Xavier MALON Sous la direction
de Francis BESTION T uteur universitaire
Accompagnement :
Elhadji Abdou GUEYE Tuteur de stage Bureau Formation
Professionnelle Agricole
DAKAR
MEMOIRE D'ÉTUDE
| | 100 km
LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA
VALLEE DU FLEUVE SENEGAL :
APPUI À LA MISE EN PLACE
D'UN CADRE DE PILOTAGE REGIONAL
Master Professionnel
Ingénierie de la Formation
Et des Systèmes d'Emploi Aout 2007
UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES - TOULOUSE 1
MEMOIRE D'ÉTUDE
LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA
VALLEE DU FLEUVE SENEGAL :
APPUI À LA MISE EN PLACE
Croisière sur le Bou el Mogad (fleuve
Sénégal)
D'UN CADRE DE PILOTAGE REGIONAL
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 6
I- PREMIERE PARTIE - LE CONTEXTE 8
I-1. contexte de l'agriculture 8
I-1.1. L'importance du secteur agricole au
Sénégal 8
I-1.1.1. Les missions assignées à
l'agriculture 8
I-1.1.2. La régression de l'agriculture
sénégalaise: essai d'explication 10
I-1.2. L'agriculture dans la vallée du fleuve
senegal 15
I-1.2.1 L'utopie séculaire d'un potentiel
stratégique 15
I-1.2.2 La mise en valeur du Fleuve Sénégal
16
I-2. La formation agricole et rurale au Sénégal
19
I-2.1. Quels dispositifs ? 19
I.2.1.1- Formation de techniciens et encadreurs
19
I.2.1.2- La formation professionnelle des producteurs
20
I-3. contexte de la formation agricole et rurale dans la
vallée 26
I-3.1. Les systemes d'acteurs a l'oeuvre 26
I-3.1.1. Représentation graphique des acteurs en
présence (et proximité) 26
I-3.1.2. Systèmes et acteurs en présence (et
proximité) 27
I-3.2. Le Réseau Formation Fleuve (RESOF)
28
I-3.2.1. La naissance du RESOF 28
I-3.2.2. Evolution du RESOF 29
I-3.2.3. Fonctionnement et organisation du RESOF
30
I-4. une strategie nationale, pour des reponses-formation
territorialisees 34
I-4.1. Les enjeux 34
I-4.2. un acteur recent mais attendu
36
I-4.3. le cadre reglementaire 38
I-4.4. les instruments en place qui favorisent
l'implication du BFPA. 39
II - DEUXIEME PARTIE - LES CONCEPTS MOBILISES 46
II-1. Explicitation des concepts mobilises 46
II-1.1. REGULATION 46
II-1.2. Pilotage 48
II.1.3- REGULATION PARTICIPATIVE 50
II. 1.4- CONCERTATION 52
II.1.5- QUALITE DE LA FORMATION 55
La demande de formation 56
Approche par la demande (de formation ?) 57
III- TROISIEME PARTIE - LA DEMARCHE DE RECHERCHE 61
III-1. L'originalité de ma démarche (en tant
qu'acteur du processus depuis 2004) 61
III- 2. Les éléments de départ 62
III- 2.1. Le RESOF est créé en 2000 :
Pourquoi ? 62
III- 2.2. Le pilotage (ou son absence) pose
problème aux yeux des acteurs 64
III- 3. Les faits (analyse détaillée en
4ème partie) 65
III-3.1. La démarche du RESOF 65
III-3.2. les actes posés (jusqu'à la
dernière mission du BFPA fin juin 2007) 65
IV- QUATRIEME PARTIE - LA «LONGUE MARCHE » VERS LE
PILOTAGE PARTAGE. 68
IV-1. Les « résultats » 68
IV-2. Quelles leçons tirer ? 83
RECOMMANDATIONS 86
CONCLUSION 89
Liste des abréviations 94
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 96
WEBOGRAPHIE 98
ANNEXES
REMERCIEMENTS
Je tiens ici à remercier tous ceux qui, de près
ou de loin, ont contribué à l'élaboration de ce
Mémoire, que ce soit par leurs conseils avisés, leur connaissance
du sujet, ou tout simplement par leur soutien et leurs encouragements.
Mes remerciements s'adressent à Monsieur Francis
BESTION, professeur à l'Université de Toulouse 1 - Sciences
Sociales, pour la confiance qu'il m'a témoigné.
Une mention toute particulière pour mes deux
collègues et amis, Elhadji Abdou GUEYE, et Souleymane SARR, du Bureau de
la Formation Professionnelle Agricole, pour toutes leurs qualités
humaines, nombreuses, et pour m'avoir accordé toute leur confiance et
leur amitié complice.
Un clin d'oeil à mon épouse, qui a
supporté dans l'ombre toutes mes sautes d'humeur, que je remercie
très sincèrement pour sa patience et sa compréhension ; un
second clin d'oeil à mes deux enfants, à qui j'espère
pouvoir montrer que l'effort est payé de retour, à condition de
ne jamais abandonner le but que l'on s'est fixé.
Je dédie ce travail personnel, qui vient conclure un
cycle de près d'un an et demi de dur labeur, à ma maman
aujourd'hui décédée, et à mon père. Fils de
cultivateurs, je n'avais pas souhaité reprendre la ferme paternelle qui
me tendait naturellement les bras à la fin de mes études, au
début des années 80 ; cette décision a sans doute
provoqué chez eux une blessure cachée mais profonde, et
j'espère de tout coeur que mon cheminement depuis lors puisse être
source d'apaisement et de fierté pour eux deux.
INTRODUCTION
La construction progressive d'un dispositif
cohérent et articulé de formation agricole : une
impérieuse et incontournable nécessité
Ce travail constitue le prolongement du premier mémoire
de recherche que nous avons réalisé en 2006 dans le cadre de
notre formation Master professionnel « Ingénierie de la Formation
et des Systèmes d'Emploi » et qui s'intitule « Le
réseau formation fleuve (RESOF) - Pour une régulation
participative de la formation agricole et rurale ».
La relation étroite entre ces deux travaux explique et
justifie les nombreux renvois du second vers le premier, ainsi que les emprunts
que nous nous sommes permis ici et là d'effectuer, notamment pour la
partie descriptive du contexte de notre intervention.
Questions de régulation dans le premier, questions de
pilotage dans le second : nous avons tenté au cours de l'année
écoulée de cerner les deux faces d'une même médaille
; dans la partie relative aux concepts que nous avons mobilisés, nous
tentons de démontrer que l'une ne peut aller sans l'autre.
Ce document est le travail d'un étudiant, certes plus
très jeune, mais c'est aussi un travail tout court, correspondant
à une « commande » qui m'a été passée par
le Service du ministère sénégalais de l'agriculture,
où j'ai été affecté en position de conseil : le
Bureau de la Formation Professionnelle Agricole. Ce service, doté de
ressources humaines fort peu nombreuses, a la tâche immense de porter,
jusqu'à aujourd'hui, au niveau national la stratégie de formation
agricole et rurale qui a été élaborée de
façon participative en 1999.
L'enjeu consiste à travailler de concert avec tous les
acteurs, individus et organisations, qui travaillent dans le champ de la
formation agricole et rurale, dans un contexte où l'Etat a reconnu
depuis déjà quelques années qu'il ne pouvait plus
élaborer et mettre en oeuvre, seul, les politiques de
développement rural. D'où ce titre en haut de page, la
construction progressive d'un dispositif cohérent et articulé de
formation agricole est bien une impérieuse et incontournable
nécessité.
Par la force des choses, et surtout sous le coup de
l'ajustement structurel qui lui a été imposé, l'Etat a
dû se désengager assez brutalement de nombreux secteurs
d'intervention, brouillant ainsi le paysage : de très étatique,
normé et ordonné, le sous secteur de la Formation Agricole et
Rurale a vu très rapidement de nombreux opérateurs prendre la
place laissée vacante, dans une relative cacophonie.
L'idée générale est donc d'apporter un
peu plus de cohésion et de cohérence dans le dispositif global
sénégalais, pour mieux rationaliser ; la contrainte principale
est d'y parvenir en fédérant tous les acteurs autour d'objectifs
communs d'amélioration de l'offre de services, par la persuasion
plutôt que par la contrainte, car l'Etat n'a plus les moyens aujourd'hui
de faire respecter « à la baguette » la réglementation
qu'il pourrait être enclin à mettre en place, d'autant plus que la
décentralisation est passée par là, officialisant le
transfert de nombreux domaines de compétences aux collectivités
territoriales, dont notamment l'éducation et la formation
professionnelle.
Et il y a une certaine urgence !
De très majoritairement rurale, la
société sénégalaise est passée en quelques
décennies à une urbanisation exacerbée, largement
alimentée par l'exode rural et l'attrait de l'activité
économique foisonnante de la capitale Dakar. Depuis 2004 en effet, la
population urbaine représente
désormais 51 % de la population totale, et cette
proportion va encore croître. Cependant, à la différence de
pays comme la France, qui a aussi connu ce basculement rural-urbain, le
Sénégal ne peut compter sur un secteur secondaire
développé et en expansion pour absorber les flux de main d'oeuvre
issus de l'exode rural.
L'activité économique, qui se situe massivement
dans « l'informel » (à plus de 90%), n'offre aucune garantie
aux plus exposés, c'est à dire à ceux qui n'ont que leur
seule force de travail pour faire vivre leur famille ; les
diplômés, y compris du Supérieur, ne sont guère
logés à meilleure enseigne étant donné
l'étroitesse du marché de l'emploi relatif au secteur formel (le
seul qui permette de valoriser un niveau de formation certifié).
Il n'est pas aisé dans ces conditions de se construire un
avenir, ni même de l'imaginer.
On en mesure mieux aujourd'hui la conséquence la plus
visible et la plus médiatisée ; il s'agit du
phénomène des « pirogues-people », né
immédiatement après les évènements tragiques qui se
sont produits dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en 2005, et
dont l'ampleur n'a fait que révéler crûment une
émigration moins visible mais croissante jusqu'à cette date. Ce
phénomène, qui révèle l'état de
désespérance des jeunes, prêts à affronter la
mort1 pour une hypothétique clandestinité dans des
pays qu'ils ne connaissent le plus souvent que par la télévision,
semble vouloir être combattu par les plus hautes autorités de
l'Etat depuis mi 2006.
Celles-ci misent beaucoup sur un plan de retour vers
l'agriculture, destiné aux clandestins rapatriés au
Sénégal, mais aussi à tous ceux qui sont tentés par
l'émigration. Toutefois, au vu des conditions de vie peu enviables du
paysannat, les jeunes ont largement fait savoir que leurs ambitions
étaient toutes autres.
Quel rapport avec la mise en place d'un cadre de pilotage, pour
la formation agricole et rurale, dans la région du fleuve
Sénégal ?
L'idée est simple : faire en sorte que la prise en
charge de ces questions puisse se faire à un niveau de proximité
raisonnable, dans le droit fil de la décentralisation. Que les habitants
d'une région puissent s'adresser à leurs représentants, et
leur demander des comptes le cas échéant, lorsque la situation ne
leur paraît pas satisfaisante, plutôt que de s'en remettre à
un Etat central qui a déjà fort à faire ailleurs.
La stratégie nationale de formation agricole et rurale
ne trouvera une traduction concrète sur le terrain que si les
intéressés prennent en charge leur devenir ; pour cela, des
cadres de concertation sont indispensables pour que chaque catégorie de
bénéficiaires puisse faire entendre son point de vue, pour que le
débat soit public, et pour que les décisions prises,
éventuellement, le soient en toute transparence et avec l'assentiment du
plus grand nombre.
1 Le slogan de la jeunesse sénégalaise
est édifiant : « Barça ou Barsa » (en Wolof :
Barcelone, ou la mort)
I- PREMIERE PARTIE - LE CONTEXTE
I-1. CONTEXTE DE L'AGRICULTURE
I-1.1. L'IMPORTANCE DU SECTEUR AGRICOLE AU
SÉNÉGAL
I-1. 1. 1. Les missions assignées à
l'agriculture
Bien que comptant parmi les plus urbanisés d'Afrique de
l'ouest, le Sénégal est toujours, en 2007, un pays
majoritairement rural ; dans un pays dont la capacité d'absorption de
main d'oeuvre du secteur secondaire est très faible et en stagnation,
l'agriculture représente un atout économique, au moins potentiel,
qu'il importe de ne pas négliger.
En 2004, un diagnostic du secteur2 a
été réalisé par Pierre DEBOUVRY, à la
demande du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole du ministère
sénégalais de l'agriculture. (étude disponible sur le
site d'Agropolis, ou sur celui du BFPA).
Partant des missions généralement
assignées au secteur agricole, il s'est livré à un travail
approfondi de collecte et d'analyse des données disponibles au niveau
d'un Etat, pour mettre en perspective l'évolution des performances du
secteur agricole, à l'aune des projections démographiques pour
les vingt prochaines années.
Ces missions, parfois contradictoires puisque les
priorités seront différentes selon les acteurs en
présence, peuvent être résumées au nombre de cinq
:
Nourrir la population,
Fournir des ressources en devises,
Permettre à ses acteurs de vivre de leur travail dans des
conditions décentes, Gérer l'exploitation durable des ressources
naturelles,
Générer des emplois (pour les pays dont la
capacité d'absorption de main d'oeuvre du secteur secondaire est
faible).
I-1.1.1.1 Nourrir la population.
Depuis 1990, les principales productions agricoles ont
tendance à stagner : arachide, maïs, mil et sorgho, tandis que sur
la même période, la population est passée de 7.6 à
plus de dix millions d'habitants en 2005. Les importations de
céréales (riz et blé) ont pratiquement
décuplé sur la période 1960-2003, passant de 90 000 tonnes
à 870 000 tonnes en volume annuel, pendant que la population totale
triplait (cf. graphes en annexe).
Ces importations ne sont donc pas proportionnelles à
l'évolution démographique, et traduisent à la fois une
évolution des habitudes alimentaires et une dégradation de la
productivité ; ainsi il n'est pas exagéré d'affirmer que
dans un contexte d'urbanisation rapide, le secteur agricole n'est plus capable
d'alimenter correctement les populations des centres urbains, obligeant l'Etat
à mobiliser une part croissante de ses devises pour importer des
aliments.
I-1.1.1.2 Fournir des ressources en devises
Les ressources du secteur primaire exportées sont peu
nombreuses, il s'agit essentiellement, et dans un ordre décroissant, de
l'arachide, des produits halieutiques et du coton. Pour ce dernier,
2 « Développement du capital humain du secteur
agricole - Programme d'appui aux services agricoles et aux organisations
paysannes (PSAOP-BFPA) Mission d'appui à la mise en place d'un
groupe de nationaux chargé de l'élaboration d'une «
Stratégie nationale de Formation agricole»
la production n'a connu qu'une hausse de 10% depuis 1993, pour
se situer à environ 55 000 tonnes. La situation est tendue du fait
notamment du très haut niveau de subventions pratiqué, entre
autres, par les Etats-Unis. Après une période de forte
croissance, la production halieutique connaît aujourd'hui au mieux une
stagnation, du fait d'une pression excessive sur la ressource. Enfin,
l'arachide est une filière en crise, structurellement, en raison d'une
désaffection importante des consommateurs mondiaux, qui lui
préfèrent d'autres huiles d'origine végétale. D'un
million de tonnes au début des années 60 jusqu'au milieu des
années 90, la production est tombée à moins de 400 000
tonnes au début des années 2000.
En partie du fait de la mondialisation des échanges
commerciaux, qui induit une concurrence souvent inégale avec les
agricultures subventionnées des pays développés,
l'agriculture sénégalaise assume à l'évidence de
moins en moins cette mission qui, faut-il le rappeler, fut la première
assignée d'abord par le colonisateur, puis par le jeune Etat
indépendant.
I-1.1.1.3 Permettre à ses acteurs de vivre de leur
travail dans des conditions décentes
En raison de la dégradation de la fertilité des
sols, du morcellement croissant des unités de production transmises
à chaque génération, et de l'absence d'investissements
structurels dans les exploitations agricoles (insécurité du
capital foncier), la situation devient critique. Les dernières
études conduites3 montrent que la pauvreté se
concentre en milieu rural (pour 75% de l'ensemble) et rend
particulièrement fragile cette population déjà très
dépendantes des aléas climatiques. Dans de très nombreux
cas, les revenus monétaires tirés de l'agriculture sont loin
d'atteindre deux euros par jour (en moyenne annuelle) : le métier
d'agriculteur ou d'éleveur repousse aujourd'hui plus qu'il n'attire.
I-1.1.1.4 Gérer l'exploitation durable des
ressources naturelles
La population continue d'augmenter en zones rurales, ce qui
accentue les prélèvements sur les ressources naturelles (parcours
de bétail, sols, ressources halieutiques, déforestation), qui ne
disposent plus du temps nécessaire à leur
régénération naturelle. Les jachères ont quasiment
disparu, les sols du bassin arachidier sont en partie victime de
remontées salines, tout comme les terres situées de part et
d'autre de la route nationale Saint Louis - Matam dans la Vallée du
Fleuve Sénégal sans compter l'érosion, les pirogues
rentrent au port de moins en moins pleines et les conflits liés à
l'usage du foncier entre agriculteurs et éleveurs deviennent
récurrents.
On le voit, la dégradation des ressources naturelles,
engendrée par la surexploitation, est bien réelle. Si l'on y
prend garde, l'abandon de l'activité agricole, déjà en
cours dans certaines régions, va prendre de l'ampleur, sans que
n'existent des solutions palliatives pour fournir une activité
économique à leurs habitants. A terme, sans changement des modes
de gestion, c'est bien l'ensemble des capacités productives du secteur
qui est durablement menacé.
I-1.1.1.5 Générer des emplois
Les jeunes générations, qui accèdent plus
facilement qu'avant à l'école, ne veulent plus travailler dans
les mêmes conditions que leurs parents. Les mentalités
évoluent également à la campagne, et il est de plus en
plus difficile pour un jeune qui a accès à la
télévision, d'accepter d'attendre un âge mûr (autour
de 40 ans) pour se voir enfin libre de décider de ses décisions ;
les anciens ont en effet toujours la haute main sur le foncier, qu'il s'agisse
de la ressource productive ou de la caution qu'elle peut représenter
pour accéder au financement de certains investissements productifs.
Dans cette optique, l'école est perçue comme le
moyen privilégié d'échapper à la condition «
ancestrale » du paysan ; de plus, l'absence d'enseignement des sciences du
vivant (tout au moins une initiation) au cycle Primaire ne milite pas en faveur
d'une connaissance plus objective du métier de leurs parents.
3 dans le cadre du Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté (DSRP)
Si l'on ajoute à tout ce qui précède un
développement plus que timide des métiers d'amont et d'aval de la
production, l'on ne s'étonnera guère de l'accentuation de l'exode
rural vers les villes et de l'émigration vers les pays du nord.
Déjà aujourd'hui, certaines petites régions naturelles
sont en proie à un déficit de main d'oeuvre4 au moment
des pointes de travaux agricoles.
En guise de conclusion pour ce chapitre, nous sommes
contraints de reconnaître que le secteur agricole et rural assume de plus
en plus difficilement les principales missions qui lui sont dévolues.
I-1. 1.2. La régression de l'agriculture
sénégalaise : essai d'explication
La reconversion impérative du commerce au milieu du
19ème siècle, suite à l'abolition de l'esclavage, profite
à la même période de la croissance de la demande
européenne en oléagineux (huile de table, savon de Marseille,
tourteaux et lubrifiants) : l'exploration à l'intérieur des
terres remplace la politique des comptoirs côtiers, et les axes de
pénétration, créés et sécurisés par
Faidherbe, vont se révéler de formidables voies de communication
qui vont transformer le commerce et assurer la propagation de l'arachide ; le
développement de la monoculture arachidière devient le pivot de
l'économie coloniale d'abord, puis de l'économie rurale du
Sénégal après son indépendance.
De là, naît l'extrême dépendance du
Sénégal à l'arachide, culture de rente essentiellement
destinée à l'exportation, dont la structure et l'évolution
du marché échappent à la compréhension des paysans
sénégalais.
Depuis l'Indépendance, la politique agricole
sénégalaise a presque toujours privilégié la
mission « fournir des devises » aux autres missions ; l'encadrement
assuré par les techniciens des services de l'Etat avait pour unique but
d'accroître la production d'arachide et de coton, et les engrais
distribués par les sociétés régionales
(étatiques) de développement agricole n'étaient pas
prévus pour les cultures vivrières. Sans le claironner sur les
toits, le paysan répartissait lui même les fertilisants sur ses
différentes spéculations, provoquant involontairement un
prélèvement net de la fertilité sur ses parcelles
d'arachide : lorsque la production nationale se situe durablement autour du
million de tonnes, ce prélèvement net est lourd de
conséquences pour l'avenir.
Dans ce contexte d'une agriculture très
administrée, où les consignes du niveau central étaient
traduites sur le terrain par des bataillons d'encadreurs et de techniciens en
itinéraires techniques standardisés, que les paysans n'avaient
plus qu'à appliquer, la formation professionnelle des agriculteurs et
à fortiori des éleveurs pouvait paraître largement
superflue !
C'est ainsi que, sans autre formation professionnelle que les
connaissances et savoirs-faire transmis de génération en
génération, analphabètes dans leur immense
majorité, tenus éloignés des canaux d'information et des
circuits situés en aval de la production, les producteurs
sénégalais se sont retrouvés fort dépourvus
lorsque la crise fût venue, pour paraphraser Jean de la
Fontaine...
Une crise qui frappera à deux reprises (sans compter
les sécheresses successives) : d'abord avec l'ajustement structurel
imposé par les institutions financières internationales de
Brettons Wood, puis avec la crise de l'arachide dont la demande
européenne se raréfie.
En effet, si, à l'avènement de la
République et de l'autonomie interne, en 1958, le Sénégal
se tourne brièvement vers des options socialistes (c'est la
période des coopératives et de l'animation rurale), dès
1964 le virage vers des politiques productivistes est pris. Nous le
résumerons à travers l'importance accordée aux transferts
de technologies, à l'encadrement des producteurs agricoles et
l'administration des populations rurales.
4 des villages entiers sont peuplés uniquement
de personnes âgées en saison sèche.
Il s'agit plus en réalité d'un modèle
d'économie administrée que d'une véritable
libéralisation de l'économie. C'est la période de gloire
des Offices nationaux et des Sociétés Régionales de
Développement Agricole (contrôlés par l'Etat), mais aussi
des écoles de formation agricole qui tournent à plein
régime pour fournir les bataillons nécessaires à
l'encadrement des producteurs, sans se soucier de leur devenir, puisque leur
intégration au sein de la Fonction Publique est automatique.
Tout ce dispositif finira par coûter trop cher aux
finances publiques et, les comptes de la nation se dégradant, conduira
en 1979 aux portes de l'ajustement structurel qui, de l'avis de nombreux
observateurs, n'est toujours pas terminé aujourd'hui. Pour le secteur
agricole, cet ajustement conduira à l'élaboration du
Programme d'Ajustement Structurel du Secteur Agricole
(PASA), qui consistera essentiellement à supprimer les
Offices et sociétés de développement étatiques,
sans vraiment proposer d'alternatives : du jour au lendemain, les paysans se
retrouvent sans interlocuteurs ni techniciens, et éprouvent les plus
grandes difficultés à s'approvisionner en intrants. Le
Programme d'Investissement pour le Secteur Agricole
en sera la suite logique, tardive car le mal est fait, mais surtout sa
traduction opérationnelle sur le terrain mettra des années
à se mettre en place (les premiers programmes et ou projets viennent
seulement de s'achever en 2005).
L'évaluation du Programme National de
Vulgarisation Agricole (1990 - 1995) n'est guère
réjouissante : elle pointe du doigt i)une approche thématique ne
tenant pas compte des préoccupations des producteurs dans le cadre de
leurs systèmes de production, ii) un faible taux de couverture
malgré un dispositif lourd et iii) la faible implication des
Organisations de Producteurs dans la définition des programmes.
En 1995, la Lettre de Politique de
Développement Agricole se veut un cadre pour asseoir de
nouvelles orientations en vue de corriger les dysfonctionnements
constatés dans les précédentes politiques, de saisir les
opportunités offertes par le changement de parité du FCFA
(dévaluation de 100% en 1993) et d'impulser une dynamique de croissance
dans le secteur agricole. Elle redéfinit les missions de services
publics du Ministère de l'Agriculture en distinguant celles qui sont
régulièrement dévolues à l'Etat, telles que la
définition des politiques et stratégies agricoles au niveau
national et leur traduction au niveau régional, la recherche agricole,
la vulgarisation et la formation de base, la police et le contrôle pour
l'application des lois et règlements ou encore la collecte et la
diffusion de l'information (statistiques) et enfin les actions
préventives et curatives face aux risques majeurs et aux
calamités naturelles.
