Master II Economie internationale et Politique
Macroéconomique Année 2008-2009
UNIVERSITE PARIS X NANTERRE
UFR de sciences Economiques, de Gestion, Mathématique et
d'Informatique (UFR-SEGMI)
MEMOIRE DE CROISSANCE ECONOMIQUE :
DEVELOPPEMENT DU CAPITAL HUMAIN ET
CROISSANCE ECONOMIQUE AU MALI DEPUIS
L'INDEPENDANCE
Pour obtenir le Diplôme d'Etude Approfondi en Sciences
Economiques
Présentée et soutenue par
Oumar Fakaba SISSOKO
Sissoko.of@gmail.com
III
SOMMAIRE
IV
DEDICACE
- 3 -
V
REMERCIEMENTS
- 4 -
1
SIGLES ET ABREVIATIONS
- 5 -
4
Introduction
- 7 -
5
1ère Partie : Approche
Méthodologique et Théorique de la Croissance.
- 10 -
5
Section I : La croissance
économique
- 11 -
6
I. Définition :
- 11 -
8
II. La Mesure de la
croissance économique :
- 12 -
III. Les limites du PIB :
- 14 -
11
10
Section II : Les nouveaux indicateurs de
mesure de la croissance :
- 16 -
13
I. Les indicateurs du PNUD et l'indice
de sécurité sociale:
- 17 -
15
II. Le BIP 40, l' ISP et les Indicateurs
territoriaux :
- 19 -
17
III. Jugement entre les indicateurs :
- 21 -
17
Chapitre II : Les théories de la
croissance et ses déterminants
23
17
Section I : Les théories de la
croissance
23
18
I. L'innovation à l'origine de la
croissance économique : J. Schumpeter
23
24
II. Le modèle Harrod-Domar et
le Modèle de Robert Solow
24
26
III. Les nouvelles théories de la
croissance et leur remise en causes :
30
27
Section II : Les déterminants de la
croissance malienne :
32
29
I. Le Modèle :
33
31
II. Les variables
35
33
III. La méthode
économétrique
37
34
2ème Partie : La croissance
économique malienne et les Facteurs d'environnement
39
Section I : Analyse de la Croissance
Economique malienne
40
38
34
I. Les grandes phases de la Croissance depuis
1965
40
39
II. L'investissement
44
I
III. La productivité du capital
45
40
40
Section II : Les évolutions
sectorielles
46
42
I. La décomposition de la valeur
ajoutée
46
43
II. Les taux de croissance sectorielle
48
47
III. L'évolution de l'inflation et de la
Balance de payement
49
47
CHAPITRE IV : Les facteurs d'environnement
53
47
Section I : Les facteurs d'environnement
interne et la croissance
53
51
I. Les Facteurs sociopolitiques et croissance
53
53
II. Les facteurs climatiques et croissance
57
53
III. Les facteurs démographiques et
croissance
59
54
Section II : Les facteurs d'environnement
international
59
57
I. Termes de l'échange, financements publics
extérieurs et croissance :
60
62
II. L'influence des Migrations régionales
et de l'intégration sous-régionale :
63
66
III. Les résultats du modèle
économétrique :
68
Annexes
72
II
SIGLES ET ABREVIATIONS
APD : Aide publique au Développement
AOF : Afrique Occidentale Française
BCEAO : Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest
CEAO : Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
CMLN : Comité Militaire de Libération Nationale
CNUCED : Conférence des Nations Unis sur le Commerce et le
Développement
ICOR: Incremental Capital Output Ratio
OPAM : Office des Produits Agricoles du Mali
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PASA : Programme d'Ajustement Structurel de l'Agriculture
PASEP : Programme d'Ajustement Structurel des Entreprises
Publiques
PIB : Produit Intérieur Brut
PNB : Produit National Brut
PNUD : Programme des Nations Unis pour le Développement
PME/PMI : Petites et moyennes entreprises (industries)
PVD : Pays en Développement
TEC : Tarif Extérieur Commun
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine
INSEE : Institut nationale des études
économiques
V
ISDH : Indicateurs sexospécifique de
développement humain
IPH : Indicateur de participation des femmes
IDH : Indice de développement humain
BIP : Baromètre des inégalités et de
pauvreté
ISP : Indice de sécurité personnelle
VI
Introduction
Le Mali, indépendant depuis 1960, est un pays
sahélien enclavé dont les voisins sont l'Algérie, la
Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, la Côte d'Ivoire,
le Burkina Faso et le Niger. Il s'étend sur 1 241 231 km² et est
peuplé de 13,9 millions d'habitants (ONU, 2005). C'est dire que
sa densité de population est très faible : 7 habitants par Km2.
Mais, la population étant très inégalement répartie
sur le territoire, la densité de population sur les terres utiles du sud
est beaucoup plus élevée. La population du Mali augmente selon un
taux de 3 % par an (P.N.U.D., 2005) en raison d'un accroissement
naturel très important : l'indice synthétique de
fécondité est de 6,7 enfants par femme et le taux d'accroissement
naturel est de 3,4 %.
Le revenu malien par habitant est évalué
à 366 dollars (Banque Mondiale). Avec un produit
intérieur brut de 5,6 milliards de dollars en 2005 (The Economist
Intelligence Unit, 2005) pour un taux de croissance de 6,1 % en 2005
(FMI) le Mali fait partie du groupe des pays à revenu faible
et de celui des pays les moins avancés. Selon l'indice de
développement humain, il se classe 175ème sur 177 pays
(P.N.U.D., 2005) On estime qu'en 2005, 59% de la population vivait en
dessous du seuil de pauvreté.
La malnutrition est un problème majeur, 35 % des
enfants souffraient en 1998 de malnutrition chronique. Les performances du Mali
dans le domaine sanitaire sont également mauvaises. Elles se
caractérisent selon le PNUD, par l'importance des maladies infectieuses
et parasitaires, l'insuffisance des services sociaux et sanitaires ainsi que la
faiblesse de la couverture sociale. L'espérance de vie à la
naissance est estimée à seulement 48 ans (P.N.U.D.,
2005). Le taux de mortalité infantile est particulièrement
élevé puisqu'il est en 1996 de 123 pour mille contre une moyenne
de 91 pour mille pour l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne. La
mortalité infanto-juvénile est de 238 pour mille pour la
même période. La mortalité maternelle est aussi très
élevée. En effet, au cours de la période 1989-1996, on
estime à 577 le nombre de décès pour 100 000 naissances
vivantes. Le taux de prévalence du SIDA se situe autour de 3 %.
1
L'accès à l'eau potable est médiocre
seulement 49 % de la population a accès à l'eau potable. Les
performances en matière d'éducation sont faibles. Ainsi, le taux
d'alphabétisation est 19 % (P.N.U.D., 2005) alors que ce taux
est en moyenne de 53 % pour l'Afrique subsaharienne. Le taux de brut de
scolarisation dans le premier cycle du fondamental est de 42 % en 2005.
Le Mali est soumit à de fortes contraintes naturelles.
Ainsi des aléas climatiques (pluviométrie
irrégulière, insuffisance des précipitations) affectent
fréquemment son agriculture, dont dépend largement l'ensemble de
l'activité économique puisque l'agriculture et l'élevage
contribuent à environ 48 % du PIB. Seules 2 % des terres sont
cultivables, 25 % sont utilisées comme prairies et pâturages
permanents (Banque Mondiale, 1993).
L'enclavement et la pauvreté des infrastructures de
transport grèvent considérablement les coûts de production.
Cependant, contrairement à d'autres pays sahéliens tels que le
Burkina Faso ou le Niger, le Mali dispose d'un potentiel important de terres
irrigables (environ un million d'hectare) dont guère plus de 5 % est mis
en valeur.
Malgré ces handicaps naturels, les performances de
l'agriculture malienne sont plutôt satisfaisantes en particulier dans les
deux domaines où le pays semble avoir un avantage comparatif, à
savoir le coton et le bétail. Ainsi, le Mali est le second producteur de
coton d'Afrique, après l'Egypte et son cheptel est le plus grand de la
sous région. Les autres productions importantes sont constituées
par les cultures céréalières notamment avec le mil, qui
occupe une position prédominante (34 % de la production
céréalière). Ses ressources minérales ne sont pas
négligeables puisque le Mali est le troisième producteur d'or
d'Afrique après l'Afrique du Sud et le Ghana. Les exportations du Mali
sont constituées à hauteur de 90 % par le coton-fibre, les
animaux vivants et l'or.
Il s'agit de considérer dans ce thème :
« Analyse de la Croissance Economique du Mali de 1965 à 2005
», d'analyser et de mettre en évidence les tendances lourdes
de la croissance au Mali, leurs solidités et les chances que la
croissance fût-ce à un taux modeste se poursuive.
2
VI
A cette fin, un intérêt spécifique est
accordé à l'influence de la politique économique mais
aussi des facteurs d'environnement qui sont considérés comme
indépendants de la politique économique, mais qui ont agi sur la
croissance. Parmi les facteurs d'environnement, les plus importants que nous
analyseront figurent : les facteurs sociopolitiques, le climat,
l'évolution démographique et enfin l'environnement
international.
Le présent mémoire comporte deux parties.
La première partie dans le chapitre I traite de la
définition de la croissance, de ses instruments de mesure et les
déterminants de la croissance économique malienne par un
modèle économétrique. Elle met en évidence les
limites de l'indicateur de mesure de la croissance et présentera
quelques nouveaux indicateurs de mesure de la richesse nationale. Nous avons
retenu dans ce mémoire quatre indicateurs qui portent essentiellement
sur des questions de développement et de santé sociale.
Dans le chapitre II de cette partie nous avons
évoqué les théories de la croissance en illustrant les
modèles de quelques grands économistes sur la question de la
croissance. Parmi les modèles étudiés, nous avons celles
de Joseph Schumpeter, de Harrod-Domar et de Solow. Quelques nouvelles
théories de la croissance sont passées en revue sans vraiment
renter en profondeur.
La seconde partie en deux chapitres, traite de l'analyse
proprement dite de la croissance, les performances globales et sectorielles du
Mali depuis 1965 en termes de croissance économique.
Elle va aussi mettre en évidence dans son second
chapitre les facteurs d'environnement indépendants de la politique
économique suivie, qui ont freiné ou favoriser la croissance, et
qui sont susceptibles de jouer dans l'avenir tant au niveau national
qu'international.
3
1ère Partie :
Approche Méthodologique et Théorique de la Croissance.
La pluralité des courants et de débats ont
traversé les analyses de la croissance économique depuis plus
d'un demi-siècle.
Les approches de la croissance varient d'un cadre donné
à un autre. La présente partie a pour but de spécifier les
grandes théories et leurs mécanismes constitutifs dans une
approche théorique et formalisées.
4
CHAPITRE I : La croissance et ses instruments de
mesure
La notion de croissance est un phénomène ressent
et ses instruments de mesure ont connu aussi une longue histoire et continuent
d'alimenter les débats sur leurs efficacités et leurs
pertinences. On se propose dans ce chapitre de faire ressortir les grandes
notions théoriques de la croissance et les instruments de mesure de la
richesse nationale.
Section I : La
croissance économique
I. Définition :
La croissance vient du mot latin crescere, qui signifie,
croître, grandir.
En économie, la croissance désigne
l'évolution annuelle, exprimée en pourcentage, du P.I.B (Produit
intérieur brut) ou du P.N.B. (Produit national brut). Pour éviter
le problème dû à l'augmentation des prix, la croissance est
calculée en "monnaie constante" (hors inflation), le P.I.B. étant
corrigé de l'augmentation de l'indice des prix. Ceci permet de calculer
une croissance en volume.
La formule de calcul, dans le cas du PIB de l'année
"n", est la suivante.
Taux de Croissance = [PIB (n) - PIB (n-1)] / PIB
(n-1)
On distingue généralement :
· La croissance extensive qui correspond a une
augmentation des quantités de facteurs de production (culture de
nouvelles terres, ouverture de nouvelles usines). La croissance extensive
génère des créations d'emplois.
· La croissance intensive : augmentation, par des gains
de productivité, de la production à volume de facteurs de
production identiques, notamment sans création d'emplois
supplémentaires.
5
Si la croissance économique est une augmentation de la
production sur le long terme, une croissance du PIB n'implique pas
nécessairement une élévation du niveau de vie. En effet,
si la croissance démographique est plus rapide que la croissance du PIB,
le PIB par habitant diminue. En outre, certaines activités ne sont pas
prises en compte dans son calcul que nous allons voir plus loin dans les
limites du PIB.
D'une manière plus générale, la
croissance correspond, pour une nation, à une augmentation soutenue et
durable pendant une période suffisamment longue de la production de
biens et de services appréhendée par des indicateurs comme le PIB
ou le PNB. Cependant, n'étant qu'une mesure quantitative d'un
agrégat économique, la croissance n'est qu'une des composantes du
développement qui est une notion plus abstraite et qualitative. Il peut
donc y avoir croissance sans développement et inversement du
développement sans croissance.
Au sens strict, la croissance décrit un processus
d'accroissement de la seule production économique. Elle ne renvoie donc
pas directement à l'ensemble des mutations économiques et
sociales propres à une économie en expansion. Ces transformations
au sens large sont, conventionnellement, désignées par le terme
de développement économique.
La croissance est donc un processus fondamental des
économies contemporaines. Elle transforme la vie des individus en leur
procurant davantage de biens et services. À long terme, le
niveau de vie des
individus dépend ainsi uniquement de cette croissance. De même,
l'enrichissement qui résulte de la croissance économique permet
seul (mais pas nécessairement) de supprimer la misère
matérielle.
II. La Mesure de la
croissance économique :
La croissance économique est généralement
mesurée par l'utilisation d'indicateurs économiques dont le plus
couramment utilisé est le Produit intérieur but (PIB). Il mesure
la somme des valeurs ajoutées des entreprises du pays, auquel on ajoute
le solde de la balance extérieure. Il offre donc une certaine mesure
quantitative du volume de la production. Afin d'effectuer des comparaisons
internationales, on utilise également la parité du pouvoir
d'achat, qui permet de mesurer le pouvoir d'achat dans une même monnaie.
Pour comparer la situation d'un pays à des époques
différentes on peut également raisonner à monnaie
constante.
6
Il fait l'objet de plusieurs critiques : il ne mesure
ainsi pas, ou mal, l'économie informelle. D'autre part, s'il prend en
compte la production des services publics gratuits, il ne mesure pas
l'activité de production domestique (ménage, potagers, etc.).
Selon la boutade d'Alfred Sauvy, il suffit de se marier avec sa
cuisinière pour faire baisser le PIB. Enfin, il ne prend en compte que
les valeurs ajoutées, et non la richesse possédée, par un
pays. Une catastrophe naturelle, qui détruit de la richesse, va pourtant
contribuer au PIB à travers l'activité de reconstruction qu'elle
va générer. Cette contribution ne reflète pas la
destruction antérieure, ni le coût du financement de la
reconstruction mais tous cela nous allons le développer dans la partie
Limites du PIB.
