Chapitre 1. Cadre théorique du travail
A. La théorie des prix.
La théorie des prix cherche à expliquer les
phénomènes de marché par les incitations
économiques auxquelles les individus sont confrontés. Le postulat
de base de cette théorie stipule que le marché est l'instrument
idéal pour la circulation des informations sur les choix, il annonce les
prix des offres et des demandes de chacun, elle suppose donc que la structure
de marché influence directement la performance des firmes et du secteur.
Le prix du marché est le seul prix réalisable, ce prix permet
l'ajustement du marché qui est le mécanisme d'équilibre
des quantités offertes et demandées. C'est le
phénomène de la main invisible d'Adam Smith qui fait
référence à la loi de l'offre et de la demande
envisagée dans le cadre d'un marché parfaitement concurrentiel.
Or les conditions d'existence de la concurrence pure et parfaite en tant que
structure de marché sont particulièrement contraignantes. A titre
d'exemple, considérons le marché des
télécommunications :
La concurrence pure et parfaite fait référence
à une structure de marché où les vendeurs et les acheteurs
sont suffisamment nombreux pour qu'aucun ne puisse exercer une influence sur le
prix, seuls les mécanismes du marché déterminent le prix
d'équilibre qui s'impose donc à tous. Une concurrence est pure et
parfaite si elle répond à certaines hypothèses telles :
o atomicité : acheteurs et vendeurs sont nombreux sur
le marché au point que nul ne peut à lui seul influencer les
prix.
o Homogénéité : les produits
échangés sont identiques et substituables les uns aux autres. o
Libre entrée sur le marché : il n'existe aucune barrière
à l'entrée.
o Transparence : l'information des agents économiques est
totale.
Le secteur de la téléphonie est
généralement caractérisé par un petit nombre
d'opérateurs qui se partagent le marché et qui de ce fait peuvent
chacun influencer les prix, ce qui viole la loi d'atomicité. De
même, les produits vendus par les différents opérateurs ne
sont pas forcément homogènes vu que chacun d'eux peut utiliser
des technologies différentes pour satisfaire sa clientèle. La
condition de libre entrée comme caractéristique principale de la
concurrence n'est pas évidente dans le cas du marché des
télécommunications. En effet, les montants nécessaires
pour les investissements initiaux sont importants et ne sont pas accessibles
à tous. D'un autre coté, les opérateurs en place
s'efforcent à différencier leur produit de façon à
fidéliser leur clientèle, ce qui renforce d'avantage les
barrières à l'entrée. Ainsi, parce que ces
opérateurs sont constamment en situation d'interaction
stratégique, et luttent activement pour acquérir de nouvelles
parts de marché, ils considèrent l'information comme une arme
stratégique devant leur permettre d'anticiper les actions ou
réactions de leurs concurrents. De ce
fait, l'information comme ressource est précieuse et
très confidentielle. L'hypothèse de transparence des informations
n'est donc pas vérifiée dans le cas du marché de la
téléphonie. Toutes ces considérations montrent bien que la
notion de concurrence pure et parfaite ne s'applique pas au marché des
télécommunications. Il faut donc intégrer les notions de
monopole et de concurrence imparfaite (concurrence monopolistique et oligopole)
pour expliquer les profondes mutations observées au sein du
système industriel.
A.1. Le Monopole.
On parle de monopole quand sur un marché donné
un seul producteur dessert l'ensemble de la demande des consommateurs. En
situation de monopole, contrairement à ce qui se passe sur un
marché concurrentiel où le marché fixe les prix, le
monopoleur fixe lui-même le prix que les consommateurs doivent payer pour
acheter son produit en fonction de la quantité de bien qu'il veut
produire. La fonction de prix s'écrit alors : P = f(Q).
P
Fig. 1 Détermination du prix en situation
de monopole
Rm
Cm
D
Q
Le profit du monopole étant la différence
entre les recettes et les coûts totaux, si on désigne par Ð le
profit, on peut alors écrire Ð = RT - CT avec RT = P.Q ou bien RT =
Q.f(Q).
On a donc la recette marginale telle que : Rm = dRT/dQ =
f(Q) + Q.df(Q)/dQ.
