LES CHEMINS DE FER TOURISTIQUES
ENTRE
NOSTALGIE ET INNOVATION
(1957 - 2007)
Université Montesquieu Bordeaux IV Master 2 Sciences
Economiques Spécia/ité Recherche Histoire économiqu
LES CHEMINS DE FER TOURISTIQUES
ENTRE
NOSTALGIE ET INNOVATION
(1957 - 2007)
Mémoire présenté et soutenu par
: Jean-Jacques MARCHI
« I/ y avait une /ocomotive si bonne qu'e//e
s'arrêtait pour /aisser passer /es promeneurs. Un jour, une
automobi/e vint cahoter sur sa voie ferrée. Le chauffeur dit à
/'orei//e de sa monture : « Ne dresserons-nous pas Procès-verba/
? - C'est jeune, dit /a /ocomotive, et ça ne sait pas. » E//e
se borna à cracher un peu de vapeur dédaigneuse sur /e
sportsman essouff/é. »
Max Jacob
Remerciements
Un travail individuel comme ce mémoire fait appel
à de nombreux contributeurs. Aussi je tiens à remercier
personnellement les différentes personnes qui m'ont consacré leur
temps dans l'élaboration de cette étude :
-M. Bertrand BLANCHE TON, Professeur à
l'Université Montesquieu Bordeaux IV, mon Directeur de Recherche
-M. Christophe BOUNEAU, Professeur à
l'Université Michel de Montaigne Bordeaux III
-M. Patrice BENOI T, Etudiant à l'Université de
Michel de Montaigne Bordeaux III -M. David BLONDIN, APPEVA (Association Picarde
pour la Préservation et l'Entretien des Véhicules
Anciens)
-M. Claude BOUCHAUD, FACS-UNEC TO
(Fédération des Amis des Chemins de Fer Secondaires - Union des
Exploitants de Chemins de fer Touristiques et de musées) -M. le
DocteurJean BRENO T, ABAC (Association Bordelaise des Amis des Chemins de
fer)
-M. Jean-Michel GASC, Cabinet A. Dessein
-M. Yves OCQUIDEN T, CFG (Constructions Ferroviaires
Giragr)
-M. Jean-Michel PIERNE TZ, ACFHA (Association des Chemins de
Fer de la Haute -Auvergne)
-M. Jean-Louis VANAUD, Tramway du Cap-Ferret
-M. Jacques VIERNE, FACS-UNEC TO (Fédération
des Amis des Chemins de Fer Secondaires - Union des Exploitants de Chemins de
fer Touristiques et de musées)
Je remercie également les personnes, trop nombreuses
pour être citées ici, qui lors de mes divers entretiens m'ont
accordé quelques secondes ou quelques minutes, pour répondre
à mes interrogations ou me faire part de leurs remarques.
Sommaire
Une table des matières détaillée figure
en fin de ce mémoire.
Remerciements........................................................................................................
3
Sommaire................................................................................................................
4 Introduction générale - Les chemins de fer touristiques, une
énigme 7 .................... 6 Première partie - Sur
la voie d'une
définition.........................................................
10 Deuxième partie - Des histoires de
trains.............................................................. 16
Troisième partie - Le cadre de l'activité ferroviaire
................................................ 36 Quatrième
partie - Un tableau en
dynamique......................................................... 60
Cinquième partie - Typologie des chemins de fer
touristiques............................... 79 Sixième partie -
Au-delà des différences
............................................................... 99
Septième partie - Touristiques, nos chemins de fer
7........................................... 1 12 Huitième partie -
Ce que nos « petits trains » véhiculent
..................................... 119 Neuvième partie -
Professionnels, ou professionnalisation 7
................................ 125 Dixième partie - Poids et
emplois du secteur ...................................................... 140
Conclusion générale - Nostalgie et innovation en synergie
.................................. 145
Annexes..............................................................................................................
150
Sources...............................................................................................................
168 Tableaux, graphiques et
cartes............................................................................
174 Tabledes matières
..............................................................................................
176
Introduction générale
Les chemins de fer touristiques,
une énigme ?
Introduction générale - Les chemins de fer
touristiques, une énigme ?
A l'heure où les TGV sillonnent la France à 300
Km/h, symboles d'une modernité qui se veut triomphante, il peut sembler
étrange de consacrer un travail de recherche à des chemins de fer
touristiques qui semblent aller à contre-courant du « toujours plus
vite, toujours plus loin ». En effet, alors que les TGV rétractent
l'espace et le temps, les trains touristiques se plaisent à musarder
dans nos campagnes, se faisant un jeu de dilater l'espace comme de remonter
dans le temps.
Le choix d'un sujet de mémoire, notamment lorsqu'il
paraît exotique, est quelque part l'expression d'une sensibilité
personnelle. Ayant passé mes vingt premières années dans
une contrée à la fois montagneuse et rurale, j'ai longtemps
voyagé à bord de tortillards dans lesquels le passager se
laissait gagner par la sensation de la « grande vitesse » dès
les 80 Km/h. Je me rappelle ces périples où après avoir
emprunté un autorail cahotant sur des voies de l'ancien
Paris-Orléans, je changeais de train pour une automotrice
électrique qui, elle, arpentait une ligne de l'ex-Midi, à un
rythme guère plus pressé. Pourtant, passer du vacarme de la
traction diesel au ronronnement de la « fée
électricité » avait pour l'enfant que j'étais quelque
chose de rassurant et de magique.
Autre souvenir : la gare de correspondance, née du chemin
de fer un siècle plus tôt. Son buffet animé où je
dégustais, entre deux trains, chocolats chauds et croissants dans des
odeurs de café et de tabac. Cette « grande » gare est
quasi-déserte maintenant. Le buffet est fermé. Le trafic a
diminué, plombé par les nouvelles routes toujours plus droites,
par la fermeture d'une des lignes qui partait de ce noeud ferroviaire à
l'assaut des montagnes et peut-être aussi par une indifférence
quasi - générale. Cette ligne à l'abandon, je l'ai
parcourue au milieu des années 1980, sentant bien qu'elle vivait ses
derniers instants. C'était à mon avis l'une des plus belles de
France.
Mais depuis les choses ont changé : une association
d'amateurs a repris en mains une partie de ce tracé à la
beauté sauvage pour y faire rouler un autorail. Ainsi une ligne sans
intérêt du point de vue du transporteur s'est
métamorphosée en ligne à potentiel touristique. Sans
vouloir déflorer la suite, c'est là un des paradoxes des chemins
de fer touristiques. Au fur et à mesure que la SNCF se débarrasse
de lignes non rentables selon ses critères, des exploitants touristiques
s'en emparent, avec des fortunes diverses.
Pour un non-initié, un chemin de fer touristique ressemble
à une énigme. Voici une voie ferrée où poussent les
herbes folles. Encore une voie ferrée désaffectée, une de
plus. Et puis soudain, les rails grincent, un coup de sifflet retentit, et dans
un bruit de tonnerre apparaît comme jaillie des temps anciens une
locomotive à vapeur tirant quelques voitures aux peintures
rafraîchies. Des fenêtres sortent des têtes ravies: enfants,
parents, grands-parents, toutes générations confondues. La
joyeuse bande s'éloigne dans une odeur de fumée très
particulière. Rencontre à première vue singulière,
mais les trains touristiques sont pluriels.
Les chemins de fer touristiques français, sous leur forme
contemporaine, apparaissent dans les années 1960, à l'initiative
de passionnés attristés par la fermeture de lignes
d'intérêt local. Attachés sentimentalement à un
patrimoine technique représentatif de la première
révolution industrielle, les ferroviphiles font de leur mieux pour
sauvegarder ce qui peut l'être : locomotives, matériels roulants,
infrastructures, gares...parfois avec le soutien d'élus qui ont du mal
à se résigner devant la disparition de voies ferrées
acquises de haute lutte pour désenclaver leur localité. La
maintenance, la rénovation du matériel et des équipements
nécessitent des fonds importants. Aussi, profitant de la venue de
curieux, nos amateurs organisent des circulations payantes, histoire de
financer (au moins un peu) leurs ambitions. Les chemins de fer touristiques
sont nés.
Un demi-siècle plus tard, les membres fondateurs ne sont
plus de la première jeunesse. La relève, qu'ils appellent de
leurs voeux, se fait attendre. Les visiteurs eux aussi ont mûri ; ils ne
se contentent plus d'un simple tour en « petit train ». L'offre
touristique désormais large crée une forte concurrence.
Parallèlement, la réglementation se durcit, tandis que les
matériels vieillissent : des investissements de sécurité
s'imposent. Enfin, les pouvoirs publics relèvent leur niveau d'exigence
face à des trains touristiques qui vivotent alors qu'ils pourraient
faire mieux. La professionnalisation du secteur est en cours. Les exploitants
touristiques s'organisent ; déjà des entreprises privées
issues de grands groupes exploitent plusieurs « petits trains ».
Faire du nouveau avec de l'ancien : tel est l'enjeu.
La question de notre recherche sera la suivante
: dans quelle mesure les chemins de fer touristiques peuvent-ils
concilier l'expression d'une nostalgie et les caractères d'une
innovation ?
Nous proposons la démarche suivante :
-tout d'abord nous définirons précisément
de ce que l'on doit entendre par chemin de fer touristique. Ce qui nous
permettra de lever les ambiguïtés et de distinguer ce qui
résulte de logiques différentes. Ce sera l'objet de la
première partie.
-ensuite, comme les chemins de fer touristiques sont aussi des
chemins de fer historiques, nous remonterons le temps, d'abord à
l'époque de la naissance des « grands trains » puis à
celle des « petits trains » (deuxième partie).
-les chemins de fer touristiques sont d'abord des trains. Ils en
subissent les contraintes, aussi on ne peut les aborder intelligemment sans
être au fait de certaines réalités. Nous nous attarderons
donc quelques pages sur le cadre de l'activité ferroviaire
(troisième partie)
-après ces préliminaires, nous entrerons dans le
coeur de notre sujet, la naissance et le développement des chemins de
fer touristiques, en privilégiant une approche dynamique
(quatrième partie)
-nous proposerons ensuite une typologie des chemins de fer
touristiques, après avoir tenté différentes approches
complémentaires (cinquième partie)
-nous nous intéresserons aux activités qui
rassemblent les chemins de fer touristiques : recherche, préservation,
entretien et réparation des matériels ferroviaires,
édition et médias spécialisés, relations avec le
« septième art » (sixième partie)
-notre voyage se poursuivra en abordant les enjeux touristiques
(septième partie), puis ce que nos « petits trains »
véhiculent : relations avec l'environnement, le patrimoine et la
société (huitième partie)
-nous nous poserons la question de la professionnalisation du
secteur des chemins de fer touristiques (neuvième partie),
-enfin, nous terminerons en tentant de peser ce micro-secteur
(dizième partie) avant de conclure.
Les chemins de fer touristiques sont à notre avis plus
complexes qu'il n'y paraît. Pour saisir cette complexité, nous
nous attacherons, chaque fois que ce sera possible, à comparer les
points de vue des amateurs ferroviaires, des professionnels du tourisme et des
universitaires. La gestion de ces trois dimensions ne va pas sans risque. Il
faudra en effet nous contenter de conclusions parfois équivoques, car
les points de vue de chacun divergent autant qu'ils convergent.
Première parti
Sur /a voie d'une définition
Première partie - Sur la voie d'une
définition
Introduction - L'enjeu d'une
définition
La première question que l'on doit se poser est celle de
la définition des chemins de fer touristiques. Qu'appelle-t-on chemin de
fer touristique ?
En effet, le terme « chemin de fer touristique
» est un terme général ne reflétant qu'une partie de
la réalité des chemins de fer touristiques. Nos voisins
allemands parlent de «chemins de fer de musées et touristiques
»1, de « chemins de fer historiques » tandis que les
Britanniques font référence à des « heritage railways
»2. Par contre, Américains et Canadiens parlent de
« tourist railroads » ou de « scenic railroads ». Ces
appellations diverses et variées révèlent la
multiplicité des options possibles.
Car il y a presque autant de définitions des chemins de
fer touristiques que d'auteurs dissertant sur les chemins de fer touristiques.
Nous y voyons le résultat de la difficulté à
appréhender une réalité tout à la fois diverse et
diffuse. Chaque chemin de fer touristique est un cas particulier. Les
généralisations, si elles ne sont pas toujours inutiles
intellectuellement, peuvent se révéler périlleuses.
Aussi, la définition des chemins de fer touristiques est
un enjeu en elle-même : trop large, elle mêlera des
réalités dissemblables avec le risque concomitant de noyer dans
la masse le centre de nos intérêts ; trop étroite, elle ne
rendra pas suffisamment compte de la diversité du
phénomène, et laissera penser faussement qu'il existe un chemin
de fer touristique type.
1 Le « Verband Deutscher Museum- und
TouristiKbahnen (VDMT) », équivalent allemand de la FACS - UNECTO
(Fédération des Amis des Chemins de Fer Secondaires - Union des
Exploitants de Chemins de fer Touristiques et de musées), fait dans son
appellation explicitement référence aux « chemins de fer de
musée et touristiques »
2 La « Heritage Railway Association »,
équivalent britannique de la FACS-UNECTO
11
Chapitre 1 - Deux définitions parmi d'autres
Voici, parmi d'autres, deux définitions des chemins de fer
touristiques, mais aucune d'elles ne nous satisfait pleinement. Remarquons que
ces deux définitions ne recouvrent pas exactement la même chose
(dans un cas on parle de ligne, dans l'autre cas de chemin de fer). Relevons le
caractère relativement réducteur de la première tandis que
la seconde émane d'un professionnel du tourisme.
Touristique (ligne) : « ligne de chemin de
fer ancienne et n'assurant souvent plus de service commercial, en
général située dans une région touristique. Elle
est remise en service par une association d'amateurs bénévoles
dans le but de faire rouler du matériel ancien préservé,
notamment en traction vapeur, et d'offrir au grand public l'occasion de
découvrir, par un parcours payant, non seulement des paysages, mais
également des techniques aujourd'hui abandonnées
»3.
Cette définition, si elle met l'accent sur la
préservation du matériel ferroviaire, a pour principal
inconvénient d'ignorer totalement les lignes construites
spécifiquement pour le service touristique, sans
prétention patrimoniale. Nous verrons qu'il en existe un nombre
significatif4.
Chemin de fer touristique : « circulations
de convois ferroviaires à vocation de découverte d'un espace
géographique et social avec, pour effet, la création de flux
touristiques non affectables à un besoin de transport. Le terme ne
s'appliquera donc ni aux 'petits trains' à caractère de
manège, ni aux 'petits trains routiers' à usage de tourisme
urbain ni, enfin, au modélisme ferroviaire »5.
Cette définition nous convient davantage car moins
restrictive ; toutefois elle nous semble s'appliquer plus spécialement
à un certain type de chemin de fer touristique6 et passer
sous silence la dimension fortement patrimoniale présente dans certains
réseaux.
3 Lamming (2005), p 424-425.
4 Ces lignes construites ex-nihilo constituent
notamment la catégorie des chemins de fer touristiques à
caractère ludique. Voir infra, Cinquième Partie,
Chapitre 6.
5 Gasc (1994), p 6.
6 Les chemins de fer touristiques d'animation locale.
Voir infra, Cinquième partie, Chapitre 6.
Alors, que faire ? Dans notre recherche d'une définition,
un courrier des lecteurs de la revue Chemins de Fer Régionaux et
Urbains 7 nous a mis sur la voie (!) d'une définition
qui nous semble acceptable. Il s'agit d'une réponse de M. Gay
à
M. Arrivetz qui, dans le numéro précédent, a
contesté le caractère touristique du tramway urbain de l'AMITRAM,
au motif où ce dernier évolue dans un
environnement industriel : « est considéré
comme touristique tout ce qui est relatif au tourisme, lequel constitue une
activité de loisir qui consiste à voyager pour son
agrément : nul ne peut contester que le public qui fréquente le
tramway de l'AMITRAM le fait par agrément ». Un peu plus loin :
« faudrait-il exclure [...] tous les trains qui circulent dans des zones
minières [...] ou industrielles, à proximité de
carrières ou de gravières, le long des voies navigables ou sur
des voies ferrées industrielles [...] dans des régions de mornes
plaines ou parmi des champs de betteraves, et n'y conserver que ceux qui
évoluent dans des régions montagneuses ou sylvestres où le
tourisme constitue la principale ressource économique ? ». Comme M.
Gay, nous répondons par la négative. Sauf à vouloir passer
à côté d'une dimension incontournable des chemins de fer
touristiques.
Chapitre 2 - Une proposition de définition
Nous proposons donc la définition suivante.
Chemin de fer touristique (ou « petit
train »8): chemin de fer
qui génère des flux touristiques non affectables à
un besoin de transport. Couvrant des distances relativement courtes avec des
convois circulant à faible vitesse, il est emprunté dans le cadre
des loisirs pour l'agrément, pour la visite de
sites ou bien la découverte d'un patrimoine ferroviaire
préservé.
En conséquence, nous excluons de
l'étude :
les circulations par rail de touristes sur toute distance et qui
constituent des trajets pour accéder à un lieu de
villégiature.
les lignes ferroviaires classiques à caractère
plus ou moins touristique. Elles sont nombreuses, relativement longues, et
pas forcément évidentes à déterminer. Les flux
touristiques ne représentent alors qu'une part du trafic total. Cette
part reste difficile à évaluer, mais, même dans
l'hypothèse où elle est faible, son intégration dans les
données gonfle démesurément les chiffres en « noyant
» les chemins de fer
7 N° 283 (2001/1), p 25-26.
8 Dans la suite de cette étude, nous
utiliserons également le terme de « petit train ».
1 3
touristiques (au sens de notre définition) que nous
voulons pourtant mettre au coeur de notre étude.
-les trains touristiques exploités par la
SNCF9
-les entreprises organisatrices de voyages ferroviaires
-les trains de luxe
-les musées présentant des matériels en
exposition statique sans circulation10 -les petits trains à
caractère de manège des parcs d'attractions
-les trains de jardin, que possèdent ici ou là
quelques particuliers passionnés -les finiculaires
-les petits trains routiers (à pneus) qui circulent sur le
goudron des routes
-les modèles réduits. Nous considérons
que tout réseau ferré dont l'écartement des voies
s'avère strictement inférieur à 0,381 m relève du
modélisme11.
Nous incluons dans l'étude :
-les chemins de fer touristiques d'accès aux
grands sites. Lorsqu'ils représentent le moyen d'accès
exclusif ou le plus pratique, ils jouent également un rôle de
transport. Mais ils restent largement utilisés pour l'agrément du
déplacement et les plaisirs de la découverte.
-les « musées vivants » qui
allient présentation de matériel fixe et circulations sur une
portion plus ou moins longue de voie.
Nous évoquons brièvement :
-les circulations de matériels préservés sur
des itinéraires variables, activité qui s'apparente
à l'organisation de voyages ferroviaires
-les vélorails et cyclo-draisines
Spatialement, parce qu'il faut limiter l'aire
géographique de l'étude, sauf à trop perdre en profondeur,
nous avons choisi de nous intéresser aux chemins de fer
touristiques français. Cependant il sera parfois judicieux de
regarder ce qui se passe autour de nous, notamment dans les autres pays
d'Europe. En effet, tout est plus ou moins lié. Telle locomotive a
été achetée en Pologne après la chute du rideau de
fer. Tel wagon a servi sur une ligne stratégique au cours de la Grande
Guerre.
9 Le lecteur que ce sujet intéresse pourra se
reporter au site internet :
http://trainstouristiques-ter.com/index2.asp
10 La Cité du Train de Mulhouse naturellement,
mais également d'autres structures, telles le Musée des
Transports Urbains Interurbains et Ruraux (AMTUIR) à Saint-Mandé
créé en 1957 par l'association du même nom.
11 Nous intégrons donc dans notre étude
le Chemin de Fer d'Anse (justement à l'écartement de 0,381 m),
réseau qui possède déjà un caractère hybride
: mi chemin de fer touristique, mi modèle réduit.
Temporellement, le coeur de notre étude
s'inscrit dans la période qui va de 1957, année de la
fondation de la Fédération des Amis des Chemins de fer
Secondaires (FACS) à 2007 qui marque la
séparation de la FACS et de l'UNECTO (Union Nationale des Exploitants de
chemins de fer Touristiques)12. Toutefois, pour la bonne
compréhension de notre domaine d'intérêt, nous faisons
à plusieurs reprises et autant de fois que nécessaire, des
incursions parfois prolongées avant 1957.
Conclusion - Une définition qui est aussi un
fil conducteur
Une définition des chemins de fer touristiques
résulte de choix. Elle possède ses propres limites ainsi qu'une
nécessaire dimension d'arbitraire. Elle est, à ce titre,
critiquable. La nôtre ne fait pas exception à la règle.
Toutefois avec ses frontières de nature, d'espace et de temps, elle nous
nous permet d'entrer dans le monde des
« petits trains » avec un fil conducteur, qui, nous
l'espérons, évitera de nous perdre sur des voies sans issue.
Abordons maintenant l'histoire des chemins de fer en
général, et des chemins de fer secondaires en particulier.
12 Plus précisément nous nous arrêtons au 17
mars 2007, date du vote par l'Assemblée Générale
Extraordinaire de la FACS-UNECTO de la scission entre la FACS et l'UNECTO
Deuxième parti
Des histoires de trains
Deuxième partie - Des histoires de trains
Introduction - Le poids de
l'histoire
Le poids d'un siècle et demi d'histoire ferroviaire ne
peut être négligé : il nous semble impossible de
présenter les chemins de fer touristiques sans, dans un premier temps,
évoquer la naissance du système de transport par rail puis, dans
un deuxième temps, nous attarder sur les chemins de fer secondaires.
Dans un troisième temps, nous mettrons en évidence les liens
anciens existant entre les chemins de fer et le tourisme. Nos « petits
trains » d'aujourd'hui sont avant tout des chemins de fer, et, pour une
part substantielle d'entre eux, les descendants des chemins de fer
d'intérêt local.
Chapitre 1- Au commencement, la rencontre du rail et de
la
vapeur
Dans un article paru dans la Revue d'Histoire des Chemins de
Fer13, Clive Lamming, qu'on ne présente plus dans les milieux
ferroviaires, réfute une présentation simpliste mais
répandue de l'histoire du chemin de fer: la locomotive n'a
été inventée, ni par George Stephenson14, ni
par Richard TrevithicK. Leur « pendant » français Marc
Séguin n'a pas davantage inventé la chaudière tubulaire.
Dans un
souci de clarté, nous étudierons d'une part le
rail, et d'autre part la traction à vapeur avant leur fructueuse
rencontre.
1- Le rail
A l'origine, le rôle du rail consiste à guider les
roues des chariots de mines de manière à extraire et à
convoyer plus efficacement houille et minerais. A l'aube du
1 9ème siècle, le rail n'est
déjà plus une invention récente. Les Anglais
possèdent une avance importante dans ce domaine. Ils utilisent des rails
de bois dès 1649 à Newcastle15. Les rails de fonte
sont employés pour la première fois dans les années 1760.
Au 1 8ème siècle, l'Angleterre possède
déjà un réseau ferré dédié à
l'extraction
13 Lamming (2003), p 257-274
14 Il y a deux Stephenson dans l'histoire du chemin de
fer : George, le père et Robert, le fils.
15 Toutefois, un ouvrage paru à Bâle en 1
550 atteste de l'emploi de rails en bois dans des mines de Leberthal en Alsace.
Voir Lamming (1989), encadré p 18.
minière. Clive Lamming note qu'en 1820, « le chemin
de fer est une chose mûre et établie, formant un moyen de
transport industriel reconnu, vieux de plus de 150 ans, et connaissant
déjà, depuis plus de 30 ans, des essais en traction vapeur
»16.
Le développement de la métallurgie
autorise l'abandon du rail en bois, trop fragile. Il est désormais en
fonte, puis en fer, et enfin, vers la fin du 1 9ème
siècle, en acier. Ces progrès, qui suivent ceux de la
sidérurgie, rendent le support de roulement de plus en plus
résistant, ce qui lui permet d'accompagner le poids croissant des
locomotives et des wagons. Le poids par essieu des locomotives et
matériels remorqués exprime les contraintes exercées sur
le rail tandis que la masse au mètre des rails posés, qui
s'exprime en Kg / mètre, constitue son équivalent
côté support de roulement. Vers le milieu du1 9ème
siècle, sur les grandes lignes, cette masse est d'environ 30 Kg/m. Elle
est de nos jours de 60 Kg/m en Europe, et atteint 70-75 Kg/m aux Etats-Unis et
en Russie17.
Il est probable que si les performances techniques du
rail n'avaient pas été capables de suivre les
évolutions du matériel roulant, le développement du chemin
de fer aurait été entravé.
2- Cheval, ou cheval-vapeur ?
A- La plus belle conquête de
l'homme fait de la résistance
Initialement, les wagonnets sont poussés par les mineurs
ou tirés par des chevaux. La traction animale est logiquement
utilisée par les premiers chemins de fer. Contrairement à une
idée commune, le cheval représente longtemps un concurrent
redoutable pour la traction à vapeur : le coût de la
traction animale s'élève seulement au tiers de celui de la
traction par locomotive à vapeur18. Le fameux
concours de Rainhill, que l'on a coutume de présenter comme le triomphe
de la locomotive de Stephenson, « la Fusée », n'aurait pas
donné des résultats si convaincants en faveur de la traction
vapeur. D'ailleurs, la subsistance de réseaux ferrés
entièrement à traction animale jusque dans les années 1880
en Angleterre, constitue un indice supplémentaire de cette «
compétitivité » du cheval19. En France
16 Lamming (2003), p 258.
17 Lamming (2005), entrée « rail »,
p. 372.
18 Si l'on prend en compte tous les coûts
indirects : pannes, accidents, dégâts aux voies. Selon Lamming
(2003), p 270.
19 Idem., p 259. Le réseau «
Forest of Deam Tramroad », construit en 1807, reste entièrement
à traction animale. Il est toujours en service 80 ans plus tard. Sa
taille est loin d'être anecdotique, puisque son extension maximale est de
180 miles (environ 280 Km).
aussi, sur la « grande » ligne Lyon -
Saint-Étienne, les chevaux restent en service jusqu'en
184420.
B- La vapeur, une histoire déjà
ancienne
Le concurrent du cheval est logiquement le « cheval vapeur
», personnifié par la locomotive à vapeur. La force
de la vapeur est connue depuis longtemps. «A Alexandrie, entre
100 et 50 avant Jésus-Christ, la vapeur a tout de même fait son
apparition, dix-sept ou dix-huit siècles avant Denis Papin
»21. Héron invente l'éolipile, sorte de turbine
à vapeur enclenchant un mécanisme capable d'ouvrir ou de fermer
à distance la porte d'un temple.
Les premières machines à vapeur « modernes
» sont statiques, telle «la machine à feu
» de Newcomen, en 1712, en Angleterre. Là encore,
le besoin des mines est structurant, puisque ces machines servent à en
extraire l'eau. A partir du dernier tiers du 1 8ème
siècle, l'histoire semble brusquement s'accélérer : en
1769, la machine de Watt apporte des améliorations
décisives (condenseur) à la machine de Newcomen, ce qui permet de
réduire des trois quarts la dépense de combustible. La même
année, voici la première machine mobile à
vapeur: le français Cugnot réalise le
« Fardier », sorte de chariot à
vapeur destiné au transport de lourdes pièces d'artillerie. Sa
carrière s'achève contre un mur. L'ancêtre de l'automobile,
en quelque sorte... En 1776, le Marquis Jouffroy d'Abbans fait naviguer un
bateau à vapeur sur le Doubs.
C- La locomotive à vapeur : une naissance
laborieuse
La première locomotive à vapeur (mais est-ce
vraiment la première ?) date de 1804 : construite par l'Anglais
Richard TrevithicK, elle circule tant bien que mal sur une voie en
bois. Dans ces années de « bouillonnement » (c'est le cas de
le dire !) diverses locomotives sont essayées et construites. Certaines
sont exhibées au public, comme des attractions foraines, telle, en 1808,
la « Catch me Who can », visible dans une enceinte privée
moyennant paiement22.
20 Ibid., p 272.
21 Braudel (1979), p 469.
22 Cette « M'attrape qui peut » serait-elle
la lointaine ancêtre des petits trains présentés comme
attractions foraines de nos jours ?
A la même époque, l'essor de la traction à
vapeur est freiné par un obstacle a priori insurmontable :
l'adhérence de la locomotive sur les rails23. On
considère que les locomotives dont les roues prennent appui sur des
rails en fer lisses, ne trouveront pas l'appui suffisant pour tracter leurs
wagons. On imagine alors florès de systèmes aussi
ingénieux les uns que les autres pour pallier ce grave problème,
dont personne n'a jamais vérifié s'il était réel :
ici on essaie des locomotives à roues dentées s'inscrivant dans
des rails dentés, ailleurs des béquilles s'élevant et
s'abaissant à l'arrière de la locomotive pour prendre appui sur
la voie. En 1813, BlacKett et Hedley ont le bon sens de prendre le
problème...par son commencement. Leurs essais sur le chemin de fer des
mines de Wylam apportent la preuve que le poids de la locomotive lui procure
une adhérence suffisante sur des rails lisses pour tirer ses wagons. Un
blocage important dans le développement de la traction est levé !
Une quinzaine d'années a tout de même été
nécessaire pour résoudre un problème qui n'existait
pas...
D- La chaudière tubulaire: une invention
capitale
La recherche peut désormais s'orienter vers les voies plus
fructueuses. La chaudière tubulaire constitue une amélioration
capitale qui ouvre des perspectives au chemin de fer. Un des problèmes
majeurs de l'époque est de générer suffisamment de
puissance pour tracter les trains. Ce qui suppose de produire une
quantité de vapeur importante. De manière caricaturale, on peut
dire que les premières locomotives à vapeur sont des
bouilloires à roulettes, capables dans le meilleur des cas de
se traîner sur les voies en palier : le foyer porte à
ébullition un réservoir d'eau. La chaudière
tubulaire multiplie par quatre la production de vapeur, et donc la
puissance de traction. L'idée en est relativement simple : les
gaz brûlants dégagés par la combustion du foyer traversent
au moyen de tubes l'eau à chauffer, la surface de contact entre les gaz
et l'eau est multipliée.
Là encore refaisons appel à Clive
Lamming24. Contrairement à ce qui est écrit, ce n'est
pas le français Marc Seguin, ni le britannique Stephenson, qui ont
inventé la chaudière tubulaire. L'existence de chaudière
tubulaire est prouvée en 1803 par le dépôt de
brevet par Woolf, mécanicien des mines au Pays de Galles. Ce
type de chaudière est utilisé, en statique, à grande
échelle, dans les mines de Cornouailles comme pompe à vapeur. A
Marc Seguin, il faut reconnaître le mérite d'avoir résolu,
le problème d'étanchéité que présente la
chaudière tubulaire en utilisation mobile, et avec quel brio ! «
Là où les locomotives Stephenson vont au pas, celle de Marc
23 Voir : Papazian (2000), p 14-15.
24 Lamming (2003), p 269.
Seguin, pourtant plus légère et plus petite, roule
à 40 Km/h en tête d'un train chargé de pièces de
fonte »25.
En 1829, la « Fusée » de Stephenson, qui
gagne le concours de Rainhill, est équipée de chaudière
tubulaire. Elle a une très longue descendance,
faite de multiples perfectionnements. Mais toutes les locomotives à
vapeur fabriquées dans le monde jusqu'à la fin des années
198026 sont équipées de la fameuse chaudière
tubulaire.
3- Du premier chemin de fer au premier transfert de
technologies
De quand date le premier « vrai » chemin de fer ? On
peut penser à la ligne StocKton-Darlington (1825). Or, cette
dernière se caractérise par différents types de traction
(chevaux, câbles, locomotives à vapeur - un peu comme dans une
mine), en outre les particuliers peuvent y faire circuler leur propre voiture.
Bref, on n'y trouve pas, loin s'en faut, une exploitation ferroviaire classique
de bout en bout !
Le premier « vrai » chemin de fer est donc la
ligne Liverpool-Manchester inaugurée en 1830 : traction de bout
en bout par locomotives à vapeur, horaires précis, gares... tous
les ingrédients du chemin de fer sont là réunis.
Outre le mérite d'adapter la chaudière tubulaire
à la traction sur rail, Marc Seguin importe la technologie ferroviaire
britannique sur le continent. Une version ancienne du transfert de
technologies, dont la France est la bénéficiaire. En
effet « Marc Seguin ne se voit nullement comme le créateur des
fondements techniques des chemins de fer en France. Homme d'action, il veut au
contraire aller vite et rapporter avec lui ce qui marche déjà
»27.
Un autre mérite de cet homme pragmatique est de constater
que les lignes anglaises se caractérisent par des tracés et
profils défavorables aux vitesses et charges élevées.
Aussi, il fait construire la ligne Lyon - Saint-Étienne (1834) avec des
courbes à grand rayon et des déclivités faibles, sans
hésiter à faire bâtir des ouvrages d'art partout où
cela s'avère nécessaire. Le même tracé est
aujourd'hui encore emprunté par les TGV !
25 Lamming (1989), encadré p 10.
26 Les fabrications en série de locomotives
à vapeur ont perduré en Chine jusque dans les années
1980.
27 Lamming (2003), p 257
Principaux concurrents du chemin de fer, « les
professionnels du roulage et de la navigation trouvèrent comme
alliés les ingénieurs des Ponts et Chaussées qui
commencèrent une croisade qu'ils n'abandonnèrent jamais vraiment.
Leur mode d'action favori résida dans les sévères
contraintes de sécurité et de tracé imposées aux
voies ferrées. Celles-ci, par un retournement ironique, allaient faire
le succès du chemin de fer français dont le tracé en long
et en plan autorise des performances remarquables »28.
Ainsi, le succès du chemin de fer en France
s'explique (au moins en partie) par le sens
des réalités de Marc Seguin et la volonté de la
concurrence de ralentir le développement de ce moyen de
transport.
4- Plus vite, plus fort, plus complexe
Maintenant que sont réunis le rail, la locomotive à
vapeur ainsi qu'un mode d'exploitation déjà moderne, les
progrès du chemin de fer sont d'autant plus étonnants que ces
trois éléments évoluent de concert29.
La deuxième révolution industrielle, apportant avec elle les
moteurs électrique et à combustion interne donne une impulsion
supplémentaire à cette dynamique, tandis que la troisième
révolution industrielle constituera un catalyseur supplémentaire
par l'adoption au domaine ferroviaire des technologies numériques.
Illustration : en un siècle et demi, la puissance des
locomotives passe de 20 à 8.000 Cv (x 400), le nombre de voyageurs par
train de 200 à 2.000 (x 10), le poids des marchandises par train de 100
à 10.000 tonnes (x 100). La vitesse commerciale d'un modeste 40 Km/h
(mais déjà prodigieux à l'époque) à 300
Km/h30.
28 Merlin (1991), p 26
29 Il y a là à notre avis une des
clés de la réussite du chemin de fer. La suppression des goulets
d'étranglement a permis aux coûts unitaires de baisser
suffisamment pour que le chemin de fer constitue un moyen de transport
efficient.
30 Merlin (1991), p 27. Nous avons actualisé la
vitesse du TGV. Merlin indique 250 Km/h.
La masse du matériel roulant va lui aussi croissant,
augmentant le poids par essieu, qui exprime les contraintes exercées sur
la voie. La « Fusée » de Stephenson pèse 4,3 tonnes,
avec une charge d'environ 2 tonnes par essieu. Une locomotive actuelle
pèse autour de 100 tonnes31, avec une charge par essieu
généralement comprise entre 15 et 30 tonnes. Ces
progrès sont à mettre sur le compte d'une industrie ferroviaire
qui, conjointement à l'industrie sidérurgique, a su
répondre à la demande quantitative des exploitants (fournir les
quantités nécessaires) et à leur demande qualitative
(mettre sur le marché des matériels de plus en plus
performants).
Un autre aspect à souligner, c'est la complexité
croissante de l'exploitation ferroviaire qui explique
l'émergence d'emplois tertiaires : mécaniciens,
chauffeurs, ouvriers des ateliers, certes, mais aussi, dans le cadre d'une
organisation très hiérarchisée : bureaux d'études,
corps d'ingénieurs et d'inspecteurs, services de gestion du trafic,
contrôleurs, comptables, spécialistes des finances32,
gestionnaires de personnel... et au pourtour : publicistes, voyagistes,
hôteliers restaurateurs, promoteurs immobiliers. Tout un monde se
constitue autour du chemin de fer qui acquiert ainsi un effet structurant sur
les économies locales.
Il n'est pas dans le but de ce mémoire de
réécrire une histoire du chemin de fer français. Cela a
déjà été fait, et de manière parfois
très complète33. Mais voici planté un
décor qui conserve toute son importance aujourd'hui.
31 Il ne s'agit que d'un ordre de grandeur, pour voie
normale. La « Big Boy », locomotive à vapeur géante qui
a circulé aux USA, pesait plus de 500 tonnes.
32 Les compagnies de chemin de fer sont
particulièrement actives en bourse.
33 Voir Caron (1997,2005).
Chapitre 2- Petite histoire des « petits trains
»
Après la naissance des « grands trains » qui
engendre un siècle et demi plus tard les TGV, intéressons nous
maintenant à celle des « petits trains », les chemins de fer
secondaires. Ils sont en effet les lointains ancêtres des chemins
de fer touristiques actuels.
Nous donnerons des chemins de fer secondaires
d'abord une définition par défaut : ils sont constitués
des voies ferrées qui n'appartiennent pas aux grands
axes. Dans un pays centralisé comme la France, ils se
reconnaissent aisément : ce sont les voies ferrées qui ne
rayonnent pas autour de Paris. Quelques transversales à fort
trafic34 échappent cependant à cette
catégorie.
Notre catégorie des chemins de fer secondaires est
cependant hétérogène :
nous avons d'une part les voies ferrées
d'intérêt général, construites à
l'initiative de l'Etat. Elles sont généralement exploitées
par les grandes compagnies, et sont intégrées à la SNCF
lors de sa création en 1938. Depuis, leur destin est marqué par
des fermetures successives, qui ramènent dans certaines régions
le chemin de fer à sa portion la plus congrue35. Ces voies
ferrées constituent la base de nombreux chemins de fer
touristiques récents (années 1980 - 1990).
et d'autre part les voies ferrées
d'intérêt local, construites à l'instigation des
collectivités territoriales, le plus souvent les départements.
Lors de leur fermeture, certains de ces réseaux renaissent de leurs
cendres pour donner vie à quelques chemins de fer touristiques,
relativement plus anciens (années 1960-1970).
Nous ne reviendrons pas sur l'histoire des voies ferrées
d'intérêt général, qui suit celle des grandes
compagnies puis de la SNCF. En effet, elle ne sont pas à la source
originelle des chemins de fer touristiques, et ne permettent pas de comprendre
la première éclosion des chemins de fer touristiques. Elles ne
sont devenues une ressource qu'ultérieurement.
34 Par exemple la transversale « occitane »
: Bordeaux - Toulouse - Montpellier - Marseille - Nice, ou bien la «
Rhin-Rhône » : Strasbourg - Mulhouse - Besançon - Lyon.
35 Ainsi Privas, préfecture de l'Ardèche, n'est
plus desservie par le rail depuis des années.
Par contre, il nous semble judicieux de détailler
quelque peu l'aventure de chemins de fer d'intérêt local qui nous
apparaissent comme les vrais « grands ancêtres » des chemins de
fer touristiques. Cela nous permettra de :
-mettre en lumière le rôle des collectivités
territoriales
-relever des aspects innovants souvent méconnus
-souligner le rôle d'entreprises ou d'entrepreneurs
Un siècle plus tard, nombre de ces
caractéristiques se retrouvent dans les chemins de fer touristiques
actuels.
1- Genèse et développement des chemins de
fer d'intérêt local A- Un moyen de mise en valeur
des moindres ressources36
Marie-Odile Piquet-Marchal oppose dans l'économie du 1
9ème siècle le Nouveau Monde et le Vieux Continent.
Dans le premier cas, l'abondance des ressources naturelles, la vastitude du
marché intérieur, génèrent une économie
« extensive, amplement mécanisée, de plus en plus
standardisée ». Au contraire, le Vieux Continent « est
beaucoup moins favorisé : ses ressources sont plus restreintes, son
territoire moins étendu, son marché plus limité.
Dès lors, son économie va être toute différente :
elle sera intensive, individualisée, raffinée, très
spécialisée. Ces structures diverses exigent des moyens et des
méthodes dissemblables, notamment en ce qui concerne les voies de
communication. Dans le premier cas, les réseaux se composeront de
quelques grands axes d'utilité générale ; dans le second
cas, tout un ensemble dense, enchevêtré, d'utilité
nationale, régionale et locale37 sera
nécessaire. C'est ce qui explique que, pratiquement, seuls les pays du
Vieux Continent possèdent des chemins de fer d'intérêt
local qui complètent leur réseau d'intérêt
général. Ces chemins de fer d'intérêt local sont
nécessaires à la fois par leur construction, comme pôle de
croissance des activités locales, et par leur exploitation, comme moyen
de mise en valeur des moindres ressources ».
36 Toutes les citations de cette section proviennent de
Piquet-Marchal (1964), p 9.
37 C'est nous qui soulignons.
B- Pourquoi des chemins de fer d'intérêt
local ?
Vers 1860, la France possède un réseau ferroviaire
de 9.400 Km. Ce réseau est largement insuffisant ; en
effet avec la révolution industrielle les besoins sont croissants. P.
Merlin note : « La structure étoilée du réseau
français, amorcée très tôt (milieu du 1
9ème siècle) a accentué une centralisation
autour de Paris, organisée par les Bourbons, voulue par les Jacobins,
renforcée par Napoléon »38. C'est «
l'Etoile Legrand
»39. On peut voir dans ce
tropisme parisien alternativement le reflet d'un Etat centralisé ou
celui d'une concentration des activités économiques, sans que
l'un exclue forcément l'autre. Après tout, un réseau se
constitue entre des points qui ont quelque chose à échanger.
Dès le milieu des années 1860, et plus encore
après 1871, se constitue un mouvement visant à la
création de chemins de fer d'intérêt
local40. Plusieurs forces agissent de concert:
-la défaite de 1871 face à une Allemagne,
désormais unie, et qui a su utiliser à plein les
possibilités logistiques offertes par le rail notamment pour le
transport rapide de troupes
-les besoins des économies régionales
d'écouler facilement leurs produits -la volonté
électoraliste (mais parfois justifiée) des politiques et des
notables locaux soucieux de disposer de « leur » chemin de fer.
Ces forces sont contrariées par l'affairisme parisien des
grandes compagnies, peu disposées à trop développer un
réseau secondaire dont la rentabilité semble a priori
problématique
C- La mise en oeuvre
Trois lois structurent la mise en oeuvre des chemins de fer
d'intérêt local : les lois de 1865 (dite loi Migneret), 1880 (dite
loi ou plan Freycinet), et 1913. Sans entrer dans les détails, l'esprit
est de faire prendre en charge par les collectivités locales
(essentiellement les départements) la construction de lignes qui seront
(généralement) concédées à des exploitants
privés. Les caractéristiques de ces
38 Merlin (1991), p 29.
39 Du nom du Directeur Général des
Travaux Publics, auteur du 1 er plan prévoyant la
construction de 4.500 Km de lignes ferroviaires reliant la capitale aux grands
centres industriels et aux ports.
40 Pour simplifier, nous donnerons comme M-0.
Piquet-Marchal (op.cit., p 13) une définition a contrario des
chemins de fer d'intérêt local: « exception faite de quelques
dizaines de Kilomètres de chemins de fer industriels et miniers, tout ce
qui ne fait pas partie des grands réseaux est d'intérêt
local ».
lignes sont telles qu'elles peuvent être construites
à l'économie : écartement réduit, rails
légers, courbes serrées, peu d'ouvrages d'art41.
D'évidence, le législateur veut mettre leur
réalisation à la portée des finances
départementales.
