AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
Le mémoire de sortie est une obligation faite à
tout étudiant finissant au CTPEA pour l'obtention du diplôme de
fin d'études. Remplir cette tâche n'a pas été
facile, la production insuffisante de statistiques et d'études relatives
au secteur des télécommunications complique sérieusement
la réalisation de notre travail, nous avons dû affronter bien des
difficultés : manque de données disponibles et refus de
collaboration des certaines personnes et instances concernées. Ces
obstacles, qui généralement rendent la réalisation d'un
tel travail difficile pour l'étudiant haïtien, nous ont pourtant
été utiles car nous avons appris à mieux connaître
l'environnement dans lequel nous sommes appelés à
évoluer.
En dépit de tous les efforts déployés
pour mener à terme ce mémoire de sortie, nous reconnaissons que
cet objectif serait aujourd'hui encore impossible à atteindre
n'était-ce le support et l'encadrement de certaines personnes, proches
et amis, envers qui nous exprimons nos remerciements les plus sincères
:
- Avant tout, nous sommes très reconnaissants envers le
Dieu de l'Univers, lui qui nous a offert la vie, le don de l'intelligence, la
santé pour travailler.
- Remerciements à nos parents qui ont intelligemment
opté pour notre éducation, le plus grand héritage qu'ils
pouvaient nous léguer.
- Nos remerciements vont chaleureusement à notre
directrice de mémoire, le Professeur Marie Josée GARNIER qui nous
a soutenue tout au long de cette étude.
- Un remerciement très spécial à notre
professeur Mathias LAUREUS, professeur de
théorie des jeux qui nous a beaucoup aidé dans les
simulations de théorie des jeux.
- Nous remercions également les professeurs Jean Baptiste
ANTENORD et Nathalie
LAMAUTE pour la révision du document.
- Nous ne saurions oublier tous les professeurs du CTPEA qui
nous ont tant donné au cours de ces quatre années
d'études. Un remerciement spécial est dédié au
professeur Hosval TRISTANT qui ne nous a jamais refusé son temps.
- Enfin, nous remercions tous ceux qui, d'une manière
ou d'une autre, ont apporté leur concours à la réalisation
de ce travail : nos camarades de promotion, notamment Dario LEBELON, les
dirigeants et responsables d'entreprises qui nous ont aidés.
Contexte et Justification du choix du thème
L'année 2006 qui marque la venue de la firme
multinationale « Digicel », a été
l'année la plus décisive dans l'histoire des
télécommunications notamment de la téléphonie
cellulaire en Haïti. La plus décisive, par le fait que pour la
première fois, la population haïtienne a pu assister à une
concurrence accentuée entre des entreprises pour le partage de
marché qui se traduit par une guerre de publicité entre les
opérateurs, par des politiques agressives de ventes, par divers
stratégies concurrentielles pour attirer les consommateurs haïtiens
etc. L'investissement direct étranger relatif à ce secteur pour
cette année était estimé à 45 million $ USD selon
le ministre des TPTC, Frantz Verella et suivant un rapport de la DGI
publié dans le nouvelliste du 26 décembre 2006, les redevances
fiscales en provenance du secteur de la téléphonie cellulaire
étaient les plus importantes. Ce qui a rendu ce marché comme
étant le plus dynamique dans l'économie nationale.
Cette situation nous révèle effectivement les
bienfaits de la concurrence et suscite en même temps pas mal de questions
concernant l'évolution de ce secteur de 1999 à 2006. La
compréhension des changements en cours dans les
télécommunications est nécessaire, d'autant plus qu'en ce
début du 21e siècle le progrès
économique passe nécessairement par la maîtrise des
nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC). Dans
cette optique, nous avons jugé opportun et impératif d'utiliser
les notions acquises au CTPEA en microéconomie, en économie
industrielle et en théorie des jeux, en vue de réaliser un
travail de recherche qui se veut être une représentation
académique et analytique de l'industrie de la téléphonie
cellulaire en HAITI.
RESUME
L'entrée de la Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire au cours de l'année 2006 a
engendré de profonds changements dans ce secteur en Haïti. Ce
mémoire de sortie se propose d'analyser comment le comportement de cet
opérateur a modifié l'environnement global de ce marché.
Pour répondre à cette interrogation, nous dressons, grâce
au paradigme SCP un portrait de ce secteur sur deux périodes :
1999-avril 2006 période au cours de laquelle Comcel et Haitel ont
évolué en situation de duopole et mai-décembre 2006
correspondant au lancement des opérations de Digicel. Ensuite, nous
procédons à une analyse comparative de l'évolution du
secteur sur les deux moments considérés. La théorie des
jeux nous permet alors de comprendre les transformations observées sur
ce marché à partir des choix stratégiques des principaux
opérateurs. Les résultats de nos différentes simulations
montrent que les stratégies agressives mises en oeuvres par Digicel ont
contribué à rendre ce marché plus compétitif et
aboutissent à un niveau de dynamisme plus élevé qui
bénéficie à la fois aux consommateurs et à
l'économie
ABSTRACT
When Digicel enter the Haitian cellular market at the end of
the year 2006, a lot of changes have been set in this sector. This work aims to
analyze the way the behavior of this operator modifies global environment of
this market. To answer this question we make a picture of the sector over two
periods using the paradigm SCP: 1999-April 2006, over that period Comcel and
Haitel have evolved in duopoly market, and May-December 2006 corresponding to
the period when Digicel started its operations in Haiti. Next we proceed to a
comparative analysis of progresses on the sector during these two periods. The
«Game Theory» allow us to understand transformations into the market
from strategic choices on main operators. The results of our various
simulations show that the strategies using by Digicel to contribute and to
return more competitive market and lead to a higher level of dynamism that
profit both costumers and the economy.
LISTE DES SIGLES
AHTIC Association Haïtienne des Technologies de
l'Information et des
Communications.
AMPS Advanced Mobile Phone System
BRH Banque de la République d'Haïti
CAPEX Capital Expenditure
CDMA Code Division Multiple Access
CMEP Conseil de modernisation des entreprises publiques.
COMCEL Communication cellulaire d'Haïti s.a
CONATEL Conseil National des Télécommunications
CRBT Coloured Ring Back Tone
CTPEA Centre de Techniques de Planification et d'Economie
Appliquée
DGI Direction Générale des Impôts
DSRP-1 Document stratégique de réduction de la
pauvreté
FMN Firme Multinationale
GSM Global System for Mobile Communication
HAITEL Haïti Télécommunications s.a
IMT-2000 International Mobile Telecommunications for the year
2000
LBS Location Based Services
MCI worldcom Media Control Interface
MEF Ministère de l'Economie et des Finances
MHz Mega Hertz
MMS Multi Media Service
MPCE Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe
MTPTC Ministère des Travaux Publiques Transport et
Communications
MVS Mobile Video Streaming
NEIO New Empirical Industrial Organization
NTIC Nouvelles Technologies de l'Information et des
Communications
OCDE Organisation pour la Coopération et le
Développement Économique
OPEX Operational Expenditure
PDG Président Directeur Général
PMA Pays Moins Avancés
PTT Push to Talk
R&D Recherche et Développement
RDDH Réseau de Développement Durable en
Haïti
RGPH Recensement Général de la Population et de
l'Habitat
SCP Structure-Comportement-Performance
SMS Short Message Service
TACS Total Access Communication System
TCA Taxes sur Chiffres d'Affaires
TDMA Time Division Multiple Access
TELECO Télécommunications d'Haïti s.a
UGCF Unité de Gestion et de Contrôle Fiscale.
UIT Union Internationale des Communications
UNIQ Université Quiskeya
USD Dollar US
W.W.I Western Wireless International
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
Tableau I.- Tableau du paradigme
Structure-Comportement-Performance (P-17)
Tableau II. - Tableau récapitulatif des principales
théories utilisées (P-3 1)
Tableau III. - Tarifs de la Digicel pour les services
Prépayés (Digicel Flex) P-49
Tableau IV.- Tarifs de la Digicel pour les services
Post-payés (Digicel Select). P-49
Tableau V. - Grille de Tarification de la Comcel (par minute en
HTG). P-49
Tableau VI.- Simulation des résultats des interactions
stratégiques de Comcel et
Haitel en situation collusive (P-59)
Tableau VII.- Simulation des résultats des interactions
stratégiques de Comcel et
Haitel en situation en absence de collusion (P-61)
Figure 1.- Détermination du prix en situation de monopole
(P- 11)
Figure 2.1.- Configuration du marché
téléphonique en Haïti en Avril 2006 (p-39)
Figure 2.2.- Le marché de la téléphonie
mobile en Septembre 2006 (P-46)
Figure 2.3.- Redevances fiscales des compagnies cellulaires :
2000-2006 (P-51)
Figure 3.1.- Le modèle Structure-Comportement-Performance
(P-58)
Figure 3.2.- Evolution du taux de pénétration du
téléphone cellulaire : 1998-déc.2006 P-63
Figure 3.3.- Le marché de la téléphonie
mobile en déc. 2006 (P-72)
Figure 3.4.- Le modèle Structure-Comportement-Performance
(P-75)
Figure 3.5.- Simulation des résultats des interactions
stratégiques de Comcel, Haitel
et Digicel (P-76).
Table des matières
Avant-propos et remerciements ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.. i
Contexte et Justification du choix du thème ~~~~~~~~~~~~~~~~~ii
Résumé ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.. iii Liste des Sigles
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.. iv Liste des tableaux et graphiques
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. vi Liste des annexes ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~vii Table
des matières ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. 1
Introduction . 3
Problématique~~~~~~..~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. 5
Méthodologie~~~~~~~..~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. . 8
Chapitre 1. Cadre théorique du travail
10
A. La théorie des prix~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. ~ 10
A.1. Le Monopole~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 11
A.2. La Concurrence monopolistique ...... ......
............ ...... 13
A.3. L'oligopole......... ............ ...... ......
......... ... ...... 14
B. Le paradigme : Structure-Comportement-Performance ~~~~~~~~~~.
~.. 15
B.1. Définition et
Objectif~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 15
B.2. Différentes écoles
depensée~~~~~~~~~~~~~~~~~~~. 15
B.3. l'environnement global du marché......
............ ......... ... ... 18
B.4. Structure de marché ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~..
18
B.5. Comportement des firmes... ......... ... ............
...... 19
B.6. Performance du marché............ .........
............ ...... ... 25
B.7. Limites du Paradigme............... ...... ......
......... ... 26
C. La théorie des jeux~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.. 27
C.1. Les différentes formes de
jeux............................................................. 27
C.2. Utilisation de la théorie des jeux dans
l'analyse des marchés des
télécommunications...........................................................................
..... 30
Chapitre 2. La présentation du marché du
cellulaire en Haïti de 1999 à 2006 32
A. Progrès technologique dans la téléphonie
cellulaire mobile 32
B. Le marché de la téléphonie cellulaire en
Haïti : Septembre 1999-Avril 2006 ~~~~~34
B.1. Les conditions de base............... ...... ......
......... ... 34
B.2. Les politiques gouvernementales...... ......
............ ...... ... 37
B.3. Caractéristiques du marché sur la
période 1999 à Avril 2006 38
B.3.1. La structure du marché... .........
............ ......... 38
B.3.2. Le comportement des opérateurs .........
............ .......... 40
B.3.3. La performance du secteur............ ......
............ ......... 42
C. Le marché de la téléphonie cellulaire
haïtien avec Digicel : Mai-Décembre 2006........... 42
C.1. Les premiers moments de Digicel en Haïti .........
......... .............. 42
C.2. La structure du marché...... .........
............ ......... .............. 43
C.3. Le comportement des firmes... ......... .........
......... .............. 46
C.4. La performance de ce secteur de Mai à
Décembre 2006......... ...... .... 50
Chapitre 3. Analyse comparative des
performances de ce marché sur les deux périodes
étudiées ...52
A. L'analyse économique du
secteur de la téléphonie cellulaire sur la période
1999-avril 2006..52 A.1 Peut-on parler de dynamisme dans ce secteur
considéré sur la période
1999-avril 2006 ? 53
A.2. Quelles stratégies les opérateurs en
place ont-ils adoptées ? 53
A.3. L'impact de la stratégie de
différenciation sur le marché ......... ............. 54
A.4. Relation de causalité entre structure,
comportement et performance.................. 58
A.5. Une analyse par la théorie des jeux du
secteur............ ...... ......... ... 58
B. L'analyse économique du secteur sur la période
mai-décembre 2006.......................... 62
B.1. Regain de dynamisme observé sur le marché
de la téléphonie cellulaire
enmai 2006............ ......... ... ............ ......
...........62
B.2. Quelle stratégie la Digicel a-t-elle
utilisé pour accaparer ce marché ? 65
B.3. Impact de la stratégie de domination au niveau
des coûts de la Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire haïtien en 2006... ......... .........
67
B.4. Relation de causalité entre la structure, le
comportement et la performance
dusecteur 74
B.5 Simulation par la théorie des jeux des
interactions stratégiques des opérateurs 75
CONCLUSION ET PERSPECTIVES 77
BIBLIOGRAPHIE 81
ANNEXES
Introduction
L'histoire économique du monde est marquée par
de grands changements au cours desquels on a vu des transformations qui pour
toujours ont modifié le cours de l'humanité. Si l'on admet que la
grande révolution agricole au milieu du 18e siècle
reste le point de départ de toutes ces transformations, les deux grandes
révolutions industrielles, celle de 1860 et de 1970, constituent un
tournant important dans l'orientation de l'économie mondiale.
L'avènement des nouvelles technologies de l'information
et des communications (NTIC) survenu avec la deuxième phase de la
révolution industrielle (1970) va offrir de nouvelles pistes de
développement au marché des télécommunications,
notamment la téléphonie mobile.
En effet, la mise au point de systèmes
numériques à la place des systèmes analogiques,
l'utilisation de satellites de télécommunication et des ondes
hertziennes sont autant de facteurs permettant la conception, le
développement et l'extension des réseaux de
télécommunication à travers le monde. Si le
développement et l'utilisation de la téléphonie mobile ne
visent pas principalement à remplacer les réseaux de
téléphone filaire, elle sera néanmoins utilisée
pour combler dans certaines régions du globe le vide laissé en
terme de couverture mais surtout pour offrir à son utilisateur de
nouvelles options, notamment une très grande mobilité.
L'essor des communications cellulaires mobiles a
été spectaculaire, le nombre d'abonnés est passé de
11 millions seulement en 1990 à plus d'un milliard à la fin de
l'année1 2005. Un article publié dans Le Monde
Diplomatique2 révèle qu'en 2002 le nombre
d'abonnés au service de téléphonie mobile dépasse
le nombre de téléphones fixes globalement. Ce même article
affirme qu'une personne sur six dans le monde possède un
téléphone mobile en 2006 alors qu'il était seulement une
sur 339 en 1991 et on estime que le nombre d'abonnés double tous les 20
mois environ. La téléphonie mobile est aujourd'hui un secteur des
plus dynamiques de l'activité économique, elle est certes un
secteur économique à part entière car elle est source
d'emplois et d'investissements mais surtout elle est très
présente, utile, parfois même indispensable au fonctionnement des
autres branches de l'économie.
L'Eldorado que représente le marché de la
téléphonie mobile ne laisse pas indifférents
les investisseurs, les opérateurs de téléphonie mobile
et les équipementiers qui se livrent une
1 Evolution de téléphonie mobile sous les effets
des régulations et les réformes dans la
télécommunication.
2 Dan Schiller, le marché du téléphone
portable, le monde diplomatique, pages 1-22-23, février 2005
concurrence sans merci pour l'acquisition et la consolidation
de parts de marché. Aussi de grands opérateurs (Vodafone,
Orange, America movil, T-Mobile, China Mobile) et des
équipementiers tels que Nokia, Motorola, Samsung, LG, Siemens, Sony
Ericsson, et bien d'autres commercialisent-ils, à l'échelle de la
planète, des terminaux dotés de fonctions multiples
(calculatrice, jeux, appareil photo, camera vidéo, radio,
télévision, Internet, etc.) et des services sans fil. L'affluence
des investisseurs sur le marché du mobile s'explique par la
possibilité de réaliser des profits énormes. En effet,
bien qu'on estime que ce marché soit encore à son début,
les marges de profits générées dans ce secteur sont
pharaoniques (plus de 700 milliards de dollars US en 2005) 3et selon
les estimations des experts, Ces profits augmenteront considérablement
à l'avenir vu que plus de 250,000 personnes à travers le monde
s'abonnent chaque jour au réseau mobile.
Cette rude concurrence entre opérateurs s'intensifie
d'autant plus que, depuis quelques années, le développement de
réseaux téléphoniques mobiles s'est
révélé un moyen très efficace pour permettre
à des zones géographiquement très peu accessibles et
surtout aux régions très pauvres en infrastructures où le
réseau filaire est défaillant de garder le contact avec le reste
du monde. Cet état de fait crée de nouveaux marchés et par
conséquent de nouvelles sources de profit.
Plusieurs autres facteurs peuvent être avancés
pour expliquer la progression fulgurante de la téléphonie mobile.
On pourrait citer en autres, la mode. En effet,
l'élargissement du marché de la téléphonie mobile
se fait en partie grâce aux jeunes qui utilisent ce moyen bien plus comme
une nouvelle mode d'expression, plutôt qu'un moyen de communication tout
simplement. Cependant, l'explication la plus pratique est que ces nouvelles
technologies offrent des avantages que le réseau filaire ne pourrait pas
offrir, on pense en particulier à la personnalisation et à la
grande mobilité de l'utilisateur « désormais on
n'appelle plus une maison, on appelle une personne ».
L'élargissement de ce marché et les forts
profits qu'il génère attirent encore et toujours plus
d'investisseurs, d'ailleurs, l'entrée de nouveaux
concurrents dans le secteur ne laisse pas indifférents les
opérateurs qui y sont déjà établis. Cela leur porte
généralement à modifier leurs comportements et leurs
stratégies en faisant de l'innovation une arme de toute première
importance afin de conforter, d'améliorer leur position ou de
décourager d'autres entrants potentiels.
En Haïti, tout comme dans la plupart des pays en
développement où il y a des problèmes d'infrastructure
de toute sorte, le développement des réseaux de
téléphonie sans fil, dans un souci de répondre à
un besoin croissant de services téléphoniques, est devenu une
réalité depuis la fin des
3 Dan Schiller, le marché du téléphone
portable, le monde diplomatique, pages 1-22-23, février 2005
années 90. Cependant, dans le contexte de la
mondialisation économique, la production d'un bien ou d'un
service à l'intérieur d'une économie subit
nécessairement l'influence du marché international. Le secteur de
la téléphonie mobile en Haïti n'échappe pas à
cette loi. En effet, si à son début celui-ci a été
contrôlé par des entreprises nationales, avec le temps cette
situation a nettement évolué et une nouvelle configuration de ce
marché où évolue désormais une firme multinationale
doit être prise en compte.
L'entrée sur le marché de la
téléphonie mobile cellulaire en Haïti de l'opérateur
multinational « Digicel », n'est pas sans conséquences sur la
structure du marché, les comportements et surtout les performances des
firmes évoluant dans la branche. Cette situation à
provoqué des changements considérables dans la manière
dont ce secteur a évolué jusque là. Dans cette
perspective, ce mémoire de sortie se propose d'analyser la concurrence
dans ce secteur en vue d'expliquer les modifications survenues avec
l'entrée de la Digicel en 2006.
Problématique.
Depuis le milieu du 20esiècle, dans les
années 1950, Haïti fut l'un des premiers pays des Caraïbes
à s'être doté d'un réseau de
télécommunication. Depuis lors, la situation du marché des
télécommunications a évolué
considérablement. En effet, dans sa genèse ce marché fut
exploité par une seule firme : les Télécommunications
d'Haïti S.A. (Teleco) qui a obtenu dès 1968 le monopole des
services de téléphonie sur tout le territoire national et une
instance de régulation des télécommunications, le CONATEL,
fut instaurée dès 1 9694.
Toutefois, malgré les progrès
considérables réalisés dans les technologies de
l'information et de la télécommunication, le taux de
pénétration de ce service en 1998 était seulement de
0,72%, soit un total de 55,000 lignes installées pour une population de
près de 7.650 millions d'habitants, et ce service était
concentré dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince à
hauteur de 85% .
Face à une telle inefficacité des services de
télécommunication, plusieurs scenarii ont été
envisagés pour remédier à la situation, notamment la
privatisation de l'opérateur publique et l'ouverture du secteur à
la concurrence qui semblent être, depuis le début des
années 90, les chemins les mieux convoités pour déboucher
sur une amélioration des conditions de fonctionnement du secteur. Ainsi,
dès 1996, un projet de loi sur la privatisation de la Teleco a
été soumis au parlement haïtien. D'un autre
côté, l'arrivée de nouvelles compagnies offrant
principalement les services de téléphonie mobile contribue
à donner une nouvelle configuration au marché des
télécommunications dont le
4 Décret accordant à l `Etat
Haïtien le monopole des services de télécommunications,
1977.
taux de pénétration jusqu'en 2002 était
près de 3%, d'autant plus que la Téléco (jusqu'alors
oeuvrant dans le secteur de la téléphonie filaire) s'est
elle-même lancée dans la téléphonie cellulaire avec
la Rectel et ensuite dans la téléphonie à mobilité
réduite avec Ti-telefon 2004. Depuis 1998, l'année où la
Rectel, la première compagnie de téléphonie cellulaire
mobile haïtienne est lancée, le marché des
téléphones sans fil n'a cessé de se transformer. En effet,
elle a été tout de suite rejointe par la Haïtel qui utilise
la technologie CDMA (1999), puis par la Comcel utilisant la technologie TDMA.
Jusqu'en avril 2006, les consommateurs haïtiens ont été
desservis principalement par ces deux compagnies de téléphonie
mobile cellulaire quoiqu'une autre compagnie, Ti-telefon 2004 desserve ce
secteur depuis 2004.
Le marché de la téléphonie cellulaire a
enregistré durant les six premières années des
performances peu satisfaisantes. Plusieurs indicateurs révèlent
les résultats de ce secteur : Coûts d'acquisition d'un terminal
très elevé, un taux de pénétration et de couverture
assez faible, coûts d'utilisation du service très
élevé, mauvaise qualité de service et très peu de
diversification de produits.
En effet, suite à toutes ces lacunes
enregistrées dans ce secteur, les analystes concluent à une
demande potentielle largement supérieure à l'offre effective. Il
parait alors nécessaire de se questionner sur la capacité de ce
marché à offrir un service qui puisse satisfaire, en terme de
qualité et de quantité, une demande sans cesse grandissante. La
structure du marché n'était peut être pas
étrangère à cette inefficacité, c'est la raison
pour laquelle on devra analyser à chaque période le type de
marché auquel on était confronté.
Par ailleurs, certains économistes stipulent que le
comportement des firmes à partir des politiques de prix, des politiques
concurrentielles est le facteur déterminant de ce résultat. Ils
mettent en relief l'implication des stratégies des opérateurs
dans la performance du secteur. Pour cela, on aura à
étudier aussi les relations de causalités qui existent entre la
structure du marché, les comportements de ces opérateurs et la
performance du secteur .
Cependant, la fin de l'année 2005, année
où la Comcel a adopté une licence GSM sous le nom de Voila,
constitue un tournant dans l'utilisation de technologies plus modernes qui sont
mises au service des consommateurs haïtiens. L'utilisation du
systéme GSM et ses multiples avantages offrent de grande capacité
de couverture du territoire national, toutefois, les performances ont peu
évolué. Au cours de l'année 2006, les habitudes allaient
être totalement modifiées quand un opérateur multinational,
en l'occurence Digicel, entrait dans le secteur en utilisant lui aussi la
technologie GSM. Depuis lors, une véritable guerre s'est engagée
entre les principaux concurrents du secteur : guerre de prix des terminaux et
de tarification, guerre de publicité, etc. Cette
concurrence implique d'importantes innovations en terme de
technologie, de stratégie de marketing, de stratégie de prix, de
facilité d'accès aux téléphones portables pour une
clientèle de bas revenus, et d'une plus grande couverture des
réseaux sur le plan national etc.
Cette situation a fait l'objet de plusieurs débats.
Pour plus d'un la loi de la concurrence explique tout naturellement cette
transformation, à savoir que la venue d'un nouveau concurrent dans le
secteur redynamise celui-ci et devient automatiquement profitable aux
consommateurs. D'autres ne sont pas totalement d'accord pourvu que ti
téléphone 2004 était un nouveau concurrent et pourtant n'a
pas fait long feu. Cependant, il faut souligner que depuis la venue de Digicel,
les comportements des opérateurs de la place ont beaucoup changé
en guise de réactions aux actions menées par cette compagnie
multinationale, ce qui nous a valu en retour d'énormes avantages. Il est
alors nécessaire d'analyser ce qui est à la base de cette
transformation radicale répertoriée dans ce secteur en seulement
huit mois. Serait-ce l'entrée d'un nouvel opérateur (loi de la
concurrence) qui est à la base de ces changements ? Ou encore, serait-ce
le comportement de la Digicel, différent de ses
prédécesseurs, qui explique cette nouvelle configuration ?
Hypothèse de travail.
H1 : La stratégie concurrentielle de la Digicel est le
facteur déterminant du dynamisme du secteur de la
téléphonie cellulaire en Haïti en 2006.
Hypothèses secondaires.
H2 : Comcel et Haitel ont utilisé la stratégie
de différenciation des produits, celle ci a eu des résultats peu
satisfaisants sur le dynamisme du marché de la téléphonie
cellulaire en Haïti entre septembre 1999 et avril 2006.
H3 : Digicel a adopté la stratégie de domination
par les coûts qui aura un impact positif sur le dynamisme du secteur de
la téléphonie cellulaire en Haïti entre mai et
décembre 2006.
Objectifs du travail de recherche :
L'obj ectif principal de ce mémoire de sortie est
d'analyser les modifications survenues dans le marché de la
téléphonie cellulaire en Haïti en 2006 suite à
l'entrée de la Digicel. De manière spécifique nous
voulons faire ressortir la configuration de ce marché durant la
période allant de
septembre 1999 à décembre 2006 et analyser l'impact
du comportement de la Digicel sur la concurrence dans le secteur.
Méthodologie.
La consultation de nombreux documents disponibles dans les
bibliothèques des institutions telles que le CONATEL, la BRH, le RDDH,
le MTPTC, le MEF, le CMEP, la DIGICEL, la COMCEL, la HAITEL, la TELECO, nous
permettra de construire une riche documentation sur le marché des
télécommunications en Haïti. Notre bibliographie s'est
enrichie aussi grâce à la consultation d'articles tirés de
journaux tels que le Nouvelliste, Problèmes Economiques et le journal le
Matin ainsi que des entrevues réalisées avec des
personnalités importantes oeuvrant dans le secteur. Les informations
ainsi recueillies, sous réserves qu'elles sont exactes, seront
très utiles pour l'élaboration de notre étude.
Pour vérifier nos hypothèses, nous utilisons un
corpus théorique tournant autour de la théorie des prix. Cette
dernière met en relation la structure d'un marché et sa
performance de telle sorte que la structure du marché détermine
la performance considérée en termes de prix. Cependant, les
théoriciens sont unanimes à reconnaître que la
théorie des prix trouve son essence dans le cadre d'un marché
parfait, or ces types de marché n'existent pas dans la
réalité. Partant de ce constat, la théorie des prix ne
peut pas être retenue comme cadre d'analyse pour cerner
l'évolution du secteur de la téléphonie cellulaire
haïtien. Nous retenons alors le paradigme
Structure-Comportement-Performance qui a été
développé dans un souci de combler les lacunes de la
théorie des prix. Le principal apport du paradigme SCP à la
théorie des prix vient de la prise en compte de la variable comportement
qui, avec la structure, expliquent la performance du marché. Le
paradigme SCP intègre également dans son cadre d'analyse,
d'autres éléments influençant l'évolution d'un
marché, ce sont notamment les conditions de base et les politiques
gouvernementales qui agissement sur tous les paramètres du
marché.
Cependant, le paradigme SCP se contente de faire ressortir la
configuration du marché au cours d'une période donnée, il
se révèle insuffisant quand il faut expliquer les multiples
interactions stratégiques qui se font entre agents intervenant sur le
marché et qui caractérisent la concurrence moderne. La
théorie des jeux sera alors utilisée comme complément au
paradigme SCP dans cette étude, elle prend en compte ces interactions,
et également l'analyse du dynamisme observé dans le
secteur.