Toutes les autres missions sont transférées aux
acteurs non étatiques du monde rural : l'animation et la structuration
du monde rural, l'assistance technique et la diffusion des technologies et la
participation des plus démunis ( jeunes, femmes et petits producteurs
)
En 1999, la Lettre de Politique de
Développement Institutionnel du secteur agricole vient
confirmer les orientations fixées par la LPDA, en affirmant que la
politique de l'Etat privilégiera trois axes :
· renforcer la capacité des organisations
paysannes pour qu'elles soient en mesure de jouer un rôle effectif dans
la concertation avec les autres acteurs du monde rural en vue de la prise en
charge des activités de développement.
· promouvoir un secteur privé agricole
renforcé,
· renforcer les capacités des services
étatiques recentrés sur leurs missions de services publics,
et améliorer leur efficacité en les rendant
comptables de résultats devant les utilisateurs.
Elle reconnaît que les Organisations de
Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le
processus de décentralisation habilite progressivement les
collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs
ressources et leur développement économique et
social.
Cette LPDI constitue l'annexe principale de l'accord de
crédit signé avec la Banque Mondiale pour le financement du
Programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs
(PSAOP, dont la seconde phase a démarré en 2007). Elle constitue
aujourd'hui le « socle politique » sur lequel s'appuient tous les
acteurs en ce sens qu'elle reconnaît le rôle dominant de
l'agriculture paysanne multi fonctionnelle à travers des exploitations
familiales polyvalentes. Elle aborde et officialise également, et c'est
une première, la modernisation irréversible des systèmes
de production, et la nécessité de rendre durables les
systèmes de production en tenant compte de la préservation des
ressources naturelles.
Le programme PSAOP concrétise ces orientations, à
travers ses diverses composantes :
· mise en place d'un fonds national de la recherche
agronomique et agro alimentaire, ou encore d'un conseil agricole et rural, tous
deux régis par la demande ;
· ligne « petits projets », gérée
par les organisations de producteurs ;
· appui à la déconcentration des services du
ministère de l'agriculture.
Extrait du site du gouvernement
sénégalais
Lettre de politique du développement institutionnel
du secteur agricole
Les données sur l'agriculture
sénégalaise révèlent plusieurs
caractéristiques du système de production agricole du
Sénégal : i) Les exploitations agricoles sont de type familial;
ii) Elles se regroupent au sein des terroirs villageois où elles
s'imbriquent les unes aux autres et leurs tailles sont réduites.Les
résultats actuels des politiques agricoles et le poids des contraintes
incitent à prévoir que le mode d'organisation dominant de la
production agricole, au sens large, sera à l'horizon 2010, l'agriculture
paysanne multifonctionnelle à travers des exploitations familiales
polyvalentes malgré une diminution de leur poids relatif dans la
population active.
Ces exploitations familiales seront polyvalentes du fait
non seulement de la pratique d'activités agricole, d'élevage et
de sylviculture mais également parce qu'elles développeront de
nouvelles activités et de nouveaux métiers liés à
la transformation , ce qui permet tout en incorporant davantage de valeur
ajoutée, de répondre à des demandes croissantes des
consommateurs. La modernisation irréversible des systèmes de
production, à travers les changements fondamentaux qu'induira la
nouvelle politique d'appui au développement rural du PSAOP devra
permettre d'atteindre des niveaux et des coûts de production :
- qui assurent la rentabilité économique des
activités et qui permettent de gagner des parts de marché
intérieur et extérieur
- capables de rendre durables les systèmes de
production et qui tiennent compte de la préservation des ressources
naturelles
A côté de ce type d'organisation, se
développera une agriculture de type entrepreneurial dont la synergie
avec l'agriculture paysanne sera développée. Toutefois, les
producteurs constituent, aujourd'hui et demain encore plus, le coeur du
dispositif du développement de l'agriculture, le choix de
l'activité agricole et des objectifs de production leur reviennent
librement. La stratégie de développement agricole retenue par
l'Etat en rapport avec ses partenaires dans le cadre du Document d'Orientation
Stratégique et les réformes institutionnelles qui l'accompagnent
doivent permettre au producteur en tant qu'individu ou organisation de
s'épanouir dans un cadre institutionnel et de politique
amélioré lui permettant de bénéficier:
1- d'un meilleur accès au marché
(systèmes d'information, infrastructures, stockage, transport
etc..)
2-d'un cadre réglementaire et législatif
favorisant des interventions dans la transparence et dans la
compétitivité ainsi que la sécurisation des
investissements
3-de services en conseil et recherche agricole et rural
capables de répondre à sa demande
4-d'un renforcement de ses capacités du point de vue
technique et commercial
5-de cadres de concertation et de négociation lui
permettant d'asseoir un partenariat avec l'ensemble des acteurs 6-d'une plus
grande transparence de ses structures de représentation
La mise en oeuvre de cette stratégie agricole
et de ce cadre institutionnel permet de projeter sur dix ans la vision
ci-après:
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-Des organisations de producteurs au niveau
local, régional et national dotées d'une gestion transparente et
efficace capables: i) de fournir ou de faire fournir effectivement des services
à leurs membres pour leur permettre d'améliorer leur
productivité et augmenter leur production ii) d'exprimer et de soutenir
leurs options et opinions en terme technique par rapport à la
génération et au transfert de technologies iii) de prendre en
charge le financement des activités de recherche et de conseil agricole
et rural grâce, entre autres, aux ressources captées par les
interprofessions tirées des prélèvements actuels sur la
production agricole.
-Des interprofessions jouant pleinement leurs
rôles dans l'assainissement et la gestion des filières
agricoles
-Des services de conseil agricole
répondant aux besoins des producteurs et devant lesquels ils sont
comptables . Les décisions concernant les programmes
de conseil agricole et rural seraient prises par les organisations de
producteurs auxquelles incomberait une part substantielle du coût des
services .
-Au niveau local, les activités recherche
développement et de conseil agricole et rural seraient
identifiées et programmées conjointement avec les organisations
de producteurs et assujetties à des dispositions contractuelles entre
les organisations de producteurs d'une part, et les services de recherche et de
conseil agricole et rural d'autre part.
-Une recherche agricole et agro-alimentaire dont les
concepts sont repensés et reconsidérés pour
répondre de façon rationnelle aux demandes exprimées par
les producteurs. Elle va accompagner les stratégies que ces derniers ont
développées, se tourner davantage vers l'analyse des dynamiques
économiques au niveau national et régional, se rapprocher des
grands projets de développement de l'Etat et procéder à
une analyse minutieuse des filières de produits agricoles depuis la
production jusqu'à la consommation en passant par la transformation et
la commercialisation. Elle sera mise en oeuvre par des ressources humaines
compétentes, productives, réactives et motivées.
Le financement des activités de recherches
agricoles et agro-alimentaires se fera essentiellement à travers une
structure autre que celle qui mène les opérations de recherche.
Ainsi un Fonds National pour la Recherche Agricole et Agro- alimentaire va
être mis en place pour le financement des activités de recherche .
Sa gestion sera indépendante de celle des Instituts de recherche. Les
décisions relatives aux affectations de ressources pour la recherche
seront prises par un comité scientifique et technique composé de
personnalités scientifiques nommées intuiti-personnae et un
comité de gestion dont les membres comprendront des utilisateurs des
résultats de la recherche. Ce fonds constitue une étape
essentielle vers l'édification du système national de recherche
agricole et agro-alimentaire.
-Des Ministères qui assureront la définition
et le contrôle des politiques avec les opérateurs/partenaires du
secteur, dans le cadre d'une administration déconcentrée et
décentralisée. Cette fonction visera essentiellement à
renforcer l'équité dans l'accès aux ressources au niveau
national, la valorisation des avantages comparatifs de l'agriculture
sénégalaise dans le contexte régional et international et
la gestion du patrimoine environnemental.
-Un cadre réglementaire amélioré et des
investissements publics structurants qui permettront l'accroissement,
l'efficience et la sécurisation des investissements privés dans
le secteur agricole.
La politique de développement institutionnelle sera
axée sur la mise en place d'institutions de développent agricole
et rural capables de promouvoir cette vision.
http://www.gouv.sn/politiques/lpdia3.html
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La Stratégie Nationale de Formation Agricole et
Rurale (SNFAR)
A la même époque, une réflexion
engagée en 1998 va aboutir à la validation en juin 1999, lors
d'un atelier national réunissant 120 acteurs de la formation agricole et
rurale, d'un document de référence intitulé : «
Former les acteurs d'une nouvelle économie agricole et rurale -
Orientations et stratégies de formation à l'horizon 2015
».
Cet exercice a été suivi et encouragé
par les différents ministères concernés jusqu'à la
concrétisation de ce document, qui sert aujourd'hui de
référence. Son contenu est organisé autour d'une triple
analyse historique, diagnostique, et prospective, qui propose le choix de la
modernisation de l'agriculture paysanne face à la tentation d'une
agriculture sans paysan. Ce choix permet d'esquisser un ensemble
cohérent de politiques inclusives en faveur d'un développement
agricole et rural durable. A partir des constats mis en évidence, le
document pose la problématique en ces termes :
« La Formation Agricole et Rurale doit avoir pour
priorité la modernisation de l'agriculture familiale, l'émergence
d'une véritable économie rurale et leur intégration dans
une économie nationale et internationale ouverte. Elle doit appuyer
aussi le développement d'une agriculture intensive à base de
capitaux. »
Quatre grandes orientations et les stratégies
d'intervention ont été définies à partir
de ces nouvelles missions et priorités :
Généraliser en milieu rural l'éducation de
base et assurer à tous les ruraux l'accès à
l'alphabétisation.
Répondre aux besoins de formation professionnelle des
ruraux dans tous les domaines.
Renforcer, adapter et mieux articuler les formations secondaires
et supérieures entre elles et avec celles destinées aux
ruraux.
Réguler l'ensemble des institutions publiques et
privées de formation agricole et rurale
Nous terminerons logiquement ce tour d'horizon des politiques
agricoles par la Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP),
promulguée le 4 juin 2004, dont l'esprit a
été guidé par les documents de politique qui l'ont
précédé. Cette loi d'orientation, aux ambitions
très vastes, a le principal mérite d'inclure dans la
législation du Sénégal des notions fondamentales telles
que la nécessité d'accompagner le développement de
l'exploitation familiale, la nécessaire reconnaissance des
métiers de l'agriculture, ainsi que le statut des Organisations
Professionnelles, désormais habilitées de par la Loi à
prendre part à la définition, à la mise en oeuvre et au
contrôle des politiques agricoles.
Dans son article 62, la LOASP stipule que « L'Etat
définit et met en oeuvre, en partenariat avec l'ensemble des acteurs du
développement agro-sylvo-pastoral, une Stratégie Nationale de
Formation Agro-Sylvo-Pastorale (SNFASP). .../... l'Etat crée, dans un
délai de dix ans, des structures de formation aux métiers de
l'agriculture dans chaque département ».
L'article 63 consacre le droit à la formation initiale
et continue, désormais reconnu aux personnes exerçant les
métiers de l'agriculture et à tous les acteurs ruraux. « Ils
bénéficient à ce titre d'une formation
générale, technique et professionnelle dans les métiers de
l'agriculture, de la sylviculture et de l'élevage, qui est
dispensée par des institutions publiques ou privées
agréées. Cette formation est soutenue par l'Etat ».
Dans un soucis d'exhaustivité, nous signalerons
également les lois de décentralisation de 1
9965, transférant aux collectivités locales neuf
domaines de compétence ; la Loi n° 96-07, dans son Titre second,
liste ainsi les responsabilités de la Région, de la Commune, et
de la Communauté Rurale pour chacun des quatre volets suivants :
l'éducation, l'alphabétisation, la promotion des langues
nationales et la formation professionnelle.
Si les orientations reflétées par
l'évolution des politiques agricoles vont dans le même sens, ce
qui est plutôt encourageant, il n'en reste pas moins que le
décalage est profond avec la réalité quotidienne
vécue par les « producteurs » et les autres ruraux.
Les intentions sont certes louables et l'Etat, sous la
pression des autres acteurs (notamment les Organisations Professionnelles et
les Partenaires au développement), a admis qu'il ne peut plus être
le seul maître à bord ; au quotidien, subsistent cependant des
velléités de toute puissance héritées d'un long
passé d'administration de l'agriculture, mais subsistent surtout des
lacunes dans la gestion des filières (quasi absence d'interprofessions),
ou même dans la réorganisation des circuits d'approvisionnement en
intrants et de collectes des produits.
5 Loi n° 96-06 du 22 mars 1996, portant Code des
Collectivités locales, et Loi 96-07 du 22/03/1996, portant transfert de
compétences aux régions, aux communes et aux communautés
rurales.
Là ou l'Etat a dû se désengager, dans des
secteurs éminemment stratégiques tels que les semences, la mise
à disposition d'engrais au bon moment, le secteur privé peine
à s'implanter : il semble plus exact d'affirmer qu'il n'en manifeste pas
l'envie, du fait de conditions assez peu favorables (atomisation de la demande,
besoins formulés au dernier moment en raison de trésoreries
fragiles, concurrence de produits subventionnés par l'Etat
épisodiquement, par exemple dans le cadre de programmes spéciaux
de relance d'une culture).
Enfin, dans les domaines de la formation et du conseil
agricole, l'expression de la demande est encore largement conditionnée
par l'offre de services, souvent plus proche de l'organisme financeur que le
demandeur lui-même. Même dans les cas où les producteurs,
via leurs organisations représentatives, sont réellement les
commanditaires des actions de renforcement de capacités qu'ils
sollicitent, l'expérience montre que l'absence de dispositif devant
accompagner une réelle construction de la demande de services n'a pas
permis de faire en sorte que les actions déroulées
s'écartent des sentiers battus6 :
aux femmes les thèmes récurrents de fabrication de
savon ou de teinture et tricot ; aux hommes, l'embouche bovine, quelque soit la
région considérée.
I-1.2. L'AGRICULTURE DANS LA VALLÉE DU FLEUVE
SENEGAL
I-1.2.1 L'utopie séculaire d'un potentiel
stratégique7
Les premières expériences de colonisation
agraire par des français de la métropole remontent à 1816,
quelques mois après que se soit échouée la frégate
La Méduse au sud de la côte mauritanienne, dont le radeau sera
immortalisé par Théodore Géricault en 1819.
La volonté de mettre en oeuvre cette colonisation
agricole reposait sur une représentation idyllique du potentiel
démographique et des potentialités des zones riveraines du fleuve
sur plusieurs centaines de kilomètres, jusqu'à Bakel. L'objectif
était double pour le colonisateur : approvisionner la métropole
en produits exotiques appréciés (café, indigo, coton), et
assurer une dépendance croissante et irréversible des populations
indigènes.
Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial
consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer
exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur
interdisait également de transformer sur place leurs produits
agricoles).
Cependant, les ambitions seront très vite revues
à la baisse : en effet, les troubles interethniques, les
négociants qui s'opposent au système de monopole, et
l'adversité Maure et Bambara auront finalement raison de l'implantation
des colons ;
Entre temps, l'épisode du baron Roger, sorte de
gentleman farmer nommé gouverneur de Saint-Louis en 1822, se terminera
par un fiasco agricole et économique : malgré un coûteux
système incitatif de primes à la plantation (indigo et coton),
les recettes d'exportation de ces produits ne couvriront qu'un huitième
des dépenses consenties par la métropole, déclenchant des
inspections qui concluront que les conditions particulières du «
Sénégal » (sols, climat, facteur humain) sont peu
compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de favoriser
à nouveau et au plus tôt le commerce, moins risqué.
Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette
longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas
le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante
6 Source : Rapport d'achèvement de la
première phase du programme PSAOP
7 Ce chapitre s'inspire d'une série de
recueil de fiches de lecture de P. Debouvry, dont notamment : « Du
commerce illicite au commerce licite : abolition de l'esclavage et de la traite
négrière », et « La saga des Bordelais, ou
l'émergence de l'arachide sénégalaise ». (disponible
chez leur auteur)
années suivantes. « il annonçait, contre
toute logique, la série des futurs projets de mise en valeur
fondés sur l'imposition autoritaire de structures et de formes
d'exploitation de l'espace, en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux
et d'expertise, sans soucis des us et coutumes des populations locales
».
Dès 1850 pourtant, une approche plus inductive,
à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor fulgurant de
l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en
sécurisant son environnement et son écoulement ; la pistache de
terre, originaire du Brésil correspondait à une nouvelle demande
européenne (huile de table, savon) et sa production
(expérimentale au départ, par des maisons de négoce
bordelaises) allait passer de 1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870,
pour atteindre un million de tonnes en 1970. Ainsi naîtra le bassin
arachidier, caractérisé par sa monoculture, au centre du
pays...bien loin de la Vallée du Fleuve Sénégal qui
restera à l'écart de cette dynamique.
I-1.2.2 La mise en valeur du Fleuve
Sénégal
La bande la plus septentrionale du Sénégal est
caractérisée par un écosystème sahélien,
à la frontière du Sahara dont seul le fleuve
Sénégal la sépare par endroit. Les conditions de survie y
sont naturellement rudes pour l'homme, les plantes et les animaux, et le milieu
se prête peu au développement d'une agriculture pluviale intensive
et performante.
La pluviométrie se situe de nos jours aux environs de
250 mm par an, avec de fortes variations inter-annuelles, et la carte ci dessus
indique un glissement marqué des isohyètes vers le sud. Dans un
tel environnement, le fleuve proche est synonyme de vie, et d'un
développement potentiel ...pour peu que son cours soit
maîtrisé.
Depuis sa source située dans le massif du Fouta-Djalon
en Guinée, le fleuve Sénégal coule vers le nord sur 1700
km, et traverse des contrées de plus en plus arides. De tout temps, la
crue du fleuve a été essentielle à la mise en culture des
deux rives, d'autant plus que les pluies se raréfiaient. Cette crue
annuelle apparaît en fin de saison des pluies et permet l'exploitation de
la moyenne vallée, plaine alluviale cultivée en saison
sèche après le retrait des eaux. Un système de production
millénaire s'est ainsi construit dans le temps, jouant de la
complémentarité des
cultures et parcours de décrue dans le Walo (basses
terres), qui succédaient aux cultures et pâturages sous pluie du
Diéri, non inondables (hautes terres).
Selon une étude de l'IRD pour l'Organisation de Mise
en valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en 1999, sur la période
1946-1971, 65 000 hectares étaient cultivés côté
Sénégal, alors que les surfaces inondées étaient
estimées à 312 000 ha des deux côtés du fleuve (pour
108 000 ha cultivés). L'OMVS, organisation sous-régionale, est
née par la volonté de ses trois Etats membres : le Mali, la
Mauritanie et le Sénégal, à la suite des
sécheresses de 1972 et 1984 ; cette coopération devait permettre
à l'avenir, en gérant mieux le débit du fleuve, de
développer une irrigation maîtrisée et de produire de
l'électricité.
Photos satellite (source : Google Earth)
(Bassin versant du fleuve Sénégal)
C'est ainsi que deux barrages ont été construits
dans la seconde partie des années 80 :
- en aval, près de l'embouchure et de Saint-Louis, pour
empêcher l'eau de mer de remonter vers le fleuve en saison sèche
;
- en amont, le barrage de Manantali au Mali, qui sert de
réservoir pour réguler le niveau du fleuve et produire
l'électricité.
Pour Adrian Adams, « .../...Les projets de mise en
valeur du fleuve, fondés depuis l'époque coloniale sur la
riziculture irriguée, n'ont jamais tenu compte de ce système de
production millénaire. A partir des années 1960,
les pluies et la crue ont fortement diminué,
disparu même certaines années. Pour l'élevage comme pour
l'agriculture, la sécheresse allait simplifier les choses, en permettant
aux « développeurs » de faire comme si les systèmes de
production traditionnels de la Vallée appartenaient désormais au
passé ; l'avenir, c'était l'agriculture irriguée. Avec
l'adhésion du Sénégal au programme de l'OMVS, la politique
de la table rase devenait irrévocable ; les barrages projetés ne
supprimeraient pas la pluie, mais ils permettraient de supprimer en grande
partie la crue » 8.
Déjà dans les années 1960, l'ambition de
l'Etat de faire de cette région un grenier à riz (après le
coton et l'indigo) s'était traduite par d'importants investissements
consentis pour l'aménagement de périmètres
irrigués, par le truchement de la société
d'aménagement et d'exploitation des terres du delta (SAED) ; ces
périmètres sont gérés sous une forme collective,
par des unions hydrauliques qui négocient chacune des centaines de
millions de FCFA de prêts annuels avec la Caisse National de
Crédit Agricole
Source : « diagnostic agro-économique de la
communauté rurale de Ronkh, delta du fleuve Sénégal »
- Mémoire (réalisé en 2004) de cycle ESAT / CNEARC
Montpellier, par DIARRA Ibrahima Fanan et HAMIDOU Nouhou
L'installation d'agro-industries pour rentabiliser en partie
les investissements hydro-agricoles est une autre spécificité de
la région : la plus ancienne est la Compagnie Sucrière du
Sénégal (canne à sucre), qui exploite 12 000 hectares et
emploie 8000 salarié-e-s. On y trouve également la
Société de Conserverie Alimentaire du Sénégal
(SOCAS), qui produit du concentré de tomate à partir de cultures
de plein champ conduites par les paysans, sous forme contractuelle ; la tomate
est cultivée à la suite du riz, sur les mêmes
périmètres, ce qui rend très interdépendantes ces
deux spéculations.
8 Source :
http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf.
L'auteur, Adrian Adams vit depuis vingt ans au Sénégal et
travaille avec une association paysanne de la Vallée. Dans son dernier
livre «A claim to land by the river : a household in Senegal
1720-1994» elle décrit comment les organisations paysannes ont
lutté pendant 20 ans pour défendre leur vision du
développement, centré sur les populations locales, en contraste
avec les objectifs de développement des organisations gouvernementales
responsables des projets d'irrigation dans la Vallée
Tout dernièrement, les Grands Domaines du
Sénégal (Fruitière de Marseille) se sont installés
dans le delta, pour y développer des cultures maraîchères
d'exportation ; exploitant déjà près de 300 hectares, dont
plus de 70 sous serres, cette entreprise verse chaque mois une masse salariale
importante (les GDS emploient jusqu'à 3500 saisonniers, et ce n'est
qu'un début).
Malgré tout, les résultats n'ont jamais
été à la hauteur des investissements colossaux consentis ;
alors qu'il était prévu de mettre en valeur rien de moins que 400
000 hectares de cultures irriguées (blé et riz), soit quatorze
fois plus qu'avant, les surfaces cultivées sont aujourd'hui de l'ordre
du dixième de cet objectif. Actuellement, la situation se
présente comme suit :
Potentiel irrigable : 240 000 hectares
(le bassin du fleuve Sénégal couvre 289 000
km2)
Superficies aménagées : 94 000 hectares
Superficies exploitables : 64 000 hectares ( où la
maîtrise de l'eau est encore possible)
Surfaces cultivées : 35 à 40 000 hectares (tous
systèmes confondus)
Production de riz : 85 000 tonnes (début 60),
jusqu'à 200 000 T (2002-2004)
On notera pour l'anecdote que l'objectif fixé l'an
passé est de doubler cette production d'ici à trois ans
(seulement) pour satisfaire la demande nationale, qui a obligé le pays
à importer chaque année (en moyenne sur la période 2000 -
2003) 630 000 tonnes de riz, et 240 000 tonnes de blé...
En définitive, le delta a
bénéficié de l'implantation des périmètres
irrigués, mais l'irrigation par motopompes grève les prix de
revient et hypothèque la rentabilité du riz
sénégalais, tandis qu'en la privant des crues du fleuve, la
vallée a perdu le double intérêt des cultures de
décrue, minimisant les risques9, et plus rentables et
productives à surfaces égales. Cette réduction des risques
n'est pas un mince avantage, car, du fait de nombreux aléas y compris
climatiques, et de l'importance des charges d'exploitation, la zone du delta
connaît une situation récurrente de cumul d'arriérés
de remboursement auprès du Crédit Agricole.
I-2. LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE AU
SÉNÉGAL
I-2.1. QUELS DISPOSITIFS ?
Assez naturellement, c'est vers la puissance colonisatrice
que le Sénégal s'est tourné pour s'inspirer d'un
modèle de formation professionnelle agricole. Il existe aujourd'hui
plusieurs dispositifs, publics et privés, et leur relative
spécialisation constitue une particularité : même s'ils
s'en défendent, les établissements qui forment les futurs
techniciens rechignent à former les futurs agriculteurs, comme l'atteste
l'unicité du programme dispensé.
Pour l'essentiel, la formation des producteurs agricoles a en
réalité été le fait de la vulgarisation et de
l'encadrement technique, les agents techniciens de l'Etat ayant pour
principale, voire unique mission, de s'assurer de la bonne application des
recommandations techniques et de « paquets technologiques »
recommandés par la Recherche et imposés aux agriculteurs.