Ce réseau, dont l'essor a lieu à partir de la loi
de 1880, comprend jusqu'à
22.000 Km de voies
ferrées (soit plus de la moitié de la longueur du
réseau d'intérêt général) essentiellement en
trois écartements de voie42. Il connaît son
apogée vers 1925.
Une multitude d'entreprises vouées à
l'exploitation (le plus souvent sous le régime de la
concession43) des chemins de fer
d'intérêt local se crée. Les plus petites
n'exploitent qu'un tronçon de quelques Kilomètres de ligne, leur
destin est parfois éphémère ; d'autres, présentes
à divers points du territoire, possèdent une dimension nationale
: ainsi la Société Générale des Chemins de Fer
Economiques (SE) et la Compagnie des Chemins de Fer
Départementaux (CFD), « poids lourds » du secteur.
Quant aux grandes compagnies, « se réservant
l'exploitation des lignes les plus rentables, elles concèdent
l'exploitation des lignes peu rémunératrices, celles issues du
'plan Freycinet', à des compagnies secondaires »44. On
peut comprendre leur prudence : certaines, comme le Paris-Orléans (P.O)
ou le Midi, ont déjà bien du mal à rentabiliser leur
réseau existant.
41 A titre d'illustration, à la fin du
19ème siècle, pour la construction d'un
Kilomètre de voie ferrée, il faut compter 175.000 Francs-Or en
voie normale, 80.000 Francs-Or en voie métrique, et 60.000 Francs-Or en
voie étroite - Chiffres donnés par Guyot (2001), p 139.
42 Voie normale, voie métrique, voie de 60.
43 Piquet-Marchal (1964), p 116 : « la concession
a été le mode le plus communément employé et le
plus longtemps expérimenté ».Pour la définition de la
concession, voir infra, 3ème partie, chapitre 4.
44 Gasc (1994), p 13.
2- Déclin des chemins de fer
d'intérêt local
Tableau 1 : longueur (en Km) des réseaux
d'intérêt local selon l'écartement.
|
1918
|
1960
|
Voie normale
|
2.800
|
200
|
Voie métrique
|
18.350
|
700
|
Voie étroite
|
400
|
40
|
Total
|
21.550
|
940
|
Source : Guyot (2001), p 144.
Le point d'inflexion dans le développement des chemins de
fer d'intérêt local se situe au milieu des années 1920. Ces
derniers connaissent un premier choc lié à la Grande
Guerre. Des lignes de l'arrière sont
réquisitionnées, déferrées, privées de leurs
engins de traction de manière à alimenter la construction de
voies ferrées militaires sur le front. La guerre terminée,
malgré un relèvement important des tarifs des transports (parfois
jusqu'à 500% !), l'augmentation des coûts des combustibles, des
salaires, la diminution du temps de travail rognent la rentabilité.
Les véhicules routiers utilitaires (camionnettes,
autobus) ont fait leurs preuves pendant le conflit ; ils apparaissent
déjà comme des alternatives crédibles. Ainsi l'autocar
représente un concurrent redoutable dont la compétitivité
va croissant au fil des années.
Dans l'Entre-deux-guerres, les réseaux «
électoralistes » sont déjà condamnés par la
route. Les mieux implantés peinent à se moderniser, faute de
moyens.
La Deuxième Guerre mondiale et les années de la
reconstruction apportent un court répit aux survivants. Vu la
rareté de l'énergie et les destructions, les petits
réseaux sont fortement sollicités malgré leurs
matériels à bout de souffle.
Mais dès l'entrée dans les soi-disant
« Trente Glorieuses »45,
la France joue la carte du « tout routier », symbole
de modernité, en abandonnant dans une « grande
braderie ferroviaire »46 les
petits trains, les tramways47, et les tramways
urbains48.
La « logique » poussée à l'extrême
aboutit à fermer des réseaux récemment modernisés,
et dont le trafic fret est en constante augmentation. La même
« logique » de passage du rail à la route double
parfois les temps de transport nécessaires49. La position
intransigeante des syndicats cheminots accélère dans certains cas
le processus en fermant la porte aux solutions hybrides qui auraient permis des
sauvetages au moins partiels.
3- Les chemins de fer d'intérêt local, quel
intérêt ?
A- Une opération d'aménagement du
territoire de grande envergure
La construction du réseau d'intérêt local
représente une opération d'aménagement du territoire de
grande envergure, tout à fait comparable par son ampleur
à celle du réseau TGV contemporain. En effet, 3,5
milliards de Francs sont investis par l'Etat sur 30 ans, ce qui correspond
à environ 65 milliards de Francs de 1995. A titre de comparaison,
l'ensemble du réseau TGV en service début 1995 a
coûté 58 milliards de Francs pour les
infrastructures50.
Or, les chemins de fer secondaires sont à leur
époque souvent décriés : lents, inconfortables et peu
sûrs (déraillements fréquents), on les affuble de
sobriquets : « tacots », « tortillards »... Leur
fragilité financière participe à cette
précarité. La constitution de ces réseaux
d'intérêt local a-t-elle été un bien ou une
dépense inutile pour la France ? Sur ce point, aujourd'hui comme jadis,
les avis divergent, et il nous semble intéressant d'apporter quelques
éléments de réflexion.
45 Si l'on compte bien, on n'en trouve que vingt : en
gros de 1953 à 1973. Et encore, la croissance française a
commencé à décélérer dès la fin des
années 1960.
46 Auphan (1999), p 257.
47 On entend par tramway « les voies
ferrées établies en totalité ou en partie sur les voies
publiques et dont la plate-forme reste accessible sur toute son étendue
à la circulation ordinaire des voitures et des piétons »
(Piquet-Marchal (1964), p 44 note 8). Ils ont représenté plus de
6.000 Km à leur extension maximale. Ces tramways, vu leur mode de
circulation, constituent un obstacle à l'élargissement des
routes, et donc les premières victimes désignées du «
tout routier ».
48 Tramways urbains qu'elle reconstruit de nos
jours.
49 Le P.O Corrèze, réseau à
voie métrique rayonnant autour de Tulle, constitue l'exemple type d'un
réseau en bon état, dont le trafic marchandises augmente, et dont
la fermeture aboutit à un quasi doublement des temps de transport pour
les voyageurs.
50 Gasc (1995), p 20, et p 24 notes 9, 10, 11.
B- Un laboratoire d'essais
Les contraintes économiques auxquelles les chemins de fer
d'intérêt local sont confrontés favorisent une certaine
prise de risque de leur part. Chose moins connue, peut-être parce qu'en
porte à faux par rapport à des clichés
répandus, les petits réseaux constituent les laboratoires
d'essais de matériels nouveaux pour l'époque (autorails,
automotrices électriques), qui ne sont adoptés que bien plus
tard ar- par les grandes compagnies. Yves
Machefert-Tassin relève « les nombreux apports inventifs, et
surtout constructifs et expérimentaux, que les chemins de fer
secondaires ont apporté à tous les autres, y compris en
devançant souvent les applications des mêmes
procédés sur les grands réseaux [...]. Ces innovations ont
toutefois donné des lettres de noblesse technique à des
réseaux souvent décriés aujourd'hui pour des raisons
économiques»51.
Pour ce qui est de la traction électrique,
Rémy Guyot relève: « Pour modeste qu'il fut, le mode
d'électrification de certaines lignes (de montagne principalement) se
montra d'avant-garde par rapport à la technique
électrique bien peu développée des grandes compagnies
»52. Et de s'étonner à juste titre que dans les
Alpes et les Pyrénées des rames électriques circulent sur
des rampes à près de 80 pour mille, tandis qu'en Haute-Vienne le
réseau départemental utilise du courant monophasé à
fréquence industrielle 25 Hz sur l'ensemble de son réseau, long
de (quand même !) 340 Km.
Pour ce qui est de la traction diesel (autorails
essentiellement), nos petits réseaux ne sont pas en reste. Leur
adoption des autorails est précoce, parfois intensive. « Les
chemins de fer secondaires peuvent, dans le domaine de la conception et de
l'utilisation des automotrices, être considérés comme des
précurseurs ». Dix à vingt ans avant les grands
réseaux, ils utilisent des engins bien étudiés et
adaptés, « dont la longévité fut pour beaucoup une
preuve de leur réussite, ce qui favorise aujourd'hui les lignes
touristiques »53
Les petits trains ont donc joué également
run ôle non négligeable dans la diffusion
des innovations ferroviaires. De quoi remettre
en cause le cliché d'un secteur passéiste !
51 Machefert-Tassin (2001), p 146-147.
52 Guyot (2001), p 141-142.
53 Machefert-Tassin (2001), p 173-174, pour les deux
citations.
C- Un débat qui n'est pas clos
Dans notre esquisse de débat sur l'utilité des
réseaux d'intérêt local, une chose nous semble certaine
: avant la première guerre mondiale, il n'existait pas d'autre
alternative que le chemin de fer pour désenclaver les
campagnes. Si l'on ne rencontre pas chez nous ces zones
désolées, sorte de « no man's lands » que l'on trouve
hélas dans certains pays d'Europe du Sud, c'est peut-être à
ces réseaux secondaires qu'on le doit.
Certains de nos voisins européens54, en
assurant la modernisation de leurs chemins de fer d'intérêt local,
ont choisi une voie médiane, qui apparaît plus justifiée
avec quelques décennies de recul.
Chapitre 3- Chemins de fer et tourisme
Les chemins de fer, outre leur dimension industrielle,
possèdent très vite une dimension touristique.
Ainsi F. Caron affirme : « les chemins de fer furent construits pour
satisfaire l'aspiration au voyage que le romantisme avait fait naître.
Mais leur essor accéléra le processus de transformation,
déjà largement entamé, du voyage romantique en voyage
touristique »55. Effectivement, toutes les créations de
lignes ne s'expliquent pas par des besoins de transporter des biens industriels
ou agricoles. La ligne Paris- Saint-Germain, ouverte en 1838, constitue la
première
« promenade ferroviaire » des Parisiens. Quant à
la ligne Bordeaux- La Teste (puis Arcachon), elle ouvre aux Bordelais un
accès rapide à la « balnéation atlantique
»56.
Les grandes compagnies comprennent rapidement tout
l'intérêt qu'elles peuvent tirer du tourisme : si elles «
n'ont pas inventé le voyage touristique, elles lui ont donné un
nouvel élan »57. Pour valoriser les atouts touristiques
dont elles disposent, sur leur territoire, elles proposent dès les
années 1840 les premiers billets d'excursion. A peine
plus tard, les premiers « trains de plaisir »
offrent un accès démocratisé au littoral58. Le
tourisme ferroviaire se diversifie : balnéaire, climatique, alpin ou
même de pèlerinage (Lourdes).
54 Lors de différents séjours en
Allemagne de l'Ouest au milieu des années 1980, l'auteur a
été frappé par le nombre de réseaux urbains ou
suburbains en service.
55 Caron (1997), p 598.
56 L'expression est d'Alain Corbin.
57 Caron (1997), p 599.
58 Pour des détails sur les « trains de
plaisir », voir Lamming (1989), p 105-112.
Les grandes compagnies ferroviaires rivalisent
d'ingéniosité pour créer des flux de touristes. Lorsque
que préexistent des stations touristiques, l'enjeu consiste à les
relier au réseau ferré car la présence ou
l'absence de liaison ferroviaire pèse lourd dans l'essor des
villégiatures. Ainsi Christophe Bouneau relève que
« l'antériorité et la commodité de la desserte de
Bagnères-de-Bigorre constituèrent, pour cette station, un
avantage décisif par rapport à ses rivales »59.
Une fois arrivé sur place, le touriste doit pouvoir se déplacer
aisément. Il faut donc construire des « petits
trains », dont certains fonctionnent
même à l'électricité (quelle modernité !)
afin que nos touristes puissent accéder au moindre effort aux grands
sites 60.
Non content de mailler les zones touristiques de réseaux
secondaires (dont elles sont parfois, au moins en partie, actionnaires), les
grandes compagnies construisent des hôtels à la pointe de la
technologie de l'époque (eau courante, gaz,
électricité)61, et divers établissements
(restaurants, casinos...). Car nos stations touristiques se veulent tout
à la fois « vitrines mondaines » et
« vitrines technologiques ».
Plus fort encore, sous l'impulsion des compagnies, des
villes modernes (pour l'époque !) sortent de terre. Ainsi les
frères Pereire, de la Compagnie du Midi, lancent Arcachon, qui joue sur
deux tableaux : à la fois station balnéaire (l'été)
et climatique (l'hiver). Comme l'indique F. Caron : « Ce vaste projet
urbanistique s'inscrivait dans la stratégie globale de la Compagnie du
Midi »62.
Le tourisme se développe également à
une échelle internationale. Nous ne ferons que mentionner ici
les trains de luxe, utilisés par les plus fortunés pour rejoindre
leurs lieux de villégiature. L'Orient Express, inauguré par la
Compagnie des Wagons-lits63 du Belge NagelmacKers en constitue la
figure emblématique. La littérature ferroviaire abonde au sujet
de ces « grands trains » mais leur rapports avec nos « petits
trains » sont finalement assez ténus.
Pourquoi un tel « activisme » des compagnies
ferroviaires dans la promotion du tourisme ? Le transport ferroviaire «
sec » reste une activité difficilement rentable en
59 Cité par Caron (1997), p 601.
60 Nous reviendrons sur ces chemins de fer
touristiques d'accès aux grands sites, présents dans les zones
montagneuses, et qui constituent les ancêtres (parfois encore «
vivants ») des chemins de fer touristiques contemporains.
61 Exemple pour la compagnie du P.O et pour le
département du Cantal : un hôtel à Vic-sur-Cère et
un autre au Lioran.
62 Caron (1997), p 603.
63 Fondée en 1876, la Compagnie Internationale
des Wagons-lits ne tarde pas, elle aussi, à s'intéresser à
l'hôtellerie. Elle crée en 1894 la Compagnie des Grands
Hôtels, première chaîne hôtelière
internationale, « afin de pouvoir accueillir ses passagers dans des villes
terminus où, bien souvent, le plus élémentaire confort
fait défaut ». Voir Gasc (1994), p 26-27.
elle-même, par contre l'élargissement des
activités ferroviaires à l'hôtellerie, la restauration, la
promotion immobilière... constitue un véritable «
système touristique » bien plus lucratif
: non seulement les compagnies transportent davantage de passagers mais en plus
ces passagers restent « captifs » d'un ensemble ingénieux au
sein duquel ils consomment, quels que soient leurs moyens.
Ce système vit encore de nos jours. La SNCF possède
sa propre agence de voyages, Frantour. Et, nous verrons bientôt,
qu'à leur niveau, certes bien plus modeste, nos chemins de fer
touristiques essaient de développer buvette, ventes ambulantes,
boutiques de souvenirs... sur des clients eux aussi «captifs ».
Chapitre 4- Chemins de fer et espace
La sensibilité parfois vive des élus aux enjeux de
la desserte ferroviaire64 s'explique certes par l'importance du
chemin de fer dans le désenclavement des zones rurales et par le service
public que l'on est en droit d'attendre de lui : circulation par tous temps,
tarifs adaptés pour les publics réputés fragiles. Mais
à notre avis ceci n'explique pas tout : il doit rester dans les «
gênes » des souvenirs de l'époque où
l'arrivée du chemin de fer bouleversait l'espace rural : des
quartiers « de la gare » sortaient de terre dans les bourgades
desservies, parfois même des cités entières poussaient,
notamment sur les lieux des noeuds ferroviaires65. C'est que les
villes nées du rail possèdent souvent leurs dépôts,
qui emploient des dizaines voire des centaines de cheminots et accueillent des
milliers de voyageurs qui passent une heure, un jour, une nuit, sans oublier de
consommer et de générer des emplois locaux.
Effets économiques certes, mais également effets
urbanistiques : « buffet de la gare », « hôtel de la gare
» ou « terminus », « avenue de la gare » : quelle
ville desservie par le rail (par le passé ou encore maintenant) ne
possède pas ces
« structures », finalement aussi incontournables que la
mairie ou l'église ?
C'est pourquoi le retrait progressif du chemin de fer de
l'espace rural ne se concrétise pas uniquement par la fermeture des
lignes secondaires. Un autre aspect, bien moins médiatique,
résulte de la fermeture de gares petites ou moyennes qui jalonnaient
autrefois le parcours des voies ferrées. Quand il traverse encore nos
campagnes, le chemin de fer ne s'y arrête plus guère. Deux
exemples suffiront pour s'en convaincre :
64 Par exemple la mobilisation des élus en
Lozère, pour sauver la desserte ferroviaire de Mende.
65 Arvant, Capdenac, Laroche Migennes, Neussargues
pour n'en citer que quelques-unes.
-Les TGV ne font halte que dans les grandes villes. Quelquefois,
pourtant, des gares ont été construites en rase campagne. Ainsi,
au milieu des champs de betteraves, voici la gare TGV « Haute-Picardie
» qui permet aux Amiénois et autres habitants de la Somme de
rejoindre le réseau à grande vitesse. On n'y trouve pourtant
aucun « buffet de la gare » (il est « remplacé » par
des distributeurs automatiques), et a fortiori aucun « quartier de la gare
». La campagne alentour reste désespérément vide.
Où sont les effets induits ? Ironie suprême, le transfert vers
Amiens se fait par autocar, alors qu'une voie ferrée « classique
», se dirigeant justement vers la capitale picarde, passe à
proximité immédiate de la ligne TGV mais n'y est pas
raccordée.
-Lorsqu'il était jeune étudiant, il y a une
vingtaine d'années, l'auteur empruntait une ligne de montagne (Aurillac
- Neussargues) pour se rendre à Clermont-Ferrand. Entre ces deux gares,
sur la petite soixantaine de Kilomètres du parcours, le train
s'arrêtait dans huit gares intermédiaires. Maintenant, il ne
stoppe plus que dans trois gares intermédiaires. Les cinq autres sont
fermées, vendues à des particuliers.
Il ne s'agit pas ici de regretter (quoique !) l'époque
où les omnibus s'arrêtaient partout et mettaient parfois à
rude épreuve la patience de ceux qui voyageaient de bout en bout de la
ligne. Il s'agit plutôt de constater que l'effet d'induction du
rail sur l'économie locale a fortement régressé.
Nous l'avons déjà dit, l'activité ferroviaire n'est pas
rentable en elle-même (ou si peu) mais elle le devient si l'exploitant
intègre en son sein une part des activités induites par les flux
(hôtellerie, restauration...). Le fait pour la SNCF de tourner le dos
à ces effets induits aboutit à une dégradation de la
rentabilité des activités ferroviaires, qui dans une
spirale « dépressive » contribue à hâter
la fermeture des lignes secondaires de moins en moins rentables66.
Nous verrons plus loin que les chemins de fer touristiques67 doivent
en quelque sorte reconstruire ces externalités pour, d'une part, amener
la rentabilité à un niveau acceptable et, d'autre part,
générer à nouveau un minimum d'effets positifs sur
l'économie locale.
66 Sans faire de jugement de valeur et sans vouloir
polémiquer, nous rajouterons que la SNCF cumulant un mode d'exploitation
coûteux et des frais de personnel élevés, son seuil de
rentabilité se fixe à un niveau élevé de trafic, ce
qui exclut de fait toute rentabilisation des lignes secondaires, et les
condamne à un abandon progressif. Même lorsque ces lignes sont
soutenues par les collectivités territoriales, la facture s'avère
élevée, puisque c'est toujours la SNCF qui exploite. La tentation
est parfois grande pour les collectivités de mettre fin au soutien
apporté au transport par rail.
67 Plus spécialement dans notre typologie : les
chemins de fer touristiques d'animation locale.
Conclusion - Une innovation qui fait son chemin ...de
fer
Natif du 1 9ème siècle sous sa forme
actuelle, le chemin de fer, grand ou petit, fait preuve une capacité
fascinante à dépasser résistances et obstacles, qu'ils
soient d'ordre technique ou d'ordre humain. Il possède potentiellement
une force structurante susceptible de modeler en profondeur non seulement son
environnement immédiat mais également les modes de vie des
populations. Les remises en causes dont il a fait l'objet, si elles ont parfois
causé son déclin, n'ont pas brisé son élan. Son
histoire est jalonnée d'une longue suite d'innovations. Et c'est
justement le propre des innovations de générer à la fois
résistances et conflits, pour les dépasser
ensuite68.
68 Le lecteur intéressé par les conflits
générés par les innovations pourra se reporter utilement
à Bouneau, Jung (2006).
Troisième parti
Le cadre de /'activité ferroviair
Troisième partie - Le cadre de l'activité
ferroviaire
Introduction - Un cadre pour un
tableau
Après avoir évoqué brièvement
l'histoire du chemin de fer intéressons-nous maintenant au cadre
à la fois technique et règlementaire dans lequel évoluent
les
« petits trains ». Certaines notions présentes
dans cette partie seront familières aux spécialistes du domaine.
Mais il nous faut cependant les préciser pour les néophytes : la
bonne compréhension des développements ultérieurs de notre
étude est à ce prix.
Chapitre 1- L'écartement des voies, des
différences... de taille
Par écartement des voies, il faut entendre « la
distance entre les bords intérieurs des rails »69.
Depuis l'origine des réseaux de nombreux écartements ont
coexisté. L'écartement de 1,44 m70 est dit
écartement standard ou « voie normale ».
C'est l'écartement le plus utilisé dans le monde. On le trouve en
Europe : en France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, ainsi qu'en Amérique
du Nord. Les écartements strictement supérieurs à 1,44 m
sont nommés « voie large ». Ils sont communs
en Russie, en Espagne, au Portugal, en Irlande. Ils n'existent pas en France.
Les écartements d'un mètre sont appelés «
voie métrique ». Les écartements strictement
inférieurs à un mètre sont dits « voie
étroite » (ou submétrique). Il en
existe de nombreuses variantes. Dans l'Hexagone, on trouvera surtout la voie de
60 (60 cm), plus rarement les voies de 70 (70 cm), de 50 (50 cm), de 40 (40
cm) 71 ou de
38 (381 mm).
Historiquement, la voie large est employée
à deux fins : soit pour assurer la protection d'un pays (par exemple
l'Espagne voulant se protéger de la France a adopté au 1
9ème siècle un écartement
légèrement plus large), soit pour assurer une meilleure
stabilité des trains ainsi qu'un meilleur confort. Car plus la voie est
large, plus les voitures peuvent être larges, spacieuses, et plus les
trains peuvent circuler à une vitesse élevée. En ce sens,
l'exemple du réseau de la Great Western Railways (GWR) en
Grande-Bretagne, est édifiant. Construit sous la direction du
célèbre
69 Lamming (2005), définition de l' «
écartement de voie », p 247.
70 1435 mm pour être exact.
71 Les écartements de 60, 50 et 40 cm sont dits
« Decauville » en référence au fabricant
français de matériel ferroviaire du même nom.
ingénieur Marc Isambard Kingdom Brunel72 ce
réseau à l'écartement de 2100 mm ne survit pas à la
« normalisation » des voies. Et pourtant : à une époque
où la vitesse maximale n'est que de 75 à 80 Km/h, ses trains d'un
gabarit impressionnant roulent à plus de 100 Km/h. Ils atteignent
couramment dès 1846 plus de 120 Km/h en vitesse de pointe, et 130 Km/h
en 1853 ! 73
Procédant d'une logique opposée aux voies
larges, les voies étroite et métrique sont mises en
oeuvre pour des raisons d'économie, de rapidité et de
facilité d'installation. Leurs principaux inconvénients vont
croissant avec leur étroitesse : gabarits réduits, vitesses
limitées. Il faut toutefois se garder d'une certaine condescendance
vis-à-vis de ces voies métriques ou étroites. Certains
pays exploitent des réseaux métriques de façon
remarquable. Ainsi, le réseau de l'Afrique du Sud, en voie de 1069 mm
(le « métrique » anglo-saxon), peut s'enorgueillir de
transporter quotidiennement des trains de minerai de 20.000 tonnes, et d'un
record de vitesse de 260 Km/h74.
Pour la compagnie de chemin de fer d'autrefois, comme pour
l'exploitant de chemin de fer touristique d'aujourd'hui,
l'écartement détermine dans une large mesure les coûts
d'établissement, d'entretien des infrastructures et
d'exploitation. Une voie de 60 peut assez aisément être
construite ex nihilo et se passer de subventions. En revanche, la
reconstruction d'une voie normale et son exploitation nécessitent des
investissements et un soutien bien plus lourds.
Chapitre 2 - Le matériel roulant
Les matériels roulants utilisés sont fondamentaux
à de multiples points de vue. Ils déterminent l'attrait potentiel
d'un « petit train » : par exemple un chemin de fer touristique
possédant une locomotive à vapeur sera plus attractif qu'un autre
n'en possédant pas. Ils comportent leurs propres contraintes
d'exploitation. Enfin, il faut compter avec leurs coûts d'achat,
d'exploitation et de réparation.
72 Cet ingénieur visionnaire avait un penchant
marqué pour le gigantisme. Il est le concepteur du « Great Western
» et du « Great Eastern », paquebots géants mus par la
force de la vapeur.
73 Lamming (1989), encadré p 56.
74 Voir Freeman Allen (1981), p 200.
1- Les locomotives à vapeur
A- Une forte symbolique
|
B-
|
|
Les locomotives à vapeur font figure
d' « incontournable objet d'une exploitation
touristique du chemin de fer »75 .
Elles constituent un des symboles de la première révolution
industrielle. Aux yeux des amateurs ferroviaires, la locomotive à vapeur
possède un attrait, une
« magie » serait-on tenté de dire, qu'aucun
autre matériel roulant ne parvient à égaler. Faut-il y
voir une nostalgie des trains d'enfance, la réminiscence de luttes
sociales, le rôle que lui attribuent les
cinéastes76ou bien l'atmosphère toute
particulière qu'elle dégage : des bruits, des odeurs qui laissent
à penser qu'elle est vivante, et que l'homme par sa science a
réussi à la dompter ? Il y a peut-être un peu de tout
cela.
|
Photo 1 : locomotive Decauville pour voie de 60.
Cliché D. Blondin,
APPEVA.
|
|
C- La numérotation : des chiffres et des
lettres
En France, les locomotives à vapeur sont
désignées par un nombre à trois chiffres, suivi d'une ou
plusieurs lettres, et enfin d'un numéro. Par exemple : 141 R
112677. Les trois premiers chiffres désignent la disposition
des essieux :
-le premier indique le nombre d'essieux porteurs à l'avant
(petites roues)
-le deuxième le nombre d'essieux moteurs au milieu
(grandes roues reliées par des bielles)
-le troisième le nombre d'essieux porteurs à
l'arrière (petites roues)
Certaines dispositions d'essieux ont donné des surnoms aux
locomotives. Ainsi, une 231 s'appelle une « Pacific ». Quant à
notre 141 R 1126, c'est une « MiKado »78
La (ou les) lettre indique le type de locomotive : il y en a
plusieurs par disposition d'essieux. Les derniers chiffres indiquent le
numéro d'ordre dans la série.
75 Gasc (1995), p 22.
76 Voir infra, Sixième partie,
Chapitre 4 pour les liens entre chemins de fer touristiques et
cinéma.
77 Locomotive préservée par
l'association ACPR 1126 à la gare de Toulouse-Matabiau.
78 Pour plus de détails concernant les différents
surnoms, voir Lamming (2005), p 467.
C- Une mise en service longue et
coûteuse
Pour un chemin de fer touristique, la mise en service d'une
locomotive à vapeur s'avère longue et coûteuse. D'abord il
faut la trouver. Ensuite la restaurer. Ces deux étapes constituent
déjà un véritable parcours du combattant,
surtout de nos jours où le matériel disponible est devenu rare et
où les prix ont fortement augmenté79.
Une fois la machine restaurée, sa chaudière doit
être agréée au niveau de pression adéquat, c'est ce
qu'on appelle le timbre, du nom de l'étiquette
apposée sur la chaudière spécifiant la pression maximale
admissible ainsi que la date limite. De nos jours c'est l'APAVE qui s'en
charge. Chaque année, une inspection est nécessaire. Tous les dix
ans, la chaudière est extraite de la machine80, mise en
pression à quelques bars au-dessus du timbre afin de vérifier son
étanchéité. C'est la révision décennale. En
cas de succès, le timbre est renouvelé, on dit que la
chaudière est « retimbrée » pour dix années
supplémentaires. En cas d'échec, des travaux, voire une
réfection complète s'avèrent nécessaires. Un coup
dur pour l'exploitant car coûts et délais sont importants. Il
n'est pas rare de trouver, dans les remises des associations, des locomotives
à vapeur qui n'ont pu être retimbrées et qui restent
immobiles, attendant parfois de longues années une réparation que
le propriétaire (l'association, parfois aussi un particulier) ne pourra
probablement jamais se payer ! Un diagnostic intermédiaire est
également possible : le retimbrage, mais à une pression
inférieure. Ce pis-aller limite l'autonomie de la locomotive à
vapeur en ligne et constitue un handicap pour l'exploitation.
D- Les exigences de l'exploitation
Imaginons notre locomotive à vapeur en état et
agréée, il reste à trouver un combustible
adapté : du charbon de bonne qualité, riche en carbone,
spécifique à chaque type de machine81. Chaque
modèle a sa variété de charbon idéal, fonction
entre autres de la taille du foyer. Ne pas respecter ces impératifs
aboutit dans le meilleur des cas à une perte de puissance gênante,
sinon à des problèmes de maintenance.
Trouver de l'eau en grandes quantités
représente aussi une difficulté. Les « petits trains »
qui arpentent toujours la même ligne prévoient des réserves
ou bien
79 Voir infra, Sixième Partie,
Chapitres 1 et 2.
80 Sauf pour les « grosses » locomotives
à vapeur (voie normale), où la chaudière n'est pas
extraite et où la périodicité peut être
supérieure (15 ans par exemple pour la 141 R 1126).
81 Quelques locomotives à vapeur, relativement
peu nombreuses dans les exploitations touristiques, sont chauffées au
fioul (certaines 141 R notamment)
utilisent les sources d'approvisionnement (canal,
rivière...) présentes tout au long du parcours. Par contre, dans
le cas de machines suivant des itinéraires variables, c'est plus
compliqué : les gares de nos jours ne disposent plus du matériel
adapté (château d'eau, grue hydraulique) et ce sont les bouches
à incendie ou même les
sapeurs-pompiers qui sont mis à contribution. Sans compter
les (parfois) indispensables traitements chimiques de l'eau pour éviter
un encrassage de la chaudière.
Les consommations en huile, eau et charbon d'une
locomotive à vapeur sont impressionnantes : le
tableau ci-dessous nous en donne une idée sur la base de locomotives en
voie normale.
Tableau 2 : consommations des locomotives à
vapeur à voie normale
CONSOMMATIONS
|
Locomotive 140 C
|
Locomotive 141 R
|
Charbon - Kg par allumage
|
1.500
|
1.500
|
Charbon - Kg au Km
|
17
|
27
|
Eau - litres au Km
|
180
|
250
|
Huile - Kg par Km
|
0,5
|
0,5
|
Huile - Kg par jour de marche
|
3
|
3
|
Source : d'après Gasc (1994), tableau 3 p 49.
Logiquement, les locomotives en voie métrique ou
étroite consomment moins. Mais les ordres de grandeur restent
comparables. Le responsable d'une exploitation en voie de 60 m'a indiqué
une consommation de charbon de 10 Kg au Km. Quand même !
Lorsque la machine est en état de marche,
agréée, approvisionnée, il faut compter plusieurs
heures de chauffe avant le moindre tour de roues (4-5 heures par
exemple pour une locomotive en voie de 60)82. Son exploitation doit
être en conséquence prévue à l'avance. Si elle est
en renfort, autrement dit prête à intervenir au cas où
82 Mais plus de 24 heures pour une « grosse
» locomotive à chauffe au fioul. En effet, il faut d'abord porter
le fioul à la température de 60-80°C pour qu'il s'enflamme,
puis assurer la montée en pression de la chaudière.
une autre locomotive serait défaillante, elle doit
être maintenue en pression. A comparer avec le diesel qui démarre
au quart de tour et est disponible immédiatement pour un
dépannage quelconque. Pour noircir encore le tableau, deux
agents (un mécanicien et un chauffeur) sont nécessaires
à l'opération d'une locomotive à vapeur (contre un agent
pour un diesel).
Pour toutes ces raisons, l'exploitation d'une locomotive
à vapeur revient 3 à 4 fois plus cher que celle d'un
diesel.
E- Une grande variété de
modèles
On trouve sur les chemins de fer touristiques
pléthore de modèles différents de locomotives.
Aussi nombreux que les fournisseurs qui ont approvisionné jadis les
réseaux ferrés. Aussi variés que les occasions d'achat qui
se sont présentées aux amateurs ferroviaires au fil des ans. Nous
citerons : Decauville, Schneider, Cail, Blanc et Misseron, Couillet,
Corpet-Louvet, Fives-Lille, Orenstein et Koppel... Cette diversité
pose des problèmes de maintenance, car les
pièces de rechange doivent être réalisées
sur-mesure, et non en série. Pour compliquer encore l'affaire, les
compétences pour assurer la maintenance des locomotives
à vapeur se font rares :
la SNCF n'a plus la pratique de tels engins83 et les
cheminots qui les ont utilisés sont maintenant des retraités
âgés.
2- Les motrices électriques
La traction électrique est d'une grande souplesse
d'utilisation : disponibilité immédiate, bonne
accélération, aptitude aux fortes pentes, fiabilité. Elle
confère à l'équipe de conduite un confort
inégalé. En contrepartie, elle suppose une infrastructure
lourde pour son approvisionnement : production et acheminement
d'électricité, caténaire. Malgré tout, ses
avantages évidents l'on faite utiliser précocement dans un
certain nombre de cas, notamment en montagne84 et en ville
85. Ainsi la majorité des chemins de fer
touristiques d'accès aux grands sites utilisent la traction
électrique (Chemin de fer du Montenvers - Mer de Glace, Tramway du
Mont-Blanc, Petit train de la Rhune). Egalement alimentés par la «
fée
83 Les locomotives à vapeur ont
été retirées du service par la SNCF au début des
années 1970.
84 Dans les Alpes et les Pyrénées, lors
de la deuxième révolution industrielle, la houille blanche rend
possible l'électrification des voies ferrées, au même titre
qu'elle favorise une forme d'industrialisation douce basée sur l'emploi
de l'électricité dans les usines.
85 Le premier tramway électrique français circule
à Clermont-Ferrand dès 1890.
électricité » : le chemin de fer de la
Mûre, à caractère montagnard affirmé, ainsi que le
tramway touristique de l'AMITRAM qui circule en zone périurbaine.
Enfin, quelques locomotives électriques ont
été sauvegardées par des amateurs ; elles circulent
épisodiquement sur les voies à la tête de trains
spéciaux.
3- Les autorails
L'autorail est une « voiture automotrice sur rails pour le
transport des voyageurs et dont la propulsion est assurée par un moteur
à combustion interne »86.
A- Des liens évidents avec le secteur
automobile
L'autorail est, au même titre que l'automobile,
issu de la deuxième révolution industrielle. Pour
preuve, les premiers constructeurs d'autorail, Renault, Michelin, Bugatti,
Berliet sont aussi des protagonistes du secteur automobile. Il semble que le
développement et la maîtrise progressive du moteur à
combustion interne ait permis à ces entreprises de sauter le pas
facilement de la route au rail, pour finalement ne plus se consacrer
qu'à la route. Toutefois, des autorails Renault ont circulé sur
les lignes secondaires de France jusque dans les années
197087.
B- Un vecteur de modernité
L'autorail possède par rapport à la locomotive
à vapeur des avantages importants, et même
décisifs dans une période où la route mène
une rude concurrence au rail. L'autorail ouvre aux compagnies ferroviaires des
perspectives nouvelles :
-la séparation totale des trafics marchandise et voyageur.
C'est la suppression des trains mixtes88 peu appréciés
par les voyageurs
-des gains de temps et de vitesse (dans un rapport de 2 à
1), notamment sur les lignes à profil difficile
-des accélérations importantes. Sur des liaisons de
type omnibus, aux arrêts nombreux, cette capacité lui permet
d'améliorer franchement les temps de parcours par rapport à la
traction vapeur
86 Lamming (2005), p 180. Aujourd'hui, le terme d'automoteur est
désormais employé par la SNCF.
87 L'auteur en a régulièrement
utilisé dans sa prime jeunesse.
88 Un train mixte se compose à la fois de
voitures (pour les voyageurs) et de wagons (pour les marchandises). Comme un
train de marchandises, il collecte des wagons sur son trajet, d'où une
lenteur extrême.
-sa conduite ne nécessite qu'un seul agent (contre deux
pour une locomotive à vapeur)
-son utilisation rend superflue toute l'infrastructure des
châteaux d'eau, grues hydrauliques et approvisionnements en charbon.
Ainsi, le prix de revient du Kilomètre
représente une économie de 50 à 60 % par rapport
à la traction vapeur, et ce malgré les prix très
élevés des produits pétroliers. « L'économie
était énorme et certains la pensaient salvatrice » affirme
Yves Machefert-Tassi n89.
L'autorail offre d'emblée un confort
moderne, comme le note J. Bazin, grand voyageur sur les petits
réseaux dans les années 1950 et 1960 : « Sur de nombreux
réseaux français à voie métrique, les autorails
Billard ont apporté en leur temps une amélioration
appréciable des services offerts aux voyageurs »90.
D'ailleurs, ceux-ci ne s'y trompent pas : la mise en service des autorails
apporte quelquefois des augmentations spectaculaires du trafic : par exemple +
314% sur la ligne
Toulon Saint-Raphaêl91.
C- Une bouffée d'oxygène pour les petits
réseaux
Vecteur de modernité, l'autorail se diffuse rapidement, un
peu partout, mais avec une prédilection pour les relations secondaires.
Les constructeurs se multiplient : aux Michelin, Bugatti, Renault des
débuts se joignent une série de petits
constructeurs dont on retrouve encore aujourd'hui les matériels
préservés sur les chemins de fer touristiques: Billard, De Dion
Bouton, Verney, pour n'en citer que quelques-uns.
Les atouts de l'autorail apportent à la SNCF comme aux
petits réseaux une bouffée d'oxygène. Ils permettent dans
certains cas de se rapprocher d'une exploitation de type
autobus.
Ainsi, à propos des autorails des CDJR (County Donegal
Joint Railways) irlandais, réseau à voie de 904 mm: « ces
petits véhicules très économiques à moteur diesel
ont contribué, pendant longtemps, un peu partout dans le monde, à
la survie de petites compagnies de chemin de fer pour lesquelles un crampon de
rail représentait un gros investissement » 92
89 Machefert-Tassin (2001), p 173. L'estimation de
l'économie réalisée est donnée pour l'année
1939.
90 Bazin (1997), p 184.
91 Machefert-Tassin (2001), p 173.
92 Hollingsworth, CooK (1984), p 58-59.
J. Bazin souligne, à propos de la ligne de Lozère
Sainte-Cécile d'Andorge - Florac (voie métrique) exploité
par les CFD (Chemins de Fer Départementaux) : « Avec ses autorails
De Dion Bouton type ND unidirectionnels et ses remorques à bagages,
l'exploitation de la ligne de Lozère s'apparentait d'une certaine
manière à celle des autocars » 93 Un peu plus
loin: « Durant sa dernière décennie d'exploitation, le
réseau du Tarn a fait un grand usage d'autorails Billard » 94.
Avant, pour les plus chanceux d'entre eux, de se retrouver
sauvegardés par les amateurs ferroviaires, les autorails
connaissent des carrières pour le moins
mouvementées au fur et à mesure que les petits
réseaux ferment. Révélatrice (mais il y en a d'autres tout
aussi agitées), celle du « Billard A 150 D6 ex- Ile et Vilaine puis
n°26 Pas-de-Calais, qui va devenir n°524 sur le réseau du Tarn
avant d'achever en Corse sa carrière tumultueuse » 95.
Le fait qu'on s'arrache les petits autorails à mesure que
ferment les lignes secondaires révèle leur remarquable
adaptation aux besoins des exploitants comme de la clientèle.
Mais ces qualités, si elles prolongent la durée de vie des
réseaux utilisateurs, n'empêchent pas, au final, leur disparition.
Les autorails n'apportent qu'un sursis.
D- Des matériels prisés par les chemins de
fer touristiques
Aujourd'hui, même si les autorails ne sont pas vraiment un
« must » par rapport aux locomotives à vapeur, ils
sont largement utilisés par de nombreux chemins de fer
touristiques . Soit comme alternative économique
à la vapeur, sur les périodes moins
fréquentées (avant et arrière-saisons, jours de semaine
à faible affluence) pour les exploitants qui possèdent une ou
plusieurs locomotives à vapeur, soit comme véhicule de
ré férence pour ceux qui n'en possèdent pas.
Ainsi, dans le premier cas, le TTGM (Train Touristique Guîtres-Marcenais)
propose des voyages soit en train à vapeur, soit en autorail, avec un
tarif plus élevé pour le train à vapeur.
Représentatifs du second cas : le « Gentiane Express
» (de l'Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne), le TTVL (Train
Touristique de la Vallée du Loir), l'ATM (Autorail Touristique du
Minervois).
93 Bazin (1997), p 92.
94 Idem, p 119.
95 Ibid, p 119.
Photo 2: autorail « Picasso
». Cliché E. Drouard.
Parmi les matériels les plus appréciés, nous
citerons pour la voie normale les autorails « Picasso »,
X 2400, X 280096, les RGP97, les
«panoramiques ». Pour la voie métrique les Billard, Verney ou
De Dion Bouton. L'emploi de l'autorail ne pose pas de grand problème
technique : sa propulsion par moteur diesel98 rend sa
maintenance assez facile.
4- Les locomotives et locotracteurs diesel
Les premiers locotracteurs apparaissent pendant la guerre de
14-18. Ils servent à la desserte des chemins de fer militaires
établis en voie de 60 ou de 50 à proximité du front. Ils
possèdent en effet deux énormes avantages pour les
belligérants : ils ne génèrent ni lueur, ni
fumée (ou si peu comparé aux locomotives à vapeur), et
sont donc relativement indétectables99.
Malgré les bons résultats obtenus durant la Grande
Guerre, les réseaux secondaires les boudent,
hésitant à remplacer leurs locomotives à vapeur.
Innovations et essais se concentrent sur les autorails (voir supra),
et non sur la substitution des locotracteurs aux locomotives à
vapeur100.
Ainsi, la diésélisation est non seulement «
chaotique, faute d'une force industrielle intéressée et
disponible »101 mais également tardive. Certes, les
ateliers des compagnies transforment bien quelques locomotives à vapeur
en locotracteurs en posant carrosseries et mécaniques sur des
châssis embiellés. Mais il faut attendre la fin de la
Seconde Guerre mondiale pour disposer des surplus de l'armée
américaine (locotracteurs General Electric notamment), et les
années 1950 - 1960 pour
96 Surnommés les « Bleus d'Auvergne », du fait
de leur livrée bleue et blanche et de leur utilisation jadis intensive
sur les lignes difficiles du Massif Central.
97 Rames à Grand Parcours, alias « Lézards
verts » pour la version antérieure à leur modernisation.
98 Les premiers autorails étaient
propulsés par moteur à essence mais le diesel a rapidement
prouvé sa supériorité.
99 Machefert-Tassin (2001), p 157.
100 Idem, p 157
101 Ricaud, Royer (2002), p 185
disposer d'engins à la fois puissants et
équilibrés (diesels-électriques Brissonneau et
Lotz, diesels hydromécaniques de l'atelier CFD de Montmirail). Il est
déjà trop tard pour les réseaux d'intérêt
local.
|
Loin du romantisme de la traction vapeur, les locomotives et
locotracteurs diesel sont largement
utilisés par les chemins de fer
touristiques. Leur robustesse, leur fiabilité, leurs faibles
coûts d'exploitation en font des auxiliaires
précieux. De la locomotive diesel électrique à
voie normale de 2400 CV au locotracteur de 50 CV circulant sur voie de 60,
on
|
Photo 3 : locotracteur Deutz. Cliché : Train
du Bas-Berry.
|
trouve à peu près toute la gamme des puissances et
une belle brochette de fabricants : Billard (encore lui !), Brissonneau et
Lotz, Crochat, Deutz, Diema, Fauvet-Girel, General Electric, Gmeinder, Moyse,
O&K, Whitcomb, pour n'en citer que quelques-uns. Pour le folKlore, certains
locotracteurs sont déguisés en locomotives à vapeur mais
en fait il s'agit bien d'authentiques diesels. Les non initiés n'y
voient que du feu.
