2.1.2. Demande et consommation
Selon Dadié (anonyme), la théorie
microéconomique néoclassique et marginaliste confond la
consommation et la demande d'un bien, confondant ainsi la destruction d'un bien
avec l'intention d'achat qui dépend du prix.
Selon cet auteur, la demande est une intention d'achat d'une
certaine quantité d'un bien ou d'un service pour un prix donné.
On parle alors de demandes virtuelles, idéales, notionnelles et
rationnelles.
La demande de marché est une demande solvable car elle
indique la quantité de biens et services qu'un agent peut acheter. La
relation entre le prix et la quantité demandée est telle qu'une
augmentation de prix entraîne une baisse de la demande pour un revenu
donné, et inversement une diminution du prix entraîne une
augmentation de la demande. Cette loi formulée par Cournot (1838,
cité par Dadié, op.cit) a néanmoins des
exceptions : l'effet Giffen qui s'applique aux biens
inférieurs ; l'effet d'anticipation ; l'effet de snobisme et
d'imitation. Ces deux derniers effets impliquent cependant une
hétérogénéité des produits disponibles pour
satisfaire le même besoin fondamental. Deux produits de même
apparence, mais de prix différents par la fonction d'information seront
considérés comme différents. Il se peut donc que le
produit le plus cher soit le plus demandé par le jeu de l'effet de
snobisme ou par le jeu de la sélection adverse compte tenu de
l'asymétrie de l'information (demandeur moins bien informé que
l'offreur).
Selon J.Boncoeur et H.Thouément, cités par
Dadié (op.cit.) la notion de demande dans la théorie
économique fait très souvent appel au prix pendant que celle de
consommation fait plus souvent appel au revenu, le prix des biens étant
fixé.
2.1.3. Élasticités
Les élasticités sont dérivées
directement de la fonction de demande ou de la fonction d'offre. Elles mesurent
la sensibilité des acheteurs et des vendeurs à une variation dans
les conditions du marché et permettent alors d'analyser l'offre et la
demande avec une plus grande précision. « Étant des
nombres sans dimension, les élasticités permettent des
comparaisons entre classes et par conséquent l'énoncé de
jugement de valeur quant à l'effet des politiques
étatiques » (Savadogo, 1990). Par exemple, lorsque le
revenu par tête augmente, que se produit-il sur le marché du riz?
Quel est l'effet des changements des conditions de marché sur les
producteurs ? Et si l'effet s'amplifie, quel serait l'impact pour
l'économie globalement ? Pour analyser ces questions, Savadogo
(1990), précise que l'on doit disposer d'une
« connaissance des réactions à la marge des agents
économiques, au changement des variables sous le contrôle du
décideur ».
Il existe quatre (4) types d'élasticités,
l'élasticité-prix de la demande,
l'élasticité-revenu, l'élasticité-prix
croisée de la demande et l'élasticité-prix de l'offre.
Ø Elasticité-prix de la demande et
l'élasticité prix de l'offre
L'élasticité-prix exprime la variation relative
de la demande ou de l'offre induite par une variation relative du prix, toutes
choses égales par ailleurs. L'élasticité-prix directe
fournit la variation que subira la demande ou l'offre en réponse
à la variation de 1 % du prix.
Dans le cas de la demande, les élasticités-prix
directes sont négatives puisque la plupart du temps une augmentation du
prix entraîne une diminution de la consommation (exception faite des
biens de « Giffen» dont la consommation augmente avec le prix).
C'est-à-dire que lorsque son prix monte, la quantité
demandée diminue (Bazoche et al, 2005). Selon Ravelosoa, et
al (1999), en moyenne à Madagascar une hausse de 1 % du
prix de riz entraîne une baisse de sa consommation de 0,8 %.
Les élasticités-prix directes sont positives
dans le cas de l'offre, puisque contrairement à la demande, une
augmentation du prix entraîne dans la plupart du temps, une augmentation
de l'offre.
Les produits dont l'élasticité (en valeur
absolue) est supérieure à 1 sont fortement sensibles au
prix ; cela indique qu'une augmentation de 1 % du prix fera diminuer
la consommation ou fera augmenter l'offre de plus de 1 %. Ainsi, la
variation de la consommation et celle de l'offre sont plus que proportionnelles
à la variation du prix. Ceux dont l'élasticité (en valeur
absolue) est inférieure à 1, est inélastique et est donc
peu sensible aux prix. Les différents types d'élasticités
sont présentés dans le tableau 2.1 ci-dessous.
