III/ Consommation des trypanocides
et biais de communication.
De nos jours, les trypanocides demeurent les
médicaments utilisés pour lutter contre la TAA dans la province
du Kénédougou. Utilisés en grande quantité par les
agro-éleveurs et leurs prestataires, ce sont des substances chimiques
qui tuent les trypanosomes ou les empêchent de se multiplier. Il en
circule une gamme variée, appartenant à deux groupes de
médicaments : le Diminazène (DIM) et l'Isométhamidium
(ISMM). Identifiés sur le plan social par leurs noms commerciaux et par
leurs couleurs ils sont présentés en détail dans le
tableau ci-dessous.
Tableau 14: Trypanocides en circulation dans la
province du Kénédougou.
Trypanocides
|
Noms commerciaux
|
couleur
|
Posologie d'emploi
|
Durée de protection
|
Délai d'attente
|
Prix moyen (F CFA)
|
Diminazène
|
Berenil®, Veriben®, Lobazène®,
Sangavet®, Trypadim®, Diamyl®, Nozomyl®, etc.
|
Jaune
|
Curatif pour 3,5/7 mg/kg
|
7 à 14 jours
|
21jours
|
320/1,05g
2500/10,5g
|
Isométhamidium
|
Trypamidium® Securidium®, Samorin®,
Veridium®, etc.
|
Rouge
|
Curatif à 0,5 mg/kg
Préventif à 1 mg/kg
|
3 mois
|
30 jours
|
420/1g 3500/1,25g
|
Source : Résultat d'enquête.
Ils sont vendus en petit et grand sachet. Soit respectivement
1,05g et 10,5g pour le Diminazène ; 1g et 1,25g pour
l'Isométhamidium. Ils sont également commercialisés sous
forme de poudre ou granulée à dissoudre dans de l'eau bouillie et
refroidie à défaut de l'eau stérilisée et à
des proportions indiquées par le fabricant (souvent inscrites sur les
paquets). La solution obtenue est destinée à être
injectée dans l'organisme de l'animal. A ce stade, il est
recommandé d'injecter une solution mesurée en fonction du poids
de l'animal par voie intramusculaire pour obtenir un résultat efficace.
Dans le tableau ci-dessous on retrouve leurs modes de dilution respectifs.
Tableau 15: modes de dilution, dosages et sites
d'injection.
Typanocides
|
Petit sachet
|
Grand sachet
|
Dosages (mélange)
|
Concentration (en %)
|
Sites d'injection
|
DIM (Berenil®)
|
1,05g/12,5ml d'eau
|
10,5g/125ml
|
15ml
150ml
|
7
|
Cou, épaules et les fesses
|
ISMM (Trypamidium®
|
1g/100ml
1g/50ml
|
1,25g/12,5ml
1,25g/6,5ml
|
|
1
2
|
Cou, épaules et les fesses
|
Source : résultat d'enquête.
Leur distribution est assurée par une pluralité
d'acteurs sociaux ayant des rapports diverses à la médecine
vétérinaire. En effet, il ressort de nos entretiens deux
catégories de perceptions : « activité
principale » pour les vétérinaires privés
et une majorité des vendeurs de médicaments de la rue et
« activité secondaire » pour les agents
publics d'élevage, les vaccinateurs locaux, les éleveurs et une
minorité des vendeurs ambulants.
Du reste, affirme un docteur vétérinaire,
importateur/distributeur en gros de médicaments
vétérinaires, installé en clientèle privée
dans la ville de Bobo-Dioulasso et principale source de médicaments
trypanocides en circulation dans la province du Kénédougou :
« c'est ma profession. Depuis que je suis rentré de mes
études en 1994, j'ai commencé à
l'exercer ». De son point de vue, il s'agit d'une appropriation
individuelle et une défense de la profession vétérinaire,
mais les vendeurs ambulants revendiquent leur place. Ainsi, lorsqu'un vendeur
ambulant résidant au secteur n°4 de Orodara et importante source de
trypanocides provenant de la rue affirme: « j'ai abandonné
l'agriculture pour faire de cette activité mon occupation
principale », il en fait sa profession aussi. De même
quand l'unique agent public d'élevage en poste à Koloko affirme
ceci : « cette activité est une composante de ma
fonction d'agent public d'élevage installé à la
frontière ici », il situe sa place et son rôle.
Dans le même ordre d'idées, un vaccinateur local, initialement
formé à l'aviculture et réalisant de nombreux traitements
annuels dans le village de M'bié et environnants situe sa place en ces
termes: « c'est ma seconde occupation ici après
l'agriculture ».
Des perceptions qui riment avec leurs motivations
d'entrée dans cette activité. Le
« chômage » est la principale motivation
chez les vétérinaires privés. Certes pour la
majorité, c'est le « non accès à la
fonction publique » qui les a conduit à s'installer
à titre privé. Mais, cela est à nuancer, car certains ont
démissionné de la fonction publique pour s'installer en
clientèle privée. Ce qui a un impact sur leur motivation dans la
mesure où ils n'ont pas choisi la profession par vocation mais par
nécessité d'emploi. Pendant que les vaccinateurs et
éleveurs évoquent «la rareté des
vétérinaires », les vendeurs de la rue avancent
« le manque de pharmacies
vétérinaires » pour justifier leur pratique. C'est
pourquoi, ils sont prêts à tout faire sur le terrain et à
n'importe prix malgré leur manque de formation.