Cependant, plusieurs tentatives pour implanter des systèmes de formation
agricole, formelle et non formelle, ont vu le jour, toujours à titre
plus ou moins expérimental. Nous dressons ci- dessous un rapide portrait
d'ensemble des écoles et centres de formation agricole et rurale, tous
niveaux de formation confondus (Cf. tableau page suivante : source BFPA)
I.2. 1. 1- Formation de techniciens et encadreurs
La formation des techniciens a toujours relevé
exclusivement du dispositif de formation public. A notre connaissance, la plus
ancienne école date de 1938 : il s'agissait alors d'un centre de
formation d'aides-vaccinateurs ; celui-ci a évolué au fil du
temps pour devenir d'abord l'Ecole
9 d'après les travaux réalisés
de 1987 à 1990 par l'Institute for Development Anthropology, basé
aux Etats-Unis.
des Agents Techniques d'Agriculture10, puis en 1990,
le Centre National de Formation des Techniciens d'Elevage et des Industries
Animales. (CNFT.EIA)
La seconde à voir le jour sera l'école
d'horticulture de Dakar en 1962, destinée à former les ouvriers
de la Direction des Parcs et Jardins publics de Dakar ; basée dans la
banlieue de Dakar, elle existe toujours sous le nom de Centre de Formation
Professionnelle Horticole de Cambérène, et délivre un CAP
et un Brevet de Technicien Horticole.
Au cours des années 60 et 70, d'autres écoles de
techniciens ont été créées, en nombre très
limité cependant ; citons pour information :
· L'école des agents techniques d'agriculture,
située à Ziguinchor, en Casamance (aujourd'hui CNFT Agriculture
et Génie Rural) ;
· L'école des agents techniques des eaux et
Forêts (Ziguinchor également)
· L'Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey
(Ingénieurs des Techniques Agricoles) ;
· L'Institut National des Sciences Agronomiques, de
Thiès, au milieu es années 80, devenu par la suite ENSA
(Ingénieurs Agronomes), avant de fusionner avec l'ENCR au sein d'une
U.F.R (Sciences Agronomiques et Développement Rural) de
l'université de Thiès ;
· Et plus récemment, les Lycées
d'Enseignement Technique Agricole de Bignona (2002) et de Thiès
(rentrée 2007), sous tutelle du Ministère de l'Education alors
que toutes les autres écoles de niveau technicien relèvent depuis
1998 de Départements ministériels sectoriels.
Une particularité mérite d'être
soulignée à ce stade : tous ces centres revêtent un
caractère monopolistique, en ce sens qu'ils constituent des cas uniques,
chacun dans leur spécialité ou domaine de formation.
Ajoutons également que, jusqu'à la
décision prise au début es années 90 de mettre un terme au
recrutement automatique dans la Fonction Publique des sortants de ces
écoles, toutes formaient uniquement des
élèves-fonctionnaires, ainsi qu'un nombre variable mais non
négligeable de jeunes ressortissants de pays d'Afrique de l'Ouest et du
Centre.
« Par définition » pourrait-on dire, aucun
producteur au sens « commun » ne pouvait y accéder, même
s'il convient de remarquer que depuis 1992, quelques techniciens formés
et non fonctionnarisés se sont malgré tout installés comme
exploitants agricoles. Cette réalité est cependant marginale et
ne concerne que quelques individus, souvent pluri-actifs ; du reste, aucun
décompte n'est disponible.
I.2. 1.2- La formation professionnelle des producteurs
Nous aborderons successivement ces deux pendants, que sont
l'offre de formation initiale, et l'offre de formation continue.
I.2.1.2.1- L'offre de formation initiale (non
diplômante, en totalité)
A quelques rares exceptions près11,
celle-ci est l'apanage (relatif) d'un dispositif de formation public, dont les
premiers centres ont été créés à la suite de
l'école d'horticulture de Cambérène déjà
citée, au tout début des années 60.
10 On remarquera que cette appellation renvoie
à un grade de la Fonction Publique, plus qu'à un
diplôme.
11 Voir panorama de l'offre de formation agricole et
rurale (page suivante)
Il s'agit d'un dispositif (national) de modeste ampleur, qui
compte six Centres d'Initiation Horticole (CIH) aux configurations très
proches (3 formateurs en moyenne), répartis dans la moitié des
onze régions administratives que compte aujourd'hui le
Sénégal. (Dakar, Thiès, Saint- Louis, Diourbel, Kaolack et
Ziguinchor).
La nouvelle école d'horticulture de
Cambérène, et ses premiers produits formés, ont
constitué une opportunité pour doter en personnels formateurs les
CIH, qui furent imaginés par la tutelle de l'époque
(Ministère de la Promotion Humaine) comme une réponse à la
difficulté d'insertion des jeunes ruraux quittant précocement le
système scolaire (écueil du concours d'accès en
6ème). Il s'agissait donc de leur proposer d'acquérir une
capacité technique en maraîchage, aviculture, petit élevage
et en apiculture, dix mois durant.
Cette formation devait théoriquement permettre
à ces jeunes ruraux (de 16 à 24 ans) de retourner dans
l'exploitation familiale, pour y mettre en pratique les techniques «
modernes » apprises au centre et ainsi contribuer à la
modernisation progressive de ces exploitations, en améliorant la
productivité (jugée trop faible) et les techniques de production
(jugées archaïques) d'un paysannat généreusement
qualifié de traditionnel par les techniciens de l'Etat.
De 1965 à la fin des années 90, moins de 20
jeunes (âgés de 14 à 24 ans) ont été
formés annuellement dans chaque CIH, dont un cinquième environ a
pu poursuivre une formation diplômante (CAP) au Centre de Formation
Professionnelle de Cambérène.
Depuis qu'il a été mis fin au système
d'aides scolaires, au bénéfice des apprenants, les centres
peinent de plus en plus à recruter : certains ont mis un terme à
ce cycle standardisé, d'une durée de 9 mois et non
diplômant, depuis 1999, faute de candidats tandis que d'autres ont
abandonné les tests de sélection à l'entrée et
malgré cela doivent se contenter de promotions aux effectifs
réduits (de l'ordre de la douzaine). Une réflexion est en cours
avec la profession agricole, à l'initiative de la tutelle, pour adapter
le dispositif en place à la demande réelle, et lui permettre de
recouvrer une utilité sociale qu'il semble bien avoir perdu.
En parallèle du dispositif ci-dessus, peu attractif,
des initiatives éparses, localisées et non reliées entre
elles existent ou ont existé ; citons rapidement :
L'ONG CARITAS, dont l'installation
fait suite à la sécheresse des années 70. Elle a construit
plusieurs Centres de Formation Agricole, destinés à faciliter
l'insertion des jeunes ruraux en leur délivrant une formation à
temps plein (non diplômante mais gratuite) durant deux années, en
alternant théorie et pratique sur l'exploitation agricole
pédagogique du centre. Actuellement, seuls deux CFA perpétuent
cette formation, après avoir connu récemment plusieurs
années blanches en raison d'un désintérêt croissant
des jeunes ciblés12.
Un dispositif Maisons Familiales
Rurales, construit sur le modèle et avec l'aide de son
homologue français : une trentaine de MFR, certaines âgées
de près de 30 ans. A l'heure actuelle, la plupart sont en état de
léthargie, et toutes ont cessé depuis plusieurs années
d'offrir une formation de longue durée spécifiquement
destinée aux jeunes, leurs actions relevant davantage de
l'accompagnement des ruraux en activité.
12 Voir à ce sujet notre dossier
réalisé dans le cadre du module Systémique : «
étude comparée de deux centres de formation agricole de la
région de Kaolack » :
http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/Travaux_Boisseval_Faye_Malon.pdf
(*) : présent dans la vallée du fleuve
Sénégal
Des initiatives relevant du secteur
confessionnel (catholique), toutes isolées et sans
formalisation ; il s'agit d'apprendre à quelques jeunes les rudiments
pratiques de l'agriculture et de l'élevage, quelques mois durant ; il
est très difficile de trouver des données précises sur
l'encadrement en place, les effectifs ou les programmes éventuels
On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il
n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des
jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la
marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui.
Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne
d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent
principalement ou accessoirement des activités agricoles et
d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de
formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni
aujourd'hui, ni même hier !
Selon les données du Recensement National Agricole de
1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au Sénégal ;
or, sur la base d'un renouvellement générationnel tous les 30
ans, nous en déduisons approximativement que ce sont environ 15 000
exploitations familiales qui changent de main annuellement.
Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions
que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ;
vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de
pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation
proposée.
Ainsi, de ce postulat découle l'idée
simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs,
à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour
progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines
de qualité.
Avec le recul, on le sait désormais, c'était
aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de
l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses
nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le
bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant,
cette logique correspondait à tout point de vue à celle des
tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation
Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi
des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y
reviendrons).
Dans les programmes de ces formations, le focus est mis
systématiquement sur la création d'un nouveau profil de
professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement mis en place
n'essaie de comprendre comment les paysans environnants pratiquent, ni quelles
sont les raisons qui les poussent à pratiquer de la sorte.
C'est en quelque sorte sur une négation
délibérée de la réalité quotidienne
environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de
formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les
produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité
technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur
retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation.
La distance certaine entre l'institution Education Nationale
et les problématiques de développement rural explique sans doute
en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien
d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi
séculaires d'un paysannat massivement analphabète.
Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas
tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs
programmes) a été largement inspirée par le modèle
de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a
participé directement à les façonner,
soit par des partenariats directs avec des lycées
agricoles, soit par le détachement d'enseignants français en
position de coopérants techniques.
Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de
technologies, comme réponse unique et irrécusable aux
problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas
facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur
terroir.
La tentative d'implantation à l'identique du
système des Maisons Familiales Rurales Françaises
s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette fois
à construire à partir de l'existant, pour l'améliorer, la
formation initiale en alternance sur le modèle français atteindra
vite ses limites (en raison principalement de son coût, mais pas
uniquement) avant d'être purement et simplement abandonnée.)
Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ;
c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du
dispositif MFR français, qui l'a répercuté au
Comité mixte Franco- Sénégalais pour le
développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre
2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur
général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère
français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.
I.2.1.2.2- L'offre de formation professionnelle continue
(professionnels en activité)
Cette offre est éminemment plurielle, mais au final
très peu diversifiée. Le secteur public est moins présent
que dans le domaine de la formation initiale : seuls subsistent aujourd'hui
deux Centres de Promotion Agricole, en quasi cessation d'activité.
Mis en place durant la période du Programme Agricole,
caractérisée par un fort interventionnisme de l'Etat dans les
années 70 (intrants, commercialisation, équipements et
subventions, encadrement) grâce à l'appui technique et financier
du Bureau International du Travail (BIT), ce dispositif qui comprenait
également des centres de formation d'artisans ruraux a vécu sous
perfusion, de façon relativement artificielle : les adultes en formation
étaient obligatoirement de jeunes couples, et la bourse accordée,
à laquelle s'ajoutait le fruit de leur travail pratique sur
l'exploitation « moderne » du centre de formation durant toute une
année, étaient censés leur permettre de s'installer
ensuite à leur compte, avec un capital de départ.
Mis à part ce cas anecdotique et peu reproductible en
l'absence de bailleurs de fonds, l'ensemble de la formation continue
proposée aux producteurs en activité est le fait d'ONG, de
consultants individuels et bureaux d'études, et de quelques (mais rares)
fédérations d'Organisations Professionnelles. Elle est de
très courte durée (un jour à une semaine) et revêt
un caractère très ponctuel, du fait de l'incertitude liée
aux canaux de financement, largement exogènes au milieu rural.
Autrement dit, l'élaboration rationnelle d'un plan de
formation se heurte en général (pour sa mise en oeuvre) à
la rareté ou l'imprévisibilité des bailleurs de fonds
intéressés. (les possibilités de contribution
pécuniaire des bénéficiaires directs permettant rarement
de dépasser 10 à 20 % du budget nécessaire).
Enfin, et bien que ce secteur de la formation fasse l'objet
d'une forte marchandisation, en raison de la forte compétition des
acteurs en présence sur l'offre, la qualité ne semble pas au
rendez-vous tant l'impact global apparaît manquer de
visibilité.
En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer
que la plupart de ces établissements de formation professionnelle
s'adressent principalement voire exclusivement, au
marché du travail... salarié (pour la formation
initiale), ou à un public considéré comme captif car peu
solvable par lui-même (formation continue).
Or, le secteur agricole, et plus largement rural, se situe
très majoritairement dans le secteur informel, lequel valorise
plutôt mal le diplôme acquis. Pire, l'emploi dans le secteur
agricole est en réalité de l'auto emploi, dans plus de 90% des
cas, et la prise en compte du profil de chef d'entreprise (ou chef
d'exploitation) est totalement absente des référentiels et
programmes de formation en vigueur.
Il y a là matière à réflexion, au
niveau de la définition des politiques éducatives nationales,
d'autant plus que les singularités évoquées ci dessus pour
caractériser le secteur rural se trouvent être les mêmes
dans les secteurs secondaires et tertiaires (rappelons à nouveau les
données issues de l'étude de Pierre Debouvry d'octobre 2004,
basée sur les données officielles au plan macroéconomique,
qui font état d'un secteur formel national ne représentant que 8%
de l'emploi et auto-emploi, secteurs public et privé confondus).
I-3. contexte de la formation agricole et rurale dans
la vallée (page suivante)
I-3.1. LES SYSTEMES D'ACTEURS A L'OEUVRE
SOCAS
CSS (canne
I-3. 1. 1. Représentation graphique des acteurs en
présence (et proximité)
(tomate) à sucre) GDS
(Horti
Secteur agrobusiness
Inspectio n d'Académie
Communes Régions Communautés
C olleités ttor
(4)
Rurales
Eaux & Forêts
Education
Inspections
Nationale
départementales
Bureau x d'é td
Agence régionale de développement
Programme National de développement local (PNDL)
Bureaux d'études
ON G
Services déconcentrés des
ministères techniques du développement
Services rural vétérinaires
CFPEF S
ONG
Dir. rég. du dév. rural
CNCAS (crédit agricole)
FPA
C
(dir. rég. de l') agence nationale de conseil
agricole et rural
CFA CIH CPFP
BFPA
Office National de Financement de la
Formation Professionnelle
ONFP
ASESCA
Organisations Professionnelles (OP)
& Associations
FEPRODE S
... /
Cadre Local de Concertation
Cadre Régional de Concertation des Ruraux
Légende : Membres du RESOF
I-3. CONTEXTE DE LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS
LA VALLÉE
I-3. 1.2. Systèmes et acteurs en présence
(et proximité)
Le schéma qui précède tente de faire
ressortir les quatre catégories d'acteurs suivantes :
· Les collectivités locales, de la communauté
rurale à la région ;
· Les organisations professionnelles agricoles et rurales
:
· L'Etat et ses démembrements ;
· Le secteur privé (agrobusiness, mais aussi
prestataires de services)
Malgré quelques contraintes techniques de
réalisation, ce schéma permet de faire apparaître les
points suivants :
· En règle générale, les centres de
formation ont peu de relations avec les collectivités locales ;
· Le dispositif « éducation nationale »
n'entretient pas de relations avec les autres acteurs, exceptés avec les
élus locaux par l'entremise, principalement, de l'inspection
d'académie.
· Les trois entreprises d'agrobusiness ne constituent pas
à proprement parler un système, mais représentent des
apports monétaires très conséquents dans l'économie
régionale.
· Les autres services déconcentrés de l'Etat
sont plutôt proches des organisations professionnelles, qu'ils
accompagnent désormais après les avoir longtemps
encadrés.
· Les membres du réseau formation fleuve (RESOF)
se comptent très majoritairement du côté des centres de
formation professionnelle publics et privés et des prestataires de
services, et du côté des OPA.
Toutes les structures représentées
relèvent de tutelles multiples, ce qui constitue un obstacle
(administratif) supplémentaire pour le développement de synergies
ou la circulation et l'échange d'informations :
· Ministère de l'Intérieur13, pour
les collectivités territoriales ;
· Ministères de l'éducation, et
ministère de l'enseignement technique et de la formation professionnelle
;
· Ministère de l'agriculture,
représenté sur le terrain par ses directions régionales du
développement rural, les centres d'initiation horticole et les centres
polyvalents de formation des producteurs (trices), mais aussi l'ANCAR et la
SAED ;
· Ministère de l'élevage, dont
dépendent les inspections régionales des services
vétérinaires, et le centre national de formation des techniciens
de l'élevage et des industries animales.
· Ministère de la promotion de la femme
· Ministère de l'environnement
· Ministère de l'emploi, tutelle des
associations, des OP et des ONG.
· .../...
Soulignons également que la vallée du fleuve
Sénégal est davantage une région agro écologique
qu'une entité autonome : elle recouvre en tout ou partie quatre
régions administratives14 et plus d'une dizaine de
départements ; dans chacune de ces quatre collectivités
territoriales se retrouvent les différents démembrements de
l'Etat et, pour certains, leurs antennes départementales.
Ajoutons enfin l'échelon collectivité
territoriale de base qu'est la communauté rurale (une
trentaine en moyenne par région administrative), qui gère un
patrimoine foncier souvent important et bénéficie des services de
l'agence régionale de développement, au même titre que la
région.
13 Puis ministère de la
décentralisation, depuis 2006.
14 Saint-Louis, Louga, Matam et le département
de Bakel dans la région de Tambacounda.
Toutes les communautés rurales disposent de plans de
formation, élaborés dans le cadre de leurs Plans locaux de
développement, et bien sûr, nombre d'élus sont par ailleurs
des responsables d'organisations professionnelles agricoles.
Cette multiplicité d'acteurs et de centres de
décision, du niveau local au niveau régional et dans un
même contexte agro climatique et écologique, milite pour un
pilotage partagé, afin de pouvoir influer, réguler l'offre de
services des prestataires de Formation Agricole et Rurale.
I-3.2. LE RÉSEAU FORMATION FLEUVE (RESOF)
I-3.2.1. La naissance du RESOF
La dynamique qui a porté en 1999 la Stratégie
Nationale de F.A.R sur les fonds baptismaux s'est heurtée à un
défi gigantesque pour appliquer au niveau opérationnel les
principes et orientations retenus : tout ou presque était à
faire, depuis l'alphabétisation de tous les ruraux jusqu'à la
réforme de l'enseignement supérieur !
L'urgence de l'action, amplement démontrée par
les constats d'alors, a sans doute contribué (selon notre perception)
à brouiller les cartes de « l'opérationnel », en
regroupant des objectifs parfois contradictoires au sein des programmes
d'action. Ainsi, le document « Bilan et perspectives de la phase 1999-2002
» du programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du
monde rural au Sénégal15 présente t-il le
troisième chantier financé comme suit : « étude
de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage
des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs
».
S'appuyant sur l'une des stratégies d'intervention
recommandée par la SNFAR, il y est question de mettre en réseau
au sein d'une même région les compétences dispersées
dans les diverses structures publiques et privées (centres de formation,
de recherche, bureaux d'études et ONG, sociétés de
développement). Cette réorganisation sur une base territoriale
était dictée par le soucis i) d'articuler l'offre à la
spécificité de la demande locale, ii) d'exploiter le potentiel
dispersé de l'offre de formation, et iii) de responsabiliser les
élus, les OP et les opérateurs privés dans le pilotage et
le financement de la formation agricole et rurale.
Des économies d'échelle importantes en
étaient attendues, à travers une réponse concertée
et efficace à la demande de formation. Ce document-bilan rappelle qu'en
Casamance, l'initiative a été prise par le Conseil
Régional qui a mis sur pied un comité régional de
planification stratégique de la FAR, regroupant les principales
Organisations Professionnelles et les établissements publics et
privés de formation.
A Saint-Louis, ce sont les structures de formation qui ont
conduit la concertation ayant abouti à la mise sur pied d'un
réseau regroupant OP, écoles, ONG et services d'appui. Une des
premières tâches du RESOF a été de s'atteler
à l'élaboration d'un répertoire des compétences
disponibles au sein de la trentaine d'organisations membres. Cette prise de
responsabilité laisse à penser que cette catégorie
d'acteurs était inquiète, à la suite de la mise en
évidence de ses lacunes importantes (diagnostic de la SNFAR), et qu'il
était stratégique pour elle de piloter ce processus de
réseautage pour ne pas être mise à l'écart par la
suite.
Chronologiquement, l'aboutissement de la SNFAR et le
programme d'appui à la formation agricole et rurale évoqué
plus haut se situent au même moment : ce dernier est en effet le cadre
d'application de l'accord de coopération signé en juin 1999 entre
la Suisse et le Sénégal. C'est donc bien dans le cadre du
troisième chantier de ce programme d'appui que sont créées
les conditions qui amèneront à la création du RESOF, le 21
juin 2000.
15 Conçu et financé par le Bureau
d'Appui à la coopération sénégalo-suisse, unique
soutien financier du RESOF.
I-3.2.2. Evolution du RESOF
Nous relevons dans le rapport d'activité de la
coopération suisse de décembre 2000 les constats suivants (points
104 à 107 du rapport) :
· Une méconnaissance, par la majorité des
partenaires potentiels du pôle (élus locaux, OP, privés)
de la stratégie nationale qui sous-tend la création de
pôles régionaux de formation.
· Des acteurs locaux qui peinent à clarifier le
rôle du pôle et à aller au delà de la seule mise en
place d'un cadre organisationnel.
· La prégnance des écoles et centres de
formation dans la dynamique nouvelle, avec « le risque de limiter le
pôle à une simple expression de l'offre de formation ».
Cette absence de vision partagée par tous les acteurs est
pointée comme une faiblesse majeure, de nature à provoquer
l'enlisement de la démarche.
Du côté des élus locaux, il faut bien
comprendre que les nouvelles responsabilités à assumer sont
très larges ; depuis les lois de décentralisation de 1996, les
collectivités locales se sont vues transférer neuf domaines de
compétences or, elles n'ont pas les moyens de leur politique. Elles
bénéficient d'une dotation globale de l'Etat central
sous-évaluée, et peinent à récupérer les
impôts et taxes locales.
Dans ce contexte, on peut comprendre la prudence des
collectivités locales à s'engager, et leur réticence
à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences. D'autre
part, au plan des logiques institutionnelles, leurs nouvelles
responsabilités en matière d'éducation et de formation
professionnelle les ont peut être porté à croire que le
sous secteur des formations agricoles et rurales, éclaté entre de
multiples tutelles, était marginal dans le dispositif éducatif
global. Il s'y ajoute le fait, comme cela nous fut rappelé à
plusieurs reprises, que l'agriculture ne figurait pas au nombre des
compétences nouvelles transférées.
Vingt mois plus tard, en janvier 2002, le rapport annuel du
RESOF présente dans son préambule le « pôle »
comme suit : « un cadre de concertation, de réflexion et
d'échanges entre ses membres et avec l'extérieur, dans le domaine
de la FAR ».
L'évolution semble notable, et notoirement
éloignée de l'idée originelle de pôle
régional de formation, si tant est qu'un pôle de formation a
vocation à faire de la formation (cf. notre précédent
parallèle avec un réseau de professionnels de santé).
Les objectifs déclinés dans ce même
document le confirment : il s'agit désormais de faciliter la
réflexion collective sur des thèmes fédérateurs et
les échanges de pratiques, de diffuser les expériences, de
faciliter la mobilisation des ressources et de contribuer à
l'élaboration de la politique régionale de FAR.
Un dernier objectif (en réalité, le premier de
la liste) a trait à la promotion de la qualité dans la conception
et la réalisation des programmes de formation.
Ceci est du reste confirmé dans le projet de programme
de mise en oeuvre du pilotage régional de la FAR. Ce document,
proposé par le Secrétariat du RESOF en mai 2006, réaffirme
son ambition « de faire une place primordiale à la
régulation participative de la FAR dans la mise en oeuvre
de la Stratégie Nationale dans la Vallée du Fleuve
Sénégal ».
Le démarrage du RESOF fut laborieux ; d'abord
assurée par la structure hébergeante16 au cours des
neuf premiers mois, son animation sera confiée en mars 2001 à
l'assistant des programmes de formation du CIFA, qui deviendra ainsi
l'animateur principal du RESOF. Au nombre de ses
16 En l'occurrence le Centre Interprofessionnel de
Formation aux métiers de l'Agriculture (CIFA), situé à
Ndiaye, à 30 km de Saint-Louis.
missions, figurent (déjà) la re-dynamisation du
réseau et la mobilisation des acteurs majeurs présents dans son
environnement.
D'ailleurs, si à la naissance du RESOF en juin 2000,
quinze organisations ont payé la cotisation annuelle (5 000 Francs CFA,
soit moins de huit Euros), elles ne sont plus que trois l'année
suivante, dont la structure hébergeante. (malgré
l'adhésion de deux nouveaux opérateurs privés en 2001).
Lors de la dernière Assemblée
Générale du 29 décembre 2005, le décompte des
membres ressort à 46 organisations. Celles-ci se répartissent
à peu près équitablement sur les deux catégories de
l'offre et de la demande.
Cette longue introduction, relative aux finalités du
réseau, tente de montrer que chacun des acteurs pressentis à
l'origine pour participer à cette dynamique de rupture avec le
passé est venu avec en perspective sa propre stratégie :
· pour les uns, plutôt situés sur la
demande de formation, il s'agissait de contribuer à mettre en place un
instrument destiné à assainir les pratiques dans le secteur, et
à faire évoluer la réponse-formation globale par des
échanges de pratiques et la diffusion d'expériences originales
;
· pour d'autres, les plus nombreux, il s'agissait davantage
de se positionner, en perspective de remplir son carnet de commande ;
· pour les organisations professionnelles et quelques
associations de développement communautaires, le réseau semblait
représenter un espace intéressant pour faire valoir leur point de
vue en tant que demandeurs de formation.