Toutefois, pour bien faire ressortir les changements qui se sont
opérés dans le secteur étudié en 2006, nous
procédons à une subdivision de ce travail en trois grands
chapitres :
Le premier chapitre est consacré
à une revue de la littérature théorique, c'est le corpus
théorique expliqué antérieurement. L'idée
directrice du premier chapitre est d'utiliser des théories qui
s'adaptent à l'hypothèse sus-mentionnée. La conclusion de
ce chapitre nous dira quelles théories seront prises en compte pour
vérifier l'hypothèse de départ.
Le second chapitre est la présentation
du marché. Tout d'abord nous présentons les progrès
technologiques encourus dans la téléphonie cellulaire. Ensuite
pour cerner le nouveau dynamisme observé dans le secteur nous faisons
porter notre étude sur deux sous périodes : septembre 1999-avril
2006 et mai-décembre 2006. Sur chacune de ces sous périodes nous
présentons la situation du marché du cellulaire à partir
du paradigme SCP.
Le troisième chapitre est la
vérification de l'hypothèse de départ. Pour expliquer la
meilleure performance observée dans le secteur de la
téléphonie cellulaire sur la période mai-décembre
2006, nous partons de l'hypothèse suivante : La
stratégie concurrentielle de la Digicel est le facteur
déterminant du dynamisme du secteur de la téléphonie
cellulaire en Haïti en 2006'. Pour soutenir cette proposition, nous
considérons deux autres hypothèses secondaires mettant en relief
les stratégies des firmes sur chacune des deux sous périodes
étudiées. Pour vérifier la validité de ces
hypothèses, nous procédons à une analyse comparative de
ces deux sous périodes.
Tout d'abord, nous présentons la notion de dynamisme de
marché. Pour rendre opérationnel ce concept, nous
considérons deux grandes dimensions qui sont le degré
d'accessibilité et la nature des choix des produits et services. Ainsi,
dans ce chapitre nous étudions sur chacune des sous périodes
considérées le niveau de dynamisme atteint dans le secteur en
fonction des dimensions retenues.
Ensuite, nous vérifions les hypothèses du
travail de recherche en analysant les causes des performances obtenues à
travers les périodes étudiées.
Enfin, nous présentons sur chaque sous période
les relations de causalité existant entre la structure, le comportement
et la performance du secteur et nous procédons à une analyse par
la théorie des jeux pour modéliser les interactions
stratégiques des opérateurs.
Conclusion et perspectives.
A ce niveau nous répondrons aux questions
soulevées dans l'étude, ensuite nous ferons ressortir des
propositions qui pourront être prises en compte par les agents qui sont
impliqués dans la régulation de ce marché. Enfin nous
esquisserons certaines limites de ce travail et pour finir nous
présenterons de nouvelles voies de recherche.
Chapitre 1. Cadre théorique du travail
A. La théorie des prix.
La théorie des prix cherche à expliquer les
phénomènes de marché par les incitations
économiques auxquelles les individus sont confrontés. Le postulat
de base de cette théorie stipule que le marché est l'instrument
idéal pour la circulation des informations sur les choix, il annonce les
prix des offres et des demandes de chacun, elle suppose donc que la structure
de marché influence directement la performance des firmes et du secteur.
Le prix du marché est le seul prix réalisable, ce prix permet
l'ajustement du marché qui est le mécanisme d'équilibre
des quantités offertes et demandées. C'est le
phénomène de la main invisible d'Adam Smith qui fait
référence à la loi de l'offre et de la demande
envisagée dans le cadre d'un marché parfaitement concurrentiel.
Or les conditions d'existence de la concurrence pure et parfaite en tant que
structure de marché sont particulièrement contraignantes. A titre
d'exemple, considérons le marché des
télécommunications :
La concurrence pure et parfaite fait référence
à une structure de marché où les vendeurs et les acheteurs
sont suffisamment nombreux pour qu'aucun ne puisse exercer une influence sur le
prix, seuls les mécanismes du marché déterminent le prix
d'équilibre qui s'impose donc à tous. Une concurrence est pure et
parfaite si elle répond à certaines hypothèses telles :
o atomicité : acheteurs et vendeurs sont nombreux sur
le marché au point que nul ne peut à lui seul influencer les
prix.
o Homogénéité : les produits
échangés sont identiques et substituables les uns aux autres. o
Libre entrée sur le marché : il n'existe aucune barrière
à l'entrée.
o Transparence : l'information des agents économiques est
totale.
Le secteur de la téléphonie est
généralement caractérisé par un petit nombre
d'opérateurs qui se partagent le marché et qui de ce fait peuvent
chacun influencer les prix, ce qui viole la loi d'atomicité. De
même, les produits vendus par les différents opérateurs ne
sont pas forcément homogènes vu que chacun d'eux peut utiliser
des technologies différentes pour satisfaire sa clientèle. La
condition de libre entrée comme caractéristique principale de la
concurrence n'est pas évidente dans le cas du marché des
télécommunications. En effet, les montants nécessaires
pour les investissements initiaux sont importants et ne sont pas accessibles
à tous. D'un autre coté, les opérateurs en place
s'efforcent à différencier leur produit de façon à
fidéliser leur clientèle, ce qui renforce d'avantage les
barrières à l'entrée. Ainsi, parce que ces
opérateurs sont constamment en situation d'interaction
stratégique, et luttent activement pour acquérir de nouvelles
parts de marché, ils considèrent l'information comme une arme
stratégique devant leur permettre d'anticiper les actions ou
réactions de leurs concurrents. De ce
fait, l'information comme ressource est précieuse et
très confidentielle. L'hypothèse de transparence des informations
n'est donc pas vérifiée dans le cas du marché de la
téléphonie. Toutes ces considérations montrent bien que la
notion de concurrence pure et parfaite ne s'applique pas au marché des
télécommunications. Il faut donc intégrer les notions de
monopole et de concurrence imparfaite (concurrence monopolistique et oligopole)
pour expliquer les profondes mutations observées au sein du
système industriel.
A.1. Le Monopole.
On parle de monopole quand sur un marché donné
un seul producteur dessert l'ensemble de la demande des consommateurs. En
situation de monopole, contrairement à ce qui se passe sur un
marché concurrentiel où le marché fixe les prix, le
monopoleur fixe lui-même le prix que les consommateurs doivent payer pour
acheter son produit en fonction de la quantité de bien qu'il veut
produire. La fonction de prix s'écrit alors : P = f(Q).
P
Fig. 1 Détermination du prix en situation
de monopole
Rm
Cm
D
Q
Le profit du monopole étant la différence
entre les recettes et les coûts totaux, si on désigne par Ð le
profit, on peut alors écrire Ð = RT - CT avec RT = P.Q ou bien RT =
Q.f(Q).
On a donc la recette marginale telle que : Rm = dRT/dQ =
f(Q) + Q.df(Q)/dQ.
Le profit est maximisé pour Rm = Cm,
c'est-à-dire lorsque Cm = f(Q) + Q.df(Q)/dQ # Cm < P car df(Q)/dQ
< 0. Donc, le prix payé par les consommateurs est supérieur au
coût marginal.
Ainsi, le monopoleur continue à produire jusqu'à
la dernière unité d'une quantité Q* donnée pour
laquelle les recettes supplémentaires sont supérieures aux
coûts supplémentaires induits par cette unité. Donc le
monopoleur va augmenter son niveau de production jusqu'à ce que le
coût marginal égalise la recette marginale.
En situation de monopole, la société obtient une
quantité de biens inférieure à celle qu'elle souhaite
obtenir pour un prix supérieur au prix d'un marché concurrentiel,
c'est là l'une des principales raisons pour lesquelles les monopoles
sont réprimés.
Cependant, malgré leurs performances jugées non
satisfaisantes du point de vue économique, les monopoles ont surgi dans
certains secteurs pour des raisons d'efficacité économique, on
parle alors de monopole naturel. C'est le cas des
services publics : électricité, eau, transport en commun,
téléphone...
Le monopole naturel.
Le marché des télécommunications a
été exploité dans un cadre très
réglementé. Différents motifs étaient
avancés pour justifier l'intervention de l'État dans ce domaine.
Ils étaient d'ordre militaire : le téléphone, comme tous
les grands réseaux est d'une importance vitale pour la
sécurité intérieure et extérieure du pays
(sécurité du territoire) ; politique : le téléphone
était un service public, au même titre que la fourniture de l'eau
ou de l'électricité, chacun devait pouvoir disposer d'un
accès au téléphone au même prix dans tout le
pays5. Le monopole tient principalement à une raison
économique : le coût d'installation d'un réseau terrestre
classique est énorme. Le premier qui assure cet investissement sur un
territoire donné empêche donc l'entrée de tout nouveau
concurrent dans la mesure où le coût marginal du nouvel
abonné est très faible, une fois l'investissement de base
réalisé.
Un monopole naturel s'installe dans une industrie si les
économies d'échelles sont si fortes, qu'il est plus efficace de
confier la totalité de la production de l'industrie à une seule
entreprise que de la partager entre plusieurs firmes qui, d'ailleurs,
risqueraient de ne pas pouvoir survivre6. Cela arrive par exemple
quand pour le secteur en question, la courbe de coût total moyen est
toujours décroissante.
Quelle que soit sa forme, le monopole reste une situation de
marché qui ne permet pas d'obtenir une condition de production optimale
pour la société. C'est pourquoi, certains secteurs qui à
l'origine ont évolué dans une structure de monopole se sont
transformés en une structure de marché plus concurrentielle
(concurrence monopolistique ou oligopole) procurant un meilleur bien-être
à la collectivité.
La remise en cause du monopole naturel dans les
télécommunications.
Pendant les années 1970/1980, le retour de la doctrine
libérale aux États-Unis et en Grande Bretagne encourage la
déréglementation dans plusieurs domaines comme les transports
aériens ou la finance. C'est également le cas pour les
télécommunications. Un facteur qui amplifie beaucoup ce mouvement
de libéralisation est sans doute le progrès technique. Les
arguments en faveur du monopole naturel, qui étaient tout à fait
valables dans un environnement technique dominé par l'analogique,
disparaissent avec l'arrivée du numérique. La technologie
numérique provoque une baisse des coûts des infrastructures
grâce à l'augmentation des capacités des réseaux et
de leurs fonctionnalités. De cette manière, la
compatibilité des réseaux et la gestion des interconnexions sont
de mieux en mieux assurées. La numérisation a réduit
très fortement les coûts d'investissement et de fonctionnement des
réseaux, il devient possible de concurrencer les grands
opérateurs historiques sur certains segments de marché sans avoir
à procéder à des investissements colossaux.
5 Source : Pierre Sohlberg, Alternatives Economiques
n°149, Juin 1997.
6 Économie des télécoms, J.P. Goulvestre,
1997, p.47-48.
La révolution numérique n'est pas la seule
raison qui a poussé à remettre en cause le monopole naturel. Les
télécommunications sont devenues un facteur stratégique
pour les grandes entreprises. Elles sont de plus en plus attentives à la
gestion de leurs factures et contestent la lourdeur de la réglementation
administrative qui pèse sur le prix des
télécommunications. Un autre aspect est la diversification. Les
télécommunications, ce n'est plus seulement l'acheminement de
communications vocales, mais aussi de multiples services
spécialisés : transfert de données, messagerie,
réseaux d'entreprise reliant leurs différents sites,
téléphonie mobile, etc. Il devient plus difficile de
défendre le maintien d'un monopole sur des activités qui entrent
dans un champ normal d'activités d'autres entreprises, en l'occurrence
les constructeurs informatiques et les sociétés de service. De
plus, la pression de certaines entreprises, attirées par les
bénéfices réalisés par les opérateurs sur ce
marché ainsi que la mondialisation des échanges accroissant la
concurrence pour les transmissions de données, sont autant de facteurs
qui ont accéléré le processus de libéralisation des
télécommunications. Dans cette perspective de remise en cause du
monopole, la concurrence monopolistique et l'oligopole semblent être les
structures de marché concurrentielles les mieux appropriées pour
étudier ce secteur. Ces deux structures de marché seront
analysées en profondeur dans les lignes qui suivent.
A.2. La Concurrence monopolistique.
La théorie de la concurrence monopolistique stipule que
la concurrence monopolistique est un régime de concurrence hybride,
entre le monopole et la concurrence pure et parfaite.
Le marché de concurrence monopolistique est semblable
à la concurrence pure et parfaite en ce sens qu'il peut avoir beaucoup
de vendeurs, mais il s'en distingue parce que les produits sont
différenciés. La structure de marché appelée
concurrence monopolistique correspond à une situation dans laquelle il y
a différenciation du produit, de sorte que chaque entreprise a un
certain pouvoir de monopole, mais il y a également entrée libre,
de sorte que les profits à long terme tendent vers zéro. Plus une
entreprise réussit à différencier son produit par rapport
aux produits similaires vendus par les autres firmes, plus elle dispose d'un
pouvoir de monopole, c'est-à-dire plus la courbe de demande pour son
produit est inélastique. Chaque firme vend sa marque de produits, sa
version du produit qui est différente dans la qualité,
l'apparence, la réputation, etc.
Le secteur est monopolistique dans la mesure où chaque
entreprise est confrontée à une courbe de demande
décroissante pour son produit. Elle a par conséquent certain
pouvoir de marché puisqu'elle peut fixer son propre prix au lieu
d'accepter passivement le prix du marché comme une entreprise
concurrentielle. D'un autre coté il y a concurrence entre les
entreprises pour attirer les consommateurs à la fois en terme de prix et
de type de bien vendu. Quand on procède à une analyse
détaillée d'un marché
de concurrence monopolistique, les caractéristiques
spécifiques des produits et de la technologie et la nature des choix
stratégiques à la disposition des entreprises sont
extrêmement importantes.
Un marché de compétition monopolistique a deux
critères fondamentaux : le premier et le plus important est que les
firmes en concurrence vendent des produits différenciés qui sont
plus ou moins substituables les uns aux autres dépendamment du
degré de différenciation. Le second est qu'il y a libre
entrée et sortie des firmes.
En fait, chaque vendeur travaille sur un marché
distinct de celui des autres vendeurs et s'adresse à un ensemble de
clients dont la fidélité varie. Si l'entreprise hausse son prix,
elle perdra une partie de sa clientèle, mais pas la totalité, au
profit des concurrents. Mais, comme son produit n'est pas un substitut parfait
aux produits des concurrents, même en réduisant son prix, elle ne
peut espérer attirer la totalité de leurs clients, comme ce
serait le cas en situation de concurrence pure et parfaite. Par
conséquent, la courbe de demande d'une entreprise en situation de
concurrence monopolistique révèle une pente négative,
comme celle d'un monopoleur, et non pas horizontale, comme celle d'une
entreprise de concurrence pure et parfaite7.
Il existe plusieurs cas de marché de concurrence
monopolistique comme : le marché des pâtes dentifrices, des
déodorants, du savon de bain, les services médicaux, les
restaurants, ~
A.3. L'oligopole.
L'existence des oligopoles comme structure de marché
découle de la mise en place dans un secteur donné, de
barrières à l'entrée imposées aux entrants
potentiels du secteur. Les principales caractéristiques d'une telle
structure de marché sont l'existence d'un petit nombre de vendeurs, la
diversité des comportements stratégiques des concurrents
évoluant dans le secteur et l'interdépendance des choix de chaque
concurrent sur le comportement de ses rivaux. Le marché de la
téléphonie mobile semble très bien répondre aux
caractéristiques de l'oligopole. En effet, on y dénombre un petit
nombre d'opérateurs desservant l'ensemble d'un marché très
dense où chaque concurrent prend ses décisions en tenant compte
du comportement et des décisions des firmes rivales.
En situation d'oligopole on parle de concurrence potentielle
qui explique comment la menace d'entrée de nouveaux concurrents dans le
secteur amène les firmes déjà présentes sur le
marché à adopter un comportement concurrentiel en fixant leurs
tarifs suffisamment proches de leurs coûts marginaux, de sorte que
l'entrée d'une nouvelle firme risque d'occasionner des pertes dans
l'industrie. Ainsi, on dit que la configuration de l'industrie est
soutenable, si tout nouvel entrant sur le
marché se trouve dans l'impossibilité de réaliser un
profit quand le prix des firmes déjà présentes sur ce
marché reste inchangé.
7 Équilibre de court et de long terme d'une
entreprise de concurrence monopolistique en annexe.
Dans ce cas, l'oligopole en question produit au minimum du
coût moyen satisfaisant la demande, on parle alors de rendements
croissants. Dans le cas où l'industrie produit dans la partie croissante
de la courbe de coût moyen (rendements décroissants), elle est
dite non soutenable. Dans ce cas, une partie de la
demande peut-être satisfaite par un nouvel entrant qui pratique un prix
plus faible, l'autre partie étant soit évincée, ou bien
satisfaite à des prix très élevés. Il en
découle alors une distorsion du marché et une absence
d'équité.
Cependant, nous ne pouvons pas expliquer les performances de
ce marché par la seule connaissance de sa structure comme le veut la
théorie des prix. En effet, la réalité industrielle est
à l'origine des limites de la théorie des prix où la
structure de marché n'explique pas toujours les résultats ou
performances enregistrés dans un secteur. C'est ainsi que, pour
décrire correctement le fonctionnement de plus en plus complexe des
marchés, la concurrence contemporaine doit également prendre en
compte les éléments déterminants de la conduite des
firmes. Dans cette perspective, les théoriciens ont
développé le paradigme Structure-Comportement-Performance comme
cadre de référence visant à combler les imperfections de
la théorie des prix.
B. Le paradigme : Structure-Comportement-Performance
B.1. Définition et Objectif.
Le paradigme Structure-Comportement-Performance (SCP) est
originaire du champ de l'économie industrielle. D'abord
développé par Mason (1939) puis affiné par Bain (1968), il
a été largement utilisé pour analyser des industries et
des stratégies concurrentielles. Ce paradigme, dans sa forme la plus
simple soutient qu'il y a un rapport causal unidirectionnel reliant la
structure du marché au comportement des firmes en présence et
ensuite à la performance (S C P). En d'autres termes, la structure du
marché affecte le comportement des firmes dans une industrie et ce
dernier affecte à son tour la performance. Cependant la formulation
originelle du paradigme SCP n'a pas toujours fait l'unanimité parmi les
chercheurs.
B.2. Différentes écoles de
pensée.
La relation entre les indicateurs (structure, comportement et
performance) est approchée différemment selon les écoles.
Pour l'école de Harvard (Bain et Mason), la performance d'une branche
d'activité qui est sa capacité à satisfaire les
consommateurs y est considérée comme dépendante du
comportement moyen des entreprises en place, comportement lui-même
déterminé par les caractéristiques structurelles du
marché, qui elles-mêmes sont dépendantes des conditions de
base de l'offre et de la demande. Sur un plan méthodologique,
l'économie industrielle est de type structuraliste puisque la structure
demeure
le facteur explicatif déterminant des performances du
marché. Pourtant, pour l'école de Chicago (avec Stigler), le
Comportement des firmes est le facteur explicatif déterminant de la
performance du marché et cette dernière influence la structure (C
P S). Cette nouvelle approche de type behavioriste part du principe que les
stratégies des acteurs, analysées dans une logique de domination,
visent essentiellement pour les entreprises à s'affranchir des
structures des marchés qui les abritent. La Nouvelle Economie
Industrielle avec Jean Tirole, veut que le comportement détermine la
structure et la performance du marché, mais établit
également une relation inverse telle que P influence C et S.
De façon plus générale, le paradigme
conditionne l'état du marché par son environnement global qui
inclut les conditions de base de l'offre et de la demande et la politique
gouvernementale (Tab.1).
Conditions de base
Demande Offre
Elasticité demande Technologie
Substituts Matières premières
Taux de croissance Durée de vie du produit
Position géographique Position géographique
Méthode d'achat Economie d'échelle
Structure Nombre d'acheteurs et de
vendeurs Barrières à l'entrée Différentiation
des produits Intégration verticale Diversification
Comportement Publicité Recherche
& Développement Fixation des prix Investissements Choix du
produit Entente
Performance Prix Emploi Qualité
du produit Progrès technique Profits
Réglementation Politique antitrust Barrière
à l'entrée Taxes et subventions Incitations à
l'investissement Incitations à l'emploi Politiques
macroéconomiques
Politique Gouvernementale
Tableau du paradigme Structure-Comportement-Performance
Tab.1
B.3. L'Environnement global du marché.
B.3.1 Les conditions de base.
Les conditions de base font référence du
coté de la demande à l'élasticité, le taux de
croissance, la position géographique de la demande, etc. Du coté
de l'offre ce sont la technologie utilisée, les matières
premières, les économies d'échelle, des substituts, la
position géographique, etc. Celles-ci ont un impact réel sur la
structure du marché. La position géographique de l'offre par
exemple peut déterminer le nombre de vendeurs intervenant sur le
marché, alors que le type de technologie utilisée peut être
un facteur de différenciation ou encore peut constituer une
barrière à l'entrée. De même un fort taux de
croissance de la demande d'un bien peut inciter l'entrée dans le secteur
d'un plus grand nombre de d'offreurs, tandis que le choix d'une technologie
peut entraîner une limitation de l'offre.
En retour, la structure de marché influence les
conditions de base en ce sens que l'existence d'un nombre important d'acheteurs
permet au producteur de réaliser des économies d'échelle.
De plus, la mise en place de barrières à l'entrée peut
éliminer ou du moins limiter le nombre de produits substituts. Les
conditions de base sur un marché subissent également l'influence
des politiques publiques. En effet, une politique d'incitation à
l'emploi aura une incidence positive sur le pouvoir d'achat des consommateurs,
ce qui favorise d'avantage une économie d'échelle pour les firmes
en place. De même une politique d'incitation à l'investissement
peut entraîner l'apparition de substituts dans le secteur.
B.3.2 La politique gouvernementale.
La politique gouvernementale influence les conditions de
base, la structure du marché, mais aussi le comportement des agents et
la performance du marché. Les pouvoirs publics disposent de divers
moyens pour influencer le marché, ils peuvent agir à travers les
taxes et subventions, les politiques antitrust, les politiques
macroéconomiques, les organes de régulation, etc.
Elle détermine le comportement des agents à
travers les politiques d'incitations à l'investissement, alors que les
taxes et subventions ont un impact sur le niveau des prix fixés par les
entreprises ; les politiques antitrust limitent les éventuelles ententes
entre firmes. D'un autre coté, la politique gouvernementale peut jouer
un rôle décisif dans la performance du marché notamment
à travers les incitations à l'emploi. De même, elle
influence la structure du marché en ce sens que les barrières
à l'entrée et la réglementation d'un marché
déterminent le nombre de vendeurs intervenant sur ce marché
B.4. Structure de marché.
La structure se réfère aux facteurs physiques,
environnementaux et institutionnels qui influencent les interactions parmi
les firmes participantes. Traditionnellement, elle a été
mesurée en terme de
concentration du marché (Offre et Demande), d'existence
de barrières à l'entrée, de degré de
différentiation de l'offre (produits, services), etc. Cependant, pour
chacune des structures de marché présentées ci-dessus, on
ne retrouve pas une situation d'allocation optimale des ressources puisque,
dans chaque cas, la structure en question donne lieu à des
déficiences toujours néfastes pour le bien-être de la
collectivité.
En situation de monopole, l'opérateur peut ne pas
offrir le service en quantité suffisante en vue de maximiser ses rentes
(demande non satisfaite). Avec l'oligopole, la société court le
risque de voir les prix s'élever considérablement dans le cas
où il y aurait des ententes (tacites ou explicites) entre les firmes ;
et aussi d'enregistrer des distorsions au niveau des prix (cas de l'oligopole
non soutenable). Cependant, la structure du marché peut influencer le
choix d'un comportement. L'existence d'un grand nombre d'offreurs pour un
même produit par exemple peut inciter un producteur à favoriser
une politique de R&D en vue d'arriver à une certaine
différenciation de son produit. Alors qu'un producteur a tendance
à réduire le niveau des prix fixés pour son produit
à mesure que le nombre de vendeurs augmente.
B.5. Comportement des firmes.
Le comportement signifie ce que font les firmes et la
manière dont elles le font. Cela inclut les stratégies de
positionnement, de R&D, de production, de prix, de distribution, etc. Cela
inclut également des variables de stratégie
générale comme les pratiques collusives ou encore les
activités de fusions et d'acquisitions. Le choix d'un comportement peut
avoir un impact réel sur la structure du marché. Par exemple, la
décision de faire de la recherche et développement une
priorité permet à la firme d'arriver à une certaine
différenciation de son produit, ou encore la pratique d'entente peut
amener à un plus petit nombre d'offreurs, etc. De même, la
volonté de protéger les intérêts de groupe ou
individuels engendre la création de groupes de pression qui influence
dans un sens ou l'autre les politiques gouvernementales. Toutefois, un agent
rationnel doit prendre en compte, en choisissant sa stratégie
l'environnement dans lequel évolue son entreprise.
Les stratégies des firmes.
D'une façon générale, face aux structures
de marché, les firmes ne restent pas statiques, elles cherchent
constamment à se développer, à être en même
temps efficientes et à demeurer sur le marché. Pour ce faire,
elles appliquent des stratégies qui dépendent des structures de
marché existantes et qui à leur tour ont des effets sur ces
structures de marché. Le plus souvent, les firmes adoptent deux
catégories de stratégies :
B.5.1. Les stratégies de coopération inter
firme.
Ces stratégies consistent à définir
vis-à-vis des concurrents et des principaux acteurs
intéressés à la vie de la firme, des équilibres
subtils lutte/concurrence. Parmi ces stratégies nous avons les
stratégies d'alliance et les stratégies
d'internationalisation.
· Les stratégies d'alliance.
Les stratégies d'alliance sont conçues dans le
but d'atteindre la compétitivité nécessaire pour faire
face à la concurrence. On distingue :
a) Les stratégies relationnelles qui
comprennent d'abord ; les stratégies d'entente où les
firmes passent entre elles des accords, ayant pour objet de restreindre ou de
supprimer la concurrence susceptible de les opposer dans certains domaines de
leurs activités tout en leur laissant une certaine autonomie
économique et financière dans d'autres domaines, par exemple
les cartels. Ensuite, les stratégies
d'impartition qui se font dans le cas où une entreprise confie ou
délèguent à une autre la réalisation d'un objet,
d'un rôle ou d'une fonction plutôt que de l'assurer
elle-même, par exemple la sous- traitance.
b) Les stratégies de croissance externe pour
leur part supposent l'association entre deux ou plusieurs
sociétés par un mécanisme financier se traduisant en un
transfert de droit de propriété à une
société nouvelle où à l'une des
sociétés anciennes qui voit alors son pouvoir économique
augmenté par exemple la concentration.
· Les stratégies d'internationalisation.
Ces stratégies visent principalement
l'élargissement du marché, il en existe trois types :
a) Les stratégies d'exportation qui
comprennent : l'exportation directe qui se fait
à travers une structure commerciale propre à l'entreprise, par
exemple (Coca cola, Shell, Texaco).
L'exportation sous traitée qui consiste
à vendre sur le marché extérieur grâce à
l'intermédiation d'opérateurs spécialisés dans le
commerce international, par exemple Berhman
Motors. L'exportation
concertée qui peut prendre des formes variées de
groupement tels les accords, les contrats, les clubs entre entreprises de
même pays ou de pays différents.
b) L'investissement industriel direct, on passe
d'une exportation de produits à une exportation de capitaux. Il y a une
implantation de filial, on parle généralement de filial atelier
pour la production et de filial relais pour la commercialisation.
c) Les accords ou système contractuel, dans
ce cas l'internationalisation peut prendre deux formes : soit par le recours
à des modes de présence sans investissement à travers la
concession de
licence et la franchise. Soit par l'alliance avec des partenaires
pour l'investissement et la création de filiale commune.
L'élargissement des marchés des firmes à
travers ces politiques d'internationalisation aboutit au concept de firme
multinationale (FMN).