En outre, cette activité est exercée au sein
d'institutions publiques et privées vétérinaires
localisées à Bobo-Dioulasso, Orodara, Koloko et
Hèrèmakono d'une part et d'autre part dans la rue selon le
tableau ci-dessous. Ainsi, pour accéder aux animaux dans les villages,
les prestataires de services privés installés à
Bobo-Dioulasso doivent parcourir une distance maximale de 120 Km et une
distance minimale de 60 Km. De même, le vétérinaire
privé situé à Hèrèmakono (Mali) parcourt une
distance maximale de 60 Km et une distance minimale de 5 Km pour atteindre les
éleveurs. Et le seul pharmacien privé basé à
Orodara doit parcourir une distance maximale de 50 Km et une distance minimale
de 3 Km pour atteindre ses clients. Quant aux agents publics d'élevage
situés à Koloko et Orodara, ils doivent parcourir une distance
maximale de 50 Km et une distance minimale de 3 à 10 Km pour atteindre
les éleveurs. A l'analyse, les professionnels privés et publics
sont éloignés des agro-éleveurs au profit des non
professionnels présents dans les villages. En matière de
communication, cela entraîne la réduction des contacts entre
agro-éleveurs et prestataires de services professionnels dans la mesure
où les agro-éleveurs justifient leur recours aux non
professionnels par l'absence des vétérinaires privés et
l'insuffisance des agents publics sur le terrain. Mais, c'est un biais pour
échapper à la contrainte de distances et les frais y
afférentes qu'ils doivent supporter en allant consulter un professionnel
situé à 60 Km minimum. Ainsi, ressenti comme une contrainte par
les agro-éleveurs et leurs prestataires professionnels, le facteur
distance exerce une influence négative sur leur motivation et
réduit le nombre des contacts entre eux.
Tableau 16 : localisation des prestataires de services
par rapport à leurs clients.
Localisation des structures de santé
animale
|
Villages les plus éloignés (distance
maximale en Km)
|
Villages les plus proches (distance minimale en
Km)
|
Pharmacies privées à Bobo
|
120 Km
|
60 Km
|
Dépôt de Orodara
|
50 Km
|
3 Km
|
Agent public de Orodara
|
50 Km
|
7 Km
|
Agent public frontalier de Koloko
|
50 Km
|
10Km
|
Pharmacie à
Hèrèmakono
|
60 Km
|
5 Km
|
Vaccinateurs locaux
|
Dans les villages
|
Dans les villages
|
Vendeurs de médicaments de la rue
|
Dans les villages
|
Dans les villages
|
Agents communautaires de santé
animale.
|
Dans les villages
|
Dans les villages
|
Source : résultat d'enquête.
D'histoire récente, la majorité des structures
vétérinaires a été créée au cours des
années 1990 correspondant au début du processus de
libéralisation de la médecine vétérinaire au
Burkina Faso. De façon chronologique, les agents publics sont en
tête, suivis des importateurs/grossistes, des cabinets privés, des
vaccinateurs, des vendeurs de la rue et des agents communautaires de
santé animale. Cette mise en place est le reflet de l'histoire
évolutive du domaine de la santé animale au niveau national. En
effet, pendant longtemps l'offre des services vétérinaires
était assurée par l'Etat à travers les agents publics.
Ensuite sous la pression du programme d'ajustement structurel (PAS), on assiste
à la libéralisation de la profession vétérinaire.
Ce processus a conduit à l'émergence d'acteurs privés
chargés désormais d'offrir les services et les médicaments
vétérinaires aux éleveurs. L'Etat devant assurer un cadre
réglementaire adéquat. Mais, le manque de régulation a
entraîné l'apparition des non professionnels pour combler le vide
laissé par les acteurs publics et privés dans les campagnes.
Cette installation récente a eu pour impact le sous équipement
médico-technique et logistique des structures vétérinaires
privés.
Néanmoins la majorité dispose d'un
équipement de base à savoir l'eau courante,
l'électricité, le téléphone, l'ordinateur et le fax
dans les proportions ci-dessous. Ainsi, en matière de communication,
toutes les structures vétérinaires disposent de
téléphone pour assurer leurs besoins de communications avec
l'extérieur.
Tableau 17: équipement de base.
|
Eau courante (%)
|
Electricité (%)
|
Téléphone (%)
|
Ordinateur (%)
|
Fax (%)
|
Représentant
|
50
|
50
|
50
|
0
|
0
|
Importateur
|
0
|
100
|
100
|
100
|
50
|
Cabinets privés
|
44
|
67
|
56
|
44
|
22
|
Agents publics
|
67
|
67
|
33
|
0
|
0
|
Source : résultat d'enquête.
En outre la majorité ne dispose pas de
matériels techniques vétérinaires comme l'indique le
tableau suivant. Mais, il convient de savoir que les structures publiques sont
en général plus équipées que les structures
privées. Et parmi ces dernières, les cabinets de soins sont plus
équipés que les pharmacies grossistes. Ce manque de
matériels techniques vétérinaires affecte la
qualité de leurs prestations et par ricochet leur pouvoir de persuasion
en matière de communication. En effet, comment un professionnel de la
santé animale peut-il convaincre un agro éleveur de le
fréquenter pendant qu'il est lui-même en manque de
matériels de soins ? En communication si la parole permet de faire
entendre et comprendre certains faits et certaines idées, un support
matériel technique conséquent permet de faire voire et croire
à ces faits et idées.
Tableau 18: Proportion des équipements
techniques dans les structures sanitaires vétérinaires.
|
Représentants (%)
|
Détaillants (%)
|
Grossistes (%)
|
Cabinets de soins (%)
|
Services publics (%)
|
Salle de consultation
|
0
|
60
|
0
|
33
|
33
|
Table d'hospitalisation
|
0
|
20
|
0
|
11
|
33
|
Salle d'opération
|
0
|
0
|
0
|
0
|
33
|
Réfrigérateur
|
50
|
60
|
50
|
56
|
100
|
Congélateur
|
0
|
20
|
50
|
22
|
67
|
Microscope
|
0
|
0
|
0
|
0
|
33
|
Centrifugeuse
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Source : résultat d'enquête.