5- Les draisines
Les draisines sont à l'origine des véhicules
utilisés par les cheminots pour accéder aux chantiers de voie.
Rachetées à la SNCF et remaniées, elles tirent par exemple
les trains de touristes du PGVS (Pointe de Grave - le Verdon - Soulac) et du
TTA (Train Touristique de l'Albret). Devant le manque de matériel
disponible, elles sont parfois récupérées,
démotorisées et réaménagées pour constituer
des rames voyageurs (Chemin de Fer du Haut Quercy). Ailleurs, elles assurent
les fonctions classiques d'entretien et de maintenance des réseaux.
6- Les vélorails
Les vélorails et cyclo-draisines, adaptation du
vélo au rail, sont une catégorie à part, puisque c'est le
visiteur qui en assure lui-même la propulsion... en pédalant. Ils
présentent divers avantages : convivialité, coût
modéré, et constituent une bonne solution d'attente pour
une infrastructure ferroviaire avant sa reconversion en chemin de fer
touristique...ou en voie verte. Mais on a vu le mouvement inverse : la
transformation d'un train touristique à un
vélorail102. Les vélorails ont tendance à
proliférer depuis une quinzaine d'années. On en dénombre
une bonne vingtaine en France. Il existe quelques fabricants de
vélorails, structures artisanales.
7- Les voitures et les wagons103
A l'exception des réseaux utilisant exclusivement des
autorails, les chemins de fer touristiques possèdent des voitures ou des
wagons. On trouve ainsi sur nos « petits trains » une grande
variété de voitures. Parmi les plus populaires:
-les baladeuses, voitures
ouvertes sur les côtés mais couvertes, typiques des trains
touristiques circulant sur les voies étroites
-des voitures en bois à portières
latérales. Construites au début du siècle
précédent, seul leur châssis est en acier. Ce qui autorise
remaniements voire reconstructions par des amateurs de menuiserie
-des voitures métalliques qui vont des
plus rustiques (par exemple les « boîtes à tonnerre
»104) au plus luxueuses (voitures de luxe de la Compagne
Internationale des Wagons-lits, voitures type « Mistral » ou
TEE105)
Voitures et wagons ont des vies mouvementées. Les cas
de transformation de wagon en voiture, et même l'opération
inverse, au gré des besoins des « petits trains »
sont légion : rappelons que les caisses en bois permettent ces
métamorphoses ! De même nous relevons une activité
certaine de prêts, d'échanges , d'achats, de reventes de
matériel entre réseaux. La Suisse, de par le nombre
élevé de petits réseaux qu'elle possède, constitue
encore une mine de matériels roulants d'occasion, mis sur le
marché chaque fois qu'un exploitant modernise son parc roulant.
102 Le Chemin de Fer Touristique de la Suisse
Normande, transformé en vélorail.
103 Les voitures sont destinées au transport
des voyageurs ; les wagons à celui des marchandises.
104 Surnommées ainsi en référence au bruit
peu discret qu'elles font en roulant.
105 Trans Europ Express. Réseau européen
de trains rapides de 1 ère classe mis en service en 1957 entre
différentes villes d'Europe.
On peut se demander pourquoi les chemins de fer touristiques qui
transportent des visiteurs et non des marchandises ont besoin de
posséder des wagons. Il y a deux grandes raisons à cela :
-tous les chemins de fer touristiques doivent constituer des
trains de travaux pour entretenir leur infrastructure
-certains chemins de fer touristiques, soucieux de reconstituer
les atmosphères des petits réseaux de jadis, font de temps
à autre circuler des trains de marchandises pour le plaisir des
visiteurs et des photographes.
Chapitre 3- L'enjeu de la sécurité
1- Un enjeu fort pour un moyen de transport
sûr
Les questions de sécurité font une entrée
précoce et malvenue sur la scène ferroviaire dès la
première journée du premier « vrai » chemin de fer
Liverpool - Manchester. En effet, ce jour historique est endeuillé par
un accident mortel. Autant dire que la sensibilité des exploitants comme
des législateurs vis-à-vis des enjeux de sécurité
n'est pas nouvelle.
Les accidents de chemin de fer marquent les mémoires par
leur aspect souvent spectaculaire : les chiffres des tués et des
blessés sont impressionnants, vu le nombre des personnes
transportées. Mais le tapage fait pas les médias autour des
accidents ferroviaires ne doit pas occulter un fait fondamental : le train
est un moyen de transport extrêmement sûr1 06.
On peut parler, chez les exploitants ferroviaires,
d'une « culture de la
sécurité ». La
sécurité des personnes est au centre des préoccupations.
Cela suppose en interne des formations adéquates, l'observation de
procédures strictes, des dispositifs de protection adaptés (par
exemple un règlement intérieur), des contrôles et des
sanctions.
106 Par rapport au train, les risques de blessures
sont : 1,4 fois plus élevés en avion - 5,4 fois plus
élevés en autocar - 31,1 fois plus élevés en
voiture. D'après WWF, DR, DB (s.d.), p 17.
2- Le freinage et la gestion du trafic
Un train consomme environ quatre fois moins d'énergie que
l'automobile au Kilomètre. Cela provient du fait que le roulement d'une
roue en acier sur un rail en acier est bien plus aisé que celui d'une
roue en caoutchouc sur une route goudronnée. Les frottements sont
moindres. Cette médaille a son revers : le freinage d'un train est bien
plus long que celui d'une véhicule routier. Il faut un bon
Kilomètre pour arrêter un train lancé à 100 Km/h.
La formule : e=1 /2 mV2 est bien connue. L'énergie
cinétique est égale à la moitié du produit de la
masse par le carré de la vitesse. Elle représente
l'énergie acquise par un train en marche. Quand la vitesse d'un train
double, son énergie cinétique quadruple. Autrement dit, pour
arrêter un train qui roule à 100 Km/h, il ne faut pas freiner deux
fois plus que pour un train qui roule à 50 Km/h, mais quatre fois
plus.
Il existe divers dispositifs de freinage, différents
selon les époques et les caractéristiques des matériels.
Nous ne les exposerons pas ici. Toutefois, il est important de comprendre que
même un train touristique circulant à 20 Km/h ne s'arrête
pas immédiatement. En conséquence la conduite d'un train
ne se fait pas seulement « à vue
» mais bien en anticipant les difficultés et dangers
éventuels. La signalisation ferroviaire apporte une aide
essentielle.
De même, le profil en long (voir Annexe 3) offre à
l'équipe de conduite une première approche la ligne parcourue.
Elle indique notamment les déclivités, pour préparer les
efforts de traction et de freinage à mettre en oeuvre. Et pour
éviter de « planter un choux »107 quand on tracte
à la vapeur.
3- Les chemins de fer touristiques, à la fois
mieux et moins bien placés
Les chemins de fer touristiques n'échappent pas à
ces problématiques de sécurité. Par rapport aux
exploitants ferroviaires classiques, ils sont à la fois en meilleure et
en moins bonne posture. En meilleure posture, car avec des trafics
faibles, des vitesses peu
élevées108, les freinages peuvent sembler
faciles et les collisions impossibles En moins bonne posture, car il roulent
avec du matériel ancien (et donc parfois à bout
de souffle) sur des infrastructures ferroviaires relativement
dégradées.
107 La locomotive ne produit plus assez de vapeur,
elle s'arrête en ligne. Humiliant pour l'équipe de conduite !
108 Dans la plupart des cas entre 10 et 30 Km/h.
Aussi, deux dangers guettent nos chemins de fer
touristiques :
-les réparations à la va-vite et/ou à
l'économie, en l'absence d'une gestion technique prévisionnelle
suffisamment rigoureuse
-le « bricolage », c'est-à-dire des
constructions, reconstructions, transformations successives de matériels
roulants faites par des amateurs avec des techniques d'amateurs. Autrement dit
sans respect des règles de l'art de l'industrie
ferroviaire109
Chapitre 4 - Délégation de service public
et régie
Il n'est ni dans le propos de cette étude, ni dans les
compétences de son auteur de détailler ou d'expliquer les
montages juridiques existants, mais il est de notre devoir d'en dire cependant
un mot. Dès les origines, les caractères spécifiques du
transport ferroviaire (notamment les coûts élevés des
infrastructures, l'importance du service public, leur rôle
économique structurant) ont largement sollicité l'imagination des
juristes. Les situations juridiques diverses qui existent
découlent des différents partages de responsabilités entre
les opérateurs ferroviaires et l'Etat ou les collectivités
territoriales.
Odile Piquet-Marchal résume avec justesse des
situations souvent complexes et, de
surcroît évolutives au fil du
temps, en lien avec l'évolution des pratiques et de la
règlementation : « L'établissement d'une voie ferrée
nécessite, soit une occupation de la voie publique, soit l'acquisition
de terrains par voie d'expropriation, qui sont des actes de la puissance
publique. L'exploitation d'un chemin de fer est un service public. L'Etat, le
département ou les communes peuvent, soit exercer eux-mêmes le
droit de construction et d'exploitation, soit le déléguer par
voie de concession à un particulier ou à une
société qui, dans la limite de cette concession, se trouve
investi du pouvoir de l'autorité publique concédante. Il est
d'ailleurs possible d'adopter des solutions différentes pour la
construction et pour l'exploitation et de confier à une
société, dite société fermière, la gestion
des voies ferrées dont l'établissement a été
réalisé sans son intervention»110.
109 Ce danger concerne au premier chef les
exploitations à voie étroite.
110 Piquet-Marchal (1964), p 104.
La délégation de service
public111 constitue de nos jours le régime
le plus répandu de gestion déléguée des services
publics. Elle se distingue du contrat d'exploitation par son mode de
rémunération. En effet, celle-ci est assurée, en tout ou
partie, par l'usager. La rémunération du
délégataire est liée, au moins en partie, aux
résultats de l'exploitation. Cette délégation de service
public peut prendre plusieurs formes :
affermage, concession ou bien régie
intéressée.
La forme la plus classique de la délégation de
service public est la concession, « un contrat par lequel un
entrepreneur s'engage à exécuter un travail destiné au
public et obtient l'autorisation de s'en rémunérer à son
profit en percevant des taxes »112. Les communes et les
groupements de communes font souvent appel à la concession pour la
gestion des services d'eau potable et d'assainissement. Le concessionnaire
prend en charge non seulement les frais d'exploitation et d'entretien courant,
mais également des investissements. Le concessionnaire se
rémunère directement auprès de l'usager par un prix
fixé dans le contrat de concession. Dans ce type de contrat, la
collectivité délégataire est souvent dégagée
de toute charge financière d'investissement. En contrepartie, elle
accepte une durée de concession longue113.
Le contrat d'affermage diffère de la
concession par le fait que les investissements sont pris en charge par la
collectivité, et non par le délégataire (ce dernier
collecte alors pour la collectivité une part du tarif et la lui
rétrocède).
Dans la régie intéressée, le
délégataire voit son rôle encore réduit : la
collectivité conserve la responsabilité financière de
l'exploitation ainsi qu'un droit de regard important sur la gestion du
service.
Si elle ne veut pas procéder à une
délégation de service public, la collectivité peut
opter pour une gestion directe du service. On parle alors d'une gestion
en régie114.
111 Informations reprises sur les pages
WiKipédia :
http://fr.wiKipedia.org/wiKi/D%C3%A9l%C3%A9gation_de_service_public
pour la délégation de service public,
http://fr.wiKipedia.org/wiKi/Affermage
pour l'affermage,
http://fr.wiKipedia.org/wiKi/Concession_de_service_public
pour la concession,
http://fr.wiKipedia.org/wiKi/R%C3%A9gie_int%C3%A9ress%C3%A9e
pour la régie intéressée
112 Piquet-Marchal (1964), p 104.
113 Dans le secteur des chemins de fer touristiques,
la Compagnie du Mont-Blanc est ainsi concessionnaire du Train du Montenvers -
Mer de Glace, du Tramway du Mont-Blanc ; Altiservice du Petit Train d'Artouste.
La CFTA gère le Petit Train de la Rhune, le Chemin de Fer de La Mure, et
la Vapeur du Trieux.
114 Les gestions de ce type sont assez rares dans le
domaine des chemins de fer touristiques. On peut toutefois citer : le Tramway
du Cap-Ferret, géré par la municipalité de Lège
Cap-Ferret, ainsi que le Train des Alpilles, qui constitue une des nombreuses
activités de la RDT 13 (Régie des Transports des
Bouches-du-Rhône).
On trouve également, dans un nombre substantiel de cas
:
la mise à disposition d'une voie ferrée
parla collectivité territoriale propriétaire au
bénéfice d'un exploitant choisi par elle
la mise à disposition d'une voie ferrée par son
propriétaire au bénéfice d'une collectivité
territoriale, à charge pour elle de choisir un exploitant.
Chapitre 5 - Conditions d'utilisation des voies
ferrées
1- Les emprises ferroviaires
« Les biens immobiliers affectés au service public
du transport ferroviaire et aménagés spécialement à
cette fin ont le caractère de domaine public. Ces biens sont donc
inaliénables et imprescriptibles »115. En
conséquence, il faut avant de vendre un tronçon de voie
ferrée le verser dans le domaine privé : c'est ce qu'on appelle
la désaffection, ou le déclassement.
En ce qui concerne les chemins de fer touristiques, plusieurs
situations existent selon que la voie ferrée appartient ou non au
Réseau Ferré National (RFN)116, selon qu'elle
reçoit ou non un trafic voyageurs.
2- Voies ferrées appartenant au Réseau
Ferré National A- Voies ferrées
avec trafic voyageurs et marchandises
Nous voici dans le cas de circulations occasionnelles de
matériels préservés (locomotives à vapeur
notamment) sur les voies du Réseau Ferré National. Les
itinéraires de ces matériels préservés sont
fixés au coup par coup, et varient au gré des voyages. Autrement
dit, il s'agit de trains spéciaux.
115 Gasc (1994), p 18.
116 Il s'agit du réseau géré par
RFF - Réseau Ferré de France. L'Etablissement Public Industriel
et Commercial (EPIC) RFF a été créé en 1997. Il est
propriétaire et gestionnaire du réseau ferroviaire
français. Il a hérité de la dette de la SNCF. Cette
dernière se cantonne à l'exploitation. Ce «montage » a
deux avantages principaux : d'une part en débarrassant la SNCF d'une
dette plus qu'encombrante, il lui permet de renouer avec les profits ; d'autre
part (c'est le revers de la médaille côté SNCF), il permet
de gérer l'arrivée de la concurrence.
Les circulations de cette catégorie se
déroulent sous l'entière responsabilité de la SNCF
et de RFF. C'est pourquoi les trains doivent impérativement
respecter les règlements d'exploitation et de sécurité de
la SNCF et de RFF:
-le matériel doit être agréé par la
SNCF
-le mécanicien doit avoir subi avec succès les test
et épreuves de la SNCF. Il est accompagné par un « pilote
», agent SNCF qualifié. Cette prestation est facturée
à l'organisateur du voyage
-afin d'intégrer son train dans le trafic existant,
l'organisateur du voyage doit faire une demande de sillon de circulation
à RFF. Ce dernier la transmet à la SNCF qui donne
éventuellement son accord.
Les circulations de matériels préservés
donnent lieu au versement par l'organisateur du voyage d'une redevance
à la SNCF et RFF. Le coût jugé trop
élevé de cette redevance, qui s'ajoute au prix du « pilote
» SNCF, fait régulièrement l'objet de critiques
acerbes117.
B- Voies ferrées sans aucun trafic ou avec
seulement un trafic marchandises 1- Dispositions
générales
RFF peut mettre à disposition d'une (ou de plusieurs)
collectivité(s) territoriale(s) une voie ferrée de ce type,
à charge pour la (les) collectivité(s) de la confier à un
exploitant (généralement une association) de son choix. Les
grands principes de mise en oeuvre sont les suivants:
-la mise à disposition de la ligne s'effectue
à titre précaire et révocable
-la (ou les) collectivité(s) et l'association
effectuent à leur frais tous les travaux
nécessaires à la remise en état de la voie (le
cas échéant) et à son entretien -l'exploitant observe
les règles de sécurité édictées par
la SNCF : agrément du personnel et du matériel, vitesse
des trains, mesures à prendre aux passages à niveau
-l'exploitant assume l'entière
responsabilité de l'exploitation touristique et souscrit une
assurance dégageant la SNCF de sa responsabilité
117 On peut ainsi lire sur le site :
http://www.massifcentralferroviaire.com/ page Actualités : «
Dans leur volonté d'éradiquer tous les trains qui ne sont pas
des TGV, l'opérateur historique et le gestionnaire de
l'infrastructure cherchent à décourager depuis longtemps les
organisateurs de trains spéciaux. En multipliant les
contraintes financières, techniques et administratives, ou bien en
répondant aux abonnés absents, ils ont réussi à
faire disparaître du paysage ferroviaire la plupart des trains d'agences,
des trains de pèlerinages et des trains d'amateurs. »
Ces dispositions donnent lieu à une
convention entre la (ou les) collectivité(s) territoriale(s),
l'exploitant, la SNCF et RFF.
RFF perçoit pour les lignes fermées à tout
trafic une redevance annuelle. Pour les lignes ouvertes au seul trafic
marchandises, la redevance est fonction du nombre de jours de circulation.
Il faut noter que les Directions Régionales de la SNCF et
de RFF disposent d'une certaine latitude dans l'application
des dispositions prévues. Aussi, selon les régions, il peut
être plus ou moins facile de mettre en place un chemin de fer
touristique.
2- Un exemple de « montage
»118
Voici un exemple de « montage » qui nous semble assez
significatif (mais pas exhaustif eu égard à la diversité
des situations particulières qui peuvent être rencontrées):
il concerne le « Gentiane Express » exploité par l'Association
des Chemins de Fer de la Haute-Auvergne.
La voie ferrée (ligne de Bort-les-Orgues à
Neussargues) est fermée à tout trafic. Une convention existe
entre RFF, la SNCF, le Conseil Général du Cantal et
l'Association119. Selon les termes de cette
convention, RFF met à disposition du Conseil Général du
Cantal la ligne. Ce dernier, suite à un appel d'offres, a
préalablement retenu l'Association des Chemins de Fer de la
Haute-Auvergne pour la délégation de service public
correspondante. L'association verse annuellement au Conseil
Général une redevance composée d'une part fixe et d'une
part variable incluse dans le prix des billets. Et le Conseil
Général paie RFF.
118 Informations données sur la base de
l'entretien réalisé avec M. Jean-Michel Piernetz,
Président de l'Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne.
119 Le Conseil Général de la Corrèze,
département que parcourt le chemin de fer touristique sur seulement
quelques Kilomètres, a cédé ses droits au Conseil
Général du Cantal.
3- Voies ferrées n'appartenant pas au
Réseau Ferré National
Un certain nombre de voies ferrées, même à
écartement normal, ne sont pas intégrées au Réseau
Ferré National (RFN). Il s'agit de voies ferrées appartenant
à divers types de collectivités territoriales, notamment les
départements120, à des autorités
portuaires121, à l'Etat122 ou bien
entièrement privées.
La Loi d'Orientation des Transports Intérieurs
(LOTI)123 attribue à l'Etat une compétence
générale pour ce qui relève des règles de
sécurité et de contrôle technique des
transports124 : ce sont les Préfets et par
délégation chaque DDE qui ont compétence pour
autoriser et contrôler les chemins de fer touristiques du
département.
Mais la rareté et la particularité des
installations ferroviaires se prête mal à un contrôle par la
DDE. Une organisation spécifique s'avère indispensable. Aussi, un
service spécialisé, le Service Technique des
Remontées Mécaniques et des Transports Guidés
(STRMTG) entre en jeu. Le STRMTG est un service technique à
compétence nationale du Ministère des Transports, de l'Equipement
et de la Mer. Créé en 1979, il assure des missions pour le compte
de l'Etat dans deux grands domaines : les remontées mécaniques
(téléphériques, télésKis, finiculaires,
trains à crémaillère...) et, seulement depuis 2001, les
transports guidés (métros, tramways, chemins de fer touristiques,
vélorails...). Il est relayé au niveau suprarégional par
les Bureaux Interdépartementaux des Remontées Mécaniques
et des Transports Guidés (BIRMTG).
Le STRMTG a mis au point, en liaison avec l'UNECTO, un
« référentiel technique relatif à la
sécurité de l'exploitation des chemins de fer
touristiques
»125.
120 Par exemple : Voies Ferrées des Landes,
réseau des Bouches-du-Rhône.
121 Par exemple : voies du Port Autonome de Bordeaux
utilisées par le PGVS (Pointe de Grave - le Verdon - Soulac).
122 Ligne à voie métrique Nice - Digne
sur laquelle circule le « Train des Pignes ».
123 Loi du 30 décembre 1982 modifiée.
Voir article 9.
124 Toutefois, certains chemins de fer à
caractère d'attraction, situés dans des parcs de loisirs ou des
lieux touristiques sont assimilés à des attractions foraines et
relèvent de la compétence des maires.
125 Ce référentiel, qui comporte une
centaine de pages, figure sur le site internet du STRMTG, à l'adresse
:
http://www.strmtg.equipement.gouv.fr/article.php3?id_article=69
Chapitre 6 - Services ferroviaires et services
touristiques : la
nébuleuse.
1- Transport de voyageurs et service
touristique
En France, le transport de voyageurs par fer constitue un service
public. La SNCF en a le monopole sur le Réseau Ferré National
(RFN). Cela a été confirmé par la Loi d'Orientation des
Transports Intérieurs (LOTI)126. Ainsi, un chemin de fer
touristique qui circule sur le Réseau Ferré
National ne peut effectuer de transport de passagers (sauf s'il le
fait à la demande et pour le compte de la SNCF). Il doit rester un
prestataire de services touristiques.
En-dehors du Réseau Ferré
National, certaines lignes ferroviaires sont utilisées dans les
faits mais à titre accessoire, comme moyen de transport127.
La LOTI, dont l'article 18-1 a été modifié par la loi
2004-809 du 13 août 2004, stipule que « les départements sont
compétents pour créer ou exploiter des infrastructures de
transports non urbains de personnes, ferrés ou guidés
d'intérêt local »128.
Dans les deux cas, pour nos chemins de fer touristiques,
le transport de passagers, certes potentiellement
modeste129, pourrait apporter un complément
de revenus bienvenu, à des coûts faibles puisque
marginaux. En effet, l'infrastructure et les matériels
roulants, déjà utilisés pour l'exploitation touristique,
sont disponibles et en état de fonctionnement. De là à
imaginer la prise en charge de certains services TER (Trains Express
Régionaux de la SNCF) peu fréquentés par les chemins de
fer touristiques eux-mêmes, il n'y a qu'un pas (audacieux) à
franchir130.
126 Loi 82-1153 du 30 décembre 1982,
modifiée. Voir notamment l'Article 18 : « Il est
créé, à compter du 1er janvier 1983, un
établissement public industriel et commercial qui prend le nom de
"Société nationale des chemins de fer français". Cet
établissement a pour objet :
-d'exploiter, selon les principes du service public, les services
de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré
national [...]»
127 La paysanne qui emprunte le « Mastrou »
(Chemin de Fer du Vivarais) pour vendre les produits de la ferme sur le
marché de la bourgade voisine n'a rien d'une touriste.
128 La porte est donc ouverte à la
re-création de chemins de fer départementaux !
129 Si la SNCF a abandonné le service voyageur,
c'est qu'il n'y avait (presque) plus de passagers. Cela étant, une offre
de transport attractive peut faire croître notablement le nombre de
voyageurs.
130 Et nous le franchirons. En effet, la
majorité des chemins de fer touristiques équilibrent leur compte
de résultat. A comparer avec le ratio d'exploitation moyen des TER :
35%. Autrement dit, 65% des charges de fonctionnement des TER sont
acquittées par les collectivités locales, donc par l'impôt.
Economiquement parlant, faire assurer le transport régional de passagers
par des chemins de fer touristiques se justifie. Lire à ce sujet : Gasc
(2005), p 50.
2- Fret : mais où sont donc les PME ferroviaires
?
Evoquons un instant le fret. Cela peut sembler hors sujet dans le
cadre de notre étude. Toutefois, quelques (rares) chemins de fer
touristiques assurent également le transport de
marchandises131. Pour les réseaux concernés,
cette activité est loin d'être marginale puisqu'elle peut
représenter plus de la moitié de leur chiffre d'affaires.
Depuis le 31 mars 2006, la SNCF n'a plus le monopole du transport
des marchandises sur le Réseau Ferré National. Des convois de
fret « privés » peuvent y circuler. C'est l'aboutissement d'un
processus de libéralisation découlant de la volonté de
l'Union Européenne de moderniser le fret afin qu'il regagne des parts de
marché vis-à-vis des transports routiers132. Des
sociétés comme B-Cargo (filiale des Chemins de fer belges),
Veolia Cargo (filiale de Veolia Transport, elle-même filiale de Veolia
Environnement), Rail4Chem (filiale de BASF) ainsi que VFLI (filiale de la
...SNCF !) sont positionnées sur le secteur du fret ferroviaire.
Toutefois, nous sommes encore loin, en nature comme en volume, du
secteur ferroviaire aux USA : les «
short-lines » ou petites lignes, souvent de quelques
Kilomètres de longueur, exploitées par des PME, y sont nombreuses
et forment un véritable secteur économique (environ 25.000
emplois). Elles se sont fortement développées dans les
années 1980, lorsque les grandes compagnies ont revendu leurs sections
les moins rentables. Du fait de coûts inférieurs, elles arrivent
à rentabiliser des lignes jadis déficitaires. Dans certains cas,
elles cumulent trafic marchandises et exploitation d'un train
touristique133.
131 Cas de l'AGRIVAP (Puy de Dôme).
L'association gère à la fois le trafic touristique et le fret. Ce
dernier se monte quand même à quelques 20.000 tonnes par an, soit
l'équivalent de
500 semi-remorques.
132 A une époque où l'environnement est
dans tous les esprits et dans toutes les bouches, on ne peut que
s'étonner de l'inquiétante dégradation de la part modale
du fer dans les transports de marchandises. En 1974, en France, 46 % du
transport marchandises était effectué par le rail. En 2002, cette
part est de 20 %. Pour l'Europe, les chiffres sont respectivement de 29 % et de
14 %. Voir le site : http://www.utp.fr/
133 Voir les sites internet
http://en.wiKipedia.org/wiKi/Short-line_railroad
(WiKipedia) et
http://www.aslrra.org/home/index.cfm
(ASLRRA - American Short Line and Regional Railroad Association).
En France, le candidat à l'obtention d'une licence
ferroviaire doit disposer (entre autres) d'un capital ou d'une «
sûreté personnelle ou réelle » de 1,5 million
d'Euros134. Ainsi sont exclus de fait d'éventuelles PME
ferroviaires à naître et les exploitants touristiques qui auraient
des velléités de se tourner vers le transport de fret. Car
à ce tarif là, seuls les « éléphants »
peuvent entrer sur le marché. Alors, comment se fait-il que quelques
chemins de fer touristiques aient aujourd'hui un trafic fret ? Il s'agit de
situations plus anciennes : sans entrer dans le détail, nous
résumerons en disant que ce sont des voies ferrées n'appartenant
pas (ou plus) au Réseau Ferré National.
Conclusion - Les spécificités du
domaine ferroviaire
Ces longues (mais à notre avis) indispensables
prémices peuvent donner l'impression d'un « inventaire à la
Prévert » de par la variété des thèmes
abordés. Elles sont cependant autant de témoignages des
spécificités du domaine ferroviaire : un caractère
d'industrie lourde qui se retrouve dans le volume des investissements
nécessaires ; une technicité propre relative à
l'équipement et à l'exploitation des infrastructures et
matériels roulants ; des contraintes de la sécurité
prégnantes ; un regard toujours vigilant des pouvoirs publics, des
législateurs et des organismes de contrôle.
Il est étonnant de constater que ce cadre à la fois
pesant et rigide dans lequel s'insère le tableau des chemins de fer
touristiques n'a jamais empêché le développement des
innovations.
134 Par Arrêté du 20 mai 2003. Des
esprits chagrins verront dans le prix élevé de cette licence une
volonté de protéger la SNCF.
Quatrième parti
Un tab/eau en dynamique
Quatrième partie - Un tableau en dynamique
Introduction - Les «
petits trains » en dynamique historique
Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous avons
placé l'évolution du chemin de fer dans une dynamique historique.
Nous nous proposons au cours de cette quatrième partie de
répéter cet exercice, mais cette fois nous nous limiterons au
domaine des « petits trains » au sens de notre définition. Ce
« tableau dynamique » permettra au lecteur, nous l'espérons,
de saisir cette vie qui agite les chemins de fer touristiques.
Chapitre 1 - L' « éclosion » des
chemins de fer touristiques
Plus qu'un long discours, la comparaison des cartes des chemins
de fer touristiques exploités en 1957 et en 2006 est
édifiante.
Carte 1 : les chemins de fer touristiques en
1957
A l'Outremer (DOM) : Martinique : 0 / Guadeloupe : 0 / Guyane : 0
/ Réunion : 0
En 1957, seulement 7 structures peuvent
être apparentées à des chemins de fer touristiques :
-4 lignes ferroviaires d'accès aux grands
sites existent déjà depuis de nombreuses années.
Deux systèmes alpins : le Tramway du Mont-Blanc (Haute-Savoie), le Train
du Montenvers - Mer de Glace (Haute-Savoie) ; ainsi que deux systèmes
pyrénéens : le Petit Train de la Rhune
(Pyrénées-Atlantiques), et le chemin de fer Luchon -
Superbagnères (Hautes-Pyrénées)135,
-un petit train « de plage », le
Tramway du Cap-Ferret (Gironde), récemment édifié puisque
ses premières circulations datent de 1952,
-le petit train du Jardin d'Acclimatation,
à Paris, créé dès la fin du 1
9ème siècle, -un réseau
secondaire qui survit encore à la vague des fermetures: le
réseau dit « des bains de mer de la Somme ».
Géographiquement, une ligne semble couper la France des
chemins de fer touristiques de 1955 : 5 des 7 structures mentionnées se
situent au sud d'une ligne reliant Bordeaux à Genève. La
France des chemins de fer touristiques est, en 1957,
plutôt « sudiste » (5
réseaux sur 7) et « montagnarde » (4
réseaux sur 7).
Carte 2 : les chemins de fer touristiques en
2006
A l'Outremer (DOM) : Martinique : 1 / Guadeloupe : 1 / Guyane : 0
/ Réunion : 0136
135 D'autres systèmes ont existé, mais
ils étaient déjà fermés en 1957. Par exemple le
chemin de fer Pierrefitte - Cauterets - Luz (PCL) dans les
Hautes-Pyrénées.
136 Nous ne comptons pas le « Ti'Train » de
La Réunion officiellement fermé depuis 1999.
Un demi-siècle plus tard, la France des chemins de fer
touristiques est méconnaissable. La première chose qui frappe,
c'est le nombre : des chemins de fer touristiques ont « fleuri » un
peu partout. De sept réseaux, nous sommes désormais
passés à près de quatre-vingts (77 plus
exactement)137.
Le deuxième aspect c'est la répartition
relativement homogène des chemins de fer touristiques sur le
territoire. La ligne Bordeaux - Genève mentionnée plus
haut a disparu sous le flot des créations. On peut tout au plus noter
une légère prépondérance du Sud de la France, ainsi
qu'un vide relatif dans le Grand Ouest. Nous pensons que cette
diffusion des chemins de fer touristiques sur l'ensemble du territoire a
accompagné celle du tourisme, plus spécialement celle du tourisme
rural138.
Dernier aspect notable : la relative
pérennité des lignes ferroviaires d'accès aux grands
sites, toujours présentes139, et faisant preuve
d'une longévité notable (elles sont quasiment centenaires). Notre
« junior » de 1952, le Tramway du Cap-Ferret ; notre «
ancêtre », le Petit Train du Jardin d'Acclimatation, mais
également le réseau dit « des Bains de Mer de la Somme
» ont tous survécu.
Chapitre 2 - Le « milieu » des
passionnés.
Le « milieu » des passionnés compte
environ 30.000 adeptes en France140. Nous nous attarderons
quelques instants sur les grandes caractéristiques de ces ferroviphiles
de manière à apprécier le contexte humain dans lequel se
déroule le développement des chemins de fer touristiques. Que les
amateurs ferroviaires veuillent bien nous pardonner si nous avons de temps
à autre la dent un peu dure, mais la description qui suit s'applique
également (au moins en partie) à nous-même.
137 Nous excluons dans ce chiffre les circulations de
matériels préservés ainsi que les cyclo-draisines
138 Nous verrons par la suite que la plupart des
chemins de fer touristiques évoluent justement dans un cadre rural.
139 A l'exception regrettable du chemin de fer Luchon -
Superbagnères, fermé en 1966.
140 D'après Jean-Michel Gasc.
1- « Jouer au train » ?
Communément, l'amateur de chemins de fer commence par
jouer au train électrique dans sa tendre enfance, sous
l'oeil attendri de ses géniteurs. Au fil des années, quand le jeu
se prolonge, quand le matériel ferroviaire miniature s'amoncelle, quand
le réseau étend dangereusement ses emprises jusqu'à «
squatter » une pièce
entière, le regard des parents s'empreint
d'inquiétude : « à son âge, il n'a rien de mieux
à faire ?»
Soit, sous l'effet de phénomènes exogènes,
essentiellement féminins, tout rentre dans l'ordre ; soit la passion
perdure (l'un n'étant pas forcément incompatible avec l'autre).
On commence à s'abonner à des revues ferroviaires, à
fréquenter des clubs de modélistes, à envisager d'entrer
à la SNCF, ou à rêver de s'occuper d'un « vrai »
train (entendez : un train dans lequel on peut monter). Ce « vrai »
train, on peut quand on est grand le monter chez soi, dans son jardin (cas le
moins fréquent) ou le trouver en tant que bénévole dans le
chemin de fer touristique d'à côté. On peut ainsi partager
son temps, son talent et sa passion dans une atmosphère souvent
conviviale.
Précisons-le afin de lever les éventuels
malentendus qui pourraient résulter d'une lecture au premier
degré de l'expression « jouer au train » : du fait de la
réglementation, des contraintes d'exploitation et d'entretien, des
sommes à engager, s'occuper aujourd'hui d'un train touristique
ouvert au public reste un plaisir pour les passionnés,
mais cela n'a plus rien d'un jeu ! Certains d'amateurs
chevronnés n'ont plus d'amateur que le nom.
2- Un « milieu » ouvert ?
Nombre de griefs sont faits aux « ferrovipathes ».
D'aucuns dénoncent leur caractère de «
collectionneur hamster ». Autrement dit, une incroyable
capacité à emmagasiner différents objets ferroviaires de
bric et de broc, collectionnés au hasard des trouvailles. Ce trait un
peu méchant a cependant quelque justesse. Le plaisir du collectionneur
peut se métamorphoser côté visiteur en malaise. Malaise de
ne rien comprendre à des collections exposées
pêle-mêle, sans esprit didactique. Autre grief, leur souci
exagéré de reproduire à l'identique, hérité
du modélisme ferroviaire (le train électrique). Un souci
qui s'oppose dans certains cas à l'éclosion d'un minimum de
créativité.
Enfin, on lit parfois des critiques en des termes plus durs :
« Les 'talibans du rail' sévissent encore,
apportant leur lot de difficultés dans le tourisme ferroviaire naissant
et ralentissant le professionnalisme indispensable qui comprend certaines
exigences »141. Que l'on soit simple visiteur, élu,
représentant des pouvoirs publics ou bien professionnel du tourisme, il
peut s'avérer délicat de créer des liens constructifs avec
des interlocuteurs dans « une phase velléitaire de valorisation
touristique de la voie ferrée par l'intermédiaire d'une
association d'amateurs de chemin de fer »142.
A la décharge des amateurs de trains, il faut
reconnaître que leur passion se porte sur un domaine qui
possède une forte technicité : le ferroviaire. Que l'on
s'adresse à un large public, aux élus, aux pouvoirs publics, aux
professionnels du tourisme, il faut vouloir et savoir vulgariser sans
dénaturer. Et éviter de culpabiliser involontairement
l'interlocuteur parce qu'il ne sait pas ou ne comprend pas. C'est la
rançon à payer pour qu'un vrai dialogue s'instaure.
Dans le « milieu » des amateurs, des voix
s'élèvent régulièrement pour proclamer
qu'une ouverture est nécessaire, qu'il ne faut pas
rebuter les personnes qui montrent un intérêt vis-à-vis du
chemin de fer, que les bonnes volontés d'aujourd'hui seront
(peut-être) les vocations de demain. Il faut du sang neuf pour que le
mouvement perdure. En effet, le temps érode le bénévolat.
Les choses évoluent dans le bon sens. Des publications comme Voie
Etroite ou Chemins de Fer régionaux et tramways regorgent
d'articles réalisés par les adhérents d'associations,
articles qui se terminent invariablement par un appel aux bonnes
volontés, en leur promettant un accueil chaleureux. Avec les
pouvoirs publics, les élus, les professionnels du tourisme, les
relations s'améliorent.
Alors, ouvert ou fermé, ce « milieu » des
amateurs ferroviaires ? Quelle que soit la réponse, il nous faut leur
rendre justice : sans ces amateurs ferroviaires enthousiastes, « il ne
resterait [...] pas grand-chose de l'ère de la vapeur, si ce n'est dans
quelques rares musées publics, où le matériel est
d'ailleurs généralement présenté de manière
statique »143. Car le mouvement ferroviphile constitue
le terreau humain sur lequel les chemins de fer touristiques français
ont pu éclore et se développer.
141 Ragon, Renaudet (1999), p 310. C'est nous qui
soulignons.
142 Gasc (1995), p 23.
143 Garratt (2003), p 58.
Chapitre 3- Deux vagues de pionniers.
Qui sont les acteurs principaux du mouvement en faveur des
chemins de fer touristiques, véritable lame de fond qui, entre 1957 et
2006, sur un demi-siècle, fait passer le nombre de chemins de fer
touristiques de sept à près de quatre-vingts ? Nous y voyons
d'abord des hommes144 confrontés à des
évènements tels que la fermeture d'un réseau
d'intérêt local, d'une ligne secondaire, l'abandon d'une machine
à vapeur, d'un matériel ancien...Le tout dans un contexte
d'avènement d'une société de loisirs.
Qu'ils soient de la première ou de la seconde vague, il
est intéressant de noter d'emblée la mobilité
géographique assez répandue des pionniers et des amateurs
qui suivent les chemins de fer touristiques dont ils s'occupent. Nous
y voyons logiquement l'effet de la passion. Nous y reconnaissons
également, dans certains cas, la conséquence du
désintérêt relatif des habitants de proximité
immédiate145.
Autre aspect, qui peut à première vue sembler
anecdotique, mais qui correspond à une réalité : les
chemins de fer touristiques sont, au moins en partie, une affaire de
famille. Le virus ferroviaire se transmet de père en fils. Et
les uns comme les autres trouvent parfois leur futur conjoint parmi les
amateurs de l'autre sexe !
1- Les oeuvres d'hommes (un peu) excentriques
Les hommes, toujours passionnés, parfois excentriques,
sont vus d'un oeil tantôt amusé, tantôt agacé, par
leurs contemporains.
En Gironde, un certain Jacques Millet prend des
soins à Arcachon et pendant sa convalescence arpente les dunes du
Cap-Ferret. Dans le sable, le trajet est pénible. Apprenant que divers
chemins de fer ont existé sur la presqu'île146, il se
met en tête de rebâtir un chemin de fer entre Bélisaire et
la plage océane147. Une fois guéri, il se met au
travail. En 1952, après moultes pérégrinations, le Tramway
du Cap-Ferret fait ses premiers tours de roue, en attendant l'inauguration
officielle de 1954.
144 Au sens d'être humain mais également
valable pour le genre, car les femmes sont très nettement minoritaires
dans le milieu des amateurs ferroviaires.
145 Un exemple : plus de la moitié des membres de
l'Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne n'habite pas dans le
département du Cantal. Certains viennent même
régulièrement de la région parisienne (à 500 Km)
pour participer à l'exploitation du train.
146 La revue Connaissance du Railcomporte
dans son numéro 69 (juillet-août 1986), p 4-14, une étude
détaillée relative aux différents tramways ayant
existé autour du Cap-Ferret.
147 Aujourd'hui, elle se nomme « la plage du
Petit Train ».
En Charente-Maritime, voici le Docteur Pol Gala.
Médecin militaire et passionné de trains, il rêve de faire
revivre la défunte ligne qui reliait Royan à Ronce-les-Bains.
Mais cela s'avère impossible. Il se replie alors à quelques
Kilomètres de là, sur l'île d'Oléron, et y fait
construire un chemin de fer touristique en voie de 60, le P'tit Train de
Saint-Trojan, inauguré en 1963.
2- Des Lyonnais entreprenants
Mais l'aventure d'un groupe de pionniers lyonnais, qui a aussi
ses « figures de proue », est peut-être la plus riche
en filiations. Nous sommes en 1957. « Une trentaine de copains du
'grand Lyonnais' »148 crée le Groupement Auxiliaire des
Exploitations Ferroviaires (GAEF), une dénomination qui constitue tout
un programme à elle seule ! La bande de jeunes se fait les dents en
essayant de sauver le réseau de montagne Annemasse - Sixt149
(Haute-Savoie). C'est un échec :
« l'exploitant en place comme les élus locaux
souhaitent s'en débarrasser »150. La mode du moment est
à l'automobile, et en conséquence tout ce qui circule sur fer est
ringard.
Les amateurs ne se découragent pas pour autant. En 1961,
ils ont enfin « leur » chemin de fer : à Meyzieu, dans la
banlieue lyonnaise. C'est un petit train en voie de 60, qui parcourt 1,4 Km
pour relier l'arrêt du car à la plage d'une base de loisirs. Il
est à vapeur. L'affaire n'est pas simple pour autant. La proposition
faite par les amateurs en 1959 à M. le Maire de Meyzieu est
acceptée, mais il faut attendre l'expropriation d'une butte de terre.
Le CFTM (Chemin de Fer Touristique de Meyzieu),
Société Anonyme, connaît le succès :
matériels anciens et visiteurs affluent, jusqu'au jour de 1967 où
le nouveau maire de Meyzieu prie nos amateurs, au titre d'une installation
précaire et révocable, d'aller jouer au train
ailleurs151.
148 Pour reprendre l'expression de Ricaud, Royer
(2002), p 4.
149 Dahlstrôm (1989), commentaire image 280 : «Bien
qu'étant encore compétitive et dotée d'un potentiel
touristique important, elle succomba en 1959 à la vague
déferlante de phobie envers les réseaux secondaires ».
150 Ricaud, Royer (2002), p 4. Les informations
relatives au chemin de fer touristique de Meyzieu sont prises à la
même source.
151 Bien plus tard, le Chemin de Fer Touristique de Meyzieu a en
quelque sorte ressuscité : son matériel circule désormais
sur le Chemin de Fer Touristique du Haut-Rhône, à Montalieu
(Isère).
Leur regard se porte alors sur le Chemin de Fer du
Vivarais, dont la fermeture intervient fin octobre 1968. Une section
de cet ancien réseau, Tournon - Lamastre (33 Km) ouvre en touristique
dès juin 1969152. Entre temps, la société CFTM
(Chemin de Fer Touristique de Meyzieu) est devenue...la société
CFTM (Chemins de Fer Touristiques de Montagne). Or, la dimension est toute
autre : entre 1,4 Km en voie de 60 et 33 Km en voie métrique, il y a une
différence d'échelle ! Et des paris sur le succès qui
engagent le patrimoine personnel de certains membres. Loin de rester
indifférent à tous ces efforts, le Conseil Général
de l'Ardèche prête main forte en octroyant un prêt à
taux zéro aux audacieux. Marc Dahlstrôm relève que le
Chemin de Fer du Vivarais, version touristique, « dès le
départ a connu un succès
immense ». Il devient « un haut lieu du tourisme
ferroviaire en Europe »153.
