UNIVERSITE MOHAMMED V Faculté des Sciences
juridiques Economiques et Sociales Rabat-Agdal
LA LUTTE CONTRE
LE TRAFIC ILLICITE
DES BIENS CULTURELS
Préparé par : Hassan
ZAKRITI (Maîtrise en droit privé)
A l'initive du Professeur : Mr.A.Bennis
Année universitaire : 2005-2006
PLAN
INTRODUCTION
I.LE CADRE CONCEPTUEL
1.1. Les biens culturels
1.2. Le trafic illicite
II. Sources et fondement
III. LES INSTRUMENTS JURIDIQUES : Eléments
normatifs et de répression
3.1. Les Conventions
3.1.1. La Convention de I,Unesco de
1970
3.1.2. La Convention d,UNIDROIT de
1995
3.1.3. Complémentarité entre les deux
Conventions
3.2. Les Recommandations de I,Unesco 3.3.
Les législations nationales
IV.LES INSTRUMENTS INSTITUTIONNELS 4.1. Les
organes gouvernementaux
4.2. Les organismes
intergouvernementaux
4.2.1. Le Comité intergouvernemental de
I,Unesco
4.2.2. L,Interpol
4.2.3. L,Organisation Mondiale des
Douanes
4.3 Les ONG : le cas le
l,ICOM
V. LES INSTRUMENTS
D,INFORMATION
VI. LE CAS DU MAROC EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE
TRAFIC ILLICITE DE BIENS CULTURELS
6.1. La législation nationale
6.1.1. La loi 22-80
6.1.2. Le projet de loi 19-05 6.2. La mise en
oeuvre
6.2.1. Le contrôle des services
douaniers
6.2.2. Les accords bilatéraux : le cas
maroco-français
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Introduction
e trafic illicite de biens culturels s'accroît de jour
en jour et n'épargne aucune région du globe, L'ouverture des
frontières, la multiplication des conflits, la
pauvreté et la misère, l'essor du marché
de l'art sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi le trafic des biens
culturels - oeuvres d'art surtout - se situe en second place après de la
drogue.
Mais fort heureusement, le combat mené à
l'échelle internationale contre ce trafic s'intensifie également
et se diversifie. Au niveau du cadre normatif, l'adhésion des Etats aux
instruments internationaux dont l'objet est de garantir la protection du
patrimoine connaît une nette ascension. A ce jour, deux Conventions
régissent la lutte contre le trafic illicite des biens culturels : la
première - à portée universelle - est la Convention
concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher
m'importation, l'exportation et le transfert de propriété des
biens culturels (adoptée à Paris, le 14 novembre 1970). La
seconde, parallèlement à ce texte et de concert avec lui, est
la Convention d'UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement
exportés (adoptée à Rome, le 24 juin 1995) qui vient
combler opportunément le vide juridique laissé par la
première sur les questions de droit international privé.
Au niveau de la mise en oeuvre,
stimulée par ces deux Conventions la communauté internationale
connaît une mobilisation plus accentuée grâce à des
institutions qui agissent tant sur le plan international, régional que
national, à l'image d'organismes intergouvernementaux dont l'action -
aussi bien préventive - s'inscrit de plus en plus dans des
réseaux professionnels, et axée davantage sur l'information.
Mais l'effort qui mérite
d'être renforcé est la recherche d'adhésion à ces
deux Conventions et surtout l'intégration de leurs dispositions dans les
législations nationales.
Tant de questions et de problématique auxquelles sont
confrontés les pays et les acteurs de lutte contre le trafic illicite
des biens culturels, et que ce travail se propose de traiter sommairement
à travers un tour d'horizon des instruments normatifs qui ont trait
à la matière, des instruments institutionnels qui en assure la
mise oeuvre, et de certains outils d'information adéquats, pour aboutir
enfin à la présentation d'un cas de figure : celui de Maroc.
Avant de cerner la réalité du trafic
illicite des biens culturels et les cadres de référence dans
lesquels sa répression s'inscrit, il convient d'abord
d'appréhender les deux concepts autour desquels le
phénomène s'articule.
1.1.1 Les biens culturels :
La notion de bien culturel, comme celle de
propriété intellectuelle, ne se prête pas à une
définition fixe et définitive, et c'est en fait avec
l'intérêt croissant suscité à l'échelle
internationale depuis quelques décennies par l'anthropologie et
l'ethnographie, la manière dont nous comprenons l'expression, et dont
nous l'appréhendons, qu'elle s'est considérablement
élargie.
