2009
Femmes et développement
humain
RAMA SALLA DIENG
MASTER 2 CID/GRPS
1
MASTER 2 COOPERATION INTERNATIONALE ET
Développement
Gestion des risques dans les pays du sud
SEMINAIRE DE RECHERCHE APPLIQUEE : INDE /
CHINE
KAMALA MARIUS-GNANOU/ ANGEL PINO
REMERCIEMENTS:
· BIRNE BRIGITTE NDOUR
· ELISABETH HOFMANN
2
Femmes et
développement humain
ETUDE Comparée :
chine, INDE ET SENEGAL
«Change, to be real, has to come from the people; it
cannot be trickled down, imported, or imposed.»
Elaben
Bhatt, We Are Poor but So Many: The Story of Self-Employed Women in
India,
Oxford University Press, 2006
INTRODUCTION
En 1971, un philosophe américain publiait un ouvrage
intitulé « Théories de la Justice
»1, ouvrage dans lequel il établissait une liste
d'éléments supposés constituer la notion même de
justice sociale en termes de « droits fondamentaux ». Son nom est
John Rawls. Vingt ans plus tard, cette même théorie sera
critiquée et complétée par Martha Nussbaum et Amartya
Sen2, théoricien de l'économie des Capabilités,
tous deux donneront à l'étude rawlsienne, une autre dimension :
le développement humain. Mais comment donner une nature humaine
au développement, alors que la plupart du temps, ce terme est suivi des
substantifs « économique » ou « social » ou les
deux, cela découle t-il d'une volonté de mettre l'accent sur la
dimension éthique du développement?
Dans cette acception, le développement humain n'est pas
à appréhender seulement comme un accroissement des biens et
services pour l'ensemble de la population et l'amélioration de leur
répartition. Il s'agit aussi qu'il augmente les capacités
humaines, ce qui implique un progrès dans la notion de bien- être,
et la capacité d'initiative de chacun. Depuis 1990, le Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD) grâce à son
Rapport annuel Mondial sur le Développement Humain (RMDH) inspiré
par le prix Nobel d'économie a vulgarisé cette conception large
de la notion de développement.
En effet, Sen en a eu l'intuition dès le début des
années 19803, en développant la notion de «
capabilité » et en la définissant comme la liberté
des individus à réaliser la vie à laquelle ils
aspirent.
L'étude qui sera proposée dans ces pages se
rapprochera, par la population ciblée (les femmes) et en partie par le
cadre géographique (Inde), de la théorie de Martha
Nussbaum4, en plus de favoriser non pas une approche comparative
à l'intérieur de l'Inde même, mais entre l'Inde, la Chine
et le Sénégal.
L'objet de ce document est de répondre à la
question suivante : « Quel est le bilan actuel des entreprises en faveur
des femmes en vue de les aider à obtenir un traitement absolument
égal à celui des hommes, au sens d'égalité dans
l'accès à l'éducation et aux services de santé,
égalité dans et face à la loi, égalité de
chances de développement économique et égalité au
chapitre de la participation ? »5 et en vertu du cadre
fixé par les Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD).
Pour ce faire, nous nous baserons sur l'expérience en
choisissant trois cas différents :
o Un Etat fédéral offrant une très grande
diversité intérieure et davantage de
pluralité6 avec sa
foultitude de langues, de religions à majorité
hindoue et de niveaux de vie, l'Inde ;
o Un Etat francophone à tradition républicaine, une
grande réputation démocratique, une majorité
musulmane et classé parmi les pays pauvres très
endettés (PPTE), le Sénégal ;
1 John RAWLS, A Theory of Justice, Harvard, HUP, 1971
2 Amartya SEN, Commodities and Capabilities, Oxford
India Paperbacks, 1987
3 En effet, dès 1979 à l'Université de
Stanford, SEN critique l'égalité utilitariste,
l'égalité rawlsienne et l'égalité de
l'utilité totalité et leur oppose le développement humain.
Le PNUD s'en inspirera pour créer l'Indice de Développement
Humain (IDH).