· quelques autres enfin, ont « acheté leur
ticket, pour voir » ; il s'agit essentiellement des services d'appui au
développement rural.
Ces attentes multiples, et l'équilibre qui en est
résulté, ont sensiblement modifié l'idée originelle
de pôle régional de formation jusqu'à sa forme actuelle,
plus proche d'un cadre de concertation, bien que les activités conduites
mêlent encore parfois les deux finalités, apportant à notre
sens parfois de la confusion lorsque le réseau commandite et prend en
charge des actions de renforcement de capacités au
bénéfice d'individus issus de ses organisations membres, ses
situant alors en position de concurrence avec certains de ses membres,
opérateurs, voire financeurs de formation.
I-3.2.3. Fonctionnement et organisation du RESOF
Depuis sa création, le Résof est
hébergé par le Centre Interprofessionnel de Formation aux
métiers de l'Agriculture (CIFA), qui engage sa signature envers les
tiers et gère les actifs du RESOF ; cette relation va donc au
delà du simple hébergement physique d'un réseau
virtuel.
Le C.I.F.A. est un cas unique au Sénégal : il
occupe les locaux de l'ancien centre de formation de l'imposante
société publique d'aménagement des terres du Delta (SAED)
et il est présidé par la profession agricole ; reconnu
d'utilité publique, il reçoit une dotation annuelle de l'Etat
d'environ cinquante millions de F CFA pour remplir des missions de service
public, à la demande de la SAED. Le RESOF est structuré comme
suit :
Une assemblée générale, ou chacune des
organisations membres à jour de sa cotisation dispose d'une voix.
Un Secrétariat technique, composé à
l'origine de deux membres, et élargi par la suite à cinq membres,
afin qu'y soient représentés les trois pools géographiques
du Résof dans la Vallée du fleuve.
Un animateur17, sur un poste à mi-temps pris
en charge par la coopération suisse.
17 Par ailleurs formateur du CIFA
Pool St-Louis
14 membre
Secrétariat du Résof (5 membres)
Pool Delta
Animateur
8
b 23 membres
Pool PMB (Podor- Matam-Bakel)
L'organisation du Réseau en pools a été
décidée pour restaurer un caractère de proximité
à son action, et donc de visibilité, vis à vis de ses
membres répartis tout au long de la Vallée du Fleuve
Sénégal, de la côte Atlantique jusqu'à Bakel
(région administrative de Tambacounda), où le fleuve
pénètre au Sénégal.
Dès 2004 en fait, un atelier de diagnostic18
visant à évaluer les points faibles du mode d'organisation et de
fonctionnement du Résof avait mis en évidence le schéma
relationnel suivant :
Secrétariat
En relation
Absence de relation
Animateur
Pool St Louis
Pool Delta Dagan
Pool
Podor
18 atelier organisé à Louga en avril
2004 par le RESOF, avec l'appui de l'International Institute for Environnement
and Development (IIED)
Cette absence d'échanges directs entre les pools est
révélatrice d'un dysfonctionnement du Résof, ainsi que
nous avons eu à le relever dans le cadre de notre
précédent Mémoire de recherche.19
Dans un tel cas, le réseau multipolaire qui devrait
faciliter la communication horizontale entre tous ses membres paraît
dériver insensiblement vers une coordination centralisée et son
corollaire : la communication verticale et hiérarchisée. Cette
tendance, comme l'explique Guy Le Boterf, apparaît souvent en
réponse à des dysfonctionnements répétés,
souvent causés par la lenteur des processus engagés ou le manque
de coopération de certains acteurs.
La répartition des membres entre les trois pools est
assez irrégulière, mais ce qui paraît être le plus
lourd de menaces pour l'avenir du dispositif réside à notre sens
dans l'ampleur des aires d'intervention ; ainsi, le pool Podor-Matam-Bakel, qui
s'étend sur près de 400 km de long, semble le plus exposé
au risque de non fonctionnalité ; l'étendue de cette zone
paraît battre en brèche l'avantage des pools, dont l'idée
originelle consistait à rapprocher le RESOF de ses membres.
19 X Malon - « le réseau formation fleuve
au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre
de formation agricole et rurale » ; D.U Ingénierie de la Formation
et des Systèmes d'Emploi -01/2007.
I-3.2.4. Les organisations membres du RESOF20
Légende
Pool Saint-Louis
Pool Delta (Dagana)
Pool Podor-Matam-Bakel
Org. Professles & associations : OP, ONG, Asso
Etablissements publics de formation : EPF
Opérateurs privés de formation : Prest
Services d'appui (publics) : SAP
Catégorie
|
STRUCTURES/localisation
|
Pools
|
1 Prest
|
GRAPEF/ Louga
|
Saint-louis
|
2 OP
|
CIFA Centre Interprofessionnel pour la Formation aux
Métiers de
l'Agriculture/Ndiaye
|
Delta
|
3 OP
|
GROPEN : Groupe pour la promotion de l'élevage au
nord/Richard-Toll
|
Delta
|
4 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie
Familiale et Sociale Dagana
|
Delta
|
5 SAP
|
ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
|
Saint-louis
|
6 SAP
|
ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
|
Matam
|
7 Prest
|
CONFORME ; Conseil Formation
|
Saint-louis
|
8 Prest
|
MICRIFINEDABASE : micro finance et gestion de projets
|
Saint-louis
|
9 Prest
|
GRIFEI : Groupe d'Initiative pour la Formation à
l'Entreprenariat et à l'Insertion
|
Saint-louis
|
10 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie
Familiale et Sociale Saint-Louis
|
Saint-louis
|
11 EPF
|
CPFP : Centre Polyvalent de Formation des Producteurs de Ogo
|
Matam
|
12 OP
|
CNCF : Comité Nationale de Concertation de la
Filière Patate Douce / Richard-Toll
|
Delta
|
13
|
GIE Bamtaaré Cali
|
Matam
|
14 EPF
|
CNFTEIA : Centre National de Formation des Techniciens de
l'Elevage et des Industries Animales
|
Saint-louis
|
15 EPF
|
CPP : Centre de Perfectionnement des Pêcheurs de Mbane
|
Delta
|
16
|
RADI : Réseau Africain pour le Développement
Intégré Saint-Louis
|
Saint-louis
|
17 OP
|
FAFD: Fédération des Associations du Fouta pour le
Développement/ Agnam Thiodaye
|
Matam
|
18 OP
|
FEPRODES: Fédération des Groupements et
Associations de Femmes Productrices du Delta du Sénégal
|
Saint-louis
|
19 OP
|
ADENA: Association pour le Développement de Namarel
|
Podor
|
20 OP
|
CORAD: Coopérative Rurale des Agropasteurs pour le
Développement de Ndioum
|
Podor
|
21 OP
|
AFUP: Association des Fédérations et Unions des
Producteurs de Podor
|
Podor
|
22 Asso
|
ARP/TPS: Association pour le Développement du Pulaar
|
Saint-louis
|
23 Prest
|
CEFP: Centre d'Echanges et de Formation Pratique/ Bakel
|
Bakel
|
24 Asso
|
Clubs UNESCO/Kanel
|
Matam
|
25 OP
|
CECAP : Caisse d'Epargne et de Crédit des Artisans/
Ndioum
|
Podor
|
26 EPF
|
CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie
Familiale et Sociale Matam
|
Matam
|
27 OP
|
UJAK: Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé
|
Podor
|
|
20 « pointage » lors de l'assemblée
générale du 29/12/2005
28 OP
|
Maisons Familiales Rurales de Guédé
|
Podor
|
29 Prest
|
CGER: Centre de Gestion et d'Economie Rurale/ Ndiaye
|
Delta
|
30 Prest
|
ASRADEC : Association pour la Recherche et l'Appui au
Développement Communautaire
|
Podor
|
31 Prest
|
AVC Association Vallée Consult/ Gamadji
|
Podor
|
32 Prest
|
Nord Agrivet/ Ndioum
|
Podor
|
33 EPF
|
CIH: Centre d'Initiation Horticole
|
Saint-louis
|
34 Prest
|
EMRG: Entreprise Mamadou Racine Gaye/ Ndioum
|
Podor
|
35 OP
|
ASESCAW: Association Socio-économique et Culturelle des
Agriculteurs du Walo Ross-béthio
|
Delta
|
36 OP
|
ADEBO: Association pour le Développement de
Bombodé/ Ndioum
|
Podor
|
37 OP
|
Association Ndoro fanaye/ Fanaye
|
Podor
|
38 OP
|
GIE JAMM JALLO/ Richar-toll
|
Delta
|
ABSENTS
|
1 Asso
|
ANAFA : Association Nationale pour la Formation des Adultes
|
Saint-louis
|
2 Asso
|
UASE : Union des Associations pour la Sauvegarde de
l'Environnement/Ndiawara
|
Podor
|
3 OP
|
DBAT : Association Dental Bamtaaré Tooro
:Tarédji
|
Podor
|
4 OP
|
FAED: Fédération des Agro éleveurs pour le
Développement
/Nguenar
|
Podor
|
5 Prest
|
CESAO Centre d'études supérieures en Afrique de
l'ouest
|
Kaolack
|
6 SAP
|
SAED Société d'aménagement et
d'exploitation des terres du delta
|
Saint-louis
|
|
7 Prest
|
ID Consulting
|
|
FPGL: Fondation Paul Gerin Lajoie
|
Saint-louis
|
|
I-4. UNE STRATEGIE NATIONALE, POUR DES
REPONSES-FORMATION TERRITORIALISEES
I-4.1. LES ENJEUX
L'agriculture et l'élevage représentent encore
aujourd'hui 10% du P.I.B, et occupent environ 60% de la population active
sénégalaise. Quelle sera leur importance demain, quand les
enfants qui naissent actuellement se présenteront sur le marché
du travail ?
Le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole a
demandé en octobre 2004 à Pierre Debouvry, consultant
indépendant, de réaliser une étude destinée
à mettre en lumière les enjeux auxquels le Sénégal
sera confronté au cours des vingt prochaines
années21. Il s'agissait pour nous de disposer d'arguments
forts pour convaincre les Pouvoirs Publics d'investir massivement dans le sous
secteur de la formation, pour relever ces défis.
La compréhension de cette étude peut se limiter
à la lecture d'une quinzaine de graphiques, proposés en annexe,
qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont basés sur les
données officielles disponibles. Ces enjeux sont quintuples, et peuvent
se décliner comme suit :
Transition démographique
21
http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/debouvry1_far.pdf
Education Pour Tous
Productivité du secteur agricole et
préservation de la fertilité
Insertion socioprofessionnelle des cohortes de jeunes
E migration, exode rural et entretien de l'espace
rural.
Dans ce paragraphe, nous nous appuierons essentiellement sur
ces travaux pour montrer l'ampleur des défis à relever, et pour
lesquels la formation agricole et rurale pourrait être un levier puissant
pour faire évoluer plus favorablement la situation d'ensemble, en
développement les capacités des ressources humaines du secteur
rural, et en permettant à une partie des jeunes ruraux d'être
mieux armés pour s'insérer à la ville.
Résumées très brièvement, les
projections faites à partir des tendances démographiques du
Sénégal révèlent un Sénégal autour de
17 millions d'habitants en 2025 (contre 11 aujourd'hui, et 3 millions en
1960).
Cette prévision est plausible, même si la
fécondité diminue, ne serait-ce qu'en raison du nombre croissant
de femmes en âge de procréer. Elle se traduit par une urbanisation
galopante et l'inversion du ratio urbains/ruraux ; nous allons passer de 1
urbain pour 7.75 ruraux en 1930, à 1 urbain pour 0.8 ruraux en 2025.
Cela pose le problème de la productivité du
travail dans le secteur agricole, et signifie en principe que chaque rural
devrait produire dix fois plus de denrées pour alimenter les villes.
Malgré l'exode rural, la population rurale va encore
continuer d'augmenter, certes plus lentement que la population urbaine, mais la
densité rurale est déjà telle que cela va encore
accroître considérablement la pression sur le foncier : de 40
habitants au km2 en 1960, il est prévu d'atteindre 110
habitants/km2 en 2020.
Cette pression risque de se traduire, en l'état actuel
des choses, par une dégradation continue de la fertilité des sols
et des parcours, et plus largement une dégradation de l'ensemble des
ressources naturelles qui risque de s'accélérer (halieutiques,
forêts, salinisation des sols, appauvrissement de la biodiversité
et disparition des jachères).
Face à ce constat démographique,
l'évolution de la sécurité alimentaire paraît
problématique ; en effet, les productions agricoles, vivrières ou
d'export, progressent peu depuis 40 ans tandis que les importations
céréalières « explosent » ; elles ont
déjà décuplé entre 1960 et 2003, jusqu'à
friser le million de tonnes. On notera d'ailleurs qu'au delà de
l'augmentation de la population, ce décuplement est largement dû
aux transformations des habitudes alimentaires puisque on est passé de
30 kg de céréales importées par habitant ( 1960), à
plus de 90 kg/tête en 2003.
La répartition des emplois et auto emplois au plan
national indique par ailleurs que le secteur formel (public et privé) ne
« pèse » que 8 % du total des actifs, tandis que le secteur
rural massivement situé dans l'« informel » représente
64 % de l'ensemble.
C'est donc pour l'essentiel dans ce secteur
d'activités, qu'on le veuille ou non, que trouveront à
s'insérer chaque année l'essentiel des 360 000 jeunes de la
tranche 15 - 24 ans (effectifs correspondant au 1/10ème de la tranche
15-24 ans).
La combinaison des tendances démographiques, et de la
volonté d'atteindre rapidement l'Education Pour Tous, vont
entraîner un doublement des cohortes à scolariser entre 1990 et
2030, et un triplement des jeunes à insérer sur le marché
du travail pour la même période. Les jeunes qui arrivent en
terminale ne représentent que 7 % des cohortes scolarisées ; ils
constituent donc de fait une élite ; malgré tout, certains
établissements de formation agricole au niveau technicien
espèrent toujours recycler leurs programmes classiques pour permettre
à cette élite de s'installer sur des exploitations agricoles.
Sur cette base, les exclus du système sont les suivants
: accès en Cours d'Initiation : 262 319 (hors redoublement),
accès en CM2 : 126 266 ; accès en 6ème : 64 483 jeunes.
De fait, la très grande majorité des futurs
chefs d'exploitation aura au mieux un niveau voisin du Certificat de Fin
d'Etudes Primaires, et c'est à eux que doit s'adresser prioritairement
le dispositif global de formation, ce qui n'a jamais été fait
auparavant. La majorité de ceux-ci s'insèrent par un processus de
dévolution de l'exploitation paternelle largement enraciné
socialement, à la différence des expériences malheureuses
d'installation de jeunes diplômés bacheliers, transplantés
avec un pécule de départ dans un milieu qu'ils ne connaissent pas
ou dont leur trajectoire scolaire les a coupé.
Au Sénégal, les processus de dévolution
entre les générations, sur la base d'un total de 450 000
exploitations familiales, concernent donc environ 15 000 jeunes (parfois
âgés jusqu'à 45 ans). Une action systématique dans
leur direction ne pourra donc se concevoir sous les formes existantes
actuellement (formation à plein temps, longue et diplômante), dans
la mesure où le total des établissements concernés se
caractérise par des flux annuels de l'ordre de la centaine seulement.
Pour permettre au secteur agricole de mieux assumer les
missions qui lui sont assignées, la formation de masse s'apparente
à une obligation impérieuse pour engendrer un impact significatif
sur la productivité d'ensemble; cette condition n'est toutefois pas
suffisante, car l'amélioration de l'environnement de la production et
des services sociaux en milieu rural conditionnera en grande partie la
motivation des jeunes à s'insérer dans la vie active, en milieu
rural.
C'est bien ce dernier point que mettent en avant, soutenus et
aidés financièrement par leurs familles, les candidats à
l'émigration, qui ne veulent ni du type de travail ni des conditions de
vie qu'ils ont fui en quittant leurs villages. C'est bien la stabilité
politique et la cohésion sociale qui sont en jeu pour les prochaines
années.
I-4.2. UN ACTEUR RECENT MAIS ATTENDU...
...Le Bureau de la formation professionnelle agricole (BFPA)
Pour mieux comprendre les raisons de la création du
Bureau de la Formation Professionnelle Agricole, il faut remonter à la
crise des écoles d'agriculture.
Leurs difficultés sont nées de la crise de
l'économie agricole et des mesures d'ajustement structurel affectant
l'Etat, qui ont eu pour conséquences, outre la réduction des
débouchés des diplômés et du recrutement
d'élèves, la diminution importante des ressources allouées
par l'Etat et le dépérissement des centres de formation.
En 1991, l'arrêt du recrutement automatique des
diplômés dans la fonction publique précipite des tentatives
de réforme : orientation vers les besoins du secteur privé et des
producteurs ruraux, politique de génération de ressources
propres. Ces réformes remettent en cause les missions des écoles,
les contenus et les méthodes de formation et de gestion.
Malgré le soutien très fort de la
coopération suisse, qui a largement contribué à
préserver les écoles d'enseignement agricole et forestier de la
dégradation de la situation économique, celles ci sont
restées en marge de la réflexion sur la réorganisation
globale des services agricoles et le renforcement des capacités des
producteurs ruraux, engagée lors de la conception du Programme des
Services d'Appui aux Organisations de Producteurs (PSAOP).
Tirant les leçons de cet engagement, la
coopération suisse a souhaité repositionner son intervention dans
une logique d'accompagnement pour laisser l'initiative aux acteurs locaux ; du
côté sénégalais la nécessité d'engager
une réflexion de fond sur le système de formation en partant d'
une analyse prospective de la demande était bien perçue. Cette
réflexion, conduite entre janvier 1998 et juillet 1999 s'est
déroulée à deux niveaux :
· dans les écoles d'enseignement agricole,
jusque là uniques bénéficiaires de cette
coopération ;
· à l'échelle nationale, avec l'ensemble
des acteurs concernés par la formation agricole et rurale
(responsables des ministères ayant en charge la
formation agricole et rurale, d'institutions de
formation et d'ONG, opérateurs privés et
dirigeants d'organisations de producteurs).
Au niveau des écoles, l'analyse des performances et la
réflexion prospective menées sans discrimination par tous les
agents et les partenaires directs ont permis de s'interroger sur les causes des
problèmes identifiés et sur l'avenir de ces écoles. Cet
exercice a permis à chaque école d'élaborer son projet
d'établissement22. Il a en même temps montré que
les problèmes de la formation et leurs solutions dépassaient le
cadre des écoles.
Au niveau national, le travail réalisé a permis
d'examiner la question dans toutes ces dimensions et d'impliquer tous les
acteurs dans une réflexion commune. Cette réflexion a
été conduite par un groupe de travail dont les analyses et les
conclusions ont été discutées et amendées lors d'un
séminaire national qui a regroupé cent vingt participants
représentant toutes les catégories d'acteurs du monde rural. (6 /
8 avril 1999 - Dakar). Le document produit23 alors déclinait
les orientations d'une véritable stratégie nationale de formation
agricole et rurale.
L'intégration de cette réflexion dans le
Programme des Services Agricoles et d'appui aux Organisations de Producteurs,
financé par un prêt de la Banque Mondiale, a permis au
Ministère de l'Agriculture de progressivement prendre conscience des
enjeux de la FAR, jusqu'à décider de la création, en mars
2003, du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole.
Directement rattaché au Cabinet du Ministre, ce
service est chargé d'impulser et coordonner la mise en oeuvre de la
Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale (SNFAR),
validée en 1999 et réactualisée en 2005.
Dans ce cadre global, les missions du Bureau sont de deux
natures :
D Il permet aux Pouvoirs Publics, en produisant de
l'information sur le sous-secteur, d'exercer leur rôle de maître
d'ouvrage dans le domaine des formations professionnelles agricoles au plan
national.
D Il assume les responsabilités du Ministère de
l'Agriculture et de l'Hydraulique, qui a sous sa tutelle des structures
publiques qui sont opérateurs de formation.
Le Bureau s'est réellement fait connaître en
commençant à travailler mi 2004 sur le diagnostic du
sous-secteur, plus précisément sur la manière dont
s'élaborent la demande et l'offre de formation rurale à travers
le recueil des points de vue des acteurs en présence. Cet état
des lieux a été complété par une étude,
conduite sous l'angle des projections démographiques, qui fixe sans
équivoque les enjeux et les défis que devra relever le monde
rural d'ici à l'horizon 2025... c'est à dire demain.
La restitution de ces travaux a été à la
base de l'atelier de réactualisation de la Stratégie Nationale de
Formation Agricole et rurale, organisé en janvier 2005 à
l'hôtel Indépendance de Dakar.
Le pilotage et la régulation constituent un axe majeur
d'intervention de la stratégie nationale de formation agricole et rurale
depuis 1999, et le BFPA, soutenu par ses principaux partenaires, en a fait sa
priorité.
En effet, au Sénégal le sous-secteur de la
formation agricole et rurale était jusque là
caractérisé par la pluralité et la diversité des
acteurs, une tutelle dispersée, cloisonnée et peu ouverte sur la
profession, et une absence criarde de références.
Ce constat, sur lequel s'étaient accordés tous les
acteurs, avait abouti à la situation actuelle,
caractérisée par :
· un faible nombre des effectifs touchés,
· un gaspillage du peu de ressources disponibles,
22 Mais leur mise en oeuvre n'a pas suivi...
23 « Former les acteurs d'une nouvelle économie
agricole et rurale orientations et stratégies de formation à
l'horizon 2015 »
· et des offres ne répondant pas, ou à
la marge, à la demande.
L'urgence était ainsi de travailler à une
meilleure implication de tous les acteurs institutionnels et non
institutionnels en leur donnant l'opportunité de sortir de la gestion au
quotidien d'activités routinières, et de produire un cadre de
références.
Malgré la formulation utilisée dans les textes
officiels, le Bureau Formation Professionnelle Agricole reste une structure
très légère qui cherche à travailler en confiance
avec les principaux groupes d'acteurs institutionnels en présence, mieux
positionnés pour la mise en oeuvre effective sur le terrain ; ce
pilotage naissant mobilise aujourd'hui quatre principaux acteurs : les
organisations de producteurs, les collectivités locales, le secteur
privé et l'Etat.
I-4.3. LE CADRE REGLEMENTAIRE
Nous aborderons ici les deux dimensions de ce cadre : une
dimension transversale, cadrée par le processus de mise en oeuvre de la
décentralisation, à laquelle s'ajoute une dimension sectorielle,
prise en charge par le ministère de l'agriculture.
Les deux lois de décentralisation de 199624
transfèrent aux collectivités locales neuf domaines de
compétence ; la Loi n° 96-07, dans son Titre second, liste ainsi
les responsabilités de la Région, de la Commune, et de la
Communauté Rurale pour chacun des quatre volets suivants :
l'éducation, l'alphabétisation, la promotion des langues
nationales et la formation professionnelle.
Même si le transfert de ces nouvelles compétences
ne s'est pas accompagné d'un transfert proportionnel des finances
publiques, loin s'en faut, les collectivités locales sont donc, depuis
une dizaine d'années, devenues un acteur incontournable dès lors
que l'on souhaite faire progresser la question du pilotage de la formation
agricole et rurale.
Sous l'angle sectoriel, nous retiendrons tout d'abord les textes
réglementaires qui régissent les attributions du ministère
de l'agriculture, et du bureau de la formation professionnelle agricole :
· Le décret 2003-717, relatif aux attributions du
ministre de l'Agriculture, stipule que « le ministre est chargé
de la formation et de l'encadrement des agriculteurs.../... il organise le
développement du monde rural... » ;
· L'arrêté n°1371/MAE du 12/03/2003,
portant création du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole :
« le bureau est chargé de la formulation et
de la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle agricole
» (NDR- bien évidemment en rapport avec les autres niveaux, du
fait des politiques i)de recentrage de l'Etat sur ses fonctions dites «
régaliennes » et ii)de décentralisation)
« Sous l'autorité du ministre, il supervise et
coordonne l'ensemble des structures de formation professionnelle agricole. Il
est aussi chargé de la formulation, de la consolidation et de
l'exécution des plans de formation et de perfectionnement pour
l'ensemble du personnel du Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage.
» (article 2)
Nous signalons, pour l'anecdote, l'arrêté
primatorial n°3344/MEN/DC/DAJLD du 15 /03/2000 portant création et
organisation du Comité National de Planification Stratégique de
la Formation Agricole et Rurale.
A cheval sur le transversal, avec une dizaine de
ministères représentés en son sein, et sur le sectoriel,
puisque présidé par le ministre de l'éducation, nous
retenons surtout que cette instance, créée par le gouvernement
(socialiste) d'avant l'alternance dans la foulée de la dynamique qui
accoucha de la stratégie nationale FAR, ne s'est jamais réunie
à ce jour...
