1 Historique du concept d'état-limite
Le terme borderline (état-limite) est apparu pour
la première fois dans la littérature médicale en 1884 avec
Hugues aux Etats-Unis pour désigner des cas de symptômes physiques
survenant au cours d'affections psychiatriques. L'état mental de ces
sujets oscillait toute leur vie entre démence et normalité.
Le concept d'état-limite a été
repéré historiquement comme limite à la nosologie
psychiatrique d'une part, et comme limite au fonctionnement analytique dans la
cure type d'autre part.
La fin du XIXème siècle est partagée entre 2
grands courants de pensée :
· La psychiatrie européenne, essentiellement
franco-germanique sous l'influence de Magnan (1891) en France et de
Kraepelin (1913) en Allemagne, s'est attachée à
créer une nosographie des maladies mentales et à délimiter
de grandes entités théoriques.
· La psychiatrie anglo-saxonne a un peu
délaissé les problèmes sous-jacents à la
classification nosographique pour se concentrer sur une vision beaucoup plus
clinique et pragmatique des troubles mentaux. La psychanalyse et la
phénoménologie s'efforceront d'étudier les processus
sous-jacents aux symptômes et syndromes.
Les deux courants se heurteront sans cesse dans leurs travaux aux
problèmes de limites.
· Du côté des classificateurs, la
volonté de « mettre les malades dans des
boîtes » se heurtera toujours à la complexité de
la réalité clinique, et la nécessité de
créer des « classes limites » et des
« limites de classe » apparaîtra très
tôt. Ces classes serviront à caractériser des formes
« atténuées »,
« pseudo », « mineures », etc. des
troubles mentaux :
Kraepelin décrit des formes atténuées
de démence précoce. Entre 1885 et 1890, Kahlbaum distingue
les héboïdophrénies des démences
précoces par leur propension à la délinquance et la
prévalence des troubles du comportement de type caractériel, sans
évolution déficitaire.
En 1921, Kretschmer partage les individus normaux en deux
catégories : les cyclothymes et les schizothymes, et
rapproche ces derniers de la schizoïdie, qu'il caractérise
par une inhibition associée à une impulsivité conduisant
à une inadaptation sociale sans survenue de processus dissociatif. Ce
concept est développé en 1924 en France par Minkowski.
A la même époque, Claude décrit les
schizoses et la schizomanie, qu'il situe entre les
névroses et les psychoses. Il proposera en 1939 le concept de
schizonévrose, développé également par
Ey en 1955, caractérisé par la coexistence de
comportements névrotiques polymorphes (hystérique, obsessionnel,
psychopathique) et de décompensations psychotiques aiguës
(délirantes ou discordantes).
· Du côté des psychanalystes, Jung parle
dès 1907 de psychotique introverti, Biswanger (1929) de
schizophrénie polymorphe pseudo-névrotique et Deutsch (1934)
évoque les personnalités « as if » qui
imitent une identité névrotique.
D'autre part, au cours de
la première moitié du 20ème siècle,
l'opposition radicale entre psychose et névrose s'est
atténuée grâce à l'affinement des définitions
et à la découverte de cas clinique n'entrant dans aucune de ces
deux catégories.
En 1938, Stern étudie le
« groupe borderline des névroses », Hoch et Palatin
(1949) présentent les « micropsychoses » comme des
formes pseudo-névrotiques de la schizophrénie.
Dans la
seconde moitié du 20ème siècle, ce sont surtout
les difficultés à poser des indications de cure psychanalytique
ou les difficultés rencontrées en cours de cure qui
amènent les psychanalystes à distinguer une troisième
catégorie de patients, composée de névrosés
atypiques.
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