4 Martha C. NUSSBAUM, Femmes et développement humain,
l'approche par les capabilités Paris, Éditions Des Femmes,
2008
5 Bien sûr, nous ne prétendons pas
mener une étude exhaustive, mais il s'agit d'identifier les traits
saillants du développement humain vers plus de justice sociale et
économique en faveur des femmes et d'essayer de les interpréter
(au sens de la méthode compréhensive de Max Weber).
6 SAGLIO-YATZIMIRSKY, Marie-Caroline, Population et
développement en Inde. Paris : Ellipses, 2002. (Collection
Carrefours de géographie. Les dossiers)
4
o Le pays le plus peuplé du monde, membre du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies, se démarquant par un
régime communiste, en l'occurrence la Chine appelé à jouer
avec l'Inde, un rôle de premier plan dans le Nouvel Ordre Economique
Mondial se faisant.
Cette description sommaire semble annihiler toute similitude
entre ces trois pays, et ces deux continents, cela s'il ne s'était pas
trouvé une phraséologie (bancale?) pour les regrouper sous le
terme de pays du Sud : un ensemble difficile à situer spatialement
d'autant que la plupart de ces Etats sont en fait au Nord
géographique.
I/ développement humain et empowerment des femmes
I.A/ Développement humain
Mais au de là de ces considérations et tribulations
économiques, ces pays présentent des points communs en ce qui
concerne7 :
o leur niveau de développement humain : moyen pour Chine
et l'Inde (respectivement situées à aux 80ème
et 128ème place sur 177 pays)8 et faible pour le
Sénégal (156ème sur 177)9 ;
Banque mondiale, World development indicators,
2006
7 Mention doit être faite des
disparités
· de classe (ou de castes en Inde) ;
· régionales (Tamil Nadu, Kerala / Orissa, Bihar;
Pékin / Tibet ; Dakar / Matam...);
· économiques (Grandes entreprises familiales
comme KPMG et TATA / groupements de femmes de l'Ahmedabad ; entre villes et
régions en Inde_ Par exemple : en 2000, l'indicateur Gini de la Chine
s'établissait à 44,7, loin derrière l'Inde (32,5), faisant
figurer le pays au 90e rang (sur 131) du classement mondial de
l'égalité des revenus ;)
· climatiques (qui feront par exemple la différence
au niveau agricole au Sénégal, de même qu'au niveau de la
ségrégation spatiale) ;
8 Rapport Mondial sur le Développement Humain
2007/2008, PNUD
9 Moubarak Lô, économiste
sénégalais a comparé ce résultat avec les
performances d'autres pays du continent africain dans son ouvrage :
Le Sénégal émergent : agenda pour le
futur, Editions Walfadjri 2003. Son analyse isole un fait patent
: les trois pays classés en tête dans l'IDH (Maurice, Tunisie, Cap
Vert) font également partie des cinq nations émergentes du
continent. Ce qui laisse à penser que l'amélioration du score du
Sénégal pour l'IDH va de pair avec la redynamisation de son
économie, elle-même favorisée par une meilleure tenue des
indicateurs de santé et d'éducation.
o la situation de leurs femmes : Leurs sociétés
sont patriarcales, l'éducation des filles est faible, les naissances de
garçons préférés à celui des
filles10 , l'accès aux soins de santé, au
crédit et qui est, somme toute, marginale, la participation politique
faible bien qu'en progression et l'écart constaté entre les
droits formels et les droits réels.
I.b/ Empowerment des femmes
C'est en réponse à cette situation alarmante
qui est le résultat des inégalités de genre liées
à la sexospécificité, que la notion d'empowerment a fait
son apparition dans la littérature académique, de même que
l'intégration transversale du genre dans les projets de
développement. Aujourd'hui, le consensus n'a pas encore
été obtenu quant à la traduction française du terme
d'Empowerment. Mais nous avons pu constater que cette notion recouvre trois
formes d'empowerment : capacity-building, empowerment social
et économique (Palier, 200111).