Le Bureau de la formation professionnelle agricole travaille
à mettre sur pied un embryon réellement opérationnel de
ce futur comité national de pilotage, qui apporterait une
légitimité transversale dont
24 Loi n° 96-06 du 22 mars 1996, portant Code
des Collectivités locales, et Loi 96-07 du 22/03/1996, portant transfert
de compétences aux régions, aux communes et aux
communautés rurales.
ne peut se prévaloir aujourd'hui le bureau. En
attendant que cette instance nationale soit en place25, ce qui
devrait être le cas avant la fin de l'année 2007, l'action du BFPA
s'inscrit dans le cadre des orientations définies par les documents
suivants :
· La Lettre de Politique de Développement
Institutionnel pour le secteur Agricole
qui acte le recentrage des services de l'Etat sur des
missions de définition et d'orientation des différentes
composantes de politique agricole ; elle reconnaît que les Organisations
de Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le
processus de décentralisation en cours habilite progressivement les
collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs
ressources et leur développement économique et social.
· La Stratégie Nationale de Formation Agricole et
Rurale (SNFAR, 1999)
Les quatre orientations, et les stratégies qui les
sous-tendent, figurent en annexe sous forme graphique. En insistant par
ailleurs sur l'indispensable alphabétisation de tous les ruraux, la
SNFAR recommande de mettre en place, sous forme participative, la
régulation du sous-secteur pour améliorer la qualité
globale des prestations offertes, et réduire le décalage
important constaté entre l'offre et la demande de F.A.R.
· La Loi d'Orientation Agro Sylvo Pastorale (LOASP,
promulguée le 4 juin 2004) qui, dans son Titre IV « Mesures
d'accompagnement » consacre plusieurs articles aux questions d'information
agricole, d'éducation et de formation aux métiers agricoles et
ruraux. L'Etat s'y engage notamment à mettre en oeuvre une
stratégie nationale de formation agro-sylvo-pastorale. Cette loi,
née par la volonté du Chef de l'Etat et à l'issue d'une
très large consultation, est assez consensuelle ; cependant, tous les
acteurs qui ont participé au processus regrettent la lenteur
extrême de sa mise en oeuvre : le premier décret d'application,
portant création d'un conseil supérieur d'orientation
agro-sylvo-pastoral, n'est pas encore paru26.
I-4.4. LES INSTRUMENTS EN PLACE QUI FAVORISENT
L'IMPLICATION DU BFPA
Assez curieusement, le service formation du ministère
de l'agriculture, créé en mai 2003, a dû attendre
l'année 2007 pour émarger au budget national. S'il a pu
néanmoins se faire reconnaître comme acteur institutionnel
crédible, à travers les restitutions des études qu'il a
commandité et/ou auxquelles il a directement participé, puis des
travaux qu'il a conduit en associant les acteurs de plusieurs régions
tests, c'est grâce à la mise en place concomitante de plusieurs
« instruments » par la volonté de trois bailleurs de fonds.
· La coopération française
Dès 2001, un accord tacite est établi entre
celle-ci et l'équipe de la Banque Mondiale qui supervise
l'exécution du programme des Services Agricoles et d'Appui aux
organisations de Producteurs (PSAOP), pour soutenir les efforts de la
coopération suisse qui tente d'aider le dispositif de formation agricole
et rurale à s'adapter aux nouveaux modes d'intervention de l'Etat, et
à la redistribution des cartes entre les différentes
catégories d'acteurs du monde rural.
Un projet de coopération voit le jour en 2003, et la
création d'un bureau des formations rurales au sein du ministère
de l'agriculture et de l'élevage figure au nombre des
conditionnalités imposées par le bailleur de fonds ; le projet de
Promotion d'une Agriculture Compétitive et Durable se propose, entre
autres, d'accompagner le Bureau de la Formation professionnelle Agricole, qui
est chargé de mettre en oeuvre la stratégie nationale de
formation agricole et rurale.
25 Dont le BFPA pourrait assurer le
secrétariat exécutif
26 alors que les premières moutures du
décret ont fait l'objet de réunions de travail au cours du second
semestre 2005.
Actuellement, ce Bureau est chargé de coordonner l'une
des deux composantes du projet, qui a trait au renforcement de capacités
des acteurs du monde rural ; cette composante prévoit un concours
financier sous forme de subvention d'un peu plus de 800 000 euros hors
assistance technique. (notre lettre de mission, qui nous a permis de travailler
sur ces questions au Sénégal, est attachée à ce
projet).
L'appui au fonctionnement du Bureau par lui-même ne
représente que 10% de l'enveloppe de la composante, qui est
consacrée pour l'essentiel à l'appui à la mise en place de
cadres régionaux et national de pilotage, et de réseaux de
formateurs, à l'appui aux projets d'établissement des centres de
formation, à la formation des formateurs ainsi que, notamment, la
formation des responsables des OPA.
Cet appui, qui peut paraître modeste27, a
été décisif pour le démarrage du service qui,
rappelons le, bénéficie pour la première fois en 2007
d'une dotation de fonctionnement de l'Etat sénégalais (de l'ordre
de 10 millions de FCFA, soit environ 15 000 euros). Même si le projet
n'est réellement opérationnel que depuis 2006, en raison d'un
processus de réformes au sein du dispositif français de
coopération, il a constitué une sorte de « caution »
aux yeux des autres partenaires, qui ont accepté de financer depuis fin
2003 les chantiers que souhaitaient ouvrir le jeune Bureau de la formation
professionnelle agricole.
· La coopération suisse, à travers le
Bureau d'Appui à la Coopération Sénégalo-Suisse
Les principales écoles d'enseignement technique
agricole (agriculture et génie rural, élevage, eaux et
forêts), qui ont fourni depuis l'indépendance des cohortes
d'agents techniques aux services de l'Etat, ont été d'abord
soutenu par la coopération française, jusqu'à son retrait
au milieu des années 1970 ; la coopération suisse l'a
aussitôt comblé par des enseignants expatriés, et a
assuré les budgets de fonctionnement et d'investissement de ce
dispositif pendant les vingt années suivantes.
Alors que le secteur du développement rural connaissait
de profondes mutations, imposées par le train des réformes
institutionnelles occasionnées par l'ajustement structurel, la
coopération suisse a fait le constat que ces écoles (du
dispositif public) restaient à l'écart de ces nouvelles
dynamiques, s'éloignant dangereusement de la demande de formation qui
étaient censée justifier leur existence. Le bailleur de fonds
pris alors la décision de « fermer les robinets »
provisoirement, le temps que les acteurs concernés se livrent à
une réflexion approfondie ; celle-ci aboutira plus d'un an après,
en juin 1999, à l'atelier national qui validera la stratégie
nationale de formation agricole et rurale (SNFAR).
La coopération suisse impulsera plusieurs initiatives
en régions, pour tester concrètement la faisabilité des
recommandations de la SNFAR ; des échanges réguliers avec la
coopération française, très intéressée par
les changements de paradigmes qu'instituait la stratégie
nationale28, permettront à ces deux coopérations
bilatérales de s'accorder sur la nécessité de peser en
faveur de la création d'un service formation, comme nouvel acteur
institutionnel capable de porter la mise en oeuvre de cette stratégie
nationale.
Quelques mois après la création du BFPA, et
alors que le projet PACD enregistre un retard important au démarrage,
remettant en cause la première étude que le bureau formation
souhaitait réaliser, le bureau d'appui à la coopération
sénégalo-suisse assumera seul le coût financier de ce
diagnostic qui sera conduit en Casamance et dans le delta du fleuve
Sénégal (durant près de six semaines au total). La
coopération suisse appuie toujours le BFPA, dans le cadre de son
Programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde
rural (2005-2009), en complémentarité avec le projet PACD.
27 mais auquel s'ajoute la prise en charge de deux
assistants techniques français, dont nous-même depuis septembre
2003.
28 que la coopération suisse avait largement
contribué à faire aboutir
· La Banque Mondiale (PSAOP1, PSAOP2, WBI)
En demandant qu'un responsable - formation soit clairement
désigné au sein du ministère de l'agriculture, pour
améliorer la cohérence de la sous composante « renforcement
des capacités » du ministère, la Banque mondiale allait
dès 2001 permettre à un cadre supérieur de s'approprier
cette fonction, avant de participer à la création du Bureau
Formation Professionnelle Agricole et d'en prendre la responsabilité.
Par sa rigueur et la qualité de son travail, ce cadre allait inciter les
autorités sénégalaises et la Banque à financer,
dans le cadre de la première phase du programme des services agricoles
et d'appui aux organisations de producteurs, plusieurs actions
souhaitées par le BFPA, dont l'étude de Pierre DEBOUVRY
déjà évoquée.
Par la suite, l'Institut de formation de la Banque (World
Bank Institute) participera au montage technique et financier de plusieurs
actions de formation de formateurs, dans le prolongement du diagnostic de
l'offre et de la demande de formation agricole et rurale réalisé
en 2004 par le BFPA.
Enfin, la collaboration avec la banque se poursuivra au cours
de l'année 2006 lors de l'instruction de la seconde phase du PSAOP,
puisque le BFPA fera valoir avec succès la nécessité d'une
régulation et d'un pilotage partagé de la F.A.R. au plan
régional : il sera chargé d'aider à la mise en place de
cadres de pilotage et de centres de ressources dans quatre régions
administratives.
PROBLEMATIQUE
L
a commande passée par le Bureau de la formation
professionnelle agricole porte sur « l'appui à la mise en place
d'un cadre de pilotage régional de la formation agricole et rurale dans
la Vallée du fleuve Fruit de la Sénégal
».réflexion conduite en 1998 et 1999, le Bureau de
la formation professionnelle agricole
n'est pourtant qu'un instrument au service de la mise en
oeuvre de la stratégie nationale de FAR ; un instrument important
toutefois, susceptible d'animer le secrétariat permanent du futur
comité national de planification stratégique qui devrait
être fonctionnel dans les prochains mois pour assumer la fonction de
cadre de pilotage national de la FAR.
Pourquoi la nécessité d'un pilotage ?
qu'est-ce qui pose problème ?
Nous avons eu à montrer, dans la première
partie de notre travail, les mutations qu'a subi le secteur agricole et ses
acteurs, ces mutations ayant été provoquées par le
désengagement de l'Etat du secteur productif à la suite des plans
successifs d'ajustement structurel.
Habitués d'une agriculture très
administrée, objet d'une véritable planification par un Etat
central qui les encadrait, les producteurs sénégalais ont
dû s'adapter rapidement, par la force des choses, à un
environnement beaucoup plus incertain : les prix ne sont plus garantis
systématiquement, l'écoulement des récoltes n'est plus
acquis, de même que la possibilité d'accéder, en temps
utile, aux facteurs de production et éventuellement au crédit de
campagne pour les acheter.
L'évolution du « métier » est
considérable : de producteur « simple », les agriculteurs sont
devenus par force de véritables chefs d'exploitation, des chefs
d'entreprise qui doivent désormais se préoccuper de savoir dans
quelles conditions et à qui ils vont pouvoir vendre leur production, en
cherchant à maîtriser leurs prix de revient pour affronter la
concurrence des importations (riz par exemple).
Ces bouleversements, les acteurs « institutionnels »
de la formation agricole et rurale ne les ont découvert que tardivement
; la part du budget de l'Etat dans le fonctionnement des écoles à
vocation diplômante de l'enseignement technique a longtemps
été insignifiante, tant que la coopération
française, puis suisse y était massivement présente, c'est
à dire jusqu'à la fin des années 1990.
Si les débouchés automatiques dans la fonction
publique se sont taris au début de cette même décennie, le
dispositif a continué à s'auto-entretenir.
En matière de formation professionnelle continue, les
centres de formation publics et privés ont souffert des mêmes
travers : aux périodes d'euphorie, durant lesquelles les bailleur de
fonds qui les avait construit et équipés les dotaient en budgets
de fonctionnement, ont succédé invariablement des périodes
de léthargie, semblables au phénomène « d'hibernation
», parfois suivie de disparition pure et simple : soit que le «
mécène » souhaite passer à autre chose (souvent
déçu par la visibilité des résultats atteints),
soit qu'une obligation de réduction des dépenses, suite à
la baisse des budgets consacrés à l'aide au développement,
ne vienne réduire les ambitions.
Le décalage déjà important entre, d'une
part, l'offre de FAR qui visait uniquement à former les paysans en
techniques de production, et d'autre part les besoins du secteur en termes de
compétences nouvelles29 n'a fait que s'accentuer, provoquant
une prise de conscience chez quelques cadres, mais surtout parmi les
élus représentant la profession agricole, qui s'est assez
tôt détournée de cette offre de service que nous avons
qualifiée d'institutionnelle.
La FAR, mais aussi le conseil agricole et rural, tout comme
les besoins d'animation en milieu rural, ont fait ainsi l'objet d'importants
besoins de la part des populations rurales, entraînant une explosion de
prestataires privés de service : consultants, bureaux d'études,
ONG.
29 Accès et connaissances des marchés,
mécanismes de fixation des prix, défense des
intérêts de la profession, sécurisation des
approvisionnements en intrants, etc.
Très rapidement, l'offre pléthorique a
montré ses limites : sans garantie d'aucune sorte, sans normes à
minima, sans déontologie, le secteur pourtant concurrentiel de la FAR
n'a pas permis au marché d'imposer ses règles, du fait de
plusieurs caractéristiques :
· Absence de transparence, y compris sur des marchés
publics ;
· Information très imparfaite des demandeurs (des
clients) sur les caractéristiques de l'offre potentielle de services
;
· Des demandeurs « in fine » souvent peu
solvables et offrant peu de garanties, obligeant à recourir à
un tiers d'un genre très particulier : l'organisme-financeur «
à fonds perdus ».
C'est dans cette particularité du mode de financement
que se trouve à notre sens la spécificité la plus
marquée du « marché » de la FAR : sauf exception,
l'achat de formation ne repose que sur des subventions, pas sur des cotisations
; le prix n'est pas fixé naturellement par équilibre entre
l'offre et la demande.
Dès lors, il n'existe que très peu de lien entre
la qualité des prestations et leur coût, de même qu'il
n'existe pas de lien direct entre leur coût et la capacité
contributive des demandeurs.
Même si l'on ne peut nier l'existence de financements
d'origine privée dans les actions de formation mises en oeuvre, force
est toutefois de reconnaître la prépondérance des fonds
publics consacrés au sous secteur, qu'ils proviennent directement ou
indirectement des caisses de l'Etat, via les projets et l'aide publique au
développement.
Dans ces conditions, la qualité des prestations
devient un domaine d'intérêt général, puisqu'il
s'agit de deniers publics : ainsi se pose la question de la régulation
de l'offre de services dans le sous secteur de la formation agricole et
rurale.
Cette question fera d'ailleurs en 1999 l'objet d'une des
quatre orientations de la stratégie nationale de formation agricole et
rurale, à savoir : «Réguler l'ensemble des
institutions publiques et privées de formation agricole et rurale
».
Dès l'année 2000 et à titre
expérimental, le Réseau Formation Fleuve (RESOF) a
été mis en place dans la vallée, avec le soutien
très fort du bureau d'appui à la coopération
sénégalo-suisse, pour constituer un instrument important de cette
régulation ; en parallèle, un comité
national de planification stratégique de la FAR était
créé pour piloter ce sous-secteur.
Nous avons eu l'occasion dans les pages
précédentes de révéler que ce comité
national n'a jamais été opérationnel, et de montrer que
l'impact du RESOF en terme de régulation de l'offre de formation,
livré à lui-même et à son unique bailleur de fonds,
est malaisé à définir.
Du reste, dès 2004 les acteurs de la FAR dans
la Vallée du fleuve Sénégal s'étaient
exprimés pour dénoncer le handicap que constituait à leurs
yeux l'absence de cadre de pilotage : sans pilotage, sans orientations
précises, sur quelles bases _ et avec quelle légitimité_
conduire la régulation de l'offre de services ?
Car il s'agit bien de cela : fixer le cap, et des objectifs en
matière de qualité des prestations, mais pas seulement :
équité dans l'accès au service, transparence,
efficacité et efficience des fonds publics alloués, priorisation
par le biais de politique d'aménagement du territoire, d'un ré
équilibrage dans les questions de genre, de politique nationale et
régionale interventionniste en faveur de l'insertion
socioprofessionnelle des jeunes, etc.
C'est bien pour toutes ces raisons qu'en décembre
2004, au cours d'un atelier organisé par le RESOF à Saint-Louis
et auquel avait été convié le BFPA, de nombreuses voix
s'étaient élevées afin que soit mis en place un cadre de
pilotage à l'échelle de la région ; cet atelier avait
été l'occasion de tenter de répondre aux questions sous
jacentes : piloter quoi ? avec qui ? pour faire quoi ? afin d'améliorer
quoi ?
Si la qualité de la formation avait bien sûr
alors été abordée, ce sont plutôt les questions
de financement de la FAR qui avaient été mises en avant, dans
un contexte de décentralisation des
responsabilités au profit des collectivités
locales, et de déconcentration des services techniques de l'Etat. La
mutualisation des ressources, financières et humaines, par exemple sous
la forme de fonds de formation, implique évidemment d'en partager la
gestion : par extension, c'est donc vers un pilotage partagé que
semblaient vouloir se diriger les acteurs de la région.
Nous verrons à la suite comment se positionnent les
différentes catégories d'acteurs concernés dans la
région de Saint-Louis, notamment les organisations professionnelles
agricoles et les collectivités territoriales, et comment leurs positions
ont pu évoluer depuis 2004, ou même depuis 2000, année de
la création du RESOF.
Pour le bureau de la formation professionnelle
agricole, il s'agit de tester la faisabilité,
l'opérationnalité et l'efficacité du couple cadre de
pilotage + instrument de régulation, dans le cadre d'une région
administrative et dans l'esprit des lois de décentralisation de
1996.
A partir de la « porte d'entrée » que
représente le RESOF, et en capitalisant ce qui a déjà
été esquissé et tenté, il s'agit de tirer les
leçons de cette expérience et de voir dans quelle mesure, et
moyennant quelles précautions et aménagements, elle est
reproductible dans d'autres contextes puisque le but est bien évidemment
de mettre en place, au côté et au même niveau que le
pilotage national, des instances régionales de pilotage de la formation
agricole et rurale.
Notre travail consistera à identifier et analyser les
pratiques réellement mises en oeuvre sur le terrain, et à mettre
en relief l'évolution de ces pratiques, puis nous formulerons, en toute
modestie, des recommandations afin de conforter les dynamiques en oeuvre et de
se rapprocher des résultats attendus.
Quels sont ces résultats attendus ?
Ils se situent à deux niveaux, pour lesquels la recherche
d'une relation « gagnant-gagnant » entre acteurs et catégories
d'acteurs est un impératif absolu :
· D'abord au niveau des conditions à réunir,
pour que tous les acteurs importants acceptent de s'engager, de tenir leur
place et de partager réellement le pilotage souhaité du sous
secteur ;
· Ensuite au niveau de la visibilité , locale et
régionale, de l'impact de cette nouvelle mission de pilotage, et bien
entendu, de la légitimité dont pourront se prévaloir ses
acteurs.
Avant d'y parvenir, nous aborderons successivement sur un plan
théorique plusieurs concepts, que nous expliciterons au moyen d'une
revue de la littérature existante :
· Les notions de pilotage et de régulation, de
régulation participative, appliquées à la Formation
Agricole et Rurale (FAR)
· Le concept de concertation
· La qualité en formation, ce qui nous conduira
dans un premier temps à montrer, dans le contexte de notre travail, le
décalage des normes utilisées habituellement dans
l'économie dite « formelle », puis dans un second temps
à nous intéresser aux relations qui régissent l'offre et
la demande de formation dans le secteur du développement rural, au
Sénégal.
Nous renvoyons le lecteur à notre premier
Mémoire, consacré au RESOF et déjà cité,
pour l'exploration d'autres concepts tels que l'organisation d'acteurs en
réseaux ou encore le développement local.
Les quatre orientations de la stratégie
nationale de formation agricole et rurale
II - DEUXIEME PARTIE - LES CONCEPTS MOBILISES
II-1. EXPLICITATION DES CONCEPTS MOBILISES
II-1.1. REGULATION
Ce concept a été largement exploré, et
ses fondements théoriques justifieraient à eux seuls d'y
consacrer un Mémoire de recherche spécifique. Pour donner une
idée de sa complexité, nous nous bornerons simplement à
évoquer, dans le champ de l'économie, l'Ecole française de
l'Approche par la Théorie de la Régulation (ATR), née au
moment de la crise économique du milieu des années 70, ce qui ne
signifie nullement, bien évidemment, qu'elle soit à l'origine du
terme Régulation, bien plus ancien.
Nous renverrons pour cela le lecteur à la
conférence de Mr Benjamin CORIAT30, à Nagoya - Japon
1986, auteur de « La théorie de la régulation . Origines ,
spécificités et perspectives ». Les références
y sont nombreuses, des approches néo-classiques (le paradigme de base
est celui du marché autorégulateur et de l'équilibre) aux
positions keynésiennes et marxistes.
Instruit de la complexité des notions, champs
d'application et théories que ce terme, simple d'apparence, recouvre,
nous commencerons prudemment par rechercher un panel de définitions
couramment proposées, couvrant pour l'essentiel des champs d'application
susceptibles de nous intéresser, au moins par similarité.
Quelques définitions :
· Branche de l'automatisme, dont le but est
d'étudier et de concevoir des systèmes qui font en sorte qu'une
valeur (de sortie) soit égal à la valeur consigne
(entrée). (Source : encyclopédie Wikipédia/Snyke -
http://encyclopedie-fr.snyke.com/articles/regulation.html
- recherche du 30/09/2006).
· Dans le secteur des
télécommunications, la régulation peut se définir
comme l'application par l'autorité compétente, dite de
régulation, de l'ensemble des dispositions juridiques,
économiques et techniques en vue de permettre aux activités de
télécommunications de s'exercer dans des conditions optimales,
conformément aux lois et règlements en
vigueur.31
· Toute action qui concourt à faire mieux
fonctionner le système de soins, en permettant d'assurer l'accès
de tous à des soins de qualité au meilleur coût. Cela dans
le cadre d'un budget donné. Par exemple :
- diffusion des bonnes pratiques médicales ;
- signature d'accords de bon usage des soins ;
- campagnes de prévention ;
- formation des médecins, par exemple sur la
prescription des médicaments génériques ou sur le bon
usage des antibiotiques ;
- contrôle des pratiques et des prescriptions
(Source : Site de l'Assurance-Maladie en
Ligne)32
30
http://multitudes.samizdat.net/La-theorie-de-la-regulation.html
31 (Source : Loi (2000) de la République
d'Haïti, portant réforme institutionnelle du secteur des
télécommunications chapitre 1 - Définitions
générales.) -
http://www.rddh.org/documents/loi1.doc
(recherche du 23/09/2006).
32 )
http://www.ameli.fr/213/DOC/1247/article.html
- (recherche du 23/09/2006).
En référence aux nombreuses analogies entre le
corps humain et la machine, tous deux ayant progressivement glissé vers
la dénomination de systèmes, nous mentionnerons également
ici un dossier proposé par le Centre National de Documentation
Pédagogique, consacré à « L'être vivant
conçu comme une machine. »33
Nous y apprenons que dès 1865, Claude Bernard se
distingue en traitant l'organisme humain comme une machine, dont la
spécialisation des composants et la complexité de l'ensemble
nécessitent une coordination.
C. Bernard invente le concept de milieu intérieur qui
permet de rendre compte du transport des substances, et assure une certaine
constance des conditions de vie des cellules. Il découvre un
mécanisme de régulation et de contrôle de cette constance,
appelé d'abord sécrétion interne.
L'existence d'un milieu intérieur dont la constance est
obtenue par compensation des écarts ou des perturbations constitue, pour
les organismes régulés, une assurance d'indépendance
relative face aux variations survenant dans les conditions externes :
L'être vivant est un système informé et
régulé.
Nous en arrivons ainsi à l'origine de la
définition que nous livre le Petit Robert :
· Opération qui consiste à maintenir une
grandeur entre des limites fixées.
· Les fonctions de régulation assurent la
constance des caractères du milieu intérieur d'un animal, en
dépit des variations du milieu extérieur.
On le voit, la régulation ne se définit pas par
elle-même, mais par rapport à un secteur d'activité, ou un
système. Dès lors, cette régulation ne saurait être
mise en oeuvre de façon isolée, par un individu, mais
relève plutôt de la responsabilité d'un système
également, mais quel système ?
On imagine mal une instance de régulation qui,
livrée à elle-même, définirait sa propre feuille de
route, son champ d'intervention, déciderait des moyens à
mobiliser et des résultats à atteindre.
Cette fonction de régulation, composée de
rétroactions critiques et de procédures correctives, a besoin
qu'on donne du sens à son action ; en d'autres termes, elle a besoin de
connaître le cap à suivre : sans cap clairement fixé,
comment procéder aux ajustements nécessaires pour atteindre un
objectif ?
La fixation de ce cap à suivre, ou plus
précisément la définition des orientations, relève
de ce que l'on a coutume d'appeler le pilotage.
Cette expression relativement galvaudée
s'apparenterait presque aujourd'hui à un truisme, et il n'est pas
certain que cette évocation fort répandue soit toujours
précédée d'une réflexion sur le sens qu'il convient
de lui donner, sur la délimitation des responsabilités qu'elle
recouvre.