3- La « première vague »
déferle
Un peu partout en France, les amateurs s'activent. Dans un
premier temps, c'est l'urgence qui prime : il faut sauver du ferraillage
locomotives, voitures, wagons. Nos amis des chemins de fer rachètent,
stocKent, réparent... Dans un second temps, l'idée vient à
l'esprit des amateurs : pourquoi ne pas redonner vie, autrement dit, refaire
à nouveau circuler ces matériels historiques ?
Une « première vague » de
création de chemins de fer touristiques prend appui sur les
décombres des anciens réseaux secondaires ou
agro-industriels. En voici une chronologie.
1966 : l'Association du Musée des Transports de Pithiviers
(Loiret) réutilise un réseau ferré destiné au
transport des betteraves
1967 : le Chemin de Fer d'Abreschviller (Moselle) fait revivre un
réseau forestier dans le massif vosgien
1969 : l'Association Bordelaise des Amis des Chemins de Fer
(ABAC) exploite la ligne Sabres - Labouheyre qui dessert le tout jeune
Ecomusée de Marquèze (Landes).
1970 : le Chemin de Fer de la Vallée de l'Ouche,
reconstruit à écartement plus réduit sur une plate-forme
ferroviaire existante, est créé
1971 : le P'tit Train de la Haute-Somme (Somme) redonne vie
à un réseau mi betteravier, mi stratégique
1972 : le réseau dit « des bains de mer de la Somme
» est sauvé, sans même avoir eu le temps de fermer. Il
devient le Chemin de Fer de la Baie de la Somme (CFBS)
152 Une autre partie de l'ancien Chemin de Fer du
Vivarais est aujourd'hui préservée par l'association « Voies
Ferrées du Velay ». Il s'agit de la section Dunières -
Saint-Agrève.
153 Dahlstrôm (1989), p 244 pour les deux
citations
-1975 : le Chemin de Fer Touristique du Tarn (CFTT),
véritable reconstruction d'un réseau disparu, est
inauguré
-1976 : le Musée des Transports de la Vallée du
Sausseron (MTVS, Val d'Oise) ouvre ses portes. « Pour la première
fois, on va reconstruire toutes les installations d'un dépôt et
d'une gare de départ et ensuite reposer une ligne à voie
métrique sur une ancienne plate-forme de chemin de fer
départemental » relève Claude Wagner154. -1980 :
le « Train des Pignes » du Groupe d'Etude pour les Chemins de Fer de
Provence (GECP) organise ses premiers voyages nostalgiques sur le réseau
du Chemin de Fer de Provence
-1988 : le Chemin de Fer minier de la Mure (Isère) est
repris en exploitation touristique.
Hélas, tous les réseaux susceptibles de
présenter un intérêt touristique et/ou historique ne sont
pas sauvés. Parmi les perdus (et regrettés) voici:
-le Réseau Breton avec ses 393 Km de voies, « le
plus bel ensemble ferroviaire à écartement métrique du
continent »155, « La Mecque des fanas de secondaires
»156 disparu en 1967
-le CFD Lozère fermé en 1968. L'AJECTA, autre
association très active, qui existe encore de nos jours157,
veut en récupérer une portion de 8 Km pour une exploitation
touristique. Le Conseil Général de Lozère, d'abord
favorable, finit par lâcher le
projet158
-le P.O Corrèze arrêté dans toutes les
activités en 1970
-les Tramways de la Corrèze (TC), abandonnés
dès 1959. Ils constituaient « le dernier tramway à vapeur
français, qui aurait pu devenir un extraordinaire train touristique
»159.
Quelles sont les raisons premières de ces
échecs ? 160 Nous en voyons principalement deux :
-l'absence (ou le nombre insuffisant)
d'amateurs. « Chaque sauvegarde a pu être
réalisée par la constitution d'un groupe motivé. La
disparition intégrale du Réseau Breton à voie
métrique résulte de l'absence d'un tel groupe en Bretagne au
début des années 70 »161.
154 Dahlstrôm (1989), préface de C.
Wagner, p. 3.
155 Ricaud, Royer (2002), p 190.
156 Dahlstrôm (1989), p 1 7.
157 Elle possède un musée ferroviaire
dans la rotonde de Longueville et organise des trains spéciaux.
158 Ricaud, Royer (2002), p 47.
159 Dahlstrôm (1989), p 14. Toutefois, il existe
un projet de reconstruire à des fins touristiques une section de ce
réseau.
160 Au-delà des raisons premières, le lecteur
gardera à l'esprit les réflexions du chapitre
précédent portant sur le « milieu » des amateurs
ferroviaires.
161 Bouchaud, Cheveau (1999), p 270.
-l'absence de soutien des pouvoirs publics.
L'attitude du Conseil Général de l'Ardèche qui a
joué un rôle actif dans la préservation du Chemin de Fer du
Vivarais contraste avec celle du Conseil Général de Lozère
dont le soutien au projet présenté a finalement fait
défaut.
4- ...suivie de la « seconde vague
»
Malgré les échecs, le mouvement des chemins de fer
touristiques est bel et bien engagé. Les bases physiques (les
réseaux d'intérêt local) de ces premières
créations étant en grande partie épuisées, la
dynamique se poursuit d'une manière différente dans les
années 1980 et 1990. Nous parlons donc d'une « seconde
vague ». Cette fois, ce sont les nombreuses
fermetures de lignes secondaires SNCF qui suscitent des vocations de sauvetage.
Les chemins de fer touristiques fleurissent à nouveau, mais sur
des portions de lignes secondaires SNCF, à voie normale. Cette
« seconde vague » n'est pas entièrement épuisée
aujourd'hui. Elle correspond, en gros, dans notre typologie, aux chemins de fer
touristiques d'animation locale162. Autre
« versant » de cette vague: les locomotives
SNCF préservées, à vapeur notamment, qui assurent
épisodiquement des trains spéciaux sur le Réseau
Ferré National.
Comme la première, cette « seconde vague
» a elle aussi ses « figures de proue ». Un seul
exemple parmi bien d'autres : l'auteur a rencontré M.
Jean-Michel Piernetz. Cadre SNCF, désormais à la
retraite, il fait ses premières armes touristiques sur
l'infortuné Chemin de Fer Touristique du Rabodeau (à voie
normale), dans les Vosges. Un échec ne l'arrête pas. En 1983 il
fonde l'ATM (Autorail Touristique du Minervois, basé à Narbonne,
encore à voie normale), premier cas en France d'utilisation d'une
infrastructure SNCF par une association. En 1997, nous le trouvons aux confins
du Cantal et de la Corrèze, instigateur du « Gentiane
Express »163 (toujours sur voie normale)
exploité par l'ACFHA (Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne)
dont il est aujourd'hui le Président. Toute une « carrière
» menée sur voie normale, entre grands et «petits trains
», à travers les régions de France !
162 Voir infra, Cinquième partie,
Chapitres 6 et 7.
163 Parcours : Bort-les-Orgues,
Riom-ès-Montagnes, Lugarde (39 Km) sur l'ancienne ligne de montagne
Bort-les-Orgues - Neussargues.
Chapitre 4 - La FACS-UNECTO164
1- La FACS-UNECTO en quatre dates
A- 1957: la fondation
« La FACS (Fédération des Amis des Chemins de
fer Secondaires) a été fondée le 1 er janvier
1957 à l'initiative de jeunes gens (à
l'époque)165 qui ne pouvaient se
résigner à voir disparaître une à une
toutes les lignes de chemins de fer secondaires et les tramways166.
Depuis, d'autres jeunes et moins jeunes ont rejoint ce mouvement. Les plus
actifs ont fondé des chemins de fer touristiques, ont rassemblé
sur leurs deniers des collections inestimables, ou plus simplement ont
aidé à préserver un patrimoine ou à en
écrire une histoire à travers la revue de l'Association » :
ainsi se présente la FACS sur la page d'accueil de son site
officiel167.
La FACS compte de nos jours quelque 900 membres. Elle est
à structure associative. Elle naît d'une scission de l'AFAC
(Association Française des Amis du Chemin de fer), qui existe encore de
nos jours comme première association d'amateurs. Mais les
passionnés de l'AFAC s'intéressent à tous les trains, pas
spécialement aux petits.
B- 1971 : l'UNECTO
Petit à petit, à mesure qu'apparaissent les
exploitations touristiques, la nécessité de les regrouper pour
répondre à leurs besoins propres devient une évidence.
Aussi, en 1971 naît l'UNECTO (Union Nationale des Exploitants de Chemins
de fer Touristiques et de musées). Les statuts de la FACS sont
aménagés à cet effet ; l'UNECTO naît
intégrée à la FACS qui s'appelle désormais
FACS-UNECTO.
164 La plupart des informations contenues dans ce
chapitre proviennent de mes entretiens avec deux responsables de la
FACS-UNECTO, MM Jacques Vierne et Claude Bouchaud.
165 Cette parenthèse n'est pas fortuite car la
FACS connaît effectivement de nos jours un problème de
renouvellement des générations. Mon interlocuteur insiste :
« il faudrait plus de jeunes ! »
166 Il s'agit à la fois des tramways « loi de 1880
» circulant en accotement des routes et des tramways des villes.
167 L'adresse du site est :
http://www.trains.asso.fr/.
C- 2001 : la « Charte nationale
pour le développement des chemins de fer touristiques
».
En 2001, est signée la « Première
charte nationale pour le développement des chemins de fer touristiques
et historique ». Paraphée par le Ministre de l'Equipement,
des Transports et du Logement, le Ministre de la Culture et de la
Communication, le Secrétaire d'Etat au Tourisme, le Secrétaire
d'Etat au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle, les
Présidents de la SNCF, de RFF et de la FACS - UNECTO, cette charte vise
à promouvoir le développement des chemins de fer touristiques en
France. Elle a vocation à organiser les relations entre la SNCF, RFF et
les exploitants de chemins de fer touristiques168.
Avec un recul de quelques années, cette charte n'a pas
(encore ?) tenu toutes ses promesses. Pour certains, elle est restée
essentiellement une opération de communication et de prestige (vu la
qualité des signataires). A notre avis, son principal
mérite est d'avoir officialisé, pour la
première fois, le secteur des chemins de fer
touristiques169.
D- 2007: FACS et UNECTO, désormais deux
entités différentes.
En 2007, la FACS et l'UNECTO se séparent dans le but
d'améliorer leur efficacité de fonctionnement. Une scission qui
semble couler de source, vu la différence des problématiques
actuelles entre amateurs et exploitants. Toutefois, des
« participations croisées » sont maintenues dans
les conseils d'administration des associations. Il ne s'agit donc pas d'un
divorce. Comme le résume fort justement Jean-Michel Piernetz
(Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne) : « La FACS, c'est la
passion, l'UNECTO c'est la raison ». Mais revenons plus en détail
sur l'UNECTO qui nous intéresse plus directement.
168 Le texte complet de cette charte figure en Annexe
4.
169 1l pourrait être intéressant d'en faire un bilan
précis.
2- L'UNECTO, un syndicat professionnel
L'UNECTO, créée au sein de la FACS,
connaît un développement assez régulier qui
s'accélère à la fin des années 1990. Nous
y voyons l'effet des adhésions d'exploitations issues de la «
seconde vague » (voir supra, Chapitre 3, § 4).
Tableau 3 : nombre de réseaux adhérents
à l'UNECTO
Année
|
1982
|
1987
|
1994
|
1998
|
2006
|
Nombre de réseaux fédérés
|
16
|
21
|
24
|
31
|
52
|
Sources :
-Chemins de fer régionaux et urbains, n°
169 (1982-1) pour les données 1982. -Chemins de fer régionaux
et urbains, n°200 (1987-2) pour les données 1987. -Chemins
de fer régionaux et urbains, n°242 (1994-2) pour les
données 1994. -Chemins de fer régionaux et urbains,
n°266 (1998-2) pour les données 1998. -Fichier
BaseDonnéesCFT pour les données 2006.
Les données issues de Chemins de fer régionaux
et urbains ont été retraitées par nos soins de
manière à ce que le comptage corresponde à notre
définition des chemins de fer touristiques. Nous avons ainsi
retranché du total des adhérents : 1/les nombreuses associations
faisant circuler du matériel préservé (trains
spéciaux) - 2/ les quelques musées statiques. - 3/les
finiculaires - 4/les quelques réseaux adhérents situés
hors de France (en Belgique ou en Suisse).
Début 2007, pratiquement les deux tiers des
chemins de fer touristiques (au sens de notre
définition) adhèrent à la
FACS-UNECTO170.
Pour un exploitant de chemins de fer touristiques, adhérer
à l'UNECTO présente plusieurs avantages :
-un accès facilité aux documents administratifs
-une aide lors de la création d'un nouveau
réseau
-la possibilité de faire des achats groupés
(charbon)
-l'opportunité de trouver des fournisseurs
compétents, par exemple pour refaire des pièces de locomotives
-des contacts entre les structures
Nombre de problèmes sont, en effet, communs à
l'ensemble du secteur des « petits trains », malgré toute sa
diversité.
170 Le Train du Montenvers - Mer de Glace ainsi que le
Tramway du Mont-Blanc, exploités par le « géant » du
secteur, la Compagnie du Mont-Blanc, viennent d'adhérer à
l'UNECTO. Cela donne à
l'UNECTO un « poids » supplémentaire mais
suscite quelques inquiétudes chez les « petits » : selon les
plaisanteries en vogue, l'UNECTO serait... le MEDEF !
L'UNECTO fait appel aux services d'un consultant,
professionnel du tourisme, fin connaisseur des chemins de fer
touristiques171 : sa mission consiste à participer à
des actions de lobbying au travers d'expositions, de rencontres touristiques,
à assurer le lien avec les Comités Régionaux du Tourisme,
les Comités
Départementaux du Tourisme, à représenter
l'UNECTO auprès de collectivités lors de réunions de
travail, notamment pour faciliter les créations de nouveaux chemins de
fer touristiques172. Les activités de ce consultant sont
naturellement rattachées à l'UNECTO.
Enfin, l'UNECTO participe à la
Fédération Européenne des Chemins de Fer Touristiques
(FEDECRAIL), certes pour nouer des contacts au niveau du continent
mais également pour s'assurer que les décisions
européennes n'entravent pas le développement du secteur.
3- La FACS-UNECTO, acteur majeur de la
préservation du patrimoine ferroviaire
La FACS-UNECTO constitue l'élément
fédérateur de la préservation du patrimoine
ferroviaire au cours des cinquante dernières années. En
effet, les pionniers ainsi que les groupes d'amateurs motivés dont nous
avons parlé entretiennent généralement des liens
étroits avec elle, quand ils n'en font pas carrément partie.
Notons qu'en plus des actions initiées par ses membres, la
FACS-UNECTO est propriétaire (ou co-propriétaire) de
plusieurs matériels historiques (locomotives à vapeur).
Elle organise depuis sa fondation des voyages pour amateurs
ferroviaires, en France comme à l'étranger. Elle édite
la revue Chemins de Fer Régionaux et
Tramways1 73. Enfin, elle abrite un
fonds d'archives relatif aux chemins de fer touristiques et aux
réseaux disparus.
171 Il s'agit (mais le lecteur l'aura probablement
déjà deviné !) de Jean-Michel Gasc.
177 Nous avons assisté à une
réunion de ce type à Confolens (Charente). Cette réunion,
réalisée à la Communauté de Pays de Confolentais,
visait à étudier le lancement d'un chemin de fer touristique en
complément d'un vélorail déjà existant.
173 Voir infra, Sixième partie,
Chapitre 3, § 1, B.
Chapitre 5- Le ménage à trois : SNCF,
cheminots, « petits trains »
1- « La SNCF : partie prenante... malgré elle
»174
Sur une année, le trafic des chemins de fer touristiques
ne représente que trois jours de trafic passager SNCF (Ile-de-France
exclue). On comprend ainsi que pour une SNCF occupée à
reconquérir sa clientèle, les chemins de fer touristiques ne
soient pas une priorité mais plutôt une goutte
d'eau. Si elle n'est guère impliquée, la SNCF est
cependant concernée.
Au début, la SNCF ne voit pas d'un bon oeil la
naissance des chemins de fer touristiques. D'une part, elle souhaite
donner du rail une image moderne. Or l'éclosion des « petits trains
» ressuscite au contraire la nostalgie des trains d'autrefois. D'autre
part, les trafics des réseaux touristiques sont pour elle tout à
fait négligeables. Enfin, elle se préoccupe des aspects relatifs
à la sécurité : il faut convenir que chez certains
exploitants, il y a du souci à se faire ! Même pour les chemins de
fer touristiques situés en-dehors de la sphère de
responsabilité de la SNCF, le grand public fait l'amalgame : pour lui,
c'est bien la SNCF qui fait circuler les « petits trains ». Aussi,
tout accident risque de rejaillir sur l'image de la société
nationale.
Devant la méfiance de la SNCF face à « ces
ferrovipathes qui veulent jouer au train », le milieu des chemins de fer
touristiques éprouve, en retour, une certaine rancoeur.
Il faut se remémorer le rôle joué par la SNCF dans
la fermeture des chemins de fer secondaires. Les relations ne peuvent
pas être cordiales.
Jusqu'au début des années 1980, les trains
spéciaux composés de matériels préservés
appartenant à des associations ou à des particuliers sont tout
bonnement interdits. Sous l'impulsion de Charles Fiterman,
alors Ministre chargé des Transports, 1982 voit un premier
assouplissement : c'est enfin l'autorisation, naturellement sous
certaines conditions, des circulations de matériels
préservés sur les voies de la SNCF. La Charte des chemins
de fer touristiques de 2001175 constitue une autre date
symbolique puisque la SNCF et RFF en sont signataires aux côtés de
la FACS-UNECTO.
174 Nous reprenons dans cette section le titre et une
partie du contenu de l'article d'E. Cinotti paru dans Espaces, ni 31
(janvier-février 1995).
175 Voir supra, Chapitre 4, §1, C
Les relations sont donc aujourd'hui largement
normalisées : après tout les chemins de fer touristiques
ne valorisent-ils pas, comme la SNCF voudrait le faire, une conception
hédoniste du train ? Mais nous sommes encore assez loin de l'entente
cordiale. La qualité des relations se joue sur le
terrain, au niveau des Directions Régionales SNCF et RFF qui
disposent d'une marge de manoeuvre notable et bien sûr aussi en fonction
de la qualité des interlocuteurs côté « petits trains
».
On nous a, à plusieurs reprises, parlé d'une «
politique de la terre brûlée » qui serait pratiquée
par la SNCF : qu'elle ne veuille pas exploiter certaines voies non rentables,
c'est son droit, mais alors pourquoi s'opposer à ce que d'autres le
fassent à sa place ? Nous croyons reconnaître dans cette
attitude les craintes relatives à la concurrence : sur
trafic marchandises aujourd'hui, sur le trafic voyageurs demain ?
2- Les cheminots : une arrivée en force
tardive
Si donc les relations avec la SNCF sont pour le moins
ambiguës, les cheminots constituent des adhérents
précieux dans les associations. D'une part, leur savoir- faire
et leur expérience constituent un gage de sécurité dans
l'entretien et l'exploitation des matériels. D'autre part, ils aident
à « ouvrir les portes » lorsqu'il s'agit d'accomplir des
démarches administratives ou d'accéder à des installations
techniques de la SNCF. Enfin, ils n'hésitent pas à faire la
promotion des chemins de fer touristiques sur leur lieu de travail, où
logiquement la proportion de passionnés est bien supérieure
à celle que l'on rencontre dans le grand public.
Toutefois, contrairement aux idées reçues, il ne
faut pas surestimer la part jouée par les cheminots dans le mouvement de
préservation des lignes et matériels ainsi que dans les
constructions de chemins de fer touristiques. A l'époque des
commencements (notre « première vague »), les
cheminots sont relativement absents176, ou à tout le
moins pas davantage représentés que d'autres catégories.
Peut-être par ce que, « culturellement », ils
s'intéressent davantage aux « grands trains », entendons par
là ceux à voie normale.
176 Voir supra, Quatrième partie, Chapitre 3.
La situation change dans les années 1980 et 1990, avec les
fermetures de lignes secondaires SNCF. Les cheminots arrivent en
force lors de la « seconde
vague » 177. Ils participent alors en
première ligne à la mise en service de trains touristiques. Ils
s'investissent également dans la sauvegarde de matériels SNCF
(locomotives à vapeur, électriques, diesels, autorails).
Chapitre 6 - Des relations compliquées avec les
élus
Les élus, surtout dans les régions rurales, font
traditionnellement preuve d'une forte sensibilité à tout
ce qui touche au chemin de fer. En effet, dans nos campagnes, le
chemin de fer a souvent été acquis de haute lutte. Rappelons-nous
des voies d'intérêt local du plan Freycinet. Ainsi, le train vu
sous l'angle du service public, du désenclavement, de sa capacité
à circuler par tous les temps occupe une place de choix dans leurs
préoccupations.
Néanmoins, avec le développement de la voiture
individuelle, la construction (parfois à grands frais) de routes toutes
droites, la disparition des écoles et des hôpitaux en zone
rurale, l'attention des élus se porte progressivement
ailleurs. On ne peut pas tout financer. Il faut
avouer qu'en tant que moyen alternatif de transport, le rail est devenu
relativement plus lent que la route, et donc moins
crédible178. A ce désavantage relatif s'ajoute un
désavantage absolu : dans nombre de cas, la stagnation des temps de
trajets par rapport à il y a 30 ans179. Ce ne sont pas
quelques lignes à grande vitesse qui changent la donne : les TGV ne
s'arrêtent pas dans les campagnes ! Ainsi, l'idée du train
moyen de transport cède peu à peu la place à l'id
ée du train moyen de découverte, autrement dit le
tratouristique.in
177 Sur le site de la FACS-UNECTO (page
http://www.trains-fr.org/unecto/fhist/cft40.htm)
on peut lire la phrase suivante, ô combien révélatrice :
« La voie normale et le réseau secondaire de la SNCF attira en 1982
une nouvelle vague d'amateurs, avec parfois des cheminots SNCFjusque
là peu soucieux en général des 'petits trains'»
(c'est nous qui soulignons).
178 Un exemple, tiré de l'expérience de l'auteur.
Aurillac - Clermont-Ferrand, soit 170 Km, se faisait en 1970 en 3 heures
environ, que ce soit par route ou par rail. De nous jours, il faut
respectivement
1 heure 45 et 2 heures 35 (et encore, avec les trains les plus
rapides).
179 Encore un exemple, toujours tiré de
l'expérience de l'auteur. Le meilleur itinéraire par rail reliait
Aurillac à Paris en 5 h 35 au début des années 1970 (par
le « Capitole »). De nos jours, il faut compter quelques minutes
supplémentaires.
L'engagement des collectivités territoriales dans les
chemins de fer touristiques va, selon Etienne Auphan, du minimum, la
subvention, au maximum, l'acquisition totale de la ligne180. Nous
ajouterons une autre catégorie: l'absence totale d'engagement. Autrement
dit, ni subvention, ni acquisition de la ligne : l'exploitant doit se
débrouiller seul. L'élu reste un atout ou un obstacle
redoutable, de par les collectivités territoriales qu'il peut
actionner. C'est relativement simple quand le train ne circule que sur une
seule commune : il n'y a qu'une seule relation à gérer. Ça
se complique sinon : ainsi l'exploitant peut avoir des relations cordiales avec
un maire et tendues avec un autre. De l'élu hostile à
l'élu ferroviphile, en passant par l'élu absent, tous
les cas sont dans la nature.
Dans la catégorie de l'élu hostile, nous rangeons
le nouveau (à l'époque) Maire de Meyzieu, qui a fait
déménager le chemin de fer touristique de sa
commune181. A l'opposé, voici l'élu ferroviphile, tel
le Maire de Lège-Cap-Ferret, artisan de la modernisation du Tramway du
Cap-Ferret. Au titre des abonné(e)s absent(e)s, Madame le Maire d'une
commune de 150 habitants qui ne s'est jamais déplacée
malgré les invitations du responsable d'un « petit train » qui
envoie plus de
7.000 touristes annuellement musarder (et accessoirement
consommer) dans son village182.
Conclusion - Un tableau dynamique mais
tourmenté
La mise en dynamique des chemins de fer touristiques ne
dégage guère un tableau serein. L'ensemble s'avère
animé d'une vie presque biologique, avec des acteurs multiples aux
logiques divergentes. Toutefois, au sein de la confusion apparente, quelques
structures impriment leur marque : les passionnés, poussés par
leur nostalgie des trains d'antan à créer, presque malgré
eux, des structures nouvelles (entreprises, associations), les naissances par
vagues successives des chemins de fer touristiques, la mise en réseau
des acteurs avec une complexité croissante, des conflits latents.
180 Auphan (1999), p 261.
181 Voir supra, Chapitre 3, § 2.
182 Une absence qui n'est peut-être que le
reflet du désintérêt relatif des habitants de
proximité.
Cinquième parti
Typo/ogie des chemins de fer touristiques
Cinquième partie - Typologie des chemins de fer
touristiques
Introduction - Le « phénomène
» chemins de fer touristiques
Ayant déroulé l'histoire des chemins de fer
touristiques dans une perspective dynamique, il nous faut maintenant, pour
préciser notre vision, figer le mouvement. Autrement dit prendre un
instantané de la situation présente. A cette fin, nous avons
réalisé un fichier 183qui recense les chemins de fer
touristiques et contient diverses informations les concernant.
Sur la base de ce fichier, nous dénombrons sur le
territoire national une
« nébuleuse » d'environ 190
structures de toutes tailles, plus ou moins assimilables à des
chemins de fer touristiques existant ou ayant existé. Nous parlons
volontairement de « nébuleuse » car les données sont
souvent très parcellaires. En faisant une entorse très
éphémère à notre définition plus
restrictive, nous y avons inclus des chemins de fer de parc d'attraction et des
installations de particuliers, cela pour mieux traduire l'effervescence du
secteur.
A l'intérieur de cette « nébuleuse »,
nous définissons un premier ensemble de 121 structures
se décomposant ainsi : 81 chemins de fer touristiques au sens
de
notre définition, 20 vélorails ou
cyclo-draisines, 20 matériels anciens « circulants ».
Les 81 chemins de fer touristiques au sens de notre
définition constituent notre base de travail. Nous
appelons cet ensemble « E1 »184.
Ne disposant pas d'informations sur la fréquentation pour
tous les chemins de fer touristiques appartenant à « E1 »,
nous sommes contraints d'en extraire un échantillon de 51
chemins de fer touristiques. Nous notons cet échantillon «
E2 ».
183 Fichier BaseDonnéesCFT. Ce fichier se
trouve dans le CD remis avec notre étude.
184 Le lecteur ne doit pas s'étonner de la
différence entre les 77 chemins de fer touristiques apparaissant sur la
carte des chemins de fer touristiques en 2006 et les 81 auxquels nous faisons
maintenant référence. Elle s'explique par le fait que nous
intégrons dans nos données 3 « petits trains »
supplémentaires ayant cessé au moins provisoirement leur
activité (il s'agit de partir sur des bases comparables entre 1991 et
2006).
Avertissement concernant le traitement statistique :
sur « E1 » (et par voie de conséquence sur
« E2 »), les données relatives aux exploitations
(catégorie, cadre, dates, localisation, longueur) sont relativement
fiables.
sur « E2 » nous disposons, en plus, des
données relatives à la fréquentation des
exploitations touristiques. Ces données sont à utiliser
avec prudence. En effet, l'obtention de données fiables sur les
chemins de fer touristiques est un exercice délicat, y compris pour
l'UNECTO : le faible taux de réponse aux sollicitations, le goût
du secret, les comptages « artisanaux » constituent des maux
hélas assez répandus. Toutefois, les résultats obtenus
donnent des ordres de grandeur qui correspondent à la
réalité. En effet, il existe une forte concentration des
fréquentations sur les exploitations les plus importantes, et le
caractère professionnel de ces dernières donne à leurs
chiffres une bonne présomption de fiabilité. Les chiffres les
moins fiables émanent de petites exploitations aux structures
généralement associatives. Or la fréquentation de ces
exploitations étant faible par rapport aux grosses structures, des
erreurs, même substantielles, s'appliquent sur de petits chiffres et ne
faussent guère le résultat final.
Chapitre 1 - Nos « petits trains » ont-ils de
bonnes
fréquentations ?
Les 51 chemins de fer touristiques de l'ensemble « E2 »
représentent une fréquentation annuelle de
2.357.000 visiteurs, en légère hausse
(de 8 à 9 %) par rapport à 1991 (2.170.000 visiteurs). Si nous y
ajoutons la fréquentation plausible des « petits trains » pour
lesquels nous n'avons pas de données, les flux
générés par les circulations de matériels
préservés, par les vélorails ainsi que par les trains
touristiques SNCF, nous pouvons raisonnablement tabler sur une
fréquentation annuelle au moins égale à trois
millions de voyageurs185. Cet ordre de grandeur
représente seulement dix jours de fréquentation d'un
système de transport urbain comme celui de l'agglomération
bordelaise mais le nombre d'entrées annuelles du Château de
Versailles. Ainsi, le phénomène des chemins de fer
touristiques apparaît marginal au regard du transporteur mais substantiel
du point de vue du professionnel du tourisme186.
185 Chiffre déjà avancé par
Jean-Michel GASC dans son étude de 1994, et confirmé à
nouveau pour l'année 2006.
186 Outre le fait que nos chemins de fer touristiques
ne sont plus un moyen de transport, c'est également pour cette raison
que nous utilisons par la suite les données en nombre de visiteurs et
non les données en voyageurs x Km. Toutefois, le lecteur qui souhaite
disposer d'un ordre de grandeur des données en voyageurs x Km peut se
référer au fichier BaseDonnéesCFT, dans lequel elles
figurent.
Chapitre 2 - Typologie selon les matériels.
Il peut paraître tentant de classer les chemins de fer
touristiques en fonction des matériels exploités : nous l'avons
vu187, chaque type de matériel possède ses propres
caractéristiques, ses contraintes, ses coûts d'achat et
d'exploitation. Toutefois, une part des chemins de fer touristiques met en
oeuvre simultanément plusieurs types de matériels, par exemple
engins diesel (locotracteurs ou autorails) et locomotives à vapeur, ce
qui limite l'intérêt d'une approche par type de
matériel.
Sur la base de nos informations, les locomotives à
vapeur sont employées (de manière non exclusive) dans la
moitié des exploitations touristiques. Seuls quatre «
petits trains » fonctionnent à
l'électricité188. Les engins diesel (locotracteurs ou
autorails) sont utilisés presque partout.
Tableau 4 : utilisation de la traction à vapeur
et de la traction électrique (base « E1 ») Légende :
CFT= Chemin de fer touristique
Nombre CFT
|
Traction vapeur
|
Traction électrique
|
81
|
41
|
4
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Chapitre 3 - Typologie selon l'écartement des
voies
Nous avons déjà souligné l'importance de
l'écartement des voies dans les frais d'équipement et
d'entretien189. En résumé, la voie normale est
chère, elle nécessite une base financière solide (avec le
soutien de collectivités territoriales pour les infrastructures) tandis
que les voies à écartement submétrique (ou
d'écartement inférieur) sont la portée d'associations ou
de particuliers passionnés. Cela peut donner du sens à une
typologie selon l'écartement.
187 Voir supra, Troisième Partie,
Chapitre 2.
188 Train du Montenvers - Mer-de-Glace, Tramway du
Mont-Blanc, Petit Train de la Rhune, Chemin de fer de la Mure, Tramway
touristique de la Deûle.
189 Voir supra, Troisième Partie,
Chapitre 1.
Toutefois, une des limites de cette typologie vient de ce qu'elle
inclut dans l'écartement métrique les systèmes à
crémaillère, dont les coûts d'équipement et
d'exploitation sont très nettement supérieurs à ceux de la
voie métrique classique (sans crémaillère). La
catégorie principale en matière de fréquentation
(et c'est la deuxième en longueur de voies) est donc
hétérogène. Plus grave encore, un
écartement peut cacher des réalités
extrêmes190.
Tableau 5: répartition en Km de voies (base :
« E1 »)
Légende : CFT= Chemin de fer touristique ; v50= voie
de 50 ; v60= voie de 60, VM= voie métrique, VN= voie normale, Autres :
voies de 38, de 70, de 1,17 m.
Type de voie (écartement)
|
|
v50
|
v60
|
VM
|
VN
|
Autres
|
Nombre CFT
|
81
|
4
|
21
|
13
|
40
|
3
|
Longueur totale (Km)
|
1.255,9
|
15,7
|
72,6
|
207,1
|
950,5
|
10,0
|
Longueur moyenne (Km)
|
15,5
|
3,9
|
3,5
|
15,9
|
23,8
|
3,3
|
% longueur totale
|
100
|
1,3
|
5,8
|
16,5
|
75,7
|
0,7
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
En terme de longueur de voie ferrée, c'est la
voie normale (75,7 % de la longueur totale) qui domine, suivie de très
loin par la voie métrique (16,5 %). Mis à part la voie de 60 (5,8
%), les autres écartements sont présents à titre
anecdotique. La prégnance de la voie normale s'explique
par la « seconde vague » dont la conséquence est le fort
développement des chemins de fer touristiques à cet
écartement.
En terme de longueur moyenne, les
différences sont énormes entre les chemins de fer
touristiques à voie étroite (de 3 à 4 Km) et ceux à
voie normale (près de 24 Km). Seule la voie métrique (15,9 Km)
s'approche d'une valeur moyenne de 15,5 Km, finalement bien peu
révélatrice de la diversité des chemins de fer
touristiques.
190 C'est notamment le cas de la voie de 50 : voir
infra, nota bene du Tableau 6.
Tableau 6 : répartition en nombre de visiteurs
(base : « E2 »)
Légende : CFT= Chemin de fer touristique ; v50= voie
de 50 ; v60= voie de 60, VM= voie métrique, VN= voie normale, Autres :
voies de 38, de 70, de 1,17 m.
Type de voie (écartement)
|
|
v50
|
v60
|
VM
|
VN
|
Autres
|
Nombre CFT
|
51
|
3
|
10
|
11
|
25
|
2
|
Visiteurs (milliers)
|
2.356,9
|
163,2
|
194,1
|
1513,5
|
450,9
|
35,2
|
Nombre moyen de visiteurs par CFT (milliers)
|
46,2
|
54,4
|
19,4
|
137,6
|
18,0
|
17,6
|
96 visiteurs totaux
|
100
|
6,9
|
8,3
|
64,2
|
19,1
|
1,5
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
N.B : le nombre moyen de voyageurs moyen par exploitation est
à interpréter avec prudence en ce qui concerne la voie de
50. En effet, cette catégorie est extrêmement
hétérogène. On y trouve : une exploitation (le Petit Train
d'Artouste) qui génère des flux importants (140.000 visiteurs),
une autre de taille moyenne (21.300 visiteurs) et enfin une petite (1.865
visiteurs).
La situation en terme de trafic est toute autre. La voie
normale qui représente environ les trois quarts de la longueur totale
draine moins de 20 96 des flux. La voie métrique est la «
reine » des chemins de fer touristiques avec presque 65 96 des
voyageurs. L'importance du trafic en voie métrique résulte des
flux importants générés par les chemins de fer
touristiques d'accès aux grands sites, pour la plupart
équipés de ce type de voie.
Très significative est à notre avis l'écart
entre le nombre moyen de voyageurs par exploitation entre la voie
métrique (137.600) et la voie normale (18.000) : un rapport de plus de 7
à 1. Elle révèle la différence
d'échelle entre des systèmes anciens, qui existaient
dès avant la « première vague », et les exploitations
les plus récentes, issues de la « seconde vague ». Nous y
viendrons.
Chapitre 4 - Typologie selon la nature associative (ou
non) des
exploitants
Il peut être également intéressant de
répartir les chemins de fer touristiques selon qu'ils sont
exploités ou non par des associations. Toutefois, cette typologie, bien
que révélatrice d'une situation, reste trop unidimensionnelle
pour pouvoir être retenue.
Tableau 7: la part des associations (Base : «E2
») Légende : CFT= Chemin de fer touristique
|
|
Associations (1)
|
Autres (2)
|
Nombre CFT
|
51
|
35
|
16
|
% visiteurs 2006
|
100
|
19,3
|
80,7
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
(1) Associations loi de 1901 (sauf Alsace-Lorraine : loi de
1907)
(2) Sociétés commerciales, sociétés
d'économie mixte, syndicats intercommunaux, régies,
indépendants.
Les associations exploitent les deux tiers des chemins de
fer touristiques, mais ces « petits trains »
à structure associative représentent moins de 20 % de la
fréquentation totale. Cette situation révèle un
« écrémage » du marché qui a des fondements
historiques et économiques :
-les « géants » des chemins de fer
touristiques sont déjà solidement implantés avant le
déferlement des deux vagues de créations, majoritairement
associatives -les chemins de fer touristiques peu fréquentés
(sur)vivent justement grâce à un fonctionnement associatif
(bénévolat).
Chapitre 5 - Typologie selon le cadre
géographique
Nous avons réparti les chemins de fer touristiques en
quatre catégories, selon le cadre géographique dans lequel ils
évoluent :
-cadre montagnard : circulation en zone montagneuse
-cadre maritime : circulation, au moins en partie, en zone
littorale
-cadre rural : circulation en zone rurale (hors cadre
montagnard)
-cadre urbain ou industriel : circulation en zones urbaine,
périurbaine ou industrielle (y compris dans des friches
industrielles).
Tableau 8 : répartition en Km de voies (base :
« E1 ») Légende : CFT= Chemin de fer touristique
|
|
Montagne
|
Maritime
|
Rural
|
Urbain, industriel
|
Nombre CFT
|
81
|
13
|
9
|
46
|
13
|
Longueur Km
|
1255,9
|
314,6
|
123
|
773,7
|
44,6
|
% longueur totale
|
100
|
25,0
|
9,8
|
61,6
|
3,6
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Plus de la moitié des chemins de fer touristiques
circulent dans un cadre rural. Leur présence importante sur des
zones fragiles économiquement met en lumière l'enjeu que
les « petits trains » représentent en termes de
création d'activités et d'emplois.
Tableau 9 : répartition en nombre de visiteurs
(base : « E2 ») Légende : CFT= Chemin de fer
touristique
|
|
Montagne
|
Maritime
|
Rural
|
Urbain, industriel
|
Nombre CFT
|
51
|
11
|
7
|
27
|
6
|
Nombre de visiteurs (milliers)
|
2356,9
|
1625,1
|
288,9
|
357,6
|
85,3
|
% visiteurs
|
100
|
68,9
|
12,3
|
15,2
|
3,6
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Quand nous raisonnons en terme de fréquentation, les
chemins de fer touristiques de montagne arrivent nettement en tête
(près de 70 % des visiteurs). Cette domination
est pour beaucoup le résultat des flux générés par
les chemins de fer touristiques d'accès aux grands sites,
à caractère exclusivement montagnard. La part relativement faible
des chemins de fer touristiques ruraux dans les flux totaux (environ 15 %) nous
amène, dès maintenant, à relativiser les effets
économiques qu'ils pourraient induire sur les économies
locales.
Chapitre 6 - Notre proposition de typologie
Les différentes typologies exposées ci-dessus nous
offrent des visions partielles, car unidimensionnelles, des chemins de fer
touristiques. Afin de mieux décrire nos « petits trains »,
tentons une approche plus globale, plus qualitative, et donc
nécessairement plus subjective. Dans cette quête, Etienne Auphan
nous indique la voie à suivre : il met en avant une
typologie191 qui nous semble pertinente. Ainsi nous nous proposons
de la retenir, moyennant toutefois quelques adaptations. Etienne Auphan
distingue trois types de chemins de fer touristiques :
les chemins de fer touristiques à caractère
ludique
les chemins de fer touristiques à fonction
principale de préservation du matériel ou «
musées vivants »
les chemins de fer touristiques
d'animation régionale
Par contre, il rejette hors du domaine des chemins de fer
touristiques les systèmes ferroviaires d'accès aux grands sites
touristiques qui selon lui n'ont rien de commun avec les « petits trains
» apparus dans les dernières décennies. Ce rejet, s'il
semble effectivement logique dans le cadre de son article, ne se justifie pas
eu égard à la définition donnée par nos soins des
chemins de fer touristiques.
Aussi, nous retenons la typologie d'Etienne Auphan,
à deux nuances près :
nous y ajoutons les chemins de fer touristiques
d'accès aux grands sites
nous préférons parler de « chemins de
fer touristiques d'animation locale» plutôt que de
« chemins de fer touristiques d'animation régionale
». Le terme « régional » nous semble en effet trop
ambitieux pour décrire la plupart des situations rencontrées sur
le terrain.
191 Voir Auphan (1999), p 255-268.
Tableau 10 : répartition en Km de voies (base :
« E1 ») Légende : CFT= Chemin de fer touristique
|
|
Accès grands sites
|
Caractère ludique
|
Musées vivants
|
Animation locale
|
Nombre CFT
|
81
|
5
|
12
|
18
|
46
|
Longueur Km
|
1255,9
|
61,0
|
35,3
|
58,7
|
1100,9
|
Longueur moyenne Km
|
15,5
|
12,2
|
2,9
|
3,3
|
23,9
|
% longueur totale
|
100
|
4,9
|
2,8
|
4,7
|
87,6
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Avec plus de 87 % de la longueur totale, les chemins de
fer d'animation locale font preuve d'une domination écrasante.
Ce qui est logique : d'une part les réseaux de ce type sont majoritaires
(46 sur 81) ; d'autre part ils sont bien plus longs que les autres
catégories (23,9 Km en moyenne contre 2,9 Km pour les chemins de fer
touristiques à caractère ludique et 3,3 Km pour les «
musées vivants »).
Tableau 11 : répartition en nombre de visiteurs
(base : « E2 ») Légende : CFT= Chemin de fer
touristique
|
|
Accès grands sites
|
Caractère ludique
|
Musées vivants
|
Animation locale
|
Nombre CFT
|
51
|
5
|
7
|
9
|
30
|
Nombre visiteurs (milliers)
|
2356,9
|
1360,0
|
176,1
|
88,3
|
732,5
|
Nombre moyen de visiteurs par CFT (milliers)
|
45,9
|
272,0
|
25,2
|
9,8
|
24,4
|
%visiteurs
|
100
|
57,7
|
7,5
|
3,7
|
31,1
|
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
La situation est toute autre en terme de fréquentation. La
palme revient aux chemins de fer touristiques d'accès aux grands
sites (58 % des visiteurs) avec une
moyenne de 272.000 visiteurs par exploitation. Les chemins de fer
touristiques à caractère ludique et d'animation locale affichent
quant à eux une fréquentation moyenne plus de 10 fois moindre
(respectivement 25.200 et 24.400 visiteurs). Enfin la fréquentation
moyenne des « musées vivants » (9.800 visiteurs) est plus de
25 fois moindre !
Par ce biais est révélée une des
caractéristiques essentielles du secteur des « petits
trains » : l'existence de contrastes énormes entre
les différentes familles de chemins de fer touristiques. Nous
pouvons supposer qu'il en découle des situations très
diverses en termes de pérennité des exploitations:
avec des fréquentations très fortes sur des
longueurs de voie moyennes, les chemins de fer d'accès aux grands sites
semblent solides
en situation intermédiaire, les chemins de fer à
caractère ludique qui ont certes des trafic modestes mais sur des voies
heureusement courtes et étroites
en situation a priori plus difficile, deux catégories :
les chemins de fer d'animation locale qui présentent des trafics
modestes sur des voies longues et normales, ainsi que les « musées
vivants » caractérisés par des voies certes courtes, souvent
étroites, mais aussi par des fréquentations faibles. Les trois
graphiques qui suivent résument par l'image ces contrastes.