o Le capacity-building : acquisition progressive de
compétences qui peut se traduire par une meilleure connaissance en
termes de santé, d'éducation et de droits légaux ; de
meilleures compétences en matière de communication et de
leadership ; une augmentation de l'alphabétisation ; l'entraide et
l'aide mutuelle.
o L'empowerment social correspond, entre autre, à
l'atteinte d'un statut égal, participation et pouvoir de prise de
décisions des femmes au niveau du ménage, de la communauté
et du village ; le dépassement des barrières sociales ;
culturelles et religieuses pour atteindre un statut égalitaire et une
reconnaissance des femmes dans leurs affaires et sur les sujets les concernant
;
l' amélioration du statut, participation et pouvoir de
décisions accrus dans les institutions démocratiques.
o L'empowerment économique à un meilleur
accès aux ressources financières en dehors des ménages ;
l'accès et contrôle égal sur les autres ressources du foyer
; l'indépendance financière des femmes dans le ménage et
dans l'environnement extérieur ; l'augmentation significative des
revenus propres des femmes et du pouvoir de l'utiliser (de l'épargner)
comme elles le souhaitent ; la réduction de la
vulnérabilité des femmes aux situations de crise comme les
famines12, etc.,
.
Le parallèle peut être vite établi avec les
catégories couvertes par la notion de développement
humain13 qui feront l'objet d'une comparaison entre les pays
choisis, à savoir :
o la participation de tous à la production, donc
l'accès à l'emploi et au revenu (empowerment
économique) ;
10 Cela est tellement partie intégrante des
moeurs et de la culture de ces pays que l'on trouve en Inde, par exemple, un
proverbe dit la chose suivante : « Dès qu'une fille
naît/vers son mari ou vers la mort/ elle est déjà partie
». Au Sénégal, une fille est
éduquée dans l'esprit de ce qu'elle sera : la femme de
destinée à quitter ses parents et se marier sous peine de se voir
étiquetée socialement car elle est supposée accomplir son
destin et s'accomplir principalement dans et par le mariage. La situation est
semblable à celle de la Chine même s'il y a une radicalisation en
l'espèce dans ce pays, où les naissances de garçons sont
beaucoup plus nombreuses que les naissances de filles. L'occasion, à ce
point de notre étude, de souligner qu'en Inde et en Chine (105
garçons pour 100 filles), les données démographiques en
l'occurrence le ratio hommes- femmes_ présente un
déséquilibre singulier en ce sens qu'il y a plus d'hommes que de
femmes. Cette situation des filles est plus connue sous le
phénomène des « femmes manquantes ».
11 Hoffman E. et Marius-Gnanou in Regards de femmes sur la
globalisation, 2003, p. 225
12 Cf D'où le fait que les émeutes de
la faim de février 2009 à Dakar et dans d'autres villes d'Afrique
et du monde étaient surtout le fait des femmes et des jeunes.
13 Nous avons préférés cette
définition à celle du PNUD qui a défini successivement le
développement humain comme étant le développement PAR et
POUR la population, puis comme la catégorie des personnes les plus
pauvres.
Femmes et dÉveloppemeNt humaiN : chiNe, iNde et
SÉNÉGal
|
|
6
o la justice sociale, par une égalité des chances
quel que soit le sexe ou le groupe d'appartenance (empowerment social
et capacity-building) ;
o le contrôle des personnes sur leur destin, ce qui
implique leur liberté et leur participation aux décisions.
(empowerment économique, social et capacity-building)
;14
Carte Philippe Rekacewicz, Avril 2008, Monde
Diplomatique, données IDH du PNUD (Rapport 2007/2008)
Ii/ comparaison des données du rmdh pour
l'inde, la chiNe et le sÉNÉGal
II.A Les femmes, la participatioN à la
productioN (emploi structurÉ et emploi NoN
structurÉ)15et la participatioN politique
Dans cette partie, l'Indice de Développement Humain
s'attache à répondre aux questions suivantes :
· Leurs actifs ont-ils augmenté ? (Leurs
économies propres, terre, maison, espace de travail, outils ou travail,
licences, cartes d'identité, participation dans des coopératives;
à la vie et aux affaires de la cité)
· Les femmes ont-elles plus facilement accès au
marché du travail et à la rémunération sans
discriminations ?