L'utilisation de la valeur ajoutée permet
d'éviter que la même production ne soit prise en compte plus d'une
fois, puisque dans son calcul on retire la valeur des biens consommés
pour la production. Le PIB se distingue du Produit national qui, lui, prend en
compte la nationalité des entreprises, et non leur lieu
d'implantation.
Le PIB est composé de deux parties. La première
est la valeur marchande de tous les biens et services qui se vendent dans un
pays pendant une année pour être précis, il faudrait
dire : la valeur ajoutée marchande. On ajoute ensuite à
cette valeur marchande une seconde partie, qui est le coût de production
des services non marchands des administrations publiques : l'enseignement
public, les services de l'Etat et des collectivités locales, etc. La
création de richesse économique ainsi mesurée, c'est
à dire le PIB, est donc, point essentiel, un flux de richesse purement
marchande et monétaire.
Cette façon de mesurer la richesse nationale a en effet
trois conséquences majeures :
· Tout ce qui peut se vendre et qui a une valeur
ajoutée monétaire va gonfler le PIB et la croissance,
indépendamment du fait que cela ajoute ou non au bien être
individuel et collectif, de nombreuses activités et ressources qui
contribuent au bien-être ne sont pas comptés, simplement parce
qu'elles ne sont pas marchandes ou qu'elles n'ont pas de coût de
production monétaire direct ;
· La croissance (P.I.B) ne prendra pas en compte les
outputs, c'est-à-dire des quantités produites.
Indifférente aux outcomes (les résultats en termes de
satisfaction et de bien-être de la consommation de ces biens), qui sont
plus importants pour évaluer le progrès, cette mesure indique le
« beaucoup avoir » et le « beaucoup
produire » d'une société, et non son bien
-être ;
· 7
La mesure de la croissance par le PIB est aussi
indifférente à la répartition des richesses
comptabilisées, aux inégalités, à la
pauvreté, à la sécurité économique, etc.,
qui sont pourtant presque unanimement considérées comme des
dimensions du bien-être à l'échelle d'une
société.
La croissance du PIB est considérée comme
l'indicateur par excellence de la performance et de la santé
économique d'un pays. Le ratio PIB par habitant mesure, quant à
lui, le niveau de vie. En effet, comme le total des valeurs ajoutées est
égal à la somme de l'ensemble des revenus, le PIB par habitant
est aussi égal au revenu par habitant.
III. Les limites du PIB :
Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la production
totale de biens et services d'un pays pendant une période donnée.
Sa croissance est considérée comme une mesure de la santé
économique d'un pays.
Cependant, que ce soit par son évolution ou par son
ratio par habitant, le Produit intérieur brut n'est qu'une mesure
globale, une moyenne. Il ne permet d'appréhender ni les
inégalités sociales ni leur évolution. On peut très
bien avoir un PIB moyen qui augmente alors que les revenus (qu'il est
censé mesurer) diminuent pour une majorité de la population et
augmentent fortement pour une minorité, ce qui renforce les
inégalités. Le calcul du PIB s'appuie sur la
comptabilité nationale, donc sur ce qui est déclaré
à l'Etat. Pour rentrer plus en profondeurs et montrer les insuffisances
du PIB dans la mesure de la croissance économique d'un pays, examinons
les exemples suivants :
· Une société où il y a beaucoup
d'accidents de la route, qui vont exiger des soins médicaux, des
réparations de véhicules, des services d'urgence, etc., aura
tendance, toutes choses égales par ailleurs, à avoir un PIB plus
gros qu'une société où les gens conduisent prudemment.
Plus précisément, elle aura tendance à orienter une plus
grande partie de ses ressources économiques et de ses activités
vers la réparation des dégâts, sans progression globale du
bien-être, plutôt que vers la production de bien-être
supplémentaire
· 8
La destruction organisée de la forêt amazonienne
est une activité qui fait progresser le PIB mondial. Nulle part, on ne
compte la perte du patrimoine naturel qui en résulte, ni ses
conséquences diverses sur le climat, la biodiversité, le long
terme et les besoins des générations futures. Le PIB ne compte
pas les pertes de patrimoine naturel, mais il compte positivement sa
destruction organisée.
· De même, une entreprise qui pollue une
rivière pour assurer sa propre croissance économique et
contribuer ainsi au PIB occasionne des dégâts qui réduisent
le bien-être de certaines personnes. Or ces dégâts ne sont
pas considérés en tant que tels dans les comptés de la
richesse économique.
· Premier exemple Si, pour atteindre des taux de
croissance élevés, on contraint ou on incite les gens à
travailler de plus en plus, et à avoir moins de loisirs et de temps
libre, ce phénomène ne sera vu que sous l'angle du progrès
du PIB, car le PIB ne considère pas que la progression du temps libre
est une richesse digne d'être comptée.
· L'activité bénévole ne fait pas
partie des activités qui contribuent à la richesse nationale au
sens du PIB, justement parce que q'elle est gratuite, non monétaire.
Cette activité ne produit-elle pas des richesses et du bien- être
au même titre que l'activité salariée ?
· On estime au Mali que le temps total passé au
travail domestique non rémunéré est plus important que le
temps total de travail rémunéré (Enquête budget
temps de la DNSI 2000). Si l'on décidait par exemple de lui attribuer la
même valeur monétaire par heure de travail, cela pourrait doubler
le PIB !
On sait bien que le beaucoup-avoir n'est pas le bien -
être. Ce dernier peut être approché selon deux grandes
dimensions. La première est celle du bien-être subjectif,
évalué sur la base d'enquêtes d'opinion ou de satisfaction,
qui sont, certes, délicates à interpréter, mais qui
permettent toutefois de dresser des constats de divergence possible entre
l'évolution du niveau de vie (beaucoup-avoir) et la perception de
l'évolution du bien-être.
L'autre approche du bien-être est celle du
« bien-être objectif », sur la base de
critères multiples comme la bonne santé et l'espérance de
vie, l'accès à l'éducation et la maîtrise des
connaissances, la sécurité économique, la
prévalence de la pauvreté et des inégalités, les
conditions de logement et de travail etc. Or le PIB ne mesure que des volumes
d'outputs (volume des biens, quantité de services consommés), il
ne mesure pas ces outcomes.
9
La contribution des services de santé à la
croissance n'est mesurée (dans le meilleur des cas) que par le volume
des consultations, des admissions à l'hôpital, des soins, et non
pas sur la base de la contribution de ces services à
l'amélioration de l'état de santé et des conditions de
vie. Avec une telle mesure une politique efficace de prévention des
risques sanitaires aura tendance à diminuer la contribution des
services de santé à la croissance, alors qu'elle fera
vraisemblablement progresser le bien-être.
Une même croissance de 2% ou 3% par an pendant des
années peut, selon les cas, s'accompagner d'un creusement ou d'une
réduction des inégalités sociales. Ces
phénomènes ne sont pas comptés dans la conception
dominante de la richesse.
Est-ce normal ? Est-il indifférent à notre
bien-être de vivre dans une société où coexistent
une masse de pauvres et une poignée de très riches ? Est-ce
qu'un euro ou un dollar de croissance en plus dans la poche d'un pauvre ne
produit pas plus de bien-être que la même somme dans le
portefeuille d'un riche ? C'est portant l'hypothèse de ceux qui
assimilent PIB, richesse et progrès. Et à nouveau, s'il est vrai
qu'aucun comptable national ne défend une telle assimilation, il est
clair qu'elle est quotidiennement et massivement pratiquée parce que,
dans les jugements de progrès, la domination écrasante des
dimensions marchandes et monétaires n'est pas contrebalancée par
la présence d'indicateurs alternatifs ayant un poids semblable.
Section II : Les
nouveaux indicateurs de mesure de la croissance :
L'indicateur de croissance le plus utilisé aujourd'hui
est le Produit intérieur brut (PIB). Il a l'avantage d'être
établi depuis longtemps et sur des bases comparables. Aussi les
comptables nationaux maîtrisent-ils cet instrument. Toutefois, il a un
énorme inconvénient car il mesure l'activité
économique sur la base de la seule production, et non en fonction de
l'intérêt ou des inconvénients de cette production nous
venons de le voir.
Aujourd'hui, les comptables nationaux savent
déjà prendre en compte les destructions de biens capitaux, quand
ils sont utilisés dans le processus de production. C'est ce qu'on
appelle la dépréciation du capital. Cette dernière
correspond à l'usure des machines dans le processus de production. On
enlève donc de la production ce qui a été détruit.
Le concept existe, mais il suffit de l'appliquer plus
généralement à ce qui n'est pas habituellement
comptabilisé, c'est-à-dire au patrimoine environnemental.
10
Ces pistes permettraient d'avoir des objectifs et une mesure
en termes de croissance et de bien-être, qui seraient beaucoup plus
proches de la réalité que cet indicateur dont on dispose
aujourd'hui. Tout ceux-ci ajoutés aux insuffisances que nous avons
relevés ci-dessus on poussé les économistes a chercher
d'autres indicateurs de mesures de la croissance dont en voici quelques
uns.
Des indicateurs synthétiques que nous avons
recensés concernent avant tout des questions « humaines et
sociales exprimées en termes de développement humain, de
santé sociale », de bien -être et de qualité de
vie. Les plus connus sont ceux du PNUD et l'indice de santé sociale.
I. Les indicateurs du PNUD et
l'indice de sécurité sociale:
Ø Les indicateurs du PNUD :
Le PNUD publie depuis 1990 un rapport annuel sur le
développement humain dans le monde, contenant une batterie, enrichie au
fil des ans, d'indicateurs économiques, sociaux et environnementaux.
Cet indicateur est tout simplement la moyenne de trois
indicateurs permettant chacun de classer les pays sur une échelle de 0
à 1 : le PIB par habitant (exprimé en parités de
pouvoir d'achat), l'espérance de vie à la naissance, et le niveau
d'instruction (mesuré par un indicateur alliant pour deux tiers le taux
d'alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux de
scolarisation).
Le PNUD a publié annuellement trois autres indicateurs
synthétiques. D'abord, l'ISDH indicateur
« sexospécifique » de développement
humain qui permet d'évaluer les différences de situation
des hommes et des femmes sous l'angle des trois critères retenus pour
caractériser le développement humain. A partir de 1995, l'IPF,
indicateur de participation des femmes à la vie économique et
politique, complète le précédent.
Pour les pays développés, l'IPH-2 tient compte
de quatre critères auxquels il accorde le même poids :
probabilité de décéder avant 60 ans, illettrisme,
pourcentage de personnes en deçà du seuil de pauvreté,
pourcentage de chômeurs de longue durée. Un dernier indicateur a
été ajouté en 2001, l'IDT, indicateur de
développement technique.
11
Quelles que soient les limites de ces indicateurs, ils
« indiquent » déjà bien des choses, y compris
pour les pays développés. Il n'est pas sans importance, par
exemple, de constater que les pays nordiques obtiennent d'excellentes notes
dans presque toutes les catégories, et surtout dans le domaine de la
réduction des inégalités sous diverses formes
(pauvreté, inégalités entre hommes et femmes), tout en
restant très honnêtement classés lorsque intervient (pour
une part) la richesse économique (IDH). Il n'est pas sans
intérêt non plus d'observer le cas des pays dont les performances
sociales (en termes de classement) sont nettement meilleures que les
performances économiques brutes (à nouveau les pays
nordiques).
Ø L'indice de santé
sociale :
Cet indice a été mis au point, dans le cadre du
Ford Ham Institut for Innovation in Social Policy (Fordham University,
Tarrytown, NY) par Marc et Marque-Luisa Mitringoff.
L'ISS est un indicateur social synthétique visant
à concurrencer ou à compléter le PIB dans les jugements de
progrès. Il est calculé à partir de seize variables
élémentaires, regroupées en cinq composantes
associées à des catégories d'âge.
L'intérêt d'un raisonnement par catégories d'âge est
explicité dans les termes suivants par Brink et Zeesman (1997) :
- Les groupes d'âge sont universels, chaque individu
passant (potentiellement) par tous les groupes ;
- Il permet de créer un cadre holiste, une vision
globale des grands problèmes sociaux ;
- Il permet de mettre en relief plusieurs tendances sociales
fortes, comme la détérioration du statut des enfants et
l'amélioration relative du statut des personnes âgées au
cours des années 1980
- Les résultats sont aisés à
interpréter par tous, facilitant ainsi les débats publics sur les
publics sur les politiques économiques et sociales.
Dans le cas de l'ISS comme dan celui des indicateurs du PNUD
ou du BIP 40 (voir suivant), on ne saurait se contenter, si l'on souhaite
produire un diagnostic pertinent de l'évolution de la
« santé sociale », de l'indice
synthétique : il faut examiner les indicateurs composants et leurs
variations.
12
En résumé, pour cet indicateur
synthétique comme pour tous les autres les résultats les plus
spectaculaires et les plus « médiatiques »
(notamment la confrontation avec le PIB) sont certainement les plus
critiquables scientifiquement. Ils n'en ont pas moins l'immense mérite
d'attirer l'attention sur des questions qui, faute de telles tentatives,
risquent de ne jamais « faire la une », alors qu'elle ont
autant (ou plus) d'importance que la santé économique ou les
cours de la Bourse.
II. Le BIP 40, l' ISP
et les Indicateurs territoriaux :
Ø Le Baromètre des
Inégalités et de Pauvreté BIP 40 :
Des économistes et statisticiens professionnels
français, associés à un réseau associatif militant
pour la réduction des inégalités, le RAI (Réseau
d'alerte sur les inégalités) ont mis au point et
présenté à la presse en 2002 un nouvel indicateur
synthétique, le BIP40. Le nom de cet indicateur est une
référence ironique à la fois au PIB et au CAC 40.
L'objectif de cet indicateur est de couvrir plusieurs
dimensions un indicateur (résultant lui-même de plusieurs
indicateurs) permettant de suivre l'évolution dans le temps des
inégalités correspondantes, et enfin d'additionner (ou d'
« agréger ») ces indicateurs par dimensions pour
obtenir un indicateur global `le BIP 40.
Commençons par les dimensions retenues et par leur
contenu. Elles sont au nombre de six :
- emploi et travail : les 24 indicateurs correspondant
à cette dimension sont répartis en quatre rubriques :
chômage (8 indicateurs, dont le taux global de chômage, mais aussi
les inégalités hommes et femmes face au chômage, la par des
chômeurs de longue durée...), précarité (5
indicateurs), conditions de travail (8 indicateurs : et relations
professionnelles (3 indicateurs) ;
- revenus : on trouve 15 indicateurs pour cette
dimension.
