1984)
· Diva (1985)
·
Ngobila (1986)
· Rue d'amour (1987)
· Henriquet (1988)
· Elle et Moi (1989)
· Tcha Tcho (1990)
· Les
prisonniers dorment (1990)
· Koweït Rive Gauche (1992)
· Pas De Faux Pas (1992) du Quartier Latin
·
Noblesse Oblige (1993)
· Magie (1994) avec le Quartier Latin
· V12 (1995)
· Wake
Up (1996) avec
Papa Wemba
· Ultimatum (1997) avec le Quartier Latin
· Loi (1997)
· Droit de Veto (1998) avec le Quartier Latin
· Attentat (1999)
· Force de Frappe (2000) avec le Quartier Latin
· Effrakata (2001)
· Affaire d'État (2003) avec le Quartier
Latin
· Monde Arabe (2004)
· Boma Nga N'elengi (2005) hors série
· Danger de mort (2006) avec le Quartier Latin
· Swi Chocolat Chaud (2006) hors série
· Bord Ezanga Kombo (2008)
· Mandrada (2009) hors série
I.4. Sa vie
privée
Selon les informations à notre disposition, Koffi
Olomidé est père de neuf enfants reconnus. Il a eu deux enfants
avec Marianne Makosso, sa première femme : Aristote son fils
aîné, Elvis et Minou sa première fille. Il a eu trois
enfants avec Alianne, sa femme actuelle : Didi Stone Nike né en
août 1999, et Del Pirlo né en novembre 2005, et aussi, Rocky,
Diégo et Karine issus d'union libre. Le 3 décembre 2007, Koffi
Olomidé a un nouveau fils qui s'appelle Rolls St.James, né
à l'hôpital américain de Neuilly-Sur-Seine.
II. LA CHANSON `'IKEA''
II.1. Description de la
chanson
La chanson `'Ikea'' est une oeuvre ou une composition de
Koffi Olomidé. Elle est chantée en Lingala (Lingala facile, on
peut dire, car, elle porte dans son contenu certains passages en
français, kikongo...). Elle est du genre Rumba, a une durée de
neuf (9) minutes et 30 secondes, extraite de l'album sans non (Bord ezanga
kombo) ou l'album du patron, produit en 2008.
II.2. Synthèse de la
chanson
Chantée ou exécutée dans sa plus grande
partie par Cindy Le Coeur, Koffi Olomidé lui-même et tout
l'orchestre du Quartier Latin, la chanson `'Ikea'' traduit l'histoire d'une
déception, déception subie par une fille de la part de son
soi-disant fiancé. Bref, cette chanson traduit un toussotement de la
jeune fille auprès de son prétendu fiancé.
II.3. Le texte de la chanson
en Lingala
Eh qui dit que abimi le premier alors que l'échec naino
amonani te ?
Cindy : Ba chances na nga ya bomwana
esileli nga kaka boye likolo
yako patienter. Fidélité eboma nga zelaka zelaka !
(Choeur : zelaka yoyoyoooo) Baninga nyoso babala
quartier ekoma masculin, nakoma fille unique ya quartier (Ikea Claudia
Sassou). Bientôt nga ménopause mbula nini okobala nga, ki mobange
ekomi a deux pas ; b'espoirs ekomi
miracle. Koffi : Y'obotola nga mapapu, ndeke akomi
crapaud. Cindy :Nazangi mayele ya kopimbwa bolingo
ekomi en l'air, il fallait oyebisa nga, olekisela nga ba fiancés,
oyinisi nga na famille okomisi nga demi-journée, lelo obwakisi nga
aa. Choeur : Nazalaki kaka mwasi ya souffrances,
bisengo epayi basusu ee. Naselelaki Bible kasi y'osaleli na yo journal.
Y'otieli nga couvre-feu na ba projets na nga, ah mwana mobali oyo !