14 Michel Vernières, Développement humain -
Economie et politique Ed. Economica, 2003, 123 p.
15 Ela Bhatt, fondatrice de la Self Employed Women's
Association, un syndicat et coopératives de femmes très actif
situé à Ahmedabad, préfère parler de femmes «
employées indépendantes travaillant pour leur propre compte
» au terme d'économie informelle.
·
7
La capacité organisationnelle des femmes a-t-elle
augmenté ?
· Ces dernières ont-elles développé
leur leadership ?
· Les femmes sont-elles devenues plus indépendantes
tant collectivement qu'individuellement ? (...)
Dans ces trois pays (et c'est en général vrai
pour toutes les sociétés), les femmes assument la majeure partie
du travail domestique, sont les principales responsables de l'éducation
des enfants et fournissent des soins aux personnes âgées et aux
malades. En effet, les femmes s'étant plus spécialisées
dans les tâches proches des fonctions reproductives (production et
reproduction sont étroitement liées en Afrique et en Asie),
elles sont plus fragiles au chômage et aux crises économiques,
qui, du fait des métamorphoses de la question sociale (R.
Castel16 ) ou de leur faible connexion d'avec la
sécurité de l'emploi (CDD, intérims, temps partiels...)
sont les plus fragiles même en l'absence de toute crise.
De même, les hommes et les femmes ont des
activités distinctes et ils assument des responsabilités
différentes au sein du ménage. Les disparités
d'accès aux ressources entre hommes et femmes ont un effet direct sur
les potentialités d'autonomie économique assurant aux femmes et
aux personnes qui en dépendent une meilleure qualité de vie. Si
les statistiques officielles révèlent que les femmes ont de plus
en plus investi le marché du travail, il n'en reste pas moins vrai
qu'elles continuent à occuper des fonctions moindres ou peu
valorisés, et à toucher des salaires bien
inférieurs.
L'histoire révèle que tel n'a pas toujours
été le cas ; en effet, en Chine, au moment même où
le Confucianisme promouvait les différences sexuelles, le Parti
Communiste mettait en avant la neutralité du genre, au nom de
l'égalité. Les noms, titres et descriptifs de poste
étaient neutres ; hommes et femmes s'habillaient avec des
vêtements similaires dans une tentative de nier les différences
sexuelles. Si cette dynamique semblait prédire les meilleures conditions
pour les femmes chinoises, la tournure s'est révélée toute
autre : aujourd'hui de fréquentes discriminations se font jour sur le
marché de l'emploi, à la défaveur des filles, à
diplôme égal. Ainsi, l'affirmation de Mao Zedong selon laquelle
les temps auraient changé, « (...) l'homme et la femme sont
égaux. Ce que l'homme peut accomplir, la femme le peut aussi »
semble mise à mal chaque fois que l'emploi la terre se font rares. Ainsi
le Rapport Mondial sur le Développement Humain de 2007/2008 montre que
68% des femmes de Hong Kong sont au chômage, avec un revenu estimé
de 22000 USD/AN contre 44000 USD (en parité de pouvoir d'achat) pour les
hommes.17En comparant ces chiffres avec les revenus annuels moyens
de La République chinoise, l'on se retrouve avec 5220 USD pour les
femmes contre 8000 USD pour les hommes, en Inde les inégalités
salariales sont similaires, bien que plus bas : 1600 USD pour les femmes contre
5194 USD pour les hommes, soient environs 3000 dollars de différence et
environs 1000 dollars d'écarts entre sénégalais et
sénégalaises (respectivement 1256 dollars et 2346 dollars).
