RESUME
Cette recherche demande aux pouvoirs publics de l'UMOA
d'examiner la titrisation comme un moyen de soutenir le financement des
entreprises, notamment comme une alternative crédible au financement
à moyen et long termes. La proposition a eu, au moyen d'une
enquête d'opinion et d'entretiens, un écho auprès de
plusieurs acteurs des différents métiers ou types d'organismes
bancaires et financiers concernés par ces opérations.
L'objet de l'étude est de mieux comprendre
· dans quelle mesure l'UMOA pourrait recourir
davantage à la titrisation bancaire pour renforcer le financement
à moyen et long termes dans la zone
· l'intérêt d'un tel marché
pour l'accès au financement à moyen et long terme des entreprises
de l'UMOA,
· ainsi que les conditions à réunir
pour que le marché de la titrisation puisse y voir le jour sur une
grande échelle.
Dans l'immédiat, les opérations de titrisation
n'ont aucune incidence directe sur les entreprises dont les crédits
feront partie des portefeuilles titrisés. Elles auront
néanmoins des conséquences sur les établissements
bancaires cédants, qui peuvent alors être conduits à
modifier leurs comportements de crédit aujourd'hui
caractérisés par le rationnement du crédit, notamment du
crédit à moyen et long terme. Plusieurs conséquences de la
titrisation sur les banques peuvent ainsi avoir des répercussions
positives pour leur clientèle :
- la titrisation oblige et amène les banques à
mieux connaître le risque des entreprises et son prix de
marché.
L'avantage pour les entreprises ne réside pas dans un
premier temps en une diminution des coûts du crédit mais en
un accès au crédit facilité, un accès plus
facile au financement à moyen et long termes, surtout pour les
entreprises présentant des profils de risque relativement
élevés, et dont des projets pourtant rentables peuvent
aujourd'hui être considérés par les banques comme offrant
une rémunération nette du risque trop faible.
- Les banques obtiennent d'une opération de titrisation
de nouvelles marges de manoeuvre. Les entreprises, les PME en
particulier, pourront alors bénéficier d'une plus grande
quantité de financements qui dépendra du couple
rentabilité/risque qu'elles représentent au moment de la
titrisation, en comparaison des emplois alternatifs.
- La titrisation se traduisant par un certain
transfert du risque aux investisseurs finaux, la cession des risques à
moyen et long termes libérera au sein du portefeuille des banques un
espace qui les encouragera à se «réapprovisionner» en
crédits à moyen et long terme. Les banques commerciales
ayant un contact quotidien et privilégié avec les entreprises,
la titrisation pourrait déboucher sur une articulation plus
efficiente entre les banques universelles, les banques de développement
ou d'investissement et les marchés financiers sous régionaux. La
titrisation fournira aux banques de développement de meilleurs supports
d'investissement que les crédits directs aux entreprises dont elles ne
suivent pas les comptes courants et n'en ont qu'une connaissance
superficielle.
Les avantages de la titrisation des crédits à
moyen et long terme aux entreprises peuvent en outre être
renforcés lorsque les opérations bénéficient d'un
soutien public, comme les politiques d'aide à la titrisation
engagées par les Etats -Unis d'Amérique, l'Allemagne, l'Espagne
et la Communauté européenne (via le FEI), la Tunisie, le Maroc,
l'Afrique du Sud etc.
L'UMOA se caractérise aujourd'hui par la grande
faiblesse voire la quasi-inexistence de son marché de la titrisation des
crédits bancaires. Le principal obstacle à l'émergence de
ce marché paraît résider dans l'inorganisation et la non
réglementation de cette technique financière et la faible
visibilité de la rentabilité potentielle de ces opérations
pour les établissements bancaires, en raison de l'insuffisante
connaissance et maîtrise des risques sur les entreprises.
Convaincre les autorités monétaires, Banque
Centrale et Commission Bancaire, et les banques commerciales de s'engager dans
des programmes de titrisation de leurs crédits à moyen et long
terme aux entreprises suppose ainsi au premier chef de renforcer la
rentabilité de ces opérations. Nous préconisons à
cette fin une politique publique conjuguant un avantage en termes de coût
de financement, et des interventions dans les parts de premières pertes
des opérations :
- les Etats de l'UMOA pourraient ainsi accorder leur
garantie sur les titres les mieux notés des opérations de
titrisation. Cette garantie pourrait à moyen terme être
associée à une plateforme de mutualisation des placements
des tranches senior ;
- parallèlement, la BCEAO pourrait soutenir le
mécanisme d'intervention en premières pertes en actualisant son
rôle de prêteur en dernier ressort avec l'avènement d'un
marché de la titrisation.
Ces politiques publiques assorties de réexamens
réguliers afin d'évaluer le succès des opérations
et les avantages qu'en tire l'économie, pourraient en outre être
soumises à des conditions de réinvestissement par les banques
dans des crédits aux PME.
Si ces recommandations sont sans doute les plus importantes,
d'autres orientations peuvent aussi être retenues, qui contribueraient
à faciliter l'émergence d'un véritable marché de la
titrisation des crédits à moyen et long terme dans l'espace
UEMOA :
- une collaboration intense pourrait et devrait
s'engager entre les agences de notation et les banques sous la houlette de la
Banque Centrale et de la Commission Bancaire, permettant à
celles-là de bénéficier de certaines informations. Plus
elles détiendront d'informations pertinentes sur les risques, moins en
effet les opérations de titrisation seront
pénalisées; Dans un premier temps il faut recourir
à l'expertise et à l'expérience des agences de notation de
renommée internationale afin de cerner précisément le
risque de crédit. Progressivement, il sera envisagé la mise en
place d'agences de notation régionales dont une partie du capital serait
réservée aux agences internationales.
- Les Associations Professionnelles de banques de l'UMOA, la
BCEAO, et la Commission Bancaire pourraient initier une vaste campagne pour
sensibiliser les plus hautes instances des établissements
bancaires à l'intérêt de s'engager dans ces
programmes et leur faire part des préconisations pour la mise en oeuvre
et la réussite du projet. L'encours des crédits à
l'économie est structuré comme suit :
- Structure des Crédits à l'économie
dans l'UMOA
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(Source: Rapport annuel 2006 Commission Bancaire, Tableau
n°8, Page 36)
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(En millions de F CFA)
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2005
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2006
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Crédits à court terme
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2 663 923
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61,45%
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2 926 107
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59,90%
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Crédits à moyen terme
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1 168 850
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26,96%
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1 384 058
|
28,33%
|
Crédits à long terme
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140 487
|
3,24%
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153 964
|
3,15%
|
Opérations de Crédit Bail
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32 292
|
0,74%
|
38 913
|
0,80%
|
Crédits en souffrance
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329 320
|
7,60%
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381 820
|
7,82%
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Total Crédits à l'économie
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4 334 872
|
100,00%
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4 884 862
|
100,00%
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Le gisement de crédits à moyen et long terme
permet déjà d'entamer le développement d'un vaste
marché de la titrisation des crédits à moyen et long
termes aux entreprises, qui faciliterait leur accès au
financement bancaire à moyen et long terme et renforcerait
l'attractivité de la place financière de l'UMOA.
Si les propositions ci-dessus pourraient exiger sans
doute des travaux techniques complémentaires pour pouvoir être
mises en oeuvre, j'ose espérer néanmoins avoir contribué
à faire progresser non seulement l'idée mais aussi la
possibilité que la titrisation des prêts à moyen et long
termes aboutisse concrètement, pour servir de leviers au Programme
Economique Régional et la Stratégie de Croissance et de
Réduction de la Pauvreté.
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