Le profit est maximisé pour Rm = Cm,
c'est-à-dire lorsque Cm = f(Q) + Q.df(Q)/dQ # Cm < P car df(Q)/dQ
< 0. Donc, le prix payé par les consommateurs est supérieur au
coût marginal.
Ainsi, le monopoleur continue à produire jusqu'à
la dernière unité d'une quantité Q* donnée pour
laquelle les recettes supplémentaires sont supérieures aux
coûts supplémentaires induits par cette unité. Donc le
monopoleur va augmenter son niveau de production jusqu'à ce que le
coût marginal égalise la recette marginale.
En situation de monopole, la société obtient une
quantité de biens inférieure à celle qu'elle souhaite
obtenir pour un prix supérieur au prix d'un marché concurrentiel,
c'est là l'une des principales raisons pour lesquelles les monopoles
sont réprimés.
Cependant, malgré leurs performances jugées non
satisfaisantes du point de vue économique, les monopoles ont surgi dans
certains secteurs pour des raisons d'efficacité économique, on
parle alors de monopole naturel. C'est le cas des
services publics : électricité, eau, transport en commun,
téléphone...
Le monopole naturel.
Le marché des télécommunications a
été exploité dans un cadre très
réglementé. Différents motifs étaient
avancés pour justifier l'intervention de l'État dans ce domaine.
Ils étaient d'ordre militaire : le téléphone, comme tous
les grands réseaux est d'une importance vitale pour la
sécurité intérieure et extérieure du pays
(sécurité du territoire) ; politique : le téléphone
était un service public, au même titre que la fourniture de l'eau
ou de l'électricité, chacun devait pouvoir disposer d'un
accès au téléphone au même prix dans tout le
pays5. Le monopole tient principalement à une raison
économique : le coût d'installation d'un réseau terrestre
classique est énorme. Le premier qui assure cet investissement sur un
territoire donné empêche donc l'entrée de tout nouveau
concurrent dans la mesure où le coût marginal du nouvel
abonné est très faible, une fois l'investissement de base
réalisé.
Un monopole naturel s'installe dans une industrie si les
économies d'échelles sont si fortes, qu'il est plus efficace de
confier la totalité de la production de l'industrie à une seule
entreprise que de la partager entre plusieurs firmes qui, d'ailleurs,
risqueraient de ne pas pouvoir survivre6. Cela arrive par exemple
quand pour le secteur en question, la courbe de coût total moyen est
toujours décroissante.
Quelle que soit sa forme, le monopole reste une situation de
marché qui ne permet pas d'obtenir une condition de production optimale
pour la société. C'est pourquoi, certains secteurs qui à
l'origine ont évolué dans une structure de monopole se sont
transformés en une structure de marché plus concurrentielle
(concurrence monopolistique ou oligopole) procurant un meilleur bien-être
à la collectivité.
La remise en cause du monopole naturel dans les
télécommunications.
Pendant les années 1970/1980, le retour de la doctrine
libérale aux États-Unis et en Grande Bretagne encourage la
déréglementation dans plusieurs domaines comme les transports
aériens ou la finance. C'est également le cas pour les
télécommunications. Un facteur qui amplifie beaucoup ce mouvement
de libéralisation est sans doute le progrès technique. Les
arguments en faveur du monopole naturel, qui étaient tout à fait
valables dans un environnement technique dominé par l'analogique,
disparaissent avec l'arrivée du numérique. La technologie
numérique provoque une baisse des coûts des infrastructures
grâce à l'augmentation des capacités des réseaux et
de leurs fonctionnalités. De cette manière, la
compatibilité des réseaux et la gestion des interconnexions sont
de mieux en mieux assurées. La numérisation a réduit
très fortement les coûts d'investissement et de fonctionnement des
réseaux, il devient possible de concurrencer les grands
opérateurs historiques sur certains segments de marché sans avoir
à procéder à des investissements colossaux.
5 Source : Pierre Sohlberg, Alternatives Economiques
n°149, Juin 1997.
6 Économie des télécoms, J.P. Goulvestre,
1997, p.47-48.