En Inde, la participation économique des femmes est
grevée d'inégalités, en ce sens que ce pays voit plus de
90% de ses femmes travailler dans le secteur informel, avec un salaire
nettement inférieur et en l'absence de toute protection sociale. C'est
d'ailleurs la prise de conscience de cette situation seulement qui a
présidé à la création de la Self Employed Women's
Association.18 En effet, à l'origine, cette association
basée dans l'Ouest du pays, dans le Gujarat, avait pour unique objectifs
de protéger les droits des femmes les plus vulnérables car
n'étant pas syndiquées, ce n'est que beaucoup plus tard que
l'association se livrera à d'autres activités connexes tels que
la sécurité sociale, la formation et l'amélioration des
compétences de ses membres, les services bancaires aux femmes... sachant
qu'il
16 R. Castel, Les métamorphoses de la question
sociale : Une Chronique du salariat, Fayard, 1995
17 RMDH 2007/2008, PNUD
18 http://www.sewa.org/
s'agit là une démarche typique de l'empowerment
pour mobiliser les différents types de pouvoirs (pouvoir sur, pouvoir
de, pouvoir avec, pouvoir intérieur)19.
Ainsi, c'est la même démarche qui est
privilégiée au Sénégal. Les femmes actives dans le
secteur structuré comme dans le secteur non structuré (petits
commerces, vente de fruits et légumes...) s'organisent afin de faire
reconnaître leur voix et de pouvoir acquérir un certain poids. Il
est important de souligner que ces dynamiques associative et rhizomatique
constituent une facette essentielle du développement humain car c'est en
s'organisant, et en s'informant les bonnes pratiques (lessons learned) venant
d'ailleurs que les associations de femmes et leurs membres quittent
progressivement l'ombre. De plus, cette constitution en réseaux
(systèmes des tours au Sénégal...) leur permet
d'avoir des activités en dehors du ménage et d'être plus
autonomes.
Un autre phénomène qui connaît un essor
fulgurant dans les trois pays est la micro finance qui se matérialise
sous différents aspects. Aussi ne pouvons-nous pas manquer de souligner
le phénomène des tontines développé par les
sénégalaises, mode d'épargne populaire réunissant
plusieurs femmes, avec un bureau, une cotisation mensuelle
déterminée à l'avance, et la somme totale est
attribuée chaque fin de mois à un des membres de l'association.
En Inde, Les Self Help Groups, qui comme leur nom l'indique, visent l'autonomie
économique des ses membres et sur la solidarité, ont de beaux
jours devant eux. Cependant, l'autre instance à investir pour ces femmes
reste, la sphère politique où les inégalités de
genre persistent. Fait surprenant cependant, la Chine, elle reste fidèle
à sa tradition égalitariste. En effet, même si le poids des
traditions subsiste toujours dans la sphère du mariage,
professionnellement parlant, la femme chinoise a beaucoup d'opportunités
d'accéder à des postes plus élevés dans la
sphère du travail ou du parti central. Somme toute, de ces trois femmes,
la chinoise semble mieux lotie et même avec d'autres femmes dans le monde
en développement.
En Inde et au Sénégal aussi, les femmes sont
toujours sous-représentées dans instances décisionnelle :
gouvernements, assemblées l'entreprenariat et d'autres sphères
influant sur l'opinion publique comme l'art, la culture, les médias.
..Cependant, il est notable de souligner que les femmes, en Inde se mobilisent
de plus en plus au sein des sangham20 et à
dénoncer des situations d'inégalités ou de discrimination.
Pour ce qui est des pratiques discriminatoire, la Chine, même si elle a
ratifié la Convention pour l'Elimination de toutes sortes de Violence
contre les Femmes, commet fréquemment des entorses aux articles de
ladite convention. Pour ce qui concerne les charges ministérielles, le
Gouvernement de Mame Madior Boye de 2003 a réuni le plus de femmes. En
Inde, s'il ya eu des figures politiques reconnues telles qu'Indira Gandhi, il
reste que l'origine sociale était largement déterminant quant la
nomination à un poste de décision, mais ces tendances tendent
à disparaître. Dans ces trois pays, les femmes ont acquis le droit
de vote. Pourtant, leur nombre dans les parlements est toujours très
faible. Aussi les femmes occupent rarement des fonctions de direction dans les
grandes entreprises.
