Commerce potentiel entre le Cameroun et ses pays frontaliers( Télécharger le fichier original )par Loudine Bessong à Beyeck Institut Sous regional de Statistique et d'Economie Appliquée - Diplôme d'Ingénieur d'Application de la Statistique 2006 |
3. Analyse et évaluation des potentiels de commerce3.1. Interprétation économiqueIl convient avant de mesurer les potentiels de commerce d'analyser le niveau d'influence des variables explicatives retenues en Afrique en général. F Les PIB des pays exportateurs () et importateurs () semblent influencer positivement les échanges commerciaux. Une augmentation de l'offre37(*) de 10% augmenterait les échanges d'à peu près 14,3% en moyenne ; l'effet de la demande est aussi positif mais moindre : son élasticité partielle est de 8,7%. GBETNKOM (2004) a trouvé des résultats très similaires (12% et 8% respectivement). Ce résultat est aussi conforme à celui de FOROUTAN et PRITCHETT (1993). F La population du pays importateur a un coefficient non significatif : la taille du pays importateur semble ne pas influencer le niveau d'échanges. Par ailleurs, les pays exportent moins dès lors qu'ils sont larges : si la population du pays exportateur variait de 10% sur une période de temps donnée, les échanges de ce pays pourraient varier en moyenne de 4,5% dans le sens contraire ; l'effet est cependant moindre que la variation qui le cause. F Nos hypothèses sur la proximité et les affinités linguistiques sont vérifiées : un pays échange en moyenne 1,6 fois plus avec les partenaires frontaliers qu'avec les partenaires commerciaux non frontaliers. De même le fait d'avoir une langue commune améliore de 7,8% le niveau des échanges. F En plus de la variable dummy pour capter l'éloignement, la distance a également été utilisée ; son signe est lui aussi conforme aux attentes : celle-ci a une influence négative sur les échanges (18%) : les pays éloignés échangent moins que ceux qui sont rapprochés. F La variable CEMAC semble affecter négativement les échanges, ce qui peut s'interpréter comme un manque d'effet de création de commerce suite à la mise en place de la CEMAC. Ici, le résultat est contraire à celui GBETNKOM (2004) sur la période 1995-1997 qui a trouvé un coefficient significatif et positif, l'interprétant comme une mesure de création effective de courants d'échanges additionnels au sein de la CEMAC expliqués par des vagues de réformes unilatérales et préférentielles. 3.2. Evaluation des potentiels de commerceL'estimation du modèle de gravité venant d'être faite est utilisée en simulation dans le but de prédire les niveaux potentiels des échanges (potentiel de commerce) qui seront comparés aux flux effectifs afin de déterminer les marges de progression possibles et existantes de ces échanges. Le ratio des seconds aux premiers constitue l'évaluation du « potentiel de commerce de long terme » (FONTAGNE et al., 1999). Les valeurs obtenues permettent de faire les observations suivantes : F Concernant les échanges intra-africains, le tableau 1 de l'annexe 2 nous montre que le niveau des exportations effectives intra-communautaires en Afrique semble 2 fois supérieur au niveau prédit38(*). En effet, les échanges réciproques observés s'établissent à environ 74 049 010 millions de dollars pour le cas des pays de l'échantillon, tandis que le modèle prédit un montant approximatif de 36 839 171 millions de dollars. Ce chiffre agrégé cache cependant quelques particularités et des opportunités certaines : l'Algérie, le Bénin, le Burundi, le Botswana, le Cameroun, l'Egypte, la Guinée équatoriale, la Libye, le Maroc, le Soudan, le Tchad et la Tunisie ont leurs exportations actuelles avec les autres pays d'Afrique inférieures au niveau prédit par le modèle. De même Seul l'Algérie, le Bénin, le Congo, l'Egypte, la Libye, le Maroc, le Nigéria, le Soudan, le Tchad et la Tunisie ont leurs importations actuelles en Afrique inférieures aux valeurs prédites. F Au niveau de l'ensemble (CEMAC+Nigéria), le tableau 4-1 suivant donne également les potentiels de commerce sous-régionaux. Tableau 4-1 : Potentiel de commerce de l'ensemble CEMAC + Nigéria (2002)