La révolution numérique n'est pas la seule
raison qui a poussé à remettre en cause le monopole naturel. Les
télécommunications sont devenues un facteur stratégique
pour les grandes entreprises. Elles sont de plus en plus attentives à la
gestion de leurs factures et contestent la lourdeur de la réglementation
administrative qui pèse sur le prix des
télécommunications. Un autre aspect est la diversification. Les
télécommunications, ce n'est plus seulement l'acheminement de
communications vocales, mais aussi de multiples services
spécialisés : transfert de données, messagerie,
réseaux d'entreprise reliant leurs différents sites,
téléphonie mobile, etc. Il devient plus difficile de
défendre le maintien d'un monopole sur des activités qui entrent
dans un champ normal d'activités d'autres entreprises, en l'occurrence
les constructeurs informatiques et les sociétés de service. De
plus, la pression de certaines entreprises, attirées par les
bénéfices réalisés par les opérateurs sur ce
marché ainsi que la mondialisation des échanges accroissant la
concurrence pour les transmissions de données, sont autant de facteurs
qui ont accéléré le processus de libéralisation des
télécommunications. Dans cette perspective de remise en cause du
monopole, la concurrence monopolistique et l'oligopole semblent être les
structures de marché concurrentielles les mieux appropriées pour
étudier ce secteur. Ces deux structures de marché seront
analysées en profondeur dans les lignes qui suivent.
A.2. La Concurrence monopolistique.
La théorie de la concurrence monopolistique stipule que
la concurrence monopolistique est un régime de concurrence hybride,
entre le monopole et la concurrence pure et parfaite.
Le marché de concurrence monopolistique est semblable
à la concurrence pure et parfaite en ce sens qu'il peut avoir beaucoup
de vendeurs, mais il s'en distingue parce que les produits sont
différenciés. La structure de marché appelée
concurrence monopolistique correspond à une situation dans laquelle il y
a différenciation du produit, de sorte que chaque entreprise a un
certain pouvoir de monopole, mais il y a également entrée libre,
de sorte que les profits à long terme tendent vers zéro. Plus une
entreprise réussit à différencier son produit par rapport
aux produits similaires vendus par les autres firmes, plus elle dispose d'un
pouvoir de monopole, c'est-à-dire plus la courbe de demande pour son
produit est inélastique. Chaque firme vend sa marque de produits, sa
version du produit qui est différente dans la qualité,
l'apparence, la réputation, etc.
Le secteur est monopolistique dans la mesure où chaque
entreprise est confrontée à une courbe de demande
décroissante pour son produit. Elle a par conséquent certain
pouvoir de marché puisqu'elle peut fixer son propre prix au lieu
d'accepter passivement le prix du marché comme une entreprise
concurrentielle. D'un autre coté il y a concurrence entre les
entreprises pour attirer les consommateurs à la fois en terme de prix et
de type de bien vendu. Quand on procède à une analyse
détaillée d'un marché
de concurrence monopolistique, les caractéristiques
spécifiques des produits et de la technologie et la nature des choix
stratégiques à la disposition des entreprises sont
extrêmement importantes.
Un marché de compétition monopolistique a deux
critères fondamentaux : le premier et le plus important est que les
firmes en concurrence vendent des produits différenciés qui sont
plus ou moins substituables les uns aux autres dépendamment du
degré de différenciation. Le second est qu'il y a libre
entrée et sortie des firmes.
En fait, chaque vendeur travaille sur un marché
distinct de celui des autres vendeurs et s'adresse à un ensemble de
clients dont la fidélité varie. Si l'entreprise hausse son prix,
elle perdra une partie de sa clientèle, mais pas la totalité, au
profit des concurrents. Mais, comme son produit n'est pas un substitut parfait
aux produits des concurrents, même en réduisant son prix, elle ne
peut espérer attirer la totalité de leurs clients, comme ce
serait le cas en situation de concurrence pure et parfaite. Par
conséquent, la courbe de demande d'une entreprise en situation de
concurrence monopolistique révèle une pente négative,
comme celle d'un monopoleur, et non pas horizontale, comme celle d'une
entreprise de concurrence pure et parfaite7.
Il existe plusieurs cas de marché de concurrence
monopolistique comme : le marché des pâtes dentifrices, des
déodorants, du savon de bain, les services médicaux, les
restaurants, ~
A.3. L'oligopole.