Nazalaki kaka mwasi ya libabe, bisengo epayi basusu ee. Naselelaki Bible kasi
y'osaleli registre de commerce. Y'otieli nga couvre-feu na ba nzela na nga, ah
! Jeune homme ! Cindy : kaka maloba oyebisaki
nga, okobala nga lelo ekomi contraire
Koffi : O négliger moto alingaki yo
na tango ya pasi, y'olandi moto alingaki yo po o
ngindi ! Cindy : Un jour oko koma na yo vieux
pata pata e ee ee. Y'o rouler nga aa, y'o tromper nga aa, quelque part okozala
aimé, mais na ndimi te que plus que moi, obungisi ideologie (bolingo na
yo intemporel). Jamais ekozala oublié, jamais ekozala remplacé
eee R/Choeur : Lopete olatisaki nga ya ngwanzou ee,
délai ekokeli nga na loboko garantie ya 3 mois Nzambe, naza sucée
nga moto babenga nga moseka na bolenge na nga. Etabe nalonaki eteli yango ekoti
nkusu. Mokomboso aboyi koliya ayoki nausée ; moto nalingaki aliya
asimbeli nga fimbo, touche na carré kobeta baponi
Ronaldhino. Cindy : Antiseptique ebimisi
vérité (oyo abombelaki nga Claudia Ikea Sassou) ;
lokola sango aza na ye bijoutier te
e... Choeur : Bomba ata sekele na nga mama ee,
koyebisa bato te que nga na yo tokabwani, pinzoli esali mbonge mais otiki nga
na ceinte Koffi : Bolingo ekomi lokola mikate ya
mwanba ebimi na poche ya ndoki, kozanga oyo e dominer ba sentiments ya kolya.
Esengi ba prophètes baya kobenisa yango, bolingo na nga ezangi moto
ya ko pambola yango ee. Nakende matinale na papa Gizenga natuna ba peuples,
est-ce-que naza... ? (oza kitoko !!) Merci na bino. Est-ce-que nabe ?
(Obebi te, katula yandi) Napesa nani ? (na yandi ve, katula yandi).
Guélord: Naninana... wowowo la letter
d'autrui, nga na fongolaka te... Il s'appelle Mopao, ye Quadra
koraman...Paracétamol, mutu pasi pona bolingo...
Gabana : Bolingo ekomisi nga zoba, baseki
nga mingi oo... Bato ya mokili... nakoyokela moto te...
Babia : Pesa nga moto ya nzoto n'o, pesa
nga nzoto ya moto n'o. Nzoto na nga ezalaka fragile epa na yo... Ah non non
non... Chéri tiya nga lolemo ne se nga nayoka diki-diki e, nga nayoka
bien bien bien...
Djos Diena : wowowo... o barrer nonga
bébé, osali boye olukeli nga liwa, bato nyonso bakomi kokamwa
ngai, mama... Choeur : Bord na plan, plan na bord,
science fiction ya bolingo ooo. kutchu kutchu mbe, kutchu kutchu mbe...
II.4. Traduction
française du texte
« Eh ! Qui dit qu'il est le premier alors que
l'échec n'est pas encore connu ?»
Koffi : Ee, aee, e Claudia Ikea
Sassou
Cindy : Toutes mes chances d'enfances
ont disparu à force de patienter. La fidélité me tue,
parce que je devais attendre. Toutes mes amies se sont mariées, le
quartier est tout masculin, je suis restée la fille unique de mon
quartier. (Ee Claudia Ikea Sassou). Bientôt sera la ménopause,
quand m'épouseras-tu, la vieillesse est déjà à deux
pas ; les espoirs sont devenus un miracle.
Koffi : Tu m'as confisqué mes
ailes, l'oiseau devient un crapaud !
Cindy : Je manque d'intelligence (de
moyen) pour voler, l'amour s'est envolé en l'air ; il te fallait me
le dire, tu m'as fait passé autant de fiancés ; je suis
haïe de ma famille, je suis devenue une demi-journée. Et
aujourd'hui tu m'abandonnes (tu me rejettes) !
Choeur : J'étais toujours une
femme de souffrances, les joies étaient pour les autres. J'ai
utilisé la Bible, mais toi, tu as utilisé le journal. Tu as
placé des couvre-feux (barrières) dans mes projets, oh ce
garçon ! J'étais toujours une femme malchanceuse, les joies
étaient pour les autres. J'ai utilisé la Bible, mais toi, tu n'as
utilisé que le registre du commerce. Tu as placé des couvre-feux
(barrières) sur mes chemins, ah, ce jeune homme !