Obs. : Commerce observé ; Pred. : Commerce prédit. Source : Nos calculs à partir des résultats du modèle Le ratio du commerce observé au commerce simulé donne la part du commerce potentiel couverte par les échanges actuels. Il apparaît globalement que les échanges actuels à l'intérieur de l'ensemble CEMAC + Nigéria constituent un pourcentage de 214% de leur niveau potentiel, preuve que des potentialités intra-régionales sont dépassées pour certains de ces pays. Les importations observées (1 331 150 millions de dollars) sont supérieures au niveau prédit (623 468 millions de dollars). Cependant, l'exception du Nigéria et de la République centrafricaine, tous les autres pays ont des opportunités à l'exportation sur le marché commun ; De manière similaire, seuls, le Congo, la Guinée équatoriale, le Nigéria et le Tchad ont des opportunités à l'importation. En effet, les exportations du Cameroun, du Congo, du Gabon et de la Guinée équatoriale sur le marché commun39(*) correspondent respectivement à 86%, 1%, 88%, et 2% de leur niveau potentiel ; les importations du Congo, de la Guinée et du Tchad de ce marché représentent respectivement 5%, 2% et 7% de leurs niveaux potentiels. F Les deux observations précédentes sont grossières et incomplètes car elles ne précisent pas nommément quels sont les marchés potentiels de chaque pays. A cet effet, notre étude s'intéresse particulièrement au cas du Cameroun. Le tableau 4-2 suivant montre que le Cameroun peut exporter davantage vers quelques-uns des autres pays de l'ensemble CEMAC+Nigéria. Tableau 4-2 : Potentiel de commerce du Cameroun sur le marché des pays frontaliers
Obs. : Commerce observé ; Pred. : Commerce prédit. Source : Nos calculs à partir des résultats du modèle Du côté des exportations, le niveau du commerce actuel sur le marché commun ne représente globalement que 86% du niveau potentiel. Les pays vers qui ces exportations du Cameroun peuvent s'accroître sont le Congo, la Guinée équatoriale, et le Nigéria et le Tchad respectivement à hauteur de 95%, 98%, 66% et 93% des niveaux potentiels. En d'autres termes, le Cameroun pourrait exporter 15, 42, 3 et 15 fois plus qu'actuellement avec respectivement le Congo, la Guinée équatoriale, le Nigeria et le Tchad. Le Nigéria constitue le plus grand marché potentiel à l'exportation pour le Cameroun puisque le niveau potentiel des exportations en provenance de ce pays représente 91% de l'ensemble. Cependant, il n'apparaît pas évident de manière globale que le Cameroun puisse recevoir davantage des autres partenaires. En effet les importations potentielles du Cameroun sur ses marchés frontaliers sont largement dépassées (les importations observées constituent 374% du niveau potentiel). Cela peut traduire globalement les faibles capacités productives des pays frontaliers. Toutefois, les importations potentielles supérieures à celles observées proviendraient du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale, et du Tchad. Les importations en provenance du Nigéria constituent 431% de leur niveau potentiel. Au terme de ce chapitre, on constate que contrairement aux propos de LAMY sur l'existence de potentialités commerciales inexploitées entre PED, le modèle de gravité prédit des potentiels de commerce en Afrique inférieurs au commerce actuel40(*). Cela laisse penser que les opportunités commerciales entre pays sont largement couvertes en moyenne. Cependant ceci est un résultat global qui cache des spécificités propres à chaque pays. L'étude met en évidence pour le cas du Cameroun l'existence d'opportunités certaines à l'importation et à l'exportation sur le marché des certains partenaires frontaliers. Pour approfondir ces analyses qui ne s'intéressent qu'aux volumes des échanges, il est important d'étudier la nature des échanges et déterminer les complémentarités commerciales. * 37 Rappelons que le PIB du pays exportateur (i) mesure l'offre, et celui du pays importateur (j) la demande (GBETNKOM, 2004). * 38 Ce résultat est conforme à celui de FOROUTAN et PRITCHETT (1993). * 39 Ce terme se réfère à chaque aux marchés de l'ensemble des pays faisant l'objet de notre étude : pays de la CEMAC et Nigeria. * 40 Résultat conforme à celui de FOROUTAN et PRITCHETT (1993). |
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