L'existence des oligopoles comme structure de marché
découle de la mise en place dans un secteur donné, de
barrières à l'entrée imposées aux entrants
potentiels du secteur. Les principales caractéristiques d'une telle
structure de marché sont l'existence d'un petit nombre de vendeurs, la
diversité des comportements stratégiques des concurrents
évoluant dans le secteur et l'interdépendance des choix de chaque
concurrent sur le comportement de ses rivaux. Le marché de la
téléphonie mobile semble très bien répondre aux
caractéristiques de l'oligopole. En effet, on y dénombre un petit
nombre d'opérateurs desservant l'ensemble d'un marché très
dense où chaque concurrent prend ses décisions en tenant compte
du comportement et des décisions des firmes rivales.
En situation d'oligopole on parle de concurrence potentielle
qui explique comment la menace d'entrée de nouveaux concurrents dans le
secteur amène les firmes déjà présentes sur le
marché à adopter un comportement concurrentiel en fixant leurs
tarifs suffisamment proches de leurs coûts marginaux, de sorte que
l'entrée d'une nouvelle firme risque d'occasionner des pertes dans
l'industrie. Ainsi, on dit que la configuration de l'industrie est
soutenable, si tout nouvel entrant sur le
marché se trouve dans l'impossibilité de réaliser un
profit quand le prix des firmes déjà présentes sur ce
marché reste inchangé.
7 Équilibre de court et de long terme d'une
entreprise de concurrence monopolistique en annexe.
Dans ce cas, l'oligopole en question produit au minimum du
coût moyen satisfaisant la demande, on parle alors de rendements
croissants. Dans le cas où l'industrie produit dans la partie croissante
de la courbe de coût moyen (rendements décroissants), elle est
dite non soutenable. Dans ce cas, une partie de la
demande peut-être satisfaite par un nouvel entrant qui pratique un prix
plus faible, l'autre partie étant soit évincée, ou bien
satisfaite à des prix très élevés. Il en
découle alors une distorsion du marché et une absence
d'équité.
Cependant, nous ne pouvons pas expliquer les performances de
ce marché par la seule connaissance de sa structure comme le veut la
théorie des prix. En effet, la réalité industrielle est
à l'origine des limites de la théorie des prix où la
structure de marché n'explique pas toujours les résultats ou
performances enregistrés dans un secteur. C'est ainsi que, pour
décrire correctement le fonctionnement de plus en plus complexe des
marchés, la concurrence contemporaine doit également prendre en
compte les éléments déterminants de la conduite des
firmes. Dans cette perspective, les théoriciens ont
développé le paradigme Structure-Comportement-Performance comme
cadre de référence visant à combler les imperfections de
la théorie des prix.
B. Le paradigme : Structure-Comportement-Performance
B.1. Définition et Objectif.
Le paradigme Structure-Comportement-Performance (SCP) est
originaire du champ de l'économie industrielle. D'abord
développé par Mason (1939) puis affiné par Bain (1968), il
a été largement utilisé pour analyser des industries et
des stratégies concurrentielles. Ce paradigme, dans sa forme la plus
simple soutient qu'il y a un rapport causal unidirectionnel reliant la
structure du marché au comportement des firmes en présence et
ensuite à la performance (S C P). En d'autres termes, la structure du
marché affecte le comportement des firmes dans une industrie et ce
dernier affecte à son tour la performance. Cependant la formulation
originelle du paradigme SCP n'a pas toujours fait l'unanimité parmi les
chercheurs.
B.2. Différentes écoles de
pensée.
La relation entre les indicateurs (structure, comportement et
performance) est approchée différemment selon les écoles.
