La responsabilité de l'obéissant
à un ordre militaire
Et la faculté du droit pénal
international à y répondre
Sabir M. KADEL
(Master 1, Droit com
(Master 1, Droit comparé appliqué et
théorie du droit) par)
INTRODUCTION
"The deeds were monstrous, but the doer was quite ordinary,
commonplace, and neither demonic or monstrous."1(*)
Un an avant l'accession au pouvoir de Hitlerd'Hitler, Ernst
Jünger publiait Der Arbeiter, Herrschaft und Gestalt. Chez
l'écrivain allemand, cet arbeiter est une personne
« projetée »2(*), au sens heideggérien, dans un monde
« technique » et nihiliste. Le mot
« arbeiter » peut être traduit à la
fois par « laboureur » et
« travailleur », mais pour la pertinence de ce travail,
c'est la deuxième traduction qui sera préférée, vu
que le grundmotiv de ce rapport sera justement que l'obéissance
aveugle à un ordre est le fait que l'obéissant se
considère d'abord comme un travailleur, et si on prend la
définition qu'en donne le droit français, un travail est
marqué par le lien de subordination3(*), car n'oublions pas le titre complet du livre puisque
Jünger ajoute Herrschaft, ce qui peut être traduit par
domination.
Jünger ouvre cette introduction puisqu'il publie son
livre en 1932 et une année plus tard Hitler sera élu chancelier
au Reichstag, et ce sera justement le régime nazi qui fournira le
premier exemple et la première problématique, et peut-être
celle la plus congruente, de savoir si tous les ordres indépendamment de
leur portée morale ou légale (mais ce point connaîtra un
développement approfondi plus tard) doivent être suivis.
Avant d'approfondir le sujet, faisons d'abord ressortir sa
pertinence. Les gouvernants ou les chefs militaires ne sont pas des
entités aux pouvoirs surnaturels qui peuvent actionner par la seule
force de leur pensée des milliers de fusils d'assaut, ou de faire
décoller grâce à leur seule volonté des bombardiers.
Pour que leurs plans se concrétisent et que leur volonté se
réalise, il leur faut l'aide des « autres », des gens qui
leurs obéissent, des subordonnés qui exécutent leurs
ordres.
Nous avons parlé plus haut des
« autres ». Cette conceptualisation équivaut
à une infériorisation, non seulement hiérarchique, mais
aussi au niveau de la responsabilité. Il y d'un coté celui qui
commande, et de l'autre, les « autres » qui
obéissent ; qui « ne font
qu'obéir ». Mais une telle conception
holistique et disculpante est-elle appropriée ? Dire les
« autres », considérer des milliers d'individus
comme un tout, c'est accepter a priori (au sens kantien) une vision
binaire. C'est oblitérer le fait que mille hommes, c'est l'addition d'un
millier d'hommes, chacun avec une conscience et un pouvoir de décision
propre, et la capacité de distinguer le bien du mal.
Heidegger, dans Etre et Temps dénonçait
déjà la dictature du « ON »4(*) ; le recteur de
Fribourg explique : « Ce n'est pas lui-même qui est, les
autres lui ont ôté l'être »5(*). Le ON comme LES AUTRES n'est
plus une entité individualisée mais est
dépossédé de lui-même dans
l'être-l'un-avec-l'autre (das Miteinandersein) pour
générer le On-Même (das Man-selbst). Car
comme Gustave le Bon l'a si bien dit dans sa préface de la
psychologie des foules : « L'action inconsciente des foules
se substitue à l'activité consciente des
individus »6(*),
ce qui entraîne un déplacement de la conscience de l'individu vers
la foule, mais cela n'enlève en rien la responsabilité de
l'individu, même si elle l'explique. Mais expliquer n'est pas excuser.
Le Général Bentégeat, chef d'état
major des armées, disait que « généralement
c'est l'obéissance qui l'emporte, mais avant les doutes ont
été exprimés »7(*). En dépit du fait qu'il répète
souvent les termes « esprit de décision » et
« esprit d'initiative », le ton, et les pauses dans les
propos du général dénotent quand même combien un
chef militaire est réticent à admettre qu'un ordre puisse
être remis en question. L'article 397 du Code de Justice Militaire punit
d'ailleurs l'insoumission. Où donc s'arrête l'obéissance et
où commence la liberté décisionnelle du militaire ?
Mais comme le rappelle le chef d'Etat major des armées :
« in fine, on reste un homme responsable »8(*). D'ailleurs, il dit à
propos du général Poncet, celui-là même mis en cause
dans l'affaire Firmin Mahé : « peu de
généraux français auraient été capables de
faire ce qu'il a réussi », parlant de l'opération
Licorne9(*).
Mais si le général Bentégeat est
politiquement correct dans son discours, Montgomery10(*) l'était moins, mais
sans doute exprimait-il d'avantage, alors, et peut-être toujours, la
réalité de l'armée, puisqu'il déclare en 1946
à l'armée britannique : « Si l'essence de la
démocratie est la liberté, celle de l'armée est la
discipline. Le soldat n'a rien à dire, quelque intelligent qu'il soit
(...). Il est du devoir du soldat d'obéir, sans poser de questions,
à tous les ordres que lui donne l'armée, c'est-à-dire la
Nation. »
Le présent rapport se déclinera selon le plan
suivant : d'abord dans un grand (I) sera traitée la réponse
juridique apportée à la responsabilité quant à
l'obéissance d'un ordre militaire manifestement illégal ou
immoral. Le grand (A) portera sur les différents tribunaux
internationaux, de Nuremberg au CPI, et le grand (B) sur des cas contemporains
de l'obéissance à un ordre militaire manifestement illégal
mais où la responsabilité des auteurs n'est engagée que
sur le plan national.
Ensuite, le grand (II) portera plus largement sur la
compréhension de l'obéissance à un ordre même quand
celui-ci parait immoral ou illégal. Le grand (A) traitera du cas d'Adolf
Eichmann, et l'analyse qu'en fera Hannah Arendt, et le grand (B) abordera la
question sous un angle d'avantage psychologique, notamment avec l'aide de
Theodor Adorno et sa conception de la « personnalité
autoritaire », mais aussi de Max Weber grâce à son
analyse de la bureaucratie, et enfin à travers l'ouvrage de Gustave le
Bon « la psychologie des foules ».
Enfin, la conclusion, elle, essaiera de synthétiser
l'idéal, d'un coté, de juger tous les hommes
« responsables » et le pragmatisme, d'autre part, de
pouvoir le faire, et prophétisera l'avenir de la Cour Pénale
Internationale.
«Pogue Colonel: Son, all I've ever asked of my marines is
that they obey my orders as they would the word of God.
«Private Joker: Aye-aye, sir.»11(*)
I. RESPONSABLE ET COUPABLE
Ce qui caractérise le soldat, c'est la loyauté.
Mais celle-ci est comme un mille-feuilles, avec des couches inférieures
et des couches supérieures, il y a la loyauté à son
drapeau, celle envers son camarade de combat, celle envers son
supérieur, et celle enfin envers ses propres valeurs ; le fait est
que chez le soldat, contrairement au civil, c'est la loyauté envers son
supérieur qui l'emporte le plus souvent et qui constitue la couche
supérieure.
En dépit du fait que la jurisprudence française
ne disculpe pas ceux qui obéiraient à des supérieurs
hiérarchiques12(*),
l'art. 122-4 du Code Pénal apporte un bémol: « N'est pas
pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou
autorisé par des dispositions législatives ou
réglementaires.»
Nous retrouvons le même paradoxe, voire la même
incohérence en droit international.
A. Les différents tribunaux internationaux, de
Nuremberg au CPI.
Les soldats de la Wehrmacht, des SS, de la
Kriegsmarine, ou de la Luftwaffe ne faisaient qu'obéir
à des ordres, ordres qui étaient légaux. Et lors du
procès de Nuremberg, seuls les principaux chefs du parti furent
incriminés, et les chefs de l'armée
« régulière » tels l'Amiral Donitz, à
qui revenait le Reich selon le testament politique de Hitler, ne furent
condamnés qu'à de légères peines, voire pas du
tout. C'est une idéologie qu'il fallait condamner, et donc, les
idéologues, tels que Himmler, Hess, ou Speer, et non pas les simples
exécutants ; afin sans doute, de ne pas condamner ce faisant tout
un peuple.