Ils portent sur quatre rubriques : salaires
(inégalités, poids des bas salaires, etc. ; en tout 5
indicateurs), pauvreté (4 indicateurs), inégalités et
fiscalité (3 indicateurs), consommation (3 indicateurs) ;
- santé : les 5 indicateurs sont proches de ceux
qu'utilise le PNUD dans ses rapports annuels sur le développement humain
(ex. : espérance de vie, différence d'espérance de
vie entre cadres et ouvriers...) ;
- éducation : 5 indicateurs, dont les taux de
jeunes sortant du système éducatif sans diplôme et
certaines mesures des inégalités de performances scolaires ;
- logement : 5 indicateurs, dont la part des logements
« sociaux » (ou aidés) dans les mises en
chantier ;
- justice : 4 indicateurs, dont le taux de personnes en
prison par rapport à la population.
Ø 13
L'indice de sécurité
Personnelle (ISP):
L'ISP offre l'avantage de retenir certaines dimensions peu
présentes dans les indicateurs que nous avons examinés
jusqu'ici. La sécurité dont il est question est
considérée comme majeure dans la perception et la mesure de
bien-être. Elle englobe trois grandes dimensions :
1) La sécurité économique comprenant les
aspects de sécurité de l'emploi et de sécurité
financière ;
2) La sécurité devant la santé
(protection contre les risques de maladie) ;
3) La sécurité physique (sentiment de
sécurité face aux délits).
En termes conceptuels, il s'agit de mieux cerner la
qualité de vie des individus, sous l'angle des insécurités
auxquelles ils sont confrontés en présentant un indicateur unique
permettant une meilleure contribution au débat public.
D'un point de vue méthodologique, l'indice
synthétique agrège des données
hétérogènes compilées sur la base d'une
méthode proche de la logique retenue dans l'ISS. Mais sa principale
originalité est qu'il s'agit de l'un des rares indicateurs qui combinent
des dimensions objectives et subjectives du bien-être. La publication des
données et le suivi de leur évolution permettent donc non
seulement de comparer cet indicateur aux tendances de la croissance
économique, mais également d'étudier les écarts
entre les données « objectives » et la perception
des insécurités par les habitants. Ils permettent
également des comparaisons entre les régions des comparaisons par
sexes et par groupes d'âges.
Cette innovation méthodologique a un coût puis
q'elle nécessite qu'une enquête d'opinion soit
réalisée à rythme annuel.
Ø Les Indicateurs
Territoriaux :
14
Dans grande majorité des cas, il ne s'agit pas
d'indicateurs synthétiques, mais de bilans ou de tableaux de bord
rassemblant un certain nombre de variables, qui sont à peu près
les même que celle que l'on trouve dans les initiatives plus globales
recensées aux questions économiques, sociales et
environnementales. Les valeurs mises en avant sont, elles aussi, semblables
(accorder plus d'importance au progrès social, à la
qualité de l'environnement, etc. avec toutefois la présence
fréquente de questions concernant la qualité de la
démocratie ou gouvernance locale.
Il faut bien entendu regarder ces initiatives, comme les
autres, avec circonspection, et en particulier se demander jusqu'à quel
point l'engouement pour des indicateurs ne relève pas d'une mode de la
quantification, ou du réflexe bien connu qui consiste à
préconiser la création d'un observatoire en pensant régler
des problèmes de fond qui dépendent avant tout de l'action
collective et de l'usage politique d'éventuels indicateurs. Mais la
puissance de ce mouvement et l'examen de ses impacts conduisent à y voir
une tendance de fond, liée à la fois à la
territorialisation de l'action publique et à d'autres facteurs plus
généraux de contestation de la « religion »
de la croissance économique et de ses chiffres.
Nous nous limiterons ici à une recommandation assez
normative de » méthode politique : l'utilité
éventuelle du recours a des indicateurs locaux repose sur la
qualité de l'action politique locale dans lesquels ils sont
insérés. Ainsi, pour répondre à la question
fondamentale « Qu'est ce qui fait la richesse d'un
territoire ? » il importe que les acteurs construisent et
choisissent ensemble, de façon partenariale, les mots, les valeurs et
les objectifs, les critères, les modes d'évaluation et de
jugement, et éventuellement les indicateurs. Une autre condition
décisive est l'acquisition progressive, par le groupe des promoteurs,
d'une légitimité suffisante dans le territoire concerné.
Or une légitimité ne s'impose pas, elle se conquiert par la
conviction, par des réseaux d'intéressement, des alliances, des
compromis, des conflits de valeurs gérés intelligemment.
III. Jugement entre les indicateurs :
L'évaluation multicritères des indicateurs
synthétiques mesure du bien-être ou de la richesse d'une nation
n'est qu'une étape dans la formation d'un jugement à leur propos.
Pour être efficaces, ces indicateurs doivent être replacés
dans des dispositifs qui garantissent un triple objectif d'expertise, de
pluralisme et de démocratie
Aucun des indicateurs synthétiques examinés ne
peut prétendre à une notation « maximale pour
l'ensemble de ces critères, et d'ailleurs les notation que l'on peut
envisager sont elles-mêmes fonction des usages possibles.
15
Le Mali a donc retenu le PIB et l'IDH pour la mesure de sa
croissance économique du fait de leur portée médiatique et
de leur poids dans les représentations cognitives à une certaine
forme de progrès, ainsi le BIP 40 et les autres indicateurs qui
paraissent en voies prometteuses, la première étant
également l'une des rares initiatives françaises sur cette
question ne sont pas utilisées au Mali.
16
Chapitre II : Les
théories de la croissance et ses déterminants
Les théories explicatives de la croissance sont
relativement récentes dans l'histoire de la pensée
économique. Ces théories ont conduit à mettre en avant le
rôle primordial du progrès technique dans la croissance. Sur le
long terme, seul le progrès technique est capable de rendre plus
productive une économie (et donc de lui permettre de produire plus,
c'est-à-dire d'avoir de la croissance). Toutefois, ces théories
expliquent mal d'où provient ce progrès, et en particulier en
quoi il est lié au fonctionnement de l'économie. C'est dans cette
optique que bon nombre d'économistes ont donnée leur vision de la
croissance.
Section I : Les
théories de la croissance
I. L'innovation à
l'origine de la croissance économique : J. Schumpeter
A partir des travaux sur les cycles économiques de
Kondratieff, Joseph Schumpeter a développé la première
théorie de la croissance sur une longue période. Il pensait que
l'innovation portée par les entrepreneurs constituait la force motrice
de la croissance. Il développa en particulier l'importance de
l'entrepreneur dans Théorie de l'évolution
économique en 1913.
Pour Schumpeter, les innovations apparaissent par
« grappes », ce qui explique la cyclicité de la
croissance économique. Par exemple, Schumpeter retient les
transformations du textile et l'introduction de la machine à vapeur pour
expliquer le développement des années 1798-1815 ou le chemin de
fer et la métallurgie pour l'expansion de la période 1848-1873.
De façon générale il retient trois types de cycle
économiques pour expliquer les variations de la croissance :
· les cycles longs ou cycles Kondratieff, d'une
durée de cinquante ans ;
· les cycles intermédiaires ou cycles Juglar,
d'une durée de dix ans environ ;
· les cycles courts ou cycles Kitchin, d'une durée
de quarante mois environ. []
17
Il introduisit enfin le concept de « destruction
créatrice » pour décrire le processus par lequel une
économie voit se substituer à un modèle productif ancien
un nouveau modèle fondé sur des innovations. Il écrit
ainsi:
« L'impulsion fondamentale qui met et maintient en
mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de
consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les
nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle, tous
éléments créés par l'initiative capitaliste.
L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le
développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal
et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l'U.S.
Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation
industrielle, si l'on me passe cette expression biologique - qui
révolutionne incessamment de l'intérieur la structure
économique, en détruisant continuellement ses
éléments vieillis et en créant continuellement des
éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice
constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que
consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise
capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. »
II. Le modèle
Harrod-Domar et le Modèle de Robert Solow
Ø Le modèle
Harrod-Domar :
18
Après la seconde guerre mondiale, les
économistes Harrod et Domar, influencés par Keynes, vont chercher
à comprendre les conditions dans lesquelles une phase d'expansion peut
être durable. Ainsi, s'il ne propose pas à proprement parler une
théorie de la croissance (expliquant son origine sur une longue
période), le modèle de Harrod-Domar permet, néanmoins, de
faire ressortir le caractère fortement instable de tout processus
d'expansion. En particulier, il montre que pour qu'une croissance soit
équilibrée (c'est-à-dire que l'offre de production
augmente ni moins (sous-production) ni plus (surproduction) que la demande), il
faut qu'elle respecte un taux précis, fonction de l'épargne et du
coefficient de capital (quantité de capital utilisée pour
produire une unité) de l'économie. Or, il n'y a aucune raison que
la croissance, qui dépend de décisions individuelles (en
particulier des projets d'investissement des entrepreneurs), respecte ce taux.
De plus, si la croissance est inférieure à ce taux, elle va avoir
tendance non pas à le rejoindre, mais à s'en éloigner
davantage, diminuant progressivement (en raison du multiplicateur
d'investissement. La croissance est donc, selon une expression d'Harrod,
toujours « sur le fil du rasoir ». Ce modèle,
construit après guerre et marqué par le pessimisme
engendré par la crise de 1929, a toutefois été fortement
critiqué. Il suppose, en effet, que ni le taux d'épargne, ni le
coefficient de capital ne sont variables à court terme, ce qui n'est pas
prouvé.
Dans cette version simplifiée, les variables per
capita sont constantes à l'état stationnaire. Les variables
absolues (Y, S, C, K) croissent au même taux que la population
Le modèle génère, à l'état
stationnaire (le long terme)
· une variation entre les PIB/tête entre les pays;
· un ratio capital-produit (K /Y) constant (car
k et Y sont constants);
· k étant constant, le
rendement du capital (la productivité marginale de
k est constant.
Mais il ne peut générer un fait stylisé
très important : la croissance soutenue des revenus/tête
(y). Dans ce modèle les économies peuvent
croître à court terme mais pas à long terme: même si
un pays s'écarte à un moment donné de l'état
stationnaire, il suivra un sentier de transition et finira par
atteindre le nouvel état stationnaire. La croissance se ralentit en plus
au fur et à mesure que l'économie s'approche de l'état
stationnaire. Ce résultat est dû à dans l'équation dynamique fondamentale
Et donc quand k
augmente, le taux de croissance de diminue. Comme le taux de croissance de y est
proportionnel à celui de k, il
décroît aussi. Une représentation graphique
séparée des deux éléments du membre droit de cette
équation facilite l'étude l'évolution de.
19
Graphique du Taux de
croissance de k
Ø Le modèle de Robert
Solow :
Robert Solow a été le premier à proposer
un modèle formel de la croissance. D'inspiration néoclassique, ce
modèle se fonde sur une fonction de production à deux
facteurs : le travail et le capital. La production résulte donc
exclusivement de la mise en combinaison d'une certaine quantité de
capital (moyens de production) et de travail (main d'oeuvre).
Le modèle de Solow se fonde sur l'hypothèse que
les facteurs de production connaissent des rendements décroissants,
c'est-à-dire qu'une augmentation de ceux-ci dans une certaine proportion
engendre une augmentation dans une proportion plus faible de la production. Il
pose également comme hypothèse que les facteurs de production
sont utilisés de manière efficace par tous les pays. En posant
que la population connaît un taux de croissance que Solow qualifie de
« naturel » (non influencé par l'économie),
le modèle déduit trois prédictions :
1. Augmenter la quantité de capital
(c'est-à-dire investir) augmente la croissance : avec un capital
plus important, la main d'oeuvre augmente sa productivité (dite
apparente).
2. 20
Les pays pauvres auront un taux de croissance plus
élevé que les pays riches. Ils ont en effet accumulé moins
de capital, et connaissent donc des rendements décroissants plus
faibles, c'est-à-dire que toute augmentation de capital y engendre une
augmentation de la production proportionnellement plus forte que dans les pays
riches.
3. En raison des rendements décroissants des facteurs
de production, les économies vont atteindre un point où toute
augmentation des facteurs de production n'engendrera plus d'augmentation de la
production. Ce point correspond à l'état stationnaire. Solow note
toutefois que cette troisième prédiction est
irréaliste : en fait, les économies n'atteignent jamais ce
stade, en raison du progrès technique qui accroît la
productivité des facteurs.
Autrement dit, pour Solow, sur le long terme, la croissance
provient du progrès technologique. Toutefois, ce progrès
technologique est exogène au modèle, c'est-à-dire qu'il ne
l'explique pas mais le considère comme donné (telle une
« manne tombée du ciel »).
Le modèle fait un certain nombre d'hypothèses:
H (1) : Les pays produisent et consomment
un seul bien homogène (le produit);
H (2) : La production se fait en
concurrence parfaite;
H (3) : La technologie est exogène;
H (4) : La technologie peut être
représentée par une fonction de production de type
néo-classique basée sur des facteurs substituables: le
capital K et le travail L;
H (5) : La consommation
agrégée est représentée par une fonction
keynésienne:
C = c.Y ? S = (1-c) Y= s.Y
(1)
H (6) : Le taux
participation à l'emploi de la population est constant. Si la population
croît au taux n, l'offre de travail
(L) augmente aussi à ce taux
n :
Pour le propos du mémoire, nous le simplifierons encore
en supposant que la fonction de production est de type Cobb-Douglas:
21
(3)
Les rendements d'échelle sont donc constants. En concurrence parfaite, les firmes sont preneuses de prix et elles
maximisent le profit
Où r est le taux d'intérêt
réel et w le salaire réel. La maximisation de
profit implique
De plus, wL + rK = Y du fait de
l'homogénéité et de la constance des rendements
d'échelle (identité d'Euler). Cette technologie avec des
productivités marginales décroissantes est la différence
principale de ce modèle par rapport au modèle de Harrod.
Plusieurs de nos faits stylisés étaient exprimés en termes
de produit par tête (per capital). Pour cette raison, nous
allons utiliser une version de ce modèle exprimée en termes de
valeurs per capita:
|
avec
|
|
|
|
|
|
|
(4)
|
22
|
Figure : Fonction de
production per capita Cobb-Douglas
|
Ce graphique fait clairement apparaître les rendements
décroissants du capital par ouvrier. La seconde équation
fondamentale du modèle de Solow concerne l'accumulation du capital et
donc la dynamique:
La variation du capital est égale à la
différence entre investissement et la dépréciation du
capital (au taux constant ). Comme nous avons une économie fermée, l'investissement
est nécessairement égal à l'épargne
(équilibre du marché des biens):
D'autre part, nous avons:
23
Or, l'équation 2.2 nous donne le taux de
croissance du facteur travail (du fait de l'équilibre du marché
de travail)
L'équation 2.8 devient donc :
Ce qui nous donne l'équation dynamique fondamentale du
capital
III. Les nouvelles théories de la croissance et leur
remise en causes :
Les théories récentes cherchent
précisément à rendre ce facteur endogène
-c'est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son
apparition. Ces modèles ont été développés
à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul Romer et
Robert Barro. Ils se fondent sur l'hypothèse que la croissance
génère par elle-même le progrès technique. Ainsi, il
n'y a plus de fatalité des rendements décroissants : la
croissance engendre un progrès technique qui permet que ces rendements
demeurent constants. La croissance, si elle génère du
progrès technique, n'a donc plus de limite. À travers le
progrès technique, la croissance constitue un processus qui s'auto
entretient.