Pour l'école de Harvard (Bain et Mason), la performance d'une branche
d'activité qui est sa capacité à satisfaire les
consommateurs y est considérée comme dépendante du
comportement moyen des entreprises en place, comportement lui-même
déterminé par les caractéristiques structurelles du
marché, qui elles-mêmes sont dépendantes des conditions de
base de l'offre et de la demande. Sur un plan méthodologique,
l'économie industrielle est de type structuraliste puisque la structure
demeure
le facteur explicatif déterminant des performances du
marché. Pourtant, pour l'école de Chicago (avec Stigler), le
Comportement des firmes est le facteur explicatif déterminant de la
performance du marché et cette dernière influence la structure (C
P S). Cette nouvelle approche de type behavioriste part du principe que les
stratégies des acteurs, analysées dans une logique de domination,
visent essentiellement pour les entreprises à s'affranchir des
structures des marchés qui les abritent. La Nouvelle Economie
Industrielle avec Jean Tirole, veut que le comportement détermine la
structure et la performance du marché, mais établit
également une relation inverse telle que P influence C et S.
De façon plus générale, le paradigme
conditionne l'état du marché par son environnement global qui
inclut les conditions de base de l'offre et de la demande et la politique
gouvernementale (Tab.1).
Conditions de base
Demande Offre
Elasticité demande Technologie
Substituts Matières premières
Taux de croissance Durée de vie du produit
Position géographique Position géographique
Méthode d'achat Economie d'échelle
Structure Nombre d'acheteurs et de
vendeurs Barrières à l'entrée Différentiation
des produits Intégration verticale Diversification
Comportement Publicité Recherche
& Développement Fixation des prix Investissements Choix du
produit Entente
Performance Prix Emploi Qualité
du produit Progrès technique Profits
Réglementation Politique antitrust Barrière
à l'entrée Taxes et subventions Incitations à
l'investissement Incitations à l'emploi Politiques
macroéconomiques
Politique Gouvernementale
Tableau du paradigme Structure-Comportement-Performance
Tab.1
B.3. L'Environnement global du marché.
B.3.1 Les conditions de base.
Les conditions de base font référence du
coté de la demande à l'élasticité, le taux de
croissance, la position géographique de la demande, etc. Du coté
de l'offre ce sont la technologie utilisée, les matières
premières, les économies d'échelle, des substituts, la
position géographique, etc. Celles-ci ont un impact réel sur la
structure du marché. La position géographique de l'offre par
exemple peut déterminer le nombre de vendeurs intervenant sur le
marché, alors que le type de technologie utilisée peut être
un facteur de différenciation ou encore peut constituer une
barrière à l'entrée. De même un fort taux de
croissance de la demande d'un bien peut inciter l'entrée dans le secteur
d'un plus grand nombre de d'offreurs, tandis que le choix d'une technologie
peut entraîner une limitation de l'offre.
En retour, la structure de marché influence les
conditions de base en ce sens que l'existence d'un nombre important d'acheteurs
permet au producteur de réaliser des économies d'échelle.
De plus, la mise en place de barrières à l'entrée peut
éliminer ou du moins limiter le nombre de produits substituts. Les
conditions de base sur un marché subissent également l'influence
des politiques publiques. En effet, une politique d'incitation à
l'emploi aura une incidence positive sur le pouvoir d'achat des consommateurs,
ce qui favorise d'avantage une économie d'échelle pour les firmes
en place. De même une politique d'incitation à l'investissement
peut entraîner l'apparition de substituts dans le secteur.
B.3.2 La politique gouvernementale.
La politique gouvernementale influence les conditions de
base, la structure du marché, mais aussi le comportement des agents et
la performance du marché. Les pouvoirs publics disposent de divers
moyens pour influencer le marché, ils peuvent agir à travers les
taxes et subventions, les politiques antitrust, les politiques
macroéconomiques, les organes de régulation, etc.
Elle détermine le comportement des agents à
travers les politiques d'incitations à l'investissement, alors que les
taxes et subventions ont un impact sur le niveau des prix fixés par les
entreprises ; les politiques antitrust limitent les éventuelles ententes
entre firmes. D'un autre coté, la politique gouvernementale peut jouer
un rôle décisif dans la performance du marché notamment
à travers les incitations à l'emploi. De même, elle
influence la structure du marché en ce sens que les barrières
à l'entrée et la réglementation d'un marché
déterminent le nombre de vendeurs intervenant sur ce marché
B.4. Structure de marché.