Henri Donnedieu de Vabres, qui fut l'un des quatre juges
titulaires lors du procès de Nuremberg, dans le jugement rendu contre
Alfred Jodl explique : « Jodl se défendit sur la base
qu'il était un soldat qui a fait serment d'obéissance, et pas un
politicien ». Plus loin, il continue : « Cependant,
alors qu'il prétend être un soldat qui avait à obéir
à Hitler, il dit qu'il a souvent essayé d'empêcher
certaines mesures en les retardant, et qu'il a occasionnellement
réussit ».
Même si en 1943, l'Assemblée Internationale de
Londres adopte une recommandation comme quoi le simple exécutant doit
aussi répondre de ses crimes, on doit constater que la plupart des
soldats de la Wehrmacht furent épargnés.
Le procès du chef d'Etat major de l'OKW13(*) illustre parfaitement ce que
l'on appellera la Nuremberg Defense, et que l'on connaît en
allemand sous l'expression : befehl ist befehl14(*), et qui prend le
contre-pied de ce que l'on appelle les baïonnettes
intelligentes.
Mais ce moyen de défense sera
écarté15(*)
sous l'art. 816(*) de la
Charte du Tribunal de Nuremberg17(*). Toutefois, comme dit la seconde partie de l'article
mentionné, des causes d'exonérations sont possibles, ce qui
définira soit une responsabilité absolue ou alors relative
(à condition toutefois que l'ordre exécuté soit
illégal), et qui pourra conduire à la diminution du quantum de la
peine, exonérations qui seront reprises sous l'art. 7 § 4 du statut
du TPIY et sous l'art. 6 § 4 su statut tu TPIR. Mais contrairement
à la charte de Londres qui ne voulait juger que les grands criminels de
guerre18(*), le TPIY et le
TPIR ont une ambition plus large.
Mais si en matière de responsabilité
individuelle de l'exécutant le TPIY compte déjà trois
succès à son actif19(*), le TPIR lui, en est encore à ses
balbutiements, sans doute à cause de la nature et la structure du
génocide commis en Rwanda qui était plus du l'ordre du
pathos20(*) qu'une
stratégie à proprement parlé militaire.
Le TPIY a admis qu'il existait certaines circonstances
atténuantes qui peuvent alléger la peine prononcée, telles
que la contrainte, l'état de nécessité, l'erreur de droit,
ou encore la légitime défense.
Par exemple, dans l'affaire Erdemovic21(*), la peine fut
réduite à 5 années d'emprisonnement, puisque la contrainte
fut retenue et le prévenu ne fut condamné que pour la seule
violation des lois et coutumes de la guerre, comme d'ailleurs le dit l'art. 7
§ 422(*) su statut du
TPIY. En effet, la cour a procédé à une
appréciation in concreto et a déduit qu'un réel
risque de mort planait sur l'accusé au cas où il faillirait
d'obéir aux ordres.
La contrainte peut être aussi assimilée à
l'existence d'une menace, d'un danger immédiat, réel et
inévitable, mais la réponse face à cette menace doit
être disproportionné. La question se pose de savoir si la
perception d'une menace qui se révèle par la suite être
erronée peut être exonératoire ou même constituer une
circonstance atténuante23(*).
L'erreur de droit elle est recevable à condition
qu'elle soit excusable, insurmontable, et raisonnable, mais n'exonérant
toutefois pas l'auteur de sa responsabilité.
La CPI elle aussi accepte certaines circonstances
atténuantes voire exonératoires, telles que la maladie ou la
déficience mentale (ce qui rejoint le droit pénal
national24(*)). Les autres
motifs d'exonération de la responsabilité pénale sont
énoncés sous l'art. 31 du statut de la CPI, mais cette
dernière ne différencie pas l'erreur de fait de l'erreur de
droit.
L'exécutant est censé procéder à
un contrôle de la légalité de l'ordre émis.
Une présomption d'illégalité existe dans
certains cas : quand l'acte commis est contraire aux lois et coutumes de
la guerre et du droit international, et quand il viole manifestement le droit
humanitaire.
Le caractère illégal de l'ordre persiste
même si au moment où l'ordre a été émis,
celui-ci fut légal. Le caractère illégal de l'ordre est
constitué quand sa nature est manifestement illégale ou quand
l'exécutant a connaissance de l'illégalité de
l'ordre ; cette connaissance doit pouvoir être
appréciée par toute personne raisonnable dotée d'une
intelligence normale.
Une fois que le caractère de l'ordre constaté,
un lien de causalité (encore une fois, à l'instar du droit
national) doit être établit entre l'ordre reçu et l'acte
commis. Il reste aussi à déterminer si l'exécutant a agit
conformément aux ordres reçus ou bien s'il les a anticipé
en faisant ce qu'il pensait qu'on attendait de lui25(*), donc, lier le mens
rea au actus reus.
L'évolution de la responsabilité de
l'exécutant depuis le TMI de Nuremberg jusqu'à la CPI, en passant
par les deux tribunaux ad hoc est non seulement lente mais presque
imperceptible. Tous reconnaissent en substance que l'obéissance de
l'exécutant à un ordre ne le soustrait pas de sa
responsabilité (art. 33 CPI, art. 8 TMIN, art. 7 TPIY, art. 6 TPIR) mais
tous aussi reconnaissent que dépendant des circonstances la peine peut
être diminuée, et en ce qui concerne un ordre manifestement
illégal, là, l'accusé est coupable... sauf s'il souffrait
de déficience mentale. Avec l'accumulation des « sauf
si », le soldat qui obéit à un ordre n'a pas encore
trop de souci à se faire. Les tribunaux ont eu beau changer
d'appellation et prendre des titres pompeux, ils ont eu beau changer l'ordre
des articles, ils n'ont pas pour autant changer l'ordre des choses.
Et nous verrons avec les affaires suivantes qu'avant qu'un
accusé passe devant une juridiction internationale, bien du temps encore
passera (surtout en ce qui concerne les Etats-Unis qui ont refusé de
ratifier le Statut de Rome26(*) et la France27(*) en ce qui concerne la CPI), puisque les Etats ne
semblent pas prêts à aliéner leurs droits à juger
leurs ressortissants.
L'impunité du soldat en général, et qui
plus est, celle de l'exécutant en particulier, a encore de beaux jours
devant elle.
B. La torture décomplexée
Après la deuxième guerre mondiale, on aurait pu
croire que la guerre aurait revêtu un visage plus humain, et que les pays
qui ont été sous le joug du régime nazi ne commettraient
pas les mêmes abominations dans leurs colonies. Mais si les guerres
deviennent de plus en plus technologiques, elles ne sont point devenues pour
autant plus humaines. Et si les tribunaux ad hoc et la création
du CPI ont à un moment semblé apporter une réponse
juridique à la responsabilité pénale des auteurs de ces
crimes, dans les faits, ce sont les juridictions nationales qui jugent les
responsables... quand ceux-ci viennent toutefois à être
jugé et ne font pas l'objet d'une amnistie28(*).
Nous traiterons successivement (par l'ordre chronologique des
faits) :
i. Aussaresses ou les confessions d'un tortionnaire
ii. William Caley et le My Lai Massacre
iii. La Prison d'Abu Ghraib
iv. L'adjudant-chef Guy Raugel et le « coupeur de
routes »
i. Aussaresses ou les confessions d'un tortionnaire
Lors du procès de Klaus Barbie en 1987, son
avocat29(*) fait un
parallèle entre la torture que pratiquait la Gestapo et celle de
l'Armée française pendant la guerre d'Algérie. Trente ans
plus tôt eut lieu la bataille d'Alger dans laquelle allait se distinguer
un deuxième borgne célèbre de l'armée30(*) : Paul Aussaresses.
Dans son livre31(*) l'ancien général avoue avoir, sous les
ordres des généraux Bigeard et Massu (et même directement
de Paris), torturé et exécuté des prisonniers du FLN
(Front de libération national) pendant les événements
d'Algérie, entre 1955 et 195732(*).
Aussaresses confesse beaucoup mais ne regrette rien33(*). Selon lui, sa
hiérarchie était au courant de tout ce qui se
déroulait34(*).