Cindy : De toutes les paroles que tu
prononçais (de toutes les promesses que tu m'as faites), que tu
m'épouserais, tout est au contraire ; tu as négligé
celle qui t'a aimé au temps des souffrances pour suivre celle qui t'aime
parce que tu es devenu riche. Un jour tu deviendras un vieux tâtonneur
(eeeeee). Tu m'as roulée, tu m'as trompée, quelque part ailleurs
tu seras aimé, mais je ne crois pas que ce soit plus que moi. Tu as
perdu l'idéologie (Koffi : Ton amour est
intemporel) ; jamais ça ne sera oublié, jamais ça ne
sera remplacé. Ah !
R/ Choeur : Tu m'avais fait porter une
mauvaise alliance (anneau d'alliance), ça n'a eu qu'un délai et
une garantie de trois mois dans mon doigt, oh mon Dieu, je suis sucée,
moi qui fus appelée Moseka dans ma jeunesse. Les bananes que j'ai
plantées ont mûri et sont atteintes des asticots. Le gorille
refuse de manger, il éprouve de la nausée ; celui qui
était supposé les manger me tend un fouet. Pour jouer la touche
dans le carré, on choisit Ronaldhino.
Cindy : L'antiseptique révèle le secret (la
vérité) (Koffi : Ce qu'il m'avait
caché, Claudia Ikea Sassou). Du fait que le prêtre n'est pas un
bijoutier...
Choeur : Garde mon secret, ne dis à personne que
toi et moi nous nous sommes séparés, les larmes font un torrent,
mais tu m'as laissée dans une ceinte.
Koffi : L'amour est devenu semblable aux
bégnets à la moambe provenant de la poche d'un sorcier. Les
manquer domine le sentiment de les manger. Ça nécessite que les
prophètes les bénissent. Mon amour manque quelqu'un qui puisse
l'expliquer. Que très matinalement je me rende chez papa Gizenga pour
demander aux peuples : comment je suis ?
(Choeur : Tu es beau). Je vous remercie. Suis-je
fané ? (Choeur : Non, tu n'es pas
fané. Déclasse-le). A qui pourrais-je donner ?
(Choeur : Pas à lui, déclasse-le). Ee
Claudia Ikea Sassou ! R/
Guelord : Nananinana... Oh, je n'ouvre
jamais la lettre d'autrui. Oye !... Il s'appelle Mopao, le quadra
koraman... Paracétamol, des maux de têtes à cause de
l'amour...
Gabana : L'amour m'a rendu bête (fou). Tout le
monde se moque de moi......
Babia : Donne-moi ton corps chaud, donne-moi la chaleur
de ton corps. Mon corps est fragile pour toi... Ah non non non. Chéri,
fous-moi ta langue en bas que j'ai de la chair de poule... Chéri,
fous-moi ta langue en bas que je me sente bien (des caresses)...
Choeur : Bord dans le plan, plan dans le
bord, science fiction d'amour. Kutchu kutchu mbe...
II.5. Commentaires sur la
chanson
Comme nous l'avions ci-haut précisé, la chanson
`'Ikea'' de Koffi Olomidé que nous avons prise comme paradigme ou
échantillon pour dégager les enjeux éthiques de la musique
congolaise est une histoire d'une déception. Fait normal, bein
sûr, parce que les fiançailles ne sont qu'un moment d'observation
ou d'étude mutuelle, elles ne sont pas nécessairement
supposées aboutir au mariage. Elles peuvent se dissoudre, mais suivant
une certaine procédure. Nous y reviendrons.
Dans la deuxième partie de la chanson, nous assistons
ou nous sommes à l'écoute de n'importe quoi. Des mots qui ne
disent plus rien ou rien de bon, de l'obscénité et de la
`'bouzobatude''. Et pourquoi ? Les raisons nous serons connues
dans la suite de notre analyse. Il importe donc, sans trop perdre le temps de
passer à l'analyse critique de cette chanson.
III. L'ANALYSE DE LA
CHANSON : CRITIQUES ET COMMENTAIRES
Dans ces paragraphes, nous nous sommes proposer de faire une
approche analytique de la chanson `'Ikea'', en nous basant sur les aspects
anthropologique, sociologie, esthétique et religieux.