La structure se réfère aux facteurs physiques,
environnementaux et institutionnels qui influencent les interactions parmi
les firmes participantes. Traditionnellement, elle a été
mesurée en terme de
concentration du marché (Offre et Demande), d'existence
de barrières à l'entrée, de degré de
différentiation de l'offre (produits, services), etc. Cependant, pour
chacune des structures de marché présentées ci-dessus, on
ne retrouve pas une situation d'allocation optimale des ressources puisque,
dans chaque cas, la structure en question donne lieu à des
déficiences toujours néfastes pour le bien-être de la
collectivité.
En situation de monopole, l'opérateur peut ne pas
offrir le service en quantité suffisante en vue de maximiser ses rentes
(demande non satisfaite). Avec l'oligopole, la société court le
risque de voir les prix s'élever considérablement dans le cas
où il y aurait des ententes (tacites ou explicites) entre les firmes ;
et aussi d'enregistrer des distorsions au niveau des prix (cas de l'oligopole
non soutenable). Cependant, la structure du marché peut influencer le
choix d'un comportement. L'existence d'un grand nombre d'offreurs pour un
même produit par exemple peut inciter un producteur à favoriser
une politique de R&D en vue d'arriver à une certaine
différenciation de son produit. Alors qu'un producteur a tendance
à réduire le niveau des prix fixés pour son produit
à mesure que le nombre de vendeurs augmente.
B.5. Comportement des firmes.
Le comportement signifie ce que font les firmes et la
manière dont elles le font. Cela inclut les stratégies de
positionnement, de R&D, de production, de prix, de distribution, etc. Cela
inclut également des variables de stratégie
générale comme les pratiques collusives ou encore les
activités de fusions et d'acquisitions. Le choix d'un comportement peut
avoir un impact réel sur la structure du marché. Par exemple, la
décision de faire de la recherche et développement une
priorité permet à la firme d'arriver à une certaine
différenciation de son produit, ou encore la pratique d'entente peut
amener à un plus petit nombre d'offreurs, etc. De même, la
volonté de protéger les intérêts de groupe ou
individuels engendre la création de groupes de pression qui influence
dans un sens ou l'autre les politiques gouvernementales. Toutefois, un agent
rationnel doit prendre en compte, en choisissant sa stratégie
l'environnement dans lequel évolue son entreprise.
Les stratégies des firmes.
D'une façon générale, face aux structures
de marché, les firmes ne restent pas statiques, elles cherchent
constamment à se développer, à être en même
temps efficientes et à demeurer sur le marché. Pour ce faire,
elles appliquent des stratégies qui dépendent des structures de
marché existantes et qui à leur tour ont des effets sur ces
structures de marché. Le plus souvent, les firmes adoptent deux
catégories de stratégies :
B.5.1. Les stratégies de coopération inter
firme.
Ces stratégies consistent à définir
vis-à-vis des concurrents et des principaux acteurs
intéressés à la vie de la firme, des équilibres
subtils lutte/concurrence. Parmi ces stratégies nous avons les
stratégies d'alliance et les stratégies
d'internationalisation.
· Les stratégies d'alliance.
Les stratégies d'alliance sont conçues dans le
but d'atteindre la compétitivité nécessaire pour faire
face à la concurrence. On distingue :
a) Les stratégies relationnelles qui
comprennent d'abord ; les stratégies d'entente où les
firmes passent entre elles des accords, ayant pour objet de restreindre ou de
supprimer la concurrence susceptible de les opposer dans certains domaines de
leurs activités tout en leur laissant une certaine autonomie
économique et financière dans d'autres domaines, par exemple
les cartels. Ensuite, les stratégies
d'impartition qui se font dans le cas où une entreprise confie ou
délèguent à une autre la réalisation d'un objet,
d'un rôle ou d'une fonction plutôt que de l'assurer
elle-même, par exemple la sous- traitance.
b) Les stratégies de croissance externe pour
leur part supposent l'association entre deux ou plusieurs
sociétés par un mécanisme financier se traduisant en un
transfert de droit de propriété à une
société nouvelle où à l'une des
sociétés anciennes qui voit alors son pouvoir économique
augmenté par exemple la concentration.
· Les stratégies d'internationalisation.