II.B LES FEMMES ET LA JUSTICE SOCIALE (sante, EDUCATION,
propriété, eau, énergie...)
Dans cette seconde partie, nous nous attarderons sur le
Développement humain en ces termes : s Y a-t-il eu plus de femmes
alphabétisées ou ayant accès à
l'éducation?
19 Lisette Caubergs, Un autre genre de développement,
Ottawa
20 Groupes d'entraides en Inde
·
9
La protection des filles (protection de l'enfance) est-t-elle
assurée ?
· L'accès des femmes à l'alimentation et la
nutrition a-t-il augmenté?
· L'accès des femmes aux services de santé
a-t-il augmenté, de pair avec l'amélioration des soins?
· L'accès à l'eau et à
l'énergie des femmes est-il assuré ?
· Les efforts des femmes en matière de protection de
l'environnement ont-ils connu une hausse ?
· Quelle est la position de ces pays en matière de
traités internationaux ?
· La part des femmes parmi les populations
déplacées ou les réfugiés a-t-elle diminué
?
· L'indice de développement Sexo-spécifique
(...)
Les femmes et les hommes ont des demandes de santé
distinctes, à cause des différences biologiques, mais aussi
à cause de leur mode de vie lié aux rôles
spécifiques que la société leur a assignés. L'homme
est plus affecté par les maladies professionnelles, les accidents du
travail et de la route et le tabagisme, l'alcoolisme etc. Tandis que les
risques de maladies encourus par les femmes sont souvent liés à
la reproduction à cause des contraintes liées à
l'accès à un service de santé de qualité. Ainsi, en
Chine, 97% des accouchements ont eu lieu avec l'assistance d'un personnel de
santé qualifié, contre 43% des indiennes et 58% des
sénégalaises. Cet écart peu s'expliquer en partie par la
politique de modernisation ou « politique de réforme et
d'ouverture, lancée à partir de 1978 à l'initiative de
Deng Xiao Ping. Le marché du travail, de plus en plus concurrentiel,
exige, chaque jour davantage, un niveau d'instruction de plus en plus
élevé. Les personnes sans bagage éducatif se retrouvent
incontestablement dans une position de désavantage. Par ailleurs, il est
reconnu que dans un processus de changement, l'éducation permet de
passer de l'exclusion (marginalisation) à une insertion active. Ainsi,
en Chine, les filles subissent des discriminations quant à leur
accès à l'éducation, et entre chinoises, d'autres
discriminations basées sur le fait que l'on provient ou non de
minorités ethniques se font jour. En Inde, les inégalités
d'accès à l'éducation sont basées, en partie, sur
la religion, tout comme au Sénégal ou priorité est
donnée à l'école coranique ou l'école
arabe21. En vérité, les Sénégalaises
sont plus instruites que ne le disent les statistiques officielles du
Sénégal sur lesquelles se basent le PNUD pour effectuer ses
calculs22.
Il serait intéressant de comparer les dépenses
de l'Etat en matière d'éducation à celles
consacrées au militaire : en 2002-05, la Chine consacrait 1.9% de son
PIB à l'éducation contre 2% du budget pour le militaire en 2005,
contre respectivement 3.5% et 2.8% pour l'éducation et le militaire en
Inde. Cette part plus grande consacrée à l'éducation ne
fait que refléter les priorités que se fixe le gouvernement
indien, ici, les OMD, la différence est encore plus élevée
au Sénégal : 5.4% pour l'éducation contre seulement 1.5%
pour le militaire. Cela s'explique aussi par des considérations de
grandeur étatique (le nucléaire étant la forme
suprême de libido dominandi en géopolitique globale),
considérations qui laissent qu'une place infime au Sénégal
d'aujourd'hui dans le concert des Nations.
Il est important de souligner que dans les zones rurales
de ces trois pays et de bien des pays en voie de
développement, les
femmes sont responsables de l'utilisation et de la gestion quotidiennes
des
ressources naturelles (eau, ressources vivrières et
forestière, corvées de bois et d'eau. La
déforestation
21 Les écoles coraniques sont appelées
daara au Sénégal.