Pour augmenter à la confusion, on rappellera que les
termes de pilotage et de régulation sont souvent accolés dans la
même phrase.
Dans ces conditions, il paraît souhaitable de proposer
une distinction aussi claire que possible entre ces deux expressions, afin de
prévenir d'éventuelles confusions dans les rôles respectifs
des acteurs.
Si l'on s'intéresse aux définitions existantes,
force est de reconnaître qu'elles ne nous sont que de peu
d'utilité dans cet essai de distinction.
33 :
http://www.cndp.fr/magsvt/genes/aprat
gene.htm
II-1.2. PILOTAGE
Quelques définitions du terme Pilotage
· Etre aux commandes ; diriger (Petit Robert)
· Action de guider, programmer et gérer.
(Source Agence de Médecine Préventive d'Abidjan
: extrait du glossaire du cours "Formation des Personnels", partie
intégrante du Programme EPIVAC aboutissant au Diplôme Inter-
Universitaire de 3ème cycle "Organisation et management des
systèmes publics de prévention vaccinale dans les pays en
développement", délivré par les Universités de
Paris-Dauphine (France) et Cocody-Abidjan. (
http://www.transfer32.bj.refer.org/dleab/index.html)
· Le pilotage est défini comme " l'action de
diriger, conduire, donner des orientations, surveiller, contrôler et
ajuster le déroulement d'un processus".
(Source : Guy Herniaux, 1993, cité par Melchior Salgado
de l'Université Claude Bernard Lyon I, et Stéphan Bourcieu, de
l'Université Lumière Lyon 2 )34
· L'entreprise assurant le pilotage est la seule
responsable devant le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, tant
en ce qui concerne la qualité des prestations, que le respect du
calendrier d'exécution.
(Source : Centre de Ressources et d'Informations
Techniques35, service créé par l'École
d'Architecture de Nancy en partenariat avec l'École d'Architecture de
Strasbourg).
A dire vrai, les choses sont moins tranchées qu'on
pouvait l'espérer de prime abord : il s'agit presque des deux faces
d'une même médaille, dans la mesure où l'on peut se rallier
à l'énoncé suivant, formulé par le recteur Alain
Bouvier à l'occasion d'une conférence36 à
l'académie de Clermont-Ferrand le 21 mai 2003 :
« Le pilotage exprime la volonté d'un
système de vouloir réguler son action ; parler pilotage, c'est
donc vouloir réguler son action, c'est à dire procéder
à des réajustements dans les processus en cours pour, in fine,
améliorer la qualité et/ou l'efficience des résultats.
»
La complexité est croissante dès lors qu'on entre
dans le vif du sujet :
· de quel système parlons-nous : une entité
au degré d'organisation peu sophistiqué ? un système
concret de formation ? le dispositif national de FAR au Sénégal ?
...
· le pilotage ne se réalise pas seul, mais par un
système d'acteurs ; on peut donc parler de système de pilotage,
qui doit avoir autant de complexité que le système qu'il pilote,
s'il se veut performant.
Ainsi, exercer une responsabilité de pilotage consiste
à vouloir influer sur ce qui se passe à la sortie du
système (outputs) dont on a la responsabilité. Cependant, cette
influence serait illusoire si l'on n'a pas les moyens d'agir aussi sur les
entrées, et sur le fonctionnement de tout le système. Or, c'est
ce qu'on appelle faire de la régulation !
Le recteur A. Bouvier ajoute encore à la
difficulté lorsqu'il propose une typologie des différents modes
de pilotage :
Pilotage par les objectifs, les effets et les résultats
;
Pilotage par les procédures et les process ;
34
http://www.eurotechnopolis.org/docs/Manag
cooperations Salgado Bourcieu.pdf
35
http://www.crit.archi.fr/Web%20Folder/bois/Bois/9.Glossaire/p.html
36
http://www3.ac-clermont.fr/cadres2/conferences/confbouvier210503cr.htm
Pilotage par des normes ;
Pilotage par des données ponctuelles (et isolées :
études, etc.)
Qu'est ce qu'un pilotage par les procédures et les
process, sinon, selon notre compréhension, le pouvoir de décision
relatif à la mise en oeuvre d'un ensemble de procédures
correctives en amont de la transformation du produit dont on souhaite
réajuster les caractéristiques ?
Comment s'y retrouver lorsqu'il s'agira d'appliquer ces deux
concepts de régulation et de pilotage à la stratégie
nationale de formation agricole et rurale, qui n'est pas à proprement
parler un système, même s'il est déjà question de
mettre en place un Système national de Formation Agricole et Rurale ?
En guise de synthèse de ce qui précède,
nous nous risquerons à formuler un ensemble de considérations,
comme suit :
· Pilotage et régulation traduisent des fonctions
opérationnelles différentes, mais intimement liées.
· En amont, Piloter consiste
à définir le cap à suivre, les orientations, et à
programmer les actions qui concourent à tendre vers les objectifs
définis.
· En aval, Piloter consiste à s'assurer de la
qualité des produits, en se référant aux objectifs
fixés.
· Les fonctions de surveillance et de contrôle
assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte
des résultats attendus, si celle-ci ne dispose pas du pouvoir (et des
moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le déroulement des
processus.
· La Régulation consiste à
opérer ces ajustements, en agissant sur les intrants du
système ET sur l'amélioration des processus de transformation
donnant naissance aux extrants.
Dans ces conditions, on mesure mieux l'importance des risques
de dévoiement et de blocage engendrés par une instance de
régulation qui serait souveraine et indépendante de l'instance de
pilotage. Le cap suivi n'aurait pas probablement rien d'une ligne droite, et on
pourrait craindre que les résultats escomptés initialement ne se
fassent attendre.
De même, une instance de pilotage, nationale ou
régionale, qui se limiterait à définir des orientations
sans disposer du pouvoir d'influer sur leur mise en oeuvre, revêtirait
une efficacité douteuse.
En définitive, il revient donc à l'instance de
pilotage de définir non seulement les orientations d'un système
considéré, mais également de piloter les mécanismes
de régulation qui lui permettront de maintenir le cap lors des
ajustements successifs tendant à faire coïncider la valeur de
sortie et la valeur consigne.
Enfin, dans un soucis de re-contextualisation, nous ne
résisterons pas au plaisir de citer les objectifs qu'assignent à
cette régulation les chercheurs Sénégalais qui sont
à l'origine de la définition de la stratégie nationale de
formation agricole et rurale (SNFAR), et qui sont aujourd'hui en position de
l'appuyer.
Se basant sur le fait que l'Etat du Sénégal a
reconnu depuis des années qu'il ne peut pas être le seul
opérateur de la formation, mais qu'il doit rester un Etat
stratège et co-régulateur, Adama FAYE et Alain MBAYE37
estiment que « l'Etat doit organiser un système ouvert où
les opérateurs associatifs (ONG, OP) et privés, les
collectivités locales et les bénéficiaires participent,
37 (Source : intervention de A dama Faye et Alain
Mbaye aux 9èmes Journées d'études Ingénierie des
dispositifs de formation à l'international - 8/9 décembre 2005
Montpellier/ Agropolis International : « Politique Agricole et enjeux de
la Formation Agricole et Rurale au Sénégal : la question de la
régulation »
http://www.agropolis.fr/formation/pdf/9Idf/FayeMbaye.pdf
avec les services publics, au pilotage, au financement et
à la gestion de la formation professionnelle pour le
développement rural. »
Cet objectif recouvre plusieurs aspects, principalement : «
· assurer l'adéquation entre l'offre et la demande ;
· garantir la qualité de l'offre en certifiant les
compétences et les services fournis par les différents
opérateurs ;
· développer une capacité de veille sur le
système de formation en créant des synergies entre les
institutions publiques, associatives et privées, la recherche, les
organisations de conseil agricole et rural ;
· faire participer les collectivités territoriales
et les utilisateurs au pilotage du système et à sa
durabilité sur le plan financier. »
II.1.3- REGULATION PARTICIPATIVE
Une recherche rapide sur le net (Google ) a donné
le résultat suivant, appliquée au changement :
«Models of change are those that recommend change
managers to consult widely and deeply with those affected and to secure their
willing consent to the changes proposed.» 38
Nous traduirons celle-ci par :
« Les modèles de changement participatifs sont
ceux qui recommandent aux responsables en charge d'un changement à
conduire de procéder à une consultation large et approfondie de
tous ceux qui en seront affectés, pour mieux s'assurer de leur
consentement durant la phase de mise en oeuvre de ce changement. »
Bien que se référant à un objet
particulier, cette définition semble très « orientée
» : l'approche participative n'est envisagée que comme un moyen
nécessaire pour s'assurer du consentement ultérieur d'une
population qui sera affectée par les changements...imaginés et
décidés par d'autres.
Il nous semble que nous sommes dans ce cas plus proche d'une
manipulation collective, que de l'acception courante : « participer
ensemble à... », où encore « impliquer tous les acteurs
concernés, pour construire collectivement quelque chose ».
Par analogie, nous commenterons les interventions de Joël
de Rosnay, lors d'un débat sur
Lemonde.fr en janvier 2006,
intitulé « Internet, dix ans de révolution
»39.
A la question de savoir si, grâce aux NTIC, les
citoyens pourront à l'avenir intervenir de plus en plus dans la gestion
de leur ville et de leur pays, Joël de Rosnay avait répondu que
« la technologie ne résout pas les problèmes d'ordre
sociétal, mais que par contre, leur ré- appropriation
sociétale par les citoyens, en fonction de leurs besoins et de leurs
souhaits, peut contribuer à trouver des voies. »
Un peu plus loin, précisant que les internautes ne font
plus confiance à l'information ou aux réglementations
descendantes (top-down), celui-ci en vient à évoquer une nouvelle
forme de
38
www.prenhall.com/wps/media/objects/213/218150/glossary.html
- recherche du 28/10/06.
39 Auteur de « La révolte du
pronétariat » (Fayard, 2006) - débat
Lemonde.fr du 27/01/2006 :
http://veillepedagogique.blog.lemonde.fr/veillepedagogique/files/pronetariat.doc
démocratie participative, et même une
co-régulation citoyenne, qui nous rapproche singulièrement du
concept de régulation participative, sans que ce terme ne soit
formellement utilisé.
Bien que le sujet du débat auquel nous nous
référons soit pour le moins éloigné de notre objet
d'étude, nous ne pouvons nous empêcher d'y voir d'étranges
similitudes. En effet, à la suite de l'ajustement structurel et de la
dévaluation du début des années 90, qui ont
contribué à l'affaiblissement des services publics et de
l'intervention étatique, une multitude d'opérateurs privés
et associatifs ont investi le secteur de la formation, sous les yeux d'un Etat
affaibli et non préparé à assumer ses fonctions
régaliennes de contrôle, dans un paysage recomposé.
C'est dans ce contexte qu'est apparue la
nécessité d'imaginer de nouveaux modes de régulation,
visant à garantir la qualité des prestations offertes, plus
participatifs et qui tiennent compte non seulement de la place prise par les
différentes catégories d'acteurs issus de la
société civile, mais aussi de leurs compétences.
En réponse aux carences relevées au niveau des
services étatiques, et à la méfiance
généralisée qu'elles induisaient, cette
nécessité se fondait plus précisément sur le double
intérêt d'un filtrage collaboratif, gage d'une plus grande
transparence des pratiques individuelles, et d'un processus collectif de
vérification de la qualité à chaque niveau
d'intervention.
Nous citerons une dernière fois J. de Rosnay, qui propose
l'image suivante :
« c'est un peu comme dans l'industrie automobile
où, sur la chaîne de montage, la voiture totalement
assemblée n'est pas testée seulement à la fin pour sa
qualité, mais à chaque vis ou à chaque poignée
introduite au cours de l'assemblage ».
Ce parallèle nous permet de souligner que, dans un
marché au fonctionnement imparfait (dû à l'information
elle-même très imparfaite des acteurs), régulation
participative ne signifie pas que chacun va intervenir comme il l'entend, en
s'affranchissant de toute contrainte (à quoi ressemblerait alors le
produit final ?), mais plutôt que doivent être créées
les conditions d'une régulation coordonnée par l'Etat, à
laquelle collaborent tous les acteurs impliqués.
Nous terminerons ce rapide tour d'horizon en nous
intéressant au caractère supposé novateur que les agents
de développement et les décideurs accolent
généralement au paradigme du développement
participatif.
Pour Jean Pierre Chauveau40, l'histoire
institutionnelle du développement semble pouvoir être
caractérisée par deux sortes de légitimité
s'appuyant sur des systèmes disposant de leurs propres systèmes
de valeur :
Un système de type bureaucratique, «
spécialisé dans la conception et l'administration du changement
provoqué, tout en incitant les groupes sociaux
bénéficiaires des interventions à s'organiser
eux-mêmes (coopératives, etc).
Un système plus populiste, né de
l'évidence de l'échec répété des
interventions top-down non négociées, qui consiste pour les
développeurs à s'appuyer sur les ressources de la base, pour des
raisons d'efficacité et de légitimité.
Pour JP Chauveau, cette culture populiste du
développement sera à l'origine « d'une représentation
stéréotypée du milieu rural africain, invariablement
communautaire, solidaire et égalitariste. »
40 Jean-Pierre Chauveau, « Le «
modèle participatif » de développement rural est-il
alternatif ? », in le bulletin de l'APAD n°3. Mis en ligne le
4/07/06, consulté le 2/10/06
http://apad.revues.org/document380.html
Réfutant les idées couramment admises qui
voudraient faire du développement participatif une conception
alternative et récente du développement rural, JP Chauveau
propose, pour dater la diffusion du modèle participatif de
développement rural dans les administrations coloniales française
et britannique, la période post conquête militaire, durant
laquelle les tentatives d'implanter des entreprises coloniales se
révélèrent des échecs patents, et lorsque
l'expérience d'une économie administrée (durant la
première guerre mondiale) par les puissances occupantes se
révéla utopiste.
Il en veut pour preuve l'influence qu'exerça «
l'Indirect Rule » britannique sur notre administration coloniale
d'après guerre, qui évoluera ainsi sensiblement du Pacte
colonial, fondé sur une exploitation autoritaire des ressources «
minières » à l'association des paysans. Le ministre Sarraut
prônera ainsi une politique de mise en valeur axée sur la
croissance économique mais aussi sur le développement humain.
II. 1.4- CONCERTATION
Quelques définitions trouvées sur la Toile :
· Actions visant à harmoniser les interventions de
plusieurs intervenants en intégrant celles-ci dans une stratégie
globale pour la réalisation d'objectifs communs, par exemple, le
développement économique et social d'une communauté.
www.habitation.gouv.qc.ca/bibliotheque/references/lexique.html
· La concertation est une politique de consultation des
personnes concernées par une décision avant que celle-ci ne soit
prise. La concertation consiste à confronter les propositions du
maître d'ouvrage à la critique des acteurs
intéressés (riverains, habitants, associations...).
www.planetecologie.org/JOBOURG/Francais/dictionnaire.html
Pour finir, le Nouveau Petit Larousse (édition de 1970)
propose une définition courte, mais qui nous convient bien :
Se concerter : se mettre d'accord pour agir
ensemble.
Ce que confirme le Littré édition 2007, pour qui
c'est « l'action de s'enquérir du point de vue des autres en vue
d'agir en bonne entente ».
Ces deux dernières nous précisent les deux sens
que peut revêtir toute concertation :
· La consultation d'une population donnée,
susceptible d'être affectée par une décision imminente,
d'origine « exogène ».
· La construction collective d'un processus qui sera in
fine couronné par une action déjà entérinée
par les personnes concernées.
Bien rares sont de nos jours les nouvelles dynamiques
organisationnelles, ou les nouvelles politiques qui ne revendiquent pas une
« large » concertation ; celle-ci est devenue un grand «
classique », un incontournable même quand ceux qui en font la
promotion n'y croient parfois qu'à moitié, tant les vertus du
dialogue semblent à l'opposé des règles mécaniques
du marché.
Car tout le problème est là : comment faire en
sorte que des acteurs économiques en situation de concurrence (pour le
partage de la valeur ajoutée produite au sein d'une filière par
exemple) acceptent d'oeuvrer à la construction d'un consensus, qui
débouchera sur des décisions acceptables par tous car
bénéfiques pour tous.
Ainsi que le rappelle une récente note
thématique de l'institut de Recherches et d'Applications des
méthodes de développement41 (IRAM), « la
notion de concertation renvoie à une base
théorique développée au sein de la Nouvelle Economie
Institutionnelle42 considérant qu'en modifiant la structure
des
41 « La concertation dans les filières agricoles en
Afrique : leurre méthodologique ou prémices d'une dynamique
interprofessionnelle ? » par Célia Coronel & Laurent Liagre,
Note thématique n°4 de juin 2007 - IRAM
institutions existantes et en faisant émerger de
nouvelles institutions, il est possible de rendre compatibles les
stratégies propres des agents économiques et la recherche d'un
intérêt mutuel supérieur ».
Au Sénégal, la loi d'orientation agro sylvo
pastorale a fait l'objet d'une large concertation, revendiquée à
la fois par les services de l'Etat et par la profession agricole, sans que l'on
sache toujours s'il s'est bien agi de la même concertation... A
l'arrivée, des ambigüités importantes subsistent, de telle
sorte qu'on ne sait plus bien ce qui est prioritaire et ce qui l'est moins :
entre la promotion de l'agrobusiness soutenue par le gouvernement, et la
défense de l'exploitation agricole familiale, cheval de bataille de la
profession agricole, les antagonismes se révèlent à
l'occasion de la rédaction des décrets d'application, qui tardent
encore à sortir trois ans après la promulgation de la loi
d'orientation.
A l'inverse, toute décision de l'Etat, en l'absence de
concertation préalable, est désormais dénoncée par
les acteurs concernés ; nous en voulons pour exemple le plan Retour vers
l'Agriculture (REVA) imaginé et proposé par l'actuel
président de la République, mais dénoncé sans
aménité par la première plateforme d'organisations
professionnelles rurales nationales, le CNCR, en ces termes : « Le
plan Reva (Retour vers l'agriculture), sur lequel le président Wade
compte pour créer 300.000 emplois dans l'agriculture, ne rencontre pas
l'agrément du CNCR. Pour le CNCR, tant et aussi longtemps que
l'État gérera l'agriculture à la manière de
l'ancienne puissance soviétique avec, notamment ses `Sovkhozes' (fermes
d'État), le monde rural continuera de pâtir. D'autre part le plan
Reva ne correspond en rien aux orientations de la Loi d'orientation
agro-sylvo-pastorale et a été proposé sans associer les
acteurs du secteur agricole ».
http://www.cncr.org/article.php3
?id article=146
La concertation s'effectue assez souvent, dans le secteur
agricole, sous la forme d'interprofessions, créées pour
réguler des filières de produits agricoles.
Le Sénégal, qui a connu une longue
période d'économie agricole fortement administrée, a vu le
commerce des produits agricoles progressivement libéralisé
à partir du début des années 1990, avec le
désengagement de l'Etat de toutes les activités marchandes au
profit du secteur privé : il s'agit bien d'un transfert de
compétences de l'Etat vers les organisations privées pour la
régulation des marchés agricoles.
Pour conduire cette concertation, préalable à
tout cycle de négociation avec l'Etat, tous les acteurs d'une
filière peuvent s'organiser en interprofession pour s'accorder autour de
la gestion de cette filière ; le consensus obtenu entre toutes les
professions représentées permettra de faire valoir un point de
vue unique lorsqu'il s'agira soit d'inciter l'Etat à
légiférer dans le sens souhaité, soit au contraire de
convaincre celui-ci de laisser jouer le marché.
Plusieurs interprofessions existent au Sénégal,
dans les filières rizicole, avicole, et bien sûr
arachidière et, même s'il n'est pas certain que ce schéma
soit un modèle idéal et universel, qui puisse être
plaqué tel quel, la loi d'orientation agricole a prévu de
renforcer le rôle des interprofessions agricoles en étendant leurs
prérogatives aux fonctions suivantes43 :
- La qualité des produits ;
- La connaissance de l'offre et de la demande ;
- L'adaptation et la régularisation de l'offre ;
- La mise en oeuvre, sous le contrôle de l'Etat, de
règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement
;
- La promotion des produits agricoles sur les marchés
intérieur et extérieur.
- Les relations interprofessionnelles dans le secteur
intéressé, notamment par l'établissement de normes
techniques et de programmes de recherche appliquée et de
développement ;
42 Voir Annexes
43 Article 26 de la LOASP.
Bien entendu, la concertation dépasse largement le
cadre restreint de la gestion de seules filières agricoles et, pour ce
qui nous concerne, elle peut évidemment s'appliquer à la
régulation du sous- secteur des formations agricoles et rurales
(F.A.R.).
Nous relevons la mise en place progressive, dans le cadre du
programme des services agricoles et d'appui aux organisations de producteurs
(PSAOP), de cadres locaux de concertation des OP (CLCOP) dans chacune des 320
communautés rurales du Sénégal : c'est en principe
à travers ces cadres de concertation que devrait se construire la
demande d'appui des organisations professionnelles agricoles.
Dans le sous-secteur de la F.A.R., des initiatives visant
à mettre en place des « cadres interprofessionnels » pour
favoriser la concertation entre offreurs et demandeurs de formation, publics et
privés, ont vu le jour depuis 2000 ; celles-ci sont à mettre au
compte de la coopération suisse principalement, dans le prolongement
logique de la dynamique qui a conduit à la proposition d'une
stratégie nationale de F.A.R.
L'Etat a ainsi mis en place en 2000 un comité national
de planification stratégique de la formation agricole et
rurale44, dont les principales missions ont trait aux orientations,
à la coordination et à la régulation, tandis que le
conseil régional de Ziguinchor créait à la même
période un comité régional de planification
stratégique de la F.A.R. ; si le second connaît des
difficultés à fonctionner et à se faire reconnaître
dans sa région, le premier ne s'est quant à lui jamais
réuni depuis sa création : ainsi, décréter
concertation et légitimité ne semble pas une condition suffisante
pour que les acteurs veuillent et puissent coopérer...
Ces nouveaux espaces de concertation constituent de nouveaux
modes de coordination entre opérateurs, de l'amont à l'aval, ou
de nouveaux outils pour l'élaboration et le « portage » de
plaidoyers ; cependant, comme le souligne la note de l'IRAM déjà
citée, trois ingrédients importants sont à la base de la
réussite :
· La représentativité, et donc la
légitimité de ceux qui vont siéger ;
· La parité entre les différents
collèges de professionnels ;
· L'unanimité pour la prise de décision.
Le scénario « idéal-typique » est
malheureusement souvent battu en brèche car, dans un pays en
développement, qui plus est faiblement alphabétisé tel que
le Sénégal, les contraintes, les imperfections et les
dysfonctionnements ne manquent pas.
La structuration des organisations professionnelles, la
représentation professionnelle souffrent de faiblesses
indéniables ; outre certaines tares connues, celles-ci doivent composer
avec une faible capacité de mobilisation de leurs membres.
Parfois aussi, le processus est mal engagé dès
le lancement en raison d'une identification perfectible des acteurs qui
comptent vraiment, ou à cause d'une démarche initiée par
des acteurs externes, conduisant à un manque d'appropriation par les
acteurs locaux et /ou directement concernés.
En matière de prise de décision, le
déséquilibre des pouvoirs est parfois flagrant, à telle
enseigne que toute référence au processus interne de
décision est souvent gommée des textes fondateurs, ou
renvoyée à d'autres cadres, que ceux ci existent
déjà ou pas.
Nonobstant, à l'instar de la démocratie qui,
comme chacun le sait, est le pire des systèmes à l'exception
de tous les autres, les interprofessions demeurent une voie
privilégiée (et d'actualité)
44 Par arrêté primatorial
n°3344/MEN/DC/DAJLD du 15 /03/2000
de la concertation, ainsi que le démontre cette annonce
de l'agence française pour le développement international des
entreprises sur le site UBIFRANCE :
Les interprofessions face à la libéralisation
et à la mondialisation des marchés - Petit-déjeuner
débat (Cycle agroalimentaire : stratégie, développement,
lobbying) 10 octobre 2007 - De 8h30 à 10h00. Autour de Jean-Paul
JAMET, Président du CLIA -Comité de Liaison des
Interprofessions
II. 1.5- QUALITE DE LA FORMATION
Selon la définition qu'en donne le site du Centre-Inffo,
« la qualité en formation, c'est « l'ensemble des
caractéristiques d'une entité qui lui confère l'aptitude
à satisfaire des besoins exprimés ou implicites ;. Les
normes, labels et certifications permettent d'organiser la mise
en place d'une démarche qualité. »
En formation professionnelle, les démarches
qualité sont apparues au début des années 1980 ; elles
s'appuient sur les caractéristiques spécifiques des services
proposés, regroupées sous la forme de référentiels
que l'on appelle des normes, qui garantissent une
qualité constante des services proposés. Appliquées au
domaine de la formation continue, les normes les plus usitées sont la
norme ISO 9001 et les normes AFNOR.