Ces modèles expliquent que la croissance engendre du
progrès technique par trois grands mécanismes.
· 24
Premièrement, le « learning by
doing » : plus on produit, plus on apprend à produire de
manière efficace. En produisant, on acquiert en particulier de
l'expérience, qui accroît la productivité.
· Deuxièmement, la croissance favorise
l'accumulation du capital humain, c'est à dire les compétences
possédées par la main d'oeuvre et dont dépend sa
productivité. En effet, plus la croissance est forte, plus il est
possible d'accroître le niveau d'instruction de la main d'oeuvre, en
investissant notamment dans le système éducatif. D'une
manière générale, la hausse du niveau d'éducation
de la population par des moyens publics ou privés est
bénéfique.
· Troisièmement, la croissance permet de financer
des infrastructures (publiques ou privées) qui la stimulent. La
création de réseaux de communication efficaces favorise, par
exemple, l'activité productive.
« La principale des conclusions de ces nouvelles
théories est qu'alors même qu'elles donnent un poids important aux
mécanismes de marché, elles en indiquent nettement les limites.
Ainsi il y a souvent nécessité de créer des arrangements
en dehors du marché concurrentiel, ce qui peut impliquer une
intervention active de l'Etat dans la sphère
économique ». En particulier ce « retour de
l'État » se traduit par le fait qu'il est investi d'un triple
rôle : encourager les innovations en créant un cadre apte
à coordonner les externalités qui découlent de toute
innovation (par exemple grâce à la protection qu'offre aux
innovateurs les brevets) ; susciter celles-ci en investissant dans la
recherche (notamment fondamentale) et les infrastructures dont les
externalités dépassent le profit que peuvent en attendre les
acteurs privés ; améliorer le capital humain en investissant
dans le système éducatif. D'une manière
générale, c'est le rôle des politiques structurales de
l'État, en particulier les investissements dans le capital public, qui
est ainsi souligné.
Nous pouvons donc retenir que les premiers articles sont de
P.Romer (1986) et R.Lucas (1988) : la théorie de la croissance
endogène est née. L'ambition d'une telle théorie est de
rendre compte du facteur A qui, dans les théories traditionnelles,
représentait le niveau technologique.(Y=f(K,L,A)). Un premier groupe de
travaux, à la suite de Romer (1986), cherche le moteur de la croissance
dans le phénomène d'apprentissage par l'expérience (
"learning by doing" ), à l'intérieur des entreprises.
Une deuxième est ouverte par Lucas (1988), et
privilégie l'accumulation de capital humain au sein du système
éducatif. Enfin, Romer (1990) et Aghion-Howitt (1992) font de A un stock
d'innovations, produit d'une activité volontaire de
recherche-développement.
25
Ces modèles sont toutefois très frustres en ce
qu'ils n'expliquent pas les mécanismes précis qui font que la
croissance économique stimule le progrès technique. En
particulier, chacun des modèles de ces théories ne s'attache
qu'à un seul mécanisme liant progrès technique et
croissance. Comme le notent Gallec et Ralle, « Le modèle
général recouvrant l'ensemble des formes du progrès
technique est sans doute trop complexe pour être élaboré,
ce qui limite la portée des résultats obtenus puisque les
interactions entre plusieurs formes existantes sont
ignorées ».
Section II : Les
déterminants de la croissance malienne :
On peut distinguer plusieurs types de déterminants
à la croissance[] : richesses naturelles, environnement
extérieur, population, innovation, investissement, connaissance,
cohérence du développement.
Xavier Sala-i-Martin avance par ailleurs que le niveau initial
est la variable la plus importante et la plus robuste (C'est-à-dire que,
dans la plupart des cas, plus un pays est riche, moins il croît vite.
Cette hypothèse est connue sous le nom de convergence conditionnelle).
Il considère également que la taille du
gouvernement (administration, secteur public) n'a que peu d'importance. Par
contre la qualité du gouvernement a beaucoup d'importance : les
gouvernements qui causent l'hyperinflation, la distorsion des taux de change,
des déficits excessifs ou une bureaucratie inefficace ont de très
mauvais résultats. Il ajoute également que les économies
plus ouvertes tendent à croître plus vite. Enfin, l'efficience des
institutions est très importante : des marchés efficients,
la reconnaissance de la propriété privée et l'état
de droit sont essentiels à la croissance économique. Il rejoint
en cela les conclusions d'Hernando de Soto[].
Se fondant sur plusieurs indices de liberté
économique, la revue Sociétal arrivait à la même
conclusion et écrivait en 2003 que « Les facteurs les plus
étroitement corrélés avec la prospérité sont
ceux qui garantissent un état de droit : droits de
propriété, absence de corruption, système juridique
efficace. »
26
L'objectif est maintenant de dégager de manière
quantitative les déterminants de la croissance. Nous allons examiner
successivement le modèle, les variables retenues.
I. Le Modèle :
La variable expliquée est le taux de croissance du
produit intérieur brut réel par tête.
Pourquoi a-t-on privilégié cette variable
plutôt que le produit en niveau ? La réponse est double. D'une
part, sur le plan théorique, les modèles de croissance
malgré leurs diversités conduisent à expliquer le taux de
croissance et non le niveau du produit par tête. D'autre part, d'un point
de vue économétrique, retenir une variable en taux de croissance
plutôt qu'en niveau permet d'écarter les difficultés de
traitement des données liées à la non-stationnarité
des variables, à savoir la présence dans ces variables de
tendances déterministe ou stochastique qui sont sources de
régressions artificielles. Il est vrai que l'économètre
dispose des techniques de co-intégration. Cependant, celles-ci ont
été surtout développées pour des séries
purement temporelles.
Le cadre retenu pour expliquer le taux de croissance du
produit conduit à distinguer deux sortes de variables explicatives.
D'une part, le niveau initial des variables d'état et
deuxièmement des variables de contrôle. Quelques mots
d'explication sont ici nécessaires.
Toutes ces variables sont issues de la théorie
néo-classique de la croissance. Les modèles de croissance
néo-classiques prédisent, toutes choses égales par
ailleurs, que les pays tendent à croître plus lentement lorsque
les stocks initiaux de capital physique et de capital humain par tête
sont plus importants. Ce résultat est la conséquence de
l'hypothèse des rendements décroissants des facteurs. Ces
variables de capital sont désignées sous le nom de variables
d'état.
Les modèles néo-classiques de croissance ont une
autre implication : à savoir la convergence du produit par tête
vers une valeur désignée sous le nom d'état
régulier de l'économie. Asymptotiquement, dans l'hypothèse
d'un progrès technique considéré comme exogène, le
taux de croissance du produit par tête doit donc être égal
au taux de progrès technique de l'économie. On peut
récapituler ces deux implications dans la proposition suivante : le taux
de croissance du produit par tête décroît au fur et
à mesure que les économies se rapprochent de l'état
régulier. Autrement dit, les économies convergent vers
l'état régulier.
27
Cependant, l'état régulier de l'économie
n'est pas donné une fois pour toutes. Il peut être
influencé par différents facteurs. Ainsi, considérons une
même économie à deux instants différents du temps t
et t+1. Selon l'hypothèse de convergence, le taux de croissance de cette
économie est d'autant plus élevé que le produit par
tête initial est faible, c'est-à-dire à la date la plus
éloignée dans le temps (t). Mais, si, par exemple, le taux
d'investissement est plus élevé en t+1, alors le taux de
croissance de l'économie en t+1 sera plus élevé que le
taux de croissance de l'économie en t. Que s'est-il passé ?
L'élévation du taux d'investissement a accru le produit par
tête de l'état régulier, c'est dire que l'état
régulier s'est déplacé. Dans ce cas, l'économie en
t+1 se trouve proportionnellement plus éloignée de l'état
régulier qu'elle ne l'était en t. Elle doit donc croître
plus vite.
Les variables de contrôle qui déterminent la
position de l'état régulier et permettent donc de tenir compte
des évolutions temporelles, mais également des différences
de position des états réguliers entre les économies,
sont de deux types. D'une part les variables d'environnement et d'autre part
les variables de politique économique.
Dans la première catégorie, on met l'ensemble
des variables qui échappent à l'influence de la politique
économique du pays. Il s'agit bien évidemment de
l'évolution climatique, mais également de l'environnement
économique international, de l'environnement politique intérieur
et de l'environnement démographique. Dans la seconde catégorie
figure l'ensemble des politiques gouvernementales macro-économiques et
sectorielles.
Dans les modèles néo-classiques, les variables
de contrôle agissent seulement sur la position de l'état
régulier des économies et donc sur le produit par tête de
l'état régulier. C'est dire que les variables de contrôle
influencent le taux de croissance seulement pendant la phase de transition vers
l'état régulier et non sur le taux de croissance de l'état
régulier qui est exogène. Ne s'agit-il pas d'une limite
sérieuse pour étudier les déterminants de la croissance en
longue période ? La réponse est paradoxalement négative.
En effet, il est vraisemblable que quand l'état régulier change,
les variables ne s'ajustent que lentement à la nouvelle position. Par
conséquent, une modification dans les variables de contrôle peut
agir pendant un temps assez long sur le taux de croissance.
En bref, le modèle estimé est le suivant :
Yit = g(Kit-1, Hit-1, Eit, Pit)
28
Où Yit représente le taux de croissance du
produit par tête du pays i entre t-1 et t, Kit-1 le stock de capital
physique par tête en t-1, Hit-1 le stock de capital humain en t-1, Eit
les variables d'environnement en t et Pit les variables de politique
économique en t. Cette équation est celle retenue par exemple par
Barro et Sala-I-Martin (1996)
II. Les variables
Pour saisir le niveau initial des variables d'état nous
sommes confrontés à une difficulté. En effet, les
données sur le stock de capital physique Kit-1 sont très
imprécises dans la mesure où elles reposent d'une part sur des
hypothèses non vérifiables concernant les taux de
dépréciation et d'autre part sur des mesures de l'investissement
souvent douteuses. En conséquence, nous supposons, que toutes choses
égales par ailleurs, un niveau plus élevé du produit
réel par tête reflète un stock de capital physique par
tête plus important. Le signe attendu est négatif (Cette
hypothèse est faite, entre autres, par Barro et Sala-I-Martin (1996) p.
463. Le produit par tête est introduit en logarithme.)
Concernant le capital humain Hit-1, la difficulté est
identique, sinon plus grande. Les variables retenues mesurant le niveau
scolaire sont en logarithme d'une part le nombre moyen d'années de
scolarité primaire de la population active et d'autre part le nombre
moyen d'années de scolarité primaire et secondaire. Cet
indicateur a l'inconvénient de traiter de façon
équivalente les années d'études quelle qu'en soit la
qualité (Arcand, Guillaumont et Guillaumont, 1999). Ces variables sont
calculées par Nehru, Swanson et Dubey jusqu'en 1987 et prolongées
par Berthélemy et Söderling selon une méthode de
l'inventaire permanent.
Concernant le niveau de santé, la seule variable
à notre disposition est l'espérance de vie à la naissance
dont l'évaluation est particulièrement difficile.
Le signe attendu du capital humain est positif et cela pour
deux raisons. D'abord, dans les modèles néo-classiques à
deux facteurs de production (capital matériel et capital humain) une
augmentation du rapport capital humain sur capital physique accroît le
taux de croissance de l'économie (Barro et Sala-I-Martin 1996). Le
capital humain est ici considéré comme un facteur de production.
Cependant son effet est largement fonction de l'environnement socio-
économique et en particulier de la politique économique et de
l'instabilité politique (Arcand, Guillaumont et Guillaumont, 1999).
Ensuite l'accumulation du capital humain accroît la productivité
des autres facteurs en augmentant la capacité d'innovation du pays, en
permettant une meilleure allocation des ressources et en engendrant des
externalités positives (Lucas, 1988).
29
Concernant les variables d'environnement, il convient d'abord
de saisir les effets des chocs climatiques. Ainsi que cela a été
souligné plus haut, il ne nous est pas paru pertinent de retenir une
variable comme la hauteur des pluies annuelles. Il aurait été
possible d'introduire de simples variables muettes temporelles pour saisir les
grands épisodes de sécheresse.
Cependant ces variables sont trop grossières et ne
permettent pas de tenir compte de l'intensité des épisodes
climatiques. Aussi, nous avons finalement choisi comme variable
approchée de l'environnement climatique le taux de croissance de la
production céréalière du Sahel. Cette variable
définie au niveau régional permet d'éviter un biais de
simultanéité qui surviendrait pour une variable définie au
niveau national.
Concernant l'environnement international, nous avons tenu
compte de l'évolution des prix mondiaux en introduisant le logarithme et
le taux de croissance des termes de l'échange.
Dans le même ensemble de variables, nous avons introduit
le logarithme des apports publics nets par tête. Cette variable est
exogène dans le cas du Mali puisque largement déterminée
par l'environnement extérieur.
Pour saisir l'évolution de la conjoncture ivoirienne
nous avons introduit le taux de croissance du produit par tête
réel de la Côte d'Ivoire. Il est vrai que les flux migratoires
dépendent, sans doute du différentiel de produit par tête
entre les deux pays. Nous avons donc aussi introduit cette variable. La
conjoncture des pays voisins peut également jouer d'où
l'introduction du taux de croissance moyen des pays voisins. Pour tenir compte
des flux migratoires vers les pays de l'OCDE et en particulier vers la France,
on a également testé le pouvoir explicatif du taux de croissance
des pays de l'OCDE et de la France. Mais il est possible que la meilleure
façon de saisir l'impact des flux migratoires est d'introduire
simplement les transferts des travailleurs émigrés
rapportés au produit.
L'environnement politique intérieur ne peut être
qu'approximativement capté par un ensemble de variables muettes
représentant soit les émeutes, les assassinats politiques, les
coups d'Etat ou les révolutions (données OCDE). On essaye ici de
saisir l'influence de l'instabilité politique sur la croissance. Quant
à la qualité des règles juridiques et des institutions ou
la nature démocratique des régimes, la dimension essentiellement
temporelle de notre échantillon rend malaisée la prise en compte
de leur effet en raison des difficultés de saisir leur
évolution.
30
Enfin, concernant l'environnement démographique, on a
introduit le taux de croissance de la population. Le signe attendu est
négatif dans l'hypothèse d'une fécondité
exogène.