Mais on aurait pu s'attendre que nonobstant le fait qu'alors il ne faisait
qu'obéir aux ordres, par la suite, des remords naîtraient en
lui ; mais il n'en fut rien. La sérénité, et presque
la fierté avec laquelle il raconte ses faits de guerre sont
déroutantes35(*).
Mais il n'est pas une exception ; beaucoup (certes pas tous) des
appelés considèrent n'avoir fait que leur devoir ; preuve en
est que ces soldats n'ont pas simplement agit sous la pression de leurs
supérieurs, mais qu'en général, tous partageaient la
même « stratégie de guerre », mais à ce
niveau là, « stratégie » rime souvent avec
« idéologie ».
L'ancien général s'exprime avec plein d'allant
et calme car il sait qu'il ne sera pas inquiété pour ses propos,
et ceci pour deux raisons. D'abord, la loi de 1968 qui reprend les accords
d'Evian de 1962 dit que « sont amnistiées de plein droit toutes
infractions commises en relation avec les événements
d'Algérie. Sont réputées commises en relation avec les
événements d'Algérie toutes infractions commises par des
militaires servant en Algérie. » Ensuite, le crime contre
l'humanité ne s'applique pas en l'espèce si on prend les crimes
commis par l'armée française un à un. Mais surtout, il
semble que la France ne soit pas prête à se confronter à
ses vieux démons. On peut alors se demander si l'Algérie aurait
pu imiter Israël en passant des lois rétroactives afin de
poursuivre ceux ayant sévit sur son territoire36(*).
Dans un entretien au Parisien37(*), le commissaire politique
du Viêt-minh en 1952, Georges Boudarel, dit qu'il « Il ne faut
pas juger Aussaresses. Ce général est personnellement
responsable, c'est vrai, de ses actes. Mais il n'a fait qu'obéir aux
ordres. S'il fallait juger quelqu'un, ce seraient plutôt les dirigeants
politiques de l'époque (...)»
Ceci dit, pourtant, Aussaresses a bien été
jugé... mais par l'opinion publique ; les seules sanctions
auxquelles il a du faire face sont d'avoir perdu son grade et ses honneurs
militaires, et ne plus avoir le droit de porter l'uniforme38(*).
ii. William Caley et le My Lai Massacre
« C'est ce que vous attendiez: Chercher et
détruire... vous l'avez », tels étaient les ordres
émis par les officiers supérieurs américains à la
11ème brigade de la compagnie Charlie du
1er bataillon. Nous sommes le matin du 16 mars 1968, à
l'abord d'un petit village vietnamien My Lai, et l'affaire allait
secouer les Etats Unis.
Un carnage allait suivre : environ 300 morts, des civils
non armés, hommes, femmes, enfants, indistinctement, et au moins un
viol. La compagnie Charlie était sous le commandement du
Lieutenant William Caley.
Un procès de deux mois allait suivre en septembre une
année plus tard.
La défense de Caley, défense récurrente
dans sa situation, était qu'il ne faisait que suivre les ordres
donnés, en l'occurrence par le capitaine Ernest Medina, ordres qui
étaient, comme on aurait dit avant, de passer tout le monde au fil de
l'épée.
Mais vu la chaîne de commandement39(*), il est peu probable qu'un tel
ordre ait été donné à un haut niveau étant
donné que le haut commandement ne pouvait être au courant de la
situation courante. La dilatation de la chaîne de commandement implique
de facto le pouvoir décisionnel de l'exécutant.
Lors de sa déposition40(*) en court martiale Caley exposera que tous les ordres
devaient être obéis. Plus loin dans sa déposition il dira
(avouant ainsi sa culpabilité) que s'il avait des doutes sur l'ordre
émis, il devait tout de même l'exécuter et
ensuite protester41(*).
Le capitaine Medina ne sera pas non plus
épargné ; lors de son procès (accusé du
meurtre de 102 civils vietnamiens), le procureur lui rappellera les devoirs qui
incombent à un commandant42(*).
Les différentes plaisanteries racistes43(*) qui couraient parmi les GIs
sur les vietnamiens dénotent l'état d'esprit dans lesquels
étaient les premiers (il en était de même pendant la guerre
d'Algérie). L'aveu que Caley fit au Jury le 23 février 1971 est
déconcertant ; il dit qu'il ne pensait pas avoir reçu un
seul cours sur les conventions de Genève ni qu'il pensait pouvoir
être poursuivi pour le simple fait d'avoir simplement obéit aux
ordres.
Condamné à perpétuité, il
réussit, après des appels successifs, à se faire
libérer en 1974. Le Capitaine Medina, lui, fut déclaré
innocent. Une autre chaîne de commandement se crée alors :
Medina - Caley - Soldats de la compagnie Charlie. C'est le
chaînon du milieu qui est condamné. A croire que l'on essaie de
trouver un juste milieu.
iii. La Prison d'Abu Ghraib
Quand les images des prisonniers torturés à la
prison d'Abu Grhaib parurent, le monde le reçut comme un choc, d'autant
plus que les américains étaient censés être
allé en Irak au nom des droits de l'homme.
Mais là encore, la défense de ceux mis en
accusation est la même que dans tous les autres cas. « J'avais
reçu des ordres », telle fut la déclaration44(*) de Janis Karpinski, une des
accusés. Toutefois l'enquête menée par l'armée a
(comme à son habitude) conclut qu'aucun ordre en ce sens n'avait
été donné, et que les soldats inculpés avaient agit
de leur propre chef. Cependant, en dépit de cette réfutation, le
secrétaire à la défense avait offert au président
sa démission45(*)
(admettant ainsi sa responsabilité) ; de plus selon les termes
mêmes utilisés par le président américain46(*), les Etats-Unis s'arrogent le
droit de traiter certains prisonniers en dehors de tout cadre légal.
De là à penser que le Brigadier Chef Karpinski
et ses compères ne sont dans l'affaire (ce qui ne les disculpe pas pour
autant) que des bouc émissaires, il n'y a qu'un pas.
iv. L'adjudant-chef Guy Raugel et le « coupeur de
routes ».
Le 13 mai 2005, des soldats français de la force
Licorne exécutent un jeune ivoirien qu'ils considèrent comme
étant un « coupeur de routes ». Le
problème, c'est que la personne arrêtée et tuée
pourrait n'être qu'un homonyme du véritable bandit47(*); mais même s'il
s'agissait bien du « bon » Mahé, les hommes
auraient-ils du l'exécuter sans autre forme de procès, ce qui
revient à dire, commettre un assassinat ?
Ici, comme dans le cas d'Aussaresses discuté plus haut,
la question est de savoir si l'adjudant-chef Raugel a fait preuve de
zèle en anticipant les ordres qui lui avaient été
donnés par le Colonel Burgeaud, ou bien si au contraire il n'avait fait
qu'obéir scrupuleusement48(*). Les deux versions diffèrent ; selon le
premier, on lui aurait fait « comprendre » qu'il fallait se
débarrasser du dit Mahé. Ce faisant, on peut considérer
que non seulement il savait que l'ordre (si ordre il y avait) était
entaché d'illégalité puisqu'il avait été
donné à demi-mot, preuve qu'on avait voulu le dissimuler. De
plus, déguiser le meurtre en accident49(*) témoigne d'une connaissance de
l'illégalité de l'ordre. Le Général Poncet,
chargé de l'opération Licorne, après avoir
découvert le meurtre, l'a, de son propre aveu, couvert50(*). Dans l'armée on lave
ses linges sales en famille.
Toutefois, selon le Colonel Burgeaud, le général
lui aurait indiqué de « rouler doucement »
après avoir appris la capture de Mahé, lui faisant ainsi
« comprendre » qu'il fallait s'en débarrasser ;
ordre qu'il a répercuté à l'adjudant-chef Raugel qui lui
aussi a « cru comprendre » qu'il fallait éliminer
Mahé. Décidément, il semble que les soldats
français soient dotés d'un étonnant pouvoir de
télépathie qui leur permet de lire dans les pensées de
leurs chefs !
Aucune excuse donc ne semble venir défendre le Colonel
ou l'adjudant chef51(*),
sauf peut-être l'erreur de droit, mais celle-ci, tant est qu'elle existe,
semble bien mince. Les sanctions aussi sont minces, alors que Raugel et le
brigadier-chef Johannes Schnier qui sont poursuivis pour homicide
volontaire ont été placés en détention
provisoire, le Colonel Burgeaud et le Général Poncet, poursuivis
pour complicité d'homicide volontaire, ont eux
été laissé en liberté.