III.1. Approche
anthropologique : `'L'Amour''
Le mot amour renvoie au sentiment d'affection
passionnée, attirance affective et sexuel d'un être humain pour un
autre... L'amour est aussi le vif sentiment d'affection que ressentent les uns
pour les autres les membres d'une même famille. L'amour peut aussi
être compris comme le sentiment d'un profond attachement à une
valeur ressentie comme supérieur et à la quelle on est prêt
à se sacrifier. C'est aussi le goût très vif,
l'enthousiasme pour une chose ou une activité2(*). De toutes ces
définitions, nous pouvons dire que l'amour est un sentiment, se
produisant indépendamment de la volonté humaine, poussant l'homme
à s'éprendre d'une personne, d'une chose, d'une activité,
etc., et aussi à y consacrer ses forces, émotions et
énergies...
L'amour est l'un des thèmes majeurs les plus
abordés et les plus travaillés par les musiciens congolais
actuels. Ils traitent de l'amour, non à la manière
évangélique, mais à leur propre interprétation. Ils
font référence aux paroles bibliques telles que la
fidélité, l'amour du prochain, le mariage... mais la
différence provient par le fait que leur façon de chanter ce
thème emporte avec elle tout un amalgame de `'bouzobatude''. Ce
qui fait défaut, c'est quelquefois l'inflation terminologique. Chacun
utilise des termes qui lui paraissent opportuns pour exprimer ses
émotions et ses sentiments.
Dans notre chanson, ce terme `'amour'', `'bolingo'', en
lingala, nous le rencontrons dans plusieurs strophes ou vers :
« Nazangi mayele ya kopimbwa, `bolingo' ekomi en l'air ; moto
`alingaki' yo... ; quelque part okozala `aimé', `bolingo' na yo
intemporel ; `bolingo' ekomi lokola... ; paracétamol, mutu
pasi po na `bolingo' ; `bolingo' ekomisi ngai zoba... ». Il sied
donc de préciser que l'amour ou la `'bolingocratie'' qui est
citée ou chantée dans cette chanson ne renvoie pas du tout
à un vrai amour, à un amour propre, mais à un amour
`'eros''. Cet amour est abordé dans tous les sens et
teinté d'erreurs et d'immoralité, accompagné des paroles
indécentes telles que « `'chéri tiya ngai lolemo na se
ngai nayoka diki-diki'' (qui signifie, chéri caresse-moi mon
intimité avec ta langue, ça produit de belles sensations) ;
`'bord na plan, plan na bord, science fiction ya bolingo'' (comme pour
dire : l'homme pénètre la femme, celle-ci le reçoit
au-dedans d'elle, c'est la meilleur façon de vivre ou de faire de
l'amour) ; `'kutchu kutchu mbe'' (ça renvoie au mouvement de la
hanche et aux va-et-vient de l'homme qui réjoint la femme, et on se
retient)... A en croire Didier Nzuzi, « ces paroles à
peines voilées ou dites crûment sont un attentat aux moeurs. Si
elles trouvent leur place dans un cadre privé, étalées
ainsi au grand jour et avec autant de désinvolture, elles deviennent
l'expression d'un sans-gêne qui ouvre les portes à
l'immoralité »3(*).
Bref, il est à noter que chanter l'amour, exalter
l'amour n'est pas si mauvais qu'on le pense. Ce qui est déplorable, ce
qui est aussi méprisable, c'est l'obscénité des paroles
qui véhiculent cet amour, et aussi le fait de réduire le concept
de l'amour à un simple sentiment lié au sexe, à un plaisir
dérisoire, à un sentiment ou un amour eros. Cette
restriction du concept de l'amour au seul sentiment sexuel a connu des
conséquences considérables dans les milieux des jeunes
congolais. Il n'est plus facile ni fréquent de trouver un garçon,
mieux un jeune adolescent se lier d'amitié saine avec une jeune fille
(de son âge ou pas) sans penser au sexe, aux rapports sexuels. Des
quelques cas isolés et rares que l'on puisse trouver, c'est plus
à des jeunes ayant un certain niveau de compréhension de
l'amitié, une certaine ouverture culturelle (universitaires,
lycéens, collégiens...) et aussi des issus, pour la plupart des
cas, des familles des grosses légumes, et celles dont les parents sont
ouverts (et les ouvrent aussi) à la culture occidentale, tels que les
enfants des professeurs, des ministres, des parents bien instruits et soucieux
de l'éducation de leur progéniture... Et le comble c'est que
cette mentalité est entrée même dans la tête de
certains parents qui n'hésitent plus de chasser ou de rouer des coups,
même de faire arrêter un garçon lorsque celui-ci se
présente ou est connu comme `'ami'' ou copain de leur fille.