Accès grands sites
Graphique 1 : nombre de chemins de fer touristiques
par catégorie
Animation Locale
Musées
vivants
Ludiques
Accès grands sites
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Graphique 2 : longueur des chemins de fer touristiques
par catégorie
Animation Locale
Accès
grands sites Ludiques
Musées vivants
Source : fichier BaseDonnéesCFT.
Graphique 3 : fréquentation des chemins de fer
touristiques par catégorie
Chapitre 7 - Gros plan sur les différentes
catégories
Entrons maintenant dans le détail de chacune de nos quatre
catégories192.
1- Les chemins de fer touristiques d'accès aux
grands sites
|
Les cinq réseaux d'accès aux grands sites sont tous
caractérisés par une mise en service ancienne
(entre 1888 et 1932). Soit ils sont conçus d'emblée pour le
tourisme (Train du Montenvers - Mer de Glace, Tramway du Mont Blanc, Petit
Train de la Rhune), soit ils résultent dans leur forme actuelle d'une
reconversion
réussie d'une ligne à
|
Photo 4 : train du Montenvers - Mer de Glace
(cliché P. Tournaire, O.T Chamonix)
|
vocation initialement industrielle (Petit Train d'Artouste,
Chemin de Fer de la Mure). Quatre sur cinq sont à traction
électrique 193 et à voie métrique (Train du
Montenvers - Mer de Glace, Tramway du Mont-Blanc, Petit train de la Rhune,
Chemin de Fer de la Mure), et parmi ces quatre trois sont à
crémaillère 194(Train du Montenvers - Mer de Glace,
Tramway du Mont-Blanc, Petit Train de la Rhune).
Ces chemins de fer touristiques à caractère
montagnard affirmé, se développent majoritairement
sur un « modèle suisse », largement
diffusé en Europe ; modèle associant l'électricité,
le chemin de fer et le tourisme195 : chez nos voisins
helvètes, les « petits trains » appartenant à cette
catégorie abondent1 96.
192 L'annexe 1 donne un palmarès des chemins de
fer touristiques les plus fréquentés, les listes par
catégories ainsi que des informations complémentaires relatives
aux « petits trains » pris en compte.
193 A l'origine à traction vapeur, puis par la
suite convertis à la traction électrique.
194 Crémaillère : dispositif
comportant un rail supplémentaire, muni de dents, sur lesquelles
engrène un pignon de la locomotive. Son utilisation se justifie pour des
déclivités dépassant les 100 mm/m et fonctionne sans
problème jusqu'à des déclivités de 250 à 300
mm/m.
195 Selon Christophe Bouneau (Cours d'Histoire du Tourisme,
Université Montaigne Bordeaux III, 2006).
196 Pour n'en citer qu'un : le Glacier-Express, «
monument » de près de 300 Km de long, et reliant Zermatt à
Coire, Davos et Saint-Moritz. Voir à ce sujet : Nouchi (2006), p.
4-6.
Les cinq trains touristiques appartenant à cette
catégorie sont tous exploités par des
entreprises délégataires de service public : Compagnie
du Mont-Blanc (2 trains), CFTA (2 trains), Altiservice (un train).
D'une longueur moyenne (entre 4 et 30 Km), les chemins de fer
touristiques d'accès aux grands sites génèrent des
flux très importants : plus de
1.350.000 visiteurs en 2006, soit près de 60 % du
trafic de l'ensemble des « petits trains . Pour
certains, l'exploitation hiver comme été (trains de Haute-Savoie)
contribue naturellement à accroître les flux transportés.
En outre ces chemins de fer peuvent assurer une fonction de déplacement
pour une part de leur clientèle (sKieurs). Bien installés dans
une région à l'attrait touristique fort (Haute-Savoie,
Pyrénées-Atlantiques, Isère), ils sont
relativement pérennes au fil du temps197.
Toutefois, la lente érosion de leur
fréquentation enregistrée entre 1991 et 2006, certes en
valeur relative (de 71 % à 58 % de la fréquentation totale) mais,
plus grave, aussi en valeur absolue (d'environ 1.550.000 à environ
1.350.000 voyageurs) constitue une menace sur le long terme.
Cette érosion globale cache des évolutions
contrastées selon les massifs montagneux : la
fréquentation des deux trains pyrénéens augmente tandis
que celle de deux des trois trains alpins baisse, traduisant probablement des
changements dans les destinations touristiques et/ou les dynamiques diverses
des exploitants198. Toujours est-il que nous retrouvons ici
la concurrence Alpes - Pyrénées, présente dans
maints domaines : sports d'hiver, tourisme estival, secteur industriel des
sports de glisse.
197 Ni ouverture (au sens de première
circulation), ni fermeture sur la période 1991-2006 (source :
BaseDonnéesCFT).
198 Ces deux points seraient à vérifier.
2- Les chemins de fer touristiques ludiques
|
Les douze exploitations que nous avons recensées dans
cette catégorie ont comme principal objectif de divertir un temps leurs
visiteurs venus faire un tour en « petit train ». Elles peuvent avoir
accessoirement une activité de déplacement (Tramway du
Cap-Ferret) dans leur zone d'animation, être incluses dans des bases de
loisirs ou des parcs (Petit Train des Lacs de Monclar) ou enfin constituer des
attractions en elles-mêmes (Chemin de Fer du Val de Passey). Elles ne
sont pas spécifiquement situées dans des régions
touristiques et à ce titre participent à l'essaimage des
chemins de fer touristiques sur tout le territoire français. Avec les
chemins de fer touristiques ludiques le terme de « petit train »
prend toute sa (petite !) dimension.
|
Photo 5 : le Tramway du Cap-Ferret
(cliché.1-.1. Marchi)
|
Leurs caractéristiques communes ? Une circulation sur des
voies sub-métriques (généralement voie de 60), des lignes
courtes (souvent de un à trois Kilomètres mais parfois
jusqu'à six ou sept Km)199. Les sept « petits trains
» pour lesquels nous disposons des données de fréquentation
drainent quelque 175.000 visiteurs: 7,5 % du total, mais un chiffre en hausse
de près de 25 % par rapport à 1991.
Souvent (mais pas toujours) gérés par des
associations, les chemins de fer touristiques ludiques affichent eux
aussi une certaine stabilité dans le temps200.
Toutefois, cette apparente solidité masque les combats
quotidiens des équipes pour maintenir lignes et matériels en
état, et pour attirer à eux des flux de touristes toujours
prêts à aller voir ailleurs ce qu'il y a de nouveau.
Ces « petits trains » ont en commun de ne pouvoir
être rattachés à une logique de conservation patrimoniale,
même si certains peuvent exploiter des matériels
sauvegardés. En effet, dans l'esprit de leurs protagonistes
c'est le plaisir d'un petit tour en train qui prime ; la
motivation de collection de matériels anciens, lorsqu'elle
199 L'un d'entre eux, le Chemin de fer d'Anse, dans le
Rhône, est à la frontière du modélisme ferroviaire
et du train réel puisqu'il présente des modèles
réduits à très grande échelle (1/4) de
matériels ferroviaires. Il utilise une voie de 38.
200 Ainsi la période 1991-2006 n'a
connu ni ouverture, ni fermeture de chemin de fer touristique de cette
catégorie (source : BaseDonnéesCFT).
est présente, ne revêt qu'un caractère
relativement accessoire. Certains de ces chemins de fer touristiques essayent
progressivement (et pas toujours consciemment) de « monter en gamme »
en accueillant des matériels historiques, notamment des locomotives
à vapeur dont la présence peut révéler un lent
glissement vers la catégorie des « musées vivants ».
3- Les chemins de fer touristiques « musées
vivants » du chemin de fer
|
Avec cette catégorie de chemins de fer touristiques, nous
entrons de plein pied dans le domaine des amateurs ferroviaires dont le souci
principal est la collection et la préservation de
matériels historiques. On trouve dans ce « club » du
très bon comme du moins bon. Au pire, les préoccupations sont
celles du « collectionneur
|
Photo 6 : le petit train de la Haute-Somme
(cliché D. Blondin, APPEVA)
|
hamster », dont nous avons souligné
l'ambivalence201 et le « musée vivant » se
réduit à peu de choses; au mieux, le résultat est un
ensemble muséographique réussi qui ne manque pas de
séduire un large public par son authenticité.
D'où vient ce concept de « musée vivant »
? De l'idée de ne pas laisser immobiles, (comme au musée), les
matériels anciens, mais de les faire rouler comme autrefois. Ce qui
démultiplie leur attrait. On peut ainsi parler de « musée
vivant ». Une partie des collections circule tandis qu'une autre reste
à l'abri (quand abri il y a)202. Les mieux
équipés des « musées vivants » disposent d'un
vrai musée. Le visiteur prend le « petit
train » et visite le musée (ou ce qui en
tient lieu).
Les chemins de fer touristiques de ce type sont d'une longueur
modeste (de quelques centaines de mètres à 7 Km), assez proche en
moyenne de celle des chemins de fer touristiques à caractère
ludique. Ils sont à voie étroite, plus rarement à voie
métrique. La construction de la voie peut être postérieure
à celle de la remise
201 Auphan (1999), p 258-260 relève que les
collections sont parfois réduites à peu de choses.
202 Abriter les collections est un enjeu de taille.
Voir infra, Huitième Partie, Chapitre 2.
(le « musée ») car le matériel est dans
un premier temps présenté « en statique ». Un
matériel souvent de nature et d'origines diverses, sans lien direct avec
le site, l'écartement constituant la seule contrainte forte.
Nous avons recensé 18 chemins de fer touristiques «
musée vivants ». Il y a dans cette catégorie, sur la
période 1991-2006, plus de mouvements
(inauguration ou fermeture) que dans les précédentes :
deux ouvertures203 et une fermeture. L'apparition des
premières exploitations de ce type est postérieure à celle
des chemins de fer touristiques à caractère ludique. En
effet, il a fallu auparavant que le matériel
historique devienne disponible, autrement dit que les réseaux
d'intérêt local ferment.
Les neuf « musées vivants » pour lesquels nous
disposons des données de fréquentation représentent
environ 88.000 visiteurs, en stagnation (-4 96) par rapport à la
fréquentation de 1991. La conséquence d'un problème de
qualité (richesse et présentation des collections) chez
quelques-uns ?
4- Les chemins de fer touristiques d'animation
locale
|
Avec les chemins de
fer touristiques d'animation locale, nous changeons de
dimensions sous tous les plans: ils sont nombreux (46), avec
des voies « lourdes »
(40 sur 46 en voie normale, 6 en voie métrique), et de
surcroît ils sont généralement longs
|
Photo 7 : le « Gentiane Express »
(cliché E. André, Association des Chemins de Fer de Haute
-Auvergne)
|
(en moyenne 24 Km). Ces réseaux tentent de se rapprocher
du « vrai » chemin de fer. Ils sont donc les grands des
« petits trains ». Car issus d'une double volonté :
certes préserver locomotives, autorails, voitures, wagons... mais
également faire revivre une ligne donnée, avec
ses trains, ses gares, ses installations ferroviaires, en lien avec le
tissu économique local passé et présent. Enfin,
ils ont structurellement
203 Ouverture, à prendre ici dans le sens de
premières circulations.
des besoins financiers importants,
conséquences directes de la longueur et de l'écartement de leurs
voies.
Dans le meilleur des cas, les chemins de fer touristiques
appartenant à cette catégorie se caractérisent par
une intégration dans le tourisme local : la
(re)découverte d'un patrimoine qui n'est plus seulement
ferroviaire, mais également naturel, culturel, religieux. Ils
peuvent éventuellement être en appui d'un
écomusée204.
L'apparition de cette catégorie de chemins de fer
touristiques est relativement récente : si quelques-uns sont issus de la
« première vague », ils restent majoritairement des
natifs de cette « seconde vague » qui
déferle avec le retrait de la SNCF du territoire français
(fermetures des lignes secondaires).
Le développement des chemins de fer touristiques
d'animation locale peut être vu comme l'aboutissement d'une
évolution, le niveau le plus élevé d'organisation
et d'ambition. Nous parlons bien d'« ambition » car il y a beaucoup
de prétendants mais relativement peu d'élus. A côté
de quelques réussites reconnues (Chemin de Fer de la
Baie de Somme, Chemin de Fer du Vivarais, Train à Vapeur des
Cévennes) qui créent des flux touristiques tels qu'ils
génèrent de réelles retombées sur l'économie
locale, on regrettera les « naufrages » de
réseaux touristiques qui semblaient pourtant promis à un bel
avenir205, on se réjouira des nouveaux arrivants
dont certains affichent une dynamique prometteuse. Et l'on
s'attristera du spectacle pas si rare de trains brinquebalants s'essoufflant
dans nos campagnes : parfois (souvent ?) l'animation
locale relève plutôt de la
réanimation.
Les chiffres confirment cette impression d'une «
agitation tous azimuts » combinée
à une « sélection naturelle
» impitoyable. La preuve : sur la période
1991-2006, au sein de notre échantillon « E2 » comportant 30
chemins de fer touristiques d'animation touristique locale, nous
dénombrons 11 créations et 3 fermetures. Ainsi, quasiment
la moitié de l'effectif est concernée par l'un
ou l'autre de ces évènements fondamentaux ! A comparer
avec la stabilité des autres catégories de
« petits trains ». Le trafic quant à lui a bondi
de moins de 400.000 entrées à plus de 700.000 (environ + 85 %).
Faut-il être pour autant afficher un bel optimisme ?
204 Deux cas : le Chemin de Fer des Landes de Gascogne, moyen
exclusif d'accès à l'Ecomusée de Marquèze (Sabres,
Landes) ainsi que le Chemin de Fer de l'Ecomusée d'Alsace.
205 Quelques exemples : Quercyrail (Lot), Rive-Bleue
Express (Haute-Savoie), Train à Vapeur de Touraine (Indre-et-Loire).
Pas entièrement, car la « sélection naturelle
» opère. D'abord les chemins de fer touristiques d'animation locale
pris tous ensemble ne représentent qu'à peine 30 % de la
fréquentation de l'ensemble des chemins de fer touristiques. Ensuite,
sur les quelque 732.000 entrées réalisées par nos 30
réseaux, 491.000 entrées (les deux tiers) reviennent aux cinq
premiers. Autrement dit, nombreux sont les chemins de fer touristiques
d'animation locale qui se partagent...les miettes.
Un autre écueil, à ne pas sous-estimer,
réside dans la gestion de la complexité
qu'affronte tout réseau ferroviaire appartenant à cette
catégorie. Entendons-nous bien : les choses ne sont pas forcément
simples pour les autres catégories mais ici les intervenants se
multiplient dangereusement, chacun avec ses propres objectifs. Il
s'avère ainsi difficile d' « établir un lien sur des
structures relevant de compétences diverses avec une dynamique plus
longue que les mandats électoraux »206. Il faut du
temps, des années, pour tomber d'accord. Dans certains
cas, on ne tombe jamais d'accord, et rien ne se fait. On peut
voir là une autre forme de « sélection naturelle ».
Lançons nous dans une caricature (le lecteur nous
pardonnera de forcer le trait): -l'association d'amateurs ferroviaires
s'intéresse à la sauvegarde de matériel, à la
circulation des trains mais surtout pas aux touristes. Des clans existent en
son sein entre les « anciens » qui ne veulent pas lâcher les
rênes et les « modernes » qui souhaitent les faire partir
à la retraite une seconde fois.
-les Comités Régionaux, Départementaux du
Tourisme, les Syndicats d'initiative verraient bien le train touristique
intégré à un parc d'attraction
-la SNCF et RFF s'opposent à ce que la moindre
signalétique soit posée sur les gares, qui doivent rester en
l'état même si elles sont abandonnées
-les représentants des (nombreuses)
collectivités territoriales concernées (région,
département, communes, communautés de communes,
communautés des pays,...) qui jusque là jouaient un rôle
moteur viennent de recevoir le devis de remise en état de la voie
ferrée. Devant les quelques millions d'Euros demandés,
l'aménagement d'une « voie verte »207 en lieu et
place du chemin de fer touristique semble soudain être « La »
solution
-le consultant appelé en renfort a « pondu » un
superbe rapport de quelques centaines de pages que tout le monde fait semblant
d'avoir lu.
Bref, la force des chemins de fer touristiques d'animation
locale, leur globalité, constitue également leur faiblesse
: beaucoup n'ont pas les moyens (financiers, techniques, humains) de
leurs ambitions.
206 Gasc (1995), p 22.
207 Une piste cyclable
Conclusion - Diversité et
contrastes
Dans notre tentative de caractériser les « petits
trains », nous nous sommes au préalable attachés à
quantifier le phénomène. Nous avons à cette occasion
relevé l'importance des flux touristiques qu'ils
génèrent.
Les différents prismes appliqués aux chemins de fer
touristiques font chaque fois ressortir des contrastes parfois énormes.
La typologie pluridimensionnelle que nous retenons n'échappe pas
à cette tendance, même au sein de ses différentes
catégories.
Ainsi les enjeux sont divers, à la mesure des contrastes.
Mais dans tous les cas, par-delà les différences, nos chemins de
fer touristiques restent apparentés à la fois par les contraintes
de leur support (rail et matériel roulant) et par leur caractère
éminemment touristique.
Sixième parti
Au-de/à des différences
Sixième partie - Au-delà des
différences
Introduction - De l'utilité de quelques
zooms
Au-delà de nos approches à la fois dynamique
(quatrième partie) et en instantané (cinquième partie) des
chemins de fer touristiques, nous proposons au lecteur de « zoomer »
sur divers aspects propres au milieu des « petits trains » : la
recherche, la restauration et l'entretien des matériels, la presse
ferroviaire enfin les liens entretenus avec le septième art. Quelle que
soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, tous nos «
petits trains » sont concernés par ces aspects.
Chapitre 1 - La « chasse » aux
matériels ferroviaires anciens
La question de la recherche des matériels ferroviaires,
dans son acuité actuelle, est relativement récente. En effet,
elle ne se pose pas (ou si peu) dans les années 1950- 1960. La fermeture
des chemins de fer départementaux ainsi que la fin de la vapeur mettent
brusquement à disposition des amateurs ferroviaires
quantité de matériels à sauver d'urgence de la
casse. Sélectionner les plus intéressants (ou les plus
valides), les obtenir gratuitement ou les racheter à un prix
généralement dérisoire208 : telles sont les
priorités.
Passé cette phase, le marché des matériels
ferroviaires se trouve soudain bien vide. Il faut attendre les rares
opportunités, et se ruer dessus. A titre d'exemple, les CFTT
(Chemins de Fer Touristiques du Tarn) doivent leur naissance à la
fermeture du réseau des Salins du Midi ; cette fermeture met sur le
marché des matériels qui sont récupérés par
les amateurs. Toutefois ces matériels sont à voie de 50.
L'association reconstruit en conséquence en voie de 50 un réseau
qu'elle prévoyait initialement en voie de 60. Illustration
éclairante de la rareté du matériel roulant209.
Témoin également de cette rareté, les prêts de
matériels entre les différents réseaux touristiques, qui
traduisent davantage que de bonnes relations de voisinage.
208 Ce prix dérisoire a parfois des aspects pervers,
certaines associations naissantes « s'encombrant » avec du
matériel dont elles ne feraient jamais rien. A mettre en rapport avec
les travers du collectionneur.
209 Kerebel (2005), p 84-93.
Une rupture intervient avec l'entrée en
scène des pays de l'Europe de l'Est. Nos voisins du bloc
oriental n'attendent pas la chute du mur de Berlin pour retrouver le sens des
affaires : après quelques ventes bradées, ils prennent vite
conscience de la valeur de leurs vieux matériels roulants en
précieuses devises occidentales. On peut se procurer une locomotive
à vapeur (hors service et rouillée) à l'Est pour
l'équivalent d'environ 12.000 € il y a quelques années. En
2001, des ventes aux enchères fixent le « cours » de la
locomotive à vapeur à l'état d'épave autour de
20.000 € pour les « petites » (type 030 à voie de 60).
Mais une locomotive hors service doit être remise en état et
transportée (ou l'inverse). Et là, le coûts
grimpent : compter au minimum 100.000 à 150.000 €
pour une « petite ». Quant aux locomotives à vapeur pour voie
normale, les introduire dans une exploitation coûte au bas mot 300.000
à 500.000 €. Pas à la portée de tout le monde.
Néanmoins, aujourd'hui, les « Polonaises », les «
Roumaines », les « Allemandes » (de l'Est) font partie du
paysage ferroviaire touristique hexagonal.
Quels seront les nouveaux eldorados des dénicheurs de
matériel ferroviaire ? Difficile de le dire. Il semble que l'on commence
à s'intéresser à l'Afrique du Nord, à
l'Extrême-Orient tandis que nos voisins britanniques sont partis en
Afrique du Sud chasser ...la locomotive.
Chapitre 2 - La problématique de l'entretien des
matériels
ferroviaires
1- Une problématique à l'intensité
croissante
Lors de la fermeture des lignes d'intérêt local
comme lors de la fin de la vapeur, les amateurs ferroviaires
récupèrent des matériels parfois en bon état,
parfois fatigués, mais généralement éligibles
à une mise (ou remise) en service rapide. L'entretien peut alors se
limiter à des opérations relativement simples techniquement et
abordables financièrement parlant. Ainsi, la première
partie de notre période d'étude se déroule sans gros enjeu
relatif à l'entretien des matériels. Les « petits
trains » continuent à circuler tant bien que mal.
Le problème de l'entretien est apparaît sous
un jour nouveau, plus sombre, dans les années 1980, suite
à la conjonction de plusieurs facteurs :
le vieillissement des matériels
ferroviaires, dont le maintien en service peut s'avérer
coûteux. Acquis dans un état plus ou moins bon, ce matériel
a gagné en âge. Une évidence, certes, mais qui a toute son
importance. De petites réparations, il nécessite bientôt de
grosses interventions que les associations ne sont plus en
mesure de faire elles-mêmes ou de financer.
Côté locomotives à vapeur, c'est le moment des
« chutes de timbre »210
où l'on découvre que certaines chaudières sont à
refaire, au prix fort (là encore, compter au minimum 150.000 €)
-la raréfaction des matériels disponibles en
état convenable oblige peu à peu à se rabattre
vers des épaves, certes meilleur marché, mais dont la
remise en état demande des années et une solide surface
financière
-enfin, le renforcement de la législation
en matière de sécurité crée des contraintes
supplémentaires d'autant plus lourdes qu'elles s'appliquent à du
matériel en mauvais état.
2- Les limites du « Do-it-Yourself
»211
En matière de réparations, les exploitants
ferroviaires touristiques visent souvent, avec une certaine raison vu la
faiblesse des alternatives, l'autonomie, voire la quasi
indépendance. La variété des métiers
dont sont issus leurs bénévoles constitue pour
eux une bénédiction : mécaniciens, soudeurs, peintres,
charpentiers, menuisiers, diésélistes, cheminots... chaque
métier a sa place et la palette des compétences disponibles
s'avère statistiquement proportionnelle au nombre d'adhérents.
Les chemins de fer touristiques possèdent presque tous un
atelier équipé de machines- outils (le plus souvent
achetées d'occasion pour des raisons de coût).
Au cours des années 1970 -1980, les compétences
nécessaires à la réparation des locomotives à
vapeur sont disponibles auprès de la SNCF (qui utilise des
locomotives à vapeur jusqu'au début des années 1970) et
donc auprès des cheminots, présents de manière variable au
sein des associations. Ensuite, les compétences « vapeur », se
raréfient : la SNCF n'exploite plus de locomotive à vapeur, son
expertise se perd. Les anciens cheminots ayant connu et pratiqué la
vapeur disparaissent peu à peu.
Côté diesel, pas de problème majeur,
entre d'une part les exploitants commerciaux dont certains arrivent à
faire (presque) tout eux-mêmes et d'autre part les
bénévoles férus de mécanique des associations.
210 Voir supra, Troisième Partie,
Chapitre 2, §1, C.
211 « Faites-le vous-même » en
français.
Toutefois, si la bonne volonté ne manque
généralement pas, le temps reste
précieux. Hormis les retraités, les
bénévoles les plus assidus ne viennent qu'une ou deux
demi-journées par semaine. A ce train (!), la remise en état
d'une locomotive à vapeur prend couramment plusieurs années
(douze212 pour la 241 P 1 7213) et des milliers d'heures
de travail214. Aussi, les associations les mieux garnies
possèdent toutes une ou plusieurs épaves de locomotives à
vapeur qui attendent patiemment, des années durant, au fond d'un hangar,
leur cure de jouvence.
3- Des intervenants diffus
Reste ce que l'on ne peut (ou que l'on ne veut) faire
soi-même. Soit parce qu'on ne dispose pas des compétences idoines
(cas le plus courant), soit parce qu'on a suffisamment d'argent pour gagner
beaucoup de temps sur une tâche fastidieuse lorsqu'elle est
effectuée par des bénévoles. Deux solutions peuvent
être envisagées :
-soit faire appel à des intervenants locaux :
chaudronniers, menuisiers, motoristes -soit mobiliser des partenaires
spécialisés du domaine ferroviaire.
A- Des intervenants locaux
Les responsables des « petits trains » arrivent
à trouver, souvent pas trop loin, un ou plusieurs prestataires, artisans
ou PME. Mais cette solution butte rapidement sur des obstacles :
difficulté d'obtenir un travail conforme aux exigences du domaine
ferroviaire que ces intervenants ne connaissaient guère,
difficulté de coordonner les différents prestataires. Enfin, peu
de moyens de pression vis-à-vis de ces artisans ou PME pour lesquels le
travail avec les chemins de fer touristiques représente une
activité très occasionnelle et marginale.
212 Matthieu Chevalier, « La P17 revit
», Voie Etroite, n° 212 (février-mars 2006), p 30.
213 La configuration des essieux indique que c'est une
« Mountain », type de locomotive à grande puissance
utilisé par le PLM sur les voies à fort trafic et profil
difficile. La 241 P 17 est la locomotive à vapeur la plus puissante
actuellement en service en Europe.
214 Kérébel (2005), p 109 : « La
rénovation d'une machine peut demander jusqu'à 3000 heures
».
B- Des intervenants spécialisés
Aussi, la tentation de faire appel à des intervenants
spécialisés peut être grande.
Dans l'Hexagone, les intervenants de ce type
existent, mais ils sont relativement inadaptés aux besoins et aux moyens
des chemins de fer touristiques. On peut certes se faire construire
une chaudière de locomotive à vapeur chez un fabricant de
chaudières industrielles. Mais entre une chaudière industrielle
à demeure dans son usine et une chaudière de locomotive à
vapeur qui sera ballottée sur des voies ferrées en mauvais
état, il y a une grosse différence. Différence que les
industriels concernés ont du mal à intégrer vu le
caractère très marginal dans leur activité des demandes
émanant des opérateurs ferroviaires touristiques. Quelques
fournisseurs méritent toutefois d'être mentionnés, car ils
s'adressent (au moins un peu) à la clientèle des chemins de fer
touristiques : les Etablissements Louis Patry S.A (rails, accessoires),
CFG-Giragr (locotracteurs, voitures), les Ateliers CFTA de Gray
(réparations). Ces prestataires ne travaillent exclusivement, loin s'en
faut, pour nos seuls chemins de fer touristiques : les « petits trains
» représentent pour eux des petits clients de surcroît
souvent rebutés par des prix que leurs moyens ne leur permettent pas
d'acquitter. Pour bénéficier de prix plus adaptés, il faut
quitter la France et accepter les complications administratives que cela
engendre.
Ailleurs en Europe (en Allemagne et en Pologne
notamment), existent des prestataires intégrés :
intégrés dans la mesure où ils savent à peu
près tout faire sur une locomotive, notamment sur une locomotive
à vapeur. Nous les appellerons par convention des «
ateliers ferroviaires
»215. Ces PME apparaissent au
début des années 1990, sous l'effet d'un évènement
déclencheur commun : la chute du rideau de fer. Dans les cas dont nous
avons eu connaissance, le processus de création est comparable: des
ateliers dépôts appartenant jadis aux anciennes administrations
ferroviaires du bloc de l'Est sont fermés par mesure d'économie
puis rachetés, partie par leurs propres cadres, partie par des
entreprises ferroviaires ou des
« pionniers »216 venus de l'Ouest. Le
personnel et donc les compétences sont ainsi préservés.
Les ateliers ferroviaires définissent une offre de services dont une
part substantielle est destinée aux chemins de fer touristiques de toute
l'Europe (dans les faits, surtout l'Allemagne dont la densité et la
richesse des chemins de fer touristiques sont en avance sur la nôtre).
L'autre part de l'offre de services s'adresse aux professionnels du rail. Dans
cette catégorie des ateliers ferroviaires, nous
215 J'emploie ce terme à dessein de
manière à bien faire la distinction avec les entreprises
ferroviaires travaillant pour la SNCF ou des exploitant privés.
216 « Pionniers » peut être pris dans
le même sens que celui donné aux protagonistes de nos deux vagues:
des hommes entreprenants et parfois un peu excentriques.
citerons en Allemagne le DampfloKwerK
Meiningen217, MaLoWa BahnwerKstatt218. A peine
plus loin, en Pologne, voici InterloK Pila219,
meilleur marché du fait du coût de la main d'oeuvre locale. Cette
entreprise a déjà travaillé pour les chemins de fer
touristiques français.
C- Une locomotive à vapeur « flambant »
neuve pourquoi pas ?
Devant les difficultés de dénicher,
d'acquérir, de restaurer, de faire circuler et d'entretenir une antique
locomotive à vapeur, une idée apparemment un peu saugrenue peut
venir à l'esprit : pourquoi ne pas acheter une locomotive à
vapeur neuve ? Mais de quel côté se tourner ?
L'industrie ferroviaire française fabrique sa
dernière locomotive à vapeur en 1951. En 1958, à
Manchester, Beyer-PeacocK produit encore des locomotives à vapeur de
type Garratt220 pour la Rhodésie (le Zimbabwe
actuel)221. L'arrêt de la production de locomotives à
vapeur est postérieur dans les pays de l'Est et surtout dans les pays en
voie de développement. Ainsi, en Inde, la dernière locomotive
à vapeur sort de l'usine de Chittaranjan en 1967222. La Chine
constitue l'exception : elle construit encore, en 1980, des locomotives
à vapeur223. Mais plus maintenant. L'amateur
désireux d'acquérir une locomotive à vapeur neuve doit
choisir une autre voie que celle de l'industrie ferroviaire
traditionnelle. Quelques rares PME, souvent
britanniques224, sont en mesure de proposer de petites locomotives
à vapeur neuves pour voie étroite. Leurs prix très
élevés les placent hors de portée de la plupart des
chemins de fer touristiques français.
Alors, pourquoi ne pas essayer de construire
soi-même une locomotive à vapeur ?
Curieusement, cela a déjà été tenté, et
réussi. Une fois encore, les Britanniques ont une longueur d'avance.
Dès 1979 les Ffestiniog Railways, au Pays de Galles, mettent
217 Traduction : Atelier pour Locomotives à Vapeur de
Meiningen. Il appartient à la DB (Deutsche Bundesbahn, équivalent
de notre SNCF). Voir site internet : http://www.dampfloKwerK.de/
218 Voir site internet :
http://malowa.interloK.info/
219 InterloK Pila est une filiale d'InterloK Berlin et est
également lié avec MaLoWa dans le cadre du « Groupe InterloK
». Voir site internet : http://www.interloK.info/
220 Du nom de son inventeur, le britannique Herbert William
Garratt (1864-1913). Locomotives articulées destinées à la
traction de trains lourds sur des voies construites à l'économie.
Elles ont connu un certain succès en Afrique, Amérique du Sud et
Australie.
221 Hollingsworth, CooK (1984), p 198-199.
222 CNPF en collaboration avec la
Fédération des Industries Ferroviaires et l'INSEE (s.d.), p 57
223 Hollingsworth, CooK (1984), p 146-147.
224 Alan Keef Ltd par exemple. Voir site internet :
http://www.alanKeef.co.uK/
en chantier une Fairlie225 pour eux-mêmes !
C'est une version modernisée de la dernière Fairlie
fabriquée au même endroit, cent ans auparavant226. Des
répliques de modèles anciens sont également construites,
ça et là : la locomotive de Richard TrevithicK et la British LNER
Pacific A1 (Grande-Bretagne), la « Tom Thumb » (USA)227 et
même notre locomotive nationale « Marc Seguin » ! Comme quoi,
c'est possible228. Mais ce n'est pas, loin s'en faut, la solution la
plus simple : mieux vaut retaper (ou faire retaper) une épave.
Chapitre 3 - Edition et médias
Les spécificités du rail (culture technicienne,
présence d'amateurs) ont depuis des décennies favorisé
l'émergence de médias dédiés.
1- Les revues ferroviaires229
Il existe un nombre significatif de revues ferroviaires.
Certaines ont un caractère généraliste : La
Vie du Rail, Voies Ferrées...c'est-à-dire qu'elle traitent
de tous les types de trains : grandes lignes, réseaux secondaires,
chemins de fer touristiques, modélisme ferroviaire. Les « petits
trains » n'y représentent cependant qu'une portion congrue (sauf
numéros spéciaux éventuels). Nous considérerons que
ces supports ne sont pas rattachables au domaine des chemins de fer
touristiques.
D' autres revues possèdent un caractère
plus spécialisé. Ainsi Loco Revue, Rail Miniature
Flash, Le Train, s'occupent principalement voire exclusivement de
modélisme ferroviaire, et n'entrent pas davantage dans le cadre de notre
étude.
Parmi les revues spécialisées, quelques-unes
traitent des chemins de fer touristiques. Il s'agit pour la plupart de
productions associatives à diffusion restreinte, pour la plupart
assimilables à des fanzines. Au final deux revues
seulement nous semblent pouvoir revendiquer avec
légitimité un statut national dans le monde des « petits
trains » : Voie Etroite et Chemins de fer régionaux et
tramways.
225 Du nom de son inventeur, le Britannique Robert
Fairlie (1813-1885). Selon Lamming (2005), p 268, article Fairlie:
c'est une « locomotive à deux chaudières et deux trucKs
moteurs, à faible coût d'exploitation, et destinée aux pays
neufs. »
226 Hollingsworth, CooK (1984), p 197.
227 Garratt (2003), p 62-63.
228 Il existe des amateurs de « vapeur vive
» qui construisent eux-mêmes leurs locomotives, modèles
réduits fonctionnant à la vapeur. Mais il s'agit bien de
modélisme, et non de chemins de fer touristiques au sens de notre
définition.
229 L'annexe 6 présente une liste de magazines
ferroviaires.
A- Voie Etroite
C'est aujourd'hui la référence
des revues consacrées aux chemins de fer touristiques. Elle a pourtant
commencé bien modestement, présentée sur des feuilles
polycopiées, comme bulletin interne à l'APPEVA230.
Quelques changements de formats et de maquettes plus tard, « Voie Etroite
» tire de nos jours à près de 4.500
exemplaires : 700 à 800 vendus par abonnement, plus quelque
3.500 diffusés par les NMPP231 vers les Kiosques à
journaux. Ce volume de parution est maintenu depuis plus de dix ans. La
parution est bimestrielle. La revue est passée tout
récemment232en quadrichromie, sans augmentation du prix,
alors qu'auparavant seules les quatre pages de couverture étaient en
couleurs.
Les numéros de Voie Etroite comportent des
rubriques d'actualités dédiées aux différents
chemins de fer touristiques et aux tramways, des reportages pour
découvrir un réseau particulier (parfois situé au bout du
monde), ainsi que des articles à caractère historique.
Les articles d'actualité et les reportages sont
rédigés par les bénévoles issus des
différentes associations tandis que les passionnés d'histoire
ferroviaire s'attachent à faire revivre une ligne d'intérêt
local, à rechercher les origines de tel matériel ou de tel
vestige industriel, le tout avec un luxe de détails impressionnant. Les
éditoriaux, le choix des articles ainsi que la mise en page sont
effectués en petit comité : par David Blondin, accompagné
de son épouse et de son père. Pas d'élimination des
articles envoyés : tout au plus la parution est-elle
différée quand les numéros sont trop chargés et le
sujet pas d'une actualité brûlante (articles à
caractère historique).
Interrogé sur le succès de « Voie Etroite
», David Blondin, le Rédacteur en Chef, n'arrive pas à se
l'expliquer. Le secret résiderait-il dans une motivation sans faille et
au long cours ?
B- Chemins de fer régionaux et
tramways
Chemins de fer régionaux et tramways est
éditée par la FACS-UNECTO. Les numéros se
composent de trois rubriques principales :
-études historiques et techniques, en
général très pointues, d'une ligne ou d'un matériel
ferroviaire
-actualité des chemins de fer touristiques
230 Association Picarde Pour la Préservation et
l'Entretien de Véhicules Anciens.
231 Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne.
232 Au n° 215 (août-septembre 2006).
-actualité des tramways et réseaux urbains
Nous nous étonnons (et d'autres avec nous) de la part
relativement modeste consacrée à l'actualité des «
petits trains »233. En revanche, les études historiques
et techniques occupent corrélativement une large place.
Le tirage de Chemins de fer régionaux et tramways
reste plus modeste:
1300 exemplaires, avec une diffusion vers deux canaux principaux
: les membres de la FACS-UNECTO, dont la cotisation inclut l'abonnement
à la revue, et les guichets de vente des chemins de fer touristiques.
Le premier numéro de 2007 (n°319) inaugure la
quadrichromie qui jusque là se limitait, comme pour Voie
Etroite, aux quatre pages de couverture. Faut-il voir dans ces deux
passages presque simultanés à la couleur un des effets
bénéfiques de la concurrence ? Nous serions tentés de
répondre par l'affirmative.
2- L'édition ferroviaire
Le catalogue du Fonds Cheminot (émanation du CCE de la
SNCF) liste 249 ouvrages postérieurs à 1937 dans la seule
catégorie « Les chemins de fer secondaires touristiques et
régionaux » et 78 dans « Ouvrages illustrés : albums de
cartes postales, photographies, dessins ». Soit un total de 327
ouvrages. Si sur cette base nous sélectionnons les publications
dont les titres indiquent explicitement qu'elles sont consacrées aux
chemins de fer touristiques, nous arrivons à 17 ouvrages234.
Et si nous élargissons notre champ à l'histoire des « petits
trains », nous intégrons 74 ouvrages supplémentaires. Soit
un total de 91 ouvrages. Pour nous donner une idée de
l'activité de l'édition ferroviaire, nous proposons de
répartir ces ouvrages selon leurs dates de parution.
Tableau 12 : nombre d'ouvrages ferroviaires relatifs
aux chemins de fer touristiques et à l'histoire des « petits trains
» en fonction de leur date de parution
Période
|
Avant 1980
|
1981-1990
|
1991-2000
|
2001-2002
|
Non daté
|
Nombre
|
8
|
32
|
46
|
4
|
1
|
Source : catalogue du Fonds Cheminot.
233 A titre d'exemple : les numéro 320 (2007/2)
et 319 (2007/1) leur consacrent respectivement 3 et 6 pages sur un total de
36.
234 En ne prenant en compte aucun des livres
publiés sur les chemins de fer à caractère
touristique, tels que définis au début de ce mémoire.
Nous assistons à un véritable
« décollage » des publications dans la
décennie 1980 et à un « âge d'or » dans la
décennie 1990 (il n'est pas sûr, au vu des chiffres de
2001-2002 que cette tendance se poursuive). Il nous semble probable que le
déferlement de «la seconde vague » a contribué
à attirer l'attention sur les chemins de fer touristiques. Nous
pouvons également faire l'hypothèse (certes audacieuse) que le
développement des TGV conjugué à la fermeture des lignes
secondaires ont marqué une rupture dans la perception du train,
provoquant ainsi un double mouvement : d'une part l'admiration pour les
prouesses technologiques de la grande vitesse sur rail, mais
simultanément la nostalgie du train d'autrefois, moins pressé, et
dont les chemins de fer touristiques constituent aujourd'hui un
archétype.
Il existe quelques maisons d'édition plus
ou moins dédiées à nos « petits trains ». Nous
citerons les dynamiques « Editions du Cabri », mais également
les « Editions de l'Ormet », les « Editions Régordane
», « Presse et Editions Ferroviaires » ainsi que les
incontournables « Editions La Vie du Rail ». Dans la majeure partie
des cas, elles publient également des magazines ferroviaires à
caractère généraliste235.
Chapitre 4 - Chemins de fer touristiques et
cinéma236
De l' « Arrivée d'un train en gare de la Ciotat
»237 des frères Lumière, en passant par « la
Bête humaine »238 jusqu'à « Runaway Train
»239, le chemin de fer joue la star ou le simple figurant dans
de nombreux films. Les liens avec le septième art
s'affirment ainsi depuis les origines jusqu'à aujourd'hui.
Depuis la fin de la vapeur sur les lignes SNCF, au début
des années 1970, le cinéaste voulant rendre l'ambiance des grands
express ou des petits trains d'autrefois pourrait désespérer de
trouver dans nos contrées un authentique « panache de fumée
» dans un cadre d'époque. Heureusement pour lui, il y a ces chemins
de fer touristiques qui disposent à la fois de matériels anciens
préservés (locomotives à vapeur, voitures anciennes) en
état de marche et de gares, voies, paysages préservés. A
titre d'exemple, les locomotives et voitures des Trains à Vapeur de
235 Les « Editions de l'Ormet », les
« Editions Régordane », « Presse et Editions Ferroviaires
» publient respectivement : Connaissance du Rail, Objectif Rail, Voies
Ferrées. Les « Editions la Vie du Rail » : La Vie du
Rail et Rail Passion.
236 Pour plus d'informations sur les liens entre les
chemins de fer en général et le cinéma le lecteur se
reportera à Lamming (2005), p 481-489.
237 Présenté pour la première fois au public
le 6 janvier 1896. Selon la tradition, l'image du train arrivant vers le public
aurait provoqué un mouvement de panique chez les spectateurs
238 Film de Jean Renoir, sorti sur les écrans
en 1938.
239 Film réalisé par Andrei KonchalovsKy
en 1985.
Touraine (Chinon - Richelieu) ont participé à une
quarantaine de films ou téléfilms en un quart de
siècle240.
Les sites internet des chemins de fer touristiques ne se privent
pas de solliciter cinéastes et
publicitaires241 susceptibles d'apporter des
rentrées d'argent considérables en échange d'une bonne
dose de rêve ou d'authenticité. Ainsi, selon Etienne Auphan,
« le Train à Vapeur des Cévennes a pu se transformer en SARL
en 1987 et racheter la ligne Anduze - Saint-Jean-du-Gard grâce aux
ressources issues du produit de la location du chemin de fer touristique aux
cinéastes et aux publicitaires »242. Le tableau
ci-dessous donne un aperçu de quelques tournages réalisés
sur divers « petits trains », qu'il s'agisse de films,
téléfilms ou de spot publicitaire.
Tableau 13 : chemins de fer touristiques et
tournages
Abréviations : CFT: Chemin de Fer Touristique - TVT:
Train à Vapeur de Touraine - CFTV: Chemin de Fer Touristique du
Vermandois - CFV : Chemin de Fer du Vivarais -
TFCF : Tramway du Cap-Ferret.
Film ou film TV / Publicité
|
Type
|
Réalisateur
|
Acteur(s)
|
CFT
|
Tess
|
Film
|
R. PolansKi
|
N. KinsKi
|
TVT
|
Van Gogh
|
Film
|
M. Pialat
|
J. Dutronc
|
TVT
|
Des grives aux loups
|
Film TV
|
P. Monnier
|
M. Barrier
|
TVT
|
Soldat Richter
|
Film TV
|
J. Pignol
|
P. Semmler
|
TVT
|
Uranus
|
Film
|
C. Berri
|
G. Depardieu
|
AGRIVAP
|
Un long dimanche de fiançailles
|
Film
|
J-P. Jeunet
|
A. Tautou
|
CFTV
|
Vipère au poing
|
Film
|
P. de Broca
|
J. Villeret
|
CFTV
|
Le soldat qui dort
|
Film TV
|
J-M Henchoz
|
A. Wilms
|
CFV
|
Le Samouraï
|
Film
|
Film japonais
|
CFV CFV
|
Panzani (pâtes)
|
Publicité
|
|
|
Belle comme Crésus
|
Film TV
|
J-F. Villemer
|
D. Darrieu
|
TFCF
|
Sources : Rodier (1993), p 63 pour le Train à
Vapeur de Touraine ; Braun (1991) pour AGRIVAP ; Ricaud, Royer (2002), p 205
pour Chemins de Fer du Vivarais ; entretien avec Jean-Louis Vanaud pour le
Tramway du Cap-Ferret ; les sites internet des chemins de fer touristiques pour
les autres informations.