L'influence du développement financier du pays est
saisie par le taux de monétarisation de l'économie. Le signe
attendu est positif
Dans le groupe des variables de politique économique,
on a testé l'influence du taux de prélèvement public et de
sa structure représentée par la part des taxes sur les
échanges dans le prélèvement public. Le signe attendu de
la première variable est ambigu dans la mesure où il n'a pas
été possible de contrôler les effets de la fiscalité
par un indicateur homogène de dépenses publiques. Le signe de la
seconde variable est, du fait des distorsions de marché,
négatif.
On introduit également un indicateur de
compétitivité, à savoir les taux de change effectif
réel. Sa diminution signifie une augmentation de
compétitivité. Enfin le taux d'ouverture a un statut un peu
ambigu dans la mesure où il est largement influencé par des
variables d'environnement. Cependant son introduction, à coté de
ces variables peut permettre de tenir compte des conséquences sur la
croissance d'une stratégie d'ouverture.
Il en est de même du taux d'investissement puisque les
variables d'environnement mais aussi de politiques peuvent agir sur la
croissance par son intermédiaire. Son introduction reflète donc
la composante purement exogène de l'investissement et en particulier de
l'investissement public.
III. La méthode économétrique
Nous avons choisi de travailler sur un échantillon
unique Burkina Faso et Mali. C'est dire que notre échantillon comprend
une double dimension : temporelle (1960-1997) et nationale (Burkina Faso et
Mali). Utiliser un échantillon composé de ces deux pays pour
déterminer les sources de la croissance permet d'accroître le
degré de liberté du modèle et la variabilité des
statistiques. On peut donc s'attendre à des résultats
économétriques de meilleure qualité. Il est vrai que ces
deux pays, bien que proches, peuvent présenter certaines
différences. Cependant, l'économétrie met à notre
disposition des techniques permettant de contrôler une éventuelle
spécificité nationale. Il s'agit de la méthode des effets
fixes consistant à introduire une variable muette captant la
spécificité du Burkina Faso (BF), (pour une utilisation des
données de panel permettant de tester des modèles de croissance
(cf Islam 1995).
31
La dimension essentiellement temporelle de
l'échantillon a pour conséquence que l'on saisit des mouvements
à court terme des taux de croissance qui sont largement imputables
à des variations de la demande. C'est dire que l'on explique autant
sinon plus des écarts du produit par rapport à son niveau
tendanciel liés à des facteurs de demande que des variations de
ce même niveau tendanciel explicables par des mouvements d'offre
Il est extrêmement difficile de définir une
variable de demande. On ne peut donc pas distinguer les mouvements d'offre des
mouvements de demande.
L'estimateur retenu est celui des moindres carrés
ordinaires. Pour éviter un possible biais de simultanéité,
les variables représentant les transferts des travailleurs et les
apports publics nets sont introduits avec un décalage temporel d'une
année.
32
2ème Partie :
La croissance économique malienne et les Facteurs d'environnement
La croissance économique malienne a été
d'une grande irrégularité. Son taux de croissance,
évalué sur une base annuelle apparaît d'une grande
instabilité ce qui met en évidence l'influence des facteurs
d'environnement.
33
Cette partie a le double objectif d'analyser la croissance
économique et de faire ressortir les facteurs indépendants de la
politique économique qui ont agi sur la croissance.Chapitre
III : La croissance économique depuis 1965
Ils `agit dans ce chapitre d'évaluer l'efficacité
des politiques économiques envisagées afin d'accroître la
croissance. Un accent sera mit sur l'évolution de ces mêmes
politiques.
Section I : Analyse de
la Croissance Economique malienne
On mesure la croissance économique à travers
l'augmentation relative du produit intérieur brut réel par
tête. Cet indicateur a été retenu de
préférence au produit national car l'objectif poursuivi ici est
d'apprécier les effets de la politique économique sur les
richesses produites dans le pays. Après une analyse de la croissance, on
examine l'influence des facteurs d'environnement c'est-à-dire des
facteurs de croissance exogènes par rapport à la politique.
I. Les grandes phases de la
Croissance depuis 1965
L'évaluation du produit intérieur brut
réel par tête est entachée de graves incertitudes, tenant
notamment à des changements de méthodologie dans la construction
des comptes nationaux. De plus, les comptables nationaux rencontrent des
difficultés pour mesurer l'activité du secteur informel. Enfin,
dans un pays de migrations intenses et de population dispersée sur un
vaste territoire, l'évaluation de l'effectif global de la population
à travers des recensements successifs est sujette à une
incertitude importante. Un examen de l'évolution du produit réel
par tête (graphique 1) met en évidence quatre phases dans
l'évolution du produit par tête.
34
Graphique 1 : Evolution du produit réel par
tête (1960 - 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
35
1) La période débutant en 1960 qui correspond
à l'accession à l'Indépendance du Mali s'effectue dans des
circonstances politiques difficiles, largement imputables au gouvernement
malien (éclatement du projet de fédération avec le
Sénégal, sortie de la zone franc, refroidissement des liens de
coopération avec la France ) ce qui entraîne une régression
du produit par tête en 1962, date de la sortie de la zone franc puis une
stagnation économique consécutive à l'installation d'une
économie réglementée et à d'importantes sorties de
devises. Cette période s'achève avec la chute de Modibo Keita
(1968) qui a installé une économie socialisée et
excessivement réglementée. Selon Azam et Morrisson (1999), la
politique économique est alors inspirée du modèle
marxiste-léniniste. On nationalise massivement, on crée des
entreprises publiques aux effectifs pléthoriques. Le contrôle des
prix est instauré dans de nombreux domaines. Une compagnie publique se
voit doter du monopole sur le commerce extérieur. L'échec est
patent et il est dû à plusieurs facteurs : le manque de cadres
compétents, l'absence d'incitations, d'importants déficits
budgétaires, etc.
2) La chute de Keita n'entraîne un mouvement de
libéralisation que très limité. Il est vrai que le
discours économique devient plus libéral. On s'éloigne en
effet de l'idéologie soviétique pour se rapprocher du «
modèle socialiste africain » inspiré par le
Sénégal. En pratique, les champs collectifs sont
supprimés. On tolère l'activité des collecteurs
privés de céréales au détriment du monopole public
de la commercialisation des produits agricoles (OPAM). Malgré ces
réformes timides, de 1968 à 1974, le produit par tête
stagne. Cette période correspond à une économie mixte
étatiste et dans l'ensemble peu efficace. Pour l'essentiel, le secteur
industriel moderne a été créé à partir
d'usines « clefs en main » dont le fonctionnement s'avère
désastreux. Les opportunités de développement du secteur
privé traditionnel sont très rares. La priorité du
gouvernement est le développement d'un secteur public et cela dans tous
les domaines de l'activité : banques, commerce extérieur,
commercialisation des cultures d'exportation, commerce intérieur etc. Un
très large recrutement a lieu dans la fonction publique. L'Etat consacre
alors une partie de plus en plus importante de son budget à payer les
fonctionnaires. Ces choix budgétaires se font donc au détriment
des dépenses d'infrastructures et des dépenses consacrées
au développement du capital humain. La politique commerciale
privilégie la substitution aux importations. Cette politique
interventionniste a engendré une forte augmentation des dépenses
publiques que l'Etat a financées d'une part par l'endettement
extérieur et d'autre part par l'accumulation d'arriérés de
paiement intérieurs qui constituent un facteur de blocage de la
croissance économique.
3) De 1975 à 1979, le produit par tête augmente
fortement (5,8 % par an en moyenne). Mais cette évolution dépend
largement de facteurs exogènes : bonne pluviométrie et
évolution favorable des prix du coton. Sous l'effet de
sévères sécheresses et d'un retournement des cours du
coton, le produit par tête diminue presque autant de 1980 à
1982 (en moyenne - 6,5 % par an.)
36
4) A partir de 1982, le gouvernement tend à abandonner
sa politique d'interventionnisme économique. Le gouvernement met alors
en oeuvre un programme d'ajustement soutenu par les institutions de Bretton
Woods. L'objectif est de restaurer les équilibres intérieurs et
extérieurs afin d'instaurer les conditions d'une croissance
économique durable. Il semble que ces mesures ont porté leurs
fruits puisque depuis 1983, le produit connaît une tendance à la
hausse, certes modérée (0,8 % en moyenne), ce qui le distingue
à cette époque de nombreux autres pays africains qui ont subit un
régression du produit par tête. Cependant la croissance du Mali
demeure irrégulière.
Graphique 2 : Evolution du
taux de croissance du PIB réel par tête en % (1968 -
1997)
Source : Banque mondiale, World Tables.
Le graphique 5 fournit l'évolution du taux de
croissance du produit sur la période 1968-1997. En moyenne, sur cette
période, le taux de croissance du produit intérieur brut par
tête a été de 0,7 %. La principale caractéristique
de la série est sa grande variabilité. Son écart-type est
6 fois supérieur à la moyenne. Le taux de croissance annuel le
plus élevé, observé en 1976, est de 11 %. Le taux de
croissance le plus faible est de -6,7 %, il s'agit de celui de 1980. Cette
grande variabilité est liée à l'importance du secteur
primaire dont l'activité est soumise à des chocs exogènes,
en particulier climatiques avec une récurrence qui obéit à
une distribution aléatoire. Entre 1968 et 1997, pour la moitié
environ des années on enregistre un taux de croissance négatif du
PIB par tête. Or, cette instabilité du taux de croissance peut
être vue comme un handicap pour la croissance à long terme.
37
On peut également calculer des taux de croissance
annuels moyens sur des périodes correspondant à des changements
essentiels de politique économique : 1968-1982 : longue
période d'économie mixte étatiste : 0,6 % (11 % en 1976,
-6,7 % en 1980) ; 1982-1992 : période de libéralisation et
d'ajustement structurel : 1,3 % (-3,3 % en 1991, 5,6 % en 1986) ; 1992-1997 :
régime démocratique et économie libéralisée,
période courte marquée par la transition politique et la
dévaluation du franc CFA : -0,2 % (-5 % en 1993, 3,6 % en 1995).
Cependant, il s'agit ici de résultats de croissance
effective qui dépendent à la fois de variables structurelles et
de la politique économique. Aussi, pour apprécier
véritablement les performances attribuables à la politique
économique, il convient de prendre en compte de l'impact des facteurs
structurels.
II. L'investissement
Le graphique 7 donne l'évolution du taux
d'investissement au Mali. Celui-ci en moyenne sur l'ensemble de la
période (1967-1997) est de 18,5 %. De 1967 à 1982, le taux
d'investissement moyen est de 16 %. De 1982 à 1992, le taux
d'investissement est de 19,1 %. De 1982 à 1997, sa valeur moyenne est de
21 %. Entre 1992 et 1996, le taux d'investissement est de 23 %, contre une
moyenne de 16,7 % pour les pays de l'UEMOA. La progression de l'investissement
a été largement financée sur des ressources publiques
extérieures.
Graphique 3 : Taux
d'investissement en pourcentage du PIB (1967 - 1997)
38
Source : Banque Mondiale, World Tables.
L'élément le plus spectaculaire de
l'évolution du taux d'investissement est incontestablement sa forte
progression depuis 1984. Il faut rappeler que 1984 correspond à
l'entrée du Mali dans l'UMOA. Il s'agit également du
début d'application du programme d'ajustement structurel. L'augmentation
du taux d'investissement correspond au choix du Mali en faveur de la
libéralisation interne et de l'intégration régionale.
Cette double orientation efface les choix socialistes de
l'indépendance.
On doit noter toutefois que l'évolution du taux
d'investissement est ici retracée à prix courants. Or elle est
influencée par celle du prix relatif de l'investissement, qui
vraisemblablement augmente avec la dépréciation du taux de change
réel et a certainement augmenté à la suite de la
dévaluation du franc CFA en 1994.
III. La productivité
du capital
Il est naturellement insuffisant d'étudier
l'évolution du taux d'investissement sans chercher à
évaluer son efficacité. Le graphique 8 donne l'évolution
de l'ICOR (Incremental Capital Output Ratio). L'évolution de l'ICOR est
fondamentale dans la mesure où il est impossible d'espérer une
croissance durable avec une efficacité de l'investissement, et en
particulier de l'investissement public, médiocre.
Le point le plus intéressant est que l'on n'observe
pas, sur longue période, une amélioration de la
productivité de l'investissement. Bien au contraire, après les
années de sortie du socialisme (l'après Modibo Keita), on assiste
de 1975 à 1992 à une tendance à l'augmentation de l'ICOR.
Cette tendance n'est brièvement contrariée qu'au milieu des
années quatre-vingt, peut-être à la suite de nouveaux
aléas climatiques et de l'usure du régime de Moussa
Traoré. Par contre, depuis 1992, année de l'avènement d'un
régime démocratique et d'une économie en voie de
libéralisation accélérée, l'ICOR est nettement
orienté à la baisse, ce qui traduit une tendance à
l'amélioration de l'efficacité de l'investissement. Il est vrai
que depuis 1992 le taux d'investissement est particulièrement
élevé (23% du produit). Mais le pays ne peut espérer un
taux de croissance du produit de 5 % (et donc du produit par tête de 2 %)
qu'avec un ICOR d'environ de 5. Il faut donc que la tendance actuelle se
poursuive.
39
Graphique 4 : Evolution de l'ICOR (1970 -
1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
NB : L'ICOR est calculé à partir des
moyennes mobiles centrées sur une période de 7 ans et cela pour
éviter des fluctuations annuelles trop importantes
Section II : Les
évolutions sectorielles
I. La décomposition
de la valeur ajoutée
40
Le terme agriculture recouvre ici à la fois
l'agriculture au sens stricte du terme mais également l'élevage,
activité particulièrement développée au Mali ; il
comprend aussi l'exploitation des ressources forestières et halieutiques
qui sont peu importantes. La mesure des contributions respectives de
l'agriculture et de l'industrie soulève une difficulté imputable
au caractère administré des prix de cession du coton par le
producteur à la société d'encadrement (CMDT). De plus,
toujours s'agissant du coton, l'activité manufacturière
d'égrenage est directement liée à l'activité
agricole. L'évolution de la structure de la valeur ajoutée doit
donc être interprétée à la lumière de cette
interdépendance. L'évolution de l'ICOR présente
manifestement des points aberrants sur la période 1979-1983 en raison de
fortes chutes de la production consécutives à des chocs
climatiques. On a donc choisi d'interpoler son évolution sur cette
période. Selon que l'on inclut ou que l'on n'inclut pas
l'opération d'égrenage du coton dans la valeur ajoutée
cotonnière, cette dernière varie dans un rapport de un à
deux.
Graphique 5 :
Décomposition de la valeur ajoutée en % (1965 - 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
Le secteur primaire est resté dominant jusqu'au
début des années quatre-vingt (graphiques 8 et 9). Il fait
ensuite jeu égal avec le secteur tertiaire. Le secteur industriel
reste, sur toute la période, largement minoritaire.