Dans le contexte du trafic illicite, la principale source qui
définit la notion des biens culturels est la convention de l'Unesco de
1970. Ainsi :
Sont considérés comme biens culturels les
biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignes par chaque
Etat comme étant d'importance pour l'archéologie, la
préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science, et
qui appartiennent aux catégories ci-après :
a) collections et spécimens rares de zoologie, de
botanique, de minéralogie et l'anatomie ; objets présentant un
intérêt paléontologique.
b) les biens concernant l'histoire, y compris l'histoire
des sciences et des techniques, l'histoire militaire et sociale ainsi que la
vie des dirigeant, penseurs, avants et artistes nationaux, et les
événements d'importance nationale.
c) Le produit des fouilles archéologiques
(régulières et clandestines) et des découvertes
archéologiques.
d) Les éléments provenant du
démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites
archéologiques.
e) Objet d'antiquité ayant plus de cent ans
d'âge, tels que inscriptions, monnaies et sceaux gravés.
f) Le matériel ethnologique.
g) Mes biens d'intérêt artistique tels que
:
i) tableaux, peintures et dessins faits entièrement
à la main sur tout support et en toutes matières (à
l'exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés
décorés à la main)
ii) productions originales de l'art statuaire et de la
sculpture en toutes matières ;
iii) gravure, estampes et lithographies originales.
iv) assemblages montages artistiques originaux, en toutes
matières.
h) manuscrits rares et incunables, livres, documents et
publications anciens d'intérêt spécial (historique,
artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en
collections.
i) Timbre-poste, timbre fiscaux et analogues, isolés
ou collections.
j) Archives, y compris les archives phonographiques,
photographiques et cinématiques.
k) Objet d'ameublement ayant plus de cent ans d'âge et
instruments de musique anciens.
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Ces désignations reprennent certains
éléments de définition des biens culturels telle qu' elle
figure dans l'article premier de la convention pour la protection des biens
culturels en cas de conflit armé (La Haye, 1954) :
Sont considérés comme biens culturels, quels
que soient leur origine ou leur propriétaire :
a. les biens, meubles ou immeubles, qui
présent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples,
tels que les monuments d'architecture, d'art ou d'histoire, religieux ou
laïques, les sites archéologiques, les ensembles de construction
qui, en tant que tels, présentent un intérêt historique,
les oeuvres d'art, les manuscrits, livres et autres objets
d'intérêt artistique, historique ou archéologique, ainsi
que les collections scientifiques et les collections importantes de livres,
d'archive ou de reproduction des biens définis ci-dessus.
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Cependant, les biens culturels vus sous l'angle du trafic
illicite désignent essentiellement les biens meubles, et accessoirement
des biens immeubles (cette catégorie est envisagée quant il
s'agit d'immeubles désignés par destination).
A la lumière de ces définitions, un bien
culturel est indissociablement lié à l'histoire et aux traditions
de la collectivité qui l'a créé, découvert ou
conservé à travers les âges. Il peut être le fruit
d'une création humaine comme il peut s'agir d'un vestige de la
nature.
Un bien culturel est aussi un témoin de son temps, il
s'agit en effet de signes visibles, par lesquels l'individu peut
reconnaître son appartenance à une collectivité et mieux en
comprendre l'histoire et le présent.
De ce fait, les éléments des biens culturels
sont souvent uniques (en ce sens qu'il ne sont pas partout les mêmes), en
nombre limité, mais surtout irremplaçables. Ce qui rend leur
trafic une opération assez délicate.
1.2 Le trafic illicite :
La notion de trafic illicite se décline sous
différentes formes : allant du commerce des biens marchands ordinaires
échappant à la légalité ( contrebande) au trafic
d'objets prohibés (armes, stupéfiants, etc...) et voire
même celui des êtres humains (réseau d'immigration
clandestine, Traite des blanches) . Le caractère illicite concerne
surtout la manière et non la nature des biens. Ainsi, les biens
culturels, de point de vue leur nature, sont voués à circuler
entre les sociétés, mais en raison de leur
spécificité leur circulation est vue sous un angle
différent : car la circulation des biens culturels est d'autant
nécessaire (pour la connaissance des peuples) qu'il est impératif
d'en contrôler le flux (à cause de l'appauvrissement culturels des
peuples qui en découle).
Le trafic illicite des biens culturels est défini selon
les termes de la Convention de l'UNESCO de 1970 qui régit cette
matière au niveau international comme étant : l'importation
et
le transfert de propriété des biens
culturels, effectués contrairement aux disposition prise par les Etats
parties en vertu de la présente Convention (art.3)
Ces termes font référence à des rapports
d'échange aussi bien inter-étatiques (importation, exportation)
qu'intra-étatique puisque le transfert de propriété peut
intéresser des personnes appartenant à un même pays, on a
tendance à considérer le trafic illicite des biens culturels dans
sa dimension internationale, mais la Convention des 1970 consacre ici un
concept plus fédérateur ; celui du transfert de la
propriété.