A l'instar d'un label, basé sur un acte «
déclaratif »45 (du professionnalisme, des
compétences, de l'expérience de l'organismes de formation), qui
renseigne le consommateur sur les niveaux des performances annoncés, la
norme internationale ISO 9001 46_ applicable à la formation
mais non spécifique à celle-ci_ ne garantit pas le
résultat, mais le respect rigoureux d'un processus préalablement
et entièrement formalisé.
La norme ISO 9001 version 2000 « approche processus »
insiste sur l'importance :
· Des exigences, qu'il faut comprendre et satisfaire ;
· Des processus, à considérer en terme de
valeur ajoutée et dont il faut mesurer l'efficacité et les
performances, pour améliorer continuellement celles-ci sur la base de
mesures objectives.
Les normes de l'Association Française de Normalisation
(AFNOR) ci dessous ont été en revanche spécifiquement
conçues pour le secteur de la formation professionnelle, dans l'objectif
d'améliorer au moyen d'un langage commun et d'une compréhension
commune les relations entre les demandeurs et les prestataires de formation.
Le CARIF / OREF des pays de Loire répertorie ainsi six
normes :
Les normes AFNOR NFX50-749 « Formation
professionnelle - Démarche de normalisation » et NFX50- 750 «
Formation professionnelle - Terminologie », complétée par le
fascicule de documentation FDX50-751 « Formation professionnelle -
Terminologie - Fascicule explicatif » s'appliquent à l'ensemble
des acteurs. Elles explicitent près de 140 termes couramment
employés dans le domaine de la formation, précisent les concepts
et garantissent des acceptions identiques.
Pour les entreprises, (afin d'expliciter la demande de
formation)
La norme outil AFNOR NFX50-755 « Formation
professionnelle - Demande de formation - Méthode d'élaboration de
projets de formation » vise à faciliter pour les entreprises
l'élaboration d'un projet de formation et son déroulement. Elle
aide, en définissant l'étape d'analyse des besoins, à la
construction du cahier des charges.
La norme outil AFNOR NFX50-756 « Formation
Professionnelle - Demande de formation - Cahier des Charges de La Demande
» aide les entreprises à formaliser leur demande de formation aux
prestataires.
Pour les organismes de formation :
La marque NF Service Formation est composée de deux
gammes : formation professionnelle continue et formation par apprentissage
:
45 A l'image du label délivré par
l'Office Professionnel de Qualification des Organismes de Formation : OPQCF
46 ISO 9001 version 2000 « Systèmes de
management de la qualité - exigences », applicable depuis le
15/12/2000.
- Les normes outils AFNOR NFX50-760 « Formation
professionnelle - Organismes de formation - Informations relatives à
l'offre » et NFX50-761 « Formation professionnelle - Organismes de
formation - Service et prestation de service : spécification»
donnent des orientations en matière d'élaboration de
l'offre. Elles garantissent la lisibilité des informations.
(caractéristiques du service fourni, moyens nécessaires et mis en
oeuvre pour réaliser ce service). - La norme NF214 permet aux CFA,
depuis mars 2002, de bénéficier d'une certification
qualité de services
La certification NF peut être obtenue sur demande par
l'organisme qui en accomplit la démarche, mais elle impose par la suite
un audit de suivi régulier pour en conserver le
bénéfice.
Pour utiles qu'elles soient, ces normes
développées au service de la qualité ne
s'intéressent qu'aux seuls organismes de formation, c'est à dire
aux organisations dont la formation constitue l'activité principale
voire unique. C'est faire peu de cas de la pluralité des
catégories d'acteurs qui se positionnent, au Sénégal, sur
« l'offre de formation rurale » : ONG, associations, bureaux
d'études, consultants, organisations professionnelles et chambres
consulaires, services d'appuiconseil et/ou d'encadrement des producteurs qui,
pour la plupart, ne font pas de la formation leur principale
activité.
L'offre de formation est évidemment plurielle, elle
peut recouvrir en partie l'enseignement dispensé au sein du
système scolaire (formation professionnelle initiale), et s'étend
depuis l'alphabétisation fonctionnelle des adultes jusqu'au fameux
Capacity Building, que traduit fort mal l'expression francophone
quelque peu galvaudée : Renforcement de capacités.
Plus encore, la formation se définit
généralement comme un processus d'acquisition de connaissances,
de compétences et de qualification, qui se déroule dans le temps
avec des moments situés dans un espace social
déterminé.
Or, cette définition n'est qu'un pis aller, dans la
mesure où l'on s'accorde généralement à
considérer qu'une compétence se construit plutôt qu'elle
s'acquiert d'une part, et que d'autre part la mise en situation professionnelle
au quotidien, en forgeant l'expérience face aux multiples situations
imprévues, est en elle-même la première source
d'apprentissage, donc de formation.
La demande de formation
L'AFNOR précise que « la demande de formation est
l'expression d'un souhait ou de résultats attendus, exprimés par
des personnes salariées ou non, des responsables hiérarchiques,
des entreprises ou institutions ». Il est généralement admis
qu'une demande de formation, s'il y est donné suite, va enclencher un
processus d'ingénierie de formation devant nécessairement
conduire à la définition de besoins de formation.
Dans l'économie « formelle », les processus
sont parfaitement normalisés ; ainsi, la norme AFNOR NF X 50- 756
définit elle les informations à communiquer par une entreprise
(client) à ses prestataires potentiels, pour l'aider à clarifier
sa demande afin d'obtenir une prestation de service correspondant à ses
besoins.
Or, bien souvent il n'existe pas une, mais des demandes, qui
peuvent être contradictoires en fonction des points de vue respectifs des
différents acteurs d'un secteur donné. De même, au sein
d'une même organisation, il est important de savoir qui porte la demande,
s'il en est à l'origine ou non, quels sont les réseaux informels
internes, pour mieux relativiser l'importance des fonctions officielles
détentrices de pouvoir dans l'organigramme.
Mais surtout, on ne peut considérer comme un
manque ce qu'on ignore ; pourtant, dans la majorité des cas, on
sollicite la formation (lorsqu'elle n'est pas suscitée par le
prestataire !) dans l'espoir inconscient qu'elle soit la réponse la
mieux adaptée au problème plus ou moins exploré du moment,
ce qui est tout sauf évident.
Souvent aussi, la formulation d'une demande de formation
s'apparente dans le milieu de l'entreprise à un moyen de satisfaire
à bon compte les revendications des partenaires sociaux.
Si l'on tente de recontextualiser ces différentes
données à prendre en considération, pour les utiliser dans
le secteur du développement rural au Sénégal, on
s'aperçoit assez rapidement que leur niveau de sophistication les rend
impropre à un usage tel quel (copier-coller). Cette inadaptation tient
pour l'essentiel aux caractéristiques suivantes du contexte
d'intervention :
· Secteur économique informel à plus de 90
%,
· Public potentiel très majoritairement
analphabète,
· Faible organisation des filières, des branches,
· Pouvoir d'achat très limité (au
Sénégal, la pauvreté est rurale à plus de 75 %),
qui annihile en partie la capacité décisionnelle du demandeur,
contraint de se plier aux exigences du bailleur de fonds.
A notre sens, la demande de formation est ainsi une notion
qui, souvent, est mise en avant trop tôt : parler de demande de formation
dès la phase de l'expression d'une demande d'appui revient à
considérer à priori que la réponse-formation va de soi.
Il ne faut pas oublier également que cette demande
peut avoir été exprimée formellement (courrier
adressé à un prestataire), qu'elle peut avoir été
suscitée dans le cas du démarrage d'un nouveau projet, ou encore
reposer sur un rapide recueil de « doléances », à
l'occasion d'une tournée d'animateurs de terrain. Dans ces conditions,
on ne s'étonnera pas que le consultant, ou pire le formateur
appelé à la rescousse pour établir un diagnostic
préalable (et souvent rapide), se fasse un devoir de proposer une liste
plus ou moins longue de besoins de formation à satisfaire.
Approche par la demande (de formation ?)
Après plusieurs décennies durant lesquelles
chacun en était arrivé à estimer que la compétence
d'un prestataire de formation se mesurait à la qualité de son
catalogue de produits, une inversion de tendance s'est amorcée depuis
quelques années, en partie liée au fait que de nombreux
organismes, qu'ils soient publics ou privés, se sont contentés de
gérer une rente en renouvelant peu leur offre.
Ce constat, largement partagé par les clients
habituels, s'est traduit d'abord par une désaffection puis un rejet de
l'offre-catalogue (les tentatives de mesurer l'impact réel des
formations dispensées sur l'amélioration des performances des
bénéficiaires, organisations et individus, n'y sont pas non plus
étrangères).
La demande s'est alors largement réorientée vers
l'attente de services « sur mesure », individualisés, pour
tenter de réduire le gap constaté entre les apports trop
abstraits, trop généraux, de la formation, au regard de la
complexité et de la spécificité des réalités
du terrain.
Bon gré mal gré, les offreurs de formation ont
donc été contraints de se réajuster, dans un contexte de
concurrence de plus en plus vive. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui,
tous les opérateurs de formation se réclament d'une
démarche d'approche par la demande de formation.
Dans la région de Kaolack (bassin arachidier), une
quarantaine d'entretiens conduits et initiés par le Bureau de la
Formation Professionnelle Agricole (Ministère de l'Agriculture)
auprès d'acteurs situés sur l'offre, sur la demande, et pour
certains sur les deux volets, a mis en évidence que tous revendiquent
une approche guidée par la demande de formation, qui recouvre selon les
cas des modalités, des postures et des compétences très
diverses et parfois assez éloignées.47
47 Dossier de capitalisation des
expériences de formation dans la région de Kaolack -BFPA
disponible sur le net.
Dans certains cas rencontrés, l'expression des besoins
a lieu annuellement, à l'occasion d'une assemblée
générale villageoise ; parfois, elle constitue une étape,
au démarrage du projet. En règle générale, les
outils généralement mis en oeuvre sont peu nombreux : diagnostic
rapide, étude- filière, entretiens préalables,
bibliographie existante sur le sujet.
Force est de constater cependant qu'un biais considérable
est introduit au début même du processus ; ce biais se situe
à un double niveau :
Au niveau du demandeur, conscient
que l'outil formation est généralement le moins coûteux et
le plus facilement accepté par le bailleur de fonds sollicité, le
problème initialement identifié va plus ou moins consciemment
orienter l'intéressé vers une recherche de solution axée
sur la formation, couplée avec la pré-identification de personnes
ou structures ressources dont les compétences sont reconnues sur ce
domaine d'intervention.
Au niveau de l'offreur, qui a donc
été approché sur la base de ses compétences en
formation, le souhait d'aller dans le sens du demandeur est évidemment
légitime, tout au moins commercialement parlant. De plus, c'est un
formateur qui va se charger « d'analyser la demande » reçue ;
dès lors, on peut mettre en doute sa capacité de recul pour
aborder dans une approche systémique le contexte de la future
intervention à définir, d'une part parce qu'il ne possède
pas nécessairement les outils adaptés, et d'autre part parce
qu'il est humain, devant une situation méconnue, de se raccrocher
à ce qu'on sait faire.
On constate donc que cette nouvelle approche,
proclamée comme une révolution dans le monde de la formation, a
peu modifié les pratiques, et n'a que modérément permis
d'atteindre les effets escomptés, à savoir une plus grande
satisfaction du demandeur, et un impact plus visible sur les pratiques des
formés.
Tout au plus peut-on mettre à son actif l'instauration
d'un dialogue moins superficiel entre l'offreur et le demandeur, lequel
accède ipso facto au statut d'interlocuteur crédible ; il s'agit
bel et bien d'une avancée, toutefois l'atteinte des résultats
espérés bute encore sur l'absence ou la maîtrise
limitée d' outils spécifiques.
Au Sénégal, le diagnostic sur l'offre et la
demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004, avec
l'appui du CNEARC de Montpellier, a permis de mettre en évidence
l'intérêt et d'appliquer le concept de construction sociale de la
demande de formation. Ce souhait reposait au départ sur la
volonté de mettre en pratique les principes issus de l'atelier de 1999
qui a abouti à la définition de la stratégie nationale FAR
:
· Passer d'une logique de projet d'assistance classique
à une logique d'accompagnement où l'initiative est laissée
aux acteurs ruraux.
· Impliquer les acteurs ruraux dans l'identification et la
formulation de leurs propres besoins de formation.
· Créer des cadres de concertation entre ruraux et
formateurs'
Dans le cadre de l'agriculture familiale, les mêmes
interlocuteurs expriment à la fois une demande sociale et une demande
économique. Dès lors, les services techniques d'appui au
développement, rural comme local, doivent s'adapter pour remplir
efficacement leur rôle d'accompagnement des acteurs locaux dans un
environnement complexe et fluctuant. Des responsables d'organisations
professionnelles agricoles, d'associations de développement
féminines, le disent à leur façon :
- « L'environnement de la production est plus important
que la production elle-même ».
-« Le travail sur la demande, trop parcellaire, aboutit
encore souvent à « des demandes passéistes,
éventées », par méconnaissance des
opportunités potentielles que pourrait offrir l'environnement
global.48
Dans l'approche mise en oeuvre au cours de ce diagnostic dans
la région de Ziguinchor49, nous avons considéré
que :
1) Tout changement technique ou organisationnel
durable résulte d'un processus social de construction de
problèmes et de recherche de solutions, menés par les
professionnels, face à une situation qu'ils jugent difficile,
2) Ces processus de dialogue, réflexion,
expérimentation produisent de la connaissance,
3) La formation est un levier, parmi d'autres, d'accompagnement
des acteurs dans le changement.
Dans ce cadre, la demande est donc l'expression par les
professionnels de leurs préoccupations, dans un cadre qui permet de les
transformer en problèmes traitables. Il s'agit donc en
réalité d'une demande d'aide à la recherche de solutions,
la solution pouvant éventuellement être de la formation.
On parle donc de construction de la demande : une demande ne
s'identifie ni ne se recueille, elle n'est jamais donnée, mais
construite, grâce à un processus interactif de réflexion.
On parle de construction sociale, car l'ensemble des acteurs concernés
sont impliqués dans l'analyse et le dialogue.
A la démarche traditionnelle identification,
recensement des besoins de formation, nous privilégions désormais
l'appui à la formulation d'un problème et la recherche d'une
solution (la formation pouvant en être une). Ce passage s'appuie sur les
travaux de Jean-Pierre DARRE50, docteur en ethnologie et fondateur
du GERDAL (Groupe d'expérimentation et de recherche développement
et actions localisées) ainsi que sur les travaux du CNEARC51
de Montpellier qui s'en est inspiré. Cette démarche guide depuis
2003 les interventions du Bureau Formation Professionnelle Agricole du
ministère de l'agriculture du Sénégal.
Les besoins de formation recensés posent comme
évidente la logique du « problème », que sous-tend la
demande initiale ; une expression courante traduit parfaitement cette
façon de procéder : « recueillir les besoins de formation
» ; on serait tenté de forcer le trait en parlant de «
cueillette des besoins de formation ».
La réalité est somme toute plus complexe dans la
majorité des cas ; un problème s'apparente davantage à une
construction intellectuelle qu'à un fruit que l'on cueille, et la
recherche de solutions peut commencer quand le problème est
formulé. Dans cette perspective, la demande est le point de
départ de l'appui, mais : qu'entend-on par demande ? Comment la faire
exprimer ?
Le point de départ une
situation, vécue comme non satisfaisante
48 Atelier sur l'approche par la demande - Kaolack
06/2006. (propos tenus par la présidente d'une
fédération féminine de la région de Kaolack,
l'APROFES).
49 Dossier 1 - restitution finale, in Diagnostic de
l'offre et de la demande de FAR 05/2004 (CNEARC-CESAG)
50 Auteur de La production de connaissances pour
l'action. Arguments contre le racisme de l'intelligence, Paris, Maison
des
sciences de l'Homme, 1999
51 Equipe BROCHET M.- TOUZARD I.-BOUSSOU V.
(CNEARC Montpellier)
la demande initiale un point de vue,
une préoccupation (pour l'acteur concerné) point de vue lui
même résultant d'une position sociale et d'une pratique
professionnelle
l'appui à la construction sociale de la
demande 1- transformation en problème traitable Aide
à l'exploration, à l'extension de la surface du
problème
2- formulation d'un problème : comment faire pour
.... ?
3- recherche co-active de solutions (agriculteurs,
élus, agents de développement, formateurs)
Dans ce schéma, les principaux intéressés
à l'origine de la demande sont acteurs du processus ; ils participent
à la réflexion, à l'analyse de la situation, apportent
leur connaissance de l'environnement social, environnemental,
économique. La recherche de solution conduite avec eux rend possible
leur prise d'initiative et rend plus improbable la perspective de solutions
inapplicables car trop éloignées des contraintes qu'impose le
contexte : nous sommes très loin d'un besoin de formation au sens d'une
situation subie, au sens d'un besoin physiologique.
C'est pourquoi nous serons tenté de conclure ce
paragraphe en considérant qu'il est plus prudent de parler d'approche
par la demande, par opposition à l'approche par la demande...de
formation.
III- TROISIEME PARTIE - LA DEMARCHE DE RECHERCHE
III-1. L'ORIGINALITÉ DE MA DÉMARCHE (EN
TANT QU'ACTEUR DU PROCESSUS DEPUIS 2004)
L'originalité de notre démarche pour la
réalisation de ce travail tient au fait, qu'à la
différence d'une commande faite à un étudiant « de
passage », nous sommes non seulement très impliqué dans le
fonctionnement de la structure qui a passé cette commande, mais nous le
sommes aussi au travers des relations nouées entre le Bureau de la
formation professionnelle agricole et le RESOF depuis le diagnostic
réalisé avec l'appui du CNEARC de Montpellier et du CESAG de
Dakar en juillet 2004.
Comme l'indique l'extrait ci dessous, il s'agissait, en
participant à la mise en place du Bureau FPA, de faciliter la mise en
oeuvre de la stratégie nationale de formation agricole et rurale, et
notamment d'apporter un « appui à la création et à
l'animation des réseaux régionaux et nationaux d'acteurs de la
formation agricole et rurale, et un appui aux comités régionaux
et au comité national de planification stratégique de la
formation agricole et rurale ».
Extrait de la lettre de mission du poste d'assistant technique
au BFPA
Conseiller technique rattaché au bureau de la
formation professionnelle agricole, l'assistant technique sera plus
spécialement chargé d'appuyer la mise en oeuvre de la
stratégie nationale de formation agricole et rurale.
Sous la responsabilité du chef du bureau de la
formation professionnelle agricole, coordonnateur de la composante 2 du projet
« Promotion d'une agriculture compétitive et durable au
Sénégal », l'assistant technique contribuera à la
mise en oeuvre et au suivi du volet d'activité 2.1 « Mise en oeuvre
de la stratégie de formation agricole et rurale » du projet FSP. A
ce titre :
- Il contribuera à la réalisation de
l'étude sur l'état des lieux du dispositif de formation agricole
et rurale, en participant notamment à la préparation des termes
de référence et à la mission d'évaluation, et en
collaborant à la mise en place de la base de données nationale de
la formation agricole et rurale.
- Il participera à la mise en place et à
l'organisation du bureau de la formation professionnelle agricole, ainsi
qu'à l'identification des besoins de formation des agents qui y seront
affectés.
- Il contribuera à assurer une bonne coordination
des actions mises en oeuvre dans le cadre de la stratégie, à
travers un appui à la création et à l'animation des
réseaux régionaux et nationaux d'acteurs de la formation agricole
et rurale, et un appui aux comités régionaux et au «
comité national de planification stratégique de la formation
agricole et rurale ». Il veillera aussi à ce que ces comités
et réseaux se réunissent régulièrement, et
participera à la préparation de ces réunions.
- Il appuiera le bureau de la formation professionnelle
agricole dans la révision des formations existantes et dans
l'élaboration des contenus de formation dispensés dans les
nouveaux centres de formation des producteurs, et identifiera les besoins
d'expertises complémentaires nécessaires pour la
réalisation des ces objectifs. Il participera aussi à la
préparation des ateliers de restitution des études qui seront
financées dans le cadre du projet.
- Il participera aux réflexions sur la
pérennisation du conseil et de la formation agricole et rurale, et
notamment à la réflexion sur les modalités de mise en
oeuvre de concession de service public pour les centres de formation agricole
et rurale.
- Enfin, il participera à l'identification et au
développement de partenariats directs, d'une part, entre le
ministère sénégalais de l'agriculture et de
l'élevage et le ministère français de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et, d'autre part,
entre les établissements sénégalais de formation et leurs
homologues français. Dans ce cadre, il appuiera la préparation
des voyages d'études qui seront financés dans le cadre du
projet.
.../...
Juillet 2004 - août 2007 : trois ans déjà
que nous cheminons avec ces deux acteurs que sont le BFPA et le RESOF, acteurs
majeurs pour la mise en place d'un cadre de pilotage de la FAR dans la
région de Saint-Louis du Sénégal.
A travers la commande à laquelle ce travail tente de
répondre, le Bureau FPA attend deux types de résultats :
· Une capitalisation de ce qui a été fait,
tenté, rectifié et/ou abandonné jusqu'à aujourd'hui
; ce travail de capitalisation ne remplace pas celui que peut conduire le RESOF
pour son propre compte, mais il le complète par un point de vue
extérieur.
· Des analyses conduisant à des propositions
concrètes, pour relancer un processus qui semble s'enliser en chemin, et
pour le faire aboutir.
Le RESOF existait avant notre venue au Sénégal
mais, depuis 2004, la question du pilotage de la FAR a donné lieu a de
nombreux échanges et une dizaine de déplacements du Bureau
à Saint- Louis et dans la région, missions auxquelles nous avons
directement participé. De ce fait, notre implication au cours des
échanges avec le RESOF et ses partenaires, dans la préparation de
ces rencontres et aussi à travers notre Mémoire de recherche sur
le Réseau, fait de nous un acteur à part entière (mais
entièrement à part, nous en convenons bien volontiers) du
processus initié par le RESOF pour mettre en place un cadre de pilotage
de la formation.
C'est pourquoi, plutôt que de chercher à
recueillir de façon très académique l'information
nécessaire, par le biais d'enquêtes et de nombreux entretiens
systématiques, nous avons fait le choix de nous appuyer d'abord sur nos
propres notes, et sur les comptes-rendus de réunions et de missions
disponibles au niveau du BFPA et du RESOF ; quelques entretiens ont
été conduits sur des points particuliers, à partir de ce
« socle ».
La démarche de recherche que nous avons retenu, et dont
les résultats feront l'objet de la quatrième partie, s'articule
de la manière suivante :
1)°- Les éléments de départ
Le RESOF est créé en 2000 : pourquoi ?
Le pilotage, ou son absence, pose problème aux yeux des
acteurs
2)°- Les faits : sur quels faits pouvons nous nous appuyer
pour construire une analyse ? La démarche privilégiée par
le RESOF
Les actes posés jusqu'à la dernière mission
du BFPA, fin juin 2007 L'évolution du point de vue du RESOF, depuis
2004.
III- 2. LES ÉLÉMENTS DE DÉPART
III- 2.1. LE RESOF EST CRÉÉ EN 2000 :
POURQUOI ?
Nous nous sommes adressés à Jacques FAYE,
sociologue rural, proche collaborateur du bureau d'appui à la
coopération sénégalo-suisse (qui subventionne le
fonctionnement du RESOF), et à l'époque directeur
général de l'Institut Sénégalais de Recherche
Agronomique (ISRA) au moment des faits. Son discours éclaire les
conditions dans lesquelles a émergé l'idée de faire
travailler en réseau les acteurs de la formation agricole et rurale,
dans la Vallée du Fleuve Sénégal.
C'est lorsqu'il travaillait sur le nouveau projet
d'établissement de l'ISRA, qui a conduit à la création de
l'actuel Fonds National de Recherche Agricole et Agroalimentaire, que cette
idée a germé. La question centrale était alors la suivante
: « Comment s'organiser pour en faire davantage, sachant que nos pays
disposent de moyens limités ? »
Le constat était unanimement partagé : des
personnels nombreux, répartis dans de nombreuses institutions publiques
oeuvrant dans le développement rural. Il paraissait donc logique de les
faire travailler ensemble, pour permettre d'additionner les avantages
comparatifs de chaque institution, tout en décloisonnant des
institutions qui travaillaient pour le même bénéficiaire
final.
La question qui venait immédiatement après
était donc : comment on va s'y prendre ? Deux options se
présentaient alors :
1) fusion de ces institutions
Mais très rapidement, les nombreux freins
identifiés incitèrent à penser que cette solution ne
menait nulle part.
2) les faire fonctionner en réseaux (sur des
sujets d'intérêt commun). Dans ce cas, il fallait que
quelque chose motive les gens à aller dans ce sens car une limite
apparaissait immédiatement : les moyens financiers. En effet, «
outre le fait qu'il n'est pas illimité, l'argent qu'on « flaire
» attire du monde, et pas nécessairement pour la bonne cause
».
Le contexte général était cependant
favorable pour conduire certaines réformes ; le ministre de
l'époque (Robert SAGNA) souhaitait redonner une image positive au
ministère, et le gouvernement voulait remettre un peu d'ordre dans le
secteur.