On constate une nette tendance à la baisse de la
contribution de l'agriculture au produit jusqu'au milieu des années
quatre-vingt et une légère augmentation depuis. La baisse de la
part de l'agriculture est vraisemblablement due aux sécheresses
répétées et à une détérioration des
termes de l'échange interne. La reprise s'explique par les bonnes
performances agricoles des dernières années mais aussi par
l'accroissement du prix du coton payé aux producteurs.
41
Jusqu'à 1985 le secteur des services progresse
rapidement au détriment du primaire mais aussi et surtout du secondaire,
qui comprend un large secteur artisanal. L'évolution observée
depuis 1985 manifeste au contraire le déclin tendanciel de la part
relative du secteur tertiaire, accéléré en 1994. La part
des biens non échangeables étant majoritaire dans le secteur
tertiaire, cette baisse peut être vue comme le résultat de la
politique d'ajustement menée d'abord sans changement de parité,
puis en 1994 avec dévaluation.
II. Les taux de croissance
sectorielle
A travers une analyse des évolutions sectorielles, on
observe (graphique 9), sans surprise, une plus grande instabilité du
taux de croissance des activités agricoles. Cependant, on constate
également une grande variabilité dans les autres secteurs. Cette
dernière ne peut s'expliquer que par l'influence de la conjoncture du
secteur agricole sur les autres secteurs. On constate en effet un
décalage d'un an entre le taux de croissance des activités
agricoles et le taux de croissance des activités non agricoles. Celui-ci
peut être interprété comme une relation causale du secteur
primaire sur le secteur non primaire.
Graphique 6 :
Décomposition sectorielle du PIB réel par tête en FCFA
(1967 - 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
42
Graphique 7 : Décomposition sectorielle du taux
de croissance du PIB par tête en % (1967 - 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
III. L'évolution de
l'inflation et de la Balance de payement
Ø L'inflation :
Graphique 8 : Evolution
annuelle du taux d'inflation en % (1967 - 1997)
43
Source : Banque mondiale: World Tables
Depuis 1970, après l'épisode de forte inflation
consécutif à la sortie de la zone franc (1962-67), à
l'exception d'un pic en 1975 résultant du choc pétrolier et du
boom de l'ensemble des produits primaires, le Mali n'est pas un pays
très inflationniste (graphique 12 et tableau 3). L'évolution de
l'inflation malienne reflète largement celle de l'inflation mondiale
avec la désinflation de la deuxième partie des années
quatre-vingt. Cependant des pics inflationnistes peuvent être
repérés en 1984 et en 1994. Le premier est dû aux tensions
sur les prix des produits alimentaires consécutives à la
sécheresse et à des comportements de stockage des
commerçants. Celui de 1994 est provoqué par la dévaluation
et les tensions inflationnistes dans les pays partenaires de la zone franc. A
partir de 1995, les tensions inflationnistes ont été sensiblement
similaires à celles observées dans l'UMEOA.
Tableau 1 : Taux de
variation des prix à la consommation en % (1994- 1997)
Année
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
Mali
|
31.2
|
8.7
|
2.8
|
0.9
|
UEMOA(1)
|
36.0
|
6.6
|
4.0
|
3.5
|
(1) : pondéré par les PIB des différents
pays ; Indice cumulé 1997 base décembre 1993
Source : Rapports de la zone franc.
Tableau 2 : Taux de
variation annuelle moyen des prix à la consommation
africaine
1967-1973
|
9
|
1984-1988
|
1.9
|
1973-1978
|
10.9
|
1993-1997
|
14.5
|
1978-1981
|
9.2
|
1988-1993
|
-0.8
|
1981-1984
|
13.2
|
1993-1997
|
14.5
|
Source : BCEAO.
Ø La Balance de Payement :
44
Le Mali enregistre des déficits significatifs de la
balance commerciale (en moyenne - 6 % du produit : tableau 5). Ces
déficits s'accompagnent de déficits de la balance courante (en
moyenne -8 % du produit). Le déficit de la balance courante s'explique
non seulement par le déficit commercial mais aussi par le déficit
chronique et important de la balance des services et des revenus (avec en
particulier le coût du fret et des assurances sur les18 importations et
les intérêts dus sur la dette extérieure). Il est vrai que
les accords de réaménagement de la dette ont permis de contenir
les intérêts mais la dévaluation a automatiquement accru le
montant des intérêts libellés en devises. Le Mali
bénéficie par contre d'importants transferts sans contrepartie :
privés (les envois de fonds des maliens émigrés) et
publics (l'aide).
Tableau 3 : Evolution de
la balance commerciale et de la balance courante en % du PIB
Année
|
Balance commerciale
|
Balance courante
|
1975
|
-10.6
|
-10.1
|
1980
|
-7.3
|
-9.1
|
1985
|
-12.3
|
-16.9
|
1990
|
-3.9
|
-10.2
|
1993
|
-4.5
|
-9.2
|
1994
|
-6.2
|
3.9
|
1995
|
-4.9
|
-6.7
|
1996
|
-4.1
|
-4.5
|
1997
|
0.8
|
-2.2
|
Source : Rapports de la zone franc de 1994 à 1997.
45
La première partie des années quatre-vingt a
été particulièrement néfaste aux équilibres
extérieurs. L'importance de ces déficits extérieurs a
contribué au lancement des programmes de stabilisation et d'ajustement
structurel. La deuxième partie des années quatre- vingt est
marquée au contraire par une amélioration notable des comptes
extérieurs. Si cette amélioration est en partie explicable par
les réformes de politique économique, qui ont permis notamment
une augmentation en valeur et en volume des exportations cotonnières,
elle a été amplifiée par le contre choc pétrolier.
L'année 1997 est remarquable puisque elle a vu le dégagement d'un
excédent commercial à la suite d'une campagne cotonnière
exceptionnelle.
L'évolution des exportations est tirée
essentiellement par le coton. Ainsi la baisse des exportations de 1986 est
imputable à une chute des cours du coton. La dévaluation,
combinée à un redressement des cours mondiaux et à la
politique d'expansion de la CMDT, a permis une forte augmentation des
exportations. La dévaluation a permis une forte progression des
exportations de bétail, qui se sont ensuite maintenues à un
niveau élevé.
46
CHAPITRE IV : Les
facteurs d'environnement
De multiples facteurs, qui peuvent être
considérés comme indépendants de la politique
économique, ont agi sur la croissance. Parmi les facteurs
d'environnement, les plus importants sont les facteurs sociopolitiques, le
climat, l'évolution démographique et enfin l'environnement
international.
Section I : Les
facteurs d'environnement interne et la croissance
I. Les Facteurs
sociopolitiques et croissance
De 1960 à nos jours, cinq régimes politiques se
sont succédés :
ü le régime de la Constitution de 1960
(1960-1968),
ü le régime du Comité Militaire de
Libération Nationale (1968-1974),
ü le régime de la Constitution de 1974
(1974-1991),
ü le régime de transition démocratique
(mars 1991-juin 1992) et enfin,
ü le régime de la troisième
République depuis 1992.
Ces cinq régimes correspondent à quatre phases
de politique économique :
ü la période socialiste (1960-1968)
ü la période d'économie mixte
étatiste (1968-1982)
ü la période de libéralisation avec le PAS
(1982-1992)
ü depuis 1992, le régime démocratique et
l'économie libéralisée.
47
Le 22 septembre 1960, le Mali voit le jour à la suite
de l'éclatement de la fédération qui l'unissait au
Sénégal. Modibo Keïta en devient le premier
président. Sa politique économique, inspirée du
modèle marxiste-léniniste, amène la nationalisation des
entreprises nationales et étrangères, la création de
nombreuses entreprises publiques et l'intervention de l'Etat dans tous les
domaines de la vie économique et sociale. Le contrôle des prix est
instauré et le commerce international est confié à un
monopole public : la SOMIEX. Enfin, pour rompre définitivement avec le
colonisateur, le Mali quitte la zone franc et crée le franc malien en
1962. Le Mali se heurte alors très rapidement à plusieurs
contraintes : le manque de cadres compétents, les faibles incitations
à la production et les contraintes financières (sortie de
devises, inflation).
Dans ce contexte difficile, Modibo Keïta est contraint de
signer le 6 mai 1967 des accords de coopération monétaire avec la
France, sans toutefois rejoindre l'UMOA, ce qui sera fait longtemps
après sa chute en 1984. Le soutien populaire, dont
bénéficiait Modibo Keïta lors de l'accession à
l'Indépendance, s'érode vite. D'une part, le contrôle de la
commercialisation des produits agricoles, l'obligation de consacrer une partie
du temps à la culture des champs collectifs, le maintien de prix aux
producteurs très bas et plus généralement la
stratégie de transfert du surplus agricole vers le secteur non agricole,
provoquent le mécontentement des paysans.
D'autre part, le blocage des salaires entraîne une chute
du pouvoir d'achat des ménages urbains. Ainsi, à l'exception de
la classe dirigeante, l'ensemble de la population malienne est touché
par la politique économique du gouvernement. L'abandon du soutien
populaire provoque le coup d'état militaire de novembre 1968. Selon Azam
et Morrisson (1999), la principale caractéristique du régime
était une contradiction fondamentale entre les discours et les faits.
Sur le plan idéologique, le régime prétendait être
au service de tous. Dans la réalité, il ne
bénéficiait qu'à une petite minorité de cadres
politiques et administratifs. Ceux-ci s'étaient accaparé le
surplus agricole prélevé sur les paysans, en théorie
destiné à financer les investissements.
A partir de la fin de 1968, le Comité Militaire de
Libération Nationale (CMLN), présidé par Moussa
Traoré, assume l'ensemble des pouvoirs législatifs et
exécutifs. Jusqu'à la mise en application de la Constitution du 2
juin 1974, ce sont les ordonnances du CMLN qui régissent la vie
administrative du pays.
48
CMLN : Comité Militaire de
Libération National
Les nouveaux dirigeants abandonnent le discours
marxiste-léniniste de l'ancien gouvernement pour s'orienter vers un
modèle de « socialisme plus libéral ». Les
premières mesures concernent le monde rural. Les champs collectifs sont
par exemple supprimés. Toutefois, la dérive vers un régime
militaire autocratique se manifeste dès 1969 lorsque Moussa
Traoré cumule les fonctions de chef de l'Etat et de chef du
gouvernement.
Au cours des années soixante-dix, le régime de
Moussa Touré poursuit une politique économique peu rigoureuse,
marquée par un développement important de la corruption et du
clientélisme. La situation politique et économique se
dégrade rapidement et le gouvernement de Moussa Traoré perd la
confiance de la plupart des groupes sociaux. De 1969 à 1980, on
dénombre cinq tentatives de coup d'état (août 1969, mars
1971, novembre 1976, février 1978 et décembre 1980) et autant de
grèves (avril 1969, mars 1971, janvier 1977, mai 1977, novembre 1979 et
mars 1980). L'éducation, la santé et le secteur des
infrastructures sont délaissés. Les arriérés de
paiements intérieurs s'accumulent et la dette extérieure ne cesse
de croître. Les pertes du secteur paraétatique s'accumulent.
Devant la dégradation de la situation
économique, le Mali s'engage avec les institutions de Bretton Woods dans
des programmes de stabilisation et d'ajustement structurel dès 1982. Par
ailleurs, le Mali réintègre l'UMOA en 1984. En 1988, le Mali
poursuit son effort d'ajustement avec le Programme d'Ajustement Sectoriel des
Entreprises Publiques (PASEP) et le Programme d'Ajustement Sectoriel Agricole
(PASA). Ces programmes permettent de libéraliser les prix et le
commerce, d'entamer une réforme de la fiscalité interne et
externe, de restructurer ou de privatiser les entreprises publiques, de
simplifier le cadre réglementaire régissant les activités
économiques, de libéraliser les marchés
céréaliers et d'améliorer l'efficacité du secteur
cotonnier.
En dépit de ces réformes, la
société malienne ne fait plus confiance à Moussa
Traoré qui règne depuis près d'un quart de siècle
sur le pays. De violentes émeutes éclatent à Bamako fin
1991. Moussa Traoré est arrêté le 24 mars 1992. Des
élections démocratiques sont organisées sous le
contrôle d'observateurs internationaux. Alpha Oumar Konaré est
élu président le 8 juin 1992.
49
Le régime de la IIIe République doit
gérer un ajustement monétaire majeur près de trente ans
après le précédent qui avait marqué le retour du
Mali dans la zone franc. Le 12 janvier 1994, la monnaie (le franc CFA) est
dévaluée de 50 pour cent. Le changement de parité permet
d'accroître le revenu des agriculteurs de produits d'exportation, mais
aussi celui des producteurs de céréales. Les exportations de
fruits et légumes ont fortement augmenté. Le Mali est devenue
l'un des principaux fournisseurs de la Côte d'Ivoire en bétail.
L'activité industrielle manifeste également des signes de
reprise. L'industrie textile et le secteur minier sont particulièrement
dynamiques.
Quelles sont les conséquences de l'évolution
politique du pays sur ses performances économiques ?
Différents éléments peuvent agir sur la
croissance. Il s'agit, tout d'abord, de l'instabilité politique. Si le
Mali a connu moins de coups d'Etat que d'autres pays voisins comme le Burkina
Faso, l'instabilité politique n'en a pas été moindre
comme en témoigne l'importance des grèves et des procès
politiques. Or, l'agitation politique augmente la probabilité d'une
menace sur les droits de propriété et par conséquent
incite les agents à moins investir.
L'instabilité politique constitue sans doute un facteur
de moindre croissance économique au Mali. Toutefois, s'il
apparaît naturel d'établir une relation entre l'instabilité
politique et la croissance, on ne saurait, sans précaution, en
déduire une relation de causalité univoque. En effet, il est tout
aussi vraisemblable que la faible croissance du Mali a engendré une
instabilité politique accrue. Il s'agit ensuite des règles
juridiques et de la qualité des institutions politiques qui
déterminent la sécurité des investissements. Or,
malgré des progrès récents dans le cadre de
l'intégration régionale l'application du droit reste toujours
incertaine au Mali.
Un autre élément, plus difficile à
saisir, est la conséquence sur la croissance du degré de
démocratie du régime. La rationalité des hommes politiques
les pousse à exercer une mainmise sur le système
économique dans la mesure où la perturbation du fonctionnement du
marché par l'instrument fiscal ou réglementaire est un bon moyen
d'entretenir des relations de type patrons-clients en engendrant des rentes de
situation au bénéfice de quelques uns. Ainsi semble s'expliquer
la politique de forte protection et de réglementation intensive
pratiquées au Mali jusqu'aux mesures de libéralisation du
début des années quatre-vingt-dix.