Ces stratégies visent principalement
l'élargissement du marché, il en existe trois types :
a) Les stratégies d'exportation qui
comprennent : l'exportation directe qui se fait
à travers une structure commerciale propre à l'entreprise, par
exemple (Coca cola, Shell, Texaco).
L'exportation sous traitée qui consiste
à vendre sur le marché extérieur grâce à
l'intermédiation d'opérateurs spécialisés dans le
commerce international, par exemple Berhman
Motors. L'exportation
concertée qui peut prendre des formes variées de
groupement tels les accords, les contrats, les clubs entre entreprises de
même pays ou de pays différents.
b) L'investissement industriel direct, on passe
d'une exportation de produits à une exportation de capitaux. Il y a une
implantation de filial, on parle généralement de filial atelier
pour la production et de filial relais pour la commercialisation.
c) Les accords ou système contractuel, dans
ce cas l'internationalisation peut prendre deux formes : soit par le recours
à des modes de présence sans investissement à travers la
concession de
licence et la franchise. Soit par l'alliance avec des partenaires
pour l'investissement et la création de filiale commune.
L'élargissement des marchés des firmes à
travers ces politiques d'internationalisation aboutit au concept de firme
multinationale (FMN).
Les firmes multinationales
Une firme multinationale (FMN) pourrait se définir, de
manière large, comme une firme possédant ou contrôlant des
entreprises implantées dans plusieurs pays et en mesure
d'élaborer une stratégie qui s'appuie sur les différences
socio-économiques de ces pays. La théorie moderne des FMN met
l'accent sur deux éléments expliquant son existence : la
théorie de la localisation, celle-ci est souvent
déterminée soit par les ressources, soit par la baisse des
coûts de transport ou d'autre barrières aux échanges
pouvant déterminer la localisation. La théorie de
l'internalisation, il y a toujours des liaisons étroites entre les
opérations d'une FMN dans les différents pays. La production
d'une filiale sert souvent d'intrant dans la production d'une autre filiale, la
technologie mise au point dans un pays peut être utilisée dans
d'autres, un service de gestion peut coordonner les activités des usines
de plusieurs pays. La conception, le développement, le financement et
les fonctions essentielles de l'entreprise sont repartis entre les
sociétés affiliées. Ce sont ces transactions qui font
l'unité de la FMN et on peut présumer que la firme existe
précisément pour faciliter ces transactions.
La multinationalisation d'une entreprise vise principalement
à rechercher un avantage de coût et l'accroissement de
l'échelle de production
Avantage de coûts :
Il existe des écarts de coûts entre les pays, et
l'entreprise cherchera à en bénéficier. Elle adopte alors
des stratégies de minimisation des coûts qui se traduisent par la
recherche de coûts avantageux en matière :
· Salariale (main d'oeuvre souvent moins
onéreuse)
· Sociale (dispense des régimes de production
sociale)
· Fiscale (existence de paradis fiscaux)
· Possibilité de contourner les obstacles
douaniers
· Possibilités de contrôle des réseaux
de distribution
Accroissement de l'échelle de
production
Pour atteindre cet objectif la firme multinationale utilise
généralement une stratégie de volume pour acquérir
une plus grande part sur chacun de ses marchés. Elle aspire
également à réaliser des économies d'échelle
et de plus grand profit à moyen et à long terme. L'accroissement
de l'échelle de production permet à la firme d'obtenir :
· Frais de transport allégés. · Droits
de douane allégés
· Aucune rémunération d'intermédiaires
· Accroissement de la compétitivité
· Barrières protectionnistes contournées
· Meilleure veille technologique mondiale
· Meilleure veille commerciale mondiale · Image de
marque internationale des produits
· Adaptation aux spécificités des
marchés internationaux.
· Elimination des coûts des transactions
internationales
B.5.2. Les stratégies face à la concurrence de
Michael Porter
Une stratégie face à la concurrence, suppose
l'adoption d'actions offensives et défensives pour mettre la firme dans
une situation tenable au sein du secteur, pour lui permettre de faire face avec
succès aux forces de la concurrence, et, par là, lui assurer un
meilleur rendement de son investissement. L'état de la concurrence qui
prévaut dans un secteur dépend de cinq forces fondamentales qui
sont : la menace de nouveaux entrants potentiels, le pouvoir de
négociation des clients, la menace de produits ou services
substituables, le pouvoir de négociation des fournisseurs et la
rivalité entre les firmes existantes. Le jeu combiné de ces
forces détermine conjointement l'intensité de la concurrence et
la rentabilité du secteur.