De même, le tableau ci-dessous indique que les agents
publics et les grossistes sont bien équipés en moyens de
transport. En revanche, certains cabinets de soins sont confrontés
à un manque de moyens de déplacement. Or, ils sont censés
effectuer de nombreux déplacement afin de couvrir leur zone
d'intervention. Par conséquent, leurs possibilités de contacts
avec les agro-éleveurs se trouvent considérablement
réduites. Du reste, « le manque d'équipement
logistique » est ressenti par l'ensemble des prestataires comme
une contrainte majeure dans leurs pratiques trypanocides.
Tableau 19: situation de l'équipement des
structures sanitaires vétérinaires en moyens de transport.
|
Motocycle (%)
|
Car (%)
|
Représentant
|
0
|
0
|
Indépendants
|
80
|
20
|
Grossistes
|
100
|
100
|
Cabinets privés
|
67
|
33
|
Agents publics
|
100
|
33
|
Source : résultat d'enquête.
Enfin, les non professionnels disposent d'un
équipement limité à la possession d'un vélo, d'une
moto, d'un thermomètre et d'une seringue selon le tableau ci-dessous. La
possession d'un vélo ou d'une moto par les non professionnels montre
à quel niveau ils sont susceptibles d'entrer en contact avec les
agro-éleveurs dans les campagnes les plus reculées de la province
du Kénédougou.
De plus, par la faveur des formations données par le
Projet ILRI/ BMZ, ils détiennent un matériel technique
vétérinaire composé de thermomètre, de ruban doseur
et de seringue capable de convaincre les agro-éleveurs de la
qualité de leurs prestations. De ce fait, ils apparaissent plus
crédibles aux yeux des éleveurs. Mais, leur manque de
qualification, leurs insuffisances de formation et d'expérience
constituent des risques d'acquisition de mauvaises informations sur la TAA.
Certes, ils ont le temps, les moyens médico-techniques et logistiques
leur permettant de nouer de nombreux contacts avec les agro-éleveurs,
mais ils ont peu de culture vétérinaire à les transmettre.
Tableau 20: état d'équipement des
prestataires non professionnel.
|
Vélo
|
Moto
|
Thermomètre
|
Seringue
|
Vendeurs de la rue
|
50%
|
50%
|
0%
|
10%
|
Vaccinateurs locaux
|
50%
|
70%
|
40%
|
90%
|
Agents communautaires
|
100%
|
22%
|
100%
|
95%
|
Source : résultat d'enquête.
De ce qui précède, la province du
Kénédougou connaît une faible couverture
vétérinaire de son territoire à raison de la
rareté des vétérinaires privés et de l'insuffisance
des agents publics d'élevage. Ce qui est une difficulté
structurelle qui contribue à réduire le nombre et la
fréquence des contacts entre agro-éleveurs et leurs prestataires
de services. A cela s'ajoutent les difficultés rencontrées dans
l'application des trypanocides à savoir la mentalité et
l'état d'esprit des prestataires, le temps, la qualité du
personnel, la nature, le coût et la rentabilité des prestations
offertes.
En effet, la majorité des structures
vétérinaires sont des « entreprises
individuelles » dont la recherche du profit et la
rentabilité caractérisent la mentalité et
déterminent l'état d'esprit de leurs responsables. Ce qui
entraîne une rareté des déplacements pour traiter deux ou
trois animaux. En contrepartie, ils ont un personnel employé pour
prendre en compte les plus petits besoins des consommateurs dont les
spécificités liées à chaque catégorie de
prestataires se présentent de la manière suivante. En moyenne,
les cabinets de soins emploient 2 à 3 personnes. Leur personnel est
composé de femmes et d'hommes adultes, jeunes, scolarisés, ayant
acquis des connaissances sur le tas dans leurs domaines respectifs. Ils
travaillent sur la base de l'expérience acquise au fil des
années. Le personnel qualifié se retrouve du côté
des importateurs /grossistes, qui, emploient des diplômés du
secondaire ou du supérieur. Employés comme vendeurs ou vendeuses
de médicaments, vaccinateur, agent commercial, magasinier,
secrétaire, comptable, assistant vétérinaire, chauffeur
et gardien, ils sont plus en contacts avec les agro-éleveurs. Mais, ils
sont sans qualification requise. Par conséquent, ils ont des
possibilités de communication limitée. A l'opposé, les non
professionnels n'offrent pas d'emploie salarié. Mais, ils sont
accompagnés dans leurs tâches quotidiennes par des personnes
apparentées.