Les firmes multinationales
Une firme multinationale (FMN) pourrait se définir, de
manière large, comme une firme possédant ou contrôlant des
entreprises implantées dans plusieurs pays et en mesure
d'élaborer une stratégie qui s'appuie sur les différences
socio-économiques de ces pays. La théorie moderne des FMN met
l'accent sur deux éléments expliquant son existence : la
théorie de la localisation, celle-ci est souvent
déterminée soit par les ressources, soit par la baisse des
coûts de transport ou d'autre barrières aux échanges
pouvant déterminer la localisation. La théorie de
l'internalisation, il y a toujours des liaisons étroites entre les
opérations d'une FMN dans les différents pays. La production
d'une filiale sert souvent d'intrant dans la production d'une autre filiale, la
technologie mise au point dans un pays peut être utilisée dans
d'autres, un service de gestion peut coordonner les activités des usines
de plusieurs pays. La conception, le développement, le financement et
les fonctions essentielles de l'entreprise sont repartis entre les
sociétés affiliées. Ce sont ces transactions qui font
l'unité de la FMN et on peut présumer que la firme existe
précisément pour faciliter ces transactions.
La multinationalisation d'une entreprise vise principalement
à rechercher un avantage de coût et l'accroissement de
l'échelle de production
Avantage de coûts :
Il existe des écarts de coûts entre les pays, et
l'entreprise cherchera à en bénéficier. Elle adopte alors
des stratégies de minimisation des coûts qui se traduisent par la
recherche de coûts avantageux en matière :
· Salariale (main d'oeuvre souvent moins
onéreuse)
· Sociale (dispense des régimes de production
sociale)
· Fiscale (existence de paradis fiscaux)
· Possibilité de contourner les obstacles
douaniers
· Possibilités de contrôle des réseaux
de distribution
Accroissement de l'échelle de
production
Pour atteindre cet objectif la firme multinationale utilise
généralement une stratégie de volume pour acquérir
une plus grande part sur chacun de ses marchés. Elle aspire
également à réaliser des économies d'échelle
et de plus grand profit à moyen et à long terme. L'accroissement
de l'échelle de production permet à la firme d'obtenir :
· Frais de transport allégés. · Droits
de douane allégés
· Aucune rémunération d'intermédiaires
· Accroissement de la compétitivité
· Barrières protectionnistes contournées
· Meilleure veille technologique mondiale
· Meilleure veille commerciale mondiale · Image de
marque internationale des produits
· Adaptation aux spécificités des
marchés internationaux.
· Elimination des coûts des transactions
internationales
B.5.2. Les stratégies face à la concurrence de
Michael Porter
Une stratégie face à la concurrence, suppose
l'adoption d'actions offensives et défensives pour mettre la firme dans
une situation tenable au sein du secteur, pour lui permettre de faire face avec
succès aux forces de la concurrence, et, par là, lui assurer un
meilleur rendement de son investissement. L'état de la concurrence qui
prévaut dans un secteur dépend de cinq forces fondamentales qui
sont : la menace de nouveaux entrants potentiels, le pouvoir de
négociation des clients, la menace de produits ou services
substituables, le pouvoir de négociation des fournisseurs et la
rivalité entre les firmes existantes. Le jeu combiné de ces
forces détermine conjointement l'intensité de la concurrence et
la rentabilité du secteur.
Trois grandes catégories de démarche
stratégique, adaptées aux cinq forces de la concurrence, peuvent
permettre à une firme de surclasser avec bonheur les autres firmes d'un
secteur :
V' Une domination globale au niveau des coûts
V' Une différenciation
V' Une concentration de l'activité
B.5.2.1. La stratégie de domination au niveau des
coûts.
La domination globale au niveau des coûts consiste
à exploiter toutes les sources possibles d'avantage de coûts, elle
nécessite la mise en place offensive d'installations d'échelle
efficace, la recherche vigoureuse de réduction de coûts que permet
l'expérience, le contrôle serré des coûts et des
frais généraux, l'application de technologie exclusive, etc. les
dirigeants doivent consacrer une bonne part de leur attention au contrôle
des coûts, s'ils veulent atteindre ces objectifs. Elle entraîne des
investissements massifs dans des équipements modernes et supposent la
mise en oeuvre d'une politique commerciale très agressive.
L'obtention d'un coût faible par rapport à celui des concurrents
devient le thème directeur de toute la stratégie.
Lorsqu'elle parvient à une situation où son
coût est faible, la firme obtient des profits supérieurs à
la moyenne du secteur, malgré la vivacité des forces de la
concurrence. Sa situation, dans le domaine des coûts, défend la
firme contre les agressions de ses concurrents, parce
que la faiblesse relative de ses
coûts signifie qu'elle peut continuer à faire des
profits après que ses concurrents aient épuisés les leurs
dans le conflit. Une situation favorable au niveau des coûts
défend la firme contre des clients puissants,
parce que les clients ne peuvent exercer leur pouvoir que pour baisser les prix
jusqu'au niveau de ceux du concurrent de la firme la plus efficace. Un
coût faible est une défense contre les fournisseurs
puissants, parce qu'il accroît la flexibilité
lorsqu'il faut faire face à des hausses des coûts des facteurs de
production. De plus, les facteurs qui conduisent à une situation
où les coûts sont faibles aboutissent généralement
à d'importants obstacles à l'entrée, en terme
d'économies d'échelle ou d'avantages de coût. Enfin, une
situation de faible coût assure en général à la
firme une position plus favorable par rapport aux produits de
remplacement que celle de ses concurrents au sein du secteur.
L'obtention d'une position de domination globale au niveau des
coûts exige souvent une forte part de marché relative ou d'autres
avantages, tels qu'un accès favorable aux matières
premières. Elle peut également nécessiter le maintien
d'une large gamme de produits connexes afin de répartir les coûts
et exiger que tous les grands groupes de clients soient desservis pour que le
volume de production atteigne le niveau voulu. La mise en oeuvre d'une
stratégie de faible coût peut nécessiter une politique de
prix agressive et engendrer des pertes de démarrage, le temps de
consolider la part de marché. Une part de marché
élevé peut à son tour permettre des économies au
niveau des achats qui réduisent encore les coûts. Une fois
atteinte, la situation de faibles coûts procure des marges
élevées qui peuvent être réinvesties en
équipements neufs et en installations modernes qui à leur tour
viendront renforcer la domination obtenue au niveau des coûts. Ces
réinvestissements peuvent très bien être une condition
préalable pour assurer le maintien d'une situation de faible coût.
Cette stratégie peut être obtenue : soit par le choix d'une
stratégie de volume, en augmentant sa production l'entreprise peut
bénéficier d'économie d'échelle et d'effet
d'expérience, soit par le choix d'une stratégie
d'efficience, celle-ci passe par la rationalisation de tous les
coûts entrant dans l'activité.
Une stratégie de domination au niveau des coûts a
parfois révolutionné un secteur, où les bases anciennes de
la concurrence étaient différentes et où les concurrents
étaient mal préparés, par myopie ou pour des raisons
d'ordre économique à prendre les mesures nécessaires pour
une minimisation des coûts.
B.5.2.2. La stratégie de différenciation des
produits.
La seconde stratégie de base consiste en une
différenciation du produit ou du service offerte par la firme, qui vise
à créer quelque chose qui soit ressenti comme unique au niveau de
l'ensemble du secteur. Les démarches de différenciation peuvent
prendre bien des formes : une conception originale ou une image de marque
(mercedes pour les automobiles), une forme technologique (coleman pour le
camping), l'apparence extérieur, etc. une
différenciation réussie est une stratégie viable pour
obtenir des profits supérieurs à la moyenne du secteur. Il existe
plusieurs types de différenciation, deux critères permettent
d'établir cette typologie :
· Le degré de cette
différenciation, quand on le considère on distingue deux
types.
La différenciation maximale, lorsque deux
produits sont perçus tout à fait différemment par le
consommateurs que cette différenciation a été
provoquée ou non. La différenciation minimale, lorsque
les produits sont considérés comme identiques par les
consommateurs.
· La nature de la différenciation,
on distingue :
La différenciation verticale qui tient soit
aux caractéristiques du produit (sa marque, la qualité), soit aux
conditions de sa vente. La différenciation horizontale, selon
laquelle la préférence de l'acheteur pour le produit est dans
beaucoup de cas psychologique et tient à des facteurs personnels. La
différenciation informationnelle selon laquelle la
préférence pour un produit peut venir de la quantité
d'information que détient l'acheteur.
La différenciation met la firme à l'abri des
agressions des concurrents, en raison de la
fidélité des clients envers la marque et de la plus faible
sensibilité à l'égard du prix qui en résulte. Elle
augmente les marges, ce qui évite la recherche d'une situation de faible
coût. La fidélité de la clientèle qui en
résulte et le fait que les concurrents doivent surmonter la
difficulté qui constitue le caractère unique du produit font
apparaître des obstacles à l'entrée. La
différenciation assure des marges plus élevées, qui
permettent de faire face au pouvoir des fournisseurs,
et elle estompe sans aucun doute le pouvoir des
clients, puisque les clients ne disposent pas d'articles
comparables et sont en conséquence moins sensible au prix. Enfin, la
firme qui s'est différenciée pour acquérir la
fidélité des clients devrait se trouver dans une position
meilleure que ses concurrents face aux produits de
remplacement. La différenciation peut parfois interdire la
conquête d'une part de marché élevée. Elle exige
souvent un sentiment d'exclusivité, qui est incompatible avec une part
de marché importante.
B.5.2.3. La stratégie de concentration.
La dernière stratégie de base consiste à
se concentrer sur un groupe de clients particulier, sur un segment de la gamme
des produits, sur un marché géographique. Comme la
différenciation, la concentration peut prendre différentes
formes. Toute la stratégie de concentration s'organise autour d'une
cible particulière à laquelle on s'efforce de procurer un
très bon service. Cette stratégie repose sur l'idée que la
firme est capable de desservir sa cible stratégique restreinte plus
efficacement, ou en consommant moins de ressources, que les concurrents qui
luttent dans un domaine plus large. Même si
la stratégie de concentration n'assure pas des
coûts faibles ou une différenciation dans le cadre d'une
perspective qui embrasserait l'ensemble du marché, elle permet
d'atteindre l'une des deux situations ou les deux à la fois face
à la cible restreint qui est visée sur le marché.
Les comportements des firmes constituent donc un variable
important qu'il faut bien saisir quand on cherche à comprendre
l'évolution d'un marché, ils sont déterminants dans
l'explication de leur performance. Par exemple, une entreprise qui choisit
d'investir dans une politique de R&D se donne les moyens de
développer un produit de meilleure qualité. Par ailleurs, lorsque
dans un secteur plusieurs firmes concluent une entente unissant leurs
activités, elles deviennent plus fortes et sont en mesure de
pratiqués des prix plus élevés sur le marché.
B. 6. La performance du marché
La performance fait référence autant aux
résultats pour l'industrie dans son ensemble que pour les firmes
individuelles. Elle est généralement mesurée en terme de
rentabilité, d'efficacité de production, de progrès
technique, de croissance, etc. Le niveau de performance atteint influence les
comportements des entreprises évoluant sur le marché. L'obtention
de profits élevés porte généralement les firmes
à se lancer dans de nouveaux investissements ou encore à mener
des politiques de R&D, etc.
La formulation originelle de l'hypothèse SCP
était simplement qu'une plus forte concentration du marché (un
nombre plus réduit de firmes) conduirait généralement
à une concurrence moins vive (exprimée par des prix plus
élevés et des volumes plus faibles). A partir des années
1970, une base théorique plus rigoureuse pour l'hypothèse SCP a
été progressivement construite tandis que beaucoup
d'études empiriques ont également été conduites
dans divers contextes. L'approche SCP devint alors rapidement très
populaire parmi les chercheurs en économie industrielle. Le paradigme a
été également considéré comme un dispositif
important pour saisir les rapports essentiels entre la structure des
marchés, le comportement stratégique des firmes et la
performance. Le succès initial du paradigme SCP s'explique sans doute
par l'extrême simplicité de sa structure de base : les
catégories principales à mobiliser sont clairement
identifiées et, puisque l'approche n'est pas spécifique à
une industrie, elle a pu être appliquée à une large
variété de secteurs, rendant ainsi possible plusieurs
comparaisons intersectorielles.
B. 7 Les Limites.
La nouvelle économie industrielle (New Empirical
Industrial Organization) adresse quelques critiques majeures au courant SCP
:
a- La marge (prix - coût) ne peut être directement
observée via les données comptables sur les firmes et les
secteurs.
b- Les analyses interindustrielles sont peu pertinentes dans la
mesure où SCP néglige trop les spécificités
institutionnelles de chaque secteur.
Au niveau théorique, l'accent est placé sur la
description des structures du marché et sur leurs liens directs avec les
performances réalisées. Le rôle des comportements est
minimisé dans la mesure où les entreprises sont supposées
poursuivre le même objectif et de s'adapter plus ou moins passivement aux
conditions de leur environnement industriel.
Une autre critique majeure adressée au paradigme SCP est
son aspect unidirectionnel : S. C. P
Selon la Nouvelle Economie Industrielle (Tirole, 1993), S n'est
plus une donnée, ce sont les stratégies (C) de firmes
rationnelles qui "construisent" les structures de marché.
Soit S, C et P des vecteurs représentant des ensembles de
structures de marché, de comportements et de performances. En
économie industrielle traditionnelle : C= C(S), P= P(C, S)= Ö(S)
Dans cette optique, le changement est considéré
comme étant exogène au système, et comportements et
performances sont envisagés comme structurellement
déterminés. Le caractère évolutif et historique du
processus de concurrence (possibilités de rétroaction allant des
performances vers les comportements et des comportements vers certaines
structures qui deviennent ainsi endogènes) n'est pas pris en compte : on
parle de système statique.
En dépit des critiques adressées au paradigme
SCP8, sa validité n'est de toute évidence pas trop
ébranlée et reste encore le cadre de référence des
études en organisation industrielle. En effet, les études
empiriques tendent à démontrer et même continuent à
prouver que le cadre théorique de l'analyse reste valable quoique des
ajustements du raisonnement initial semble toujours nécessaires et que
les conclusions des analyses plus récentes sont plus nuancées.
Ainsi, la NEIO apporte des aspects méthodologiques novateurs qui, avec
le paradigme SCP, sont utilisés pour améliorer le cadre d'analyse
des marchés en économie industrielle. Ce sont : L'utilisation
croissante des outils de la microéconomie, des modèles de la
concurrence imparfaite et surtout la théorie des jeux qui permet de
modéliser les interactions stratégiques des firmes dans un
secteur.
8 CNAM - Dynamiques Industrielles et Stratégies
Concurrentielles
C. Théorie des jeux.
La théorie des jeux est avant tout un cadre d'analyse
complémentaire du paradigme SCP, elle prend en compte dans l'analyse de
la performance du marché, l'importance des interactions
stratégiques qui se jouent entre les agents intervenant sur le
marché.
Généralement, les décisions prises par un
agent affectent directement la satisfaction d'autres agents. Par exemple,
l'entrepreneur qui lance un nouveau produit espère
généralement prendre des parts de marché à ses
concurrents. Il choisit le prix, la quantité produite, la
qualité, les distributeurs et les formes de publicité afin
d'obtenir les profits les plus élevés possibles. L'ensemble de
ces choix affecte évidemment le profit des concurrents. Or, il n'y a
aucune raison pour que les concurrents restent passifs et ne répondent
pas aux décisions de l'entrepreneur par des choix qui auront aussi une
influence sur ses profits. Cet exemple suggère que les interactions
individuelles sont souvent source de conflits potentiels. La théorie des
jeux analyse la manière dont les individus (considérés
comme des joueurs rationnels) agissent dans de telles situations.
Confrontés à des situations conflictuelles, ceux-ci peuvent
décider de coopérer, en choisissant leurs décisions d'un
commun accord, ou bien de se comporter de manière individualiste.
Un jeu est une modélisation d'une situation
d'interaction décisionnelle. Un jeu stratégique est un ensemble
de règles qui encadre ou contraint le comportement des joueurs et qui
déterminent les gains des joueurs sur la base des actions entreprises.
Les ingrédients minimaux nécessaires pour décrire un jeu
sont : les joueurs, les actions possibles pour chaque joueur, les règles
du jeu et le résultat du jeu pour chaque fin possible.
C.1. Les différentes formes de jeux.
On distingue la théorie des jeux coopératifs
qui analyse la cohérence des décisions d'un groupe et la
théorie des jeux non coopératifs qui étudie la
cohérence des choix individuels. Fortement marquée par
l'individualisme méthodologique, la microéconomie utilise
essentiellement la théorie des jeux non coopératifs. Cela ne
signifie pas que les concepts d'engagement et d'accord sont absents de la
nouvelle microéconomie, mais ils sont abordés dans une
perspective non coopérative9.
La théorie des jeux se propose donc d'étudier
toute situation dans laquelle les agents rationnels interagissent, elle est une
manière formelle d'analyser l'interaction dans un groupe d'agents
rationnels qui ont un comportement stratégique ; son champ d'application
est extrêmement vaste, il englobe en particulier toute la
micro-économie traditionnelle.
9 La nouvelle microéconomie : Pierre Cahuc
Les jeux sous forme extensive constituent un des
modèles les plus simples où tous ces aspects sont
présents. Il s'agit d'un modèle où les joueurs choisissent
séquentiellement leurs actions (suivant certaines règles),
jusqu'à un moment où le jeu est déclaré fini.
Les jeux sous forme extensive ont naturellement une structure
arborescente, et peuvent donc être décrits par l'utilisation d'un
arbre orienté, appelé arbre de décision
ou encore arbre du jeu. On appellera un arbre de jeu tout
triplet ordonné (X, x0, f) vérifiant :
· X ensemble des noeuds (au plus dénombrable) ;
· x0 X étant la racine de
l'arbre;
· f est une application de
X\{x0} vers X telle que : quel que soit x X\
{x0}, il existe un unique entier n 1 tel que
f(n)=fof ...of, n fois.
X désigne l'ensemble des noeuds, x0 est la
racine de l'arbre et f(x) est l'unique
prédécesseur immédiat du noeud x. L'ensemble
T des noeuds terminaux est l'ensemble des noeuds qui ne sont les
prédécesseurs d'aucun noeud : T={x X f(y)x,
yX}.
Le jeu est donc une compétition dans laquelle le
comportement stratégique joue un rôle important. Chaque
entrepreneur (joueur) conçoit une stratégie, c'est-à-dire
le plan des actions à engager. Le gain de chaque entreprise, ce qu'elle
reçoit à la fin du jeu, son profit , dépend de l'action de
toutes les entreprises concurrentes.10 En théorie des jeux,
la notion de Stratégie constitue un concept central.
Pour les jeux sous forme extensive, elle indique un plan d'action complet pour
chaque joueur spécifiant ce que fera ce dernier à chaque noeud de
l'arbre et face à chaque situation pouvant survenir au cours du jeu. De
façon générale, on définit une Stratégie
pour un joueur dans un jeu sous forme extensive comme une fonction qui associe
à chaque ensemble d'information, une action dans l'ensemble des actions
possibles à cet ensemble d'information.
Plus précisément : si
{Ui1.Ui2....} est la partition d'information du joueur
i, si A(Uij) est l'ensemble des actions possibles
à Uij et si Ai =
Uj=1,2,..[A(Uij)] alors une stratégie Si du joueur i
est une fonction :
Si : {Ui1.Ui2....} ? Ai telle
que j : Si(Uij) A(Uij).
On notera Si l'ensemble de toutes les stratégies
possibles du joueur i.
En théorie des jeux on distingue :
Stratégie gagnante : une stratégie qui
permet de gagner quel que soit ce que font les autres joueurs.
Stratégie dominante : on dit que si'
Si est une stratégie dominante pour le joueur i s'il
existe si Si
avec si si' / Ui(si',
s-i) Ui(si,
s-i). Avec
s-i Si
10 Réf : Cours d'Economie Industrielle, prof.
M. J. Garnier, CTPEA.
Stratégie strictement dominée :
si' Si est strictement
dominée pour le joueur i, s'il existe une autre
stratégie si Si
/ Ui(si,
s-i)Ui(si', s-i).
Avec s-i S-i
Equilibre de Nash : L'équilibre de NASH
décrit une issue dans laquelle aucun joueur ne souhaite modifier son
comportement étant donné la stratégie de ses rivaux. Un
profil de stratégie s*=(s*i)i N S est un
équilibre de Nash du jeu si et seulement si, i N,
siSi : ri(s*i,
s*-i) ri(si,
s*-i)
En théorie des jeux on définit en fonction de la
durée, des jeux statiques dans lesquels les rivaux ne sont qu'une
seule fois en compétition, les comportements antérieurs n'entrent
pas en ligne de compte. Dans ce cas, chaque entreprise va appliquer la
stratégie qu'elle a choisie et ne va pas la modifier. On retrouve ici le
concept d'équilibre de Nash, c'est-à-dire un ensemble de
stratégies qui procurent à une entreprise le profit ( ) le plus
élevé, les stratégies des autres étant connues.
On parle également des jeux dynamiques ou Jeux
à plusieurs périodes. Dans ces jeux, les entreprises appliquent
des stratégies complexes ; leurs comportements peuvent changer en
fonction des résultats des périodes antérieures. Et
lorsque dans les jeux répétés les joueurs connaissent les
actions antérieures de leurs rivaux et conditionnent les actions de la
période courante par celles des périodes antérieures, on
parle de Super Jeux. Comme dans certains pays les
lois anti-trust interdisent la communication directe ; les entreprises le font
indirectement par le choix d'une stratégie. Elles peuvent par exemple
choisir une stratégie multi-période de faible production pour
signaler à leur rivale leur désir de coopérer en acceptant
bien sur des pertes pendant plusieurs périodes, de même une
entreprise peut menacer de sanctionner sa rivale (qui refuse de
coopérer) en différenciant ses comportements.
Il convient de souligner que les jeux
répétés ne débouchent pas nécessairement sur
la coopération. Le type d'équilibre qui émerge du jeu
à plusieurs périodes dépend des moyens mis à la
disposition des joueurs ; ceux-ci dépendent du taux
d'intérêt, de la durée du jeu et de la
crédibilité de la menace. Les recherches récentes sur les
jeux à plusieurs périodes se sont concentrées sur les
équilibres qui résultent des stratégies crédibles,
c'est-à-dire du sous-ensemble des actions mises en oeuvre par
l'entreprise et bien comprises par les rivales.
Sur les divers marchés il existe plusieurs
catégories de jeux :
Les jeux à informations parfaites :
l'entreprise connaît les actions qui ont été choisies
auparavant. Les jeux à informations imparfaites : les joueurs
ne connaissent pas ce que les autres joueurs ont fait auparavant. Les jeux
à informations incomplètes : le joueur ne connaît
pas les caractéristiques précises de ses adversaires.
C.2. Utilisation de la théorie des jeux dans l'analyse
des marchés des télécommunications.
La théorie des jeux est un corpus théorique
basé sur les principes suivants : un ou plusieurs décideurs sont
amenés à effectuer des choix stratégiques en fonction de
possibilités de gain et de réactions supposées des autres
joueurs. La théorie des jeux consiste alors à formaliser les
scénarios possibles en fonction des choix de chacun puis à
déterminer la meilleure stratégie pour un joueur. L'existence
d'un petit nombre d'acteurs industriels en concurrence et la présence de
règles du jeu parfois élaborées par les régulateurs
font des télécommunications un champ d'application
privilégié pour la théorie des jeux. Les directions
générales ou de la stratégie des grands opérateurs
des télécoms, ainsi que les autorités de
régulation, utilisent la théorie des jeux pour simuler les
comportements stratégiques dans les cas d'ouverture de marché ou
de rapprochements d'acteurs.
Pour étudier ce marché, très souvent les
spécialistes utilisent le Modèle de Bertrand.
Le modèle de Bertrand est un cas
particulier des situations d'oligopole. Il analyse une situation d'oligopole
où la variable stratégique est le prix et où les fonctions
de coût des entreprises rivales sont identiques. Dans ces conditions,
l'équilibre sur ce marché est tel que le prix fixé par
chaque firme est identique et égal au coût marginal de production.
Toutefois, puisque la demande du marché est parfaitement mobile entre
les firmes, la pratique de prix identique à ceux des concurrents ne
suffit pas à assurer un équilibre stable tant que le prix est
supérieur au coût marginal. Car sous l'hypothèse que le
prix est supérieur au coût marginal, chacun des concurrents pour
renforcer sa position peut-être tentée de réduire son prix
dès lors qu'il pense que les autres firmes maintiendront leur prix
inchangé. Ainsi, le seul équilibre stable envisageable est celle
où chaque concurrent pratique un prix identique et égal au
coût marginal de production. Dans ce cas, selon le modèle de
Bertrand la concurrence par les prix entre un petit nombre de firmes donne un
résultat similaire à la concurrence parfaite.
Didier et Jean-Hervé Lorenzi11 ont
avancé plusieurs raisons justifiant l'efficacité du Modèle
de Bertrand comme outil permettant d'étudier le marché des
télécommunications :
1) les coûts d'exploitation de ce secteur sont
essentiellement fixes et le coût marginal d'une communication se
résume à la faible quantité d'électricité
consommée pour transmettre le signal. Or le modèle de Bertrand
donne une meilleure approximation des industries à coûts marginaux
assez faibles.
2) l'élasticité de la demande pour les produits
des télécommunications semble supérieure à
l'unité, comme en témoigne l'existence des différentes
formules de forfaits pour garder sa clientèle. Cela incite les firmes
à pratiquer des prix assez bas jusqu'à atteindre leurs
coûts marginaux.
11 Le secteur des télécommunications
entre monopole et oligopole', problèmes économiques no
2.158
La théorie des jeux connaît de grands
succès notamment au niveau des marchés oligopolistiques, tels que
les duopoles et les marchés en cours de dérégulation comme
les télécommunications. Sur ces marchés le nombre
d'intervenants est faible et l'on peut simuler les effets du passage de 1
à 2 acteurs puis de 2 à 3 acteurs, etc.
Trois cas de figure majeurs peuvent être
simulés :
1. Pour un premier entrant12, une approche par les
jeux sert à arbitrer entre les stratégies de coopération
ou d'éviction face aux autres acteurs et à déterminer les
stratégies de barrières à mettre en place. En particulier
cette approche permet de déterminer la pertinence ou non des
stratégies statiques (marque, base client, brevet,..) ou dynamiques (la
standardisation ou à l'innovation).
2. Pour les nouveaux entrants, elle permet de comprendre les
règles du jeu du marché pour mieux les détourner.
3. Pour tous les acteurs d'un marché oligopolistique,
la théorie des jeux sert à prendre position sur les
stratégies de coopération essentiellement liées au prix
où ce variable est un facteur de différenciation fort, et donc
où l'un des choix stratégiques clés est de s'engager ou
non dans une guerre des prix.
Il faut noter que pour le marché des
télécommunications, les simulations doivent prendre en compte les
contraintes réglementaires adoptées par l'organe de
régulation, par exemple elles peuvent déterminer les situations
d'équilibres pour les entreprises ou peuvent prévenir les risques
de cartel (pur équilibre coopératif) pour les autorités de
régulations.
Tableau récapitulatif des principales
théories utilisées. Tab.2
Théories utilisées
Théorie 1 La théorie des
prix
Théorie 2 Le paradigme
Structure-Comportement-Performance
Théorie 3 La théorie des
jeux
Vérification de l'hypothèse
Pour vérifier notre hypothèse principale
«La stratégie concurrentielle de la Digicel est le facteur
déterminant du dynamisme du secteur de la téléphonie
cellulaire en Haïti en 2006» nous utilisons le paradigme SCP
comme principal cadre de référence permettant d'établir le
profil d'un marché pour une période donnée. En outre, pour
pallier les limites de ce paradigme nous utilisons la théorie des jeux
qui permettra d'expliquer l'intéraction stratégique des
opérateurs évoluant sur ce marché.
|
12 Monopole historique.
Chapitre 2. La présentation du marché du
cellulaire haïtien de 1999 à 2006.
Ce chapitre est la présentation du marché de la
téléphonie cellulaire. Tout d'abord nous présentons les
progrès technologiques enregistrés dans la
téléphonie cellulaire. Ensuite pour cerner le nouveau dynamisme
observé dans le secteur nous faisons porter notre étude sur deux
sous périodes : septembre 1999-avril 2006 et mai-décembre 2006.