Le droit national comme le droit international a comme but
principal d'empêcher les conflits, entre citoyens pour le premier, et
entre Etats pour le second. Longtemps, on a cru en droit international que le
meilleur moyen pour y parvenir était de faire des exemples et de
punir; au début, c'était les Etats eux-mêmes qui
étaient sanctionnés à travers la Cour Internationale de
Justice. Puis, on a voulu faire des exemples parmi les plus hauts dirigeants.
L'exemple qui vient le premier à l'esprit est celui du procès de
Nuremberg, et à un moindre niveau, celui de Tokyo. Puis, on est descendu
dans la verticalité de la responsabilité, en témoigne les
deux tribunaux ad hoc pour l'Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda (la mort
récente de l'ancien président serbe Slobodan
Miloeviæ52(*) a
d'ailleurs entaché sérieusement la crédibilité
d'une telle entreprise, puisque d'un point de vue strictement juridique, il est
mort innocent). Et ce n'est que récemment, avec la signature du Statut
de Rome le 18 juillet 1998 par 120 pays (aujourd'hui par 139) qu'une Cour
Pénale Internationale a vu le jour. Celle-ci a comme but principal de
juger les individus et non les États (qui est du ressort de la Cour
internationale de justice). Elle n'est compétente que pour les crimes
les plus graves commis par des individus : génocides, crimes de guerre,
crimes contre l'humanité et peut-être les crimes d'agression
lorsqu'ils auront été définis.
Mais s'il est facile de désigner un individu
isolé au sein d'une armée de cent mille hommes qui aura commis
des actes de torture, et ainsi de le juger, qu'en est-il au juste d'une
armée de cent mille hommes qui tous, sous commandement d'un Etat
raciste, commettraient un génocide ?
Le second rapport annuel du TPIY rappelait qu'il ne fallait
déférer devant la Cour que les affaires les plus
« exemplaires ». Toutefois, dans une décision du 16
novembre 1998, le TPIY affirmait l'importance de juger aussi bien les chefs que
les simples soldats.
Faut-il alors tous les juger ? Cela semble, en pratique
impossible. N'en sont-ils pas moins responsables pour autant ? D'après
tous les cas cités, un schéma se dessine : une même
défense récurrente de la part des auteurs (« un ordre
est un ordre), une même pratique d'étouffement de l'affaire par
les officiers supérieurs, une même réticence des Etats
à aliéner leurs droits de poursuivre leurs ressortissants, et une
même frilosité des juridictions internationales de contrarier les
Etats, et un désir (plus sans doute une possibilité) de ne juger
que les « principaux » responsables.
«Die Bosheit ist der verlorene weg.53(*) »
Martin Buber
II. BEFEHL IST BEFEHL55(*)
Tout ordre émis par un supérieur est
considéré a priori comme étant un ordre
légal. Sauf dans une dictature, le militaire est lié à
l'Etat de droit puisque, que ce soit aux Etats-Unis ou les affaires militaires
requièrent l'assentiment du congrès ou en France ou elles sont du
ressort du Président de la République, l'un ou l'autre ne doivent
leur pouvoir que grâce au peuple. Max Weber parle de la
« légitimité de la légalité ».
Il y a ainsi une reconnaissance morale a posteriori des ordres
donnés. Mais on peut aussi inverser la proposition pour se retrouver
avec une « légalité de la
légitimité ».
A. Eichmann ou l'Oblomov56(*) allemand.
Avec le procès d'Adolf Eichmann à
Jérusalem, s'amorçait un tournant axiologique dans la
responsabilité pénale internationale. Un simple bureaucrate, un
personnage oblomoviste, qui respectait scrupuleusement les ordres, certes avec
zèle, était jugé et condamné. La Banalität
des Bösen57(*),
pour emprunter les termes de Hanna Arendt, ne s'en trouvait pas moins coupable.
Selon l'élève de Heidegger, la faculté de
penser travaille afin d'éviter de commettre le mal selon le principe
socratique de non-contradiction. Si on suit Arendt donc, la hiérarchie,
qui plus est la hiérarchie militaire ou administrative, annihile cette
faculté de penser afin de rendre les individus propices à faire
le mal.
Arendt déduit du cas d'Eichmann qu'il existe une
« étrange interdépendance entre le non-pensée et
le mal »58(*).
Selon Daniel Goldman59(*), l'empathie nous sort de l'impensée et nous
oblige à considérer les conséquences de nos actions,
pouvant faire naître en nous le remords. L'empathie, la faculté
à s'identifier avec autrui60(*) est justement ce qui fait défaut aux
fonctionnaires en général, et aux fonctionnaires nazis en
particulier, puisqu'une distance s'instaure entre eux et les autres.
Et c'est cela qui caractérise justement l'ex
Obersturmbannführer.
Le cas d'Eichmann n'est pas tant pertinent sur le plan du
droit international61(*)
que sur le plan symbolique. Le procès de l'ancien haut fonctionnaire du
Troisième Reich est le trait d'union entre les tribunaux de Nuremberg
et les tribunaux ad hoc qui seront crées dans les années
quatre-vingt dix.
Eichmann, le 2 juin 1960 déclare à son
procès : « Toute ma vie, j'ai été
habitué à l'obéissance, depuis mon plus bas âge
jusqu'au 8 mai 1945. Une obéissance qui devint au cours de mes
années de SS, une `obéissance de cadavre', une obéissance
inconditionnelle. » En effet, quelque chose que l'on ne peut pas
enlever à Eichmann, c'est sa fidélité au régime,
fidélité déjà prouvée lors de la Nacht
der langen Messer62(*) qui a vu la liquidation des SA. A
partir de là, il allait montait en grade, passant de
Scharführer en 1934 à Obersturmbannführer en
1941.
Si on est familier avec la pensée de Bourdieu, on peut
penser à l'habitus, et considérer le régime nazi
comme une structure structurante qui forgerait de paisibles fonctionnaires et
en ferait des moutons de panurge.
Ce faisant, l'imagination, qui est la faculté à
se projeter hors des situations existantes, est amputée de ces
fonctionnaires. Et c'est justement ce manque d'imagination qui, selon Arendt, a
fait Eichmann envoyer des milliers de gens à la mort, « il n'a
jamais réalisé ce qu'il faisait »63(*) nous dit-elle.
Ce qui dénote d'autant plus l'aliénation mentale
de Eichmann, c'est qu'en dépit du fait que le
Reichsführer SS Heinrich Himmler ait
ordonné l'arrêt en 1945 des déportations et la destructions
de toutes les preuves de la Endlösung64(*), il ait continué sa funeste tâche.
Son avocat Me Servatius essaiera pendant tout le
procès de défendre la thèse selon laquelle Eichmann
n'était qu'un petit bureaucrate zélé pris comme bouc
émissaire de la Shoah. Selon lui, Eichmann n'était qu'un simple
exécutant. Mais le procureur Gideon Hausner rétorque :
« Dans le cadre du droit international, le fait qu'un fonctionnaire
ait agi suivant des ordres reçus ne le relève pas de ses
responsabilités, parce qu'il avait un choix moral65(*). »
Quinze chefs d'accusation ont été logés
contre lui par le procureur, mais seul les deux premiers nous intéresse
ici : sa qualité de responsable du plan d'extermination des juifs.
Les instructions émanaient de l'Office central pour la
déportation des juifs, Office dont il était le directeur.
Le deuxième chef d'accusation est relié au
premier par une intentionnalité du prévenu de commettre ces actes
en vue de l'extermination du peuple juif.
Autant le premier chef d'inculpation repose sur un
critère objectif, autant le deuxième lui est purement subjectif,
car comme l'envisagera la section (B), en tant que bureaucrate, il effectuait
son travail (semble-t-il) de manière désintéressé,
pris dans les rouages de la bureaucratie nazie66(*), sans aucun animus nocendi.
Hypothèse qui nous semble d'autant plus congruente vu
la réponse qu'il apporte quand le procureur lui demande s'il a bien
compris les charges portés contre lui, réponse qu'il semble avoir
faite toute sa vie au cours de son travail sans jamais remettre en question
quoi que ce soit ; à la question du procureur, il répond
juste un lapidaire : Ja Wohl !