Les prestataires de services ont des emploies de temps
variables. Mais, les non professionnels disposent d'un temps de travail plus
long que les professionnels. Ils consacrent en moyenne, 13,23 heures par jour
sur le terrain contre 8,3 heures pour les professionnels. De ce fait, ils
s'occupent plus dans la semaine, car 70% des non professionnels travaillent
sept jours sur sept dans la semaine contre 33% de professionnels. Cette
situation s'explique par le fait que les non professionnels ne disposent pas de
calendrier de travail conséquent et n'obéissent pas à
aucune législation en matière de travail contrairement aux
professionnels qui sont soumis à la codification socio juridique du
travail au Burkina Faso. Ainsi, pendant que les agents publics sont soumis au
calendrier de huit (8) heures par jours et cinq (5) jours dans la semaine, les
non professionnels affirment dans leur majorité qu'ils
n'ont « pas d'heure de travail ». Aussi, pendant
que la majorité des privés sont obligés de respecter la
règle de dix (10) heures maximum par jours et des temps de culte, la
majorité des non professionnels affirment qu'ils
« travaillent à n'importe quel moment »
pourvu que la demande se manifeste. Partant de là, les professionnels
sont soumis à une contrainte de calendrier de travail qui les oblige
à une gestion rationnelle du temps. Ainsi, ils procèdent à
une planification de leurs activités d'intervention dans laquelle la
priorité est accordée à la vente et au traitement au
détriment de l'information. Du reste, une analyse comparée de la
quantité de vente des trypanocides, du volume des traitements
réalisés et de celui des conseils donnés au cours d'une
année écoulée montre que les différents
prestataires accordent une faible place à l'information dans leurs
prestations. En effet, contre un total de 297 fois de conseils donnés en
douze mois, l'ensemble des prestataires professionnels ont vendu 6775 fois de
trypanocides et réalisé 1038 fois de traitements comme l'indique
le tableau ci-dessous.
Tableau 21: quantité de traitements
réalisés en douze mois selon les prestataires.
Nombre de fois de prestation / prestataire
|
Vente de DIM
|
Vente d'ISMM
|
Administrer DIM
|
Administrer ISMM
|
Conseils donnés
|
Représentants
|
225
|
60
|
0
|
0
|
130
|
Cabinets privés du BF
|
300
|
100
|
60
|
40
|
80
|
Cabinets privés du Mali
|
3000
|
300
|
12
|
1
|
30
|
Importateurs/grossistes
|
3000
|
800
|
0
|
0
|
0
|
Agents publics d'élevage
|
|
|
83
|
41
|
57
|
Total
|
6525
|
250
|
765
|
273
|
297
|
Source : résultat d'enquête.
Les trypanocides sont vendus sous plusieurs noms commerciaux
à des prix variables. Selon les tableaux suivants, les prix varient d'un
prestataire à un autre, d'un pays à un autre et en fonction du
volume du paquet.
Tableau 22: Prix du DIM en fonction du prestataire et
du volume du paquet.
|
Gamme de DIM
|
Prix moyen du petit sachet (CFA)
|
Fluctuation du prix (CFA)
|
Prix moyen du grand sachet (CFA)
|
Fluctuation (CFA)
|
Représentants
|
2
|
675
|
550-800
|
3525
|
3300-3700
|
Vétérinaires privés
|
3
|
672
|
600-750
|
3525
|
3300-3700
|
Grossistes
|
4
|
533
|
500-550
|
3500
|
3500
|
Agents communautaires
|
8
|
633
|
375-1000
|
5050
|
3500-6500
|
Vaccinateurs locaux
|
6
|
430
|
300-550
|
3536
|
2500-5000
|
Vendeurs de la rue
|
8
|
425
|
350-500
|
3515
|
2500-5000
|
Source : résultat d'enquête.
Au regard de ce tableau, les non professionnels offrent une
large gamme de trypanocides à dose unique et à des prix nettement
moins chers que les professionnels. Par contre les trypanocides à dose
multiple coûtent plus chers chez les non professionnels que chez les
professionnels. Le tableau ci-dessous met en relief cette différence de
prix entre les professionnels et les non professionnels.
Tableau 23: variation du prix du DIM entre les
professionnels et les non professionnels.
|
Gamme de DIM
|
Prix moyen /petit sachet (CFA)
|
Intervalle des prix (CFA)
|
Prix moyen/grand sachet (CFA)
|
Intervalle des prix (CFA)
|
Professionnels privés
|
4
|
647
|
500-800
|
3520
|
3300-3700
|
Non professionnels
|
11
|
554
|
100-300
|
4590
|
2500-6000
|
Source : résultat d'enquête.
De même, il existe une gamme variée de
trypanocides au Mali qu'au Burkina. Et les trypanocides du Mali coûtent
moins chers que ceux du Burkina. Par exemple, la seule pharmacie
d'Hèrèmakono, au Mali dispose plus de variétés de
trypanocides à coût moins élevé que l'ensemble des
onze (11) pharmacies investiguées au Burkina Faso.
Tableau 24: comparaison des prix du DIM au Burkina
Faso et au Mali.
|
Gamme de DIM
|
Prix moyen/petit sachet (CFA)
|
Intervalle des prix
(F CFA)
|
Prix moyen/grand sachet (CFA)
|
Intervalle des prix (CFA)
|
Pharmacies privées-Burkina Faso
|
4
|
647
|
500-800
|
3520
|
3300-3700
|
Pharmacie privée- Mali
|
5
|
325
|
300-400
|
2550
|
2250-3000
|
Source : résultat d'enquête.
Sous ce premier rapport, les prix de vente des trypanocides
sont déterminés par quatre facteurs à savoir : le
niveau de qualification du prestataire, la gamme existante, le lieu de
provenance et le prix d'achat. De ces facteurs, le prix d'achat est le plus
déterminant dans la mesure où les prestataires, offrant plus de
variété de trypanocides à prix moins chers
s'approvisionnent au Mali tandis que ceux qui offrent une gamme limitée
à prix élevé s'approvisionnent au Burkina Faso. Or, au
Mali, il existe une large gamme de trypanocides à des prix abordables.
Les facteurs explicatifs de ce constat sont liés à l'existence
d'une centrale de conditionnement des médicaments
vétérinaires basée à Sikasso et à la
flexibilité de la réglementation et des taxes fiscales et
douanières en matière de vente des trypanocides.