A un second niveau, on fait référence à
des actions contraires aux dispositions prises par les Etats parties à
la Convention de 1970. Le plus souvent, il s'agit du droit interne qui
régit cette matière. A défaut, les pays signataires de la
Convention se voient contraints de se référer aux termes de la
dite Convention. Lesquels termes laissent toujours penser que le trafic
illicite ne concerne que les Etats parties à la Convention 1970.
L'article 11 de la Convention de l'ENESCO de 1970 relatif au
trafic illicite précise également que : sont
considérés comme illicite l'exportation et le transfert de
propriété forcés de biens culturels résultant
directement ou indirectement de l'occupation d'un pays par une puissance
étrangère.
II. SOURCES ET FONDEMENT DU MOUVEMENT
Depuis de longs siècle, voire même des
millénaires, la mobilité des biens et des hommes obéissait
à la nature des sociétés humaines : le besoin d'explorer,
d'exploiter
de nouvelles terres et de nouvelle ressources, et de
communiquer et d'effectuer des échanges. Parmi les biens, figuraient
bien entendu des objets d'art, des reliques et des éléments du
savoir humain.
Avec la naissance du collectionnisme et l'émergence des
musées (anciennement connus sous l'appellation de Cabinets de
curiosité) et le développement de la recherche sur l'histoire de
l'art, sur les civilisations anciennes (archéologie), et sur les
sociétés nouvellement découvertes (ethnologies), un
marché de ces bines commençait à ce développer et
ses enjeux ne cessait de s'amplifier. Le pillage des tombes et les fouilles
clandestines était devenu monnaie courant. La notion d'illicite - dans
le sens juridique de terme - n'était pas encore connue.
C'est avec le développement du concept du patrimoine et
l'émergence des Etats Nations ainsi que son corollaire patrimoine
national qu'une prise de conscience du fléau s'est faite sentir, surtout
que le monde connaissait la chute de certains empires (ottoman, austro-
hongrois notamment) et l'apparition de conflits mondiaux (la
Première et la Seconde Guerre Mondiale). La naissance des organismes
internationaux et régionaux à la suite de la seconde Guerre
Mondiale fût une conséquence logique au besoin des nations de
coopérer pour maîtriser les effets de certains
phénomènes dont le trafic anarchique des biens culturels à
caractère patrimonial et surtout le commerce des objets d'art qui
devenait de plus en plus dominé par des réseaux clandestins, et
qui s'inscrit le plus souvent dans le crime organisé.
La dynamique internationale en matière de
coopération dans le domaine des biens culturels devait obéir
à un double souci sans que l'un exclue l'autre :
1. Dynamiser et amplifier l'échange de biens
culturels entre nations à des fins scientifiques, culturels et
éducatives pour approfondir la connaissance de la civilisation humaine,
et enrichir la vie culturels de tous les peuples et faire naître le
respect et l'estime mutuels entre les nations (Préambule,
Convention de 1970).
2. Prévenir toute forme d'échange
susceptible d'altérer l'identité culturelle des peuples (surtout
les pays économiquement inférieurs ou faible) car d'une part
l'importation, l'exportation et le transfert de propriété
illicite des biens culturels constituent l'une des causes principales de
l'appauvrissement des ressources culturelle et patrimoniales des pays d'origine
de ces biens (Convention de 1970, art.2) et que ceux ci entravent la
compréhension mutuelle des nations (Préambule, Convention de
1970) ; et d'autre part, parce que les biens culturels sont - par leur
nature - des éléments fondamentaux de la civilisation et de la
culture des peuples, et qu'ils ne prennent leur valeur réelle que si
leur origine, leur histoire et leur environnement sont connus avec la plus
grande précision (Préambule, convention
1970).
Ces deux critères constituent le bien fondé
d'une action internationale en matière de prévention et de lutte
contre les effets préjudiciables du phénomène. La
coopération internationale devenait un impératif incontournable.
Laquelle coopération allait se manifester à travers de nombreux
instruments conventionnels à l'image de :
· La charte Universelle des Droits de l'homme de
1948.
· L'Accord de Florence de 1950 (et son Protocole de
Nairobi,1976)
· La Convention de 1954 (La Haye) pour la protection
des biens culturels en cas de conflit armé (et ses deux Protocoles :
1954 et 1999).
· Le Pacte international des 1966 relatif aux Droits
économiques, sociaux et culturels.
Ces instruments conventionnels ne manquant pas de souligner
l'importance des échanges culturels ainsi que ses aspects occultes qui
constituent le revers de la médaille. Ils allaient former par la suite
une assise pour d'autres instruments bien précis qui essaient de
concrétiser cette dynamique ; à savoir : La
Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et
empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de
propriété illicite des biens culturels (1970) et la Convention
Unidroit (1955).
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