Tableau 2.1 : Les
différents types d'élasticité prix
Différents
valeurs de
l'élasticité
|
Différents types
d'élasticité
|
Caractéristique du comportement du consommateur et du
vendeur
|
![](Demande-du-riz-importe-demande-et-offre-du-riz-produit-localement-au-Togo-une-etude-econometrique2.png)
>1
![](Demande-du-riz-importe-demande-et-offre-du-riz-produit-localement-au-Togo-une-etude-econometrique4.png)
![](Demande-du-riz-importe-demande-et-offre-du-riz-produit-localement-au-Togo-une-etude-econometrique5.png)
![](Demande-du-riz-importe-demande-et-offre-du-riz-produit-localement-au-Togo-une-etude-econometrique6.png)
|
Parfaitement
Élastique
Élastique
Élasticité unitaire
Inélastique
Parfaitement
inélastique
|
Une petite variation du prix entraîne une augmentation
infinie de la quantité demandée ou offerte ; courbe de
demande et d'offre horizontale ; prix du produit fixe.
Une petite variation du prix entraîne une variation plus
grande (plus que proportionnelle) des quantités demandées ou
offertes.
Une petite variation du prix entraîne un changement
proportionnel dans la quantité demandée ou offerte.
Une petite variation du prix entraîne une variation
encore plus petite (moins que proportionnelle) de la demande ou de l'offre.
Un changement donné de prix n'entraîne aucune
modification de la demande ou de l'offre ; courbe de demande ou d'offre
verticale ; demande ou offre fixe quelque soit le prix.
|
|
Source : adapté de Ravelosoa, et
al (1999).
Ø Élasticité-prix
croisée de la demande
La consommation d'un bien peut être influencée
par le prix d'autres biens et l'on parle alors d'élasticités
croisées. À Madagascar, par exemple, dans certaines
régions le prix du riz influe fortement sur le niveau de consommation du
manioc (Ravelosoa, et al, op.cit). Ce type
d'élasticité permet de distinguer les biens
complémentaires des biens concurrents.
Un bien est dit « complémentaire »
si l'augmentation du prix diminue la consommation du bien initial, alors que le
prix de celui-ci est resté inchangé ( <0). Un bien est considéré comme
« substituable » si une diminution relative de prix de
celui-ci implique une diminution relative de la consommation du bien
initial >0).
L'évaluation de l'impact de la variation du prix d'un
bien substitut permet de déterminer à quel point ces deux
substituts sont proches du point de vue du consommateur.
Ø
Élasticité-revenu
Elle mesure la variation en %, de la quantité
demandée d'un bien suite à une variation de 1 % du revenu
des consommateurs. Les élasticités par rapport au revenu sont des
informations essentielles pour prévoir les structures de la demande des
consommateurs à mesure que l'économie croît et que les gens
deviennent plus riches.
Il s'agit cette fois-ci de comprendre l'impact d'une variation
du revenu sur la consommation du riz. L'un des apports essentiels de cette
notion d'élasticité-revenu est qu'elle permet une classification
des biens (Tableau 2.2). Ainsi, la consommation d'un bien
« inférieur » diminue avec l'augmentation du revenu.
Celle d'un bien « normal » augmente moins que
proportionnellement avec le revenu, la consommation d'un bien de
« substitution » augmente plus que proportionnellement avec
le revenu.
Tableau 2.2 : Classification des biens
Valeur de l'élasticité-revenu
|
Caractéristique du bien
|
< 0
[0 1]
> 1
|
Bien inférieur
Bien normal
Bien de luxe
|
Source : Bazoche et al, 2005
2.2 Déterminants de la demande des produits
alimentaires
Selon la théorie économique le prix, le revenu
et les préférences des consommateurs, sont les principaux
facteurs qui déterminent la demande d'un bien. Mais en
réalité, les facteurs sociodémographiques conditionnent
également pour une grande part la demande de consommation au niveau
ménage. C'est pourquoi de nombreuses études portant sur la
demande des biens alimentaires incorporent dans le modèle final les
facteurs sociodémographiques (Savadogo et al, 1988 ;
Savadogo, 1990, Koffi-Tessio, 2002, Chern et al, 2002).