Dans cette logique, la disponibilité et
l'accessibilité des trypanocides semblent déterminer leur prix
chez les prestataires de services vétérinaires au
Kénédougou. Toutefois les prix sont influencés par le
volume du sachet contenant les trypanocides. En effet, il existe de petits
sachets contenant une dose de trypanocides et de grands sachets contenant de
multiple dose. Or, les trypanocides à dose unique (petit sachet)
coûtent plus chers au Burkina Faso que ceux à dose multiple tandis
que le contraire se vérifie au Mali. Il en découle que les
trypanocides à dose unique coûtent plus chers au Burkina qu'au
Mali tandis que ceux à dose multiple présentent des prix
sensiblement égaux. Cette variation des prix des trypanocides en
fonction du volume du sachet est perceptible à travers les tableaux
suivants. Il se dégage l'idée que le coût des trypanocides
est plus élevé dans les pharmacies vétérinaires au
Burkina Faso qu'au Mali. Du reste : « le coût
élevé des trypanocides » est évoqué
dans le discours des agro-éleveurs comme une contrainte dans
l'utilisation des trypanocides. Ce qui explique le recours vers les vendeurs
ambulants et les pharmacies du Mali avec qui, ils réalisent de nombreux
contacts au détriment des professionnels du Burkina. Par
conséquent, le coût élevé des prestations
apparaît comme un facteur défavorable à la
fréquentation des professionnels du Burkina.
Tableau 25: prix des trypanocides selon le volume du
sachet au Burkina.
|
Trypanocides
|
Prix moyen (CFA)
|
Prix moyen/grand sachet (CFA)
|
Prix moyen/petit sachet (CFA)
|
Veriben®
|
DIM
|
325
|
361
|
650
|
Trypamdim®
|
DIM
|
320
|
350
|
650
|
Trypamidium®
|
ISMM
|
425
|
461
|
679
|
Veridium®
|
ISMM
|
412,5
|
431
|
700
|
Source : résultat d'enquête.
Tableau 26: variation de prix entre grands et petits
sachets de trypanocides au Mali.
Gamme
|
Trypanocides
|
Prix/grand sachet (CFA)
|
Prix/petit sachet (CFA)
|
Diamyl®
|
DIM
|
300
|
225
|
Sangavet®
|
DIM
|
400
|
250
|
Diminaveto®
|
DIM
|
300
|
250
|
Trypamidium®
|
ISMM
|
412,5
|
600
|
Source : résultat d'enquête.
Pour terminer, il ressort des données que la marge
bénéficiaire de la vente des trypanocides est plus
élevée au Mali qu'au Burkina Faso. Mais, en fonction des
prestataires, elle est plus élevée chez les non professionnels
que chez les professionnels et plus élevée chez les importateurs/
grossistes que chez les détaillants des cabinets privés. Ce qui
s'explique par la concurrence déloyale des grossistes, des agents
publics et des vendeurs de la rue dont subissent les cabinets privés. Le
tableau ci-dessous présente cette marge bénéficiaire en
fonction des fournisseurs et du pays d'origine des trypanocides. Enfin, en
fonction de la catégorie de trypanocides et du volume du contenant, la
marge bénéficiaire est plus élevée pour la vente
des curatifs (DIM) que la vente des préventifs (ISMM) et plus
élevée pour la vente des petits sachets que la vente des grands
sachets. Toutefois, la vente des trypanocides génériques rapporte
plus de bénéfice que celle des trypanocides authentiques
(originaux). En conséquence, cette marge bénéficiaire
apparaît comme un important facteur qui favorise la
chimiorésistance et son développement dans la province du
Kénédougou dans la mesure où la vente des
variétés rapportent plus de bénéfice que celle des
trypanocides originaux (ou de qualité). Ce qui peut entraîner des
échecs de traitement à raison du sous-dosage de leur principe
actif depuis le lieu de fabrication. Or de l'avis de la majorité des
spécialistes interrogés, « le
sous-dosage » est présenté comme principale cause
de la chimiorésistance.
Mieux, en situation de résistance, les trypanocides
préventifs sont plus recommandés que les curatifs. Or, on
remarque que la vente des curatifs rapporte plus de bénéfice que
les préventifs. Il en découle que la vente élevée
des trypanocides curatifs peut favoriser le développement de la
résistance. Mais en terme d'incidence sur la communication, la recherche
de la rentabilité est une source de motivation des sorties de terrain
qui explique le refus des professionnels de se déplacer pour le
traitement d'un ou de deux animaux malades et le peu de temps accordé
à un éleveur qui vient acheter un ou deux sachets de
trypanocides. C'est pourquoi, on constate qu'une faible place est
accordée à l'information parmi les activités des
professionnels.
Tableau 27 : marge bénéficiaire de la
vente des trypanocides par type de fournisseur et
par pays.
Prestataires
|
Marge bénéficiaire moyenne
|
Prestataires
|
Marge bénéficiaire
moyenne
|
Cabinets de soins
|
9,9
|
Agents publics
|
10,6
|
Pharmacies/détaillants
|
8
|
Importateurs/grossistes
|
10,6
|
Professionnels
|
9,9
|
Non professionnels
|
23,6
|
Mali
|
14
|
Burkina Faso
|
9
|
DIM
|
10,9
|
ISMM
|
8
|
DIM original
|
9
|
DIM Générique
|
11,6
|
ISMM original
|
8,0
|
ISMM générique
|
8,1
|
Grand sachet
|
6,3
|
Petit sachet
|
13,8
|
Source : résultat d'enquête.