Un des arguments avancé par Eichmann est que
désobéir n'aurait servi à rien67(*) ; en effet, et c'est tout
le problème, si cela n'avait pas été lui, c'eut
été un autre. Les supérieurs trouveront toujours des
subordonnés pour exécuter leurs ordres, et ceux qui
désobéissent non seulement ne sauvent personne, mais en plus, ils
se perdent eux-mêmes.
En fait, Eichmann comprenait le terme Judenfrage68(*) au sens propre, auquel il
lui fallait trouver une Lösung ; sauf que pour lui, ce
n'était pas tant un problème idéologique, politique ou
raciste, qu'administratif. Il y avait des horaires à respecter, une
logistique à organiser, bref, une entreprise à diriger, sans pour
autant considérer ses implications. Pour lui, les gens qu'il envoyait
à la mort ne « mourraient » pas mais
« périssaient » ; ce glissement
sémantique est capitale puisqu'il témoigne de la
considération qu'il portait aux déportés,
considération qui se rangeait uniquement dans la colonne
« pertes et profits » mais qui ne s'inscrivait pas dans un
cadre axiologique.
Nous forçons volontairement les traits afin de faire
ressortir la démonstration selon laquelle le travail que faisait
Eichmann était, POUR LUI, « banal », ne pouvant se
projeter plus loin que ses documents administratifs. Banalité qui n'est
pas, comme le fait ressortir Arendt, synonyme de commun ;
« commun » dénote une action qui est
répandue, alors que « banal » est un état
d'esprit propre à une personne, et ce que nous voulons montrer, avec
l'aide des trois théories exposées plus loin (II B), c'est que
cette banalité est le fruit de certaines situations qui endorment la
faculté de penser et de juger du sujet, et qui, au sein de
l'armée et de l'administration sont plus fréquentes que dans la
vie « civile ». Les atrocités commises par les
exécutants dans n'importe quelle guerre, ne s'apparentent nullement
à du sadisme ni à une volonté de faire le mal ; ce ne
sont pas des monstres qu'il faut diaboliser ; ils vivent juste dans un
monde hiérarchisé où le bien et le mal n'existe pas ;
et il convient de balayer le vieux cliché qui veut que le soldat
possède « l'instinct de tuer », puisque c'est tout
sauf de l'instinct, mais de l'automatisme qui résulte d'un manque de
dialogue avec soi-même ; l'ego est annihilé au profit de
l'autre qui émet l'ordre, est notre comportement devient ainsi, en
somme, banal.
Après le prononcé de la sentence, il laissera
échapper cette phrase déroutante et qui était son
leitmotiv pendant tout le procès : « j'ai
obéi aux lois de la guerre et à mon drapeau. »
Eichmann reconnaît sa responsabilité mais non sa
culpabilité.
Le dessein d'Arendt a été blasphémateur
pour beaucoup car dé-diabolisateur. Le procès d'Eichmann est
dérangeant et pose un problème important. Le nazi, comme l'a fait
remarqué Arendt, n'est plus cet être diabolique, au travers de
qui, par la méthode cathartique, nous projetons tous nos démons.
Le nazi de base, si on peut dire, est un homme comme les autres... et un homme
comme les autres est capable de tels actes. Pourtant, on ne peut pas dire
qu'Eichmann soit tout le monde, ou bien qu'Eichmann soit
personne. Eichmann est quelqu'un et plusieurs
personnes peuvent être Eichmann, mais pourtant comme n'avait cesse
de le marteler Arendt, on ne peut pas dire qu'il y ait un Eichmann en chacun de
nous, mais ce sont les situations qui peuvent les faire naître. Ainsi, on
peut dire qu'au sens aristotélicien, Eichmann est un zôon
politikon, un animal politique, car un animal de la Polis,
c'est-à-dire, de la cité. Jamais un homme seul ne sera un
Eichmann.
C. « L'homme sans relief »69(*)
Un droit est toujours un droit crée par des hommes pour
des hommes ; pour comprendre donc pleinement la problématique de ce
rapport de recherche, il convient après avoir dit « ce qui se
passe », POURQUOI cela se passe, id est, pourquoi des
soldats, qui ont pourtant un libre arbitre comme tout homme et possèdent
une notion du bien et du mal, pourquoi ces soldats arrivent-ils à
obéir à des ordres que les « nations
civilisées » condamnent. Pénétrons donc, pour
parler comme Nietzsche, dans la psychologie des profondeurs de ces soldats.
Nous avancerons trois hypothèses :
i. La « personnalité autoritaire »
de Theodor Adorno
ii. La « bureaucratie » de Max Weber
iii. La « Psychologie des foules » de
Gustav Le Bon
i. La « personnalité autoritaire »
de Theodor Adorno
Adorno donne les critères suivant de celui soumis
à la personnalité autoritaire : Conformité excessive,
intolérance, insécurité, rigidité, soumission
à l'autorité, superstition. Ces sept critères rendent le
sujet apte à recevoir des ordres et à obéir sans discuter
ces derniers. Face à la personnalité autoritaire, le sujet
redevient un enfant qui subit, et qui donc obéit.
C'est au sein de l'armée que la personnalité
autoritaire se retrouve le plus souvent.
Selon Stanley Milgram, l'obéissance est
consubstantielle à toute vie en communauté70(*). Avec les expériences
qu'il a mené en juillet 1961 à Yale, un an donc après le
procès d'Eichmann, il a démontré comment un citoyen lambda
pouvait infliger des douleurs à un autre uniquement sur l'ordre que lui
donne un scientifique71(*), même si cela heurte toutes ses
valeurs72(*).
Tout comme on peut penser que ce n'est pas le maître qui
fait l'esclave mais l'inverse, de même on peut supputer qu'il n'y a un
donneur d'ordre que parce qu'il existe quelqu'un pour obéir à cet
ordre. L'homme est-il alors un homo servilis ? A-t-il un penchant
pour la servitude ? Non, c'est que la structure dans laquelle il se trouve
le destine, le détermine à recevoir des ordres et à
obéir sans discuter, comme nous allons le voir avec Weber.
ii. La « bureaucratie » de Max Weber
Si, comme dit la citation de Buber, le mal est une absence de
direction, il est tout autant un trop plein de direction.
La bureaucratie, qui va de pair souvent avec une division du
travail, en oblitérant à une personne X ce qu'est la tâche
d'une autre personne Y rend tous deux favorables à une obéissance
aveugle de la tâche qui leur est confiée, et l'exemple le plus
parlant est celui d'Adolf Eichmann73(*) qui ne s'occupait que de tâches logistiques en
tant que « administrateur de transport ».
La bureaucratie est, selon Weber, une « domination
légale », ce qui rend d'autant moins la tâche
confiée questionnable. Elle est caractérisée par
l'impersonnalité, ce qui fait que l'on exécute un ordre de
manière clinique, de plus, elle ne se préoccupe pas de cas
individuels, en découle que le soldat ne pourra utiliser son libre
arbitre pour distinguer une situation donnée d'une autre.
Richard Posner74(*) nous dit que le mal est le résultat de
l'indifférence des conséquences humaines découlant de
certaines décisions. La bureaucratie encourage cette
indifférence, puisqu'elle masque les conséquences de nos actions
en multipliant les relais et en divisant les tâches, de sorte que chacun
est dans le flou sur ce que l'autre fait, et donc, personne n'est responsable
puisque tout le monde est responsable.
iii. La « Psychologie des foules » de
Gustav Le Bon
Ce n'est pas pour rien que des personnages comme Hitler ou
Mussolini étaient familiers avec l'oeuvre de Le Bon, puisqu'ils y
voyaient un outil essentiel pour le contrôle des masses.
L'homme, nous dit le sociologue français, dès
qu'il se fond dans la masse, perd de son individualité.
Selon lui, la foule est caractérisée par les
facteurs suivants : « Disparition de la vie
cérébrale et prédominance de la vie médullaire. -
Abaissement de l'intelligence et transformation complète des sentiments.
- Les sentiments transformés peuvent être meilleurs ou pires que
ceux des individus dont la foule est composée. - La foule est aussi
aisément héroïque que criminelle. »75(*)
La foule est ainsi habitée par une âme propre et
fonctionne par contagion-suggestion.