Sur chacune de ces sous périodes nous présentons la situation du
marché du cellulaire à partir du paradigme SCP.
A. Progrès technologique dans la
téléphonie cellulaire mobile.
L'essor des communications cellulaires mobiles a
été spectaculaire, les 2 nouveaux marchés du secteur des
télécommunications qui n'existaient pas encore il y a 20 ans,
la Téléphonie mobile et
l'Internet, ont été instrumentaux dans
la refonte et la croissance de l'industrie. Les premiers systèmes
cellulaires analogiques sont nés à la fin des années 60 et
au début des années 70. Le terme « cellulaire »
désigne la division de la zone de couverture en de nombreuses petites
zones appelées cellules, chacune étant desservie par un
émetteur et un récepteur de faible puissance. La division de la
zone de service en cellules a constitué un changement fondamental parce
qu'elle a permis d'exploiter le spectre radioélectrique d'une
manière plus efficace.
Norme du cellulaire.
Les normes du cellulaire ont évolué tant au
niveau de la fonctionnalité qu'au niveau de l'utilité, passant
des réseaux analogiques dits de première génération
aux systèmes numériques actuels de deuxième
génération. Deux facteurs doivent être gardés
à l'esprit. Premièrement, les réseaux cellulaires ont
évolué à ce jour au titre d'un certain nombre de
spécifications exclusives, régionales et mêmes nationales.
Il n'existe pas actuellement de norme mondiale unique. Deuxièmement, le
paysage cellulaire actuel comprend une combinaison de systèmes.
Les premières générations de
téléphone cellulaire : 1G
Les systèmes mobiles de première
génération, qui font appel à la transmission analogique
des communications vocales, ont été lancés au début
des années 80. Il s'agissait principalement des standards suivants :
· AMPS (advanced mobile phone system),
apparu en 1976 aux USA, constitue le premier standard du réseau
cellulaire.
· TACS (total access communication system)
est la version européenne du modèle AMPS.
Les téléphones cellulaires de
deuxième génération : 2G
La seconde génération de réseaux mobiles
(notée 2G) a marqué une rupture avec la première
génération de téléphones cellulaires grâce au
passage de l'analogique au numérique. Les techniques cellulaires
numériques présentent de nombreux avantages par rapport aux
techniques analogiques, le principal atout étant une capacité
accrue grâce à une utilisation plus efficace du spectre
radioélectrique. Autre facteur positif, la transmission numérique
permet d'acheminer non seulement la voix mais aussi des données à
travers le spectre des fréquences radioélectriques, prenant en
charge des applications telles que le service de mini messagerie (SMS, Short
Message Service), le courrier électronique, etc. La
téléphonie numérique améliore également la
sécurité des transmissions de la voix et des données.
Les principaux standards de téléphonie mobile 2G
sont les suivants :
CDMA (code division multiple access), utilisant
une technique d'étalement de spectre permettant de diffuser un signal
radio sur une grande gamme de fréquences.
TDMA (time division multiple access),
utilisant une technique de découpage temporel des canaux de
communication, afin d'augmenter le volume de données transmis
simultanément.
GSM (global system for mobile
communication), a été le premier système cellulaire
numérique commercialement exploité. Le GSM a été
mis au point dans les années 80 dans le but de promouvoir
l'harmonisation régionale des réseaux cellulaires, il a
été le système le plus utilisé en Europe à
la fin du 20e siècle.
Les téléphones cellulaires de
troisième génération : 3G
L'UIT (Union Internationale des Communications), dont l'un
des rôles est d'établir des normes mondiales dans le domaine des
télécommunications a commencé à élaborer des
systèmes de troisième génération (3G) en portant
son attention sur la nécessité d'harmoniser, au plan mondial, les
normes relatives au spectre des fréquences et aux interfaces
radioélectriques. L'UIT a pour objectif d'établir une norme
mondiale relative aux systèmes 3G dans le cadre d'une initiative
appelée IMT-2000 (International Mobile Telecommunications for the year
2000). Les IMT-2000 présentent trois caractéristiques
distinctives :
o Compatibilité mondiale, en d'autres termes une
itinérance mondiale avec transfert imperceptible, permettant aux
utilisateurs de continuer à lancer et à recevoir des appels avec
le même numéro et le même combiné lorsqu'ils passent
d'un pays à l'autre.
o Débits de transmission plus élevés.
o Fourniture de services standard, par exemple via des
réseaux fixes, mobiles ou à satellite, l'accès Internet
devient plus rapide.
En Haïti les premiers réseaux de
téléphonie mobile cellulaire apparus à la fin des
années 90 étaient de type AMPS. Par la suite, des systèmes
plus modernes de deuxième et troisième génération
ont progressivement remplacés ces réseaux.
B. Le marché de la téléphonie
cellulaire en Haïti : Septembre 1999-Avril 2006.
L'analyse du marché de la téléphonie
cellulaire dans le cas d'Haïti nécessite la prise en compte de
certaines caractéristiques propres au contexte d'évolution de ce
secteur. Car avant même de parler d'investissement, l'agent rationnel se
préoccupe en tout premier lieu de l'environnement dans lequel son
entreprise devrait évoluer. La connaissance de l'environnement prend en
considération les facteurs internes au marché ainsi que les
facteurs externes qui permettront d'orienter les choix d'investissements les
plus efficaces et qui devront influencer le fonctionnement de l'entreprise.
Toute entreprise qui désire s'installer en Haïti
doit faire face à une série de contraintes qui ne sont pas sans
importance quand il s'agira d'évaluer et d'analyser sa performance. Ces
contraintes sont de divers ordres : sociopolitique, économique,
culturel, démographique, infrastructurel, institutionnel, juridique etc.
Ainsi, pour bien analyser le processus d'évolution du secteur de la
téléphonie cellulaire en Haïti, il importe de prendre en
considération ces différents facteurs que nous appelons dans le
cadre de notre approche par le paradigme SCP, les conditions de base.
B. 1. Les conditions de base.
Les conditions de base regroupent d'une part des facteurs
externes au marché qui sont principalement la situation sociopolitique
du pays, son niveau de développement économique, le niveau
d'infrastructure existant. D'autre part, des facteurs internes au marché
de la téléphonie cellulaire : l'offre où sont prises en
compte la situation technologique du pays, la possibilité de
réaliser des économies d'échelle, l'existence de
matière première, et la demande du marché dont les
variables pertinentes sont l'élasticité prix de la demande, le
nombre de substituts, etc.
B.1.1. Les facteurs externes.
Situation socio politique : Un entrepreneur qui
décide de se lancer dans une quelconque entreprise espère en
retour une certaine rentabilité de son investissement. Toutefois, la
possibilité de réaliser d'énorme profits ne suffit pas
à attirer les investisseurs si ces derniers considèrent que les
risques liés à l'environnement sont trop élevés et
que la sécurité de leurs capitaux n'est pas assurée
à un niveau acceptable. Aux yeux de ceux-ci, le niveau de
stabilité sociopolitique d'un pays constitue l'un des critères
déterminants dès qu'il s'agit d'investir ou non.
Dans le cas d'Haïti, cette situation n'a pas toujours
été favorable à l'investissement en raison de
l'instabilité politique qui sévit depuis plus de vingt ans :
coups d'état militaire, ingérence des acteurs
internationaux dans la politique du pays,
insécurité, etc. En outre, il faut souligner la
décadence de nos institutions étatiques suite à ces
problèmes politiques mais aussi causée par la fuite massive des
cadres de ces institutions vers l'étranger. Cette défaillance
institutionnelle et cette réalité politique sont
révélatrices d'un environnement non propice aux affaires.
Niveau de développement économique
d'Haïti : Haïti est connue pour son faible niveau de
développement économique. L'économie haïtienne
dépend très largement de l'aide étrangère,
près de 60% du budget national 2006-2007 est couvert par les bailleurs
de fonds internationaux ; la production agricole qui représente moins de
30% du PIB ne répond pas en terme de quantité et de
qualité aux besoins de consommation de la population. La nation consomme
principalement des produits importés et une grande partie de cette
population vit à partir des transferts de devises sans contrepartie en
provenance de la diaspora haïtienne lesquels en 2006 ont atteint un
montant record de 1.650 milliard de dollars. Haïti est aussi connue comme
le pays le plus pauvre des caraïbes, il accuse en moyenne un taux de
croissance économique de 1.15% l'an13 et l'un des taux de
croissance démographique les plus élevés de la
région soit une moyenne de 2.2%. Le taux de chômage au sein de la
population en âge de travailler est estimé à 70% et le taux
d'analphabétisme, estimé à 50%, est encore très
élevé comparé aux autres pays de la région qui
accusent un taux moyen de 5%. A partir des enquêtes
réalisées au sein des ménages14, 80% de la
population vit en dessous du seuil de pauvreté avec 2$ par jour et 60%
de la population vit une situation d'extrême pauvreté avec moins
d'un dollar par jour, ce qui classe ce pays comme le seul PMA du continent. Par
ailleurs, l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence
internationale n'a fait que fragiliser pour ensuite détruire une
production nationale très peu protégée par l'État.
Cette politique économique a intensifé la paupérisation de
la population dans les zones rurales, on voit alors se développer autour
des villes, des bidonvilles, où ces nouveaux arrivants vivent dans des
conditions de misères infrahumaines. Le faible niveau de
développement économique d'Haïti est donc très
certainement un obstacle à l'expansion des marchés notamment
celui des télécommunications.
Situation des infrastructures dans le pays :
L'existence des infrastructures de base joue un rôle assez important
quand on veut attirer l'investissement nécessaire au bon
développement économique d'une nation. En Haïti, l'absence
des infrastructures est un problème réel qui paralyse
l'activité économique et
13 DSRP-1, 27 septembre 2006, MPCE
14 World Development Bank report 2006
décourage bien de nombreux investisseurs. C'est un
problème généralisé qui touche même les
structures de base les plus élémentaires comme
l'électricité ou encore les infrastructures de
télécommunication. L'utilisation de la fibre optique devant
permettre la transmission de données à haut débit reste un
des objectifs à atteindre pour la modernisation des infrastructures de
télécommunication. C'est donc dans ces conditions de carence
généralisée des infrastructures que les compagnies de
téléphonie cellulaire se sont installées et continuent
à évoluer en Haïti.
Par ailleurs, la mise en place de réseaux mobiles se
révèle plus difficile dans un pays aux reliefs plutôt
hostiles. En effet, Haïti est un pays montagneux ce qui rend plus
coûteuse la construction des réseaux mobiles qui exigent plus
d'antennes dont la plupart doivent être placées dans des endroits
élevés.
B.1.2. Les facteurs internes.
Les conditions d'offre : Haïti au niveau
technologique est très peu avancée, nos jeunes sont de formation
plutôt modestes et il y a une carence de cadres dans le domaine des
nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il n'existe
presque aucune institution ou université qui a la possibilité de
se lancer réellement dans la recherche et le développement, dans
la production et la diffusion des dernières avancées en
matière de technologie, d'où notre faible capacité
d'absorption en ce qui a trait au transfert de technologie des pays
développés vers Haïti.
D'autre part, dans le marché de la
téléphonie cellulaire les principales matières
premières utilisées pour la production du service de
téléphonie mobile comme les terminaux, les puces
électroniques, antennes, switch... ne sont pas produites sur place.
Cette situation a des effets directs divers sur la performance du secteur, elle
engendre des coûts plus élevés dans le processus de
production de service des entreprises, ceci influence de façon directe
les prix supportés par les consommateurs qui en retour ont un impact sur
la croissance des firmes.
En effet, la possibilité de réaliser des
économies d'échelle dépend de la valeur du marché
qu'on peut estimer à partir du nombre de consommateurs potentiels et du
pouvoir d'achat de ces derniers. La population haïtienne est
estimée à plus de 8 millions d'habitants, 36,5% de cette
population est âgée moins de 15 ans15 et 50% de cette
population agée de moins de 21 ans. Une étude de l'UIT
révèle que la téléphonie mobile est beaucoup plus
demandée au sein des populations jeunes, toutefois en Haïti, la
faiblesse du pouvoir d'achat des consommateurs en particulier des jeunes
constitue une limite non négligeable qui pourrait porter à
questionner la possibilité ou non de réaliser des
économies d'échelle.
15 IHSI, Recensement Général de la
Population et de l'Habitat (RGPH) 2003
La demande du marché : Entre 1999 et 2005, la
demande sur le marché de la téléphonie cellulaire
haïtien était peu élastique, ceci pour trois raisons :
Premièrement il n'y avait pas beaucoup de substituts sur ce
marché. Trois opérateurs desservaient ce secteur, mais seulement
deux d'entre eux dans les faits étaient réellement
opérationnels. Deuxièmement, il y a un aspect psychologique qu'il
faut prendre en compte, le fait que peu de gens avait accès au service,
la plupart des utilisateurs en faisaient un bien de luxe, un moyen de
s'affirmer dans la société. Dans ce cas, la variation du
coût d'utilisation de ce service n'influençait nullement la
demande. De plus, comparativement aux autres secteurs considérés
comme des alternatives à ce service notamment la
téléphonie filaire (Teleco) et la téléphonie
à mobilité réduite (Ti-telefon2004) dont la qualité
des services et les capacités à absorber une forte demande
laissaient à désirer, l'utilisation du réseau cellulaire
réstait encore le meilleur choix pour un utilisateur. La demande
était alors inélastique.
Toutefois, concernant les appels internationaux offerts par
les opérateurs de téléphonie cellulaire, la moindre
variation de prix implique automatiquement une variation de la demande. Dans ce
segment si sensible, la Teleco avec ses services 103-102-104 est un concurrent
très sérieux, il faut noter aussi que Ti-telefon 2004 qui est la
version mobile de cet opérateur fournit un très bon service
concernant les appels internationaux avec des prix concurrentiels. Enfin de
compte, les cyber cafés dans ce domaine font beaucoup de profits avec
par exemple 5 minutes d'appel pour seulement 25 gourdes. Pour cela on peut dire
que les opérateurs cellulaires ont perdu des parts de marché
assez considérables concernant les appels internationaux, et ceci rend
la demande très élastique.
En termes de croissance, la demande sur le marché de la
téléphonie cellulaire varie proportionnellement avec la
croissance de la population. A noter que la demande sur ce marché
s'accentue généralement chez ceux qui n'ont pas de
téléphone filaire mais aussi chez les professionnels et surtout
chez les jeunes.
B.2. Les politiques
gouvernementales.
Les politiques gouvernementales constituent, avec les
conditions de base, l'une des variables prises en compte par le paradigme SCP
pour expliquer l'environnement global du marché. En Haïti, les
institutions publiques en charge du marché des
télécommunications sont le MTPTC16 et le Conatel. En
1977 un décret présidentiel accorde à l'Etat le monopole
sur l'ensemble des services de télécommunication. Le Conatel,
organe régulateur mis en place depuis 1969 est chargé d'assurer
pour le compte de l'Etat la réglementation et la supervision des
services. Avec l'adoption de la loi de 1987
16 Le Ministère de Travaux Publics, Transports
et Communication
qui réorganisait le secteur des
télécommunications, le Conatel élabore un ensemble de
politiques lui permettant de mieux gérer le secteur.
Politique antitrust
Le Conatel de par sa vocation stipule qu'il a pour obligation de
favoriser le développement du
marché des télécommunications sur tout le
territoire Haïtien en prenant des dispositions au bénéfice
du consommateur, de la concurrence effective et du marché dans son
ensemble.
Barrières à l'entrée.
Les autorisations pour la fourniture d'un service de
téléphonie (fixe ou mobile) seront
accordées seulement sur la base d'un appel public de
soumission assorti d'un cahier des charges (appel d'offres) pour obtenir un
contrat de concession avec l'état Haïtien.
Taxes et subventions.
Lors de l'implantation d'une compagnie
téléphonique sur le marché celle-ci est soumise
à
divers redevances et frais applicables au Conatel tels que : les
frais d'homologation, les frais de procédure, les
frais d'inspection et de contrôle, etc17.
B.3. Caractéristiques du marché sur la
période 1999 à Avril 2006.
B.3.1. La structure du marché.
A la fin de l'année 1998, le marché
haïtien de la téléphonie passe d'une structure de monopole
à une structure plus concurrentielle avec en particulier l'entrée
de compagnies de téléphonie mobile telles que la Rectel, la
Haitel, la Comcel et un peu plus tard Ti-telefon2004.
La Rectel, compagnie haïtienne mixte a
pu entrer en service en septembre 1998. L'investissement initial a
été de $1.8 millions USD, la Teleco possédait 55% des
actions et les fondateurs 45%. Une nouvelle association s'est produite par la
suite avec IRIS s.a pour l'international et le fixe. Cette
société possédait alors 27% des actions, les autres
actionnaires 18% et la Teleco toujours 55%. Fonctionnant sur un horaire de 8 h
am à 2 h pm du lundi au vendredi, elle comptait un personnel fixe de 5
employés. La Rectel, première compagnie de
téléphonie mobile cellulaire utilisant la technologie AMPS
comptait en 2002 près de 4200 abonnés18,
malheureusement elle n'a pas fait long feu, car elle a cessé brusquement
de fonctionner en 2003 pour des raisons dites «
politiques » que personne ne veut
évoquer. Pour cette raison et par manque d'information, nous avons
jugé bon malgré nous de ne pas prendre en compte cet
opérateur dans les analyses que nous ferons dans ce secteur.
17 Les frais applicables au Conatel sont
développés sur le
www.conatel.gouv.ht
18 S. Herisse, stratégie de marketing des
entreprises de télécommunication privé en Haiti, UNIQ
2001
La Haitel SA, compagnie haïtienne
composée d'actionnaires locaux, et d'un partenaire étranger ; la
MCI worldcom, est entrée en service en mars 1999 et propose un
téléphone sans fil grâce à la technologie
numérique CDMA. Elle nous offre plusieurs produits tels : le
téléphone fixe wireless, le téléphone portable, la
cabine publique, l'Internet, le fax, etc. La Haitel est une entreprise qui
fournit exclusivement des services de téléphonie cellulaire, elle
travaille avec ses fournisseurs de portables comme Samsung, Qualcomm, Kyocera,
puis avec des magasins de la place qui assurent la distribution des cartes
prépayées. Dès son arrivé sur le marché,
elle allait tout de suite rattraper la Rectel, car en 2000 elle disposait
déjà de 4000 abonnés, en 2003 il y avait près de
100.000 abonnés pour arriver en avril 2006 à près de
250.000 abonnés.
La Comcel, avec comme partenaire
étranger la (W.W.I) western wireless international et d'autres
partenaires haïtiens, débuta officiellement le 1er
septembre 1999 en offrant un service de téléphonie cellulaire
à partir du téléphone portable avec la technologie
numérique TDMA. Tout comme la Haitel, elle travaille avec ses
fournisseurs de terminaux et avec près d'une centaine de magasins de la
place qui assure la distribution des cartes prépayées. En 2001
elle comptait déjà près de 58,000 abonnés, en 2003
elle occupait la première place avec plus de 160.000 abonnés. A
partir du mois de novembre 2005 elle consolidait largement cette
première place avec ses 388.000 abonnés.
Ti Telefon 2004, compagnie de
téléphonie mobile, est une filiale de la Teleco qui a vu le jour
en décembre 2001. Cette compagnie est financée à 90% par
la compagnie internationale UT Startcom et 10% par la Teleco. En avril 2006
elle avait près de 40.000 abonnés principalement à
Port-au-Prince. Contrairement aux autres opérateurs, il n'utilise pas la
technologie cellulaire mais plutôt la téléphonie
à
Cfigati d m
mobilité réduite qui est une
technologie consistant à installer des réseaux
câblés et des boites qui émettent des signaux. Le
problème est qu'on peut communiquer uniquement dans le
périmètre que peuvent couvrir ces signaux, ce qui réduit
justement la mobilité. Ti Telefon 2004 n'étant
pas une compagnie de téléphonie cellulaire ne fera pas partie non
plus des analyses qui seront élaborées dans le
4%
secteur de la téléphonie mobile cellulaire.
fig2.1
Source : Enquête réalisée
auprès du Conatel.
D'autre part, il faut noter que pour entrer dans ce secteur
les besoins en capitaux sont assez considérables, on parle de dizaine de
millions de dollars pour l'octroi d'une licence de fonctionnement et de
centaines de millions de dollars pour l'investissement et le fonctionnement de
la compagnie. Pour entrer sur ce marché, un nouvel opérateur doit
être en mesure de prendre des parts de marché au détriment
de ses concurrents, cela en séduisant la clientèle existante
et/ou en attirant une partie de la demande non satisfaite. Toutefois, les
opérateurs déjà établis ont une image de marque et
une clientèle fidèle, ce qui crée d'autres obstacles
à l'entrée, contraignant le nouveau venu à de lourdes
dépenses de publicité pour contrer la fidélité de
la clientèle existante et de ce fait influencer son comportement.
B.3.2. Le comportement des opérateurs.
Entre 1999 et Novembre 2005, le marché du cellulaire
haïtien a évolué dans un environnement plutôt
paisible. La concurrence entre la Haitel et la Comcel se caractérisait
par une similitude dans le comportement des deux opérateurs que certains
observateurs qualifient d'entente tacite comme cela arrive assez souvent en
situation de duopole. Cette situation se traduisait concrètement par des
choix de politiques concurrentielles qui à la base se ressemblent, qu'il
s'agisse des stratégies de marketing, d'investissement, ou encore la
tarification des services, etc.
Politique d'investissement des
opérateurs.
Les deux compagnies investissent des sommes importantes dans
l'achat de capital : génératrices, bâtiments, terrains,
appareils pour l'amélioration des services, construction de sites pour
les antennes, etc. Cependant, il est nécessaire de faire ressortir une
différence majeure dans le choix d'investissement des deux
opérateurs : alors que la Comcel utilise la station
terrienne19 de la Teleco pour établir des liaisons avec
l'international, Haitel de son coté a investi près de 80 millions
de dollars US pour monter sa propre station terrienne et acquérir de ce
fait son autonomie par rapport à la Teleco.
Dès novembre 2005, certains facteurs vont porter la
Comcel à reconsidérer ses stratégies et engendrer du coup
une certaine rupture dans la manière de faire la concurrence qui
semblait être acceptée par les deux rivales. En effet, vu la
désuétude de la technologie TDMA, la Comcel s'est vue dans
l'obligation d'adopter une technologie moderne pour survivre sur le
marché. Elle a du alors consentir à des investissements
supplémentaires pour être la première à adopter la
technologie GSM qu'elle a commercialisé sous le nom de VOILA. Certaines
raisons l'ont poussée à faire ce choix :
· Le système GSM est une technologie
évoluant sans cesse et qui est supportée à travers le
monde
tandis que le TDMA n'est plus utilisé.
19 Site de gestion des communications avec
l'extérieur
· La qualité du service du GSM est meilleure
que celle du TDMA.
· Remplacer les téléphones défectueux
du TDMA devient presque impossible.
· La variété d'appareils GSM continue
à augmenter tandis que les téléphones TDMA deviennent plus
difficiles à trouver20.
· Le GSM 850 de Voila permet d'obtenir des cellules de
taille importante, idéales pour couvrir à moindre coût des
zones de moyenne et faible densité de population.
Stratégie de marketing des
opérateurs.
Comme toute entreprise moderne, Haitel et Comcel pour
sensibiliser et attirer la clientèle misent sur une politique de
marketing, elles font du mécénat et sponsorisent des
activités socioculturelles. En réalité, pour les deux
opérateurs les dépenses consenties en marketing sont relativement
faibles, ces dépenses concernent particulièrement les frais de
publicité (spots radio et télédiffusés, affiches,
etc.), la publication de magazines qui informent sur les activités de la
compagnie, les annonces et publicités dans les journaux, la
sponsorisation de groupes musicaux lors des festivités carnavalesques,
etc. Par exemple, en 2001 Comcel a dépensé près d'un
million de dollars US en marketing, environ 1,5 millions de dollars US en 2003.
En 2005 pour lancer son nouveau système GSM (Voila), Comcel a mis en
oeuvre une très spectaculaire campagne publicitaire qui porta le volume
global des dépenses de marketing à près de 2.5 millions de
dollars US. Face à la nécessité de rentabiliser cet
investissement, elle lance une politique de marketing très active pour
acquérir de nouvelles parts de marché. Elle a entrepris une
politique publicitaire agressive et parvient du coup à se forger une
nouvelle image de marque : le « V » de
Voila qui a eu un impact sans équivoque sur le
public. La Haitel pour sa part adopte sur ce point une stratégie
plutôt différente, elle dépense beaucoup moins d'argent en
marketing que la Comcel et concentre ses dépenses principalement en
investissant dans les biens d'équipement pour l'expansion de son
réseau21.
Politique de tarification.
Les tarifs pratiqués sur les services vendus sont
quasiment les mêmes pour les deux opérateurs. Par exemple pour les
services postpayés, les clients de la Haitel payent un frais
d'abonnement mensuel de 1000 gourdes ce qui leur donne droit à des
appels entrants gratuits pour le mois. Alors que les clients de la Comcel
achètent une carte prépayée (Carte No-Limite) au prix de
1250 gourdes plus 1 0% de TCA, ils ont droit alors à un mois d'appels
entrants gratuits et 60 minutes d'appels sortants. La tarification à la
minute pour les deux opérateurs a toujours été la
même : de 1999 à Décembre 2001 les appels entrants
20 Voila, document de presse 14-02-07
21 Selon les affirmations de monsieur Craan, responsable des
relations publiques de la Haitel.
et sortants se payaient à 3 gourdes la minute ;
à partir de Janvier 2002 les appels entrants et sortants étaient
fixés à 5 gourdes la minute par les deux opérateurs. De
même, le service de messagerie vocale était taxé à
trois gourdes pour les clients de la Comcel et la Haitel. De plus, pour acheter
un nouveau terminal le client doit être prêt à payer entre
$50 USD (2150 Gourdes) et plus de $300 USD (12900 Gourdes). Ensuite, il doit
payer des frais d'activation qui varient selon la marque du portable et ces
frais peuvent varier entre $20 USD (860 Gourdes) et environ $50 USD (2150
Gourdes)22. Cependant avec Voila, le coût supporté par
un nouvel abonné tournait autour de 1320 gourdes soit $33 US alors
qu'auparavant il fallait au moins 3000 gourdes soit près $70 USD.
B.3.3. La performance du secteur.
Au niveau des prix, les coûts d'utilisation des
téléphones cellulaire étaient exorbitants. De plus, ce
service accessible seulement dans la zone métropolitaine de
Port-au-Prince et certaines villes de province couvrait près de 50% du
territoire national. Ceci explique pourquoi seulement 8% de la population y
avait accès. D'autre part, les abonnées se plaignaient assez
souvent de la qualité du service, notamment de la qualité de
transmission du son où des fois on enregistrait des coupures au niveau
du signal. Toutefois, jusqu'en décembre 2005, Comcel et Haitel ont
créé respectivement 600 et 500 emplois directs et plus de 5000
emplois indirects. Ces deux opérateurs ont toujours été
présents au classement des plus grands contribuables de l'Etat
haïtien dans lequel la Comcel occupait à la fin de l'année
2005 la place de leader avec près 1,141 milliards de gourdes alors que
la Haitel a contribué à hauteur de 234 millions de gourdes. Ce
qui confirme l'importance de ce secteur qui représente près de
8.47% des recettes totales de l'Etat23.
A partir de mai 2006 un troisième opérateur «
Digicel » lance ses opérations en Haïti.
C. Le marché de la téléphonie
cellulaire haïtien avec Digicel : Mai-Décembre 2006.
C. 1. Les premiers moments de Digicel en Haïti.
Avant l'arrivée de Digicel, le marché de la
téléphonie cellulaire était accessible à quelques
professionnels ou autres personnes ayant un certain pouvoir d'achat et se
caractérisait par des tarifs prohibitifs. Le duopole Comcel-Haitel avait
pour conséquence néfaste une diffusion modérée du
téléphone cellulaire en Haïti.
22 Taux de change $1 USD pour 43 gourdes.
23 Pour l'exercice fiscal 2004-2005 les recettes
totales de l'Etat étaient de 16,255 milliards de gourdes. Source :
M EF, Direction des Etudes Economiques.