Les trypanocides vendus dans la province du
Kénédougou proviennent de deux sources principales : la
source Burkinabé et la source malienne. Au Burkina Faso, la
majorité des prestataires s'approvisionnent chez quatre (4)
importateurs/grossistes, basés à Bobo-Dioulasso. Ce sont FASOVET,
SODIVET, SAGRICHEM et SOPELA. En retour, les grossistes s'approvisionnent
auprès des firmes pharmaceutiques occidentales suivantes :
Laprovet, Merial, Ceva, Intervet et Keprovet. Au Mali, les non professionnels
s'approvisionnent chez Pharmavet Koné, Pharmavet Mali et Medivet. Ce
sont des importateurs/grossistes dont le premier est basé à
Sikasso et les deux autres à Bamako avec représentation à
Sikasso. Très spécifiquement, tous les prestataires de services
professionnels enquêtés au Kénédougou sud (Burkina
Faso) s'approvisionnent dans les trois pharmacies basées à
Bobo-Dioulasso. Par contre, les sources d'approvisionnement des non
professionnels sont diversifiées avec une prédominance de la
source malienne.
Pour cette catégorie de prestataires, les tableaux
suivants indiquent les sources et les origines géographiques des
trypanocides qu'ils vendent. Mais, d'ores et déjà, le secteur
informel reste leur principale source d'approvisionnement. En effet, la
majorité des non professionnels, soit 44% de notre échantillon
achète leurs trypanocides dans la rue et sur les marchés locaux
chez les vendeurs ambulants. Cependant, ils proviennent en majorité,
soit 47% de notre échantillon, du Burkina Faso.
Tableau 28: sources des trypanocides vendus par les non
professionnels.
|
Pharmacies
|
Secteur informel
|
Agents publics
|
Non spécifier
|
Vendeurs de la rue
|
9
|
6
|
0
|
3
|
Vaccinateurs locaux
|
6
|
11
|
1
|
3
|
Agents communautaires
|
23
|
27
|
1
|
3
|
Total
|
38%
|
44%
|
2%
|
9%
|
Source : résultat d'enquête.
Tableau 29: origine des trypanocides vendus par les
non professionnels.
|
Mali
|
Burkina
|
Côte d'Ivoire
|
Non spécifier
|
Vendeurs de la rue
|
10
|
5
|
0
|
3
|
Vaccinateurs locaux
|
6
|
13
|
1
|
0
|
Agents communautaires
|
19
|
29
|
1
|
0
|
Total
|
35%
|
47%
|
2%
|
3%
|
Source : résultat d'enquête.
De ce qui précède, nous retenons que les
trypanocides en circulation dans la province du Kénédougou
proviennent en grande majorité des firmes pharmaceutiques occidentales
en transitant par les importateurs/grossistes, les cabinets de soins
privés, les agents publics d'élevage, les vaccinateurs et les
agents communautaires pour parvenir aux agro-éleveurs. Leur provenance
géographique est la France et la Hollande en Europe ; Ouagadougou
et Bobo au niveau du Burkina Faso. Cependant, force est de constater que face
à ce circuit dit officiel, une part importante des trypanocides provient
des centrales de conditionnement des médicaments
vétérinaires du Mali. Basées à Bamako et Sikasso,
elles sont en relation avec des firmes pharmaceutiques sud américaines
et asiatiques. Fabriqués ou mis en conditionnement dans ces
différentes localités, les trypanocides parviennent aux
agro-éleveurs de la province du Kénédougou en transitant
par les pharmacies grossistes, les détaillants, les cabinets de soins du
Mali et les vendeurs de la rue.
Très spécifiquement, les vendeurs ambulants
sont les principaux vecteurs des trypanocides en provenance du Mali dans le
Kénédougou. Il se dégage alors un circuit de communication
intimement lié à la circulation des trypanocides dont les images
et les écritures figurant sur les emballages des médicaments
constituent les sources d'information. Dans cette logique, les actes d'achat et
de vente sont synonymes d'échange d'information en ce sens que l'agro
éleveur qui va acheter un paquet de trypanocide pose un acte symbolique
d'achat d'information. De même, en vendant ce paquet de trypanocides, le
prestataire pose un acte symbolique de vente d'information. D'où, il est
indéniable que la circulation des trypanocides s'accompagne d'une
circulation des informations sur la TAA. Il reste à savoir comment elles
sont véhiculées par les prestataires de services dans leurs
comportements quotidiens?
Dans les pharmacies et officines vétérinaires,
les trypanocides sont exposés sur des étagères dans des
emballages en paquets et séparés des clients par un comptoir. Ils
sont vendus sous forme de transaction dont la durée varie d'un vendeur
à un autre et en fonction du besoin du client. En la matière, les
débutants cherchant à attirer la sympathie et la confiance des
clients passent plus de temps en compagnie de leurs clients que les anciens
ayant une clientèle déjà constituée et
fidélisée. A cet titre, nous avons enregistré un temps
moyen de transaction égale à 2 mn pour les débutants
contre 1mn pour les anciens. De même, nous avons observé que les
importateurs/ grossistes passent moins de temps en compagnie des clients que
les cliniques-pharmacies. La transaction à ce niveau dure en moyenne 3
mn pour ces derniers contre 1 mn pour les premiers. Enfin, nous avons
observé que plus les besoins du client sont nombreux plus la transaction
s'avère longue.
Ensuite, cette transaction est initiée dans la
majorité des cas par le vendeur. Nous avons observé que lorsqu'
un client pénètre dans une pharmacie, il est accueilli avec
sympathie et courtoisie par un souhait de bienvenue par un personnel
employé composé en majorité de jeunes femmes,
scolarisées, jouant le rôle de vendeur et une minorité de
jeunes hommes scolarisés jouant le rôle de vendeur/vaccinateur.