Les variables démographiques souvent prises en compte
sont : éducation, composition du ménage par âge et par
sexe, état matrimonial, occupation.
Savadogo (1990) a montré que la composition par
âge et par sexe a un effet significatif sur la demande du riz en Sierra
Léonne. Selon son étude, la présence de femmes
âgées de 35 à 64 ans dans les ménages
libériens a un rôle positif sur la part du riz local, tandis que
celle de femmes plus jeunes (13-34 ans) et d'enfants d'âge moyen influe
positivement sur la part du riz importé. Savadogo et al (1988),
montre également que le revenu, l'éducation, la taille et la
composition des ménages sont les facteurs qui déterminent, la
consommation des biens alimentaires et non alimentaires des ménages au
Burkina Faso.
2.3 Déterminants de l'offre des produits
agricoles
Koffi-Tessio (1997) dans son étude sur l'estimation
économétrique de l'offre de coton et de café au Togo
souligne que le débat sur les incitations de l'offre agricole est
partagé entre deux courants de pensée : les
défenseurs des facteurs-prix ("Pricistes?) et les
défenseurs des facteurs autres que le prix
("Structuralistes?).
Les "Pricistes" pensent que l'accroissement des prix au
producteur et la dévaluation constituent des mesures incitatives
à l'offre. Lipton (1987, cité par Koffi-Tessio, op.cit)
est l'un des "Pricistes" qui pensent que cette politique est une solution
à la crise agraire en Afrique. Il affirme par ailleurs que :
« Les petits agriculteurs réagissent de manière
significative aux prix (même aux taux de change) fixés par
l'État. Ainsi, des prix au producteur plus élevés
augmenteraient le Produit National Brut (PNB) de chaque pays en
développement et pour tous les pays...» (P.326).
Samlaba (1992) affirme que des prix agricoles très bas
ne permettent pas une incitation et une motivation des agriculteurs à
produire davantage. Selon cet auteur, les producteurs réagissent
plutôt à une augmentation des prix. De plus, une étude de
la FAO fait remarquer qu'en 1983, lorsque le gouvernement ougandais a
doublé les prix des denrées alimentaires, l'on a observé
un accroissement de 400 % de la production des denrées
(Kintché, op.cit.).
Koffi-Tessio(1997) souligne par ailleurs que de manière
générale, « les élasticités de
l'offre des produits agricoles par rapport à leur prix relatif sont
significatives» ; cependant, il précise que
cette réponse de l'offre par rapport au prix est faible en
utilisant les données chronologiques que les données en coupe
transversales. Ce fait a été démontré par Peterson
(1979, cité par Kintché, 2005) qui en utilisant des
données chronologiques a montré que la réponse de l'offre
agricole par rapport au prix est faible. Koffi- Tessio (citant Peterson, 1979)
affirme que cette différence de réponse s'explique par le fait
que l'utilisation des données en coupe instantanée
présente des limites puisqu'elles ne permettent pas de prendre en compte
les facteurs d'offre spécifiques à chaque pays et que les
élasticités obtenues reflètent l'effet de
différents facteurs et non uniquement des prix.
D'une manière générale, Koffi-Tessio
(1997) pense que « l'élasticité-prix de l'offre
agricole agrégée» est faible et ne permet pas de
soutenir la thèse selon laquelle les prix élevés
entraînent une réaction positive de l'offre agricole. Aussi,
certaines études montrent que les élasticités-prix de la
fonction de réaction de l'offre globale sont généralement
faibles, variant entre 0,2 et 0,4 (Beynon, 1989). D'autres études
indiquent que les élasticités de l'offre globale aux incitations
prix varient entre 0,3 et 0,9 et sont plus faibles que les
élasticités des autres variables incorporées dans le
modèle (Bruce, 1980 ; Bond, 1983 ; Cleaver, 1985 ;
Biswanger et al, 1987 ; Chibber, 1988 ; Shapiro et Berg, 1988 ;
Rao, 1989 ; Pravin, 1992 ; cité par Koffi-Tessio,
op.cit.).