En date du 3 juin 2005, l'État haïtien suite
à un appel d'offre, a octroyé à Unigestion Holding S.A.
(DIGICEL) un contrat de concession pour la construction et l'exploitation d'un
réseau de téléphonie cellulaire selon la norme GSM. C'est
dans le souci de renforcer la compétition et de stimuler le
développement de ce segment de marché en Haïti, que
l'État haïtien a introduit ce troisième opérateur.
Unigestion Holding S.A. est le fruit d'un partenariat entre Digicel Limited,
société de droit des Bermudes et GB Group société
de droit haïtien qui se sont entendus pour participer à l'appel
d'offres qui allait conduire au choix de DIGICEL Haïti.
Digicel, opérateur de téléphonie mobile,
a été fondé par l'entrepreneur Irlandais Denis O'Brien.
Présente dans 22 marchés de la zone Caraïbes (Jamaïque,
Trinidad & Tobago, Barbade, Antigua, Martinique, Ste Lucie...), il est
opérationnel seulement depuis 2001 avec l'acquisition d'une licence GSM
en Jamaïque et se donne pour mission d'offrir à ses clients des
produits et services mobiles innovants et faciles d'accès. Digicel est
l'opérateur mobile ayant la croissance la plus rapide dans les
Caraïbes avec des offres basées essentiellement sur le
prépaye qui propulsent sa part de marché moyenne à travers
la zone de 60%24. Dopée de ce succès rapide qui en
fait en moins d'une décennie le plus grand opérateur mobile GSM
de la région, cette firme multinationale vise l'élargissement de
ses activités à d'autres pays environnants. C'est dans cette
optique qu'elle entre en Haïti.
Avec la présence de Digicel en Haïti, les
politiques gouvernementales ainsi que les conditions de base
caractérisant ce secteur n'ont pas évolué, nous
envisageons la description de ce secteur sur la période
mai-décembre 2006 en fonction de la structure, du comportement et des
performances du marché.
C.2. La structure du marché.
La Digicel va faire sa grande apparition en Mai 2006 en
Haïti, considéré comme l'un des plus grands marchés
de la zone (le troisième après Cuba et la République
Dominicaine). Pour entrer sur le marché haïtien la Digicel a eu
à faire face à certains obstacles tant sur le plan technique
parce qu'elle opère à partir d'une licence GSM 1800 que sur le
plan juridico légal.
Sur le plan technique, Digicel, obtient une licence GSM 1800.
La bande de fréquences 1800 MHz est plus contraignante, elle est de
portée plus courte que les fréquences 850 ou 900 MHz, le GSM 1800
ne peut fonctionner qu'avec des cellules de tailles plus petites, permettant de
bien couvrir les zones denses. De ce fait le déploiement de son
réseau, plus dense par nature, nécessite des investissements plus
élevés que ses prédécesseurs.
24
www.digicelhaiti.com
Sur le plan juridico légal, la Digicel contrairement
aux premiers opérateurs, n'a pas eu accès aux réseaux de
la Comcel et de la Haitel, bien que l'interconnexion soit un droit que les lois
existantes reconnaissent à tout nouvel opérateur.
L'interconnexion est un tuyau reliant deux opérateurs
par lequel passent les communications d'un réseau à un autre.
Pour cela, il faut d'abord avoir le tuyau, ensuite la capacité
disponible pour s'interconnecter et enfin la régularisation des accords
commerciaux. Dans les faits, le problème d'interconnexion résulte
d'un désaccord entre les principaux opérateurs et le Conatel.
Selon Mme Gebara, PDG de Digicel Haïti, la
Comcel a la capacité technique de faire25l'interconnexion.
Ils s'étaient mis d'accord sur les modalités commerciales et
pourtant rien n'a été fait.
La Haitel et la Comcel ont eu d'autres avis concernant ce
problème. Mr. Coustaury, PDG de la Comcel stipule que le problème
d'interconnexion est un problème purement commercial. De son
coté, le PDG de la Haitel, Mr Franck Ciné fustige le comportement
de l'Etat haïtien qui offre selon lui des avantages à la Digicel en
termes d'exemption de droits de douane pendant que les demandes de la Haitel et
de la Comcel, en ce sens, sont restées vaines26.
Le ministre des TPTC d'alors, l'ingénieur Fritz Adrien,
dénonçait les manoeuvres de la Comcel qui, selon ses
affirmations, prétextait pour fuir l'interconnexion. S'expliquant sur le
cas de la Haitel, il affirme que cette dernière ne peut exiger de l'Etat
haïtien un droit de franchise dans les mêmes termes que les autres
opérateurs vu que la Haitel exploite son réseau à partir
d'un accord conclu avec la Teleco sans l'autorisation du Conatel, ce qui est
contraire aux normes27.
L'interconnexion a eu lieu enfin entre la Digicel et la Comcel
dans la nuit du 17 au 18 septembre 2006 et celle de Digicel et Haitel a
été concrétisée le 21 septembre. Ce problème
d'interconnexion révèle la faiblesse de nos institutions
étatiques, où le MTPTC et le Conatel ont du résoudre cet
incident après quatre mois, ce qui a causé un manque à
gagner dans ce secteur.
La Haitel pour rester dans la compétition se tourne
vers une technologie de troisième génération (CDMA2000).
Grâce à cette technologie, Haitel dispose d'un réseau qui
offre une plus grande gamme de produits, on peut citer entre autres : la
téléphonie mobile et fixe Wireless, l'accès à
l'Internet sans fil, le service fax sans fil, etc. Cette technologie offre
également une gamme variée de services comme : Le PTT (push to
talk), le CRBT (coloured ring back tone), le LBS (location based services), le
MMS (multi media service), le MVS (mobile video streaming)28.
25 Le Nouvelliste No 37380, « Cellulaire :
bataille sans pitié ».
26 Le Nouvelliste No 37387, Digicel : « beaucoup
de surprises dans les mois qui arrivent ».
27 Le Nouvelliste, « les signaux émis dans
le secteur des télécoms doivent être corrigés
», Lundi 29 Mai 2006.
28
www.haitelonline.com
Grâce à l'exploitation du GSM, la Comcel pour sa
part a pu augmenter sa gamme de produits et services pour mieux se positionner
sur le marché. La compagnie met à la disposition de ses clients
des services comme le SMS, le roaming international,
etc. et annonce d'autres produits et
services tels le service post payé voila club, voila
toupatou...
La Digicel quant à elle, est une entreprise qui fournit
des services de téléphonie cellulaire, elle travaille avec ses
équipementiers comme Konka, Nokia, Alcatel, Erikson... puis avec des
partenaires Haïtiens comme Alo Haïti, plus de 300 concessionnaires et
plus de 10.000 points de ventes qui assurent pour certains la vente de leurs
terminaux et pour d'autres la distribution des cartes prépayées.
Les produits et services offerts par la Digicel sont regroupés
principalement dans les quatre plans suivants que la compagnie met au service
de sa clientèle :
Digicel flex 29 est le service
prépayé offert par la Digicel. Ce service vous
permet de mieux gérer l'utilisation de vos minutes. De plus, pas de
frais d'activation, pas de vérification de votre situation de
crédit, pas de factures mensuelles.
Le service Digicel Select, vous offre un
choix de trois plans, facturés mensuellement : Digicel Premier, Digicel
Or et Digicel Platinum. Ces plans incluent le temps de communication et
l'accès aux Services de Valeur Ajoutée de Digicel.
Le service Digicel Business, vous offre un
choix de trois plans, facturés mensuellement : Digicel Business Premier,
Digicel Business Or et Digicel Business Platinum. Ces plans incluent le temps
de communication et l'accès aux Services de Valeur Ajoutée de
Digicel.
Le service Caribflex est un service de
recharge qui permet aux abonnés de Digicel en Haïti de recevoir sur
leur mobile des crédits d'utilisation achetés par leurs proches
et amis se trouvant en dehors d'Haïti. Ce service est disponible dans
toutes les agences Unitransfer ou Via One, aux États-unis et au
Canada.
Déjà en Septembre 2006, on commençait
à ressentir les premiers bouleversements dans le secteur, le
marché de la téléphonie mobile en général
compte alors près de 1 ,1 millions d'abonnés.
(Fig2.2)
29 Les détails sur ces plans sont
diffusés sur le site
www.digicelhaiti.com.
fig.2.2
Source : enquête réalisée
auprès du Conatel.
C.3. Le comportement des firmes.
Avec Digicel comme troisième opérateur, la
concurrence sur le marché de la téléphonie cellulaire
haïtien va se faire autrement. Les opérateurs en place vont adopter
des stratégies beaucoup plus agressives que tout ce qu'on a pu constater
jusque-là. Cela se traduit concrètement à travers la
politique d'investissement des opérateurs, la politique de marketing
spectaculaire initiée d'abord par la Digicel et tout de suite reprise
par les opérateurs déjà présentes sur le
marché et à travers les tarifs pratiqués sur les
différents segments du marché
Politique d'investissement des
opérateurs.
Pour maintenir leur part de marché, Comcel, Haitel et
Digicel ont consenti de très lourds investissements que ce soit pour
l'acquisition des équipements nécessaires à leur
fonctionnement, l'adoption de nouvelles technologies ou pour conforter leur
marque.
Pour opérer sur le marché haïtien, la
Digicel, titulaire d'une licence GSM 1800, a investi globalement près de
260 millions de dollars U.S30 où les infrastructures prennent
la plupart des investissements, notamment la construction des sites qui
contiennent les switchs. Avant même qu'elle ne lance ses services, elle a
affiché sa détermination à couvrir tout le territoire
national haïtien dès le début des ses opérations.
Tout d'abord concernant le CAPEX qui représente les coûts
d'investissement, ce sont des dépenses réalisées par la
compagnie pour augmenter son capital physique. Des sentiers de construction de
sites pour l'implantation des antennes qui doivent servir de station de relais
des appels sont ainsi entrepris à travers tout le pays. La Digicel a
dû construire des routes pour accéder à certaines
régions afin de construire ces sites. Près d'une centaine de
sites-relais sont construits et sont fonctionnels sur l'ensemble du territoire.
Le coût total pour la construction d'un site est estimé à
$500,000 dollars US, ce montant couvre entre autres l'achat du terrain et la
construction de l'emplacement, de l'antenne et d'une génératrice.
Pour gérer plus efficacement le problème de congestionnement du
réseau auquel la
30 MmeGebara, directrice de Digicel Haiti
à l'émission Magasine économique de Radio métropole
le 6 Mai 2007
compagnie a eu à faire face dans les premiers mois de
ses activités suite à l'afflux d'une clientèle plus dense
que prévue, Digicel dispose de quatre nouveaux switchs31 de
service avec une capacité de 200.000 abonnées chacun. Mis
à part le CAPEX, elle a dû tout comme ses concurrents faire face
à des dépenses de fonctionnement appelées OPEX qui
comprennent l'entretien de matériels, la sécurité des
sites, le carburant et autres imprévus. Un autre aspect très
important dans la nature des investissements de la Digicel est que cet
opérateur a aussi investi énormément dans la formation des
ressources humaines en quête d'avantage compétitif sur les autres
opérateurs.
D'un autre coté, la Comcel qui exploite depuis 1999 la
technologie TDMA a consenti de lourds investissements32 pour
moderniser son réseau en adoptant le GSM (GSM 850) sous sa marque Voila.
Cependant, en dépit de l'exploitation de la dite technologie depuis
novembre 2005, cet opérateur continue encore à desservir sa
clientèle sur le réseau TDMA. En vue de satisfaire sa
clientèle, Voila a engagé durant l'année 2006 de gros
investissements pour quasiment doubler la capacité de son réseau
et optimiser la capacité de son centre de recharge. En novembre 2006
pour répondre à la concurrence qui battait son plein entre les
trois compagnies d'alors, la Comcel avec l'assistance de son partenaire
étranger Trilogy international, créa le premier réseau de
l'île toute entière en rachetant le réseau cellulaire
dominicain Centennial pour un montant de 87millions33 USD. Voila et
Centennial totalisaient déjà plus d'un million d'utilisateurs sur
toute l'île.
Le passage de Haitel du CDMA au CDMA2000 fut le plus grand
investissement de cet opérateur depuis ses débuts en 1999 dans le
secteur. En septembre 2006 la Haitel lança le 1er
réseau de troisième génération de cellulaire dans
les caraïbes, le CDMA EVDO. Appelée encore CDMA2000, cette
technologie certifiée de téléphonie mobile de
troisième génération par l'union international des
télécommunications (UIT) représenta un investissement de
l'ordre de 70 millions de dollars US pour cette dite compagnie. Ainsi
l'opérateur se donne les moyens techniques nécessaires pour
affronter une concurrence qui exige encore et toujours plus de
flexibilité de la part d'un opérateur.
Stratégie de marketing des
opérateurs.
L'entrée de Digicel a provoqué un profond
changement dans la manière dont les fournisseurs de services mobiles ont
toujours mené leur politique de marketing. Les compagnies consacrent
désormais des budgets très lourds pour faire de la
publicité34 qui devient alors une arme capitale pour
acquérir de nouvelles parts de marché. Digicel innove dans ce
domaine, pour lancer ses services, la compagnie s'est
31 Canal permettant le transit des communications
32 Pour des raisons stratégiques le montant de
cet investissement ne nous a pas été dévoilé.
33 REZO 850 janvier 2007 no1
34 Les montants alloués n'ont pas
été soumis à notre disposition pour des raisons
stratégiques.
assurée que sa couleur rouge soit vue et connue partout
à travers le pays. Elle s'y prend de diverses manières : partout
on remarque des maisons dont les façades sont recouvertes par des tapis
portant la couleur et le logo de la compagnie ; les affiches publicitaires sont
placées dans tous les coins de rue. De plus, les médias sont
très largement sollicités pour faire connaître l'image de
la compagnie, presque chaque mois un nouveau spot à la radio ou à
la télévision annonce de nouveaux avantages offerts aux clients
actuels et potentiels ; Digicel place régulièrement des annonces
publicitaires dans les principaux quotidiens du pays et un partenariat conclu
avec le journal Le Nouvelliste et Ticket
Magazine lui garantit l'exclusivité des publicités
sur la page de couverture. Des agents de marketing sont envoyés dans des
institutions (écoles, institutions publiques et privées) pour
sensibiliser les gens aux produits et avantages offerts par cet
opérateur ; la distribution de dépliants visant à faire
connaître l'ensemble des services et avantages offerts par la compagnie
et la promotion de la marque Digicel sur les équipements des clubs de
football dans le championnat national haïtien comptent parmi ces
innovations.
En réaction aux diverses offensives entreprises par la
Digicel, Comcel et Haitel se montrent plus présentes notamment
grâce à l'intensification de leur politique de marketing. Elles
lancent régulièrement de nouvelles offres promotionnelles et
utilisent ainsi plus fréquemment les médias (radio,
télévisions, journaux, etc.) pour toucher le public.
Parallèlement, Comcel a aussi conclu un partenariat avec les journaux
Le Matin et Spot light pour
l'exclusivité des publicités sur leurs pages de couverture. Si le
sport est l'étendard qui porte les couleurs de la Digicel, la Comcel de
son coté a fait de la musique son porte drapeau car elle sponsorisent
beaucoup de groupes musicaux.
Politique de tarification.
Digicel a lancé ses hostilités en commençant
d'abord par sa politique de tarification. Pour marquer la rupture avec le
passé et changer de manière irréversible le paysage des
tarifications dans le secteur, la Digicel élimine les charges sur les
appels entrants, divisant ainsi par deux les tarifs à la minute.
Seulement quelques mois après sont lancement, la Digicel
révolutionne déjà le marché de la
téléphonie mobile haïtien en offrant à la
clientèle des avantages non encore effectifs dans ce secteur et va
même plus loin que ses concurrents en révisant à la baisse
les prix des services que ces derniers offrent déjà. Ainsi
dès mai 2006 le marché du cellulaire haïtien a connu
d'énormes mutations dont les plus intéressantes sont :
o le lancement du forfait qui est la subvention des terminaux.
o l'envoi de SMS (3 gourdes le texte).
o baisse des tarifs de communication pendant les week-ends.
o Facturation à la seconde.
Avec Digicel, le prix d'acquisition d'un
téléphone a considérablement diminué par rapport
aux années précédentes. Sur le réseau Digicel,
l'achat d'un terminal activé varie entre 700 gourdes (Motorola C115) et
35,100 gourdes (Nokia 8800) ; la compagnie met à la disposition de sa
clientèle plus de 25 modèles de téléphones
portables de 8 marques différentes.
Tab.3 Tarifs de la Digicel pour les services
Prépayés en gourde (Digicel Flex).
Appels vers
|
Tarif de jour
|
Tarif de nuit
|
Week-ends
|
Digicel
|
HTG 4.75
|
HTG 3
|
HTG 3
|
Téléphones fixes
|
HTG 5
|
HTG 4
|
HTG 4
|
Autres portables
|
HTG 5
|
HTG 4
|
HTG 4
|
Source : guide d'utilisation Digicel Flex
(prépayé)
Tab.4 Tarifs de la Digicel pour les services
Post-payés (Digicel Select).
Plan Digicel Select
|
Dépôt requis
|
Abonnement mensuel
|
Minute incluse
|
Message texte GRATUIT
|
Tarif effectif par minute
|
Digicel premier
|
HTG 2,500
|
HTG 1,025
|
280
|
100
|
HTG 3.66
|
Digicel or
|
HTG 3,500
|
HTG 1,725
|
550
|
150
|
HTG 3.14
|
Digicel platinum
|
HTG 5,000
|
HTG 2,700
|
1,000
|
250
|
HTG 2.70
|
Source : guide d'utilisation Digicel Select
(Post-payés)
Comcel et Haitel vont attendre quelques semaines avant de
réagir. A la fin du mois de mai 2006, ces deux opérateurs
éliminent les tarifs sur les appels entrants, et à partir du mois
de Juin ils actualisent leur système de tarification existant pour
lancer à leur tour leurs forfaits se rapprochant ainsi des prix de
Digicel, une décision qui va intensifier d'avantage la concurrence.
Tab.5 Grille de Tarification de la Comcel (par minute
en Gourdes).
Type d'appel
|
Flex card
|
Flex mobile
|
Opti flex
|
Opti flex int'l
|
Prix des Services
|
moins de 900.00
|
900.00
|
1,500.00
|
2,400.00
|
Appel sortant GSM/TDMA vers l'extérieur
|
5.00
|
5.00
|
5.00
|
5.00
|
Appel entrant
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Appel sortant de GSM/TDMA vers GSM/TDMA
|
4.00
|
4.00
|
4.00
|
4.00
|
Appel sortant de GSM/TDMA vers GSM/TDMA de 12hres AM - 6hres
AM
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Messagerie Vocale
|
2.00
|
2.00
|
2.00
|
2.00
|
SMS
|
3.00
|
3.00
|
3.00
|
3.00
|
SMS entrant
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Gratuit
|
Source :
www.voila.ht
La Haitel pour sa part a présenté une nouvelle
grille de tarification et de nouveaux plans de service de la compagnie.
Désormais, les utilisateurs des services de cet opérateur
bénéficieront35 :
D'une réduction du coût des appels placés
allant jusqu'à 3 gourdes la minute ;
D'une nouvelle option appelée Famille/Ami permettant 3
à 5 personnes utilisant des téléphones Haitel de
communiquer entre elles à un tarif réduit de 50% ;
De l'introduction d'un nouveau plan dénommé Plan
Haitel Basic qui élimine l'option abonnement. Ce plan offre les
avantages suivants : le prix de la minute est de 4,50 gourdes ; tous les appels
vers les autres opérateurs se paient à 5 gourdes dans le courant
de la journée et 2,50 gourdes la nuit.
V' Pour la Hi-tel 5, l'abonné doit payer 500 gourdes par
mois. Il a droit à 125 minutes à raison de 4 gourdes la minute
par appels placés. De 10h p.m à 6 a.m, l'abonné sera
facturé 2,50 gourdes la minute.
V' Pour l'option Hi-tel 10, le client paiera 1000 gourdes par
mois et aura droit à 333 minutes de communication à raison de 3
gourdes la minute (appels sortants Haitel-Haitel). Tous les appels Haitel vers
une autre compagnie seront facturés 5 gourdes la minute le jour et 2,50
gourdes la nuit.
C.4. La performance de ce secteur de Mai à
Décembre 2006.
La concurrence entre opérateurs porte en premier lieu
sur le prix des services proposés aux abonnés. Jusqu'en Avril
2006, le marché se caractérise par un duopole stable et des prix
élevés. De Mai 2006 à Octobre 2006, avec l'arrivée
de la Digicel, le marché entre dans une phase de tâtonnement,
à la recherche d'un nouvel équilibre : les opérateurs en
place procèdent à une série de baisses de prix. Enfin,
à partir de Décembre 2006, les prix se stabilisent à des
niveaux assez bas. D'abord, une minute de communication entre deux utilisateurs
coûte à peu près 5 gourdes contre 10 gourdes auparavant ;
sur le même réseau, un abonné paie la minute de
communication à 4 gourdes contre 5 gourdes avant Digicel ; le coût
d'acquisition d'un terminal varie à la baisse et les frais d'activation
annulés.
Certaines de ces innovations, dans lesquelles Digicel a
investi une large part de son revenu, ont même été reprises
par ses concurrents. Cet opérateur a, en outre,
généré la création de 700 emplois directs dont 400
dans le service à la clientèle et 200 employés dans le
service technique, et 3000 emplois indirects qui sont repartis dans le service
de support, de construction et de ventes dans 300 magasins autorisés.
De son coté, Comcel a déjà crée
près de 1000 emplois directs et recensé plus de 10000 revendeurs
de cartes, elle possède plus de 400 sites à travers tout le pays
alors que la Haitel compte environ 600 personnes directement employés
dans l'activité de l'entreprise contre plus de 950 travailleurs
indirects.
35 Le Nouvelliste, no 37395, «
nouvelles tarifications : la Haitel se met au pas », Jeudi 25 Mai 2006.
D'un point de vue globale, le marché des
télécommunications est en 2006 le plus performant de
l'économie haïtienne. Dans un article du Nouvelliste36
la DGI a publié la liste de 150 plus grands contribuables de l'exercice
fiscal 2005-2006 dans laquelle les trois compagnies de téléphonie
cellulaire figurent parmi les six entreprises les mieux classées. La
Comcel arrive en première position en apportant au trésor public
durant cet exercice fiscal un montant de 926, 399,651.81 gourdes ; la Haitel et
la Digicel arrivent respectivement en 5e et 6e position
en apportant à la caisse de l'Etat 252,146,451.58
R d fi
gourdes et 138,618,621.43 gourdes.
00
La présentation du marché cellulaire haïtien
sur les deux sous périodes considérées
révèle deux situations biens différentes que ce soit en
termes de performances microéconomiques (prix) ou encore
1,2niesnies
macroéconomique (emplois, redevances fiscales, etc.),
mais surtout une meilleure performance du
1niesniesnies
secteur sur la période mai-décembre 2006. A ce
stade il parait nécessaire de rechercher les causes de ces
8niesnies
modifications. Cette quête se fera à partir d'une
analyse comparative des deux sous périodes étudiées.
6niesnies
comniesnies
Ex
fig.2.3
Source : UGCF
36 Le Nouvelliste, la liste des plus grands
contribuables, 26 décembre 2006.
Chapitre 3. Analyse comparative des performances de ce
marché sur les deux périodes étudiées.
Pour expliquer cette meilleure performance observée
dans le secteur de la téléphonie cellulaire pour la
période mai-décembre 2006, nous partons de l'hypothèse
suivante : « La stratégie concurrentielle de la Digicel est le
facteur déterminant du dynamisme du secteur de la
téléphonie cellulaire en Haïti en 2006 ». Et pour
soutenir cette proposition, nous considérons deux autres
hypothèses secondaires mettant en relief les stratégies des
firmes sur chacune des deux sous périodes étudiées. Pour
vérifier la validité de ces hypothèses, nous
procédons à une analyse comparative de ces deux sous
périodes.
Tout d'abord, nous présentons la notion de dynamisme de
marché. Pour rendre opérationnel ce concept, nous
considérons deux grandes dimensions qui sont le degré
d'accessibilité et la nature des choix des produits et services. Ainsi,
dans ce chapitre nous étudions sur chacune des sous périodes
considérées le niveau de dynamisme atteint dans le secteur en
fonction des dimensions retenues.
Ensuite, nous vérifions les hypothèses du travail
de recherche en analysant les causes des performances obtenues à travers
les périodes étudiées.
Enfin, nous présentons sur chaque sous période
les relations de causalité existant entre la structure, le comportement
et la performance du secteur et nous procédons à une analyse par
la théorie des jeux pour modéliser les interactions
stratégiques des opérateurs.
A. L'analyse économique du secteur de la
téléphonie cellulaire sur la période 1999 à avril
2006.
A.1 Peut-on parler de dynamisme dans ce secteur
considéré sur la période 1999-avril 2006 ?
Dans un marché concurrentiel, le concept de dynamisme
fait référence à une situation dans laquelle les
consommateurs bénéficient, en termes de quantité et de
qualité des produits et/ou services, des avantages résultant de
la concurrence accrue entre les firmes.
Considérant le marché de la
téléphonie cellulaire en Haïti, il y a lieu de poser le
problème du dynamisme de ce secteur quand on considère son
évolution sur la période 1999 à avril 2006. Plusieurs
experts reconnaissent que le dynamisme du marché de la
téléphonie mobile ne se résume pas seulement à la
quantité d'opérateurs qui interagissent sur ce marché.
Pour cerner le concept de dynamisme, il faut prendre en compte deux grandes
dimensions qui sont le degré d'accessibilité au secteur et la
nature des choix des produits et services mis à la disposition des
consommateurs. Le degré d'accessibilité permet
d'évaluer la capacité du secteur à offrir le service
à une population donnée, mais aussi le rythme auquel cette
population utilise ce service. Trois principaux indicateurs rendent
opérationnel le degré d'accessibilité, ce sont : les
prix, les canaux de distribution et le taux d'utilisation des services, les
taux
de pénétration et de couverture de ce
service. La nature des choix des produits et services met
en évidence les caractéristiques des produits et services
offerts, elle peut être expliquée par : la qualité des
services et la diversification des produits et services.
Dans le cas haïtien, l'analyse des données
disponibles met en évidence un service à diffusion plutôt
limitée offert au consommateur qui certes ne dispose pas
forcément d'un pouvoir d'achat lui permettant toujours de se payer un
terminal et les coûts de recharge. Ainsi, après plus de 6 ans
d'introduction du cellulaire en Haïti, le taux de
pénétration du téléphone de façon
générale a certainement évolué, car il est
passé de 0.72% en 1998 à plus de 9% en avril 200637.
Toutefois, ce taux restait encore très faible par rapport à nos
voisins des caraïbes (60% en moyenne). Ce service jusqu'en avril
2006 était disponible seulement dans les grandes villes du pays
tandisque la plupart des zones rurales n'y avaient pas accès. C'est
là l'une des causes expliquant le faible taux de couverture de ce
service qui dépassait à peine 50% du territoire national. Bien
d'autres arguments pourraient encore être évoqués pour
étayer le caractère stagnant de ce secteur, on pourrait alors
faire référence à la gamme de services offerte par les
principaux opérateurs qui comprenait tout simplement le service de
téléphonie à proprement parler (transfert de la voix) et
la messagerie vocale.
Il est certain que le marché de la
téléphonie cellulaire a apporté une amélioration
dans le paysage des télécommunications en Haïti. Toutefois,
s'il est vrai que ce marché qui au début paraissait dynamique a
fait nitre de grandes attentes relatives à l'explosion d'un service qui
serait étendue à toute la population, l'analyse de
l'évolution du secteur montre pourtant un faible degré
d'accessibilité qui s'explique par des prix élevés, de
faibles canaux de distribution, des taux de pénétration et de
couverture très faibles. Cette analyse met aussi en évidence une
gamme de produits assez restreinte et un service de qualité plutôt
modeste. A la lumière de ces constats nous concluons que le secteur de
la téléphonie cellulaire sur cette période était
peu dynamique.
Trois variables sont à l'origine de ce faible
dynamisme constaté dans le secteur au cours de cette période. Ce
sont : Le comportement des opérateurs, la technologie utilisée et
l'absence d'une politique publique efficace.