50
Ces interventions sont inéquitables mais
également défavorables à la croissance puisqu'elles
engendrent des distorsions de marché qui ne permettent pas une
allocation efficace des ressources. Or, l'exercice des droits
démocratiques constitue un frein relativement efficace aux pratiques
clientélistes de l'Etat. Il en existe certes, un autre, à savoir
l'intégration régionale qui constitue un point d'appui
supplémentaire et fondamental à la libéralisation,
puisqu'il permet de soustraire en partie la politique commerciale de
l'influence des groupes de pression locaux.
La démocratie agit aussi sur la croissance en
réduisant l'instabilité politique (Azam et Morrisson, 1998). En
effet dans un régime démocratique les conflits se
résolvent à moindre coût que dans un régime
autoritaire. Le Mali n'a connu que trois présidents en presque 50 ans
d'Indépendance. Le pays vit sous un régime démocratique
seulement depuis 1992 et les autorités peinent à rétablir
sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des différentes couches
sociales, l'autorité d'un Etat largement compromise par les
dysfonctionnements passés. Le Mali a donc certainement souffert de
l'absence de démocratie durant de longues années et des
séquelles affectant l'autorité d'un Etat désormais
démocratique demeurent.
II. Les facteurs
climatiques et croissance
Le pays est divisé en quatre zones climatiques, du sud
au nord : la zone sud soudanienne, la zone nord soudanienne, la zone
sahélienne et la zone sud saharienne. Les précipitations varient
d'une zone à l'autre. Elles sont relativement importantes dans le sud du
pays et diminuent au fur et à mesure que l'on remonte vers le nord. A
l'exception du nord (60% du territoire), qui est le domaine d'activités
pastorales extensives, l'agriculture et l'élevage sont possibles mais
les précipitations sont dans l'ensemble très
irrégulières.
La situation climatique peut être
considérée comme un intrant agricole naturel qui agit fortement
sur la production et qui, à ce titre, influence l'ensemble de
l'économie. Afin de mettre en évidence l'effet du climat sur
l'agriculture, il est cependant insuffisant de considérer la hauteur de
pluie cumulée en différents points du territoire. En effet, des
conditions climatiques favorables à l'agriculture dépendent
autant, sinon plus, de la répartition dans le temps des pluies que des
hauteurs d'eau annuelles cumulées. De plus, l'agriculture
irriguée dépend avant tout des hauteurs d'eau du fleuve.
51
Aussi, paraît-il préférable, en raison de
l'étroite corrélation entre le climat du Mali et celui de
l'ensemble du Sahel, de retenir comme variable approchée de
l'environnement climatique le taux de croissance de la production
céréalière du Sahel. Cette variable capte l'ensemble des
conditions climatiques, non seulement les hauteurs d'eau, mais aussi leur
répartition dans l'année. Les épisodes de croissance
particulièrement élevés de la production
céréalière (1974, 1985, 1991) sont consécutifs
à des sécheresses repérables.
Graphique 9 : Evolution du
taux de croissance de la production céréalière du sahel
(1960 - 1997)
Source : Données FAO.
L'instabilité de la production et donc des revenus
consécutive aux aléas climatiques est responsable d'un risque
accru qui peut agir sur la croissance par l'intermédiaire de
l'épargne, de l'investissement et de l'offre de travail. En effet, la
défaillance dans les mécanismes de collecte au Mali empêche
une mobilisation efficace de l'épargne. S'agissant des effets du risque
sur l'investissement, cet effet est ambigu. D'une part, un accroissement du
risque peut inciter le producteur à investir davantage pour se garantir
des revenus suffisants en cas de chute du taux de rentabilité de
l'investissement (effet revenu). D'autre part, il est possible, qu'il renonce
à certains investissements en raison de leur caractère plus
risqué (effet de substitution).
52
L'offre de travail pourrait également être
affectée par l'instabilité des revenus. Confrontés
à un accroissement du risque, les agents peuvent accroître leur
temps de travail pour se garantir des revenus suffisants en cas de chute (effet
de revenu). Mais, ils sont aussi susceptibles d'augmenter leur demande de temps
libre pour réduire leur degré d'exposition au risque (effet de
substitution). L'effet net est donc théoriquement ici encore ambigu.
III. Les facteurs
démographiques et croissance
Le Mali connaît un accroissement important de sa
population. Depuis 1965, la population croît en moyenne de 2,3 % l'an.
Cette croissance s'est accélérée depuis 1990 puisque le
taux de croissance est de l'ordre de 2,8 % l'an (Banque Mondiale, 1998). En
raison de ce taux de croissance et de l'importance des migrations, il se
produit une déformation de la structure par âge de la population
en défaveur de la population potentiellement active. Celle-ci ne
croît que de 2 % en moyenne de 1965 à 1996 et de 2,6 % depuis
1990. Quelles en sont les conséquences sur la croissance
économique?
Le taux de fécondité élevé,
toutes choses égales par ailleurs, réduit de manière
mécanique le taux de croissance du produit par tête (Barro et
Sala-I-Martin, 1996). Au Mali, 80 % de la population a moins de 35 ans, 55 % a
moins de 20 ans et 45 % a moins de 14 ans C'est dire que la nature prudente de
l'agent est une condition nécessaire mais non suffisante à un
effet positif du risque sur l'investissement. Or, selon la théorie du
cycle de vie, un rajeunissement excessif de la population devrait
entraîner une baisse du taux d'épargne et donc une moindre
croissance.
Une population jeune implique des investissements massifs en
matière de dépenses sociales dont les résultats en termes
de croissance n'apparaîtront qu'avec un délai important tandis que
les charges sont immédiates. Ces dépenses, dont les effets sur la
croissance sont différés, peuvent évincer des
dépenses à effets sur la croissance plus immédiats et
donc, réduire le rythme de croissance, au moins à court terme.
Section II : Les
facteurs d'environnement international
Le Mali est un petit pays très ouvert sur
l'extérieur et donc soumis à l'influence de l'environnement
international sur lequel il a peu de prise. Celui-ci est constitué par
l'évolution des termes de l'échange, de l'aide, des
possibilités de migration en Afrique et en Europe et enfin de
l'intégration régionale.
On se demande dans quelle mesure ces différents
facteurs d'environnement international ont contribué à la
croissance économique. Une attention toute particulière est
accordée au phénomène éventuel de « syndrome
hollandais » qui consiste en une appréciation du taux de change
effectif réel consécutive à un apport de ressources
extérieures.
53
I. Termes de
l'échange, financements publics extérieurs et
croissance :
Ø Termes de l'échange et croissance
Les termes de l'échange correspondent au rapport entre
l'indice des valeurs unitaires des exportations et l'indice des valeurs
unitaires des importations. A une amélioration des termes de
l'échange correspond un accroissement de revenu. Dans un pays agricole,
une amélioration des termes de l'échange, si elle n'est pas
captée par l'Etat ou les organismes de commercialisation, permet une
augmentation des revenus agricoles, dont les effets sur l'offre agricole sont
différents selon qu'ils sont perçus comme transitoires ou
permanents par les producteurs. Dans le cas du Mali, les fluctuations des
termes de l'échange sont, en raison d'un mécanisme de
stabilisation spécifique au coton, transmises de manière
atténuée au producteur.
L'augmentation de revenus transmise au producteur est sans
doute considérée comme transitoire par ces derniers.
L'instabilité passée des termes de l'échange telle qu'elle
apparaît dans le graphique 14 rend plausible cette hypothèse
(augmentations des termes de l'échange de 1968-1972, surtout de
1975-1977 et dans une moindre mesure de 1987-88). De plus, au cours des
périodes de pointe, règne vraisemblablement le plein emploi des
facteurs (absence de chômage involontaire). Par conséquent,
l'augmentation des revenus doit entraîner une substitution significative
du travail à des activités non productives. En effet, les
agriculteurs vont profiter de l'augmentation temporaire de leurs
rémunérations pour travailler aujourd'hui davantage. Cet effet de
substitution fournit une explication, plausible bien que partielle, de
l'ampleur de la croissance actuelle de la plupart des productions agricoles
d'exportation et, bien évidemment, dans ce cas il s'agit d'un
phénomène temporaire. On peut s'attendre, dans cette
hypothèse, à un fort ralentissement de la croissance lors du
retournement des cours des produits agricoles puisqu'il pourrait se produire
alors un effet de substitution inverse : augmentation du temps consacré
aux activités non productives au détriment des activités
productives agricoles.
Cet effet de substitution serait bien évidemment
amplifié en l'absence de système de stabilisation qui permettrait
alors une transmission intégrale de l'évolution des prix
internationaux. Il en résulterait des fluctuations plus importantes de
la production agricole.
54
L'instabilité des termes de l'échange est
responsable d'un risque accru . Mais en raison des mécanismes de
stabilisation des prix aux producteurs, ce risque a été
supporté par les structures d'encadrement et par l'Etat.
Graphique 10 : Evolution
des termes de l'échange (1967 - 1997)
Source : CNUCED.
Ø Financement Publics extérieurs et
croissance :
Le graphique 11 retrace l'évolution des apports publics
nets en pourcentage du produit intérieur. On constate au Mali qu'ils ont
suivi une tendance croissante pour représenter aujourd'hui près
de 25% du PIB et qu'ils sont caractérisés par trois afflux
exceptionnels sur la période d'analyse. Le premier afflux remarquable
(1973-75) est survenu à l'occasion de la grande sécheresse du
début des années soixante-dix. Le second est relatif à la
sécheresse de 1985 tandis que le dernier marque plutôt une reprise
des financements publics externes à la suite du changement de
parité du franc CFA. Les déficits élevés des
comptes courants n'entraînent pas une crise solvabilité en raison
de l'importance des apports publics à des conditions de faveur. Mais, la
forte dépendance vis-à-vis des apports publics extérieurs
soulève cependant un problème de vulnérabilité
notamment des finances publiques.
55
Les apports financiers externes particulièrement
importants ne peuvent qu'affecter l'évolution économique du
Mali. Cependant, un accroissement de l'aide n'entraîne pas
forcément une augmentation de même montant de l'investissement.
D'une part, le pays peut choisir d'en consommer une partie puisque certains
types de financements étrangers (aide programme) visent à la
réalisation d'objectifs généraux en laissant au
destinataire une marge de liberté importante. Il est vrai que certaines
formes d'aide sont affectées (aide projet). Ainsi, dans le cas du Mali,
la plus grande partie des investissements publics sont financés par
l'Aide Publique au Développement.
Mais, on peut imaginer que ces investissements auraient
été réalisés même sans aide. Par
conséquent, en raison du phénomène de fongibilité,
l'aide peut libérer des ressources qui pourront être
utilisées ailleurs, y compris à des fins de consommation.
Cependant, dans le cas du Mali, étant donné l'importance des
montants en jeu, relativement aux ressources du pays, il est peu vraisemblable
qu'en absence de l'aide les investissements aient été
réalisés.
Graphique 11 : Evolution
du ratio des apports publics nets en % du PIB(1967-1997)
Source : OCDE
56
Plus fondamentalement l'aide peut perturber le système
de prix relatif. Ainsi, l'aide alimentaire peut avoir un impact négatif
sur les prix aux producteurs. D'une manière plus générale
l'aide peut engendrer une appréciation du taux de change réel :
l'accroissement du pouvoir d'achat est susceptible d'entraîner une
augmentation de la demande sur les biens non échangeables et par
conséquent, une augmentation du prix relatif de cette dernière
catégorie de biens (effet dépense du syndrome hollandais). Il est
vrai que cet effet n'est pas durable au Mali. Il est aussi possible qu'un Etat
bénéficiant de ressources financières externes
particulièrement importantes et peu coûteuses connaisse un
phénomène de démobilisation fiscale. En bref, l'aide doit
être perçue comme un complément de revenu, augmentant les
possibilités de choix d'un pays entre la consommation et
l'investissement et non comme un moyen sûr d'accélérer la
croissance. Il convient de remarquer le caractère contracyclique de
l'aide puisque les apports publics ont été les plus importants
dans les phases de détérioration des termes de l'échange
ainsi que lors de la survenance de sécheresses (et inversement, ils ont
été généralement plus faibles lors des
périodes d'amélioration des termes de l'échange). Cette
séquence a contribué à réduire les risques de
syndrome hollandais pour le Mali. On doit noter toutefois qu'en 1994-95,
l'accroissement des apports de capitaux publics ainsi que de capitaux
privés vient renforcer l'effet de l'amélioration des termes de
l'échange.
Enfin, dans le cas du Mali, la demande supplémentaire
engendrée par l'aide comporte un fort contenu en importation ce qui
explique malgré des flux d'aide particulièrement importants,
l'absence d'appréciation du TCER de plus, à travers un secteur
informel particulièrement dynamique, une offre suffisamment
élastique de biens non échangeables concourt certainement
à expliquer cette absence d'augmentation du prix relatif des biens non
échangeables.
II. L'influence des
Migrations régionales et de l'intégration
sous-régionale :
Ø L'influence des migrations
régionales :
Les flux migratoires à destination de l'étranger
sont difficiles à saisir directement. De 3 à 5 millions de
maliens vivraient hors de leur pays (Gubert, 1998). 96 % d'entre eux ont
émigré vers des pays africains, dont une grande partie vers le
Sénégal et la Côte d'Ivoire (plus d'un million). Le premier
pays de destination hors Afrique est la France avec plus de 50 000
résidents maliens (Schneider et Libercier, 1995). La France accueille
donc une population limitée de travailleurs maliens mais ces derniers
réalisent des transferts unitaires particulièrement importants.
Aussi, l'essentiel des transferts est issu des travailleurs maliens
émigrés en France. On peut avoir une évaluation de
l'impact des migrations sur l'économie malienne en étudiant les
statistiques des transferts financiers des travailleurs (graphique 16).
57
Il faut signaler a ce niveau que statistiques ne tiennent pas
compte des transferts informels qui sont néanmoins importants (16,5
milliards de F.CFA entre 1993 et 1994, selon l'enquête malienne
économique et sociale). Le ratio des transferts ne montre pas une
évolution très nette sur l'ensemble de la période. On
constate essentiellement une grande irrégularité.
Graphique 12 : Evolution
du ratio des transferts privés nets des travailleurs en % du PIB (1970 -
1997)
Source : BCEAO.
Les effets de la migration internationale sur les zones de
départ sont triples. La migration entraîne pour le Mali une perte
de main d'oeuvre qui peut être dommageable pour la production notamment
en raison des tensions sur le marché du travail observées en
période de pointes.
Les travailleurs transfèrent des ressources vers leur
pays d'origine. L'analyse est alors identique à celle de l'aide. Les
transferts permettent un accroissement de revenu et donc de bien-être.
Mais, rien n'assure qu'au Mali ces transferts permettent une augmentation de
l'investissement. C'est dire qu'en fonction de la structure de
préférence des maliens, ces transferts peuvent être plus un
substitut qu'un complément à l'épargne
intérieure.