Dans la foule s'opère une diffusion de la
responsabilité, ce qui nous renvoie à une division de travail
smithienne et à la bureaucratie ; sans le recours aux autres,
l'action entreprise par un individu n'aurait pas entraîné les
conséquences qu'il en a résulté76(*).
Mais la foule ne se réduit pas à une
quantité comptable, elle est avant tout une conceptualisation. Le
fonctionnaire ou le soldat, se voit d'abord comme faisant partie d'un tout,
cela l'amène d'abord à minorer ses responsabilités, et
ensuite, à se sentir habité par une puissance qu'il ne
possèderait pas s'il se conceptualisait comme seul.
Mais la masse nous rappelle Le Bon, même s'il est une
entité qui s'autorégule se gouverne rarement
elle-même ; elle a la plus part du temps besoin d'être
dirigé, ce qui donc établit le lien avec la personnalité
autoritaire de Adorno. Elle a besoin de direction, que l'on canalise son
énergie ; arrive alors une figure
« messianique »- en Italie, Mussolini était
surnommé le Duce, en Allemagne, Hitler était le
führer, les deux termes signifiant « guide ».
En conclusion, on peut dire que l'émission d'un ordre
stérilise la réflexion et « uni-dimensionise77(*) » l'homme, le
rendant apte au aufgabe78(*) , lui permettant de se sacrifier lui même,
mais aussi de sacrifier les autres. Cet homme unidimensionnel, cet homme sans
relief donc, se trouve davantage dans la foule que quand il est isolé,
et c'est à travers la bureaucratie qu'il se crée, et qui est
encouragé par la division du travail ; ainsi chaque soldat fait ce
qu'il a à faire, et rien de plus : le sniper tirera sur la
cible indiquée sans se demander si celle-ci mérite d'être
exécutée ou non. Le soldat qui reçoit l'ordre, par le
biais des trois théories discutées plus haut, devient une paroi
lisse sur lequel glisse son pouvoir décisionnel sans le
pénétrer.
Pour autant, l'obéissance aveugle, même si elle
est la règle, n'est pas une fatalité, pour preuve, la tentative
de Claus Von Stauffenberg79(*) (entre autres) d'assassiner Hitler pour renverser le
régime. Mais le fait est que Stauffenberg était
Oberstleutnant (lieutenant colonel), et pas un simple soldat ; de
là à dire que plus on descend dans la hiérarchie, et plus
la faculté de penser et de critiquer diminue, il n'y a qu'un pas.
Le fonctionnaire s'abandonne80(*) à l'ordre qu'il reçoit comme le croyant
s'abandonne à son Dieu, et tout comme le mystique se fond dans la
divinité, le fonctionnaire (auquel le soldat est assimilé) se
fond dans la hiérarchie.
« (...) après un certain âge, tout homme
est responsable de son visage. »81(*)
Albert Camus
CONCLUSION
Pendant la préparation de ce rapport, il nous a
semblé pertinent d'interroger des militaires qui ont
désobéi à des ordres qu'ils désapprouvaient ou qui
ont été amené à donner eux-mêmes des ordres,
et nous avons choisi un pays qui a connu la dictature, le
Brésil82(*),
puisque c'est sous un tel régime que des ordres
« immoraux » sont le plus facilement émis.
La guerre est une mise entre parenthèse de la
civilisation, c'est une suspension de l'éthique83(*), et nul ne peut être
certain de comment il réagira avant d'y être réellement
confronté, puisque ce sont les circonstances qui révèlent
les hommes à eux-mêmes.
L'histoire nous montre que le droit international ne
répond pas aux mêmes critères que le droit national
puisqu'ils diffèrent dans leur essence ; d'une par, comme
l'illustre Ernst Jünger, dans Orages d'acier84(*), le soldat au feu n'est plus
un être « civilisé », ce qui fait qu'on ne pas
lui appliquer le même critère de responsabilité ;
d'autre part, si le droit national peut user de la puissance coercitive contre
ses citoyens, il n'en va pas de même en droit international, ce qui rend
de facto caduque la théorie du contrat social de Rousseau,
puisque jamais aucun Etat n'acceptera d'aliéner sa souveraineté
à un Super Etat du type fédéral ou à un organisme
international.
La liaison est aisément établie avec la
responsabilité personnelle de celui qui obéit à un
ordre ; si le droit pénal considère tout homme comme
responsable85(*), il n'en
va pas de même internationalement, pour preuve la houleux rapport
qu'entretiennent les Etats-Unis avec le droit international en
général, et plus particulièrement avec la CPI ; de
plus, celle-ci, comme les différents tribunaux ad hoc ne juge
que les « crimes les plus graves », gravité souvent
assimilé à quantité... L'idéal moral devrait faire
comparaître tout citoyen responsable devant une juridiction nationale et
tout soldat responsable devant une juridiction internationale ; Toute
action qui serait mal in se devrait être
réprimandée. Mais cette logique ne s'applique pas dans les
relations internationales qui connaissent une spécificité, que
l'allemand rend sous les vocables : Real Politik. C'est cette
dichotomie qu'illustre parfaitement Aurélie de Andrade quand elle
écrit « (...) Chaque responsable est un auteur, mais chaque
auteur n'est pas responsable.86(*) »
Ainsi donc, si le droit national emprunte au christianisme,
qui lui même découle du réalisme platonicien87(*), le droit international, quant
à lui est fils du nominalisme88(*).
Aussi regrettable que cela soit, il semble que le droit
national et le droit international soient deux lignes parallèles
destinées à ne jamais se rencontrer.
Mais Riemann a démontré que le postulat V des
éléments d'Euclide était caduc, et c'est dans cet espace
non-euclidien que semble devoir s'inscrire la Cour Pénale
Internationale, en dépit de toutes ses imperfections.
Enfin, signalons la quadrature du cercle de la présente
problématique et qui est d'une évidence aveuglante : le fait
que tout ordre militaire est revêtu instantanément du sceau de la
légalité, l'exemple flagrant étant Eichmann qui
obéissait à des ordres qui étaient, au sein du droit
positif du Troisième Reich, légaux (puisque
« autorité légitime » épouse souvent
la légalité), et que ce n'est qu'après, par le truchement
d'une autre « illégalité » que les premiers
(les ordres) sont travestis en illégalité : les lois Ex
post Facto89(*).
Le choix de ce rapport a été dicté non
seulement par des considérations juridiques mais aussi par
l'universelle pertinence de son sujet : l'homme est-il libre ou bien
est-il structuré90(*) ? Et est-il responsable, coupable... ou les deux
à la fois ? C'est tout le noeud gordien de ce rapport de
recherche, rapport qui n'avait pas pour ambition de le trancher, mais
seulement, un tant soit peu, de le dénouer.
Military Assistance
Command. Division
GEN. Westmoreland
Annexe 1.
Marine amphibious
Force
LT. GEN. Cushman
11th Infantry brigade
COL. Anderson
Task Force Baker
LT. COL. Baker
A Company B Company
C Company
CAPT. Riggs CAPT. Michles
CAPT. Medina
1st Platoon 2nd Platoon
3rd Platoon
LT. Caley LT. Brooks LT. La Cross
Chaîne de commandement dans l'affaire du massacre de
My Lai.
Annexe 2.
Entretien avec Ailton Pimentel dos Santos, Colonel de
la Police Militaire d'Alagoas, Brésil.
Q : Le militaire est-il obligé d'exécuter
tous les ordres qu'elles que soient leurs teneurs ?
R : Théoriquement le militaire n'est pas
obligé d'exécuter des ordres immorales ou illégales.
Moi-même, pendant la dictature qu'a connue le pays en 64, j'ai
refusé d'obéir à des ordres que ma conscience condamnait.
Pourtant, dans certaines situations, découlant de l'état
émotionnel altéré ou même stressant, il n'est pas
possible d'arriver à juger les ordres, ce qui provoque
l'exécution de ce genre d'ordres.
Q : La formation du militaire le prépare-t-il
normalement à pouvoir prendre des décisions ?