A.2. Quelles stratégies les opérateurs en place
ont-ils adopté ?
L'analyse des comportements des différents
opérateurs évoluant sur le marché de la
téléphonie mobile cellulaire haïtien révèle
que les deux principaux opérateurs Comcel et Haitel ont opté pour
des choix très différents en ce qui a trait aux services offerts
à la clientèle, au type de technologie utilisée, à
la qualité des investissements, etc.
37 Tableau en Annexes
Le point fort qui différencie ces deux concurrents sur
la période 1999-avril 2006 porte sur le type de technologie
utilisée et l'impact de ces choix sur la manière de desservir la
clientèle et la relation qui se développe entre
l'opérateur et ses clients. Depuis 1999, la Haitel a introduit en
Haïti la technologie CDMA alors que la Comcel quelques mois plus tard a
commencé à fournir le service de téléphonie mobile
utilisant la technologie TDMA. Ces deux technologies étant
incompatibles, le coût supporté par un client pour passer du
réseau d'un opérateur à un autre est très
élevé, ce transfert impliquerait l'acquisition d'un nouveau
terminal, un nouveau contrat incluant des frais d'activation, un nouveau
numéro, etc. De plus, l'utilisation de deux technologies
différentes a eu une conséquence directe sur la capacité
des opérateurs à activer certains terminaux selon leur marque.
Par exemple certaines marques de téléphone comme Nokia, Motorola
étaient utilisées exclusivement par les clients de la Comcel
alors que d'autres marques comme Qualcomm ne pouvaient être
activées que par la Haitel.
Cependant, à partir de novembre 2005 la Comcel adopte
la technologie GSM, plus moderne que le TDMA, et du coup va accentuer sa
différenciation par rapport à la Haitel. Entre novembre 2005 et
avril 2006, la compagnie enregistre une croissance de 7% du nombre
d'abonnés sur son réseau et parvient à conserver ses
anciens clients du réseau TDMA en leur offrant la possibilité de
migrer vers le GSM.
Dans leur phase de duopole, Comcel et Haitel se sont donc
efforcés à fidéliser leur clientèle respective en
utilisant chacune une technologie perçue comme unique au niveau du
secteur. Cette approche fait référence à la
stratégie de différenciation évoquée par
Michael Porter.
A.3. L'impact de la stratégie de
différenciation sur le marché.
La stratégie de différenciation pratiquée
par la Haitel et la Comcel octroie un certain pouvoir de monopole à ces
deux opérateurs sur la technologie adoptée et sur les terminaux
utilisant ces technologies. L'utilisation de deux technologies cellulaires
différentes se traduit par un partage du marché entre ces deux
concurrents, chacun desservant une clientèle qui lui est fidèle,
mais aussi par un faible degré de substituabilité des services
parce que le coût de transfert d'un opérateur à un autre
devient alors très élevé pour le consommateur. Cette
situation de monopole que chacun de ces opérateurs possède sur sa
technologie comme toute situation de monopole est à l'origine d'un
surprix sur le marché. Dans le cas haïtien, cette situation a
perduré dans le temps principalement pour deux raisons : un
coût de transfert trop élevé et la parité
des tarifs chez les opérateurs. Car même si le client de la
Haitel mécontent des tarifs pratiqués par son fournisseur accepte
de supporter les frais de transfert nécessaires pour s'abonner chez
Comcel, il verra en fin de compte que les tarifs exercés par ce dernier
sont aussi chers que ceux de la Haitel, parce que la Comcel lui aussi a un
pouvoir de monopole sur son segment de marché.
La différenciation des services, du fait que Haitel et
Comcel possèdent chacune une clientèle attachée à
son propre réseau n'entraîne aucun risque de guerre des prix. Les
tarifs des services sont pratiquement les mêmes pour l'abonnement et pour
les services prépayés. Cette stratégie telle que
pratiquée par ces opérateurs n'a entraîné aucun
risque pour l'une ou l'autre de ces compagnies de perdre sa clientèle ou
d'essuyer le mécontentement de son concurrent et ceci essentiellement
parce qu'elles n'ont mené aucune politique active de vente.
Aussi l'étude du comportement des deux principaux
opérateurs de téléphonie cellulaire
révèle-t-elle une certaine complicité dans le choix des
stratégies respectives des entreprises car on ne retrouve pas chez l'un
ou l'autre des deux opérateurs cette agressivité
caractéristique d'une vraie concurrence. Comment peut on expliquer cette
complicité ?
Pour limiter les retombées négatives qui
pourraient résulter de l'utilisation de technologies différentes,
dans certaines régions comme par exemple en Europe, les
régulateurs nationaux exigent que les opérateurs utilisent la
même technologie (GSM). Cette mesure garantit une plus grande concurrence
entre les opérateurs et aboutit à un marché plus
compétitif et très dynamique. Toutefois, en Amérique du
Nord et dans certains pays asiatiques, les régulateurs acceptent
l'exploitation de technologies différentes sur leur marché qui
pourtant reste dynamique. Par rapport à ce constat, il parait alors
nécessaire de trouver les particularités du marché
haïtien qui expliquent les résultats obtenus à partir de la
stratégie de différenciation. En premier lieu, il n'y avait que
deux opérateurs, cette situation stimulait une réelle tentation
à coopérer en vue de partager le marché, ensuite le fait
que ces derniers n'utilisent pas une technologie identique limite la
mobilité des utilisateurs sur les deux réseaux, un verrouillage
systématique qui rend les abonnés moins sensible aux tarifs. Dans
un pareil contexte, les opérateurs ont plus intérêt
à coopérer en pratiquant une politique de segmentation du
marché à travers des politiques concurrentielles similaires qui
garantissent de meilleurs profits, alors qu'une concurrence pourrait conduire
l'une ou l'autre en dehors du marché, d'autant plus que le Conatel,
contrairement au régulateur du marché américain, n'a pas
instauré de balises pour empêcher de telles pratiques.
La stratégie de différenciation employée
par Comcel et Haitel sur la période 1999-Avril 2006 est de toute
évidence un des principaux facteurs ayant contribué au faible
dynamisme de ce secteur. Tout d'abord la différenciation, parce qu'elle
donne lieu à un pouvoir de monopole de chaque opérateur et par
conséquent la capacité pour chacun d'eux de pratiquer des tarifs
élevés, restreint l'accès au marché. De plus, le
pouvoir de monopole dont bénéficiaient ces opérateurs ne
les incitait pas à innover, il en résulte une faible
disponibilité des produits et services standards accessibles à
tout utilisateur d'un téléphone portable à travers le
monde (SMS, MMS, Internet, roaming, etc.).
Mise à part l'analyse purement microéconomique
considérée antérieurement, d'autres facteurs doivent
être pris en compte pour expliquer le manque de dynamisme observé
dans le secteur. Pour la crédibilité de l'étude il faut
aller encore plus loin pour exploiter d'autres points de vue si on veut cerner
tous les aspects de cette problématique, d'autres paramètres
inhérents au domaine des télécommunications et à
l'état haïtien sont mis en cause dans l'explication de ce
phénomène :
i. La technologie utilisée : A ce niveau on
pointe du doigt les limites des technologies CDMA et TDMA utilisées par
ces deux concurrents qui étaient dans l'incapacité de satisfaire
une très grande partie de la population. Ces deux technologies
étant dépassées, par conséquent leur réseau
ne pouvait pas accueillir un grand nombre d'abonnées. De plus, ces
opérateurs ne pouvant plus trouver des équipements qui
étaient déjà en voie de disparition, pour ne pas saturer
leurs cellules, pour maîtriser la qualité du service et pour
financer de nouveaux investissements, ils pouvaient avoir intérêt
à fixer des tarifs élevés et à cibler une
clientèle d'affaire. Par ailleurs, Comcel avec son nouveau
système, le GSM 850, pouvait parfaitement se contenter
de cibler une clientèle d'affaires à travers une politique de
prix élevés. Une stratégie convenant bien au GSM 850
puisqu'elle permet d'offrir une couverture complète du territoire, sans
pour autant densifier son réseau. Pour cela Comcel pouvait commencer par
déployer un réseau de densité moyenne afin de couvrir le
plus rapidement l'ensemble du territoire avec des cellules de tailles
importantes. Ensuite on questionne les moyens financiers de ces firmes à
savoir s'ils étaient insuffisants pour de nouveaux investissements ou
les utilisait-on a d'autres fins. Toutefois, face aux réticences des
responsables des principaux opérateurs de téléphonie
à faciliter l'accès aux informations relatives aux données
financières des entreprises, nous avons été dans
l'impossibilité de répondre adroitement à cette
interrogation qui pourrait faire plus tard l'objet d'une étude beaucoup
plus approfondie.
ii. Politique publique : Une politique publique visant
à promouvoir la diffusion des NTIC comme facteur de développement
devrait pouvoir établir un calendrier de diffusion de ces technologies
et élaborer un cadre légal adapté aux
spécificités du secteur.
On a exposé antérieurement l'importance des NTIC
comme outils de progrès par lesquels doivent passer
nécessairement les nouveaux pays en quête de développement
socioéconomique. Or, le développement social et économique
étant principalement l'affaire des Etats, il est nécessaire
d'identifier les secteurs clés devant permettre d'atteindre ce but. Dans
cette optique, l'enjeu des télécommunications étant si
importants, il nous faut des politiques publiques adéquates.
Les premières impressions laissent croire que la
diffusion du service téléphonique au niveau national n'a jamais
été une priorité des pouvoirs publics. L'évolution
pour le moins insatisfaisante des télécommunications d'Haïti
S.A. (Teleco) comme entreprise publique ne plaide pas en faveur de
l'existence d'une politique publique visant à
promouvoir l'accès des moyens de télécommunications
à tous. Mais qu'en est-il en réalité ? Doit-on parler de
désengagement réel de l'Etat dans ce domaine ? C'est plutôt
un problème qui s'inscrit dans un cadre plus général
d'absence ou plutôt d'incohérence des politiques publiques de
l'Etat haïtien. En effet, l'apparition des premières compagnies de
téléphonie cellulaire s'est faite dans ce contexte
d'inadéquation des efforts des pouvoirs publics en vue de promouvoir la
diffusion du service téléphonique à travers le pays. Il
faut ajouter à cela l'existence d'un cadre légale38
régissant ce secteur totalement dépassé qui ne prend pas
en compte les particularités propres de la téléphonie
cellulaire. Le Conatel qui est l'organe de régulation étatique
utilise pour sa mission de contrôle du secteur des lois qui ont
été mises en place depuis 1977 pour contrôler
l'évolution de la Teleco jouissant alors d'un monopole naturel dans
l'exploitation de la téléphonie par câble. Le
régulateur ne dispose donc d'aucune force légale adaptée
à la nouvelle configuration de ce secteur où évoluent des
opérateurs de téléphonie mobile. Il faut noter aussi que
les autorisations pour la fourniture d'un service de téléphonie
(fixe ou mobile) seront accordées seulement sur la base d'un appel
public de soumission assorti d'un cahier des charges (appel d'offres) pour
obtenir un contrat de concession avec l'état Haïtien. Cette
disposition nous révèle encore une fois des barrières
à l'entrée que pose le Conatel qui jusqu'à présent
ne souhaite pas libéraliser totalement le secteur comme cela se fait
ailleurs. De plus, avec l'exploitation de deux technologies différentes
dans ce secteur, le Conatel a, en fait, cautionné une segmentation du
marché qui va influencer énormément le comportement des
opérateurs et qui, par la suite, va donner lieu à une situation
de monopole pour la Haitel sur la technologie CDMA, et pour la Comcel sur la
technologie TDMA.
Donc le manque de dynamisme observé dans le secteur de
la téléphonie cellulaire au cours de cette période
résulte principalement de la stratégie de différenciation
pratiquée par les opérateurs. Les technologies utilisées
et l'absence d'une politique publique efficace en matière de
télécommunication expliquent aussi le faible taux de
pénétration et le piètre résultat
enregistrés dans le secteur sur la période 1999-avril 2006.
Une analyse des relations de causalité entre la
structure du marché, le comportement des firmes et la performance du
secteur résume parfaitement la situation du marché. Et pour mieux
saisir l'évolution du secteur sur cette période, il faut aussi
comprendre les enjeux auxquels faisaient face les firmes concurrentes, la
théorie des jeux nous aidera à mieux élucider ces
enjeux.
38 Mémoire de sortie de Thadal et Amelin,
CTPEA, 2005.
A.4. Relation de causalité entre structure,
comportement et performance.
On peut affirmer que la relation de causalité existant
entre la structure de ce marché, le comportement des opérateurs
et la performance du secteur n'est pas une relation unidirectionnelle, au
contraire elle va dans les deux sens conformément à la logique de
Jean Tirole. Tout d'abord, le fait par le Conatel de laisser les deux
opérateurs utiliser deux technologies différentes influence
grandement le comportement de ces derniers. Cette situation leur donne la
possibilité de se comporter en monopoleur sur la technologie
exploitée et ce comportement aura des répercussions sur la
performance du secteur notamment, la pratique de tarifs élevés,
le faible taux de pénétration du téléphone
cellulaire et la mauvaise qualité du service. La structure du
marché dans un sens influence le comportement des opérateurs dans
le secteur qui affiche alors une performance peu satisfaisante. En retour, le
fait que ces deux opérateurs se comportent en monopoleur grâce
à leurs technologies, traduit une situation de concurrence
monopolistique et étant seuls sur le marché de la
téléphonie cellulaire, Comcel et Haitel évoluaient en
situation d'oligopole. Ces deux situations reflètent un marché
hybride d'oligopole et de concurrence monopolistique qui traduit l'influence du
comportement des opérateurs cette fois-ci sur la structure du
marché. Cette pratique de tarifs élevés adoptée par
les compagnies leur a été bénéfique car elles ont
réalisé des surprofits durant toute la période. Cette
performance obtenue leur a incité à garder et à renforcer
les mêmes stratégies : politique de tarification
élevée, segmentation du marché, comportement de
monopoleur. Ceci traduit directement la répercussion des
performances réalisées par ces opérateurs sur leurs
comportements, et de façon indirecte va consolider cette structure de
marché (hybride ou segmentée).
Fig.3.1
Fig 3.1 Le modèle
Structure-Comportement-Performance
Structure
Comportement
Performance
.
A.5. Une analyse par la théorie des jeux du
secteur.
Les différentes analyses relatives au secteur de la
téléphonie cellulaire montrent que le comportement des
opérateurs joue un rôle prédominant dans son
évolution. La stratégie de différenciation
employée par les principales firmes accouche une structure de
marché hybride d'oligopole et de concurrence
monopolistique et aboutit à un secteur peu
dynamique39. Donc une amélioration de la situation dans ce
marché devrait passer par un changement dans le comportement des
opérateurs.
Toutefois, considérant les conditions dans lesquelles
évolue le marché de la téléphonie cellulaire entre
1999 et avril 2006, Comcel et Haitel se sont livrés à un jeu
où elles ont pu trouver un équilibre satisfaisant pour chacune
d'elle. En effet, Comcel aussi bien que la Haitel en adoptant un comportement
assez conciliant vis-à-vis de sa rivale s'est assurée que cette
dernière ne tentera aucune action de représailles, néfaste
pour son évolution. Donc, aussi longtemps que l'une ou l'autre ne change
sa ligne d'action il est certain qu'elle ne risque d'engendrer aucune guerre de
publicité, ni vol de marché, ni de politique concurrentielle
agressive. Ces opérateurs semblent alors employer une stratégie
« coopérer- coopérer », et plus d'un pense à
l'éventualité d'un accord tacite40 entre eux notamment
quand on analyse l'évolution des prix respectifs qu'ils pratiquent. Ces
opérateurs depuis 1999 ont fixé leur tarif à la minute au
même niveau, ce tarif était fixé à 3 gourdes
jusqu'à Décembre 2001 ce qui représentait
l'équilibre obtenu en situation collusive. A partir de Janvier 2002, se
basant sur la dépréciation de la gourde qui passe de $1USD pour
17 gourdes à $1 USD pour 35 gourdes, les opérateurs fixent le
prix de la minute à 5 gourdes sur les deux réseaux, ce qui alors
donne lieu à un nouvel équilibre collusif.
Comcel et Haitel certes avancent la dépréciation
du taux de change pour justifier l'augmentation des tarifs pratiqués sur
le marché. Cependant, grâce au raisonnement de la théorie
des jeux nous pouvons expliquer comment la pratique de tarifs
élevés résulte surtout d'un comportement collusif. Nous
avons montré qu'en dépit du fait que Comcel et Haitel exploitent
deux technologies différentes, elles vendent un service de
qualité presque identique si bien que le consommateur prend en compte
seulement la variable prix de la minute'' lorsqu'il veut s'abonner
à l'un ou l'autre des deux réseaux. Chaque firme a deux
stratégies possibles pour la tarification des minutes : fixer un prix
élevé (PE) ou un prix bas (PB). Dans le tableau 3 nous
présentons les conséquences monétaires de ces
différentes stratégies tel que le premier nombre de chaque case
de la matrice est le profit de Comcel et le second celui de Haitel.
Tab. 6 Haitel
Comcel
|
PB
|
PE
|
PB
|
40 u, 40 u
|
90 u, 10 u
|
PE
|
10 u, 90 u
|
70 u, 70 u
*
|
39 Les critères de dynamisme sont
définis à la page 53.
40 La faiblesse du cadre légal est mise en
cause ici. Réf. mémoire de sortie de Thadal et Amelin «Pour
une régulation efficace du secteur de la téléphonie en
Haïti», CTPEA, 2005
Si ces firmes fixent toutes les deux un prix
élevé, nous sommes dans une situation collusive qui nuit au
consommateur mais chaque firme obtient un profit de 70 u 41.
Cependant si une firme fixe un prix élevé alors que l'autre,
déviant la stratégie de prix élevé, peut obtenir un
profit encore plus grand en baissant son prix. Cette dernière
enlève de fait la quasi-totalité du marché et obtient un
profit de 90 u ne laissant à sa rivale qu'un profit de 10 u. Si les deux
fixent un prix bas, elles partagent à parts égales un
marché plus étendu mais comme le prix est plus faible, elles ne
gagnent que 40 u.
Supposons que le régulateur joue pleinement son
rôle et arrive à empêcher qu'il y ait entente entre les
firmes, elles se retrouvent alors dans le dilemme du prisonnier, dans ce cas la
seule combinaison de stratégies conduisant à un équilibre
de Nash est celle dans laquelle Comcel et Haitel fixent un prix bas et
obtiennent un profit de 40 u. Sous la même hypothèse,
considérant le cas où les deux firmes fixent un prix
élevé, cette combinaison de stratégie incite chacune des
firmes à tricher en fixant un prix bas, ainsi son concurrent n'aurait
d'autre choix que de revenir à un prix bas. Donc, si Comcel s'attend
à ce que Haitel fixe un prix élevé sa meilleure
réponse est de fixer un prix bas car il gagne 90 u au lieu de 70 u. Par
contre, si Comcel s'attend à ce que Haitel fixe un prix bas sa meilleure
réponse est encore de fixer un prix bas. En ne choisissant pas un prix
élevé il évite ainsi de perdre de l'argent : son gain est
de 40u au lieu de 10 u. Comcel est toujours mieux en fixant un prix
bas quelle que soit la stratégie attendue de Haitel. Ce raisonnement
étant symétrique, nous voyons donc que fixer un prix bas est une
stratégie dominante pour les deux firmes.
Dans le cas haïtien, l'équilibre a toujours
été maintenu à un niveau de prix élevé. Si
les opérateurs mettent en relief le taux de change pour justifier ces
choix, il n'est pourtant pas certain que cet argument suffise à faire
taire les critiques qui voient dans le choix de faire augmenter leurs tarifs
dans les mêmes proportions et au même moment un comportement
collusif. Dans les faits on a constaté que Comcel à partir de
janvier 2002 fait augmenter le tarif sur les minutes de 65% au risque de perdre
des parts de marché ; au cours de la même semaine, la Haitel fait
augmenter ses tarifs au même niveau. Pourtant, en fonction du choix fait
par la Comcel d'augmenter ses tarifs, la Haitel pouvait choisir entre garder le
même tarif (3gdes/mn), ou bien l'augmenter à un niveau plus faible
que celui de Comcel et du coup capter une plus grande part de marché
(par exemple : 4gdes/mn), ce qui est tout à fait conforme à la
logique concurrentielle. Mais le choix de pratiquer un tarif aussi
élevé que son concurrent traduit une certaine entente visant
à assurer de surprofit pour les deux firmes. Ainsi, l'action de la
Comcel peut donc s'interpréter comme un signal envoyé à
Haitel, auquel ce dernier répond favorablement. La
41 A défaut d'informations relatives aux
profits des firmes, ces nombres qui sont des valeurs théoriques choisies
arbitrairement représentent leur niveau d'utilité. Avec
U(utilité) U 0
théorie des jeux nous permet de dire dans ce cas que seule
une entente, formelle ou tacite, en l'absence de politique de régulation
rigoureuse et efficace garantit le maintien d'un tel équilibre.
Cette situation dans laquelle a évolué ce
secteur est à l'origine de surprofit pour les deux opérateurs.
Tout ceci s'est fait au détriment des consommateurs qui se retrouvent
alors dans une situation d'équilibre sous optimal traduite par les
mauvaises performances du marché et par une perte sociale42.
Cependant, en dépit des surprofits qu'elle permet de réaliser,
nous pouvons montrer que la stratégie (PE, PE) qui traduit un
équilibre optimal pour les opérateurs peut être
améliorée. En effet, admettons que les profits en situation
collusive (70 u, 70 u) ont été obtenus au temps t ; supposons
qu'à t+1 les firmes modernisent leur réseau, faisant ainsi
augmenter leur nombre d'abonnés. Cette croissance de la demande
effective engendrait une situation dans laquelle les gains obtenus seraient
supérieurs aux résultats observés au temps t. Tout
d'abord, si l'équilibre du marché reste un équilibre
collusif les gains seraient tels que (PE, PE)t+1 > (PE, PE)t. Si par contre
les opérateurs se livrent à une concurrence sans aucune
possibilité de faire des ententes, nous nous retrouvons dans une
situation d'oligopole pure qui correspond au dilemme du prisonnier. Les prix du
marché tendent alors vers le coût marginal des firmes et sont donc
inférieurs aux prix de collusion. Dans ce cas, le niveau de profit
correspondant à l'équilibre de Nash serait supérieur
à celui de l'équilibre collusif au temps t : (PB, PB)t+1
> (PE, PE)t.. Ceci s'explique par la croissance
du nombre des abonnés sur les deux réseaux impliquant un plus
grand trafic, les opérateurs grâce à cet effet de volume
réaliseraient des ventes plus importantes. Une situation semblable
à t+1 éviterait une perte du surplus des producteurs, elle
réduirait aussi la perte du surplus des consommateurs qui
eux-mêmes accéderaient à ce service à moindre
coût.
Tab. 7 Haitel
Comcel
|
PB
|
PE
|
PB
|
75 u, 75 u
|
120 u, 40 u
|
PE
|
40 u, 120 u
|
90 u, 90 u
|
Donc, le nouveau dynamisme recherché passe soit par une
situation dans laquelle les firmes en place investissent dans la modernisation
de leur réseau pour élargir le marché ; soit par une
nouvelle configuration du secteur où au moins un troisième
opérateur évoluerait en adoptant un comportement plus agressif
qui aboutirait à un système de tarification plus concurrentiel et
une plus grande gamme de services rendant le marché plus accessible et
plus dynamique.
42 Ensemble des préjudices subis par la
collectivité lorsque le marché s'écarte de l'idéal
concurrentiel.
B. L'analyse économique du secteur sur la
période mai-décembre 2006.
B. 1. Regain de dynamisme observé sur le marché
de la téléphonie cellulaire en mai 2006.
Pour bien cerner les changements qui se sont
opérés dans le secteur de la téléphonie cellulaire
haïtien, il est nécessaire d'effectuer une analyse comparative des
deux sous périodes étudiées, cette analyse sera
orientée en fonction du paradigme SCP.
En terme de structure, le marché du cellulaire
haïtien entre 1999 et avril 2006 fut desservi principalement par la Comcel
et la Haitel. Cependant, à partir de mai 2006 Digicel entre comme un
troisième opérateur. Avec ces trois opérateurs, beaucoup
de personnes ont eu accès à ce marché car l'offre de
service a augmenté, le secteur accuse alors un taux de croissance du
nombre d'abonnés de plus de 240% (cet effectif passe de 675,000 en avril
à près de 2,320,000 en décembre); de plus la Digicel dans
un souci d'acquérir une très grande part de marché offre
des produits et services nouveaux dans le secteur. Parallèlement Haitel
et Comcel pour consolider et augmenter leurs parts de marché modernisent
leur réseau et peuvent désormais offrir une gamme très
diversifiée de produits et services.
D'un autre coté, l'arivée de la Digicel a
marqué un tournant dans la manière de faire la concurrence. Si
dans les années précédentes on pouvait se douter de
l'existence probable d'une certaine entente quand on considère le
comportement des autres opérateurs, à la fin de l'année
2006 la configuration du secteur a nettement évolué. Tout
d'abord, au niveau du marketing on observe chez eux une plus grande
intensité dans la manière d'attirer le consommateur : plus de
spots radio télédiffusés, ils s'impliquent d'avantage dans
des activités socioculturelles à travers des politiques de
sponsorisation. On retrouve alors un plus grand intérêt de ces
derniers à faire la promotion de ses services et une concurrence plus
agressive dans ce domaine visant à fidéliser la clientèle.
Pour rendre ce service plus accessible à cette clientèle, les
opérateurs mettent en place des réseaux plus étendus qui
couvrent à peu près tout le territoire national, ce qui fait
passer le taux de couverture du service de 50% en avril 2006 à plus de
80% en décembre 2006; plus de 500 centres régionaux et
concessionnaires autorisés s'occupent de la distribution du service
à travers le pays alors qu'auparavant on en recensait seulement 85.
Les transformations opérées dans le secteur
à la fin de l'année 2006 sont ressenties également
à travers les tarifs pratiqués. De façon globale les
tarifs sont revus à la baisse : le prix d'une minute de communication
diminue de 50%, le coût d'acquisition d'un terminal diminue de
près de 80%. Ce sont là deux facteurs qui expliquent
l'augmentation du volume de minutes consommées par les abonnés et
la croissance du nombre d'abonnés dans ce secteur où on
enregistre une nette progression du taux de pénétration qui passe
de 7.55% en avril 2006 à 25.40% en décembre de la même
année (fig3.2). Ces indicateurs révèlent
une nette augmentation du rythme d'utilisation du service à partir de
mai 2006.
NB : le volume de minutes
consommées est une variable qui permet d'appréhender le rythme
d'utilisation du service comme indicateur du degré
d'accessibilité. Toutefois, en dépit de nombreuses
démarches opérées aupr~s des acteurs concernés,
nous n'avions malheureusement pas pu accéder aux données qui nous
permettraient d'effectuer des analyses plus approfondies.
|
(fig3.2).
|
Source : enquête réalisée
auprès des opérateurs.
|
A la fin de l'année 2006, le marché du
téléphone cellulaire haïtien devient beaucoup plus dynamique
par rapport aux sept premières années de son évolution. On
est alors face à un secteur en pleine ébullition où pour
la première fois, les opérateurs se livrent une concurrence de
très forte intensité qui profite au consommateur haïtien. En
effet, entre mai et décembre 2006 le consommateur
bénéficie d'une baisse importante des tarifs pratiqués par
les opérateurs ; la multiplication des canaux de distribution des
services et l'expansion des réseaux des opérateurs à
travers tout le pays facilite l'accès au service de
téléphonie cellulaire notamment grâce à une plus
grande pénétration de ce service au sein de la population et une
meilleure couverture. En outre, la diversité de la gamme des produits et
services disponibles marque sans aucun doute un changement quant à la
manière de traiter le consommateur. Fort de toutes ces
considérations, nous disons donc que le marché de la
téléphonie cellulaire est devenu très
dynamique à partir de la période mai-décembre
2006. Il nous faut trouver à présent la ou les causes expliquant
ce dynamisme nouveau observé dans le secteur. Dans les lignes qui
suivent nous prendrons en compte trois principaux facteurs pouvant expliquer le
dynamisme constaté sur le marché de la téléphonie
cellulaire haïtien à partir de mai 2006.
