CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Pour comprendre les modifications survenues dans le
marché de la téléphonie cellulaire en 2006, nous avons
présenté tout d'abord ce secteur de 1999 à 2006 et ensuite
analysé la concurrence observée en 2006. Pour atteindre cet
objectif nous avons subdivisé ce mémoire en trois parties :
+ Le premier chapitre, consacré à une revue de
littérature, présente la théorie des prix, le paradigme
SCP et la théorie des jeux pour vérifier nos hypothèses.
Toutefois, les limites de la théorie des prix nous permettent de retenir
le paradigme SCP et la théorie des jeux pour analyser la concurrence
dans le secteur et vérifier les hypothèses.
+ Le second chapitre est la présentation du
marché, nous avons porté notre étude sur deux
périodes : septembre 1999-avril 2006 et mai-décembre 2006
où nous analysons la situation de ce marché à chaque
période à partir du paradigme SCP. La présentation de ce
marché sur ces sous périodes affirme une meilleure performance du
secteur à partir de mai 2006.
+ Le dernier chapitre est la vérification de
l'hypothèse de départ, pour cela nous avons procédé
à une analyse comparative des deux périodes
précitées pour déterminer les facteurs explicatifs des
performances enregistrées.
En effet, s'il parait indéniable que l'adoption du
cellulaire à partir de 1999 a permis d'améliorer la configuration
du marché des télécommunications en Haïti de
façon générale, il n'en reste pas moins certain que
l'évolution de ce secteur ait affiché jusqu'en avril 2006 un
dynamisme pour le moins insatisfaisant. Nous avons mis en évidence des
lacunes observées sur ce marché en ce qui a trait à
l'offre, notamment au cours de la période 1999-avril 2006 qui
coïncide avec le duopole Comcel-Haitel. La structure de marché qui
caractérisait ce secteur au cours de cette sous-période
facilitait l'adoption d'une stratégie de différenciation qui a
incité Comcel et Haitel à adopter des comportements
collusifs. En mai 2006, Digicel entre sur le marché en
employant une stratégie de volume qui est en fait la stratégie de
domination au niveau des coûts qui vise à asseoir son leadership
dans le secteur. Cette stratégie influence grandement le comportement
des autres opérateurs qui, pour faire face à la menace que
représente D igicel, vont recourir à des stratégies plus
agressives, abandonnant leur comportement collusif. Ainsi, on entre
dans une structure de marché purement oligopolistique dans laquelle les
interactions stratégiques des opérateurs ont
entraîné des changements spectaculaires. L'entrée de ce
nouvel opérateur a influencé la compétitivité dans
ce marché, qui a été déterminant dans l'atteinte de
ce dynamisme. La stratégie concurrentielle mise en oeuvre par la Digicel
a eu des retombées positives sur les comportements des firmes
concurrentes. En effet, la nécessité de réagir face
à l'agressivité de
Digicel porte Comcel et Haitel dans un premier moment à
moderniser leur réseau et ensuite à adopter des stratégies
concurrentielles aussi agressives pour capter de nouvelles parts de
marché. Ce jeu d'interactions stratégiques entre ces
opérateurs explique la forte concurrence observée dans le
secteur. Cette nouvelle concurrence dans le marché de la
téléphonie cellulaire aboutit à une nette
amélioration du bien-être du consommateur. Par ailleurs, la
modernisation des réseaux des opérateurs, nécessaire pour
affronter la concurrence, a entraîné la création d'un grand
nombre d'emplois dans le secteur qui parallèlement, fut classé
comme le plus grand contribuable de l'assiette fiscale en 2006. Ces
considérations expliquent pourquoi les économistes ont
qualifié le marché de la téléphonie cellulaire
comme le plus dynamique de l'économie haïtienne en 2006.
L'entrée de Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire a certainement influencé le nouveau
dynamisme retrouvé dans ce secteur, mais c'est surtout le comportement
de cet opérateur à travers sa stratégie concurrentielle
qui a rendu ce marché très dynamique.
Toutefois, la nouvelle concurrence qui prévaut dans ce
marché a aussi révélé les faiblesses du Conatel qui
dispose d'un cadre légal non adapté à la
réalité du secteur. Les problèmes d'interconnexion et la
concurrence déloyale observés dans les premiers moments
d'opérationnalité de la Digicel traduisent l'inefficacité
de nos institutions étatiques. Pour remédier à cette
situation, cette étude propose certaines recommandations qui pourront
être prises en compte par les différents acteurs impliqués
dans la régulation de ce marché.
Les recommandations.
Si l'on droit admettre que le secteur de la
téléphonie de façon générale a
bénéficié de l'entrée de Digicel et qu'elle a
apporté un dynamisme nouveau sur le marché du cellulaire, il faut
cependant être méfiant quant à la capacité de ce
secteur à conserver ce dynamisme sur le long terme. En effet, nous
pouvons dire que c'est un dynamisme fragile en ce sens qu'il ne repose sur
aucune politique publique, sinon que la volonté des opérateurs.
Or le rôle de l'autorité de régulation est de favoriser un
développement du marché permettant aux consommateurs d'atteindre
un bien être maximum. Cela dit, il est nécessaire de poursuivre
une régulation dans un contexte où les mutations techniques sont
rapides et profondes. Pour cela, quels doivent être les choix
économiques et politiques pour un développement à court,
moyen et long terme, du secteur de la téléphonie cellulaire ?