R : Dans des conditions normales, la formation
professionnelle conduit au libre arbitre; dans des conditions exceptionnelles
cela n'est pas possible si l'état émotionnel est diminué
par les conditions de stress quand le soldat est au feu ; toutefois par
des techniques continues, des entraînements dans des situations
réelles, le soldat est entraîné à pouvoir prendre
des décisions de lui-même.
Q : Le soldat doit-il bénéficier d'une
certaine autonomie ?
R : Oui. Le soldat par lui même, doit savoir se
comporter sans qu'il ait besoin d'un chef pour lui en donner l'autorisation, et
quand un ordre lui est donné, il doit pouvoir jauger celui-ci.
Entretien avec Marco Antônio,
Major/Exército Brasileiro, dans l'armée
brésilienne.
Q: Un militaire doit-il obéir à n'importe quel
ordre indépendamment du fait que cet ordre parait immoral ou
illégal?
R: Non, parce que les ordres d'un supérieur
hiérarchique doivent être basées sur l'éthique
dans les conditions légales qui soutiennent l'Etat de droit, si les
ordres ne remplissent pas ces critères, alors il est du devoir du soldat
de désobéir.
Q: Et comment concilier le fait qu'un militaire doit d'abord
obéir aux ordres mais en même temps exercer son libre arbitre?
R: Il n'y a pas d'incohérence car quand le militaire
reçoit un ordre il agit dans des limites réglementées qui
démarquent son domaine d'attributions, et ça, par la situation
même, lui donne déjà de la flexibilité pour
l'utilisation de son libre arbitre.
Q: Enfin, est-il judicieux de juger internationalement un
soldat qui n'aurait fait qu'obéir aux ordres?
R: Non, des que ces ordres se situent dans les conditions
exigés par l'Etat de droit, excepté pour les crimes les plus
graves, qui, de par leur nature, concerne la communauté internationale
toute entière, tels que le crime de génocide ou le crime de
guerre; en dehors de ces situations exceptionnelles, il est du ressort
national, le plus souvent en court martial, de juger ses propres soldats sans
interférence extérieure.
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Building, University Of Chicago Press, 1988.
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http://www-cgsc.army.mil/carl/resources/csi
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http://www4.law.cornell.edu/uscode/html/uscode10/usc
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http://www.yale.edu/lawweb/avalon/imt/proc/judjodl.htm
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http://www.army.mil/cmh-pg/books/Vietnam/Law-War/law-07.htm
Dworkin Anthony, Torture, Rendition and the CIA's Secret War
on Terror, http://www.crimesofwar.org/onnews/news-cia4.html
Harvard Law School library: Nuremberg trials project, a
digital document collection, http://nuremberg.law.harvard.edu
REMERCIEMENTS
Tout d'abord, je tiens à remercier Mons. Gueydan qui a
non seulement accepté d'être mon tuteur pour ce rapport de
recherche, mais aussi pour tous les échanges sur la géopolitique
que nous avons eu.
Ensuite, je remercie mon frère à qui je dois
tout et sans lequel je ne serais rien, et qui m'a donné le goût de
l'histoire militaire dès mon plus jeune âge en me contant les
conquêtes d'Hannibal et d'Alexandre.
Je remercie aussi mon grand-père que je n'ai pas connu,
mais qui m'a inspiré du fait qu'il a combattu sous Montgomery en Afrique
du Nord contre la Deutsche Afrika-korps.
Merci à Alyshia Karla Gomes pour m'avoir servi
d'interprète auprès des militaires brésiliens.
Un remerciement amical aussi aux militaires avec qui je me
suis entretenu pour la préparation de ce rapport (certains
préférant ne pas être cités), qui m'ont
raconté en détail la structure mentale du militaire et m'ont
aussi permis d'avoir accès à nombre de textes relatifs au
commandement militaire.
Merci encore à Herr Dietmar Reigber qui a
pallié mon allemand approximatif pour la traduction de certains textes
en allemand.
Je remercie également la British Museum
Library qui m'a fourni le cadre idéal pour mon travail et mes
recherches.
Enfin, un remerciement posthume à Friedrich Nietzsche
qui a ébranlé mes idoles, et à Hölderlin qui a
élevé mon âme.
A tous : MERCI.
* 1 Arendt Hannah,
Eichmann in Jerusalem: A Report on the Banality of Evil, p.
114, Penguin Books, 1977.
* 2
«Geworfenheit», Heidegger Martin, Etre et
Temps, Gallimard, 1986.
* 3 Article L120-3, Code du
Travail.
* 4 «das
man», Heidegger Martin, Etre et Temps, Gallimard,
1986
* 5 Ibid. p. 126.
* 6 Gustave le Bon,
Psychologie des foules, Presses Universitaires de France - PUF
2003
* 7 Sur l'antenne de France
Inter, dans l'émission Libre Cours du 12 mars 2006
répondant à Anne Sinclair.
* 8 Ibid.
* 9 Libération,
vendredi 21 octobre 2005.
* 10 Le Field Marshal Bernard
Law Montgomery était un officier militaire britannique durant la Seconde
Guerre mondiale, célèbre notamment pour sa victoire face à
Rommel lors de la bataille d'El Alamein.
* 11 Full Metal
Jacket, de Stanley Kubrick, Warner Bros., 1987.
* 12 Crim. 22 mai 1959 : le
fait pour un prévenu de se conformer aux ordres de ses supérieurs
hiérarchiques ne saurait constituer ni un fait justificatif, ni une
excuse lui permettant d'échapper aux conséquences de la faute
qu'il a commise.
Crim. 13 mars 1997 : l'ordre reçu d'un supérieur
hiérarchique ne constitue pas pour l'auteur d'une infraction une cause
d'irresponsabilité pénale.
* 13 Oberkommando der
Wehrmacht, commandement suprême de la Wehrmacht (équivalent
à l'État-major des armées).
* 14 « Un ordre est
un ordre ».
* 15 Notamment dans les
affaires Takosi, Kramer et autres, Hans,
Lages.
* 16 Repris sous l'article 6 du
statut du Tribunal Militaire pour l'Extrême-Orient.
* 17 « Le fait que
l'accusé a agi conformément aux instructions de son Gouvernement
ou d'un supérieur hiérarchique ne le dégagera pas de sa
responsabilité, mais pourra être considéré comme un
motif de diminution de la peine, si le Tribunal décide que la justice
l'exige. »
* 18 Pour les autres
exécutants, la loi no. 10 du Conseil de contrôle allié
établissait des tribunaux militaires dans les différentes zones
d'occupation.
* 19 Les affaires
Tadic, Erdemovic, Landzo.
* 20 Théorie qui sera
discutée dans la section II B.
* 21 Jugement de la Chambre
d'appel du 5 mars 1998, TPIY.
* 22 « Le fait qu'un
accusé a agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un
supérieur ne l'exonère pas de sa responsabilité
pénale mais peut être considéré comme un motif de
diminution de la peine si le Tribunal international l'estime conforme à
la justice. »
* 23 Par exemple, les
événements de Londonderry (connu comme bloody
Sunday) du 30 janvier 1972 où les paramilitaires britanniques ont
ouverts le feu sur des civils désarmés croyant qu'on leur tirait
dessus alors que les balles provenaient de leur propres forces.
* 24 Art. 122-1 du Code
Pénal.
* 25 « C'était
tellement évident qu'il n'était pas nécessaire de donner
des ordres dans ce sens à quelque niveau que ce soit. Personne ne m'a
jamais demandé ouvertement d'exécuter tel ou tel. Cela allait de
soi. » Aussaresses Paul, Services spéciaux,
Algérie 1955-1957, Perrin, Paris 2001.
* 26 Vu le grand
déploiement de ses troupes à l'étranger, les chances pour
que certains de ses soldats comparaissent devant la Cour seraient trop grandes.
* 27 Qui a souhaité
l'introduction de l'art. 124 dans le Statut, et qui permet à un Etat
membre de décliner la compétence de la Cour pour une
période de sept ans à compté de l'entrée en vigueur
du Statut à son égard. En avril 2000, la France a
été le seul pays à déclarer qu'elle utiliserait
cette clause en ce qui concerne les crimes de guerre.
* 28 La loi du 31 juillet 1968
portant « amnistie générale de toutes les infractions
commises en relation avec les événements
d'Algérie ».
* 29 Me. Jacques
Vergès.