Ces personnes reçoivent régulièrement un public
composé en majorité d'adultes à prédominance
masculine et analphabète. Leurs motifs de consultation concernent en
majorité des demandes « d'avis » ;
« de renseignements » ;
« d'achat de médicaments » et en
minorité des « demandes de consultation ou de
soins ». Mais, nous avons observé que dans les pharmacies
grossistes, ils concernent plus les « achats de
médicaments » tandis que les demandes de
« consultations ou de soins » s'observent
dans les cliniques-pharmacies. Ce public cosmopolite entre et ressort des
pharmacies sans aucun papier médical, seul ou en compagnie de leur (s)
animal (aux) malade (s).
Ainsi, nous avons constaté qu'il y a l'affluence dans
la majorité des pharmacies ; que les petits ruminants et les
animaux de compagnie constituent la majorité accueillie en
clinique ; que la majorité des déplacements concernent les
boeufs de labour et les troupeaux sédentaires et que la majorité
des besoins exprimés par les clients sont satisfaits. En effet, les
différentes sollicitations des clients trouvent réponse à
travers les stratégies suivantes:
1. les demandes « d'avis » et de
« renseignements » sont satisfaites en
majorité par des réponses accompagnées d'explications aux
différentes questions du demandeur.
2. les demandes « d'achat » de
médicaments sont satisfaites par la livraison des médicaments
désirés. Cette livraison se fait sans ordonnance et au comptant
dans la majorité des cas. Les crédits sont rares. Les
médicaments sont ensuite emballés dans des sachets et remis au
demandeur suivi de conseils sur sa posologie d'emploi dans la majorité
des cas.
3. les demandes de
« consultations » sont satisfaites par l'examen
clinique de l'animal. Il est réalisé dans la majorité des
cas par les responsables. Il se limite au diagnostic clinique. Quant aux
demandes de « soins médicaux », ils sont
satisfaits par les traitements. Ils sont réalisés en
majorité par les vaccinateurs. Et, dans la majorité des cas
observés, les injections sont bien faites, mais suivies de peu de
conseils.
Sommes toutes, il convient de retenir qu'il y a communication
et circulation des informations sur la TAA par le biais des contacts pendant
les occasions d'achat et de vente des trypanocides. Ainsi, de nombreux besoin
d'avis, de renseignement et d'informations sont satisfaits à travers les
stratégies de question-réponse et de conseil après vente.
Mais, les objectifs visés dans ce processus de communication concerne
plus le marketing social que la sensibilisation, l'éducation et la
communication pour une meilleure gestion de la TAA. De plus, vendre ou acheter
les trypanocides sans ordonnance médicale est entré dans les
habitudes de tous les acteurs. Cette pratique est d'ailleurs en quête de
légalité, au regard de la légitimité sociale dont
elle bénéficie auprès des praticiens. Enfin, au regard de
l'étroitesse des locaux et des difficiles conditions de
température, d'aération et de propreté dans lesquelles les
médicaments sont conservés, il convient de s'interroger sur la
qualité des médicaments vendus dans les pharmacies.
Néanmoins, cette interrogation devient cruciale et plein de sens lorsque
ces médicaments sont vendus dans la rue et sur les places du
marché.
De nos jours, la vente des médicaments dans la rue est
une réalité dans la province du Kénédougou.
Phénomène préoccupant pour la santé animale et la
sécurité de la profession vétérinaire, les
trypanocides de la rue sont exposés à l'air libre et à la
merci de la poussière sur des tables ou étalés à
terre sur des plastiques.
Si, sur les places du marché, les tables ou
étalages sont installés sous un hangar ou à l'ombre d'un
arbre, à domicile, on retrouve les médicaments rangés
dans des cartons au coin de la chambre. Mélangés à bien
d'autres médicaments vétérinaires ou humains, les
trypanocides sont transportés dans des cartons par vélo, par moto
ou par car du domicile vers le marché. Ils proviennent en
majorité des pharmacies maliennes. A ce sujet, les propos des acteurs
sont sans équivoques : « j'achète mes
médicaments en pharmacie, chez Pharmavet Koné ou Medivet,
à Sikasso » affirme un jeune vendeur ambulant
résidant à Orodara et fréquentant tous les principaux
marchés du Kénédougou sud et celui de Banfora.
« Moi, j'achète mes médicaments dans les pharmacies
à Sikasso (Mali), en particulier chez Pharmavet Koné»
ajoute un jeune vendeur ambulant, illettré, résidant au secteur
n°4 d'Orodara de grande renommée régionale. Ainsi donc, ce
sont des médicaments homologués. Toutefois, ils sont
fraudés vis-à-vis de la loi burkinabé dans la mesure
où ils entrent sur le territoire sans passer par la douane, ni
être soumis au contrôle de qualité.
La vente se fait en gros, en demi-gros ou en détail.