Il est en effet essentiel d'élaborer un cadre
légal permettant à l'ensemble de l'économie de
bénéficier des innovations du secteur et des multiples
externalités qu'il génère. Cet enjeu est d'autant plus
crucial que ces externalités influent positivement sur la croissance,
la productivité et la compétitivité. Les
télécommunications représentent une
ressource primaire pour la croissance économique et la diffusion des
innovations demeure donc un enjeu non seulement sectoriel mais aussi
macroéconomique.
Il serait donc mieux que les responsables étatiques
mettent à la disposition du régulateur des lois permettant
d'encadrer ce dynamisme. Notre proposition porte sur l'actualisation du cadre
légal où l'élaboration de nouvelles lois se fera en
concertation avec l'État, les opérateurs de
téléphonie, les Universités et les différents
acteurs concernés par l'évolution du secteur (RDDH,
AHTIC52).
Le gouvernement Haïtien devra planifier des politiques
publiques en la matière qui visent à doter le pays
d'infrastructures modernes. Comme politique publique nous prévoyons la
construction, la maintenance et le fonctionnement d'un réseau de fibre
optique offrant une large variété de service fournis par des
opérateurs indépendants.
Le MTPTC et le Conatel dans le souci de maintenir ou de
stimuler la concurrence dans le secteur peuvent octroyer des licences
supplémentaires dans le mobile, libéraliser le fixe et encourager
la portabilité des numéros53. Toutefois cette
stratégie de court terme devrait être accompagnée d'une
politique d'incitation à l'investissement et à l'innovation,
indispensable à long terme.
La Teleco devrait développer une stratégie de
croissance pour devenir très compétitive dans ce marché.
En étant un opérateur de téléphonie fixe, elle doit
agrandir son réseau pour offrir un service de qualité standard
à une très forte demande. De plus, grâce à sa
licence GSM, elle devra l'exploiter efficacement en devenant un concurrent
sérieux pour les autres opérateurs, ce qui certainement va
favoriser la compétitivité dans le secteur. Par ailleurs, elle
devrait adopter une politique de convergence des réseaux et des services
de télécommunication. Cette convergence se traduit par le
lancement d'offres intégrées regroupant à la fois voix,
données et images, permettant l'utilisation conjointe de plusieurs
équipements (téléphone, ordinateur) sur les
différentes infrastructures (fixe, mobile, Internet). Une
stratégie originale pour la Teleco qui à elle seule offrirait
plusieurs services simultanément.
Vu l'enjeu stratégique que représentent les
télécommunications pour le développement
économique, il serait bénéfique à ce stade de
statuer d'avantage sur la manière de procéder pour encadrer
l'évolution du secteur. Mis à part le paradigme SCP comme cadre
d'analyse des secteurs, nous suggérions que les futurs
diplômés du CTPEA travaillent parallèlement sur
l'interaction entre les types d'environnements sectoriel et les
stratégies des opérateurs de télécommunication.
D'autre part, le paradigme SCP et la théorie des jeux peuvent être
utilisés pour effectuer des études similaires dans
52 RDDH : Réseau de Développement Durable en
Haïti
AHTIC : Association Haïtienne des Technologies de
l'Information et des Communications
53 Possibilité offerte à un
abonné de changer d'opérateur en gardant le même
numéro.
d'autres secteurs tels le secteur bancaire, le secteur des
compagnies d'assurance, les fournisseurs de services Internet, les maisons de
transfert de devises, etc.
Les limites.
Nous avons tenu aussi à exprimer les limites de cette
étude qui ne donne certainement pas toutes les réponses relatives
à la démarche à suivre pour l'élaboration d'un
nouveau cadre réglementaire pour le secteur. Il est certain que ce
travail aurait pu être approfondi en ce sens, mais face aux nombreuses
contraintes auxquelles nous étions confrontés, ces objectifs
n'ont pas été à notre portée.
Les limites de ce travail s'expliquent par le manque de
données mises à la disposition des chercheurs. En effet :
a) nous n'avons pas eu accès à une documentation
spécifique des entreprises.
b) De plus, il n'existe presque pas de modèles
d'études économiques réalisées dans ce secteur.
c) Les informations fournies relèvent strictement des
enquêtes menées auprès des cadres des institutions
concernées.
En dépit de ses limites, cette étude
apporte de nouvelles connaissances relatives au marché
des télécommunications, en particulier le secteur de la
téléphonie cellulaire :
a) Ce que ce travail nous apprend de plus par rapport
à ce qui a déjà été dit.
Ce mémoire de sortie révèle la
nécessité de réaliser des études économiques
dans le secteur des NTIC qui puissent expliquer non seulement son
évolution mais également son importance dans les
stratégies de développement économique.
b) Ce qu'on apprend de nouveau : révélations
nouvelles sur le secteur.
Par ailleurs, on apprend de nouvelles méthodes d'analyse
de la concurrence dans le marché haïtien comme le paradigme SCP ou
encore la théorie des jeux.
Les perspectives.
L'avenir du marché des télécommunications
en Haïti parait très prometteur. L'Etat haïtien annonce
déjà la couverture numérique du territoire qui passera par
la mise en place de dorsales en fibre optique et l'implantation de la
technologie Wimax. Par ailleurs, la Teleco détentrice d'une licence GSM
non exploitée et la seule à se lancer dans des investissements en
fibre optique sera un concurrent très redoutable sur le marché de
la téléphonie cellulaire. Ces perspectives dessinent pour les
prochaines années un marché plus compétitif et beaucoup
plus dynamique.
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