Une revue des travaux réalisés dans les pays
africains au sud du Sahara met en doute l'efficacité des politiques des
prix et des réformes de commercialisation de la production agricole
(Smith, 1989). La raison fondamentale est que les mécanismes de prix
fonctionnent efficacement lorsque d'une part, toutes les ressources et les
biens sont échangés à travers des marchés bien
intégrés et concurrentiels, et d'autre part lorsque les pays
africains concernés ont la capacité administrative et
organisationnelle d'intervention efficiente. Dans tels cas les reformes de prix
de l'offre entraînent un accroissement des prix aux producteurs et
éliminent les subventions aux prix alimentaires (Koffi-Tessio,
op.cit).
Les « structuralistes » pensent quant
à eux que la faible réaction de l'offre est due principalement
aux retards technologiques et structurels.
D'après Koffi-Tessio (1997), cette école de
pensée a été résumée par Delgado et Mellor
(1987) de la manière suivante : « ... La croissance
de la production dépendra de l'innovation technologique qui
réduit les coûts unitaires de production. Il convient donc de
mettre en place des systèmes de distribution des intrants, des
infrastructures rurales et systèmes de vulgarisation et de recherche
efficace. Sans cela, les variations de prix produiraient un effet limité
et faible sur l'offre»' (pp.667-668).
Selon certains auteurs, en l'absence des variables
structurelles les incitations par les prix auront des résultats
limités (Delgado et Mellor, 1987 ; Beynon, 1988 ; Bonjean,
1990).
Au moins huit contraintes ont été
identifiées comme étant responsables de la faible performance de
la production agricole : imperfection des marchés, rareté
des biens de consommation, faiblesse du capital humain, difficultés
d'accès à la terre, limitation de la main d'oeuvre et de
capitaux, niveau technologique archaïque et infrastructures rurales
inappropriées. Ces variables sont considérées par les
structuralistes comme plus significatives que les variables prix pour la
relance de la production agricole (Koffi-Tessio, op.cit).
Parmi les économistes ?structuralistes?, Delgado
et Mellor (1987) ont démontré que les investissements dans les
infrastructures rurales accroissent directement la production agricole, en
réduisant les coûts moyens de production tout comme en
améliorant l'efficacité des marchés et la réaction
aux incitations par les prix. Des études au Burkina Faso ont
montré que des changements technologiques dans le secteur cotonnier ont
entraîné une amélioration du profit du producteur ; de
plus, la supériorité de l'effet positif de l'irrigation par
rapport à celui du prix sur l'offre du blé a été
démontrée au Punjab (Ranate, Gha et Delgado, 1988, cité
par Koffi-Tessio, 1997).
Selon Ogbu et Gbetibouo (1990) ; Savadogo et al
(1995) ; peu d'études économétriques ont
incorporé à la fois les facteurs-prix et les facteurs non-prix
dans les fonctions de réaction de l'offre agricole dans les pays
africains au sud du Sahara. Mais aujourd'hui, Lele et al (1989),
Erickson (1993) pensent qu'il faut se rendre compte des facteurs non prix dans
la détermination de l'offre agricole.
En incorporant une variable permettant de prendre en compte
différents niveaux technologiques, dans l'étude de Peterson
(1979), les élasticités obtenues sont réduites de 1,66
à 1,17. Chibber (1989) introduit une variable d'irrigation aux
mêmes données et réduit l'élasticité à
0,9 alors que Biswanger (1987, cité par koffi-Tessio, 1997) arrive
à une élasticité négative en introduisant
différentes variables structurelles.
Aussi, l'influence des variables agro climatique sur l'offre
agricole n'est plus a démontrée. Selon une étude de la FAO
(1995, cité par Kintché, 2005), l'estimation des
paramètres de l'offre peut être biaisée et conduire
à de fausses interprétations, lorsque la variable climat est
négligée. Thompson (1969, cité par Abbey, 2002) a
tenté de déterminer l'effet de la pluviométrie et de la
température durant les périodes de semis, de croissance et de
récolte sur le rendement du blé aux USA. Les résultats de
l'analyse de régression multiple révèlent que ces facteurs
expliquent entre 80 et 90 % des moyennes annuelles des États.
2.4 Problématique de la construction des
modèles d'analyse
|