La livraison se fait le plus souvent après un long marchandage. Une fois
parvenu à un accord sur le prix, le vendeur les emballe dans un sachet
noir et les remet au client. Le paiement au comptant ou à crédit
est accepté par tous les vendeurs. Toutefois, les prix sont fixés
suivant la quantité de sachets de trypanocides demandés. De
conditions de conservation inappropriées, les médicaments de la
rue, bien qu'illégalement vendus, sont néanmoins consommés
par la majorité des agro-éleveurs. En effet, nous avons
observé qu'un public large et à dominance masculine ;
composé d'enfants et d'adultes ; de jeunes et de vieux ;
d'analphabètes et de scolarisés et même de
spécialistes de la santé animale vient acheter les
médicaments de la rue. Toujours en conversation, excité, envahi
par les clients, le vendeur est le premier à interpeller son client. En
effet, nous avons observé que dans la majorité des cas, le
vendeur est l'initiateur de la transaction. Du reste, cela fait partie
intégrante de leurs stratégies de vente à savoir la
criée, l'interpellation, le porte à porte etc. Mais, force est de
constater que ces vendeurs manquent le plus souvent de temps pour
échanger les salutations d'usage avec leurs clients. Alors, la
transaction commence par le questionnement du client pour s'enquérir de
ses problèmes. Ainsi, la majorité des problèmes
exposés par ces derniers sont « l'achat de
médicaments » et les « demandes de
renseignements ». Lesquels trouvent solution à tous les
coups, même mauvaise. C'est pourquoi, nous avons constaté que les
vendeurs livrent une quantité importante de conseils à leurs
clients. Mais, il reste à savoir quelle est leur qualité afin de
saisir leur possibilité d'information des agro-éleveurs ?
Car, la majorité de ces vendeurs de la rue sont analphabètes,
jeunes et désoeuvrés qui ont choisi ce travail par
nécessité d'occupation. Ne sachant ni lire ni écrire, ils
se réfèrent à l'expérience et aux images figurant
sur les emballages des médicaments pour se constituer en
vétérinaire.
Ce manque de qualification et de connaissances est
exprimé par l'ensemble des acteurs rencontrés en ces
termes : « nous ne savons pas lire ni écrire, nous ne
sommes pas non plus allés à l'école, apprendre ce que nous
faisons comme travail actuellement. Nous regardons ce que nous montre les
images figurant sur les emballages des médicaments pour
travailler ». Dans ce sens quelle culture
vétérinaire ont-ils à transmettre aux agro-éleveurs
avec qui les contacts sont nombreux et fréquents ?
Enfin, à travers les pratiques et attitudes suivantes
issues de l'observation directe de quatorze (14) cas de traitements
effectués par deux (2) vaccinateurs locaux, un vétérinaire
privé, un agent d'élevage et un gérant de
dépôt pharmaceutique, une certaine culture
vétérinaire tend à se formaliser.
- un traitement dure en moyenne 4 mn ;
- il s'effectue sans véritable diagnostic ;
- les acteurs ont une bonne maîtrise des techniques
d'injection, car la profondeur d'injection et le retrait de la seringue se
passent sans écoulement de sang ni de produits ;
- une bonne connaissance des produits
indiqués ;
- une bonne connaissance des sites d'injection et des voies
d'administration, car les sites révélés sont les fesses,
les épaules et le cou. La voie d'administration intramusculaire est
utilisée par tous les prestataires ;
- un surdosage des produits, car 65% des prestataires font
recours à la double dose ;
- une injection des produits sans estimation du poids de
l'animal ;
- un manque de propreté dans les injections, car les
conditions d'hygiène et de propreté telles que le lavage des
mains, la stérilisation du matériel technique (seringue et
aiguille), le nettoyage du site d'injection ne sont pas
respectées ;
- un manque de suivi des traitements ;
- une rareté de conseils, car au-delà des
conseils sur la posologie d'emploi des médicaments et sur la
prévention, rien ne se dit sur les soins d'un animal malade,les causes
de la maladie, le délai d'attente, la protection des produits et
l'attitude à adopter en cas d'échec du traitement ;
- les prestataires ne sont pas sensibilisés sur les
échecs de traitements, ils ont estimé en majorité un taux
d'échec de traitement inférieur à dix pourcent (10%). Or,
les études épidémiologiques et parasitologiques ont
révélé un taux moyen de quarante pourcent (40%) dans les
villages du Kénédougou.
En résumé, une pluralité d'acteurs
sociaux intervient dans l'offre des services vétérinaires dans la
province du Kénédougou. Ayant des caractéristiques et des
logiques d'action différentes, ils développent un ensemble de
stratégies de marketing social qui leur permettent de communiquer avec
les agro-éleveurs.
Mais, la période de vente ou de traitements
trypanocides demeure la principale occasion de contact avec les
agro-éleveurs. Au cours de ces contacts, il y a non seulement
échange de trypanocides contre de l'argent mais aussi échange
d'informations, de conseils et de connaissances sur la TAA provenant
essentiellement des images et écritures figurant sur les emballages.
Toutefois, la qualité de l'échange se trouve affecter par un
certain nombre de difficultés rencontrées par les prestataires
dans l'application des trypanocides. De nature structurelle, professionnelle,
économique, socioculturelle et contextuelle, elles ont produit deux
effets sur la communication à savoir la réduction des contacts et
l'apparition de sources de blocage, de rétention, de distorsion,
d'intoxication, de déformation des informations et de sous information.
Mais, l'action conjuguée d'un ensemble d'éléments
imbriqués les uns dans les autres dont l'insuffisance des professionnels
de la santé animale sur le terrain expliquent l'apparition des deux
effets. D'où, les agro-éleveurs manifestent de nos jours un grand
besoin d'information de qualité sur la TAA en dépit des
connaissances dont ils disposent et de la présence massive des vendeurs
ambulants et vaccinateurs locaux dans leurs villages.
Chapitre IV : besoin et stratégies d'information
chez les agro-éleveurs.
Ce chapitre vise à analyser le besoin d'information
des agro-éleveurs et à décrire leurs stratégies de
communication en vigueur. Pour ce faire, nous partons des analyses statistiques
des données d'enquête et de l'analyse du contenu des entretiens
réalisés sur les sources d'information des agro-éleveurs
dans la province du Kénédougou.
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