240 Camand (2002), p 45.
241 Voir par exemple la page internet du Train
à Vapeur des Cévennes :
http://www.trainavapeur.com/enfamille.php?m=trainavapeur_cinema
ou du Gentiane Express :
http://traincezallier.free.fr/trainspeciaux.htm
. La première liste les tournages accueillis, la seconde fait un appel
du pied aux producteurs, réalisateurs, publicitaires.
242 Auphan (1999), p 266.
Cet aperçu doit nous convaincre que les liens entre les
chemins de fer touristiques et le cinéma sont loin d'être
seulement anecdotiques. D'ailleurs certains « petits trains
» sont inscrits à des organismes chargés de faire
connaître aux cinéastes les sites de tournage
potentiels243.
Deux films méritent une mention spéciale :
« Les Grandes Gueules », de Robert
Enrico (1965) avec Bourvil et Lino Ventura. On y suit de robustes
bûcherons se déplaçant avec le « Tacot
»244 sous l'oeil goguenard de concurrents plus fortunés,
utilisateurs de camions
«Tortillard pour Tittfield » (Ch.
Crichton, 1952) qui a sensibilisé « les passionnés en
confirmant, sur un mode humoristique, la possibilité de maintenir en
activité des matériels et lignes condamnés
»245
Conclusion - Ce qui les rassemble
Les chemins de fer touristiques ne vivent pas entre eux, dans un
petit monde clos. Les interactions de leurs exploitants avec leur environnement
immédiat et lointain sont nombreuses : ils partent à la «
chasse » aux matériels anciens; ils organisent leurs propres
ateliers pour faire face à l'entretien et aux réparations. A une
échelle, certes modeste, leurs besoins créent autour d'eux des
activités : la renaissance d'ateliers ferroviaires
spécialisés, la variété de l'édition, la
captation des professionnels du cinéma et de la publicité en
témoignent.
Loin de rester figés dans une attitude seulement
nostalgique, les exploitants de nos chemins de fer touristiques font l'effort
de s'adapter aux opportunités et aux menaces de leur milieu,
n'hésitant pas à faire du nouveau lorsque cela s'avère
nécessaire.
243 L'Association du Train Touristique
Guîtres-Marcenais est ainsi inscrite auprès d'« Aquitaine,
Image, Cinéma » au sein du Conseil Régional d'Aquitaine.
D'après Castets, Delavois, Demange, Marseille (2006), p 73.
244 Pour l'ambiance d'un chemin de fer forestier,
visiter dans le massif des Vosges le Chemin de Fer d'Abreschviller
(Moselle).
245 Bouchaud, Cheveau (1999), p 269.
Septième parti
Touristiques, nos chemins de fer ?
Septième partie - Touristiques, nos chemins de
fer ?
Introduction - Le transport est mort, vive le
tourisme !
« Un moyen de transport idéal serait
instantané, gratuit, de capacité illimité... Bref, il
abolirait l'espace »246. Cette définition ne s'applique
pas du tout au sujet de notre étude : le chemin de fer touristique
dilate l'espace et le temps, il n'est pas gratuit, il transporte peu de
personnes à la fois. Il n'est pas (ou n'est plus) un moyen de
transport. Car, comme l'indique son adjectif, le chemin de fer
touristique est un produit touristique. Un produit
touristique auquel les savoir-faire de marKeting touristique
doivent être appliqués.
Chapitre 1 - Une prise de conscience qui tarde à
venir
La prise de conscience tarde pourtant à venir chez les
amateurs ferroviaires. On peut mettre sur le compte des péchés de
jeunesse le fait que les visiteurs ne soient pas choyés au début
de notre période d'étude. L'accueil est tantôt bon enfant,
tantôt rugueux mais dans tous les cas non professionnel à l'aune
des standards touristiques. Si depuis les choses ont évolué dans
le bons sens, aujourd'hui encore le tourisme n'entre qu'à
reculons dans le cercle des chemins de fer touristiques.
Ainsi, concernant le Train Touristique Guîtres-Marcenais,
les étudiantes en DESS Tourisme notent à plusieurs reprises le
fossé (le précipice ?) qui sépare les amateurs du monde du
tourisme: « cette association de bénévoles passionnés
se consacre avant tout à l'entretien du matériel, de la voie
ainsi qu'à la marche des trains. La restauration du matériel
roulant est leur principal objectif. La promenade des passagers faisant de ce
train un 'train touristique' sert à engranger des fonds dans ce but.
L'activité touristique n'est donc pas la motivation première mais
constitue un moyen et non une finalité »247. Plus loin
on peut lire : « l'association gérante du train n'a aucune
compétence touristique et ne souhaite pas en avoir
»248. Tout est
résumé dans cette phrase qui s'applique encore de nos jours
à l'essentiel des chemins de fer touristiques à caractère
associatif.
246 Merlin (1991), p 5.
247 Castets, Delavois, Demange, Marseille (2006), p
5.
248 Idem, p 93.
La clé des comportements observés tient à
notre avis en quelques mots : les
« promenades » de touristes sont encore trop souvent
perçues un mal nécessaire pour ramasser l'argent
nécessaire à la sauvegarde du matériel. On attend le
touriste, au lieu d'aller le chercher249. L'enjeu est donc bien
de parvenir à une « inévitable professionnalisation,
souhaitée par tous les partenaires
institutionnels. Les touristes ne sont plus un moyen
mais une finalité »250
Chapitre 2 - Caractéristiques du « produit
» chemin de fer
touristique
1- Une forte saisonnalité
Les « petits trains » sont marqués par
une forte saisonnalité. La période
d'exploitation va en gros de Pâques à la Toussaint, avec une haute
saison en juillet et août. Mais certains chemins de fer touristiques,
souvent les plus modestes, n'ouvrent que weeK-ends et fêtes, y compris en
plein été.
Le reste de l'année, pratiquement tous les chemins de fer
touristiques251 sont fermés (bien que certains d'entre eux
puissent rouvrir ponctuellement à l'occasion d'une fête ou d'un
affrètement). Les activités se concentrent alors sur l'entretien
ou la rénovation du matériel roulant et des infrastructures.
2- Un produit qui attire un large public
Qu'y a-t-il de commun entre un chemin de fer touristique à
voie étroite de 2 Km de long et un autre à voie normale qui en
fait plus de 100 ? Entre une exploitation qui accueille 700.000 visiteurs par
an et une autre 2.000 ? Pourtant, du seul point de vue touristique, les
différences ne sont pas si grandes. Dans tous les cas, les
chemins de fer touristiques attirent un large public : familles,
jeunes, personnes âgées ; citadins et ruraux. Ils jouent
un rôle de ciment à la fois entre les
générations et entre la ville et la
campagne de par leur caractère consensuel.
249 Sur les différences considérables
d'échelle dans les budgets de promotion entre associatifs et
professionnels, voir infra, Neuvième Partie, Introduction.
250 Castets, Delavois, Demange, Marseille (2006), p 6. C'est nous
qui soulignons.
251 A l'exception des réseaux exploités
par la Compagnie du Mont-Blanc : Train du Montenvers - Mer de Glace et Tramway
du Mont-Blanc, ouverts hiver comme été.
Les groupes (jeunes et personnes
âgées pour l'essentiel) représentent en moyenne le
quart des visiteurs, mais cette proportion varie selon les chemins de
fer touristiques de moins de 10 % à plus de 40 %252.
L'intérêt de ce type de clientèle réside dans le
fait qu'elle lisse la fréquentation : elle se concentre
sur les périodes creuses, avant et après la haute saison.
Qu'il s'agisse d'individuels ou de groupes, plusieurs
gisements de clientèle intéressent nos « petits
trains »253 :
-les touristes étrangers, originaires de
pays anglo-saxons, nations dans lesquels les chemins de fer touristiques sont
une réalité bien plus tangible que par chez nous. Ces touristes
ont tendance, assez naturellement, à rendre visite aux « petits
trains » situés dans leur région de villégiature. On
peut rattacher à cette catégorie les touristes
français venant de régions à tradition
industrielle
-les touristes locaux c'est-à-dire
habitant dans la zone de chalandise de chaque « petit train ». A
titre indicatif, on doit comprendre cette zone comme incluse à
l'intérieur d'un isochrone d'une heure trente de trajet autour du site
du chemin de fer touristique. Il semble qu'effectivement, au-delà de
cette durée, l'image d'une exploitation touristique se
brouille254.
-les amateurs ferroviaires qui disposent leurs
propres réseaux d'information et parcourent de grandes distances pour
aller découvrir un « petit train ». Ils restent
néanmoins marginaux en termes de volume (environ 1 % des visiteurs).
3- Un touriste captif et « animé
»
Du point de vue du professionnel, le chemin de fer touristique
possède un avantage majeur : c'est un produit qui tient
le touriste captif. Séparé de sa voiture individuelle
abandonnée sur un parKing, le touriste est à la merci des
tentations mercantiles qu'il trouvera infailliblement sur sa voie :
naturellement il doit payer son billet, mais un peu plus tard il aura
sûrement soif, probablement faim, et il succombera au désir
d'immortaliser sa demi-journée (ou sa journée) en ramenant chez
lui quelque objet authentique « made in China ».
Restauration, vente de produits régionaux, boutique de
souvenirs, découverte d'un site touristique, visite d'une bourgade ou
d'un village pittoresques, activités annexes (accès à une
base de loisirs, baignade, randonnées, balades en VTT ou VTC...etc.)
sont intégrées à toute offre de train touristique
bien pensée. La boutique
252 Source : fichier BaseDonnéesCFT.
253 Voir Gasc (1994), p 101 pour les informations
contenues dans ce paragraphe.
254 Notons que dans certaines régions où
les chemins de fer touristiques sont relativement proches les zones de
chalandise se recoupent, entraînant une concurrence de fait entre «
petits trains ».
à elle seule représente couramment 10 à 15 %
du chiffre d'affaires. Comme jadis255, la
rentabilité des activités ferroviaires se conquiert aussi...
à côté du train! Cette rentabilité passe
obligatoirement par une gestion du temps et de l'argent
dynamiques.
Gestion du temps: un produit touristique ferroviaire
bien conçu est basé sur une durée d'une
demi-journée (ou plus rarement, d'une journée) avec, sur la base
d'une demi-journée, une durée d'aller simple optimale
située autour de 45-50
minutes256.
Gestion de l'argent: l'achat du voyage à bord du
train touristique ne doit pas
« assécher » le pouvoir d'achat du touriste,
auquel cas il ne dépensera rien de plus. Il faut donc
positionner le prix du billet au niveau adéquat, voire le
minorer pour regagner ailleurs, là justement où la marge est
supérieure (restauration, souvenirs...), le chiffre d'affaire perdu.
Certains chemins de fer touristiques proposent des tarifs « famille »
avantageux, des prestations annexes (transport de vélos, de sKis, de
surfs257) ou bien combinées (train + VTT) en synergie avec
l'offre touristique locale.
L'animation d'un chemin de fer touristique
constitue un autre élément important. Il est souhaitable que les
trajets soient commentés. De même, tout « petit train »
qui se respecte se renouvelle au cours de l'année : organisation de
« fêtes de la
vapeur »258, de trains spéciaux (trains du
Père Noël, trains d'Halloween, « attaques » du train par
des Indiens, stages de conduite de locomotive à vapeur...). Les
idées foisonnent. Même les petits et grands
évènements de la vie (mariages, anniversaires...) peuvent se
fêter en train touristique : des affrètements sont proposés
par nombre de réseaux. Tout est prétexte à ce que le
touriste (notamment le touriste local) vienne plusieurs fois et ne cède
pas aux sirènes des parcs d'attraction classiques.
255 Voir supra, Deuxième Partie,
Chapitre 3.
256 Au-delà, le touriste se lasse, en-deça il n'y a
plus assez de temps pour les activités à bord du type vente
ambulante.
257 Le P'tit Train de Saint-Trojan aménage des wagons pour
le transport de planches de surf.
258 Les « Fêtes de la Vapeur » sont aussi
l'occasion d'attirer les passionnés, qui peuvent alors venir en
nombre.
Chapitre 3 - Un effet structurant sur l'espace
touristique
Schématiquement, l'espace français est
marqué par trois niveaux d'espaces touristiques :
-des espaces touristiques majeurs, où les flux
touristiques sont traditionnellement denses, du fait de l'existence de
pôles d'attraction de premier ordre. Ces espaces ne constituent qu'une
faible part du territoire.
-des espaces touristiques de tourisme diffus. Ces espaces, sans
être dénués d'attrait touristique, manquent de pôles
d'attraction, le touriste s'y éparpille. Ils représentent une
part importante du territoire
-des espaces non touristiques, eux aussi importants en terme de
superficie.
Dans le premier cas, les chemins de fer touristiques ne
constituent qu'une attraction de plus du système existant. Au contraire,
ils peuvent jouer un rôle important dans les deux autres situations. Car
ils permettent la cristallisation de flux touristiques en zone de
tourisme diffus , et leur création en zone non
touristique. Avec à la clé un effet d'entraînement
sur l'économie locale. Un « petit train » à
caractère ludique, un « musée vivant » du chemin de fer
peuvent contribuer au développement du tourisme localement, en
créant un pôle d'attraction là où il n'y a rien (ou
presque). Mais au-delà, un chemin de fer touristique d'animation locale
bien conçu constitue un atout plus important encore, car il
génère un « axe » autour duquel peuvent se
fédérer d'autres attractions
touristiques259.
En effet, un produit touristique ne doit pas être
orphelin mais exister au sein d'une offre touristique locale. Ce
fonctionnement présente deux avantages majeurs :
-le premier avantage est évident. Plusieurs produits
touristiques drainent un flux touristique supérieur à un seul.
Surtout lorsque les offreurs travaillent en bonne intelligence avec voyagistes,
syndicats d'initiative, comités du tourisme.
-le second avantage réside dans une «
sécurité » : en cas de fermeture inopinée d'un site
touristique (due par exemple aux conditions météo) les
prestataires (agences de voyages, autocaristes) peuvent se replier vers une
autre attraction située à proximité. Cette
sécurité revêt une importance capitale pour les
opérateurs touristiques dont une des hantises est de se retrouver avec
des touristes inoccupés (et donc forcément mécontents) sur
les bras.
259 On pourra lire à ce sujet Ragon, Renaudet (1999), p
301-328. Leur article retrace les enjeux d'Historail et de
Vienne-Vézère-Vapeur en Limousin.
Conclusion - De la
nécessité d'un professionnalisme minimal
Produit touristique, un « petit train » ne se
gère avec succès qu'au prix d'un renoncement à
l'amateurisme. Ce qui ne veut aucunement dire qu'il doit y perdre son
âme. La première étape à franchir consiste à
reconnaître le caractère touristique des chemins de fer
touristiques. Il faut pour cela adopter une attitude nouvelle : instiller de la
prestation de service là où il n'y a que de l'industrie lourde,
savoir sortir d'une attitude trop empreinte de nostalgie pour se tourner vers
les opportunités. Ensuite, il s'agit de concocter un « produit
» adapté par la mise en oeuvre des techniques de marKeting
touristique.
Ce défi d'un professionnalisme minimal n'est pas anodin :
en effet, bien
« managés », nos chemins de fer
touristiques retrouvent la capacité de leurs ancêtres à
structurer l'espace, chacun à leur échelle.
Huitième parti
Ce que nos « petits trains »
véhicu/ent
Huitième partie - Ce que nos « petits
trains » véhiculent
Introduction - Des « petits
trains », véhicules culturels
?
Nous l'avons vu au cours de la septième partie, nos «
petits trains » représentent autant de vrais produits touristiques.
Mais leur fonction peut aller bien au-delà du tourisme. Comme nous
allons le voir, ce rôle touche également à la protection de
l'environnement, à la conservation du patrimoine industriel, et enfin
à la perception du progrès technique.
Chapitre 1 - «Petits trains » et
environnement
1- Les incomparables atouts du transport
ferroviaire
A une époque où le terme d' «
environnement durable » est au coeur des discussions, le chemin
de fer dispose de nombreux atouts à faire valoir. En effet, le transport
par rail, comparé à d'autres moyens de transport, est
particulièrement respectueux de l'environnement :
au niveau de la consommation d'espace. La voie
ferrée demande peu d'espace par rapport à la route : une voie
unique à écartement normal nécessite une plate-forme d'une
largeur de 6 mètres seulement. Sur une voie double, on peut, avec des
systèmes modernes de gestion du trafic ferroviaire, faire
circuler l'équivalent du trafic de vingt autoroutes,
pour une consommation d'espace sans commune mesure
au niveau de l'intégration dans le paysage et les
écosystèmes. Les voies ferrées présentes dans
l'environnement depuis des décennies voire plus d'un siècle y
sont parfaitement intégrées, d'autant que le trafic n'y est
jamais continu (contrairement à certains axes routiers) et demeure
parfois négligeable (quelques trains par semaine)
au niveau de la consommation en énergie. Une
tonne transportée par rail consomme seulement le quart des
énergies fossiles qu'il faut mobiliser pour le même transport par
route
au niveau de la pollution de l'air: l'utilisation
d'autorails ou de locotracteurs se révèle bien moins polluante
qu'un trafic équivalent en voitures individuelles
au niveau du bruit: « un seul train (environ 300
personnes) émet un bruit de 75 décibels à 30 mètres
de la voie. Une automobile (environ 3 personnes) émet un bruit de 80
décibels environ »260
260 Gasc (1994), p 1 00.
2- Le cas des chemins de fer touristiques
Les chemins de fer touristiques sont d'abord des chemins de fer,
et donc les constats faits ci-dessus s'y appliquent. Qu'il s'agisse de
l'accès à un site touristique, d'une promenade bucolique, ou d'un
simple tour en « petit train », pour le même volume de
visiteurs, un chemin de fer touristique génèrera moins de
nuisances (et plus de plaisir...) que le même trajet effectué en
voiture individuelle.
L'affaire se complique quelque peu quand on aborde la traction
vapeur, dont les amateurs ferroviaires sont friands. Au-delà de
l'ineffable romantisme de leur panache de fumée, les locomotives
à vapeur sont polluantes : d'une part, elles utilisent
généralement du charbon, dont la combustion est néfaste
pour l'environnement261, d'autre part le rendement
énergétique du moteur à vapeur reste très faible.
Cependant, il ne faut pas trop noircir le tableau : les circulations de
locomotives à vapeur restent anecdotiques. Un entretien et une
conduite adaptés limitent l'émission de gaz polluants.
Enfin, la mise en oeuvre de technologies modernes permet d'obtenir des niveaux
de pollution comparables voire même inférieurs à ceux des
locomotives diesel262.
Chapitre 2 - « Petits trains » et patrimoine
industriel263
« Conserver le patrimoine ne consiste pas à faire
circuler d'antiques engins essoufflés sur un petit Kilomètre de
rails milieu d'herbes folles »264. Certes, mais au
début, par la force des choses, ce type de fonctionnement domine. Il
faut dire que les associations d'amateurs interviennent en ordre
dispersé, sans coordination. En effet, l'urgence prime : sauver les
matériels de la démolition. Seulement ensuite, les amateurs
découvrent les coûts importants de la conservation du
matériel
ferroviaire : une maintenance lourde, souvent
complexe, la difficulté des choix de conservation devant l'abondance des
matériels récupérés, la nécessité
impérieuse d'abriter les collections265.
261 Cette combustion dégage notamment du CO2
(dioxyde de carbone -gaz carbonique) et du CO (monoxyde de carbone) qui sont
des gaz générateurs d'effet de serre ; également du SO2
(dioxyde de soufre) qui provoque les pluies acides.
262 Voir notamment le site du bureau d'études
suisse DLM : http://www.dlm-ag.ch/. Réservé aux amateurs
(très) fortunés.
263 Ce chapitre concerne au premier chef les chemins
de fer touristiques du type «Musées vivants », et au second
chef les chemins de fer touristiques d'animation touristique locale.
264 Ragon, Renaudet (1999), p 303.
265 Deux grandes raisons poussent à abriter
les collections : d'une part l'exposition aux caprices du climat
détériore les matériels (rouille, pourrissement), d'autre
part le vandalisme (un problème qui existe même en rase
campagne).
L'élément décisif qui oeuvre en faveur de la
préservation de matériels en état de marche est la
reconnaissance par le Ministère de la Culture de la notion de patrimoine
industriel. Cette reconnaissance se concrétise par le
classement
« monument historique » de nombreux
matériels ferroviaires anciens. Ce qui garantit leur
pérennité sur le territoire français et l'octroi de
subventions permettant de procéder à des travaux importants. En
effet, quand un matériel obtient son classement en « Monument
historique », les frais de restauration sont pris en charge à
hauteur de 50 % par la Direction Régionale des Affaires Culturelles
(DRAC). Les Conseils Régionaux peuvent ajouter leur contribution
à cette aide. Ainsi, dans les régions les plus
généreuses, la prise en charge s'élève
jusqu'à 95%. Pour les chemins de fer touristiques qui possèdent
des musées, les aides du FEDER266 et des Conseils
Généraux peuvent se monter à 70 % des sommes
engagées.
La collecte des aides constitue en conséquence un
enjeu majeur pour la pérennité de certains chemins de fer
touristiques. Notamment les « musées vivants » dont
les chiffres nous semblent révéler une certaine fragilité.
Ces réseaux affichent en effet le ratio le plus défavorable en
matière de nombre de voyageurs par exploitation et par an : 9.800 contre
25.200 pour les « petits trains » à caractère ludique,
avec pourtant des types de voie et des longueurs de voies assez
comparables267.
Le revers de la médaille ? Evidemment
l'épaisseur des dossiers à présenter aux
différentes administrations. Mais aussi quelques effets presque pervers.
Comme nous l'a confié le responsable d'une exploitation touristique :
pour recevoir des subventions, il faut monter de gros projets.
Les petits n'intéressent plus personne268.
Dans le domaine ferroviaire, les classements
débutent en 1983 : il s'agit de matériels moteurs, tous
écartements et tous moyens de traction confondus, mais avec une
prédominance, assez logique, de locomotives à
vapeur269. A partir de 1987, les classements s'étendent aux
voitures et aux wagons270. Un recensement réalisé en
1998 nous donne une idée de l'ampleur des efforts accomplis. Il fait
état des classements suivants271 : 5 locomotives à
vapeur agrées par la SNCF,
266 Fonds Européen de Développement
Régional.
267 Voir supra, Cinquième Partie, Chapitre 6.
268 Infos D. Blondin. Voir également Ragon,
Renaudet (1999), p 311, qui notent à propos de Vienne
Vézère Vapeur : « Le poids politique et la
crédibilité acquises l'autorisent à déposer
d'importants dossiers de financements éligibles y compris au niveau
européen ».
269 La première locomotive à vapeur
classée est une machine des Tramways de la Sarthe exposée au MTVS
(Musée des Tramways à Vapeur et des chemins de fer Secondaires
français). Selon Dahlstrôm (1989), p 3, préface de C.
Wagner.
270 Bouchaud, Cheveau (1999), p 270-271.
271 Idem, p 270.
52 locomotives à vapeur à écartement
métrique ou submétrique, 6 locomotives électriques, 6
autorails, 10 tramways, 230 voitures voyageurs. Des engins moteurs de
différents types ont pu être classés (exceptionnellement 2
ou 3 de chaque type) ainsi que des rames entières de voitures (par
exemple 17 « Palavas »). Certaines exploitations ont puissamment
bénéficié des classements : ainsi le Chemin de Fer du
Vivarais a vu la plupart des pièces remorquées classées en
1992 : 23 voitures, une voiture-salon, 3 fourgons, 9 wagons divers.
Toutefois, le patrimoine ferroviaire ne s'arrête
pas aux matériels roulants, notamment dans la perspective
englobante des chemins de fer touristiques d'animation locale: les ponts, les
viaducs, les gares, les rotondes, les châteaux d'eau témoignent du
passé. Un certain nombre d'entre eux sont désormais
classés272. Peut-être faut-il aller plus loin. Ainsi
Etienne Auphan voudrait « en arriver au classement au titre des monuments
historiques de tronçons entiers d'anciennes voies ferrées et non
plus seulement d'ouvrages d'art »273
Chapitre 3 - « Petits trains » et grandes
peurs
Chaque époque a ses peurs, parfois
justifiées, parfois imaginaires. La nôtre s'inquiète (entre
autres) d'une mondialisation incontrôlée, d'une dégradation
de l'environnement entraînant des changements climatiques majeurs, des
prouesses de la génétique... Même le réseau internet
paraît ambivalent : « la toile », n'est-elle pas aussi la toile
d'araignée sur laquelle l'internaute va se faire piéger ? Le
progrès nous semble parfois plus riche de menaces que
d'opportunités.
Il y a plus de cent ans, Camille Flammarion concluait son
volumineux ouvrage Astronomie populaire par un chapitre entier
consacré au « progrès par la science » (c'est son
titre) et les mots suivants : « [...] n'ayons désormais qu'une
seule et même devise : LE PROGRES PAR LA SCIENCE ! »274.
Un enthousiasme qui nous semble aujourd'hui déplacé.
272 Quelques exemples parmi beaucoup d'autres :
viaducs de Garabit et de Barajol (Cantal), Château d'eau du Lioran
(Cantal), gares de Valençay (Indre), de Bordeaux - Saint-Jean (Gironde),
Rotonde de Longueville (Seine-et-Marne).
273 Auphan (1999), p 268.
274 Flammarion C., Astronomie populaire, C.
Marpon et E. Flammarion, éditeurs, Paris, 1880. Réédition
de 1975, p 836.
Le patrimoine ferroviaire pourrait-il replacer le
progrès sous un jour plus sympathique ? C'est ce que pensentJ.
Ragon et J-P. Renaudet dans leur long article intitulé « Le
patrimoine ferroviaire : les voies de la réconciliation
»275. Ainsi :
« l'histoire du chemin de fer perçue par le prisme
patrimonial et son interprétation, contribuant à expliquer la
constitution du premier réseau mondial, est un facteur rassurant face
à l'angoisse de la mondialisation informatique, car il offre
informations et éléments autorisant une meilleure maîtrise
de cette évolution a priori incontrôlable. Elle valide la
continuité historique entre le réseau ferré et internet
»276. « Première mise en réseau
planétaire »277, le chemin de fer n'a pas produit les
cataclysmes prédits par ses détracteurs. Au contraire, il a
changé la vie de millions d'être humains. En nous
remémorant les trains d'autrefois, les chemins de fer touristiques
d'aujourd'hui nous offrent un voyage paisible dans un petit monde où le
progrès se montre sous un jour rassurant. Nous approchons ici du concept
des écomusées278. Mais l'écomusée, comme
le « petit train », peut être une saine réappropriation
du passé ou bien un refuge pour des groupes réfractaires au
changement. L'ambivalence demeure.
Conclusion - D«es
petits trains » plus grands qu'il n'y paraît
Le développement des chemins de fer touristiques peut
s'appuyer à la fois sur leur dimension patrimoniale, sur la sympathie
que dégage un moyen de découverte respectueux de l'environnement
ainsi que sur la réconciliation avec le progrès que nos «
petits trains » véhiculent. Tout cela s'avère compatible
avec la nostalgie des ferroviphiles. L'image écologique du transport par
rail se retrouve dans la réalité de chemins de fer touristiques
parfaitement intégrés dans l'environnement. La volonté de
sauvegarder les matériels anciens pousse les amateurs ferroviaires
à rechercher les précieuses aides qui, une fois obtenues,
autorisent la conservation des objets témoins de notre histoire
industrielle. Enfin, les « petits trains », de par l'image d'une
évolution technique maîtrisée qu'ils mettent en
scène, contribuent à replacer le progrès sous un jour
sympathique. Mais, pour que les chemins de fer touristiques donnent toute la
mesure de leur dimension culturelle, la nostalgie des amateurs de trains doit
éviter l'écueil du repli sur soi. Pour ce faire, nos «
ferrovipathes » doivent accepter bon gré, mal gré, un
minimum d'ouverture, de professionnalisation.
275 Ragon, Renaudet (1999), p 301-328. Les auteurs
relèvent également la racine commune existant d'une part entre
la cybernétique, régulateur à boule de machine
à vapeur, et d'autre part la cyberculture, le
cybermonde du réseau Internet.
276 Idem, p 301.
277 Ibid., p 302.
278 Plusieurs chemins de fer touristiques y sont
directement liés : les Chemins de fer Touristiques du Rhin (Haut-Rhin)
et des Landes de Gascogne (Landes).
Neuvième parti
Professionne/s, ou professionna/isation ?
Neuvième partie - Professionnels, ou
professionnalisation ?
Introduction - Associatifs contre
« professionnels », un faux
débat.
Nous parlerons de « professionnels » lorsqu'un chemin
de fer touristique est exploité par une société, une
société d'économie mixte, une régie, ou par un
indépendant. Nous parlerons d'« associatifs » dans le cas
d'une exploitation par une association279. Force est de constater
qu'il existe un lien assez net entre la fréquentation et le mode
d'exploitation, ainsi que le met en évidence le tableau
ci-dessous.
Tableau 14 : fréquentation et type
d'exploitation
Nombre de passagers par an
|
Mode d'exploitation dominant des chemins de fer
touristiques
|
Plus de 90.000
|
Société délégataire de service
public
|
50.000 à 90.000
|
Société (hors investissements)
|
30.000 à 50.000
|
Associations de bénévoles minoritaires
|
Moins de 30.000
|
Associations de bénévoles majoritaires
|
Source : Jean-Michel GASC, FACS-UNECTO.
Les seize chemins de fer touristiques dont la
fréquentation est au moins égale à 30.000
(autrement dit ceux dans lesquels les structures associatives sont minoritaires
ou absentes) représentent pratiquement 90% de la fréquentation
des 51 « petits trains » de
l'ensemble « E2
»280.
Mais est-ce la fréquentation qui détermine
le mode d'exploitation (hypothèse 1) ou bien le mode d'exploitation qui
détermine la fréquentation (hypothèse 2) ?
279 Association Loi de 1901, sauf en Alsace-Lorraine (Association
Loi de 1907).
280 Voir Annexe 1, tableau « les chemins de fer
touristiques le plus fréquentés ».
Raisonnons dans le cadre de l'hypothèse 1 : les
chemins de fer touristiques à forte fréquentation sont en
général des chemins de fer touristiques bien installés,
depuis un temps relativement long, dans des lieux où les flux
touristiques sont importants (accès aux grands sites notamment). Ces
aspects plaideraient en faveur d'une exploitation par une structure
professionnelle, du fait de la possibilité de dégager un minimum
de rentabilité. Autrement dit, la promesse d'un flux touristique soutenu
attirerait les professionnels, par un processus d'« écrémage
» du marché. On aurait ainsi un lien de cause à
effet entre fréquentation et mode d'exploitation.
Si nous partons sur l'hypothèse 2 : peut-on
imaginer qu'une exploitation par des professionnels attire les touristes et
fasse en conséquence augmenter le chiffre de fréquentation ?
Considérons les éléments suivants281 : les
structures
professionnelles consacrent environ 15% de leur chiffre
d'affaires à la promotion. Au contraire, pour les structures
associatives, ce pourcentage tombe à 1 ou 2 %. En ce qui
concerne le chiffre d'affaires , l'écart est déjà
énorme entre les différents
chemins de fer touristiques, disons un rapport de 1
à 10. Poursuivons avec un cas particulier : le Train à
Vapeur des Cévennes (CITEV), dont la forme juridique est celle d'une
S.A.S (Société par Actions Simplifiée), accueille environ
150.000 voyageurs par an, avec une moyenne de dépenses de 9 € par
voyageur. Cela nous donne un chiffre d'affaires annuel d'environ 1.350.000
€. 15% de cette somme représentent un budget de promotion
de quelque 200.000 € annuels (quand même
!). A côté, imaginons une exploitation associative
générant 10.000 voyageurs annuels (ce qui n'est
déjà pas si mal), avec toujours la moyenne de 9 € par
voyageur. Son chiffre d'affaires annuel s'élève à 90.000
€. 2% de cette somme, consacrés à la promotion,
représentent 1.800 €. A comparer avec les 200.000 € du Train
à Vapeur des Cévennes. En gros, le rapport entre les
dépenses de promotion est de 1 à 100 ! On imagine
aisément l'effet redoutable de tels écarts sur l'attraction des
touristes, sur la présence dans les réseaux de prescripteurs
(voyagistes, autocaristes), et finalement sur la fréquentation.
Nos deux hypothèses semblent se tenir. Mais faut-il
nécessairement opposer les associatifs, et les « professionnels
» en laissant entendre que systématiquement les niveaux d'exigence
diffèrent? Nous répondons par la négative. Certes, d'un
côté, l'exploitation par des associatifs vise l'équilibre
financier, tandis que de l'autre côté l'exploitation par des
professionnels entend générer des bénéfices
(à quelques exceptions près). On peut en déduire que le
niveau d'exigence diffère. Or :
-il existe des associations gérées de
manière aussi pointue que s'il s'agissait de professionnels. En revanche
d'autres associations, par la force des choses de plus en plus rares,
réalisent du travail d'amateur, au sens péjoratif du terme
281 Infos J-M. Gasc, FACS-UNECTO.
-il existe aussi des chemins de fer touristiques qui choisissent
de conserver une structure associative : c'est une question d'ambiance de
travail, de plaisir de travailler ensemble entre passionnés
-enfin certains chemins de fer touristiques
gérés par des professionnels travaillent en bonne intelligence
avec des associatifs282. Nous montreraient-ils une
direction à suivre ?
A notre avis, au final, les modes d'exploitation importent
relativement peu. Ce sont les hommes qui comptent. Aussi, la vraie question est
peut-être ailleurs : c'est celle de la professionnalisation des
chemins de fer touristiques, au sens de la professionnalisation de
l'ensemble des intervenants, techniques ou commerciaux. Dans un cadre où
le nombre de visiteurs reste relativement stable (progression de moins de 10 %
en 15 ans), où les structures se multiplient, où l'offre
touristique reste globalement supérieure à la demande, où
nos édiles ne veulent (ni ne peuvent) financer tout et n'importe quoi,
cet enjeu revêt une importance cruciale.
Chapitre 1 - Les «grands d»«es petits
trains »
Nous avons évoqué les « professionnels ».
Il est temps de faire rapidement connaissance avec les plus
emblématiques d'entre eux.
La Compagnie du Mont-Blanc exploite les
systèmes alpins d'accès aux grands sites touristiques (Train du
Montenvers - Mer de Glace, Tramway du Mont-Blanc,), les remontées
mécaniques du domaine sKiable chamoniard ainsi que des activités
de restauration. Elle agit en tant que délégataire de service
public. Elle est cotée en bourse283. Près de 800.000
touristes empruntent annuellement ses deux trains, soit le tiers de l'ensemble
de tous les visiteurs des chemins de fer touristiques. A noter toutefois, par
rapport à 1991, un net déclin de la fréquentation de ses
trains.
La CFTA (Chemins de Fer et Transports
Automobiles), jadis nommée Société des Chemins de
Fer Economiques, a été fondée au 1 9ème
siècle. Elle est une filiale de Veolia Environnement,
un des géants du secteur des « public utilities » (services
publics). Sous la marque commerciale Veolia Transport Trains
Touristiques, elle exploite les chemins de fer touristiques suivants:
Petit Train de La Rhune (Pyrénées Atlantiques), Chemin de Fer de
la Mure (Isère), Vapeur du Trieux (Côtes d'Armor),
282 Par exemple : le Chemin de Fer du Vivarais (CFV)
et l'Association de Soutien au Chemin de fer du Vivarais. Ce type de
fonctionnement (exploitant et association en symbiose) a fait ses preuves dans
les pays anglo-saxons.
283 Compagnie du Mont-Blanc, cotée au
Marché Libre (code : MLCMB), elle-même filiale à 23% de la
Compagnie des Alpes, cotée au Compartiment B (code : CDA)
Train des Mouettes (Charente-Maritime). Ses trains accueillent
environ 450.000 voyageurs chaque année, en forte augmentation par
rapport à 1991. On remarque en termes de fréquentation
l'excellente tenue du Petit Train de la Rhune (deuxième de France) ainsi
que du Chemin de Fer de la Mure.
Créée en 1990, Altiservice,
filiale à 100% de la Lyonnaise des Eaux (Groupe Suez), est le leader de
la gestion des domaines sKiables pyrénéens. De par son
exploitation du Petit Train d'Artouste sous le régime de la
délégation de service public, Altiservice représente
quelque 140.000 visiteurs annuels.
Mais le phénomène peut-être le plus
fascinant des chemins de fer touristiques reste la CITEV,
exploitante du « Train à Vapeur des
Cévennes ». Elle constitue, de par son
histoire et son développement, la preuve qu'un chemin de fer touristique
au départ associatif peut se développer jusqu'à devenir
une véritable PME. 150.000 voyageurs empruntent annuellement sa ligne
Anduze- Saint-jean-du-Gard. L'évolution
juridique la CITEV nous semble significative : d'abord
association puis S.A.R.L ensuite S.A et enfin S.A.S.
Chapitre 2 - Ailleurs, les chemins de fer
touristiques.
1 - Une question d'intérêt ?
En matière de chemins de fer touristiques, la France
occupe une place intermédiaire en Europe et dans le
monde. Nous la situons loin derrière le Royaume-Uni ou
l'Allemagne, mais devant l'Italie ou l'Espagne. Quelles explications en donner
? Il nous semble que cela a trait à la culture et à l'histoire.
Les pays anglo-saxons284 offrent une base plus solide au
développement des chemins de fer touristiques : amateurs ferroviaires
nombreux, collaboration bienveillante ou même soutien des grands
opérateurs commerciaux. Par contre, les pays de culture latine,
malgré des initiatives prometteuses285, apparaissent
globalement en retrait.
Stefano Maggi286 y voit l'effet de «
l'intérêt prédominant » d'un pays. Selon lui, cet
intérêt se trouve dans l'Antiquité et au Moyen-Âge
pour l'Italie, à l'époque de
Louis XIV et au 1 8ème siècle pour la
France, pendant la Révolution Industrielle pour la Grande-Bretagne.
284 En sus des deux pays mentionnés : la Belgique, la
Suisse, l'Autriche, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la
Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud
285 Par exemple le « Train Nature » en Toscane, l'ARMF
en Catalogne
286 Maggi (1999), p 283.
D'autres facteurs ont pu également intervenir pour
faciliter ou entraver le développement des chemins de fer touristiques
:
-règlementations plus ou moins bienveillantes (par exemple
autorisant ou n'autorisant pas le cumul trafic voyageurs, marchandises et
touristique)
-diversité ferroviaire où de nombreuses compagnies
privées (ou d'économie mixte) cohabitent avec un opérateur
national (Allemagne) ou bien au contraire tradition ferroviaire monolithique,
pour ne pas dire monopolistique (France).
2- Un paradis aux accents « british
»
Jetons un rapide coup d'oeil vers le Royaume-Uni : 8
millions de voyageurs en 1999 (contre 3 en France), 1.000 locomotives à
vapeur préservées, plus de 30 musées.
« Les Anglais sont amoureux de leurs trains [...] Cette
relation privilégiée se traduit par le très grand
intérêt du public pour eux et son implication dans les loisirs
ferroviaires, la recherche historique amateur et professionnelle,
l'exploitation de chemins de fer touristiques, par l'attention remarquable et
unique portée par la législation en vigueur aux chemins de fer
historiques» 287. Cette passion pour la chose
ferroviaire ne date pas d'hier. Dans l'histoire des « petits
trains », les Britanniques cumulent les premières fois :
déjà, en 1927, des particuliers préservent une locomotive
historique. En 1949, une association sauve un réseau : le Talyllyn
Railway au Pays de Galles. 1959 voit l'ouverture d'une ligne à voie
normale par des bénévoles. Les chemins de fer historiques
sont « désormais un composant majeur de l'économie
touristique »288.
Révélateur du décalage existant (et
persistant) entre la France et le Royaume-Uni, cet extrait de
l'éditorial de David Blondin, dans Voie Etroite, n°217
(décembre 2006 - janvier 2007) : « Noël approchant, on se
prendrait vite au jeu [...] de croire que ce qui se fait ailleurs peut se faire
chez nous... Ailleurs, c'est au Pays de Galles. Une sorte de monde merveilleux
où la concentration de lignes touristico-historiques à vapeur
dépasse ce que nous pouvons raisonnablement supporter [...] L'exemple le
plus frappant [...] est bien sûr la résurrection du Welsh Highland
Railway, modeste ligne à voie de 60 de 40 Km de longueur, fermée
depuis 70 ans, dont les travaux de construction avancent à grands coups
de subventions (un peu plus de sept millions d'Euros pour la tranche
déjà en service !) et des dizaines de milliers d'heures de
bénévolat. Il a suffi de cinq ans pour ouvrir la première
section de 8 Km [...] et de seulement trois années
supplémentaires pour la section suivante de 11 Km ! [...] la
dernière phase avance à pas de géant et les 21 Km restants
seront inaugurés en
287 Scott (1999), p 348-353.
288 Idem, p 352. C'est nous qui soulignons.
1 30
2009 [...]. Et pendant ce temps en France, certains attendent
depuis des années de pouvoir poser leur premier rail... ».
Dans cet « autre monde », les amateurs abondent, les
chemins de fer touristiques sont considérés comme un atout au
service du développement économique local. Bref, les
« petits trains » sont pris au
sérieux.
Chapitre 3 - La gestion du personnel
1- Entre bénévolat et salariat
En France, les moyens des chemins de fer touristiques sont
limités. Le bénévolat contribue puissamment
à la rentabilité de beaucoup de « petits trains
». Mais le bénévolat s'use, et se
pose le problème de la relève, autrement dit le passage de
témoin à la génération suivante de
passionnés. Outre les « appels du pied » à de nouveaux
bénévoles, nombreux dans des revues telles que Voie
Etroite ou Chemins de fer régionaux et tramways, certains
exploitants associatifs adhèrent au mouvement REMPART289. Ils
accueillent ainsi des bénévoles supplémentaires sur leurs
différents chantiers.
La crise latente du bénévolat se compense
également par le recours à des salariés. Toutefois le
salariat sous forme de CDI (Contrat à Durée
Indéterminée) rencontre l'obstacle, qui nous a été
cité à plusieurs reprises, du coût du personnel.
Aussi, le salariat se développe principalement sous forme
d'emplois aidés. Mais le pilotage de chaque structure reste
souvent bénévole.
La cohabitation sur une même exploitation de
bénévoles et de salariés ne va pas sans poser
quelques problèmes. Entre des bénévoles qui viennent
d'abord pour le plaisir, et des salariés qui viennent d'abord pour la
paie, l'état d'esprit diffère foncièrement. Les
réactions d'un personnel salarié ont parfois de quoi
dérouter un responsable habitué à gérer des
bénévoles ! Ajoutons que l'Inspection du Travail voit d'un
très mauvais oeil la co-existence au sein d'une même structure de
salariés et de bénévoles (sachant qu'il s'agit d'une
prestation vendue).
289 Voir site http://www.rempart.com/. Le
mouvement REMPART est né en 1966 de la volonté du Touring Club de
France de participer à la réhabilitation du patrimoine et de
répondre aux bonnes volontés suscitées par
l'émission télévisée Chefs d'oeuvre en
péril. Les associations intéressées adhèrent
au mouvement, lui communiquent les chantiers prévus. Ces derniers sont
intégrés au catalogue REMPART qui fait l'objet d'une diffusion
large auprès des bénévoles.
2- L'importance des moyens temporaires
Il résulte de la saisonnalité des exploitations
ferroviaires des besoins en personnel très divers selon la
période de l'année, et donc un appel important à des
effectifs complémentaires l'été. Il est courant
qu'à la belle saison le volume d'emploi double voire
triple.
