Les Faillites Internationales dans l'OHADA( Télécharger le fichier original )par S. Melchi ZOUNGRANA Université de Ouagadougou - Maîtrise Droit de Affaires 2003 |
§ II. La question de la compétence législativeSi dans leur mise en oeuvre les procédures collectives internationales sont susceptibles de créer des conflits de juridictions16(*), il faut aussi noter la concurrence de lois qui peut s'y grever. Avant de donner ne serait-ce que brièvement un aperçu sur la question des éventuels conflits de lois pouvant survenir à cette occasion (B), il est intéressant de savoir s'il n'existe pas de règle de conflit de lois à laquelle les juridictions doivent se référer (A). A. La règle de conflit de loisEn principe, le problème de la loi applicable ne se pose pas parce qu'on estime que la juridiction compétente va appliquer sa loi nationale : la célèbre «lex fori»17(*), qu'il s'agisse de procédure principale (du lieu du principal établissement ou lieu du siège) ou secondaire (du lieu d'un simple établissement18(*)). Cette loi concerne notamment les conditions d'ouverture, de saisine de la juridiction, d'organisation comme de déroulement de la procédure et en principe s'étend aux conséquences sur la situation des créanciers et le sort du débiteur. Mais, l'action en justice a une nature mixte : substantielle et processuelle. Elle comporte, en effet, un aspect substantiel puisqu'elle assure la protection d'un droit ou d'un intérêt juridique. Elle comporte également un aspect processuel car le mode de la protection d'un droit s'actualise dans une procédure. Cette double nature de l'action explique, qu'on doit distinguer ce qui relève de la substance du droit et ce qui relève de la procédure. Les conditions procédurales échappent aux conflits de lois et sont soumises, de façon nécessaire, à la lex fori ; les conditions se rattachant à l'aspect substantiel sont soumises aux conflits de lois et il faut rechercher la loi applicable19(*). B. la question de la loi applicable en matière d'insolvabilité internationaleDes conflits de lois peuvent survenir au stade de l'ouverture de la procédure surtout si celle-ci doit étendre ses effets au-delà du territoire national. L'existence d'une « loi de la faillite»20(*) ne saurait signifier que cette loi est susceptible de s'appliquer sans exception, à toutes les opérations de la faillite et à tous ses effets. Il peut arriver que des conflits surgissent entre, la lex fori, la loi régissant le statut juridique du débiteur, la loi de la situation des biens, et la loi du contrat dont la faillite entraîne l'annulation21(*). Pour les modes de saisine des juridictions, la logique voudrait que soit appliquée la loi nationale de chaque juridiction sans aucune contestation possible. En effet, la territorialité de la loi applicable se double ici d'un second argument, du fait que les modes de saisine constituent une question de procédure qui, en tant que telle, doit nécessairement être soumise à la loi du for. On concevrait mal qu'une juridiction se réfère à une loi étrangère pour déterminer les modes de sa saisine. L'AUPC en donne une solution en prévoyant trois modes de saisine22(*). Quant au conflit entre la lex fori et la loi régissant le statut juridique du débiteur, il ne surgit évidemment que lorsque ces deux lois ne coïncident pas. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit d'une faillite locale prononcée par la juridiction du pays de l'établissement secondaire ou de la succursale23(*). Le conflit entre la lex fori et la lex rei sitae (loi du lieu de situation des biens), se pose au contraire au cas de faillite prononcée par le tribunal du domicile du débiteur ou du siège social de la personne morale, car la faillite locale n'englobant que les éléments du patrimoine situés dans le pays sur le territoire duquel la faillite est prononcée, la lex rei sitae coïncide alors avec la loi du for. Quant au conflit entre la lex fori et la loi du contrat, il naît du fait que la faillite entraîne l'annulation ou l'inopposabilité de certains actes accomplis pendant la période suspecte. L'AUPC limite la possibilité de survenance de ces conflits de lois puisqu'il constitue, un véritable ensemble de règles matérielles de droit international privé s'imposant à tous les Etats-parties. * 16 La notion de conflit de juridictions est inappropriée puisqu'il n'y a pas réellement de concurrence de juridictions. Mais nous l'employons pour exprimer le sérieux problème de la détermination de la compétence internationale des juridictions et des effets des jugements rendus à l'étranger. * 17 Loi du tribunal saisi. Par hypothèse, la loi de la juridiction universellement compétente. * 18 V., COVIAUX J. C., Procédures collectives en Droit international, J. CI, Droit international, fasc. 56910. * 19 V. MEYER P., Droit international privé burkinabé et comparé, éd André BOLAND Namur 1993, p. 244. * 20 Ici considérée comme la loi du for : la loi du tribunal qui a retenu sa compétence internationale pour connaître l'ouverture de la procédure collective internationale. * 21 Cf. ROLIN, les conflits de lois en matière de faillite, RCADI., la Haye, 1926, p. 37. * 22 Saisine d'office (art.30), par déclaration du débiteur (art. 25), par assignation des créanciers (art. 28). * 23 Sur ces critères les procédures collectives sont dites territoriales. |
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