Etonnant !
III.2. Approche
sociologique : Les fiançailles
Sociologiquement parlant, en Afrique et aussi ailleurs au
monde, les fiançailles sont le temps s'écoulant entre la
cérémonie familiale qui accompagne une promesse au mariage et le
mariage proprement dit. C'est une période d'essai et d'observation entre
les deux futurs époux. Comme nous l'avions dit, en cette période,
les futurs époux s'étudient mutuellement, ils s'observent pour se
découvrir leurs qualités et défauts, leur comportement et
leurs habitudes.
A la fin de cette observation, il se fait une double option,
une alternative se présente : soit les fiançailles
aboutissent au mariage, soit elles se dissocient. Elles aboutissent au mariage
quand les deux aimants se considèrent capables l'un et l'autre de fonder
un foyer qui puisse demeurer et quand toutes les conditions sont remplies.
Elles échouent dans le cas contraire. La fille déçue de
notre chanson n'a donc pas raison de se plaindre du fait que leurs
fiançailles n'ont pas abouti. Mais, il faut noter que même quand
les fiançailles échouent, les prétendus conjoints doivent
se séparer dans de bonnes conditions et suivant un certain nombre de
critères. Aucun des deux ne peut illicitement quitter son partenaire,
soit en suivant un autre garçon ou une autre fille qui
l'intéresse : par rapport à cette deuxième
alternative, nous remarquons que la fille dont il question dans notre chanson a
raison de se plaindre, car elle se sent considérée comme un
instrument dont on a usé et après quoi est rejeté, elle
est donc victime d'un abus de confiance, car le processus n'a pas
été respecté.
III.3. Approche
esthétique : La sape et le décor
Aujourd'hui Koffi Olomidé est une
référence de la chanson africaine, mais pas seulement puisque
l'homme se présente aussi sans l'avouer directement de peur des grandes
représailles de la
société
des sapeurs comme l'un de plus grand du moment mettant sa richesse a
contribution il se distingue dans le port des grandes marques telles John
Galliano dont il en a fait son cheval de fer jusque-là aucun autre
sapeur n'ose s'y aventurer peut-être par peur de se ruiner. Il est
également celui qui a lancé le vedettariat africain dans la ligne
de la bourgeoisie des grandes stars occidentales c'est-à-dire belle
maison, voiture de luxe, et jolie femme pour comble le tout. Koffi
Olomidé lui va jusqu'à la matérialisation de ce mode de
vie d'où son nouveau nom du GRAND MOPAO, c'est-à-dire un vieil
homme riche avec un gros ventre et aimant les jeunettes. Il est suivi dans
cette tendance par toute la jeunesse africaine de la chanson et du domaine
public et voir même politique4(*).
Mis à part les types d'ornements et de vêtements
qui accompagnent les clips vidéo de Koffi, il y a une
obscénité on peut plus notoire dans l'accoutrement de ses
danseuses et des filles sollicitées à faire le décor de
ces images. Les filles à peines habillées ou même laissant
à la portée d tous les parties intimes de leurs corps (seins,
nombril, fesses, la zone pubienne,...), avec des derrières gigantesques
et/ou des gros seins, dos nus, en soutien-gorge ou en singlets ou encore en
maillots de bain, soumises à se toucher leurs parties intimes et
excitantes, à toucher ou à caresser tel ou tel autre musicien
à telle ou telle partie du corps, tout ceci donne à se poser des
questions de savoir si c'est pour éduquer ou pour envoyer les jeunes et
tous les mélomanes à de telles pratiques. Il suffit de vous
mettre à visualiser le clip de la chanson `'SOUPOU'' du même album
pour vous rendre compte de la chose.
Est-ce ce décor qui fait la beauté du
clip ? Assurément non. C'est fait, justement pour des raisons
commerciales et de marketing. Car, comme d'aucuns le savent, ce qui expose les
intimités attire l'attention des vulgaires, même de tous.
III.4. Approche
religieux
Dieu est amour, il nous invite à l'amour, à
nous aimer les uns les autres. C'est vrai. Mais, il nous invite à un
amour chaste et sain. Un amour sans passion, un amour qui se donne. Et, la
musique étant destinée ou comprise par Platon comme un des moyens
de l'éducation, doit servir à cette cause et non à la
dépravation des moeurs. Cela, à Dieu ne plaise.