Les exploitants, surtout ceux dont les réseaux sont
situés dans des zones très touristiques, éprouvent
des difficultés à trouver du personnel temporaire
sérieux et motivé par les « petits trains ».
Une situation que déplore le Responsable du Tramway du Cap-Ferret,
Jean-Louis Vanaud: « Un jeune sur vingt s'intéresse. Les autres
sont là pour s'amuser. Ils arrivent au dernier moment, juste avant le
départ du train. Ils démissionnent sans prévenir
»290.
3- Formation et parcours professionnel
Quel que soit son statut (bénévole ou
salarié) le personnel des chemins de fer touristiques doit être
formé. La conduite d'un train dans des conditions de
sécurité satisfaisantes ne s'improvise pas ! Aussi les chemins de
fer touristiques mettent en place des référentiels de
formation qui listent les habilitations nécessaires pour
exercer certaines activités. Nous en avons un exemple en Annexe 5.
Les formations sont assurées par les responsables des
chemins de fer touristiques. Le « parcours initiatique » qui va des
fonctions les plus simples aux responsabilités les plus importantes
nécessite au minimum une saison complète voire plusieurs
années (selon l'assiduité dans l'association et les
prédispositions de l'élève).
290 Source : entretien avec Jean-Louis Vanaud
Chapitre 4 - Facteurs clés de succès,
natalité et mortalité
1- Des naissances dans la douleur
Les moments les plus durs pour un train touristique sont les
moments qui précèdent la naissance. Une sélection
naturelle assez impitoyable laisse nombre de chemins de fer touristiques au
stade de projet. Dans son ouvrage intitulé Les chemins de fer
touristiques français, publié en 1983, Jean Collin consacre
une annexe aux chemins de fer touristiques « qui se préparent
» (pages 146-148). Les projets y sont décrits avec une certaine
précision : promoteurs, ligne concernée, type de voie,
matériels. Regardons ce qu'il est advenu de ces projets, plus de vingt
ans après : seul un sur deux a débouché sur une
réalisation concrète.
Quelles sont les causes de ces non concrétisations ? Elles
peuvent être multiples, mais nous y trouvons souvent au moins un
des facteurs suivants :
-l' absence de ténacité, dans la
durée, des amateurs concernés. Le premier ennemi est ici
le temps. Créer un chemin de fer touristique demande, dans le meilleur
des cas, un minimum de 3 ans : démarches administratives, recherche de
site attractif, acquisition (et souvent) remise en état (et aux normes)
des matériels roulants, études diverses. Les délais moyens
tournent autour de 5 à 10 ans291. Un temps long, qui laisse
le temps à l'enthousiasme des débuts de s'éroder. Mais
à l'usure du temps , il faut rajouter tous les
phénomènes de groupe « parasites » qui peuvent
déboucher sur des dissensions internes, souvent fatales aux projets
-l' absence de soutien (ou d'accord entre eux) de la part
des différents
« décideurs
»292 : s'ils ne sont pas sur la même
longueur d'onde, s'il n'y pas suffisamment de volonté de leur part de
trouver un site aux amateurs, si aucune possibilité de mettre à
disposition une infrastructure ferroviaire n'existe, si les subventions se font
attendre, si les autorisations n'arrivent pas...les projets sont
définitivement abandonnés ou bien condamnés à se
replier sur des zones plus accueillantes.
291 Exemples : le « Truffadou », 6 ans - le
Chemin de Fer de Blaise-et-Der, 7 ans - le Train du Pays Cathare et du
Fenouillèdes, presque 10 ans.
292 Nous employons à dessein un terme
très général. Selon les cas, il peut s'agir des
régions, des départements, des communautés de communes ou
de pays, des communes, de la SNCF, de RFF...Mais dans tous les cas, il s'agit
des femmes et hommes qui les représentent avec un certain pouvoir de
décision.
1 33
2- Précaires ? Oui, mais pas trop !
Dès les commencements, les chemins de fer touristiques
doivent composer avec la précarité. Celle-ci résulte de
plusieurs facteurs (qui peuvent être liés entre eux) : -le
soutien ou l'absence de soutien des décideurs. Dans une
majorité de cas, ils ont un pouvoir de vie ou de mort
sur les « petits trains ». Et cela n'a guère changé les
années passant. Quelques illustrations : au début de la
période qui nous intéresse, le Chemin de Fer de Meyzieu a
dû fermer en 1967 lorsque le nouveau maire de la ville a aimablement
prié les amateurs d'aller « jouer au train »
ailleurs293. Plus près de nous, le Tramway du Cap-Ferret doit
d'exister encore au soutien apporté par le Maire actuel de Lège
Cap-Ferret qui a permis sa modernisation alors que le matériel
était à bout de souffle à la fin des années
1980.
-les exigences en matière de
sécurité (liées à une
réglementation qui tend à se durcir au fil des ans), ont pour
conséquence que maints chemins de fer touristiques ne peuvent pas suivre
financièrement s'ils ne sont pas aidés294. Au
début, l'entretien courant est pris en charge par les
bénévoles. Mais avec le temps, l'infrastructure s'abîme, le
moment des gros travaux, pour lesquels les associations n'ont pas la surface
financière nécessaire, arrive295. Et puis un jour le
couperet tombe : l'organisme de réglementation en matière de
sécurité ne renouvelle plus son autorisation. Ainsi l'association
Quercyrail, après quelques années d'exploitation prometteuse, a
dû jeter l'éponge : la magnifique ligne Cahors - Capdenac a
été jugée inapte à l'exploitation ferroviaire, les
subventions nécessaires à sa modernisation n'ayant pas
été octroyées. Ailleurs, c'est la ligne
d'intérêt local à voie normale Chinon - Richelieu,
exploitée par l'association du Train à Vapeur de Touraine depuis
1974, qui vient d'être déclassée et va être convertie
en voie...verte. Ailleurs aussi, le danger guette. Les associations qui
exploitent « leur » chemin de fer touristique aussi longtemps que
l'état de la voie le permet, et qui faute de subvention devront tout
arrêter le jour où l'heure des grands travaux sonnera, ne sont
hélas pas l'exception.
293 Autre exemple, l'actuel Chemin de Fer d'Anse,
autrefois basé à Trévoux qu'il a dû quitter suite
à des « problèmes » avec la mairie.
294 Les chemins de fer touristiques à
écartement submétrique, nécessitant des investissements
plus modestes, échappent, au moins en partie, à ces
difficultés.
295 En voie normale, la pose d'une traverse coûte environ
90 €. Il y a 1500 traverses au Kilomètre. Ce qui fait le
Kilomètre à 135.000 €. On voit que la remise en état
d'une voie ferrée à voie normale est très vite hors de
portée des finances d'amateurs, même passionnés !
-la fréquentation peut
également condamner un « petit train ». Elle donne en effet
une idée de son potentiel296. Elle est garante de sa
crédibilité auprès des décideurs. Cela
peut sembler du simple bon sens : une bonne fréquentation commence par
un accueil téléphonique. Comme nous l'a dit
Jean-Michel Gasc : « Avoir quelqu'un qui décroche le
téléphone, voilà qui fait la différence entre les
chemins de fer
touristiques qui marchent, et les autres ».
-la gestion de la complexité peut aboutir
à une impasse lorsque les intervenants se multiplient et ne s'accordent
guère. Et, notamment dans le cas des chemins de fer touristiques
d'animation locale, ils sont légion !297
-les aspects de managériaux sont enfin
à prendre en compte. Les chemins de fer touristiques mobilisent des
être humains et constituent un terreau fertile dans lequel les
phénomènes de groupes se développent, pour le meilleur ou
pour le pire. Ainsi dans leur étude consacrée au Train
Touristique Guîtres-Marcenais (TTGM)298, les auteurs pointent
les effets dévastateurs des dissensions internes.
C'est pourquoi certains chemins de fer touristiques disparaissent
(ou voient leur exploitation au moins temporairement suspendue). La
mortalité des chemins de fer touristiques ressort, sur la base
de notre échantillon « E2 » de 51 chemins de fer touristiques
suivis entre 1991 et 2006 (soit une période
d'observation de 16 ans), à une hauteur de 4 sur 51, soit moins
de 10 % . Ce qui semble relativement faible.
Nous y voyons deux explications :
-une forte « sélection naturelle » s'est
produite, nous l'avons vu, dès avant la naissance
-nos amateurs ont de la passion à revendre, et leurs
combats au quotidien pour la survie des chemins de fer touristiques sont fort
heureusement couronnés de succès, en général !
296 Une idée seulement car, selon l'exploitant,
un « petit train » peut obtenir des résultats très
différents.
297 Concernant Vienne-Vézère-Vapeur,
Ragon, Renaudet (1999), p 317 mentionnent une bonne vingtaine de « grands
acteurs indispensables à la mise en tourisme culturel » !
298 Voir Castets, Delavois, Demange, Marseille (2006).
135
3- Des exploitants parfois éconduits
Il y a aussi quelques cas, qu'il nous faut évoquer. Il
s'agit d'exploitants éconduits, généralement associatifs.
Il n'y a donc là pas à proprement parler de mortalité des
chemins de fer touristiques, mais leur reprise par une autre structure,
souvent de type professionnel. Les griefs faits aux associations sont
de plusieurs types : coûts trop élevés (mais l'argument
tient difficilement quand on remplace les bénévoles par des
salariés !), fréquentation trop faible, dynamisme insuffisant,
amateurisme. Que faut-il en penser ? Les raisons avancées pour «
virer » les associations peuvent être valables, mais elles sont
parfois aussi un prétexte : elle cachent alors des
problèmes relationnels ou des querelles politiques.
Selon le Docteur Jean Brenot299, l'Association
Bordelaise des Amis des Chemins de Fer (ABAC) a été
sèchement éconduite (contrat écrit dénoncé
oralement) de la ligne Sabres - Marquèze lorsque le Parc Naturel
Régional des Landes de Gascogne a changé de président,
à la fin des années 1980. Officiellement, l'exploitation par
l'ABAC coûtait trop cher au Parc. Pourtant l'association lui facturait
annuellement 100.000 Francs (environ 15.000 €), somme comprenant la
prise en charge de toutes les prestations ferroviaires nécessaires
à l'accès des touristes à l'Ecomusée de
Marquèze300: exploitation par trois permanents, achats
de combustibles, entretien du matériel roulant et de la voie ! Un
montant qui nous semble plus que
raisonnable. Les vraies raisons étaient donc probablement
ailleurs.
Autre exemple, en Charente-Maritime, l'exploitation du Chemin de
Fer de la Seudre, autrefois assurée par une association, a
été reprise par Veolia Transports Trains Touristiques. Objectif :
développer la fréquentation par la professionnalisation des
prestations proposées.
299 Source : entretien réalisé avec
l'intéressé
300 Ce train touristique étant à ce
jour le seul moyen d'accès à l'Ecomusée de
Marquèze, son trafic est par nécessité égal au
nombre de visiteurs de l'Ecomusée, qui plafonne depuis plusieurs
années. Voir Boutet, Drouilhet, Martin (2000).
4- Quel avenir pour les chemins de fer touristiques
?
Dans le « bouillonnement » des chemins de fer
touristiques, et dans le cadre d'une étude à caractère (au
moins partiellement) historique, faut-il se risquer à faire de la
prospective ? Si la réponse était oui, voici ce que affirmerions
: l'avenir des chemins de fer touristiques nous apparaît sous des jours
différents selon les types de réseaux.
Les chemins de fer touristiques d'accès aux grands
sites ne présentent pas de souci majeur. Grâce à
une fréquentation très importante sur des voies d'une
longueur modérée, ils font preuve d'une
solidité relative par rapport aux autres types de
« petits trains ». Mais ils constituent une
catégorie figée. Des installations nouvelles sont peu
probables : l'établissement d'un chemin de fer à voie
métrique à crémaillère représente des
investissements lourds qui ne peuvent être amortis que par une
fréquentation massive. Les sites répondant à ce
critère sont déjà équipés. La reconversion
d'installations industrielles vers une vocation touristique, comme cela a
été le cas pour le Petit Train d'Artouste ou le Chemin de Fer de
La Mure n'est pas non plus possible : à notre connaissance, les
installations de ce type n'existent plus. Toutefois, les chemins de fer
touristiques d'accès aux grands sites ne doivent pas s'endormir sur
leurs lauriers : veiller à maintenir leurs infrastructures en
état, continuer à attirer les touristes. Les moins performants
d'entre eux ne sont pas à l'abri d'un lent déclin qui peut, sur
le long terme, remettre leur existence en cause.
Les chemins de fer touristiques à caractère
ludique, s'ils ont l'inconvénient de ne pas disposer de grands
moyens, ont l'avantage de ne pas faire montre d'ambitions
démesurées. Ce qui les place dans une situation
globalement équilibrée.
Des installations nouvelles de chemins de fer
touristiques à caractère ludique de ce type nous semblent
possibles et même souhaitables :
-leur concept autorise la mise en valeur de sites touristiques
d'intérêt secondaire ou une mise en place dans des bases de
loisirs, jardins publics301...
-leurs coûts d'établissement et d'exploitation sont
abordables vu l'écartement de la voie. Ils sont ainsi à la
portée d'associations, de petits entrepreneurs, de
collectivités territoriales, voire de particuliers
fortunés ou de passionnés
-ils pourraient remplacer les petits trains routiers qui n'ont de
train que le nom.
301 Il existe en France un certain nombre de chemins
de fer circulant dans des parcs, mais leur écartement très
réduit les rattache au modélisme. La situation est
différente en Allemagne, où l'on trouve dans les parcs des
grandes villes de vrais réseaux, avec du vrai matériel
réservé, généralement en voie de 60, et
exploités par des enfants. On peut lire à ce sujet : H.
Schmidtendorf, « Le petit train du Parc fête ses 50 ans »,
Voie Etroite, n° 215 (août-septembre 2006), p 24. Ou consulter
un site représentatif tel que : http://www.parKeisenbahn-chemnitz.de/
137
Les chemins de fer touristiques « musées vivants
» ne sont pas sous une menace immédiate, mais plusieurs
dangers les guettent à terme : le piège du «
bric-à-brac » ferroviaire dont nous avons déjà
parlé, l'absence de renouvellement dans l'attrait muséal,
la sensibilité aux subventions. Quel est le potentiel en
installations nouvelles ? Il nous semble désormais
limité. Plusieurs raisons à cela :
-la difficulté de trouver du matériel ancien en
quantité suffisante pour créer une collection attractive
-les délais et les coûts de remise en état de
ce matériel
-l'existence de structures de ce type déjà
opérationnelles
-le fait que certains projets du même type peinent à
se monter
Les chemins de fer touristiques d'animation locale
constituent notre avis la catégorie la plus fragile.
Ils ont souvent beaucoup d'ambitions, mais des moyens très variables
selon le soutien dont ils disposent. Les décideurs (départements,
autres collectivités territoriales) sont appelés à jouer
un rôle primordial dans leur survie et leur développement. Mais le
soutien aux chemins de fer touristiques d'animation locale a son prix. Certes,
dans beaucoup de cas, les trains équilibrent leur exploitation et
peuvent même assurer l'entretien courant. Le soutien des
collectivités locales est en revanche très attendu sur les
infrastructures, dont l'entretien lourd voire la réfection
complète n'est pas à la portée des associations. Or
l'explosion de l'offre ferroviaire lors de la « seconde vague » a
créé son lot de produits touristiques peu adaptés : les
collectivités territoriales, responsables devant leurs électeurs,
ne peuvent pas, au risque d'augmenter exagérément la pression
fiscale, « saupoudrer » de subventions tous les chemins de fer
touristiques existants ou en projet. Une sélection devrait
s'opérer entre les chemins de fer touristiques appartenant
à cette catégorie avec :
-d'un côté les plus chanceux (ou ceux qui ont
déjà solidement établis). Des chemins de fer touristiques
soutenus par les décideurs, qui s'inscrivent dans une réelle
dynamique locale. Dans un retour aux sources, la tendance est à
la départementalisation des infrastructures 302,
avec à terme là où ils seront
justifiés des cumuls entre trafic voyageur, touristique
voire même fret303
-de l'autre côté des « oubliés »,
probablement plus nombreux, qui (sur)vivront aussi longtemps que le permettront
les autorisations administratives.
302 Cette « départementalisation »
des infrastructures est déjà entamée : Chemin de Fer de la
Baie de Somme, Chemin de Fer du Vivarais pour n'en citer que deux.
303 Voir supra, Troisième partie,
Chapitre 6.
Conclusion - Les meilleures pratiques pour amorcer le
« cercle
vertueux »
La professionnalisation des chemins de fer touristiques dans leur
ensemble doit permettre un dépassement des discussions stériles
basées sur une opposition entre associatifs et professionnels. Il faut
s'inspirer de ce qui marche ici ou ailleurs, autrement dit des meilleures
pratiques: les méthodes des grands exploitants, le dynamisme des pays
anglo-saxons, la formation du personnel au niveau adéquat, une efficace
gestion de la complexité.
C'est la professionnalisation qui fera la différence pour
enclencher le cercle vertueux: des prestations professionnelles attirent
davantage de visiteurs, d'où une fréquentation supérieure
qui légitime le chemin de fer touristique auprès des
décideurs. Ainsi le « petit train » plébiscité
par les flux touristique sollicite et obtient les aides des décideurs
permettant son développement ultérieur. Et ainsi de suite.
La création de véritables synergies entre les
chemins de fer touristiques et les économies locales est à ce
prix.
Dixième parti
Poids et emp/ois du secteur
Dixième partie - Poids et emplois du secteur
Introduction - Un atout
précieux
Les emplois directs ou indirects générés par
les chemins de fer touristiques constituent potentiellement un atout
précieux pour les économies locales : ils apparaissent
majoritairement dans des régions rurales ou montagnardes, justement
là où les activités économiques sont rares. Certes,
nombre de ces emplois sont, par essence, saisonniers (liés à la
saison touristique). Cependant, une autre part de ces emplois revêt un
caractère permanent. Sans vouloir surestimer l'importance des
« petits trains » dans l'emploi et la
démographie (il ne repeupleront pas, à eux seuls, les campagnes),
notons qu'ils contribuent, dans nombre de cas, à sédentariser des
emplois là où il n'y en a plus guère304.
Chapitre 1- Emplois directs
Nous avons déjà abordé la gestion du
personnel dans les chemins de fer touristiques sous l'angle qualitatif :
importance du bénévolat, nécessité de moyens
temporaires liée à la forte saisonnalité des
activités, montée en compétences305.
Attachons-nous maintenant aux aspects quantitatifs.
Un seul train qui circule sur un chemin de fer touristique
d'animation locale mobilise une équipe de 5 à 8
personnes : conducteur évidemment (auquel il faut rajouter en
traction vapeur un chauffeur), un chef de train, deux gardes de
sécurité pour les passages à niveau non gardés, un
animateur pour les commentaires, voire une ou plusieurs hôtesses pour la
boutique, le bar et/ou la vente ambulante.
Pour un « petit train » appartenant à l'une
des trois autres catégories,il faut compter sur une
équipe de 2 personnes au minimum : un conducteur et chef de
train. Il faut un troisième homme, le chauffeur en traction vapeur.
Plusieurs trains peuvent être en ligne simultanément, ce qui
multiplie d'autant les besoins. Et n'oublions pas les personnes qui restent sur
des positons fixes : guichets, bar, boutique mais aussi atelier.
304 Nous devons toutefois remarquer que la
région du Mont-Blanc, où sont localisés à la fois
le Train du Montenvers - Mer de Glace et le Tramway du Mont-Blanc,
exploitations qui créent un volume d'emploi conséquent, ne peut
être assimilée à une zone
déshéritée.
305 Voir supra, Neuvième partie,
chapitre 3.
Un chemin de fer touristique en fonctionnement est une
véritable PME.
Sur la base de nos estimations306, et hors
bénévolat, nous estimons que les chemins de fer
touristiques génèrent de nos jours quelque 300 emplois
directs307.
D'autres évaluations font état de chiffres bien
supérieurs : 600 emplois. La différence s'explique selon nous par
une surface de calcul différente. Outre les chemins de fer touristiques
au sens de notre définition, sont également incluses dans ce type
d'estimation les personnels correspondant :
-aux circulations de matériels préservés
ainsi qu'aux vélorails
-à une part du trafic total sur des lignes longues
(Chemins de Fer de Provence, Chemins de Fer de la Corse, ligne dite « du
Canari ») assurant au premier chef un service public. Cette part nous
semble difficile à évaluer de manière fiable
-aux trains touristiques de la SNCF.
Chapitre 2- Emplois indirects
Les retombées indirectes des chemins de fer touristiques
en terme d'emploi sont difficiles à évaluer en quelques mots en
l'absence d'étude existante308. Aussi, nous ne nous risquons
pas à faire des estimations chiffrées, mais nous tentons de
voir où peuvent se situer ces retombées.
1- Emplois créés dans le
tourisme
Nous avons la présomption que les chemins de fer
touristiques créent (ou pérennisent) des emplois indirects dans
le tourisme. Ces lots (ou ces flots !) de touristes qui entrent dans les bars
et restaurants à l'arrivée des trains et qui se hâtent de
régler leur note lorsque sonne l'heure du retour sont nettement
perçus par les professionnels309. Dans certaines
zones rurales, ils représentent, pour les commerçants, le
petit plus qui leur permet de rester.
306 Voir fichier BaseDonnéesCFT, colonnes AH,
AI, AJ et total colonne AJ
307 Il s'agit d'un Equivalent Temps Plein annuel (ETP
dans le jargon des DRH). Par exemple une personne travaillant à 80 %
toute l'année compte pour 0,8. Une personne travaillant à temps
plein pendant trois mois compte pour 0,25.
308 Ce qui n'empêche pas de tenter de la
réaliser un jour (mais son « format » dépasserait celui
de ce mémoire).
309 Une restauratrice que nous avons interrogée
à ce sujet connaît bien ce phénomène mais nous a
avoué ne pas pouvoir chiffrer l'impact du « petit train » sur
son chiffre d'affaires.
Le rôle économique des chemins de fer touristiques
est parfois explicitement reconnu. Rendons-nous sur le site internet officiel
de la ville de Lamastre (Ardèche) terminus de la
célèbre ligne des Chemins de Fer du Vivarais310 : Le
« petit train » apparaît non seulement dès la page
d'accueil mais aussi dans les rubriques
« tourisme » et même « économie
» ! L'hommage explicite d'une toute petite ville (2.500 habitants)
à un train touristique qui lui amène 60.000 visiteurs par an.
2- Emplois créés dans
l'industrie
Les emplois créés dans l'industrie ferroviaire le
sont dans deux grandes catégories : -chez les intervenant locaux
-chez les intervenants spécialisés
(réparation de locomotives à vapeur, infrastructures).
Chez les intervenants locaux, l'impact des commandes
issues des chemins de fer touristiques nous paraît négligeable :
les commandes restent très ponctuelles. Mais les achats de combustibles
(charbon, gazole) sont substantiels.
En revanche, cet impact nous semble plus net en ce qui
concerne les intervenants spécialisés. La raison en est
simple : le montant des commandes. La réfection de
chaudière à 150.000 € minimum, la locomotive à vapeur
au tarif de 500.000 €, les Kilomètres de voie ferrée
à reposer au prix de plusieurs millions d'Euros créent des
emplois311.
Une part de ces emplois se concrétise à
l'étranger, au sein des ateliers ferroviaires. InterloK Pila emploie une
vingtaine de personnes en Pologne. Mais InterloK Pila ne travaille qu'en partie
pour les chemins de fer touristiques et que très
épisodiquement pour des donneurs d'ordres hexagonaux.
Conclusion - Un potentiel inexploité
d'emplois ?
L'importance du bénévolat nous donne une
vision brouillée de l'emploi réel
généré par les chemins de fer touristiques. En effet, les
bénévoles font un travail qui pourrait (au moins
théoriquement) être effectué par des salariés.
N'existerait-il pas un potentiel de création d'emplois susceptible
d'être concrétisé par une évolution du
bénévolat vers le salariat ?
310 Adresse : http://www.lamastre.fr/
311 Selon de (très) grosses approximations qui
ont cours dans les entreprises, 150.000 € de chiffres d'affaires
créent un emploi temps plein annuel.
J.-M. Gasc, qui dispose d'une expérience plus que
décennale dans la fréquentation des chemins de fer touristiques,
propose la règle de calcul suivante :
-jusqu'à 50.000 entrées, il faudrait compter un
« forfait » de 5 Emplois Temps Plein (ETP) par exploitation
-au-delà de 50.000 entrées, il faudrait ajouter un
emploi temps plein (ETP) supplémentaire par tranche de 10.000
entrées.
En appliquant ces principes, nous obtenons un peu plus de
500 emplois temps plein (ETP) potentiels pour les chemins de
fer touristiques312. Ainsi, il existerait quelque
200 emplois qui pourraient émerger par transformation du
bénévolat en salariat.
Admettons que le potentiel soit réel. Peut-on le
concrétiser ? Et est-ce souhaitable ? Les réponses à
ces questions dépendent à la fois du coût du travail, du
volant de bénévoles mobilisables, et de la volonté des
chemins de fer touristiques. Pour une quantité de travail donnée,
toutes choses étant égales par ailleurs, un coût du travail
élevé déclenche un arbitrage en faveur du
bénévolat. Or ce bénévolat s'avère de plus
en plus difficile à trouver. La situation peut entraîner les
chemins de fer touristiques en manque de bénévoles vers une
fermeture annoncée. Ces exploitations qui connaissent une crise
ouverte du bénévolat devraient pouvoir plus facilement
créer des emplois à des coûts raisonnables.
Même si ailleurs en France, pour des raisons que nous comprenons et
respectons, les exploitants peuvent vouloir (et pouvoir) pérenniser un
fonctionnement essentiellement bénévole.
La constitution d'ateliers ferroviaires
représente une autre piste de création d'emploi dans le domaine
des chemins de fer touristiques. Sans vouloir verser dans la politique
industrielle, on peut se demander si le « matelas » des chemins de
fer touristiques français ne pourrait pas faire vivre un ou deux
ateliers ferroviaires en France, comme c'est le cas ailleurs ? Les tarifs
seraient par force plus élevés que ceux des intervenants d'Europe
de l'Est, mais cette cherté serait compensée au moins en partie
par des coûts de transport réduits et des formalités
administratives simplifiées.
Mais la vraie solution est, à notre avis,
ailleurs. Elle consiste à lever les blocages
injustifiés à la création de PME
ferroviaires, qui pourraient à la fois prendre en charge
trafics touristiques, passagers, voire fret. Pourquoi la SNCF et RFF qui ne
sont pas intéressés par l'exploitation de voies ferrées
secondaires, non rentables selon leurs critères, devraient-ils
empêcher d'autres intervenants de s'en occuper ?
312 Selon le fichier BaseDonnéesCFT. Voir total
colonne AK.
Conc/usion généra/
Nosta/gie et innovation en synergie
Conclusion générale - Nostalgie et
innovation en synergie
«Regret attendri ou désir vague accompagné de
mélancolie »313, la nostalgie est un sentiment qui ne
semble pas a priori inciter à l'action : si désir il y a, il
reste vague. Pas de quoi générer des évolutions : la
nostalgie est regret, regard vers le passé ; l'innovation est pari,
nécessairement à risque, sur l'avenir.
Dans sa Theorie der wirtschaftlischen EntwicKlung
(Théorie de l'évolution économique), parue en 1
91 2, Joseph Schumpeter nous donne une définition
magistrale de l'innovation: « La forme et la manière de
l'évolution au sens donné par nous à ce terme sont alors
fournies par la définition suivante : exécution de nouvelles
combinaisons. Ce concept englobe les cinq cas suivants :
-fabrication d'un bien nouveau [...]
-introduction d'une méthode de production nouvelle
[...]
-ouverture d'un débouché nouveau [...]
-conquête d'une nouvelle source de matières
premières ou de produits semi- ouvrés [...]
-réalisation d'une nouvelle organisation
[...]»314
Si nous nous risquons à transposer cette approche, non
plus à l'industrie, mais aux services, plus particulièrement aux
chemins de fer touristiques, le résultat nous semble intéressant.
En effet :
-l'installation ou la réutilisation, à des fins
autres que le transport, de voies ferrées par les exploitants des
chemins de fer touristiques constituent selon le cas « la fabrication d'un
service nouveau » ou bien « l'introduction d'une méthode de
production nouvelle » d'un service ancien, à savoir la prestation
de service ferroviaire
-l'appel aux touristes au lieu des voyageurs, pour
remplir les « petits trains » traduit « l'ouverture d'un
débouché nouveau »
-les locomotives et matériels anciens que l'on va chercher
de plus en plus loin ne représentent-ils pas quant à eux «
la conquête d'une nouvelle source de matières premières ou
de produits semi-ouvrés » nécessaires à la prestation
ferroviaire touristique ?
-« la réalisation d'une nouvelle organisation
» se concrétise dans le monde des « petits trains » par
la prégnance des structures associatives et la fédération
des intervenants (FACS puis FACS-UNECTO enfin FACS et UNECTO).
313 Définition du Petit Larousse
illustré, édition 1996, p 703.
314 Schumpeter (1999), p 94-95.
Mais, à notre avis, les ressemblances avec
l'évolution économique selon Joseph Schumpeter ne
s'arrêtent pas là :
-L'innovation s'épanouit en-dehors du circuit
économique établi. Nos « petits
trains » apparaissent en-dehors des exploitants
attitrés (SNCF), à côté dans le cas de constructions
nouvelles, ou bien sur les décombres de l'infrastructure ferroviaire.
-Les «petits trains » éclosent par
grappes, comme autant d'innovations. Nous avons parlé de la «
première vague », puis de la « seconde vague ».
-La destruction créatrice, ne la
retrouvons-nous pas dans la « sélection naturelle » des
projets, dans la natalité et la mortalité des exploitations,
parfois aussi dans les montages, démontages et remontages de
réseaux entiers ?
-La figure de l'entrepreneur nous semble
également bien présente. Ecoutons ce que Schumpeter nous dit de
l'entrepreneur : « Il y a d'abord en lui le rêve et la
volonté de fonder un royaume privé [...] Puis vient la
volonté du vainqueur. D'une part vouloir lutter, de l'autre vouloir
remporter un succès pour le succès même [...] La joie enfin
de créer une forme économique nouvelle [...]l''exploitant pur
et
simple' vient avec peine à bout de sa journée de
travail, notre entrepreneur, lui, a un excédent de force [...] il
apporte des modifications à l'économie, il y fait des tentatives
hasardeuses en vue de ces modifications et précisément à
raison de ces difficultés. Il se peut là aussi que la joie pour
lui naisse de l'oeuvre, de la création nouvelle comme telle [...] Ici
non plus on n'acquiert pas des biens pour la raison et selon la loi de la
raison »315. « La volonté du vainqueur »,
« la joie [...] de créer une forme économique nouvelle
» nous semblent bien présentes chez nos entrepreneurs des chemins
de fer touristiques. On nous rétorquera qu'il n'y a guère chez
eux (quoique dans quelques cas on puisse légitimement se poser la
question) « le rêve et la volonté de fonder un royaume
privé ». Certes, mais « c'est seulement dans la
première des trois séries de motifs que la
propriété privée est un facteur essentiel de
l'activité de l'entrepreneur. Dans les deux autres cas il ne s'agit pas
de cela, mais plutôt de la façon, précise et
indépendante du jugement d'autrui, qui mesure dans la vie capitaliste la
'victoire' et le 'succès', et de la façon dont l'oeuvre
réjouit celui même qui lui donne forme, et dont elle se comporte
à l'épreuve »316. Il y aurait donc parmi la
troupe des entrepreneurs place réservée pour les associatifs dont
l'objectif n'est pas de « fonder un royaume privé », mais qui
se plaisent dans la création ou la re-création des « petits
trains ».
315 Schumpeter (1999), p 135-136.
316 Idem, p. 136.
Les chemins de fer touristiques ont ainsi
révélé un certain nombre de personnalités : des
hommes prenant des risques qui n'ont rien à envier à ceux pris
par les entrepreneurs317, des hommes bravant l'adversité
voire les moqueries, des hommes empreints d'une « vision », des
hommes enfin mobiles pour être là où il fallait être.
Des hommes dont certains ont gagné par la réussite de leurs
chemins de fer touristiques une reconnaissance certaine.
Voilà donc la surprise : la nostalgie que rien ne
prédisposait à l'action a donné naissance à
un micro-secteur des chemins de fer touristiques marqué
du sceau de l'innovation schumpetérienne.
Certes, déjà, grands et petits trains se sont
caractérisés par de fortes capacités à innover tout
au long de leur histoire. Ils ont su en quelque sorte dépasser
par leur dynamisme propre un cadre technique et réglementaire
rigide. Et depuis un demi - siècle, le développement des
chemins de fer touristiques traduit un phénomène comparable :
apparition par vagues, nouvelles organisations, vie quasi biologique,
innovations touristiques. C'est que leurs protagonistes, les passionnés
de trains, ont su dépasser leur nostalgie des trains d'autrefois pour
passer à l'action. Avec de l'ancien, ils ont su faire du
nouveau. S'adapter pour créer et développer de vrais
produits touristiques.
Toutefois, cette synergie entre nostalgie et innovation
n'est pas acquise d'avance. Elle se remet en jeu tous les jours. Les
tendances au repli sur soi continuent presque partout à exister et elles
peuvent même s'avérer dominantes au sein de certains
« petits trains ». Refuser, consciemment ou
inconsciemment, de s'adapter au monde tel qu'il est (et non pas tel que l'on
voudrait qu'il soit) condamne au déclin, à l'exploitation
confidentielle voire à la disparition. A une
époque où le touriste est sans cesse sollicité, où
les pouvoirs publics font preuve d'une exigence croissante, les chemins de fer
touristiques doivent s'ouvrir : leur intégration dans des réseaux
(UNECTO, prescripteurs touristiques, organismes chargés du patrimoine,
présence auprès des décideurs) leur fera partager puis
adopter les meilleures pratiques. Car la professionnalisation constitue
une impérieuse nécessité pour amorcer le cercle vertueux
de la croissance. Ce pari n'est pas hors de portée : ailleurs
les chemins de fer touristiques prospèrent, avec des effets induits sur
les économies locales bien supérieurs à ceux
observés chez nous.
C'est que, au carrefour de l'industrie lourde (le chemin de fer),
des prestations de services modernes (le tourisme), de la conservation
patrimoniale (préservation des
patrimoines anciens) les chemins de fer touristiques sont
un phénomène hybride. La rencontre entre amateurs,
animés d'une passion toute légitime, prestataires touristiques
exigeant professionnalisme, collectivités territoriales responsables du
bien collectif, exploitants ferroviaires traditionnels soucieux de
préserver l'acquis débouche, comme c'est souvent le cas dans les
innovations, sur des conflits. Des blocages demeurent, qu'il faudrait lever.
Car ce tableau d'ensemble finit par nuire à la
crédibilité des chemins de fer touristiques. C'est dommage : car
ils sont la preuve que nostalgie et innovation peuvent faire bon ménage.
Ils proposent une précieuse réconciliation entre notre
passé et notre avenir. Ils sont finalement bien plus intéressants
qu'il n'y paraît à première vue.
Aussi, formons le voeu que nos « petits trains »,
ouverts sur le monde, conscients de leurs faiblesses mais aussi de leurs
atouts, soient pris au sérieux par l'ensemble de leurs interlocuteurs.
Enfin.
Annexes,
Sources,
Tab/eaux, graphiques et cartes,
Tab/e des matières
Annexes
Annexe 1- Données sur les chemins de fer
touristiques
Cette annexe rassemble les 81 chemins de fer
touristiques de l'ensemble « E1 ». A l'intérieur de
cet ensemble, les 51 réseaux pour lesquels nous avons un chiffre de
fréquentation représentent « E2 ».
Pour garder une base comparable sur «E2 »,
entre1991 et 2006, nous avons inclus :
-les exploitations existantes en 1991 et toujours
actives en 2006 et pour lesquelles nous disposons à la fois des
données 1991 et des données 2006.
En conséquence, les exploitations pour lesquelles nous
avons les données 1991 mais pas les données 2006, ainsi que
celles pour lesquelles nous avons les données 2006 mais pas les
données 1991 ont été exclues.
-les exploitations créées sur la
période 1991- 2006 si et seulement si elles existent
encore en 2006 et si nous disposons des données 2006 (il existe quelques
cas d'exploitations relativement éphémères, nées
après 1991 et arrêtées avant 2006, nous ne les avons pas
intégrées).
-les exploitations existantes en 1991 mais
arrêtées depuis (que ce soit temporairement ou
définitivement). Ce sont les chemins de fer touristiques qui affichent
une fréquentation nulle.
Conventions :
· Les chemins de fer appartenant à « E2
» sont classés au sein de chaque catégorie par
fréquentation décroissante
· Les chemins de fer touristiques qui appartiennent
à E1 sans appartenir à E2 (autrement dit les chemins de fer
touristiques pour lesquels nous ne disposons pas des chiffres de
fréquentation), apparaissent en italiques avec « NC » dans la
colonne voyageurs 2006.
Abréviations : CF : Chemin de Fer ; CFT :
Chemin de Fer Touristique ; PT : Petit Train ; TT : Train Touristique, VF :
Voies Ferrées
Données : toutes les données
présentées cette annexe sont extraites du fichier
BaseDonnéesCFT.
151
Les chemins de fer touristiques les plus
fréquentés (au moins 30.000 visiteurs en 2006)
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Catégorie
|
Fréquentation 2006
(milliers)
|
Train du Montenvers - Mer-de-Glace
|
Haute-Savoie
|
Métrique à crémaillère
|
Accès grands sites
|
700
|
Petit train de la Rhune
|
Pyrénées- Atlantiques
|
Métrique à crémaillère
|
Accès grands sites
|
350
|
Train à Vapeur des Cévennes
(CITEV)
|
Gard
|
Normale
|
Animation locale
|
150
|
Petit train d'Artouste
|
Pyrénées- Atlantiques
|
0.50
|
Accès grands sites
|
140
|
Baie de la Somme (Chemin de fer de la / CFBS)
|
Somme
|
Métrique
|
Animation locale
|
129,459
|
Tramway du Mont-Blanc (TMB)
|
Haute-Savoie
|
Métrique à crémaillère
|
Accès grands sites
|
90
|
Pays de Canne (CFT du / Sucrerie de Beauport)
|
Guadeloupe
|
Métrique
|
Animation locale
|
80
|
CF de la Mure
|
Isère
|
Métrique
|
Accès grands sites
|
80
|
Landes de Gascogne (CF des)
|
Landes
|
Normale
|
Animation locale
|
74,649
|
TT de Saint-Trojan (STTST)
|
Charente- Maritime
|
0.60
|
Ludique
|
67,556
|
CF des Combes (CFC)
|
Saône-et-Loire
|
0.60
|
Ludique
|
60
|
Vivarais (CF du)
|
Ardèche
|
Métrique
|
Animation locale
|
57
|
CFT Haut-Quercy (Le Truffadou)
|
Lot
|
Normale
|
Animation locale
|
40
|
Tramway du Cap-Ferret (TFCF)
|
Gironde
|
0.60
|
Ludique
|
30
|
CF d'Abreschviller (ACFA)
|
Moselle
|
0.70
|
Musée vivant
|
30
|
Vapeur du Trieux
|
Côtes d'Armor
|
Normale
|
Animation locale
|
30
|
Fréquentation cumulée de ces 16 chemins de
fer touristiques Fréquentation totale des 51 chemins de fer touristiques
(base : « E2 ») Part dans la fréquentation totale des
chemins de fer touristiques
|
2108,7 2356,9 89,5 %
|
Les 5 chemins de fer touristiques d'accès aux
grands sites
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Longueur (Km)
|
Visiteurs 2006 (milliers)
|
Train du Montenvers - Mer de Glace
|
Haute-Savoie
|
Métrique à crémaillère
|
5,4
|
700
|
Petit train de la Rhune
|
Pyrénées- Atlantiques
|
Métrique à crémaillère
|
4,2
|
350
|
Petit train d'Artouste
|
Pyrénées- Atlantiques
|
0.50
|
9
|
140
|
Tramway du Mont-Blanc
|
Haute-Savoie
|
Métrique à crémaillère
|
12,4
|
90
|
Chemin de fer de la Mure
|
Isère
|
Métrique
|
30
|
80
|
TOTAUX
|
61
|
1360
|
Les 12 chemins de fer touristiques à
caractère ludique
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Longueur (Km)
|
Visiteurs 2006 (milliers)
|
P'tit Train de St-Trojan
(STTST)
|
Charente- Maritime
|
0.60
|
6,5
|
67,556
|
CF des Combes (CFC)
|
Saône-et-Loire
|
0.60
|
5,3
|
60
|
Tramway du Cap-Ferret (TFCF)
|
Gironde
|
0.60
|
2
|
30
|
PT de Roanne (Commelle)
|
Loire
|
0.60
|
3,5
|
10
|
CF d'Anse
|
Rhône
|
0.381
|
2,5
|
5,151
|
TT des Lavières
|
Côte d'Or
|
0.50
|
1,4
|
1,865
|
CFT Lacs de Monclar (CFTLM)
|
Tarn-et- Garonne
|
0.60
|
1,5
|
1,5
|
Val de Passey (CF du)
|
Meurthe-et- Moselle
|
0.60
|
0,8
|
NC
|
Port-aux-Cerises (Petit de)Train
|
Essonne
|
0.60
|
3
|
NC
|
Rails de la Canne à Sucre (RCS) - Distillerie
St-James
|
Martinique
|
1.17
|
1,5
|
NC
|
CF des Chanteraines
|
Hauts-de-Seine
|
0.60
|
5,5
|
NC
|
PT du Jardin d'acclimatation
|
Paris
|
0.50
|
1,8
|
NC
|
TOTAUX
|
35,3
|
176,072
|
Les 18 chemins de fer touristiques « Musées
vivants »
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Longueur (Km)
|
Visiteurs 2006 (milliers)
|
CF d'Abreschviller (ACFA)
|
Moselle
|
0.70
|
6
|
30
|
CFT du Tarn (CFTT)
|
Tarn
|
0.50
|
3,5
|
21,3
|
P'tit Train de la Haute- Somme (APPEVA)
|
Somme
|
0.60
|
6
|
14,5
|
Musée des Transports de la Vallée du
Sausseron (MTVS - Valmondois)
|
Val d'Oise
|
Métrique
|
0,8
|
8
|
CF du Haut-Rhône
|
Isère (38)
|
0.60
|
4
|
6,5
|
ACFCdN
|
Côtes d'Armor
|
Métrique
|
0,9
|
4
|
Centre d'animation technologique de la mine et
énergiesdeNoyantdes
|
Allier
|
0.60
|
1,4
|
2,5
|
CF du Hainaut (Centre d'Etudes Ferroviaires du
Nord)
|
Nord
|
0.60
|
0,3
|
1,5
|
PT de la Côte d'Or
|
Côte d'Or
|
0.60
|
7,5
|
0
|
Tacot des Lacs
|
Seine-et- Marne
|
0.60
|
2,5
|
NC
|
Tramway de la Deûle (AMITRAM)
|
Nord
|
Métrique
|
3
|
NC
|
CF du Lac de Rillé
|
Indre-et-Loire
|
0.60
|
2,5
|
NC
|
CFVallée de l'Ouche (CFVO)
|
Côte d'Or
|
0.60
|
6,8
|
NC
|
Train à petite vitesse de
(TPVM)Massangis
|
Yonne
|
0.60
|
2,5
|
NC
|
CF de Semur-en-Vallon
(CFSV)
|
Sarthe
|
0.60
|
3
|
NC
|
TT de la Vallée de la Scarpe
|
Nord
|
0.60
|
2,5
|
NC
|
La Barque (Musée Provençal des
transports - MPTUR)
|
Bouches-du- Rhône
|
0.60
|
1,5
|
NC
|
Musée des Transports de
(AMTP)Pithiviers
|
Loiret
|
0.60
|
4
|
NC
|
TOTAUX
|
58,7
|
88,3
|
Les 46 chemins de fer touristiques d'animation
locale
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Longueur (Km)
|
Visiteurs 2006 (milliers)
|
Train à Vapeur des Cévennes
(CITEV)
|
Gard
|
Normale
|
13,2
|
150
|
CF de la Baie de Somme
(CFBS)
|
Somme
|
Métrique
|
27
|
129,459
|
CFT du Pays de Canne (Sucrerie de
Beau port)
|
Guadeloupe
|
Métrique
|
7
|
80
|
CF des Landes de Gascogne
|
Landes
|
Normale
|
4
|
74,649
|
CF du Vivarais
|
Ardèche
|
Métrique
|
33
|
57
|
CFT du Haut-Quercy (Le Truffadou)
|
Lot
|
Normale
|
7
|
40
|
Vapeur du Trieux
|
Côtes d'Armor
|
Normale
|
17
|
30
|
CFT de la Seudre (Train des Mouettes)
|
Charente- Maritime
|
Normale
|
21,5
|
17
|
TT de l'Ardèche Méridionale (Viaduc
07)
|
Ardèche
|
Normale
|
13,9
|
15
|
Train Thur Doller Alsace (TTDA) - dela
DollerCFT
|
Haut-Rhin
|
Normale
|
13,6
|
15
|
TT de l'Albret (TTA)
|
Lot-et-Garonne
|
Normale
|
14
|
14,5
|
CF de Vendée (Puy-du- Fou)
|
Vendée
|
Normale
|
22
|
12
|
Pointe-de-Grave-Verdon- Soulac (PGVS)
|
Gironde
|
Normale
|
7
|
12
|
VF du Velay
|
Haute-Loire
|
Métrique
|
36,4
|
10,3
|
Train des Alpilles (RDT13)
|
Bouches-du- Rhône
|
Normale
|
7
|
10
|
Coni'Fer (CFT Pontarlier- Vallorbe)
|
Doubs
|
Normale
|
7,5
|
10
|
CFT Sarthe (Transvap)
|
Sarthe
|
Normale
|
17
|
9
|
CFT du Rhin (Vogelsheim)
|
Haut-Rhin
|
Normale
|
13
|
8,1
|
Train du pays Cathare et du Fenouillèdes
(TPCF)
|
Pyrénées- Orientales
|
Normale
|
72
|
8
|
Gentiane Express (CF de Haute-Auvergne)
|
Cantal
|
Normale
|
39
|
7,753
|
TT de Puisaye Forterre (AAT Yonne)
|
Yonne
|
Normale
|
27
|
6
|
SABA (CF du Bas-Berry)
|
Indre
|
Métrique
|
27
|
4,803
|
Nom
|
Localisation
|
Voie
|
Longueur (Km)
|
Visiteurs 2006 (milliers)
|
TT du Cotentin (Port-Bail)
|
Manche
|
Normale
|
9
|
3
|
CFT de la Brévenne (CFTB) - Monts du
Lyonnais
|
Rhône
|
Normale
|
19
|
3
|
CF du Val de Provence
|
Bouches-du- Rhône
|
Normale
|
11
|
2,5
|
CFT du Vermandois
|
Aisne
|
Normale
|
22
|
2,5
|
CFT Sud-Ardennes
|
Ardennes
|
Normale
|
40,8
|
1
|
Train à Vapeur de Touraine (TVT)
|
Indre-et-Loire
|
Normale
|
20
|
0
|
CFT Suisse Normande
|
Orne
|
Normale
|
60
|
0
|
Rive Bleue Express
|
Haute-Savoie
|
Normale
|
21
|
0
|
TT Guitres-Marcenais (TTGM)
|
Gironde
|
Normale
|
13
|
NC
|
TT du Livradois-Forez (Agrivap)
|
Puy-de-Dôme
|
Normale
|
83,5
|
NC
|
Autorail touristique du
(ATM)Minervois
|
Aude
|
Normale
|
20
|
NC
|
CF du Haut-Forez
|
Loire
|
Normale
|
35
|
NC
|
Train des Pignes (GECP)
|
Alpes- Maritimes
|
Métrique
|
20
|
NC
|
CF Centre Var (AATCV)
|
Var
|
Normale
|
24
|
NC
|
TTde la Vallée du Loir (TTVL)
|
Loir-et-Cher
|
Normale
|
18
|
NC
|
TT Ecomusée d'Alsace
|
Haut-Rhin
|
Normale
|
4
|
NC
|
CFT Vallée de la Canner
(ALEMF)
|
Moselle
|
Normale
|
12
|
NC
|
CFT de la Traconne (CFTT)
|
Marne
|
Normale
|
16,5
|
NC
|
Autorail touristique de Wassy (CFT
Blaise-et-Der)
|
Haute-Marne
|
Normale
|
28
|
NC
|
CFTVallée de l'Aa (CFTVA)
|
Pas-de-Calais
|
Normale
|
17
|
NC
|
CFVallée de l'Eure (CFVE)
|
Eure
|
Normale
|
11
|
NC
|
TT Etretat Pays de Caux
|
Seine-Maritime
|
Normale
|
5
|
NC
|
Pontaurail (Pont-Audemer - Honfleur)
|
Eure
|
Normale
|
28
|
NC
|
Vienne-Vézère-Vapeur
|
Haute-Vienne
|
Normale
|
117
|
NC
|
TOTAUX
|
1100,9
|
732,564
|
Annexe 2 - Exemple de budget associatif
Il s'agit du budget banalisé d'un chemin de fer
touristique de type « musée vivant », géré par
une association qui compte environ 200 membres. Ce « petit train »
comporte une ligne de plusieurs Kilomètres de longueur à voie
étroite ainsi qu'un musée ouvert au public.