* 30 L'autre borgne
célèbre étant Moshe Dayan qui fut chef d'état major
de Tsahal de 1955 à 1958.
* 31 Aussaresses Paul,
Services spéciaux, Algérie 1955-1957, Perrin,
Paris 2001.
* 32 Il raconte en effet
comment il a personnellement pris part à la torture et aux meurtres de
vingt-quatre prisonniers algériens.
* 33 « J'allais ainsi
accomplir, dans l'intérêt de mon pays et dans la
clandestinité, des actions réprouvées par la morale
ordinaire, tombant souvent sous le coup de la loi et, de ce fait, couvertes par
le secret: voler, assassiner, vandaliser, terroriser. » Ibid.
* 34 « Les policiers
de Philippeville utilisaient donc la torture, comme tous les policiers
d'Algérie, et leur hiérarchie le savait. » Ibid.
* 35 « J'ai fait
aligner les prisonniers, aussi bien les fels que les ouvriers musulmans qui les
avaient aidés. J'ai été obligé de passer les ordres
moi-même. J'étais indifférent: il fallait les tuer, c'est
tout, et je l'ai fait. »
* 36 Cf. le procès
d'Eichmann discuté dans la section II A.
* 37 Le Parisien, 17
juillet 2001, p. 14.
* 38 Par un décret
signé par le président Chirac. Une telle mesure n'avait pas
été prise depuis 25 ans.
* 39 Voir document annexe
1.
* 40 Q: Did you receive any
training in any of those places which had to do with obedience to orders?
A: Yes, sir.
Q: What were the nature of the -- what were you informed was the
principles involved in that field?
A: That all orders were to be assumed legal, that the soldier's
job was to carry out any order given him to the best of his ability.
* 41 Q: If you had a doubt
about the order, what were you supposed to do?
A: If I had -- questioned an order, I was supposed to carry the
order out and then come back and make my complaint
* 42 «A combat commander
has a duty, both as an individual and as a commander, to insure that humane
treatment is accorded to noncombatants and surrendering combatants.»
* 43 Par exemple, une en vogue
était celle-ci: «Anything that's dead and isn't white is a
VC».
* 44 «He (Maj Gen Geoffrey
Miller) said they are like dogs and if you allow them to believe at any point
that they are more than a dog then you've lost control of them. » BBC
News, 15 juin 2004.
* 45 Démission qui fut
rejetée deux fois par le président G.W. Bush.
* 46 « Ennemy
combattant ».
* 47 C'est en tous cas ce que
déclare l'avocat de la famille de la victime, Me Fabien
Ndoumou.
* 48 Déposition faite
auprès de la juge Brigitte Raynaud.
* 49 Firmin Mahé aurait
été étouffé à l'aide d'un sac en plastique.
* 50 Afin, selon son avocat
Me Farthouat, d'éviter que des violences
anti-françaises se répètent telles que celles qui avaient
suivi des vols commis par des soldats français en 2004.
* 51 Comme les excuses
énoncées sous l'art. 31 du CPI.
* 52 L'ancien président
Serbe est décédé le 11 mars 2006 à Scheveningen,
Pays-Bas, officiellement d'un infarctus du myocarde, alors qu'il était
en détention au TPIY.
* 5354 « Le mal est
une absence de direction ».
* 55 Supra p. 5.
* 56 Oblomov est le
protagoniste du roman éponyme de Ivan Goncharov qui est
l'archétype de l'homme incapable de toute prise de décision.
* 57
« Banalité du mal ».
* 58 Arendt Hannah,
Eichmann in Jerusalem: A Report of the Banality of evil, p.
127, Penguin Books, 1977.
* 59 Goleman Daniel,
Emotional Intelligence, Bantam, 1995.
* 60 Buber Martin, Ich
und Du, Gütersloher Verlagshaus, 2005.
* 61 Puisque son
enlèvement par les services spéciaux israéliens, la
Chech-Beth s'inscrit en dehors du droit.
* 62 « Nuits des
longs couteaux », aussi appelé Röhm-Putsch, qui
se déroula dans la nuit du 29 au 30 juin 1934.
* 63 Arendt Hannah,
Eichmann in Jerusalem: A Report of the Banality of evil, p. 93,
Penguin Books, 1977.
* 64 « Solution
finale ».
* 65 Bertin Claude, Les
grands procès de l'histoire: les criminels de guerre, Eichmann,
Tokio, p. 34, éditions Famot, 1976.
* 66 « Je ne pouvais
certainement pas donner des ordres pour arrêter l'extermination. Je
n'étais qu'un rouage dans une machine tellement plus puissante que
moi », répond Eichmann, in ibid., p. 168.
* 67 « Et que
m'aurait rapporté la désobéissance ? En quoi
m'aurait-elle rendu service ? En ce qui concerne les principes, les plans
et les décisions relatifs aux événements de 1935-1945,
à aucun moment au cours de ces dix dernières années, ils
ne furent du domaine de ma compétence. », in ibid.,
p. 49.
* 68
« Problème juif ».
* 69 Référence au
titre du livre de Herbet Marcuse, One-Dimensional Man: Studies in the
Ideology of Advanced Industrial Society, Beacon Press, 1991.
* 70 « Some system of
authority is a requirement of all communal living, and it is only the person
dwelling in isolation who is not forced to respond, with defiance or
submission, to the commands of others.» Milgram Stanley, The perils
of obedience, Harper's Magazine, 1974.
* 71 «The extreme
willingness of adults to go to almost any lengths on the command of an
authority constitutes the chief finding of the study and the fact most urgently
demanding explanation.», ibid.
* 72 Voir une illustration de
cette expérience dans le film de Henri Verneuil, I comme Icare,
1979.
* 73 Cf. II(A).
* 74 Posner Richard, The
Problematics of Moral and Legal Theory, Belknap Press, 2002
* 75 Le Bon Gustave,
Psychologie des foules, p. 39, Presses Universitaires de France
- PUF 2003.
* 76 Voir la théorie
du chaos et celle des étranges attracteurs pour une
illustration mathématique de cette hypothèse.
* 77 Néologisme
construit d'après H. Marcuse précité.
*
78« Abandon ».
* 79 Pendant ce que l'on a
appelé « Opération Valkyrie » qui se
déroula le 24 juillet 1944 et qui vu la purge de bon nombre d'officiers
de haut rang, parmi lesquels le feldmarschall Rommel.
* 80 Heidegger Martin,
Etre et Temps, p. 391, Gallimard, 1986.
* 81 Albert Camus, La
chute, p.62, Folio n°10, 1997.
* 82 Voir annexe 2.
* 83 Terme emprunté
à Kierkegaard, Crainte et tremblement, Rivages,
2000
* 84 « L'immense
volonté de destruction qui pesait sur ce champ de mort se concentrait
dans les cerveaux, les plongeant dans une brume rouge. Sanglotant, balbutiant,
nous nous lancions des phrases sans suite, et un spectateur non prévenu
aurait peut-être imaginé que nous succombions sous l'excès
de bonheur. » Ernst Jünger, Orages d'acier, Journal de guerre, p.
171, Biblio, 2001.
* 85 Hormis de le cas
d'irresponsabilité pénale qui découle d'une abolition du
discernement lors du passage à l'acte, cf. art. 122-1 du Code
Pénal.
* 86 Ascensio Hervé,
Decaux Emmanuel, Pellit Alain, Droit Pénal
International, p. 201, Editions A. Pendone, 2000, Paris.
* 87 Idée selon laquelle
des concepts existent en dehors des mots qui les désignent.
* 88 Théorie selon
laquelle les choses n'existent que s'il y a des mots pour les désigner,
proposition que Gadamer reprend en disant : « Rien n'existe en
dehors du langage ».
* 89 Cela est patent dans le
procès d'Eichmann où l'Etat hébreu a promulgué des
lois rétroactives pour punir les criminels nazis et l'avocat de
l'inculpé fera remarquer à ce propos qu'alors
« les Etats qui naissent actuellement (nous sommes en 1961)
pourraient promulguer des lois pour traduire en justice les pays coloniaux qui
occupaient leurs territoires », Bertin Claude, Les grands
procès de l'histoire: les criminels de guerre, Eichmann, Tokio,
p. 30, éditions Famot, 1976.
* 90 Au sens de ce que Bourdieu
appelle « structure structurante ».
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