·:. Le rôle joué par le
Conatel. L'OCDE43 a démontré dans son
étude « Cellular Mobile Pricing structures and
trends44 » qu'il existe une «forte corrélation
entre la croissance du marché et son ouverture », et que
« les marchés avec 3 ou plus opérateurs ont
significativement surpassé les marchés
43 OCDE, Organisation pour la Coopération et le
Développement Économique 44
http://www.oecd.org
en monopole ou duopole ». Considérant
cette assertion, le rôle joué par le Conatel peut être
apprécié à deux niveaux. Premièrement, en octroyant
une licence à une nouvelle compagnie le régulateur favorise une
augmentation de l'offre de ce service. De plus, le fait d'attribuer au nouvel
opérateur une licence qui conditionne son entrée sur le
marché à l'utilisation du GSM, une technologie exploitée
parallèlement par la COMCEL, garantie éventuellement entre eux
une concurrence plus intense qui se fera surtout au niveau des prix et de la
qualité du service. Toutefois, le Conatel ne peut à lui seul
garantir ce dynamisme si le nouvel opérateur ne dispose pas de moyen
financier adéquat pour faire face à la concurrence dans le
secteur. Le cas de Ti-telefon 2004 illustre parfaitement cette limitation.
· L'entrée de Digicel et son Moyen
financier. En mai 2006 Digicel entre sur un marché
cloisonné que se partagent la Comcel et la Haitel. Grâce à
son important moyen financier et l'expérience acquise dans les
télécommunications en tant que firme multinationale, la Digicel
implante en Haïti un important réseau capable d'offrir un service
de qualité sur tout le territoire. Cependant, cet important moyen
financier ne peut non plus expliquer à lui seul le dynamisme
constaté dans le secteur avec l'entrée de la Digicel. En effet,
si ce nouvel opérateur décidait de partager le marché avec
ses prédécesseurs, la configuration de ce secteur n'aurait pas
évolué, on aurait cette fois ci un marché cloisonné
avec trois opérateurs. Le fait est que la Digicel dès le
début veut être le leader du secteur et pour atteindre cet
objectif, elle adopte des stratégies concurrentielles très
agressives qui auront un impact sur le dynamisme du secteur. Son comportement
apparaît donc comme un facteur pertinent à considérer, la
question maintenant est de savoir si ce comportement est le facteur
déterminant de ce dynamisme.
· La stratégie concurrentielle de
Digicel. Digicel arrive comme un troisième concurrent
sur un marché jusque-là partagé entre deux
opérateurs qui ont toujours opéré à partir de
technologies différentes. Cette segmentation du marché fut
à l'origine d'un duopole stable qui se traduit par le verrouillage du
consommateur, des politiques de tarifications similaires, etc. Cette situation
qualifiée d'entente tacite rend de toute évidence très
difficile l'accès au secteur.
Dans ces conditions, Digicel comme nouvel entrant doit
afficher une forte détermination tout d'abord pour
pénétrer le secteur mais surtout pour prendre des parts de
marché qui lui garantissent des profits futurs. D'autant plus que
l'exploitation d'une technologie GSM sur la bande de fréquence 1800 MHZ
avec ses contraintes techniques et financières oblige la Digicel
à chercher une clientèle très dense pour rentabiliser son
investissement. Donc, dès le départ, elle s'est retrouvée
face à un ensemble de défis économiques et structurels qui
ne lui laissent pas d'autres choix que l'adoption de stratégies
concurrentielles très agressives qui demandent une grande
capacité de financement.
B.2. Quelle stratégie la Digicel a-t-elle
utilisé pour accaparer ce marché ?
Suite à l'obtention de sa licence GSM en
Février 2006 et avant même qu'elle soit effectivement
opérationnelle sur le marché, la filiale haïtienne de la
Unigestion Holding S.A. (Digicel) se lance dans des investissements massifs
dans des équipements modernes, elle met en oeuvre une politique
commerciale très agressive et adopte une stratégie de
proximité vis-à-vis de ses consommateurs.
· Investissements massifs dans des équipements
modernes.
Digicel est contraint techniquement d'utiliser plus
d'antennes que ses concurrents pour atteindre son objectif de couverture
nationale, elle se voit imposer un maillage du réseau plus serré.
De ce fait, le déploiement de son réseau nécessite des
investissements plus élevés que ses prédécesseurs.
Cette stratégie d'investissement lui confère en retour un
avantage comparatif sur la couverture du territoire car elle est la seule
à placer des antennes, de l'île de la tortue à l'île
à vache, ce qui lui garantit une distribution absolue de ses services
dans tout le pays. Il faut remarquer aussi que bon nombre d'antennes
placées surtout sur les toits de certains immeubles de la capitale et
dans les grandes villes de province sont des antennes mobiles qui couvrent la
zone et qui sont de loin moins coûteuses que celles de Comcel et de
Haitel. Par ailleurs, mise à part l'avantage comparatif recherché
par la Digicel grâce aux investissements dans le capital physique, elle a
beaucoup investi dans la formation de ses employés pour acquérir
aussi l'avantage compétitif en vue d'avoir de meilleurs résultats
en un temps record, à moindre coût et obtenir une efficience de la
production.
· Politique commerciale agressive entreprise par la
Digicel.
Avec Digicel, la concurrence sur le marché du
cellulaire a pris une tournure très différente par rapport
à ce qui se faisait avec Comcel et Haitel en situation de duopole. La
compagnie Digicel se montre très agressive et donne à la
concurrence un air de polémique. Dans les faits, cette
agressivité se retrouve dans les déclarations des responsables de
Digicel et se traduit par une campagne publicitaire spectaculaire et un
imposant réseau de distribution.
Dans ses premières déclarations, Mme
Gebara de la Digicel soutient que les deux premiers opérateurs ont
toujours exploité l'utilisateur haïtien à partir de leur
politique de tarification notamment par les charges retenues sur les appels
entrants. Elle avance et assure que contrairement à ses concurrents, la
Digicel veut respecter le client haïtien en offrant des services de
qualité et à moindre coût.
Digicel a attaqué de façon directe la Comcel
à travers une campagne de troc qui consiste à fournir
gratuitement un cellulaire de marque Motorola C110 ou Nokia C9 activé
sur le réseau Digicel à tout client de Comcel possédant un
téléphone cellulaire en état de fonctionnement qui
décide de passer sur le nouveau réseau de Digicel ; ainsi plus de
3000 clients de Comcel ont rejoint le réseau de Digicel en
quelques semaines. Elle a réitéré cette
stratégie en attaquant la Haitel. En effet, elle offrait un Konka R716,
d'une valeur de 3000 gourdes contre tout téléphone CDMA. Cette
pratique fut interdite un peu plus tard par l'organe
régulateur45, elle traduit néanmoins le niveau
d'agressivité de la Digicel qui veut à tout prix rafler des parts
de marché à ses concurrents.
Par ailleurs, elle a signé des contrats de partenariat
avec plus de 300 concessionnaires autorisés repartis sur tout le
territoire qui activent, vendent et réparent eux-mêmes des
cellulaires sur le réseau Digicel. A noter que, grâce à ce
partenariat elle bénéficie gratuitement des divers locaux qui
sont les propriétés de ces concessionnaires, ce qui lui permet de
vendre ses services sur le territoire national à moindre coût. De
plus, près de 10.000 points de vente des cartes de recharges Digicel
appelées encore cartes Flex sont recensés à travers tout
le pays. Ces partenariats mettent en évidence une très grande
présence de cet opérateur à l'échelle nationale.
· Stratégie de proximité
vis-à-vis des consommateurs.
La Digicel impose tout aussi bien une vision
révolutionnaire dans la manière de servir le client, avec son
slogan « Exigez plus, Obtenez plus » elle se veut être aux
services de ses abonnés. Pour jouer pleinement son rôle, elle
introduit deux grandes innovations : tout d'abord elle institue sur son
réseau le service à la clientèle répondant 24/24h
aux soucis de ses abonnés ; ensuite elle apporte le service vers le
consommateur là où il se trouve. Pour cela, elle assure une
couverture nationale du service en ouvrant de nombreux centres régionaux
qui gèrent les activités de l'entreprise sous l'égide de
la maison mère, parallèlement elle emploie des centaines de
jeunes pour démarcher leur produit chez le client. Cette
stratégie de proximité vis-à-vis du consommateur
employée par la Digicel soumet l'entreprise aux desiderata de celui qui
commande, le client.
L'agressivité dont cette firme fait montre dans le
secteur vise, selon les affirmations de Mne Gebara46, à
capter une forte part de marché et faire de cette compagnie le leader du
secteur en peu de temps comme cela s'est produit partout dans les caraïbes
notamment en Jamaïque où Digicel détient plus de 60% des
parts de marché. Il faut souligner que la compagnie achète les
principaux intrants utilisés dans ses champs d'activités
(terminaux, équipements, etc.) pour un marché qui regroupe 23
pays des Caraïbes et de l'Amérique central. Cela lui confère
une force de négociation vis-à-vis des fournisseurs, de ce fait
elle bénéficie d'un avantage de coût par rapport à
ses concurrents en ce qui a trait à l'accès aux matières
premières utilisées pour fournir son service.
Parallèlement elle bénéficie d'économies
d'échelle qui allègent les coûts supportés pour ses
opérations et lui permettent d'échelonner sur une longue
période
45 Le nouvelliste # 37380 « cellulaire: bataille
sans pitié»
46 Invité au Magazine économique de
radio Métropole, Edition du 6 Mai 2007, présentateur Kesner
Pharel
ses charges et la capacité de
récupération des investissements nécessaires pour
s'imposer sur le marché haïtien. Elle évolue donc selon une
configuration bien différente par rapport à la Comcel ou la
Haitel qui opèrent exclusivement en Haïti. De plus, sur l'ensemble
des marchés où elle est opérationnelle, la Digicel dispose
d'une très large gamme de produits et services connexes pour repartir
ses coûts.
Donc, parce qu'elle évolue sur le grand marché
Caribéen, Digicel bénéficie d'économies
d'échelle et supporte de ce fait un coût marginal plus faible que
ses concurrents, ce qui lui permettra de faire encore des profits alors que ces
derniers se seront épuisés dans le conflit. Et grâce
à cette situation de coût faible, la compagnie bien plus que ses
concurrents est plus flexible face à des hausses des coûts des
facteurs de production ; elle se défend plus efficacement face aux
produits de remplacement et accepte avec moins de peine les réductions
des tarifs exigés par le marché. Pour se positionner dans le
secteur Digicel adopte alors la stratégie de domination par
les coûts axée sur une stratégie de
volume.
Pour prouver que la stratégie de domination par
les coûts adoptée par la Digicel est le facteur
déterminant du nouveau dynamisme enregistré sur le marché
du cellulaire en 2006, il importe d'analyser l'impact de cette stratégie
sur l'évolution du dynamisme de ce marché.
B.3. Impact de la stratégie de domination au niveau
des coûts de la Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire haïtien en 2006.
Notre analyse portera en premier lieu sur l'impact de la
stratégie concurrentielle de Digicel sur les dimensions retenues pour
cerner le concept de « dynamisme ». Ensuite, nous montrerons dans
quelle mesure cette stratégie redynamise le secteur ainsi que son impact
économique. Pour finir, nous résumerons la situation du secteur
pendant cette période à partir d'une analyse des relations de
causalité entre la structure du marché, le comportement des
firmes et la performance observée. Et pour mieux saisir
l'évolution du secteur sur cette période, la théorie des
jeux nous permettra encore une fois de mieux comprendre les enjeux auxquels
faisaient face les firmes concurrentes.
·:. Impact de la stratégie de la Digicel sur le
degré d'accessibilité du secteur.
Nous allons dans un premier temps analyser la concurrence en
prix que se sont livrés les opérateurs haïtiens, nous nous
intéresserons particulièrement aux subventions d'accès qui
se sont généralisées à partir de 2006 et les
surenchères qui en découlent. Ensuite nous aurons à
démontrer comment l'entrée de Digicel influence les canaux de
distribution et le taux d'utilisation du téléphone cellulaire et
son impact sur les taux de pénétration et de couverture de ce
service.
Digicel, qui obtient une licence GSM 1800, n'a pas d'autre
choix que de viser le grand public. Pour rentabiliser son réseau, la
compagnie va adopter une stratégie de domination par les coûts qui
est en fait une stratégie de volume où il lui faut beaucoup
d'abonnés, qu'il doit aller chercher dans les zones urbaines et rurales.
La réussite de cette stratégie de volume doit passer par la
pratique de tarifs plus faibles que ses concurrents. Ainsi, dès son
lancement et tout au cours des premiers mois de son fonctionnement, Digicel
propose des forfaits à des prix inférieurs aux offres de ses deux
principaux concurrents : les coûts supportés par un nouveau client
de Digicel sont de loin inférieurs aux coûts d'acquisition d'un
contrat chez un autre opérateur.
Les subventions d'accès.
A partir de mai 2006, la Digicel pour rendre effective sa
stratégie de volume, lance une nouvelle formule pour attirer les clients
: Les subventions d'accès, mais elle est immédiatement
suivie par les deux autres opérateurs qui vont développer cette
nouvelle politique. Ils vont choisir de subventionner l'accès, en
commercialisant le terminal à un prix inférieur à son
coût véritable, la différence étant supportée
par l'opérateur. Concrètement, le client se voit proposer par les
opérateurs des coffrets (packs) qui comprennent le terminal
(Ericsson, Nokia ou Alcatel, ...) et l'accès à une gamme de
forfaits. Pour le client, les coffrets représentent une baisse
substantielle du prix d'accès à la téléphonie
mobile. Avant l'entrée de la Digicel sur ce marché, les premiers
prix pour un terminal activé tournaient autour de $100 US minimum (soit
environ 4000 gourdes). En juin 2006, on voit apparaître des offres en
dessous de 1500 gourdes. La baisse se poursuit dans les mois suivants, avec des
coffrets à moins de 1000 gourdes, puis à moins de 900 gourdes.
Les opérateurs vont d'ailleurs multiplier les promotions et primes de
bienvenue, en offrant au nouvel abonné les frais de mise en service
(activation gratuite) et parfois une carte de 50 gourdes, etc. On assiste
à une surenchère entre opérateurs, en complète
déconnexion avec les coûts. De fait, les opérateurs
estiment à cette époque que l'acquisition d'un nouvel
abonné représente approximativement un coût de 3500
gourdes. Pour 30%, il s'agirait de coûts de distribution
(rémunération des distributeurs sur les coffrets vendus), le
terminal lui-même représente à peu près 50 % de ce
coût, le reste correspondant aux coûts d'ouverture du compte de
l'abonné, ainsi que les frais divers (marketing, promotion). Dès
lors que les opérateurs réclament aux nouveaux abonnés
moins de 1000 gourdes pour le terminal et l'ouverture de la ligne, le
déficit d'accès dépasserait 4000 gourdes par
abonné47.
47 Wadnerson Boileau, la configuration du
marché de la téléphonie mobile en Haïti, journal le
matin du 22 décembre 2006.
Surenchères et
équilibres.
Les surenchères sur l'accès fragilisent
indéniablement les comptes des opérateurs. Il est certain que ces
subventions affectent les profits des entreprises qui mettent alors plus de
temps à rentabiliser leurs investissements. Dans ces conditions, comment
peut-on alors expliquer l'acharnement des opérateurs à maintenir
ces subventions d'accès ?
On peut montrer assez facilement que cette politique de
subvention est parfaitement rationnelle dans le contexte du GSM. En effet, il
faut se rappeler que les subventions d'accès se sont intensifiées
dès lors que les services des opérateurs sont devenus de moins en
moins différenciés. Or en présence de services assez
homogènes, les clients deviennent de plus en plus sensibles aux prix et
les opérateurs se retrouvent dans la situation de concurrence à
la Bertrand. Si Voila propose l'accès à un prix supérieur
à Digicel, il aura des difficultés à attirer de nouveaux
abonnés et verra ses parts de marché se réduire. Cette
stratégie n'est donc jamais profitable : il vaut mieux s'aligner sur les
prix d'accès de son concurrent, que d'apparaître comme le plus
cher. Un opérateur peut même avoir intérêt à
annoncer des prix d'accès inférieurs à ceux de ses
concurrents (surenchère) si les revenus des abonnés
subtilisés à ses concurrents, compensent la perte de revenus sur
chaque nouvel abonné. Mais si une politique de prix agressive peut
être profitable pour un opérateur et accroître ses parts de
marché, elle conduit nécessairement les concurrents à
réagir, en annonçant à leur tour des baisses de prix. La
surenchère sur les prix d'accès, observée à partir
de 2006 s'inscrit donc dans cette logique.
Finalement, à partir du dernier trimestre de cette
même année, les prix d'accès vont se stabiliser à un
niveau très bas. Comment expliquer cette stabilisation des prix ? La
théorie des jeux fournit une réponse assez simple. La situation
sur le marché de l'accès correspond à un
équilibre de Nash, au sens où aucun opérateur n'a
intérêt à modifier ses prix d'accès
unilatéralement. Chacun sait qu'en relevant ses prix, il risque de voir
les nouveaux abonnés se tourner vers ses concurrents. Il sait aussi
qu'il n'a pas intérêt non plus à baisser ses prix, car il
va accroître son déficit d'accès et qui plus est, ses
concurrents risquent de s'aligner, l'empêchant d'en tirer un quelconque
avantage.
Le seul moyen de sortir de cet équilibre « bas
» consisterait pour les opérateurs à s'entendre sur une
hausse de prix conjointe. Pratique strictement interdite dans le droit de la
concurrence. Ces subventions d'accès fragilisent d'autant plus les
comptes des opérateurs qu'elles interviennent dans un contexte de
concurrence et d'information asymétrique. D'une part, les clients,
bénéficiant de ces subventions, ont la possibilité, dans
un cadre concurrentiel, de résilier leur abonnement pour se tourner vers
un autre opérateur. D'autre part, les opérateurs s'exposent
à un risque moral de surconsommation de terminal.
En subventionnant l'acquisition du téléphone,
Digicel apporte une innovation majeure dans le secteur. Par cette
stratégie, Digicel favorise très largement l'accès
à ce service car elle permet non seulement d'accéder à son
réseau à moindre coût mais aussi cette politique pousse les
autres opérateurs à en faire de même de façon
à ne pas perdre leurs abonnés et à attirer de nouveaux
clients. Ainsi, en trois mois d'opérationnalité sur le
marché, Digicel comptait déjà plus de 450,000
abonnés sur son réseau ; la Comcel accuse entre temps un taux de
croissance du nombre d'abonnés de près de 22% contre 13% pour la
Haitel, en passant respectivement de 425,000 à 520,000 et de 250,000
à 282,500 clients48.
En instaurant un réseau qui couvre tout le territoire,
la Digicel facilite également l'accès au service qu'elle apporte
vers le consommateur. Cette stratégie de proximité fait de la
Digicel, dans les premiers moments, le seul opérateur présent
dans beaucoup de régions et par conséquent fait augmenter son
pouvoir de marché. Face à cette situation, Comcel et Haitel
réagissent d'abord en agrandissant leur réseau et en multipliant
leurs canaux de distribution. Ainsi, vers la fin de l'année 2006
près de 80% du territoire nationale ont accès au cellulaire.
Le taux de couverture du territoire national en
décembre 2006 et la baisse du coût d'acquisition d'un
téléphone reflètent l'apport de la stratégie
concurrentielle de Digicel dans ce secteur. Ces deux indicateurs
révèlent une forte potentialité du secteur à
faciliter l'utilisation du service, toutefois un autre indicateur important
à prendre en compte pour étudier le rythme d'utilisation du
téléphone cellulaire est le coût d'utilisation. Celui-ci
est vérifié à partir des stratégies de tarification
des firmes en place. La Digicel en mai a instauré une politique de
tarification qui va influencer considérablement le comportement des
autres firmes et des abonnés. Tout d'abord, en éliminant les
tarifs sur les appels entrants Digicel porte ses concurrents à faire de
même. Ceci constitue pour la clientèle une incitation majeure
à communiquer d'avantage. Digicel propose une facturation à la
seconde, la réduction des tarifs de communication en week-end sur son
réseau, la baisse des prix des cartes de recharge prépayés
jusqu'à 50 gourdes, etc. Comcel et Haitel réagissent et annoncent
à leur tour des tarifs réduits qui varient selon le plan de
tarification choisi. Un client de la Haitel peut payer jusqu'à 2,50 gdes
la minute, alors que Comcel annule les tarifs sur les appels entrants/sortants
sur son réseau de minuit à 6 heures du matin. Si ces
stratégies visaient à attirer de nouveaux clients, elles ont
surtout facilité la communication entre les abonnés, ce qui
augmente inévitablement le rythme d'utilisation du service.
Avec Digicel, la concurrence dans le secteur de la
téléphonie cellulaire s'est intensifiée. En
appliquant sa stratégie de volume, Digicel occasionne une baisse
généralisée de tarifs, une meilleure couverture
du territoire, une extension des canaux de distribution et une hausse du
taux d'utilisation du service. La
48 Rencontre rélisée avec les
responsables de la Haitel et de la Comcel.
stratégie de domination au niveau des coûts
adoptée par la Digicel a donc rendu plus accessible le marché de
la téléphonie cellulaire aux consommateurs.
· :. Impact de la stratégie concurrentielle de la
Digicel sur la nature des choix disponibles. La nature des choix disponibles
met en évidence les caractéristiques des produits et services
offerts, elle peut être expliquée par la qualité et la
diversification des produits et services. La stratégie de
domination au niveau des coûts adoptée par la Digicel est une
stratégie de volume qui vise à faire de cet opérateur le
leader en nombre d'abonnés. En dépit des contraintes
technologiques auxquelles il faisait face, cet opérateur a pu
développer un réseau très dense qui couvre 90% du
territoire moyennant de lourds investissements auxquels il a consenti. Par
ailleurs, Comcel et Haitel faute de moyens financiers ne sont pas en mesure de
mener une stratégie de volume de même ampleur que la Digicel.
Parallèlement aux efforts consentis pour augmenter leur nombre
d'abonnés, elles ont accentué leurs stratégies sur
l'amélioration de la qualité du service. Ainsi, à la fin
de l'année 2006 on observe bien des différences entre le
réseau de ces deux firmes et celui de la Digicel au niveau de la
densité et de la qualité des communications dans certaines zones.
En effet, l'engouement des gens pour les portables de Digicel a eu pour
conséquence immédiate la saturation du réseau de la
compagnie, elle offre alors un service de bien moindre qualité par
rapport aux services de la Haitel et de la Comcel. De son côté,
Haitel, jusqu'en octobre 2006, offre une qualité inférieure en
Province, en termes de couverture, mais compte tenu de la densité de son
réseau, son service est d'une très bonne qualité en
région métropolitaine, en comparaison avec les deux autres
opérateurs.
Digicel arrive sur le marché avec de nouveaux produits
et services qui attirent énormément de clients et même ceux
déjà abonnés aux réseaux de la Haitel et de la
Comcel. Toutefois, ces dernières mettront quelques mois à
moderniser leur réseau et à la fin de l'année il n'existe
pratiquement pas de différenciation dans les services
proposés par les opérateurs. Ces derniers offrent les mêmes
services (SMS, facture détaillée, roaming international).
· Digicel a modifié le marché de la
téléphonie cellulaire Haïtien en 2006.
Ces modifications affectent la structure, le comportement et la
performance du marché :
o Digicel a modifié la structure du marché tant au
niveau de l'offre que de la demande.
Jusqu'en avril 2006, le marché de la
téléphonie cellulaire a absorbé un peu plus d'un demi
million d'abonnés. En décembre 2006, 8 mois après son
entrée dans le secteur, Digicel à elle seule offrait ce service
à plus d'un million d'abonnés. La riposte de ses concurrents a
été immédiate, ces derniers élargissent la
capacité de leur réseau, et à la fin de cette année
le secteur a plus que triplé sa capacité à offrir ce
service en passant de 675,000 abonnées à 2,320.000
abonnées.
La stratégie de domination au niveau des coûts
mise en oeuvre par la Digicel donne un nouvel élan à un
marché accessible jusque-là à une faible partie de la
population. La stratégie d'ouverture pratiquée par cet
opérateur révèle l'existence d'une forte demande non
satisfaite. En effet, en établissant son réseau sur tout le
territoire et en offrant son service à bas prix, Digicel a
créé une nouvelle catégorie de demande. Celle-ci se situe
dans les zones les plus reculées et est constituée en particulier
de gens à faible revenu, de jeunes résidant en ville ou en
campagne. Cette stratégie a porté ses fruits car en moins de
trois mois l'opérateur annonce un surplus de demande de terminal qui
excède très largement les prévisions faites pour le
marché haïtien. En ce laps de temps, près de 300.000
téléphones sont retirés
M arché de la té lé p
chez les nombreux concessionnaires. En décembre 2006,
l'opérateur occupe déjà la place de leader du secteur avec
près de 59% des parts de marché (avec 1,410,000 clients pour 2,
320,000 abonnés sur le marché). Fig.3.3. Une
telle performance individuelle va inciter les autres opérateurs à
revoir leur comportement
13% 2%
vis-à-vis du consommateur.
fig3.3
Source : RDDH, fevrier 2007
o Digicel a modifié le comportement des
opérateurs.
Avec Digicel, la nouvelle forme que prit la concurrence oblige
les autres opérateurs à s'ouvrir à la
population des zones urbaines mais aussi à celle des
zones rurales qui représentent les 60% de la population haïtienne;
la stratégie de segmentation du marché basée sur le
pouvoir d'achat des consommateurs pratiquée au cours de la
période du duopole Comcel-Haitel n'a plus lieu d'être, D igicel
démocratise l'accès au téléphone qui devient tout
simplement un accessoire de communication. Cette transformation au niveau du
comportement des opérateurs se traduit concrètement par une
meilleure performance globale du secteur.
o Digicel a modifié la performance du secteur.
Cette nouvelle dynamique que vit ce secteur se traduit plus
concrètement à travers une meilleure couverture du service au
niveau national, une meilleure qualité et un accès plus facile
à ce service et la mise à la disposition de la
clientèle d'une gamme plus diversifiée de produits et
d'options
d'abonnement que nous avons présenté
antérieurement. En effet, en Décembre 2006 les trois principaux
opérateurs affirment déjà parvenir à une couverture
presque complète du territoire. La démocratisation de
l'accès à ce service entraîne une forte croissance de la
demande et du même coup une tendance à la saturation des
réseaux des opérateurs qui doivent alors investir d'avantage.
· Impact économique de la stratégie
concurrentielle de la Digicel.
Le regain de vitalité que connaît ce secteur se
reflète aussi par ses apports à l'économie. Ceux-ci
peuvent être considérées non seulement sous un angle
microéconomique mais aussi macroéconomique. La concurrence
poussée par l'offensive de la Digicel porte ses concurrents à
réviser leurs stratégies qui prennent alors beaucoup plus en
compte l'intérêt du consommateur. La pratique des appels entrants
gratuits instaurée par la Digicel et qui est tout de suite reprise par
Comcel et Haitel a permis aux abonnés d'économiser après
quatre mois près de $70 millions US49. Cependant,
malgré la baisse généralisée des tarifs sur le
marché du cellulaire nous ne sommes pas en mesure d'apprécier
l'évolution du poids des télécommunications dans le panier
de consommation des ménages. De même, au niveau du système
productif, nous ne pouvons non plus estimer le poids des
télécommunications dans la consommation intermédiaire des
entreprises.
NB- Cette contrainte résulte de la non
disponibilité des grandeurs statistiques appropriées tels que :
le montant
mensuel moyen des dépenses d'un ménage en
services télécoms, le poids des télécommunications
dans la consommation intermédiaire des entreprises,
etc.
Sur le plan macroéconomique, les transformations sur le
marché de la téléphonie cellulaire, comme secteur
transversal de l'activité économique, ont eu un impact positif
sur la productivité du travail et donc sur la croissance globale. En
effet, la nouvelle concurrence, en entraînant une meilleure diffusion du
cellulaire en tant qu'outil de travail améliore de fait la
fluidité des échanges entre les agents. Cette concurrence permet
notamment de réduire les coûts de transaction (les agents
coordonnent mieux leurs activités, le recours à des «
médiateurs » n'est plus requis), d'améliorer la
qualité de l'information transmise et donc de réduire
l'incertitude et/ou les éventuelles asymétries d'information.