RECETTES
|
En K€
|
En %
|
DEPENSES
|
En K€
|
En %
|
Cotisations
|
2,2
|
3
|
Révision infrastructures
|
8,2
|
10
|
Publicité
|
0,8
|
1
|
Révision engins traction
|
9
|
11
|
Voyageurs
|
36,7
|
44
|
Révision voitures/wagons
|
5
|
6
|
Boutique
|
10,5
|
12
|
Compléments muséographie
|
3,2
|
4
|
Aide à l'emploi
|
6
|
7
|
Fourniture atelier
|
1,2
|
1
|
Subvention fonctionnement
|
4
|
5
|
Remboursement emprunt
|
8,8
|
11
|
Subvention CG/DRAC/CR
|
17,5
|
21
|
Frais de personnel
|
25,7
|
31
|
Divers autres
|
6
|
7
|
Transport
|
2,4
|
3
|
|
|
|
Charbon, huile et carburants
|
2
|
2
|
|
|
|
Gestion, Pub, EDF, PTT
|
11
|
13
|
|
|
|
Achats pour revente
|
5,2
|
6
|
|
|
|
Divers autres
|
2
|
2
|
TOTAUX
|
83,7
|
100
|
|
83,7
|
100
|
Dans les recettes, noter l'importance logique des
billets voyageurs (44 % du total) et la part substantielle des subventions (26
%). L'association possède en effet plusieurs matériels
classés « Monument Historique ». La boutique
génère quant à elle des revenus non négligeables
(12 %).
Dans les dépenses, le premier poste est
représenté par les frais de personnel (31 %). Le deuxième
poste (Gestion, Pub, EDF, PTT) est trop hétéroclite pour pouvoir
être interprété. Sur les 27 % des dépenses
consacrées aux révisions de tous ordres (infrastructures, engins
de traction, voitures / wagons), environ les deux tiers reviennent au
matériel roulant et un tiers aux infrastructures.
1 5 7
Annexe 3 - Exemple de profil en long (ligne Labouheyre
- Sabres)
Source : A.B.A.0 (1977), p 8.
Annexe 4 - L«a Charte nationale pour le
développement des
chemins de fer touristiques et
historiques » (texte
intégral)
Chemins de fer, tourisme et patrimoine
La France est la première destination touristique du
monde. Son réseau ferroviaire est dense. Les services ferroviaires sont
particulièrement performants, avec le développement des dessertes
à grande vitesse et le système TER; ils favorisent l'accès
aux grands sites touristiques du territoire et les déplacements d'une
ville à l'autre, ou à l'intérieur d'une région
touristique.
A côté de la SNCF, de nombreux organismes
s'emploient, en liaison avec les collectivités territoriales, à
animer de petites lignes de chemin de fer à des fins touristiques,
culturelles ou historiques. Elles mettent le passé ferroviaire important
de la France, l'attachement à ce mode de transport, l'attrait de la
technique ferroviaire au service du tourisme local.
Afin de favoriser ces activités, le Ministère de
l'Équipement, des Transports, du Logement, le Secrétariat
d'État au Tourisme, le Ministère de la Culture et de la
Communication, la Société Nationale des Chemins de Fer
Français (SNCF), Réseau Ferré de France (RFF), la
Fédération des Amis des Chemins de fer Secondaires - Union
Nationale des Exploitants de Chemins de fer TOuristiques (FACS-UNECTO)
s'engagent à conduire les actions ci-dessous en faveur du tourisme
ferroviaire.
Engagements du Ministère de l'Équipement,
des Transports, du Logement
Le ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement
arrêtera, sur proposition de RFF et de la SNCF, et après
consultation de la FACS-UNECTO, un « référentiel » de
sécurité pour l'exploitation des chemins de fer touristiques dans
le cadre de sections de lignes du réseau ferré national mises
à disposition, référentiel portant sur les
infrastructures, le matériel roulant et les conditions de circulation
ainsi que les modalités de certification du respect de ce
référentiel par les exploitants.
Par ailleurs, un arrêté, actuellement en cours de
rédaction, devra prendre en compte la sécurité des chemins
de fer touristiques et historiques circulant hors du réseau ferré
national.
Engagements communs du Ministère de
l'Équipement, du Transport et du Logement, et du ministère de la
Culture et de la Communication
Afin de maintenir les métiers spécialisés
nécessaires à la connaissance, la conservation, la restauration,
la maintenance, l'exploitation des installations et matériels
historiques, une mission exploratoire proposera les mesures à prendre
pour assurer la pérennité des chemins de fer touristiques ainsi
que du patrimoine technique et culturel qu'ils constituent. Cette mission
évaluera les besoins d'emplois et de formation spécifiques et
elle définira les actions à entreprendre. Outre les signataires
de la présente Charte, elle pourra associer d'autres
1 59
partenaires institutionnels, tels que les Régions, et
associatifs (l'Association pour l'Histoire des Chemins de fer en France, le
Musée français du chemin de fer (Mulhouse).
Engagements du secrétariat d'État au
Tourisme
Afin d'améliorer l'information des touristes, les chemins
de fer touristiques feront l'objet d'une description des parcours touristiques
tenant compte de l'attractivité des réseaux, qu'ils soient
culturels, patrimoniaux, historiques, ludiques ou paysagers.
Une brochure d'information sur les chemins de fer touristiques
sera conçue avec le concours des services et les organismes du
secrétariat d'État au Tourisme. Elle sera mise à
disposition à l'étranger par l'intermédiaire de Maison de
la France.
Les services du Secrétariat d'État au Tourisme,
notamment les délégations régionales au tourisme, en
liaison avec l'Agence Française de l'Ingénierie Touristique
(AFIT) apportent leur appui au montage des projets ou à
l'amélioration des exploitations existantes. Ils proposent les
formations spécialisées nécessaires, notamment en
matière d'accueil et de service.
Engagements de la FACS-UNECTO
La FACS-UNECTO s'emploie auprès de ses adhérents
à renforcer la qualité et le professionnalisme des exploitants.
Elle apporte aide et conseils aux candidats nouveaux qui s'adressent à
elle pour l'exploitation de chemins de fer touristiques ou l'organisation de
circulations occasionnelles sur le réseau ferré national.
Les exploitants s'engagent à accroître leur
professionnalisme technique et commercial. Ils s'engagent notamment à ce
que la nature et la qualité des prestations soient conformes aux
prestations annoncées.
Engagements de la SNCF et de RFF
La SNCF et RFF s'engagent à renforcer leur contribution au
développement du tourisme en France, au plan national comme au plan
local. Ils sont à ce titre favorables au développement des
chemins de fer touristiques en particulier sur les lignes actuellement
inutilisées du réseau ferré national. Ils peuvent apporter
conseils et appui aux associations et aux collectivités, dans le cadre
d'un dialogue permanent.
Ils soulignent que la préservation d'installations ou de
matériels anciens, dans une démarche de mise en valeur du
patrimoine industriel, la circulation de trains à vocation historique,
culturelle ou touristique, ne vont pas à l'encontre du
développement de la grande vitesse ferroviaire et des modes
d'exploitation les plus modernes. Les chemins de fer touristiques et
historiques font au contraire ressortir les progrès accomplis, en
même temps qu'ils contribuent au développement économique
local.
Dans l'attente d'une harmonisation progressive des tarifs de mise
à disposition de sections de ligne du réseau ferré
national en vue d'une exploitation touristique, les demandes
présentées par des collectivités et associations, dans un
but non lucratif, feront l'objet d'un examen bienveillant, avec notamment une
progressivité des tarifs ou des conditions de paiement pour tenir compte
des investissements indispensables en phase de démarrage.
Pour les circulations occasionnelles à caractère
touristique, culturel ou historique sur les lignes du réseau
ferré national actuellement ouvertes au trafic régulier, un
barème spécial est mis au point. Il est réservé aux
circulations organisées, dans un but non lucratif, par des associations
spécialisées (sous réserve que soit bien attesté le
caractère touristique culturel ou historique du voyage), en dehors des
jours et heures de pointes de trafic sur le réseau ferré et des
sections de ligne les plus chargées. Un forfait est proposé aux
associations qui inclut les redevances d'utilisation perçues par RFF et
qui seront limitées, dans ce cas, au seul droit de circulation. Une
facturation détaillée sera fournie aux associations pour les
prestations exceptionnelles. Les autorisations de circulation seront
accordées dès lors que la réglementation de
sécurité sera respectée et que l'exploitation des services
réguliers ne sera pas perturbée. Les refus seront
motivés.
L'information sur le chemin de fer et le tourisme sera
renforcée. La SNCF accentuera ses efforts, notamment durant la saison
touristique, en partenariat avec les collectivités
intéressées, pour informer les touristes sur la desserte des
principaux sites touristiques et culturels.
L'information et la signalétique concernant les chemins de
fer touristiques seront renforcées, notamment dans les gares.
Un guide présentant les démarches à
accomplir et le dossier à constituer pour la création d'un chemin
de fer touristique, ou la modification d'une exploitation existante va
être mis au point, en liaison avec l'ensemble des partenaires signataires
de la présente charte. Ce guide, à destination des
collectivités et associations, précisera les conditions de mise
à disposition des sections de ligne, les règles de
sécurité à respecter, les modalités d'expertise et
de contrôle, le rôle de chaque intervenant, les
responsabilités de l'exploitant et des collectivités. Il
indiquera également les interlocuteurs nationaux et régionaux
pouvant être contactés. Le guide mentionnera la nature des
conseils et prestations que peuvent éventuellement fournir les
organismes précités.
Les associations et les collectivités peuvent s'adresser
indifféremment à RFF, à la SNCF ou à la FACS-UNECTO
pour leurs démarches, chacun de ces organismes s'engageant à
transmettre la demande aux interlocuteurs qualifiés pour apporter la
réponse.
La SNCF, RFF, la FACS-UNECTO et Maison de la France s'emploieront
à créer des liens entre leurs sites internet respectifs pour
l'information sur les chemins de fer touristiques.
Paris, le 15 février 2001
Le Ministre de l'Equipement, des transports et du Logement:
Jean-Claude GAYSSOT
Le Ministre de la Culture et de la Communication: Catherine
TASCA
Le Secrétaire d'État au Tourisme: Michelle
DEMESSINE
Le Secrétaire d'Etat au Patrimoine et à la
Décentralisation Culturelle: Michel DUFFOUR
Le Président de la SNCF: Louis GALLOIS
Le Président de RFF: Claude MARTINAND
Le Président de la FACS-UNECTO: Claude BOUCHAUD
Annexe 5 - Habilitations délivrées au
sein d'un chemin de fer
touristique (exemple)
De chaque module de formation découle une habilitation,
sauf pour la fonction de chauffeur qui n'assure aucune fonction
d'exploitation.
Les habilitations sont délivrées par la Conseil
d'Administration. Les habilitations d'AMV, SF et CTR peuvent être
délivrées par le Bureau du CA.
Formation Chef de Train :
Agent de manoeuvre (AM V)
Serre-frein (SF)
Chef de train (CTR)
Formation Conducteur Diesel :
Conducteur de manoeuvre (COND MV)
Conducteur de trains de service (COND TS)
Conducteur de trains de voyageurs (COND TV)
Formation Chauffeur :
Chauffeur sur la section 1 (CH 1)
Chauffeur sur la section 2 (CH 2)
Formation Mécanicien Vapeur :
Mécanicien sur la section 1 (MEC TV1)
Mécanicien sur la section 2 (MEC TV2)
Formation Chef d'Exploitation :
Chef de gare (CG)
Chef d'exploitation (CHEX)
Avant toute chose, une formation d'accueil à la
sécurité est dispensée à tout nouvel arrivant. Il y
a une progression dans les formations. Ainsi par exemple, pour suivre la
formation COND MV il faut être habilité AMV ; pour la formation
COND TS il faut posséder l'habilitation SF et pour suivre la formation
COND TV il faut être validé CTR.
Les distinctions établies entre la section 1 et la section
2 s'expliquent par des profils en long différents : la section 1 est en
palier, la section 2 comporte de fortes rampes.
Annexe 6 - Liste des revues ferroviaires
Hormis Voie Etroite et Chemins de fer
régionaux et tramways (voir Sixième partie, Chapitre 3,
§ 1) la plupart des revues citées ne traite des chemins de fer
touristiques qu'à titre accessoire.
Titre
|
Remarques
|
Chemins de fer
|
Trimestriel édité par l'AFAC
(Association Française des Amis des Chemins de Fer)
|
Chemins de fer régionaux et tramways
|
Bimestriel édité par la FACS-UNECTO.
|
Connaissance du Rail
|
Bimestriel édité par les Editions de l'Ormet
|
Correspondances ferroviaires
|
Bimestriel édité par LR Presse. S'intéresse
à l'histoire ferroviaire.
|
Escarbille (L')
|
Trimestriel édité par la Confrérie des
Amateurs de Vapeur Vive
|
Ferrovia Midi
|
Bimestriel édité par l'Association Bordelaise des
Amis des Chemins de fer (ABAC).
|
Ferrovissimo
|
Bimestriel publié par LR Presse
|
Loco Revue
|
Mensuel publié par LR Presse. Premier magazine
français de modélisme ferroviaire (1 er numéro
en 1937).
|
Objectif Rail
|
Bimestriel. Généraliste.
|
Rail (Le)
|
Mensuel. Consacré à l'actualité ferroviaire
internationale. Destiné aux professionnels.
|
Rail et Industrie
|
Trimestriel dédié aux réseaux industriels
|
Rail Miniature Flash
|
Mensuel. Spécialisé dans le modélisme
ferroviaire.
|
Rail Passion
|
Mensuel des Editions La Vie du Rail
|
Revue d'Histoire des Chemins de Fer
|
Revue semestrielle éditée par l'Association pour
l'Histoire des Chemins de Fer en France (AHICF)
|
Train (Le)
|
Mensuel. Généraliste.
|
Vie du Rail et des Transports (La)
|
Hebdomadaire. La référence du magazine cheminot
SNCF.
|
Voie Etroite
|
Bimestriel édité par l'APPEVA.
|
Voies Ferrées
|
Bimestriel édite par Presse & Editions Ferroviaires.
Généraliste.
|
Voie Libre
|
Bimestriel publié par LR Presse. Consacré aux
secondaires à voie métrique ou étroite.
|
Annexe 7 - Sélection de sites internet
Cette sélection de sites internet, loin d'être
exhaustive, vise à donner une idée aussi large que possible du
monde des chemins de fer touristiques. Le contenu des sites peut être,
selon les cas, riche ou réduit au minimum. Enfin, nous ne
maîtrisons naturellement pas les changements d'adresse éventuels
qui pourraient intervenir.
Portails ferroviaires
http://www.rail-france.org/ Portail ferroviaire
français.
http://www.railfaneurope.net/ Portail ferroviaire
européen.
http://users.sKynet.be/sKy34004/repfer.html
Répertoire ferroviaire constitué par un
bénévole passionné. Très complet.
Fédérations, associations
http://www.trains.asso.fr/ Site de la FACS-UNECTO
http://www.lafrancevuedurail.fr/
Site dédié au tourisme ferroviaire. Création
de l'UNECTO
http://www.fedecrail.org/
Site de FEDECRAIL, Fédération Européenne des
Chemins de Fer Touristiques et Historiques
http://www.afac.asso.fr/
Site de l'Association Française des Amis des Chemins de
Fer (AFAC)
Chemins de fer touristiques (France)
http://www.compagniedumontblanc.com/
La Compagnie du Mont-Blanc, filiale de la Compagnie des Alpes,
numéro 1 des chemins de fer touristiques en France.
http://www.trainstouristiques.veolia-transport.com/
Veolia Transports - Trains Touristiques, du Groupe Veolia
Environnement, numéro 2 des chemins de fer touristiques en France.
http://www.altiservice.com/
Altiservice exploite le Petit Train d'Artouste.
http://www.trainavapeur.com/
Le Train à vapeur des Cévennes exploité par
la CITEV. Une référence dans le monde des chemins de fer
touristiques.
http://www.ardeche-train.com/fr/index.php
Chemin de Fer du Vivarais. Exploite la section Tournon - Lamastre
de feu le réseau du Vivarais.
http://www.asso-vfv.net/index.htm
Voies Ferrées du Velay. Exploite une autre section de ce
même réseau.
http://traincezallier.free.fr/
L'Association des Chemins de Fer de Haute Auvergne et son «
Gentiane Express ».
http://perso.orange.fr/..agrivap/
AGRIVAP, train touristique du Parc Naturel Régional
Livradois Forez.
http://traintouristiquedubasberry.com/
Le Train Touristique du Bas-Berry circule sur une ancienne
section abandonnée du réseau du Blanc-Argent.
http://appeva.club.fr/index.htm
Le P'tit Train de la Haute-Somme, « musée vivant
» du chemin de fer, création de l'APPEVA.
http://www.amitram.asso.fr/
Le seul tramway urbain touristique de France. Associé
à un musée des transports métropolitains.
http://cftanse.free.fr/
Chemin de Fer d'Anse en voie de 0,381 m. Aux frontières du
modélisme.
http://www.tourisme.fr/train-touristique/
A cette page, quelques infos sur le TTVL (Train Touristique de la
Vallée du Loir).
http://www.trainvapeur-toulouse.com/
Train à vapeur de Toulouse. Circulations avec la
locomotive à vapeur 141-R-1126.
http://trainstouristiques-ter.com/ Circulations
touristiques: l'offre de la SNCF
Chemins de fer touristiques (Europe hors France)
Allemagne
http://www.hsb-wr.de/
Chemins de fer à voie métrique du Harz
http://www.molli-bahn.de/Startseite.3.0.html
Le « Molli-Bahn », sur la côte balte
http://www.parKeisenbahn-chemnitz.de/
Le chemin de fer du jardin public de Chemnitz, exploité
par des enfants. Il existe d'autres réseaux de ce type dans les pays de
l'ancien bloc de l'Est.
http://www.vdmt.de/
L'équivalent allemand de l'UNECTO
Espagne
http://www.armf.net/index.htm
Site de l'ARMF (Association pour la Reconstruction de
Matériel Ferroviaire), qui fait circuler la seule locomotive à
vapeur Garratt d'Europe continentale.
Italie
http://www.ferrovieturistiche.it/
Portail de plusieurs chemins de fer touristiques italiens.
http://www.italvapore.it/
Association toscane des trains historiques.
Royaume-Uni
http://www.talyllyn.co.uK/
Talillyn Railway (Pays de Galles). Le premier chemin de fer
préservé.
http://www.festrail.co.uK/
Ffestiniog & Welsh Highland Railways (Pays de Galles).
Mondialement connu.
http://www.isle-of-man.com/heritage/transport/index.shtml
L'île de Man, l'autre paradis des chemins de fer touristiques.
http://www.westcoastrailway.co.uK/
Jacobite Steam Train (Ecosse). Le train à vapeur de Harry
Potter.
Matériel ferroviaire France
http://www.cfg-giragr.com/
Négociant de matériel ferroviaire. Offre
ciblée sur les chemins de fer industriels et touristiques.
Allemagne
http://www.dampfloKwerK.de/
Atelier ferroviaire. Appartient à la DB (Deutsche Bahn :
la SNCF allemande).
http://www.interloK.info/
Négociant de matériel ferroviaire. Possède
une filiale, atelier ferroviaire, en Pologne (InterloK Pila).
http://malowa.interloK.info/
Atelier ferroviaire. Lié au Groupe InterloK.
Royaume-Uni
http://www.alanKeef.co.uK/
http://www.severn-lambuK.com/
http://www.hunsletengine.com/
Trois constructeurs dont une part de la production s'adresse aux
exploitants de chemins de fer touristiques
Suisse
http://www.dlm-ag.ch/
Bureau d'études pour des locomotives à vapeur de
nouvelle génération.
Revues, édition
http://www.ahicf.com/accueil.htm
L'Association pour l'Histoire des Chemins de Fer (AHICF) publie
la Revue d'Histoire des Chemins de Fer.
http://www.connaissance-du-rail.com/
Connaissance du Rail, publication des Editions de
l'Ormet.
http://www.lrpresse.com/
LR-Presse, éditeur de plusieurs magazines ferroviaires,
dont Loco Revue.
http://www.laviedurail.com/ Site de La Vie du
Rail.
http://www.voieetroite.com/
Voie Etroite, la référence des chemins de
fer touristiques.
Organismes
http://www.strmtg.equipement.gouv.fr/
Service Technique des Remontées Mécaniques et des
Transports guidés
Sources
Bibliographie
A.B.A.C (Association Bordelaise des Amis des Chemins de fer),
Le chemin de fer touristique des Landes de Gascogne (Sabres - Marquèze -
Labouheyre), plaquette de présentation, 1977.
A.H.I.C.F (Association pour l'Histoire des Chemins de Fer en
France), « Le chemin de fer à la conquête des campagnes,
l'aménagement du territoire par les réseaux dits 'secondaires' en
France, histoire et patrimoine 1865-2001 », Revue d'Histoire des
Chemins de Fer, n°24-25, 2001.
Amis du Vieil Allanche et de son canton (Les), Voyage autour
d'un volcan - A la conquête du Cantal en train, sans éd.,
s.l. , 1982.
Aubert B., « Tourisme et industrie sur les rails en Blaise
et Der », Espaces, n°131 (janvier février 1995), p
38-42.
Auphan E., « Le patrimoine ferroviaire, ressource de
l'économie touristique et du développement local »,
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1999), p 255-268.
BanaudoJ., Gibert A., Trains oubliés, Volume 1 :
l'Alsace-Lorraine, L'Est, Les Editions du Cabri, Menton, 1981.
BanaudoJ., Trains oubliés, Volume 2 : le P.L.M,
Les Editions du Cabri, Menton, 1981. BanaudoJ., Trains oubliés,
Volume 3 : le P.0, le Midi, Les Editions du Cabri, Menton, 1982.
BanaudoJ., Trains oubliés, Volume 4 : l'Etat, le Nord,
les Ceintures, Les Editions du Cabri, Menton, 1982.
Bazin J. avec la participation de Bazin P., 50 ans de voyages
en France, Les Editions du Cabri, Breil-sur-Roya, 1997.
Belot V. R., Guide des petits trains touristiques en France,
Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse, Pierre Horay Editeur, Paris,
1986.
Bouchaud C., Cheveau F., « La contribution des chemins de
fer touristiques à la préservation et à la mise en valeur
du patrimoine historique et culturel des chemins de fer », Revue
d'Histoire des Chemins de Fer, n°20-21 (printemps-automne 1999), p
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Bouneau C., Lung Y. dir. , Les territoires de l'innovation,
espaces de conflits, Maison des Sciences de l'Homme de l'Aquitaine,
Pessac, 2006.
Bouneau C., « Réseaux ferroviaires et
réseaux électriques en France durant l'entre-deux- guerres : des
logiques spatiales de l'innovation en conflit », Les territoires de
l'innovation, espaces de conflits, 2006, pp 51 -75.
Boutet S., Drouilhet A., Martin F., Vers un tourisme durable
- Marquèze 2000 - L'écomusée de la Grande Lande.
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Institut d'Aménagement, de Tourisme et d'Urbanisme (Université
Michel de Montaigne Bordeaux III), 2000.
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Braun M., Guide de l'amateur : chemins de fer touristiques et
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Camand J., Petits trains de France, Sélection du
Reader's Digest, Paris, 2002.
Camand J., Guide du tourisme ferroviaire (trains, gares,
ponts et viaducs, musées du rail), Sélection du Reader's
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Caralp-Landon R., Les chemins de fer dans le Massif Central :
étude des voies ferrées régionales, Armand Colin,
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Bundesbahn), Kilometer-Bilanz, PersonenverKehr, Informationen über die
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Interviews
Les principes qui ont guidé le choix des interviews
réalisées sont les suivants :
-nous avons voulu contacter un chemin de fer touristique
appartenant à chacune des trois catégories « modernes »
(hors systèmes d'accès aux grands sites) pour disposer d'une vue
aussi représentative que possible de la diversité des «
petits trains »: un chemin de fer touristique à caractère
ludique (Tramway du Cap-Ferret), un chemin de fer touristique
« musée vivant » (P'tit Train de la
Haute-Somme), un chemin de fer touristique d'animation locale (Association des
Chemins de Fer de Haute-Auvergne)
-nous avons rencontré des représentants
d'associations jouant ou ayantjoué un rôle notable dans l'essor
des chemins de fer touristiques : la FACS-UNECTO et l'ABAC -nous avons
également eu des contacts suivis avec Jean-Michel GASC
ABAC (Association Bordelaise des Amis des Chemins de Fer), M. le
Docteur Jean Brenot : 23 mars 2007, Bordeaux (Gironde).
Association des Chemins de Fer de Haute-Auvergne (ACFHA), M.
Jean-Michel Piernetz : 9 avril 2007, Riom-ès-Montagnes (Cantal).
CFA-GiraGr, M. Yves Ocquident: 2 mai 2007, Saint-Girons
d'Aiguevives (Gironde). Interview réalisée par
téléphone.
FACS-UNECTO, MM. Jacques Vierne et Claude Bouchaud: 1
er février 2007, Paris. GascJean-Michel : le 23
février 2007, Toulouse (Haute-Garonne).
P'tit Train de la Haute-Somme, M. David Blondin : 5
février 2007, Froissy-Dompierre (Somme).
Tramway du Cap-Ferret, M. Jean-Louis Vanaud : 15 janvier 2007,
Lège-Cap-Ferret (Gironde).
Réunions diverses
APCR 141 R 1126, visite à l'équipe technique : 14
avril 2007, Toulouse (Haute-Garonne).
Communauté de Pays du Confolentais, présentation
parJ-M. Gasc du projet portant création d'un chemin de fer touristique:
26 mars 2007, Confolens (Charente).
1 74
Tableaux, graphiques et cartes
Tableaux
Tableau 1 : longueur (en Km) des réseaux
d'intérêt local selon l'écartement p 27
Tableau 2 : consommations des locomotives à
vapeur à voie normale p 40
Tableau 3 : nombre de réseaux adhérents
à l'UNECTO p 72
Tableau 4 : utilisation de la traction à vapeur
et de la traction électrique p 81
Tableau 5: répartition en Km de voies - selon
l'écartement p 82
Tableau 6 : répartition en nombre de visiteurs
- selon l'écartement p 83
Tableau 7 : la part des « associatifs » p
84
Tableau 8 : répartition en Km de voies - selon
le cadre géographique p 85
Tableau 9 : répartition en nombre de visiteurs
- selon le cadre géographique p 85
Tableau 10 : répartition en Km de voies - par
catégorie p 87
Tableau 11 : répartition en nombre de visiteurs
- par catégorie p 87
Tableau 12 : nombre d'ouvrages ferroviaires relatifs
aux chemins de fer touristiques et à
l'histoire des « petits trains » en fonction de
leur date de parution p 107
Tableau 13 : chemins de fer touristiques et tournages
p 109
Tableau 14 : fréquentation et type
d'exploitation p 125
Graphiques
Graphique 1 : nombre de chemins de fer touristiques -
par catégorie p 88
Graphique 2 : longueur des chemins de fer touristiques
- par catégorie p 89
Graphique 3 : fréquentation des chemins de fer
touristiques - par catégorie p 89
Cartes
Carte 1 : les chemins de fer touristiques en 1957 p
60
Carte 2 : les chemins de fer touristiques en 2006 p
61
176
Table des matières
Remerciements........................................................................................................
3
Sommaire................................................................................................................
4 Introduction générale - Les chemins de fer touristiques, une
énigme ? .................... 6 Première partie - Sur la
voie d'une
définition.........................................................
10
Introduction - L'enjeu d'une définition
............................................................... 10 Chapitre 1 -
Deux définitions parmi
d'autres...................................................... 11
Chapitre 2 - Une proposition de définition
......................................................... 12 Conclusion - Une
définition qui est aussi un fil conducteur
................................ 14
Deuxième partie - Des histoires de
trains..............................................................
16
Introduction - Le poids de l'histoire
...................................................................
16 Chapitre 1- Au commencement, la rencontre du rail et de la
vapeur................... 16
1- Le
rail.........................................................................................................
16
2- Cheval, ou cheval-vapeur
?.........................................................................
17
A- La plus belle conquête de l'homme fait de la
résistance ....................... 17
B- La vapeur, une histoire déjà
ancienne................................................... 18
C- La locomotive à vapeur : une naissance
laborieuse............................... 18
D- La chaudière tubulaire: une invention capitale
..................................... 19
3- Du premier chemin de fer au premier transfert de technologies
................. 20
4- Plus vite, plus fort, plus
complexe..............................................................
21
Chapitre 2- Petite histoire des « petits trains »
...................... 23
1- Genèse et développement des chemins de fer
d'intérêt local 24
A- Un moyen de mise en valeur des moindres ressources 24
B- Pourquoi des chemins de fer d'intérêt local ?
25
C- La mise en oeuvre 25
2- Déclin des chemins de fer d'intérêt local
....................... 27
3- Les chemins de fer d'intérêt local, quel
intérêt? 28
A- Une opération d'aménagement du territoire de
grande envergure 28
B- Un laboratoire d'essais 29
C- Un débat qui n'est pas clos 30
Chapitre 3- Chemins de fer et tourisme 30
Chapitre 4- Chemins de fer et espace 32
Conclusion - Une innovation qui fait son chemin ...de fer 34
Troisième partie - Le cadre de l'activité
ferroviaire ................................................ 36
Introduction - Un cadre pour un
tableau............................................................. 36
Chapitre 1- L'écartement des voies, des
différences...de taille ........................... 36
Chapitre 2 - Le matériel roulant
.........................................................................
37
1- Les locomotives à vapeur
...........................................................................
38
A- Une forte
symbolique...........................................................................
38
B- La numérotation : des chiffres et des
lettres......................................... 38
C- Une mise en service longue et
coûteuse............................................... 39
D- Les exigences de
l'exploitation............................................................
39
E- Une grande variété de modèles
............................... 41
2- Les motrices électriques 41
3- Les autorails 42
A- Des liens évidents avec le secteur automobile 42
B- Un vecteur de modernité 42
C- Une bouffée d'oxygène pour les petits
réseaux 43
D- Des matériels prisés par les chemins de fer
touristiques 44
4- Les locomotives et locotracteurs diesel 45
5- Les draisines 46
6- Les vélorails 47
7- Les voitures et les wagons 47
Chapitre 3- L'enjeu de la sécurité 48
1- Un enjeu fort pour un moyen de transport sûr 48
2- Le freinage et la gestion du trafic 49
3- Les chemins de fer touristiques, à la fois mieux et
moins bien placés 49
Chapitre 4 - Délégation de service public et
régie 50
Chapitre 5 - Conditions d'utilisation des voies ferrées
52
1- Les emprises ferroviaires 52
2- Voies ferrées appartenant au Réseau Ferré
National 52
A- Voies ferrées avec trafic voyageurs et marchandises
52
B- Voies ferrées sans aucun trafic ou avec seulement un
trafic marchandises 53
3- Voies ferrées n'appartenant pas au Réseau
Ferré National 55
Chapitre 6 - Services ferroviaires et services touristiques : la
nébuleuse 56
1- Transport de voyageurs et service touristique 56
2- Fret : mais où sont donc les PME ferroviaires 7 57
Conclusion - Les spécificités du domaine
ferroviaire 58
Quatrième partie - Un tableau en
dynamique......................................................... 60
Chapitre 2 - Le « milieu » des
passionnés...........................................................
62
1- «Jouer au train »
7......................................................................................
63
2- Un « milieu » ouvert 7
.................................................................................
63 Chapitre 3- Deux vagues de
pionniers................................................................
65
1- Les oeuvres d'hommes (un peu) excentriques
............................................. 65
2- Des Lyonnais entreprenants
.......................................................................
66
3- La « première vague »
déferle.....................................................................
67
4- ...suivie de la « seconde vague
»................................................................. 69
Chapitre 4 - La FACS-UNECTO
...........................................................................
70
1- La FACS-UNECTO en quatre dates
.............................................................. 70
A- 1957: la fondation
..............................................................................
70
B- 1971 : l'UNECTO
..................................................................................
70
C- 2001 : la « Charte nationale pour le
développement des chemins de fer
touristiques»............................................................................................
71
D- 2007 : FACS et UNECTO, désormais deux entités
différentes. .............. 71
2- L'UNECTO, un syndicat professionnel
......................................................... 72
3- La FACS-UNECTO, acteur majeur de la préservation du
patrimoine ferroviaire
.......................................................................................................................73
Chapitre 5- Le ménage à trois : SNCF, cheminots, « petits
trains » ..................... 74
1- « La SNCF : partie prenante... malgré elle
»................................................. 74
2- Les cheminots : une arrivée en force
tardive............................................... 75 Chapitre 6 - Des
relations compliquées avec les
élus.......................................... 76 Conclusion - Un
tableau dynamique mais
tourmenté.......................................... 77
Cinquième partie - Typologie des chemins de fer
touristiques............................... 79
Introduction - Le « phénomène »
chemins de fer touristiques............................. 79 Chapitre 1 - Nos
« petits trains » ont-ils de bonnes fréquentations
7.................. 80 Chapitre 2 - Typologie selon les
matériels.......................................................... 81
Chapitre 3 - Typologie selon l'écartement des
voies........................................... 81 Chapitre 4 -
Typologie selon la nature associative (ou non) des exploitants ....... 84
Chapitre 5 - Typologie selon le cadre
géographique........................................... 85
Chapitre 6 - Notre proposition de typologie
....................................................... 86 Chapitre 7 -
Gros plan sur les différentes catégories
.......................................... 90
1- Les chemins de fer touristiques d'accès aux grands
sites ........................... 90
2- Les chemins de fer touristiques
ludiques.................................................... 92
3- Les chemins de fer touristiques « musées vivants
» du chemin de fer ......... 93
4- Les chemins de fer touristiques d'animation
locale..................................... 94 Conclusion - Diversité et
contrastes
...................................................................
97
Sixième partie - Au-delà des différences
99
Introduction - De l'utilité de quelques zooms 99
Chapitre 1 - La « chasse » aux matériels
ferroviaires anciens 99
Chapitre 2 - La problématique de l'entretien des
matériels ferroviaires 100
1- Une problématique à l'intensité
croissante 100
2- Les limites du « Do-it-Yourself » 101
3- Des intervenants diffus 102
A- Des intervenants locaux 102
B- Des intervenants spécialisés 103
C- Une locomotive à vapeur « flambant » neuve
pourquoi pas 7 104
Chapitre 3 - Edition et médias 105
1- Les revues ferroviaires 105
A- Voie Etroite 106
B- Chemins de fer régionaux et tramways 106
2- L'édition ferroviaire 107
Chapitre 4 - Chemins de fer touristiques et cinéma 108
Conclusion - Ce qui les rassemble 110
Septième partie - Touristiques, nos chemins de fer ?
112
Introduction - Le transport est mort, vive le tourisme I 112
Chapitre 1 - Une prise de conscience qui tarde à venir
112
Chapitre 2 - Caractéristiques du « produit »
chemin de fer touristique 113
1- Une forte saisonnalité 113
2- Un produit qui attire un large public 113
3- Un touriste captif et « animé » 114
Chapitre 3 - Un effet structurant sur l'espace touristique
116
Conclusion - De la nécessité d'un professionnalisme
minimal 117
Huitième partie - Ce que nos « petits trains »
véhiculent 119
Introduction - Des « petits trains », véhicules
culturels 7 119
Chapitre 1 - « Petits trains » et environnement 119
1- Les incomparables atouts du transport ferroviaire 119
2- Le cas des chemins de fer touristiques 120
Chapitre 2 - « Petits trains » et patrimoine industriel
120
Chapitre 3 - « Petits trains » et grandes peurs 122
Conclusion - Des « petits trains » plus grands qu'il
n'y paraît 123
Neuvième partie - Professionnels, ou
professionnalisation 7 ................................
125
Introduction - Associatifs contre « professionnels »,
un faux débat. ................. 125 Chapitre 1 - Les « grands
» des « petits trains »
............................................... 127 Chapitre 2 -
Ailleurs, les chemins de fer touristiques.
...................................... 128 1 - Une question
d'intérêt 7
..........................................................................
128 2- Un paradis aux accents « british »
............................................................
129 Chapitre 3 - La gestion du personnel
............................................................... 130
1- Entre bénévolat et salariat
........................................................................
130
2- L'importance des moyens temporaires
..................................................... 131
3- Formation et parcours professionnel
........................................................ 131 Chapitre 4
- Facteurs clés de succès, natalité et mortalité
................................ 132
1- Des naissances dans la
douleur................................................................ 132
2- Précaires ? Oui, mais pas trop
I................................................................. 133
3- Des exploitants parfois
éconduits.............................................................
135
4- Quel avenir pour les chemins de fer touristiques
7.................................... 136 Conclusion - Les meilleures
pratiques pour amorcer le « cercle vertueux »....... 138
Dixième partie - Poids et emplois du secteur
...................................................... 140
Introduction - Un atout précieux
......................................................................
140 Chapitre 1- Emplois
directs..............................................................................
140 Chapitre 2- Emplois
indirects...........................................................................
141
1- Emplois créés dans le tourisme
................................................................ 141
2- Emplois créés dans l'industrie
.................................................................. 142
Conclusion - Un potentiel inexploité d'emplois
7.............................................. 142
Conclusion générale - Nostalgie et innovation en
synergie ..................................
145 Annexes..............................................................................................................
150
Annexe 1- Données sur les chemins de fer touristiques
................................... 150 Les chemins de fer
touristiques les plus fréquentés (au moins 30.000 visiteurs
en2006)
.......................................................................................................
151 Les 5 chemins de fer touristiques d'accès aux grands sites
........................... 152 Les 12 chemins de fer touristiques à
caractère ludique ................................. 152 Les 18
chemins de fer touristiques « Musées vivants »
.................................. 153 Les 46 chemins de fer touristiques
d'animation locale................................... 154
Annexe 2 - Exemple de budget
associatif.........................................................
156
Annexe 3 - Exemple de profil en long (ligne Labouheyre - Sabres)
................... 157
Annexe 4 - La « Charte nationale pour le
développement des chemins de fer
touristiques et historiques » (texte intégral)
..................................................... 158
Annexe 5 - Habilitations délivrées au sein d'un
chemin de fer touristique
(exemple) 161
Annexe 6 - Liste des revues ferroviaires 162
Annexe 7 - Sélection de sites internet 163
Portails ferroviaires 163
Fédérations, associations 163
Chemins de fer touristiques (France) 163
Chemins de fer touristiques (Europe hors France) 165
Matériel ferroviaire 166
Revues, édition 166
Organismes 167
Sources 168
Bibliographie 168
Interviews 173
Réunions diverses 173
Tableaux, graphiques et cartes 174
Tableaux 174
Graphiques 175
Cartes 175
Table des matières 176
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