IV. CONCLUSION :
QUELQUES ENJEUX ETHIQUES
De la chanson Ikea de Koffi, nous pouvons retenir :
- L'amour, thème majeur de la musique congolaise, n'est
pas mauvais, c'est d'ailleurs une règle d'or de Jésus. Mais il
doit quitter le stade de sa simple restriction au sexe pour être
vécu de manière saine entre filles et les garçons.
- Les fiançailles, temps de préparation au
mariage, ce temps doit se passer dans la sérénité et
l'ouverture de deux prétendus fiancés. L'un doit s'ouvrir
à l'autre et lui être sincère et honnête. Cela,
vice-versa.
- Par nos moeurs l'éducation sexuelle se passe en
famille. En chantant le sexe de cette façon et l'exposant avec une telle
obscénité, est ce qu'il ne revient pas dans la tête de
Koffi qu'il a une maman, des soeurs, des frères qui écoutent ses
chansons. Pourquoi se mettre en vedette pour choquer les gens ?
Comprend-il son rôle dans la société ? Il doit savoir
aussi que si pour Gainsbourg, en son temps, chanter "Je t'aime moi non
plus" où le sexe de l'homme entre dans les reins de la femme ou le
corps des uns sur les corps des femmes des autres, chant symbolique de la
dérive sexuelle d'une Europe industrielle que guettait la
révolution de Mai 68, n'est pas un tabou, cela est tel pour la
société congolaise ou l'éducation sexuelle n'est pas
encore suffisamment inculquée dans la mentalité des jeunes.
- Selon YANGANDOU EL GUAPO, « Koffi est entrain de
perdre les pédales lorsqu'il fait l'apologie du sexe dans ses textes, je
dirai qu'il fait de la pornographie musicale. Il est vrai que certaines
personnes "déréglées" s'en délectent, je dis que
c'est le monde à l'envers. Oseraient-elles chanter ses "vers bidons" en
présence de leurs enfants ? Ça je n'en suis pas si
sûr. Nous sommes de ceux qui n'accepteront jamais ce genre de
bêtises, il faut que le censure fasse son travail, le sexe est quelque
choses d'intime le mettre sur le place public est une atteinte grave à
la pudeur qui mérite d'être sévèrement
réprimandée »5(*).
- EBANDA LUBUBU GEORGES, lui pense que la culture, c'est
l'essence, l'âme du peuple, voire l'identité des peuples... Ne
faisons pas l'amalgame entre les cultures... Si dans la culture
européenne ou française, le refrain tel que :
voulez-vous coucher avec moi ce soir ne choque personne, une telle
chanson ne passe en Afrique. Si péter devant tout le monde en occident
ne constitue pas un manque de respect, chez nous c'est ignoble... Cela ne
justifie pas que notre culture est rétrograde ou inférieure
à l'évolution du monde ! Quand un artiste commence à
ne plus respecter les mélomanes en participant activement à la
dépravation des moeurs, c'est ridicule ! Nous devrons faire
toujours un tri de valeurs ou la symbiose6(*)
- Vue cette déchéance morale, la
responsabilité nous revient tous, car, « pour
libérer la musique congolaise de ce vice qu'est l'immoralité,
nous estimons qu'il revient à toute la société de
s'impliquer dans la dynamique de sa ré valorisation. Nous pensons ici
à l'Etat, aux médias, aux mélomanes et aux musiciens
eux-mêmes »7(*). L'Etat doit établir des mesures
sérieuses et le comité de censure doit prendre la chose en mains,
en vue de ne pas laisser passer de n'importe quoi. Les médias doivent
bien sélectionner les chansons, des clips, des concerts à
diffuser, car, toutes sortes d'informations ne sont pas à diffuser. Ils
ne doivent pas se contenter de diffuser complaisamment, au contraire ils
doivent diffuser ce qui est bon, ce qui est éducatif. Et les musiciens
eux-mêmes sont appelés à participer eux-aussi à
l'éducation et la formation de leur compatriotes.
- Tout l'ensemble du peuple doit éviter de se livrer
à n'importe quel mouvement. Les mélomanes constituent de premiers
consommateurs de la musique. Ce sont eux qui en font la promotion. La meilleure
façon d'éduquer ou de reprocher les musiciens à tendances
obscènes comme Koffi est de rejeter leurs produits, de les boycotter.