Trois grandes catégories de démarche
stratégique, adaptées aux cinq forces de la concurrence, peuvent
permettre à une firme de surclasser avec bonheur les autres firmes d'un
secteur :
V' Une domination globale au niveau des coûts
V' Une différenciation
V' Une concentration de l'activité
B.5.2.1. La stratégie de domination au niveau des
coûts.
La domination globale au niveau des coûts consiste
à exploiter toutes les sources possibles d'avantage de coûts, elle
nécessite la mise en place offensive d'installations d'échelle
efficace, la recherche vigoureuse de réduction de coûts que permet
l'expérience, le contrôle serré des coûts et des
frais généraux, l'application de technologie exclusive, etc. les
dirigeants doivent consacrer une bonne part de leur attention au contrôle
des coûts, s'ils veulent atteindre ces objectifs. Elle entraîne des
investissements massifs dans des équipements modernes et supposent la
mise en oeuvre d'une politique commerciale très agressive.
L'obtention d'un coût faible par rapport à celui des concurrents
devient le thème directeur de toute la stratégie.
Lorsqu'elle parvient à une situation où son
coût est faible, la firme obtient des profits supérieurs à
la moyenne du secteur, malgré la vivacité des forces de la
concurrence. Sa situation, dans le domaine des coûts, défend la
firme contre les agressions de ses concurrents, parce
que la faiblesse relative de ses
coûts signifie qu'elle peut continuer à faire des
profits après que ses concurrents aient épuisés les leurs
dans le conflit. Une situation favorable au niveau des coûts
défend la firme contre des clients puissants,
parce que les clients ne peuvent exercer leur pouvoir que pour baisser les prix
jusqu'au niveau de ceux du concurrent de la firme la plus efficace. Un
coût faible est une défense contre les fournisseurs
puissants, parce qu'il accroît la flexibilité
lorsqu'il faut faire face à des hausses des coûts des facteurs de
production. De plus, les facteurs qui conduisent à une situation
où les coûts sont faibles aboutissent généralement
à d'importants obstacles à l'entrée, en terme
d'économies d'échelle ou d'avantages de coût. Enfin, une
situation de faible coût assure en général à la
firme une position plus favorable par rapport aux produits de
remplacement que celle de ses concurrents au sein du secteur.
L'obtention d'une position de domination globale au niveau des
coûts exige souvent une forte part de marché relative ou d'autres
avantages, tels qu'un accès favorable aux matières
premières. Elle peut également nécessiter le maintien
d'une large gamme de produits connexes afin de répartir les coûts
et exiger que tous les grands groupes de clients soient desservis pour que le
volume de production atteigne le niveau voulu. La mise en oeuvre d'une
stratégie de faible coût peut nécessiter une politique de
prix agressive et engendrer des pertes de démarrage, le temps de
consolider la part de marché. Une part de marché
élevé peut à son tour permettre des économies au
niveau des achats qui réduisent encore les coûts. Une fois
atteinte, la situation de faibles coûts procure des marges
élevées qui peuvent être réinvesties en
équipements neufs et en installations modernes qui à leur tour
viendront renforcer la domination obtenue au niveau des coûts. Ces
réinvestissements peuvent très bien être une condition
préalable pour assurer le maintien d'une situation de faible coût.
Cette stratégie peut être obtenue : soit par le choix d'une
stratégie de volume, en augmentant sa production l'entreprise peut
bénéficier d'économie d'échelle et d'effet
d'expérience, soit par le choix d'une stratégie
d'efficience, celle-ci passe par la rationalisation de tous les
coûts entrant dans l'activité.
Une stratégie de domination au niveau des coûts a
parfois révolutionné un secteur, où les bases anciennes de
la concurrence étaient différentes et où les concurrents
étaient mal préparés, par myopie ou pour des raisons
d'ordre économique à prendre les mesures nécessaires pour
une minimisation des coûts.
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