D'un autre coté, la modernisation des réseaux des
opérateurs entraîne la création de nouveaux emplois directs
et indirects dans l'économie. D'autre part, pour l'année 2006 ce
secteur a contribué à hauteur de 6.55% aux recettes totales de
l'Etat50.
49 M. Marcelin, directeur du Conatel dans la rubrique
Code 38 à canal bleu
50 Les recettes totales de l'Etat en 2006
étaient estimées à 20,110 milliards de gourdes. Source
MEF
Le nouveau dynamisme observé dans le secteur
résulte donc du changement de comportement opéré par les
principaux opérateurs de téléphonie cellulaire sur le
marché Haïtien. La stratégie concurrentielle du
nouvel opérateur est de toute évidence le fil conducteur qui aura
conduit à cette transformation du secteur en 2006. En effet, le
réel désir de conquête et d'hégémonie dont
fait montre la Digicel ne pouvait pas laisser indifférent Comcel et
Haitel qui jouissaient déjà d'une situation bien plus
confortable. Avec cette concurrence en 2006 on paierait dix fois moins
chère un téléphone par rapport au minimum
nécessaire pour ce même bien en 1999, soit au minimun 4000 gourdes
en 1999 contre 400 à 500 gourdes en 2006 . Pour mieux comprendre cette
nouvelle performance du secteur nous devons regarder la relation de
causalité qui existe désormais entre les variables structure,
comportement et performance mis en évidence dans le paradigme SCP.
B.4. Relation de causalité entre la structure, le
comportement et la performance du secteur. (Fig.3.4)
Avec l'entrée de la Digicel, la relation de
causalité du paradigme SCP n'est plus la même. Digicel a une
vision : Chaque haïtien doit posséder un
téléphone portable « Digicel »;
et arrive en Haïti pour accomplir sa mission : Etre le leader
du marché. Pour atteindre ces objectifs, Digicel va
adopter un comportement plus agressif que ses prédécesseurs et
élaborer des stratégies concurrentielles correspondant au but
qu'elle s'est fixée en s'appuyant sur l'expérience acquise sur le
marché caribéen et grâce surtout à ses moyens
financiers. Cette agressivité oblige les deux principaux concurrents
à réagir en révisant leurs stratégies pour rester
dans le secteur. La dynamique d'actions et réactions qui en
résulte apporte une baisse généralisée des tarifs,
une meilleure couverture de ce service à travers le pays, un choix plus
diversifié de services et de produits,également un fort taux de
pénétration du service en un temps record. Digicel sort grand
bénéficiaire de ce nouveau dynamisme en devenant en quelques mois
seulement le leader du secteur au détriment des autres opérateurs
et particulièrement de la Comcel. Étant donné que ces deux
firmes exploitent la même technologie, il en découle donc une
concurrence plus intense entre elles. Dans ces conditions, Comcel ne peut plus
continuer à afficher le même type de comportement vis-à-vis
de la Haitel, elles adoptent alors des stratégies concurrentielles
différentes. Donc, à partir de mai 2006 le marché du
cellulaire haïtien évolue dans une structure purement
oligopolistique.
La structure du marché influence également le
comportement des firmes, en effet, en autorisant la Digicel à exploiter
une technologie GSM parallèlement à la Comcel, le Conatel
provoque une concurrence plus intense dans le secteur. De plus, l'exploitation
de la technologie GSM1800 qui nécessite de plus lourds investissements
et l'obtention d'un grand nombre d'abonnés, obligent la Digicel à
engager une bataille pour la conquête de grandes parts de marché.
Cette configuration du
marché est à la base de la performance
spectaculaire observée dans le secteur à la fin de l'année
2006.
Fig3.4 Le modèle
Structure-Comportement-Performance.
|
Comportement
|
|
Performance
|
|
Structure
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
B.5 Simulation par la théorie des jeux des
intéractions stratégiques des opérateurs.
Lorsqu'elle entre sur le marché, la Digicel est
confrontée à deux choix : soit elle coopère avec ses
prédécesseurs (C), soit qu'elle adopte un comportement agressif,
non coopératif (NC) et fixe unilatéralement des tarifs
inférieurs aux tarifs qui y sont pratiqués jusque-là.
Comcel et Haitel pourraient ainsi réagir en fonction des choix
stratégiques de Digicel par la coopération (C) ou non (NC).
Cependant, vu que Digicel et Comcel exploitent toutes les deux une technologie
GSM, nous admettons qu'elles sont les premières à dévoiler
leurs stratégies. Etant donné que Haitel exploite une technologie
autre que le GSM, nous disons qu'elle dévoile sa stratégie la
dernière. Nous admettons aussi que les opérateurs peuvent deux
à deux choisir la coopération à travers un jeu
stratégique tel que Digicel choisisse sa stratégie, Comcel joue
en seconde position suivie de la Haitel. Dans la figure (F2) nous
présentons en fonction des choix stratégiques des joueurs les
gains retirés, le premier nombre du triplet étant les gains de
Digicel, le second ceux de Comcel et le troisième ceux de Haitel.
(Fig3.5).
Si Digicel dès le départ veut coopérer,
Comcel et Haitel peuvent accepter la coopération mais avec son statut de
dernier entrant, Digicel devrait se contenter de marges de profits
inférieurs. Comcel et Haitel, dans un autre cas de figure, peuvent ne
pas accepter et s'arranger pour que Digicel ne puisse pas obtenir de profit si
elle persiste à vouloir entrer dans le secteur. Ce sont là deux
situations non satisfaisantes pour Digicel. Mais pourquoi vouloir
coopérer et obtenir de maigres profits quand on a les moyens de rafler
une part de marché bien plus importante ? Un joueur rationnel choisit
toujours ses stratégies de façon à ce que ses gains soient
maxima, pour Digicel le meilleur choix est ici la non coopération. Elle
ne peut pas adopter un comportement coopératif et ceci principalement
pour trois raisons que nous résumons comme suit :
1- Elle entre en troisième position sur un marché
partagé entre Comcel et Haitel, elle doit donc lutter pour accaparer des
parts de marché satisfaisantes.
2- La technologie utilisée ne lui permet pas non plus
d'adopter un tel comportement.
3- L'histoire du joueur : c'est un opérateur qui a la
réputation de casser les monopoles partout où il passe, il
utilise toujours des stratégies de guerre.
De plus nous faisons l'hypothèse que si Digicel adopte
la stratégie (NC) elle aura toujours des gains supérieurs ou
égaux à ceux de ses concurrents parce qu'elle dispose de moyens
financiers plus significatifs et surtout grâce à
l'expérience acquise sur le marché international. Admettons que
tous les joueurs sont rationnels, nous pouvons alors déterminer
l'équilibre sur ce marché en utilisant la méthode
d'induction à rebours (Backward Induction) qui consiste à
parcourir l'arbre de jeu en partant des matrices de gains pour remonter au
noeud initial (Fig3.5).
Ainsi, en comparant les gains obtenus pour sa stratégie
(C) et ceux obtenus pour (NC) lorsque Comcel jouent (C) et Digicel joue (C),
Haitel préfère jouer (C). De même, lorsque Comcel choisit
(NC) et Digicel (C), Haitel opte pour (NC). Lorsque Comcel joue (C) et Digicel
choisit (NC), Haitel gagne plus en jouant (NC). Elle préfère
encore la stratégie (NC) quand Comcel et Digicel jouent (NC). Les choix
de Haitel étant arrêtés pour chaque situation du jeu,
Comcel opte pour la stratégie (C) si Digicel joue (C) et (NC) si Digicel
choisit (NC). Et Digicel est bien plus confortable en jouant la non
coopération (NC) si elle suppose que tous ses concurrents sont
rationnels. (Fig3.5)
Digicel
Fig3.5
(C) (NC)
(60 u, C, H) (130 u, C, H)
Comcel Comcel
(C) (NC) (C) (NC)
(60u, 110 u, H) (75 u, 95 u, H) (100 u, 80 u, H) (130 u, 120 u,
H)
Haitel Haitel Haitel Haitel
(NC) (C) (NC) (C) (NC) (C)
(C)
(NC)
(60 u, 110 u, 110 u) (60 u, 75 u, 95 u) (60 u, 95 u, 75 u) (60 u,
95 u, 95 u) (100 u, 80 u, 80 u) (100 u, 80 u, 100 u) (100 u, 100 u, 80 u)
(130 u, 120 u, 120 u)
Donc avec Digicel le marché atteint un équilibre
stable qui correspond à la définition de l'équilibre de
Nash. Le triplet (130u, 120u,
120u)51 traduisant cet équilibre représente
les gains des trois opérateurs lorsqu'ils jouent la stratégie
non coopérée.
51 A défaut d'informations relatives aux
profits des firmes, ces nombres qui sont des valeurs théoriques choisies
arbitrairement représentent leur niveau d'utilité. Avec U
(utilité) U 0
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Pour comprendre les modifications survenues dans le
marché de la téléphonie cellulaire en 2006, nous avons
présenté tout d'abord ce secteur de 1999 à 2006 et ensuite
analysé la concurrence observée en 2006. Pour atteindre cet
objectif nous avons subdivisé ce mémoire en trois parties :
+ Le premier chapitre, consacré à une revue de
littérature, présente la théorie des prix, le paradigme
SCP et la théorie des jeux pour vérifier nos hypothèses.
Toutefois, les limites de la théorie des prix nous permettent de retenir
le paradigme SCP et la théorie des jeux pour analyser la concurrence
dans le secteur et vérifier les hypothèses.
+ Le second chapitre est la présentation du
marché, nous avons porté notre étude sur deux
périodes : septembre 1999-avril 2006 et mai-décembre 2006
où nous analysons la situation de ce marché à chaque
période à partir du paradigme SCP. La présentation de ce
marché sur ces sous périodes affirme une meilleure performance du
secteur à partir de mai 2006.
+ Le dernier chapitre est la vérification de
l'hypothèse de départ, pour cela nous avons procédé
à une analyse comparative des deux périodes
précitées pour déterminer les facteurs explicatifs des
performances enregistrées.
En effet, s'il parait indéniable que l'adoption du
cellulaire à partir de 1999 a permis d'améliorer la configuration
du marché des télécommunications en Haïti de
façon générale, il n'en reste pas moins certain que
l'évolution de ce secteur ait affiché jusqu'en avril 2006 un
dynamisme pour le moins insatisfaisant. Nous avons mis en évidence des
lacunes observées sur ce marché en ce qui a trait à
l'offre, notamment au cours de la période 1999-avril 2006 qui
coïncide avec le duopole Comcel-Haitel. La structure de marché qui
caractérisait ce secteur au cours de cette sous-période
facilitait l'adoption d'une stratégie de différenciation qui a
incité Comcel et Haitel à adopter des comportements
collusifs. En mai 2006, Digicel entre sur le marché en
employant une stratégie de volume qui est en fait la stratégie de
domination au niveau des coûts qui vise à asseoir son leadership
dans le secteur. Cette stratégie influence grandement le comportement
des autres opérateurs qui, pour faire face à la menace que
représente D igicel, vont recourir à des stratégies plus
agressives, abandonnant leur comportement collusif. Ainsi, on entre
dans une structure de marché purement oligopolistique dans laquelle les
interactions stratégiques des opérateurs ont
entraîné des changements spectaculaires. L'entrée de ce
nouvel opérateur a influencé la compétitivité dans
ce marché, qui a été déterminant dans l'atteinte de
ce dynamisme. La stratégie concurrentielle mise en oeuvre par la Digicel
a eu des retombées positives sur les comportements des firmes
concurrentes. En effet, la nécessité de réagir face
à l'agressivité de
Digicel porte Comcel et Haitel dans un premier moment à
moderniser leur réseau et ensuite à adopter des stratégies
concurrentielles aussi agressives pour capter de nouvelles parts de
marché. Ce jeu d'interactions stratégiques entre ces
opérateurs explique la forte concurrence observée dans le
secteur. Cette nouvelle concurrence dans le marché de la
téléphonie cellulaire aboutit à une nette
amélioration du bien-être du consommateur. Par ailleurs, la
modernisation des réseaux des opérateurs, nécessaire pour
affronter la concurrence, a entraîné la création d'un grand
nombre d'emplois dans le secteur qui parallèlement, fut classé
comme le plus grand contribuable de l'assiette fiscale en 2006. Ces
considérations expliquent pourquoi les économistes ont
qualifié le marché de la téléphonie cellulaire
comme le plus dynamique de l'économie haïtienne en 2006.
L'entrée de Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire a certainement influencé le nouveau
dynamisme retrouvé dans ce secteur, mais c'est surtout le comportement
de cet opérateur à travers sa stratégie concurrentielle
qui a rendu ce marché très dynamique.
Toutefois, la nouvelle concurrence qui prévaut dans ce
marché a aussi révélé les faiblesses du Conatel qui
dispose d'un cadre légal non adapté à la
réalité du secteur. Les problèmes d'interconnexion et la
concurrence déloyale observés dans les premiers moments
d'opérationnalité de la Digicel traduisent l'inefficacité
de nos institutions étatiques. Pour remédier à cette
situation, cette étude propose certaines recommandations qui pourront
être prises en compte par les différents acteurs impliqués
dans la régulation de ce marché.
Les recommandations.
Si l'on droit admettre que le secteur de la
téléphonie de façon générale a
bénéficié de l'entrée de Digicel et qu'elle a
apporté un dynamisme nouveau sur le marché du cellulaire, il faut
cependant être méfiant quant à la capacité de ce
secteur à conserver ce dynamisme sur le long terme. En effet, nous
pouvons dire que c'est un dynamisme fragile en ce sens qu'il ne repose sur
aucune politique publique, sinon que la volonté des opérateurs.
Or le rôle de l'autorité de régulation est de favoriser un
développement du marché permettant aux consommateurs d'atteindre
un bien être maximum. Cela dit, il est nécessaire de poursuivre
une régulation dans un contexte où les mutations techniques sont
rapides et profondes. Pour cela, quels doivent être les choix
économiques et politiques pour un développement à court,
moyen et long terme, du secteur de la téléphonie cellulaire ?
Il est en effet essentiel d'élaborer un cadre
légal permettant à l'ensemble de l'économie de
bénéficier des innovations du secteur et des multiples
externalités qu'il génère. Cet enjeu est d'autant plus
crucial que ces externalités influent positivement sur la croissance,
la productivité et la compétitivité. Les
télécommunications représentent une
ressource primaire pour la croissance économique et la diffusion des
innovations demeure donc un enjeu non seulement sectoriel mais aussi
macroéconomique.
Il serait donc mieux que les responsables étatiques
mettent à la disposition du régulateur des lois permettant
d'encadrer ce dynamisme. Notre proposition porte sur l'actualisation du cadre
légal où l'élaboration de nouvelles lois se fera en
concertation avec l'État, les opérateurs de
téléphonie, les Universités et les différents
acteurs concernés par l'évolution du secteur (RDDH,
AHTIC52).
Le gouvernement Haïtien devra planifier des politiques
publiques en la matière qui visent à doter le pays
d'infrastructures modernes. Comme politique publique nous prévoyons la
construction, la maintenance et le fonctionnement d'un réseau de fibre
optique offrant une large variété de service fournis par des
opérateurs indépendants.
Le MTPTC et le Conatel dans le souci de maintenir ou de
stimuler la concurrence dans le secteur peuvent octroyer des licences
supplémentaires dans le mobile, libéraliser le fixe et encourager
la portabilité des numéros53. Toutefois cette
stratégie de court terme devrait être accompagnée d'une
politique d'incitation à l'investissement et à l'innovation,
indispensable à long terme.
La Teleco devrait développer une stratégie de
croissance pour devenir très compétitive dans ce marché.
En étant un opérateur de téléphonie fixe, elle doit
agrandir son réseau pour offrir un service de qualité standard
à une très forte demande. De plus, grâce à sa
licence GSM, elle devra l'exploiter efficacement en devenant un concurrent
sérieux pour les autres opérateurs, ce qui certainement va
favoriser la compétitivité dans le secteur. Par ailleurs, elle
devrait adopter une politique de convergence des réseaux et des services
de télécommunication. Cette convergence se traduit par le
lancement d'offres intégrées regroupant à la fois voix,
données et images, permettant l'utilisation conjointe de plusieurs
équipements (téléphone, ordinateur) sur les
différentes infrastructures (fixe, mobile, Internet). Une
stratégie originale pour la Teleco qui à elle seule offrirait
plusieurs services simultanément.
Vu l'enjeu stratégique que représentent les
télécommunications pour le développement
économique, il serait bénéfique à ce stade de
statuer d'avantage sur la manière de procéder pour encadrer
l'évolution du secteur. Mis à part le paradigme SCP comme cadre
d'analyse des secteurs, nous suggérions que les futurs
diplômés du CTPEA travaillent parallèlement sur
l'interaction entre les types d'environnements sectoriel et les
stratégies des opérateurs de télécommunication.
D'autre part, le paradigme SCP et la théorie des jeux peuvent être
utilisés pour effectuer des études similaires dans
52 RDDH : Réseau de Développement Durable en
Haïti
AHTIC : Association Haïtienne des Technologies de
l'Information et des Communications
53 Possibilité offerte à un
abonné de changer d'opérateur en gardant le même
numéro.
d'autres secteurs tels le secteur bancaire, le secteur des
compagnies d'assurance, les fournisseurs de services Internet, les maisons de
transfert de devises, etc.
Les limites.
Nous avons tenu aussi à exprimer les limites de cette
étude qui ne donne certainement pas toutes les réponses relatives
à la démarche à suivre pour l'élaboration d'un
nouveau cadre réglementaire pour le secteur. Il est certain que ce
travail aurait pu être approfondi en ce sens, mais face aux nombreuses
contraintes auxquelles nous étions confrontés, ces objectifs
n'ont pas été à notre portée.
Les limites de ce travail s'expliquent par le manque de
données mises à la disposition des chercheurs. En effet :
a) nous n'avons pas eu accès à une documentation
spécifique des entreprises.
b) De plus, il n'existe presque pas de modèles
d'études économiques réalisées dans ce secteur.
c) Les informations fournies relèvent strictement des
enquêtes menées auprès des cadres des institutions
concernées.
En dépit de ses limites, cette étude
apporte de nouvelles connaissances relatives au marché
des télécommunications, en particulier le secteur de la
téléphonie cellulaire :
a) Ce que ce travail nous apprend de plus par rapport
à ce qui a déjà été dit.
Ce mémoire de sortie révèle la
nécessité de réaliser des études économiques
dans le secteur des NTIC qui puissent expliquer non seulement son
évolution mais également son importance dans les
stratégies de développement économique.
b) Ce qu'on apprend de nouveau : révélations
nouvelles sur le secteur.
Par ailleurs, on apprend de nouvelles méthodes d'analyse
de la concurrence dans le marché haïtien comme le paradigme SCP ou
encore la théorie des jeux.
Les perspectives.
L'avenir du marché des télécommunications
en Haïti parait très prometteur. L'Etat haïtien annonce
déjà la couverture numérique du territoire qui passera par
la mise en place de dorsales en fibre optique et l'implantation de la
technologie Wimax. Par ailleurs, la Teleco détentrice d'une licence GSM
non exploitée et la seule à se lancer dans des investissements en
fibre optique sera un concurrent très redoutable sur le marché de
la téléphonie cellulaire. Ces perspectives dessinent pour les
prochaines années un marché plus compétitif et beaucoup
plus dynamique.
Références Bibliographiques : A.
Ouvrages.
1) Baumol, Blinder et Scarth, L'économique, principes et
politiques microéconomiques, Études vivantes, 1987.
2) Fred Doura, Économie d'HAÏTI : dépendance,
crises et développement tomes 1-2, les éditions DAM I, 2001.
3) Godefroy Dang Nguyen, Économie industrielle
appliquée, Vuibert, 1995.
4) Hal Varian, Introduction à la microéconomie,
4ème Édition, De Boeck University, 2003.
5) J.P Goulvestre, économie des télécoms,
1997.
6) Jean Étienne et René Révol, la
dissertation économique, édition Armand Colin 2002.
7) Jean Tirole, Industrial Organization, MIT Press, 2001.
8) Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, manuel de recherche en
sciences sociales, édition Dunod 1997.
9) Michael E. Porter, Choix stratégiques et concurrence,
Economica, 1982.
10) Michel Rainelli, la nouvelle théorie du commerce
international, édition la découverte 1997.
11) Paul R. Krugman et Maurice Obstfeld, économie
internationale, édition de Boeck université, série
prémisse 2001.
12) Pierre Cahuc, la nouvelle microéconomie,
édition La Découverte, séries Repères 1998.
13) PNU D, la situation économique et sociale
d'Haïti 2002-2003-2004.
B. Documents et Rapports.
1) A.Drumaux, stratégie et structure de marché,
microéconomie et gestion, ULB 2005.
2) Ababacar Mbengue, paradigme SCP, théorie
évolutionniste et management stratégique : débats anciens,
données anciennes et résultats nouveaux. A IMS 2005.
3) Alain Balasse, regard sur trente ans d'économie
industrielle, avril 2003.
4) Amlin Charles et Philippe Thadal, pour une régulation
efficace du marché des services téléphoniques en
Haïti, mémoire de sortie CTPEA, mars 2005.
5) Ayachi Fethi, stratégies des firmes multinationales,
déterminants des IDE et intégration Euro
Méditerranéenne, université de Tunis, 2005.
6) BEARINGPOINT, Stratégies d'entrées : les jeux
sont faits ! cas des secteurs des opérateurs télécoms et
d'électricité, première édition, février
2006.
7) Bureau politique industrielle, direction
générale du trésor et de la politique économique,
impact microéconomique et macroéconomique des
technologies de l'information et des communications, compte rendu de
la séance consacrée au marché des services de
télécommunications. MEFI France, décembre 2005.
8) C. Benavent, économie industrielle et
stratégie, université PAU, 2004.
9) C. Benavent, structure et dynamique de marché,
octobre 2001.
10) Cendrine Fons, les stratégies de défenses face
a l'introduction d'un produit nouveau : étude exploratoire,
université d'AIX-Marseille, juin 2004.
11) Conseil National des Télécommunications
(CONATEL).- Réflexions sur une proposition de Politique nationale de
Télécommunications, Port-au-Prince, septembre 1997.
12) David Cayla, la théorie de la concurrence
monopolistique : une perspective pour un approfondissement des théories
de la firme, université Paris1 Panthéon Sorbonne, septembre
2003.
13) David Flacher, Hugues Jennequin, Jean Hervé Lorenzy,
innovation et régulation dans le secteur des
télécommunications : enjeux et perspectives, novembre 2005.
14) Décret accordant à l'État Haïtien
le monopole des services de télécommunications, 1977.
15) Éric Jasmin, nouvelle économies et firmes
multinationales, les enjeux théoriques et analytiques : le paradigme
éclectique. CEIM, avril 2003.
16) Etienne Turpin, quelques enseignements de la théorie
des jeux pour les télécommunications, réseaux
nos 72-73 CENT- 1995.
17) Évolution de téléphonie mobile sous les
effets de régulations et les réformes dans la
télécommunication, ITU, 2003.
18) François Moreau, dynamiques industrielles et
stratégies concurrentielles 1-2; EPT 201, conservatoire des arts et
métiers 2002.
19) François Moreau, le paradigme
structure-comportement-performance : application au marché
Français du téléphone mobile, conservatoire nationales des
arts et métiers, 2004.
20) Gilles Le Blanc, firme et organisation de l'industrie :
structure de marché, stratégies d'entrées, édition
CERNA, paris 2006.
21) Jorge Uribe Maza, évolution technologiques et enjeux
de la régulation des télécommunications, groupe
d'économie mondiale, working paper juin 2007.
22) Le marché de la téléphonie mobile en
France, pour une situation de saine concurrence au bénéfice des
consommateurs, Bouygues Telecom, juin 2004.
23) Le processus d'autorisation dans le secteur des
télécommunications, septembre 2006.
24) Miloody Vincent et Jean Claude Chéry,
présentation synoptique sur la situation des TIC en Haïti, novembre
2004.
25) Modèle de détermination des tarifs
d'interconnexion, guide d'utilisation pour les régulateurs de
télécommunication, groupe banque mondiale 2003.
26) Patrick Rey, stratégies d'entreprise et concurrence,
séance 2 : concurrence oligopolistique, février-mars 2007.
27) Phil Evans, la concurrence : guide pratique à l'usage
des consommateurs, consumers international, mars2003.
28) Plan d'action pour le développement des technologies
de l'information en HAITI, document de support sommet HT2002, RDDH.
29) Sophia Hérisse, Stratégie de Marketing des
entreprises de télécommunication privé en Haïti :
Comcel, Haitel, Rectel., FSGA, Université Quisqueya, 2001.
30) Stratégie intérimaire pour la réduction
de la pauvreté (DSRP-1), République d'HAÏTI, septembre
2006.
31) Thierry Penard, la théorie des jeux
répétés : application à la concurrence
oligopolistique, ENST, Bretagne, département économie avril
1998.
32) Thierry Penard, structures de marché et pratiques
collusives : une approche par la théorie des jeux
répétés, CREREG université de Rennes 1.
33) Thiery Penard, comment analyser le succès de la
téléphonie mobile en France ? université de Rennes,
septembre 2001.
34) World development bank report 2006.
C. Entrevues et Articles tirés dans les Journaux
et Revues spécialisées.
1) Dan Schiller, le marché du téléphone
portable, le monde diplomatique, pages 1-22-23, février 2005.
2) DIDIER, Michel et LORENZI, Jean-Marie.- Le secteur des
télécommunications entre monopole et oligopole in
`Problèmes Économiques # 2.158 de juillet 2002'',
Paris.
3) Jean-Marc Siroen, la domination oligopolistique,
problèmes économiques NO 2.423,
4) Le Nouvelliste No37380, « cellulaire :
bataille sans pitié ».
5) Le Nouvelliste No37387, Digicel : « beaucoup
de surprises dans les mois qui arrivent ».
6) Le Nouvelliste, no37395, « nouvelles
tarifications : la Haitel se met au pas », 25 mai 2006.
7) Le Nouvelliste, no37396 « les signaux
émis dans le secteur des télécoms doivent être
corrigés », lundi 29 mai 2006.
8) Le Nouvelliste, la liste des plus grands contribuables, 26
décembre 2006.
9) Le réseau de développement durable en
Haïti (RDDH), Haïti a deux millions de lignes
téléphoniques, croissance vertigineuse, environnement
légal flou, 04 février 2007.
10) Manfred j. Holler, Nash, Harsanyi et Selten, prix Nobel
d'économie 1994 : une contribution fondamentale à la
théorie des jeux non coopératifs, problèmes
économiques No 2.422, pages 1-7, 3 mai 1995.
11) monde: le marché de la
téléphonie mobile, Benchmark group, 09 octobre 2006 ?
12) P.Thiberge, stratégie d'internationalisation,
publication du BTS, 10 mars 2006.
13) Pierre Sohlberg, alternatives économiques
no1 49, juin 1997.
14) S.E. Monsieur Frantz Verella, ministre des TPTC,
journée mondiale des télécommunications et de la
société de l'information, 17 mai 2007.
15) Stéphane Bruno, opération GSM : un
début des réformes dans les télécommunications en
HAITI, octobre 2004.
16) Wadnerson Boileau, la configuration du marché de la
téléphonie mobile en Haïti en 2006, journal Le matin, 22
décembre 2006.
17) Wadnerson Boileau, subventionnement des
téléphones portables, stratégies ou concurrence ? journal
le nouvelliste, 9 février 2007.
18) Wilson Décembre, le phénomène «
téléphone portable » à la lumière de la
philosophie du désir, journal le matin no32586, 14-16 juillet
2006.
D. La liste des sites utilisés pour le
mémoire de sortie.
www.conatel.gouv.ht,
www.digicelhaiti.com
www.google.fr
www.haitelonline.com
www.itu.int
www.lematinhaiti.com
www.lenouvelliste.com
www.nber.org
www.oecd.org
www.rddh.org.ht
www.telecom.gouv.fr
www.voila.ht
|