- Koffi Olomidé, comme tous les artistes musiciens
congolais, doivent ramener la raison là où nous mettons la
déraison, la mesure là où nous installons la
démesure, montrer le bien à faire là où nous avons
opté pour le mal destructeur. Leur rôle est de crever nos
abcès éthiques et de soigner nos infirmités spirituelles
et affectives ; de nous conduire vers de verts pâturages et de nous
montrer les terres qui attendent et méritent d'être
cultivées8(*).
- Faisant ainsi, le milieu de la jeunesse retrouvera de bons
guides et de bonnes idoles. Koffi doit revoir sa manière de faire sa
musique, tenant compte de nos cultures, des âges... tout en
évitant des obscénités des paroles qui ne cessent
jusqu'ici de perforer nos tympans ou des pornographies musicales. Il doit se
faire un bon éducateur des masses et nous composer des chansons comme
``L'amour n'existe pas'', `'Logique'', `'Kinshasa'' et `'Education''de JB
Mpiana, `'Trahison'' du poète Lutumba Simaro, `'DG'', `'Ozalaka na yo
très impoli''... es chansons qui interpellent et qui éduquent.
Voilà ce que nous attendons de nos musiciens.
BIBLIOGRAPHIE
1. EBANDA LUBUBU GEORGES, Commentaire posté à
l'Internet, L'obsédante poésie obscène de Koffi
Olomidé, 29 Janvier 2009.
2. GUILLON M. et MOINGEON M. (dir.), Le Dictionnaire
Universel, 2ème éd., Paris, Hachette, 1988.
3. MABASI Frédéric Bienvenu et BUASSA Michel,
LUTUMBA SIMARO. Sphinx de la musique congolaise moderne, Kinshasa, Ed.
Les Actes des Africains, 2008.
4. NZUZI Didier-Dieudonné, Ces maux qui minent la
musique congolaise actuelle, In Avenir, N°65, Mars 2006.
5. www.google.fr, visité le 01 Juin 2009.
6. YANGANDOU EL GUAPO, Commentaire posté à
l'Internet, L'obsédante poésie obscène de Koffi
Olomidé, 9 Mars 2009.
TABLE DES MATIERES
0. INTRODUCTION
1
I. KOFFI OLOMIDE : BIOBIBLIOGRAPHIE
2
I.1. Sa vie
2
I.2. Sa carrière musicale
2
I.3. Ses oeuvres
3
I.4. Sa vie privée
3
II. LA CHANSON `'IKEA''
4
II.1. Description de la chanson
4
II.2. Synthèse de la chanson
4
II.3. Le texte de la chanson en Lingala
4
II.4. Traduction française du texte
5
II.5. Commentaires sur la chanson
6
III. L'ANALYSE DE LA CHANSON : CRITIQUES
ET COMMENTAIRES
7
III.1. Approche anthropologique : `'L'Amour''
7
III.2. Approche sociologique : Les
fiançailles
8
III.3. Approche esthétique : La sape et le
décor
9
III.4. Approche religieux
10
IV. CONCLUSION : QUELQUES ENJEUX ETHIQUES
10
BIBLIOGRAPHIE
12
TABLE DES MATIERES
13
* 1 F.B. MABASI et M. BUASSA,
LUTUMBA SIMARO. Le sphinx de la musique congolaise moderne, Kinshasa,
Les Actes des Africains, 2008, p.5.
* 2 Cf. M. GUILLON et M.
MOINGEON (dir.), Le Dictionnaire Universel, 2ème
éd., Paris, Hachette, 1988, p.50.
* 3 D.D. NZUZI, Ces maux qui
minent la musique congolaise actuelle, In Avenir, N°65, Mars
2006, p.33.
* 4 Cf.
www.google.fr, visité le 01 Juin
2009.
* 5 Cf. YANGANDOU EL GUAPO,
Commentaire posté à l'Internet, L'obsédante
poésie obscène de Koffi Olomidé, 9 Mars 2009.
* 6 Cf. EBANDA LUBUBU GEORGES,
Commentaire posté à l'Internet, L'obsédante
poésie obscène de Koffi Olomidé, 29 Janvier 2009.
* 7 D.D. NZUZI, Op.
Cit., p.33.
* 8 Cf. F.B. MABASI et M.
BUASSA, Op. Cit., p.5.
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