58
Les travailleurs acquièrent des connaissances dont ils
font profiter, lors de leur retour, leurs compatriotes (externalité
technologique). Cet effet est indéniablement positif mais limité
dans la mesure où l'émigration internationale malienne concerne
des emplois peu qualifiés.
Ø Intégration régionale et
croissance :
En Afrique de l'Ouest la conjoncture économique de la
Côte d'Ivoire agit sur l'évolution économique de l'ensemble
des pays de la sous-région. Dans le cas du Mali, un test de
causalité de Granger met en évidence une
antériorité de la conjoncture ivoirienne sur la conjoncture
malienne qui peut être l'indice d'une causalité. Jusqu'à la
fin des années soixante-dix, la Côte d'Ivoire a
réalisé des taux de croissance économique remarquables
(graphique 17). On constate un effondrement des taux de croissance ivoirienne
à la fin des années soixante dix. Pendant la décennie
quatre-vingt, le taux de croissance du produit par tête est
négatif .La reprise est manifeste à partir de 1994.
La conjoncture du Sénégal, partenaire
économique important du Mali, a été marquée par une
forte instabilité du taux de croissance de 1965 à 1985
(graphique 18). A partir de 1985, le taux de croissance du
Sénégal se stabilise à un faible niveau. Une reprise
sensible intervient seulement en 1994 avec le changement de parité du
franc CFA.
59
Graphique 13 : Taux de croissance du produit
réel de la Côte d'Ivoire et du Mali en % (1960- 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
Graphique 14 : Taux de
croissance du produit réel du Sénégal et du
Mali
60
Source : Banque Mondiale, World Tables. Sénégal
Mali
Les économies ivoirienne et sénégalaise
peuvent affecter l'économie du Mali en suscitant des effets d'imitation
dans les choix de politiques économiques. Naturellement lorsqu'un pays
choisit une politique économique efficace, il a tendance à
être imité. Cet effet d'imitation est d'autant plus évident
actuellement que les pays ouest africains ont participé depuis
longtemps à des expériences d'intégration
régionale notamment dans le cadre de la CEDEAO et de la CEAO.
Actuellement la politique d'intégration régionale connaît
un nouveau développement avec les accords de l'UEMOA (Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine). Une des dimensions essentielles de
l'Union est l'adoption d'une politique commerciale commune à travers
l'instauration d'un tarif extérieur commun et d'une
libéralisation régionale des échanges. Un autre aspect
est la convergence des politiques budgétaires.
Mais il est possible, qu'à certaines périodes,
l'effet d'imitation ait joué d'une manière négative.
Ainsi, les politiques de protection des pays voisins, notamment de la
Côte d'Ivoire et du Sénégal, ont pu conforter la forte
protection mise en place par le Mali. De même, la faible
rémunération des producteurs agricoles de coton a aussi
été facilitée par des pratiques identiques de pays
voisins. Cet effet paradoxal s'explique aisément dans le cadre de la
théorie des choix publics qui met l'accent sur l'importance des
comportements de recherche de rentes et le caractère contagieux de ces
pratiques.
L'interdépendance des conjonctures provient
également d'un effet de diffusion de la croissance économique
dû à des externalités dans les décisions
d'investissement. Ainsi, peuvent se produire des externalités de demande
dans le sens où la productivité marginale du capital au Mali
dépend en partie des anticipations des investisseurs concernant la
demande en Côte d'Ivoire et à un moindre degré au
Sénégal. On peut aussi avoir à faire à des
externalités d'échange en présence de coûts de
transaction. En effet dans le cadre de l'apparition d'un marché
régional unifié, le développement des échanges
dû à un surcroît d'activité principalement en
Côte d'Ivoire profite à tous les pays de la région en
engendrant une baisse des coûts de transaction. Enfin, la transmission de
croissance peut transiter par des externalités technologiques. Nous ne
reviendrons pas sur le rôle des migrants. Mais, ces externalités
peuvent se produire quand les échanges d'informations sont plus
importants à l'intérieur d'une région qu'entre les
régions.
61
De plus, il est possible de considérer les
investissements d'un pays comme une étude de projet qui améliore
par effet externe l'information du voisin sur sa faisabilité. Enfin, le
Mali bénéficie des biens publics mis à sa disposition par
ses voisins : ports, routes, chemins de fer. Cet effet externe est
particulièrement important en raison de l'équipement remarquable
dans la région de la Côte d'Ivoire et dans une moindre mesure du
Sénégal.
III. Les résultats du modèle
économétrique :
Les estimations économétriques conduisent aux
observations suivantes :
- Les variables de capital humain par tête ne sont
jamais significatives et cela quelle que soit la variable approchée
retenue. Comment peut-on expliquer ce résultat ? Tout d'abord, les
mesures de capital humain sont, sans aucun doute, très imparfaites.
Ensuite le capital humain peut sans doute expliquer des écarts de
croissance entre pays mais il est peu vraisemblable qu'il puisse rendre compte
des variations annuelles très fortes du taux de croissance en raison des
délais nécessaires pour que les investissements en capital humain
agissent. Par contre, conformément à notre cadre
théorique, le produit par tête joue négativement.
Il est vrai qu'on saisit ici peut-être plus simplement
un effet de rattrapage du produit par rapport à son niveau normal.
- Concernant les variables d'environnement, le climat
revêt une grande importance pour expliquer les fluctuations de taux de
croissance. Les termes de l'échange jouent également le
rôle attendu. De la même façon une augmentation des apports
publics nets permet un taux de croissance plus élevé.
- La variable émeute ne prend des valeurs non nulles
que dans le cas du Mali. Par conséquent, cette variable capte une
variabilité temporelle au Mali et une variabilité spatiale entre
le Burkina et le Mali. Lorsqu'on travaille avec des données
empilées la constance d'une variable sur un pays ne justifie pas son
exclusion puisque dans ce cas, on se heurterait au problème de la
variable omise pertinente.
La variable muette additive Burkina Faso joue
négativement. Il est possible, avec prudence, d'interpréter ce
résultat par l'existence d'avantages structurels spécifiques au
Mali par rapport au Burkina (importance des ressources naturelles).
62
Tableau :Modèle sur les données de
panel : Burkina Faso et Mali (1966-1997) actualisées
Variable expliquée
|
Taux de croissance du P.I.B par tête
|
Nombre d'observations
|
50
|
Variable
|
Coefficients
|
T de student
|
Probabilité
|
Constante
|
4,21
|
2.34
|
0.2
|
Burkina Faso
|
-8.23
|
2.93
|
0.01
|
P.I.B par tête (-1)
|
-0.28
|
2.53
|
0.02
|
Transfert des migrants sur PIB (-1)
|
0.05
|
3.63
|
0.00
|
Termes de l'échange
|
0.23
|
1.92
|
0.06
|
Taux de croissance de la production
céréalière du sahel
|
0.07
|
1.65
|
0.10
|
Taux de croissance de la production
céréalière du sahel (-1)
|
0.09
|
2.57
|
0.01
|
Emeutes
|
-0.03
|
3.97
|
0.00
|
Aide par tête (-1)
|
0.04
|
1.79
|
0.08
|
Trend
|
-0.001
|
0.94
|
0.35
|
R2
|
0.54
|
|
|
R2 ajusté
|
0.43
|
|
|
Méthode
|
Moindres carrées
|
Newey-West
|
|
63
NB : La variable muette du Burkina Faso
a été introduite pour capter la spécificité de
cette dernière pour une utilisation des données de panel
permettant de tester des modèles de croissance (cf Islam 1995) :
c'est la méthode des effets fixes
CONCLUSION
La croissance du Mali a été d'une grande
irrégularité. Sur l'ensemble de la période 1968-97, la
croissance du produit intérieur brut malien par tête a
été de 0,7 % par an en moyenne. De 1960 à 1982, la
croissance a été de 0,6% par an. De 1983 à 1996, le taux
de croissance s'est élevé à 0,8%. Contrairement à
beaucoup de pays de la zone franc, le Mali est parvenu à obtenir sur
cette période, une croissance relativement soutenue du produit
intérieur brut par tête. La croissance a permis un certain
ralentissement du rythme de paupérisation de la population. Ces bons
taux de croissance sur une période aussi longue ne peuvent s'expliquer
uniquement par des conditions exogènes favorables. Il est vraisemblable
que les politiques de stabilisation et d'ajustement structurel menées
avec le concours des institutions de Bretton Woods ont joué un
rôle décisif. L'économie malienne est passée d'une
phase de substitution à l'importation et de dirigisme extrême
à une période où le rôle de l'Etat est de plus en
plus de permettre au marché de remplir son rôle d'allocation
efficace des ressources.
Cependant, le taux de croissance du Mali, évalué
sur une base annuelle, apparaît d'une grande instabilité ce qui
met en évidence l'influence de facteurs d'environnement. La performance
du Mali se caractérise par un rythme d'inflation modéré.
Par contre des déséquilibres importants au niveau de la balance
commerciale entraînent des soldes courants structurellement
déficitaires et cela malgré l'importance des transferts
unilatéraux privés (envois des travailleurs
émigrés) et publics (aide).
A long terme (1960-96), la croissance malienne a atteint 3,1 %
par an en moyenne (Touré, 2001). Il en est résulte une faible
croissance du revenu par tête, d'environ 0,8% (la croissance annuelle de
la population résidente est de 2,3 % sur cette période et la
croissance naturelle de la population est de 3,4 %). La croissance agricole a
été plus faible, de l'ordre de 2,5 %. La part du secteur agricole
au sens large (y compris l'élevage, la pêche, la foresterie, etc.)
était de 67 % du PIB en 1967 et de 48 % en 1996.
64
Depuis la d'évaluation de 1994, la croissance malienne
se situe entre 1,5 point de pourcentage au-dessus de sa tendance de long terme.
Entre 1996 et 2002, le taux de croissance moyenne était de 5,1 %. Ces
données doivent toutefois être considérées
croissance moyenne est de 5,1 % avec précaution, car ce sont de simples
estimations de base (1987) qui est maintenant bien éloignée.
L'une des caractéristiques de cette croissance est
d'être volatile car elle dépend toujours de façon cruciale
de la croissance dans le secteur agricole, qui reste très erratique.
65
Annexes
Le calcul de l'IDH
Sa construction utilise trois sous indices, chacun prenant des
valeurs comprises entre 0 et 1 dont on effectue la moyenne, le second est
lui-même une moyenne pondérée de deux indices composants.
Les trois sous-indices sont les suivants. On distingue chaque fois la
méthode permettant d'obtenir une valeur comprise entre 0 et 1.
1. Indice d'espérance de vie à la
naissance
L'espérance de vie à la naissance (E) s'exprime
en année. Pour la convertir en un indice (IESP) on utilise la formule
suivante : IESP = (E - 25)/(85-25). Le chiffre 85 représente en
effet un maximum qu'aucun pays n'atteint et n'atteindra vraisemblablement avant
longtemps et 25 est un chiffre nettement inférieur à ceux des
pays africains où la mortalité est la plus forte (leur
espérance de vie est d'environ 35 ans). Au Mali l'espérance de
vie est de 48 ans.
2. L'indice du niveau d'instruction
(alphabétisation + scolarisation)
L'indice de niveau d'instruction (INI) mesure le niveau
atteint par le pays considéré en termes d'alphabétisation
des adultes et de scolarisation dans les trois cycles d'enseignement (Taux
brute de scolarisation combiné). La procédure consiste tout
d'abord à calculer un indice pour l'alphabétisation des adultes
(part de la population alphabétisée entre 0 et 1) et un autre
pour la scolarisation (effectif scolarisé dans les trois cycles
divisé par la population d'âge correspondant).
Ces deux indices sont ensuite fusionnés (moyenne
pondérée) pour donner l'indice de niveau d'instruction, dans
lequel l'alphabétisation des adultes reçoit une
pondération des deux tiers et le taux brut de scolarisation d'un tiers.
Cette méthode a un sens dans les pays où l'alphabétisation
est un problème important et régulièrement suivi. Elle en
a moins dans les pays les plus développés où d'ailleurs
des statistiques fiables font souvent défaut (France par exemple) ce qui
amène alors le PNUD a leur attribué conventionnement un taux de
0,9.
66
3. Indice de PIB par
habitant
L'indice de PIB (IPIB) est calculé sur la base du PIB
par habitant (en PPA parité de pouvoir d'achat, ce qui signifie que si
même un panier de bien et de services représentatif de la
consommation française et de la consommation américaine, coutent
0,90 euros en France et 1 dollar aux Etats-Unis on dira que la parité de
pouvoir d'achat entre les deux est de 1 dollar pour 90 euros et on pourra
exprimer le PIB français en dollar PPA) corrigé par une fonction
logarithme à base 10. Cette correction repose sur l'idée
suivante : un revenu illimité n'est pas nécessaire pour
atteindre un niveau de développement humain acceptable. En introduisant
une fonction logarithme on retient donc l'hypothèse que, au delà
d'un certain niveau de richesse le développement humain progresse de
moins en moins pour un même taux de croissance, toute chose égale
par ailleurs pour les deux autres dimensions. Cette hypothèse est encore
renforcée par une autre convention concernant les seuils
inférieur et supérieur nécessaire à la correction
du chiffre de PIB corrigé en un indice compris entre 0 et 1 (ces seuils
jouent ici les même rôles que les 25 ans et 85 ans pour l'IESP).
Pour le PIB par habitant, le seuil inférieur est fixé à
100 dollars par an.
L'IDH est la moyenne simple (IESP + INI + IPIB)/3
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Bibliographie :
Azam J.P., J.C. Berthelemy et S. Calipel, 1996, «
Croissance et democratie », Revue Economique, vol. 3, n°47, pp.
819-829.
Berthelemy J.C., 1995, Quel avenir pour l'économie
africaine, Centre de Développement,
Noro M., 1998, Economies Africaines : analyse
économique de l'afrique subsaharienne, De Boeck, Bruxelles. Problemes
Economique Revue n°
Les nouveaux indicateurs de mesure de
richesse..........................
Les sites utilisés :
http://faostat.fao.org/. (Indicateurs du développement
dans le monde, disponible sur,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/DATASTATISTICS).
Afrobarometer (2002), Afro barometer Briefing Paper n°1,
Key findings about public opinion in Africa, (www; afrobarometer.org).
Foster A.D. et Rosenzweig M.R. (2003), « Agriculture et
Development, », consulté sur
http://www.aae.wisc.edu/www/events/papers/rosenzweig.pdf (2004).
Site de l'OCDE www.oecd.org/dataoecd/38/48/30751318.pdfv
Marouani M. (2003), Croissance Pro-pauvre au Mali, disponible
sur www.gtz.de/de/dokumente
ODHD (2003), Décentralisation & réduction de
la pauvreté, Rapport National 2005 sur le développement humain
durable au Mali, Bamako.(téléchargeable sur
www.undp.org).
Site de la Banque mondiale (
www.doingbusiness.org),
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