22 Les chiffres du PNUD ne prennent en compte que la
scolarisation ou l'alphabétisation et n'intègrent pas dans son
calcul, l'école coranique.
10
galopante et l'assèchement des sources d'eau
conduisent les femmes à parcourir des distances de plus en plus grandes,
les obligeant à passer beaucoup plus de temps et à
dépenser plus d'énergie pour produire et trouver les
denrées indispensables. Aussi diminuer leur charge de travail est bien
comptabilisée dans l'IDH, ceci pour leur permettre de s'adonner à
donner activités moins consommatrices en temps et plus
rentables23.
Conclusion
En conclusion, nous pouvons noter qu'aussi bien en Inde, en
Chine et au Sénégal, les femmes sont formellement égales
aux hommes : la discrimination fondée sur le sexe est interdite par la
Constitution de ces pays. Il existe donc un écart très
marqué entre les droits réels féminins et les droits
formels. Mettre en avant des politiques en faveur du développement
« humain » des femmes requiert donc de veiller au respect des lois
existantes et d'en ériger de nouvelles au besoin. D'où
l'importance de l'agenda setting des Nations-Unies avec les horizons
fixés pour les OMD. Certes, aucun pays n'est pleinement
indépendant. Il convient, bien évidemment, de tenir compte de
l'environnement international, tout particulièrement dans le contexte,
dit de Mondialisation, de ce début de XXIème siècle. Les
Etats, qui ont toujours un rôle fondamental à jouer, ont perdu une
part de leur prééminence quasi-absolue24. Les
organisations, firmes et réseaux internationaux d'un côté,
les autorités et groupes locaux de l'autre sont devenus des acteurs
importants du développement humain. Mais leurs intérêts et
logiques de comportement, comme ceux des Etats, divergent
inévitablement. C'est la raison pour laquelle, plus que jamais, il
s'impose de renforcer la coopération internationale en faveur du
développement humain. De par la nature même de ce dernier, qui
impose la réduction des inégalités, celà suppose
que les pays les plus riches contribuent davantage à sa
réalisation, en premier lieu en augmentant, au lieu de le
réduire, leur effort en matière d'aide publique au
développement.
Bibliographie
· ALTERMONDES, Revue trimestrielle de Solidarité
Internationale, DOSSIER : Un Genre à (dé)construire, N°17,
MARS 2009
· CASTEL Robert, Les métamorphoses de la
question sociale : Une Chronique du salariat, Fayard, 1995
· CAUBERGS Lisette, Un autre genre de
développement, OTTAWA 2003
· HOFFMAN E. et MARIUS-GNANOU K. in Regards de femmes
sur la globalisation
· LO Moubarak, Le Sénégal émergent
: agenda pour le futur, Editions Walfadjri 2003
· NUSSBAUM Martha C., Femmes et développement
humain, l'approche par les capabilités Paris, Éditions Des
Femmes, 2008
· RAWLS John, A Theory of Justice, Harvard, HUP,
1971
· SAGLIO-YATZIMIRSKY, Marie-Caroline, Population et
développement en Inde. Paris : Ellipses,
2002. (Collection Carrefours de géographie. Les
dossiers)
· SEN Amartya, Commodities and Capabilities,
Oxford India Paperbacks, 1987
· SHARMA Kalpana , "No girls please, we're
Indian", AOUT 2004
· VERNIERES Michel Développement humain -
Economie et politique Ed. Economica, 2003
23 Ainsi ces femmes trouvent des moyens pour se
décharger de leur double ou triple journée de travail pour
s'adonner à des activités plus créatives tel que l'art ou
le développement personnel qui sont intégrés dans le
développement humain et la notion d'empowerment.
24 Voir l'approche transnationaliste et de
l'Interdépendance Complexe en théories des Relations
Internationales (Karl Deutsch, Joseph Nye, Robert Keohane...)
ANNEXE : RAPPORT MONDIAL SUR LE DEVELOPPEMNT
HUMAIN 2007/2008, PNUD