Il était également question de créer une
véritable Direction de la Formation Professionnelle Agricole ; le
président de la République avait donné le feu vert, et la
Banque Mondiale et la Coopération Française étaient
également d'accord pour l'appuyer.
Tous les décideurs s'accordaient sur la
prégnance d'un exode rural déjà bien visible à
cette époque. Il paraissait évident que tous les jeunes ruraux ne
pourraient pas s'installer en tant qu'agriculteurs, et que la Formation
(Agricole et Rurale) était un moyen de donner aux jeunes les clés
pour entrer dans l'économie urbaine, et les armer pour qu'ils puissent
affronter cette mutation avec un minimum de chances de réussite
d'insertion.
« Au départ, l'idée était aussi
de concéder le service public aux ONG et opérateurs privés
qui souhaitaient gérer des centres de formation. Cette idée
valait également pour le Conseil agricole, car selon moi, l'ANCAR ne
devait pas disposer de personnels de terrain (contrairement à la version
actuelle qui a été mise en place dans le cadre du programme des
Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs(trices)
PSAOP). »
« On a donc dit à ces acteurs, qui se situent
dans le champ de l'opérationnel : « Si vous vous mettez en
réseau, en nous expliquant pour quoi faire, on vous donnera les moyens
de travailler » ! C'est la « carotte » que nous avions
trouvé pour les inciter à aller dans ce sens. »
Six ans plus tard, Jacques FAYE reconnaît que les
avancées sont minces, et en attribue d'abord la cause à
l'alternance politique de 2000, la nouvelle équipe gouvernementale
aurait découragé les acteurs impliqués en mettant «
au placard » les dossiers en cours, hérités de
l'équipe précédente.
En vérité, au nombre de ces acteurs figuraient
en bonne place les paysans eux-mêmes, et ils ne semblent pas s'être
beaucoup investi dans les réseaux émergents, peut être en
raison du fait que cette initiative n'était pas parti d'une demande
formelle de leur part. Pourtant, l'idée de départ se limitait
à rendre visible quelque chose qui existait en partie déjà
dans les faits, au quotidien.
Ainsi, les représentants de la profession, comme le
président de l'imposante Fédération des
Périmètres Autogérés (riziculteurs), et l'Ecole
Nationale d'Economie Appliquée, travaillaient déjà
ensemble sur les problématiques du Conseil et de la Formation
Agricole.
III- 2.2. LE PILOTAGE (OU SON ABSENCE) POSE PROBLÈME
AUX YEUX DES ACTEURS
Ce point de vue exprimé par Jacques FAYE, et
confirmé par d'autres acteurs de la FAR au plan national, nous apprend
que la création du Réseau formation fleuve a constitué
l'aboutissement de deux préoccupations :
· La recherche de complémentarités,
plutôt que la logique de concurrence, chez les offreurs publics et
privés de formation rurale, nombreux et passablement cloisonnés,
ce qui se traduisait par des réponses très « sectorielles
», segmentées là où les paysans attendaient une
démarche plus systémique pour satisfaire à des
préoccupations globales, dictées par la complexité de leur
environnement socio économique et agro climatique.
· La volonté d'améliorer la qualité
des services rendus par les formateurs et leurs
institutions : « redorer le blason du ministère
de l'agriculture », selon le ministre de l'époque.
Dans les deux cas, il s'agissait de mieux prendre en compte
les préoccupations des acteurs du développement rural, par une
offre de formation qui prendrait en charge, de façon concertée,
« la demande ».
En amont, Piloter consiste à
définir le cap à suivre, les orientations, et à programmer
les actions qui concourent à tendre vers les objectifs définis.
En aval, Piloter consiste à s'assurer de la qualité des produits,
en se référant aux objectifs fixés.
Les fonctions de surveillance et de contrôle
assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte
des résultats attendus, si celle-ci ne dispose pas du pouvoir (et des
moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le déroulement des
processus
La Régulation consiste à opérer ces
ajustements, en agissant sur les intrants du système et sur
l'amélioration des processus de transformation donnant naissance aux
extrants.
Nous sommes bien au coeur du couple inséparable
pilotage - régulation que nous avons abordé dans la partie
précédente, à la nuance près que, si la
nécessité d'une régulation est omniprésente dans
l'esprit de tous ceux qui concourront à la création du RESOF,
en revanche les questions de pilotage paraissent ne pas avoir
été abordées, tout au moins pour les aspects concrets
de mise en place et d'opérationnalité.
C'est à notre sens l'une des raisons majeures qui
conduiront les membres du RESOF à s'interroger, de façon
explicite ou implicite le plus souvent52, sur l'utilité de
cette organisation, sur ce qu'ils peuvent en attendre pour eux-mêmes, et
sur la direction à suivre.
Cette absence de pilote, pour fixer le cap et rappeler de
temps en temps les règles du jeu et les objectifs à atteindre,
finira par nuire à la visibilité, aux efforts et à la
bonne volonté des membres les plus actifs du Réseau, cette
frustration sera l'un des moteurs qui ont contribué au rapprochement
avec le BFPA, et à l'origine de l'atelier que le RESOF organisera du 30
novembre au 1er décembre 2004 à Saint louis, dans
l'objectif de mettre en place une structure de pilotage de la FAR dans la
vallée du fleuve Sénégal, afin « d'alimenter la
réflexion sur les politiques et
52 Comment expliquer autrement le caractère
cyclique des tentatives de re-motivation des membres et de redynamisation du
réseau ?
stratégies de formation, de faciliter la coordination
des activités et de servir de relais entre les acteurs du niveau
national et ceux du niveau local ».
Nous verrons par la suite qu'entre les acteurs
concernés au premier chef, des ambigüités importantes
subsistaient quant à la finalité du pilotage, et quant au
rôle et à la place du Résof face à cette nouvelle
mission.
III- 3. LES FAITS (ANALYSE DÉTAILLÉE EN
4ÈME PARTIE)
III-3.1. LA DÉMARCHE DU RESOF
Dès l'origine, les initiateurs du RESOF ont
souhaité faire de cette organisation un large cadre de rassemblement le
plus consensuel possible ; c'est la raison pour laquelle les acteurs
situés sur la demande (organisations professionnelles agricoles pour
l'essentiel) ont été invités à rejoindre les
offreurs de formation. Nous avons même entendu un membre du Résof
affirmer que tous les ruraux de la vallée avaient vocation à
intégrer le réseau : finalement, la seule distinction aujourd'hui
se situerait au niveau du paiement ou non de la cotisation...
L'absence d'organisation des acteurs de la FAR dans la
Vallée a alors laissé place à la présence d'une
organisation, pressentie au départ pour devenir un réseau de
formateurs, à laquelle on demande désormais de jouer des
rôles multiples : chaque organisation membre tirant du côté
ou se trouve son intérêt. Dès lors, le risque paraît
grand de dériver vers l'auberge espagnole
La confusion possible sera rendue visible à l'occasion
de la rédaction des actes de l'atelier de décembre 2004,
confiée à l'inspecteur d'académie. Les principales
recommandations, peut-on y lire, ont trait i)à la mise en place d'un
fonds régional de formation, ii)à la mise en place d'une
structure inter régionale de coordination et d'impulsion de la FAR (car
le territoire de la Vallée ignore les frontières des
régions administratives) ; mais la conclusion générale du
rapport53 , qui sera repris par la suite, se termine en ces termes
:
« il est fondé de nourrir l'espoir que la
formation agricole et rurale devienne mieux pilotée par un RESOF mieux
organisé et plus renforcé, disposant d'un cadre de
référence et d'une réglementation formalisée et
acceptée de tous. »
Pourtant, en prenant l'initiative d'organiser cet atelier de
réflexion, et en y conviant à peu près tous les acteurs
potentiellement intéressés, le RESOF jouait la carte de la
transparence et de la concertation : difficile dans ces conditions de lui
attribuer de quelconques velléités cachées
d'hégémonie. Plus simplement, le rédacteur était
victime d'une information imparfaite quant à l'esprit du Résof,
et avait sans doute cru aller au devant de ce qu'il croyait percevoir des
aspirations de l'organisation.
Rassembler tout le monde, ne léser ni ne fâcher
personne, cultiver le consensus pour aller de l'avant : telle a
été la démarche du Résof, à priori
sympathique mais en faisant courir le risque de frustrations à venir, et
de « désamour », par méconnaissance des enjeux et des
objectifs communs, par impatience voire _peut être_ par
égoïsme.
III-3.2. LES ACTES POSÉS (JUSQU'À LA
DERNIÈRE MISSION DU BFPA FIN JUIN 2007)
53 RESOF - Acte de l`atelier de
réflexion et de partage sur le pilotage de la Formation Agricole et
Rurale dans la Vallée du Fleuve Sénégal - page
52.
Après avoir présenté ci dessus les
éléments de départ de notre travail de recherche, nous
nous sommes intéressé à dresser l'inventaire des actes
posés par le Résof au cours des trois dernières
années, c'est à dire au cours de la période allant de
juillet 2004 à juillet 2007.
Pourquoi cette période, plus particulièrement ?
Ce choix nous semble naturellement cohérent, pour
plusieurs raisons complémentaires :
· Elle couvre la collaboration entre le Bureau Formation du
ministère de l'agriculture et le Résof, qui démarre
réellement avec le diagnostic réalisé dans le delta ;
· Elle démarre avec les premiers échanges
autour du pilotage et de la SNFAR, entre ces deux structures ;
· Elle ouvre un nouveau « cycle » pour le
Résof, à la suite de la période 2000 - 2003, correspondant
à la naissance, à la formalisation et
l'opérationnalisation croissante du réseau, d'abord
préoccupé par sa propre fragilité.
Dès lors que le choix de la période de
référence nous semblait évident, nous avons pu relever un
certain nombre d'actes posés par l'organisation Résof, à
son initiative ou en partenariat avec le BFPA ; ces actes nous apparaissent
importants et significatifs, tout comme l'est leur chronologie, qui
témoigne, au plan général, d'une évolution des
paradigmes et, au plan particulier d'une évolution des positions prises
par le Résof au fil du temps.
Nous mentionnons ci dessous les différents points que nous
avons identifié, retenu, et que nous nous proposons d'analyser dans la
quatrième partie de notre travail.
1. Le diagnostic sur l'offre et la demande de
formation, réalisé mi-2004 dans le delta du Fleuve
Sénégal avec le BFPA
Il s'agit de la toute première collaboration
concrète, et le travail réalisé en commun durant trois
semaines sera riche d'enseignements pour ces deux jeunes entités, le
BFPA existant depuis moins d'un an.
2. L'atelier du RESOF sur un pilotage
régional de la FAR, en décembre 2004
Point de départ « formel » de la
réflexion sur le pilotage de la FAR au plan régional, c'est aussi
le point d'orgue de cette nouvelle dynamique, qui montrera malheureusement
assez rapidement des signes d'essoufflement.
3. Les plans minimaux de formation des
producteurs
Il s'agit de la première réelle inflexion du
réseau qui, auparavant, s'était contenté d'élaborer
une base de données de ses membres (compétences,
spécificités), et de fonctionner sur le modèle d'un club
de réflexion, avec quelques séminaires à l'appui.
4. L'atelier de mise à niveau sur la loi
d'orientation, organisé par le pool Podor/Matam/(Bakel) en septembre
2005.
Le dynamisme du pool PMB a milité en faveur de la tenue
à Matam de cet atelier, qui a surpris par la participation très
importante des présidents de conseils ruraux54..
5. Les fonds locaux de formation
54 élus à la tête des
Communautés Rurales, qui sont l échelon de base de la
décentralisation, au même titre que la commune en France, mais
pour une superficie plus importante : le Sénégal est
découpé en 320 communautés rurales, et 110 communes
urbaines (dont 50 dans l'agglomération dakaroise).
Seconde inflexion majeure du Résof, et suite logique de
« l'acte » précédent, les fonds de formation locaux
tentent d'apporter une réponse au lancinant problème du
financement des actions de formation, dans un contexte de solvabilité
très limitée et d'absence de mécanismes de collecte de
taxes et de cotisations.
6. Le groupe d'animation du RESOF
Plusieurs initiatives ont été impulsées par
le Résof pour impliquer des personnes-
ressources et leurs organisations non membres du réseau
dans des groupes de travail auxquels était confié la
responsabilité de proposer un canevas cohérent et un
échéancier de mise en place d'une instance de pilotage
régionale.
7. une formation innovante pour les jeunes
ruraux
Cette initiative, portée en principe par le
Résof, est à mettre au crédit du BFPA, en réponse
aux exigences d'organisations paysannes peu attirées par les cycles
standards de formation proposés aux jeunes ruraux par le centre
d'initiation horticole de Saint Louis.
8. L'implication « transversale » du BFPA
depuis 2004
Le caractère national du domaine d'intervention du BFPA
ne s'oppose pas au développement de relations
privilégiées, et de chantiers conduits en commun sur le terrain,
dans les régions ; il s'en nourrit au contraire, car les
expérimentations en grandeur nature et en conditions réelles sont
celles qui produisent les informations les plus pertinentes en matière
de pilotage de politiques sectorielles, afin de coller au plus près des
réalités.
.../...
IV- QUATRIEME PARTIE - LA « LONGUE MARCHE »
VERS LE PILOTAGE PARTAGE
IV-1. LES « RÉSULTATS »
IV-1.1. Le diagnostic sur l'offre et la demande de
formation, réalisé mi-2004 dans le delta du Fleuve
Sénégal avec le BFPA.
Ainsi que nous l'annoncions plus haut, il s'agit de la toute
première collaboration concrète, entre le RESOF et le BFPA. En
réalité, il s'agit même de la première
opération d'envergure commanditée par le Bureau de la formation
professionnelle agricole ; créé officiellement mi 2003, il ne
disposera de deux agents qu'à compter de septembre 2003. La lettre de
mission de l'assistant technique, antérieure au démarrage du
BFPA, prévoyait explicitement un appui à la réalisation
« d'une étude sur l'état des lieux du dispositif de
formation agricole et rurale ».
Cette étude était justifiée par une des
recommandations de la stratégie nationale de FAR, pour la mise en oeuvre
de laquelle le Bureau FPA avait été créé quelques
mois plus tôt ; il s'agissait d'approfondir l'état des lieux
réalisé en 1998, plus finement, pour en déduire des
propositions concrètes de rénovation du dispositif de FAR.
Les coopérations suisse et française avaient
donné leur accord pour cofinancer cette étude, et le BFPA les
avait associé étroitement à sa préparation. C'est
ainsi que la préférence avait été donnée
à un exercice conduit sous forme participative avec les acteurs des deux
régions retenues, plutôt qu'un travail plus classique de bureau
d'études, dont l'appropriation par les intéressés
s'arrête en général lors de la restitution-validation du
travail des experts.
Le RESOF, déjà appuyé par le partenaire
suisse, avait semblé être une porte d'entrée naturelle pour
mener à bien ce travail dans la vallée du fleuve
Sénégal, en s'appuyant sur ses membres et ses partenaires. Le
diagnostic de l'offre et de la demande de formation agricole et rurale sera
d'abord réalisé en Casamance en mai 2004, au sud du pays, puis
reproduit en juillet dans la zone du delta ; une vingtaine d'hommes et de
femmes appartenant aux organisations membres du Résof seront
mobilisés durant près de trois semaines pour réaliser ce
diagnostic participatif, avec le concours du BFPA et l'appui
méthodologique de trois enseignants sénégalais et
français55.
Basé sur l'utilisation d'entretiens de
compréhension (une centaine au total, de groupe et individuels) conduits
par petits groupes composés d'élus d'organisations paysannes, de
techniciens et de formateurs, ce diagnostic a été doublement
important :
· De par les informations qu'il a permis de mettre à
jour ;
· De par le caractère collaboratif du travail,
sur le terrain et durant les moments de dépouillement des entretiens et
de leur analyse, qui a grandement facilité les échanges entre les
acteurs, et permis à chacun d'eux de mieux appréhender le point
de vue des autres catégories d'acteurs.
Pour disposer d'une vision plus exhaustive des
résultats obtenus, nous conseillons au lecteur de prendre connaissance
du document de capitalisation que le BFPA a mis en ligne sur ses pages web ;
compte-tenu de l'espace limité dont nous disposons ici, nous ne pouvons
que résumer ci- après les principaux enseignements tirés
:
Enseignements sur l'offre de formation:
55 Dont deux de l'ex- CNEARC (Institut des
Régions Chaudes, de SUPAGRO Montpellier)et un du CESAG Dakar.
· Les contenus témoignent d'une vision trop
restrictive de la finalité des formations : finalité de transfert
et non d'aide à la recherche de solutions.
· Un trop grand nombre de formations se résume
à des recettes, soit techniques, soit organisationnelles,
enseignées en cascade par des spécialistes ou des
démultiplicateurs. Très peu prennent en compte les situations
vécues par les gens et les processus d'innovation des paysans. Des
représentations trop restrictives du rôle des formations,
conçues et dispensées comme une succession de questions /
réponses à des problèmes ponctuels, isolés des
contextes économiques, sociaux et historiques.
· Déficit d'analyse des réalités
agraires, camouflé par des jugements hâtifs et négatifs sur
l'agriculture et les agriculteurs
· L'ambiguïté des méthodes dites
« participatives » : Les populations sont « consultées
» pour établir des programmes de planification stratégique,
mais dans la pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de
doléances (ou les « besoins ») puis à établir et
faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre
institutionnelle préexistante
· Il existe beaucoup d'offres de formation, car la
formation est devenue « une activité de projet ». La plupart
des formations sont conçues comme des services marchands. Les
procédures de mise en marché de ces formations aboutissent
souvent à des formes bureaucratiques séparant arbitrairement
analyse de la demande, conception et réalisation alors que certains cas
illustrent l'intérêt d'une approche intégrée.
· Les formations s'adressent à un public de
responsables d'OP qui se renouvellent peu dans un contexte où
l'information ne diffuse pas en « tache d'huile ».
· L'offre de formation sur la gestion durable des
systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que l'accès
au crédit ressort des entretiens comme LE facteur limitant
Sur la formation des producteurs
Pour réaliser de manière significative des
formations d'agriculteurs à des coûts supportables par les
économies locales, des efforts importants doivent être entrepris
dans trois directions :
(D Impliquer les agriculteurs et leurs représentants dans
les processus de réflexion et de construction des dispositifs de
formation, au même titre que les opérateurs de formation.
(2) Réhabiliter les formations techniques agricoles
basées sur l'observation, l'analyse des pratiques et itinéraires
techniques en agriculture et en élevage.
Il s'avère nécessaire de remplacer les
habituelles fiches de recettes et les enseignements méthodologiques sur
l'organisationnel et la communication par du concret se référant
à la situation des agriculteurs. Pour mettre en oeuvre cette
rénovation pédagogique, il est indispensable de mettre l'accent
sur une meilleure connaissance des systèmes de production agricole
(diagnostics agro-socio-économiques partagés) et surtout d'avoir
une bonne compréhension des dynamiques d'évolution des
systèmes agraires. En effet, trop de formateurs ou de
développeurs sont tentés par l'enseignement de «
modèles » d'agricultures exogènes, sans même se donner
la peine de comprendre les raisons qui motivent les pratiques des agriculteurs
dans tel ou tel terroir. Il faut donc concevoir une offre de formation en terme
d'appui au changement et de recherche de solutions.
® Elargir le public des agriculteurs formés.
. En privilégiant le recrutement d'individus
sélectionnés pour leur position de leader ou de
représentant de groupement d'agriculteurs, afin de suivre des
formations, on ne crée pas les conditions pour amorcer « une
formation de masse ». Par ailleurs, si on considère que le
dispositif de formation doit favoriser les échanges d'expériences
entre agriculteurs, afin de permettre une réelle appropriation des
innovations, il est préférable de réaliser des
formations pour l'ensemble d'un groupe social, plutôt que
par groupes de niveaux déterminés par la maîtrise de la
lecture et de l'écriture ou du français.
Les voyages-visites signalés par les agriculteurs lors des
entretiens sont un moyen efficace pour suppléer aux formations
habituelles en salle.
Formation des agents
Il est essentiel de redonner aux écoles de formation
initiale, comme l'école d'élevage de Saint Louis, les missions de
former des techniciens et des agents de contact en trois ans à partir
d'un recrutement au niveau BEPC. A leur sortie, ces techniciens travaillent en
situation d'interface avec les agriculteurs. La réussite des projets de
formation des agriculteurs et d'appui aux organisations professionnelles
agricoles, l'efficacité des actions de conseil de l'Agence nationale de
conseil agricole et rural (ANCAR) et la performance des projets
économiques passent nécessairement par le renforcement des
capacités professionnelles de cette catégorie d'acteurs.
Par contre, l'objectif de former des agriculteurs en trois
ans pour en faire des entrepreneurs est totalement déconnecté de
la réalité sociale et économique, même s'il est
possible de trouver quelques exceptions.
sur la formation des jeunes ruraux
Pour les jeunes, il est souhaitable de concilier formation
agricole (ce qui ne se limite pas aux itinéraires techniques) et
formation aux métiers de l'artisanat, afin qu'ils soient en
capacité d'exercer une pluri-activité en fonction des
opportunités.
.../...
Compte tenu de l'intérêt enthousiaste
manifesté par les participants, il avait été jugé
souhaitable de « pérenniser » le groupe, baptisé Groupe
d'ingénierie de formation, en veillant à son
élargissement.
Ce travail collectif, réalisé dans une
excellente ambiance, a permis de remobiliser les membres du Résof, et
notamment ceux du pool Delta, le pool le moins actif56 ; en
permettant à de multiples acteurs situés sur la production, la
transformation de produits agricoles, les services, ainsi qu'aux élus
locaux d'exprimer leurs préoccupations, sans cadre contraignant ; il a
produit de l'information abondante pour l'avenir, dont peuvent s'emparer les
acteurs situés sur l'offre de formation, et le pool Podor-Matam-Bakel ne
cesse depuis de réclamer qu'un tel exercice de formation - action puisse
se tenir dans sa zone d'intervention, et au bénéfice de ses
membres.
Ces travaux connaîtront deux prolongements
immédiats :
· L'organisation fin 2004, par le RESOF, d'un forum
régional sur la nécessité d'un pilotage régional de
la FAR, au côté des instances de régulation existantes et
ouvert à tous les acteurs concernés, afin que les dispositifs de
formation répondent plus efficacement à la résolution des
problèmes des ruraux.
· La restitution, au plan national, des travaux conduits
dans le delta et en Casamance donnera lieu à une
réactualisation de la stratégie nationale (SNFAR), en janvier
2005.
IV-1.2. L'atelier du RESOF sur un pilotage régional
de la FAR, en décembre 2004
« Mettre en place une structure de pilotage de la
Formation Agricole et Rurale chargée d'alimenter la réflexion sur
les politiques et stratégies de formation, de faciliter la coordination
des activités et de servir de relais entre les acteurs du niveau
national et ceux du niveau local ».
Tel était rédigé l'objectif
général de cet atelier, qui s'est déroulé sur deux
jours du 30 novembre au 1er décembre 2004, dans les locaux de la
Chambre de commerce de Saint louis ; dans les termes
56 Mais c'est le moins pourvu en membres (8) et le
plus récent (mais les deux autres pools n'ont à cette date que
six mois d'existence)
de référence de l'atelier, le RESOF se
présente comme une initiative de formateurs née dans le sillage
de la SNFAR, « impliquée dans la réflexion pour
l'amélioration des mécanismes de formulation de la demande et de
l'offre de formation agricole et rurale et de la coordination des actions dans
la vallée du fleuve Sénégal pour permettre aux acteurs de
résoudre par eux mêmes les contraintes identifiées
».
Nous y apprenons également que la mise en place d'un
comité régional de planification stratégique de la FAR
dans la vallée du fleuve Sénégal figure au nombre des
résultats clefs inscrits au plan d'action 2003 - 2005 du Résof :
il n'était donc pas illogique que cet acteur régional et le BFPA
se retrouvent autour de cet objectif commun.
La cérémonie d'ouverture donnera lieu
successivement à plusieurs discours, dont celui du représentant
du Conseil régional de Saint-Louis, qui assurera le forum de tout le
soutien du président de région pour mener à bien cette
initiative. A ce moment précis, rien ne semblait s'opposer à ce
que soit mis en place le cadre de pilotage souhaité, dans les prochains
mois ; d'ailleurs, au chapitre des recommandations proposées à
l'issue de l'atelier, mandat a été donné au RESOF de
mettre en place un comité de suivi, chargé de proposer «
dans un délai de trois mois », un cadre
opérationnel de pilotage de la FAR « dans la
vallée du fleuve Sénégal ».
Alors même que le Résof connaît des
difficultés de fonctionnement, liées notamment à
l'éloignement entre ses membres57 (et malgré la
création récente des trois pools), il est bien question de mettre
sur pied une instance de pilotage, à cheval sur pas moins de quatre
régions administratives.
Au nombre des principaux défenseurs d'un cadre commun
pour l'ensemble de la région agro écologique figure le
responsable français de l'ONG DIAPANTE, animateur du pool de Saint Louis
et par ailleurs responsable formation national du Conseil des ONG d'Appui au
Développement (CON GAD) ; il défendra logiquement, sans faiblir
malgré une forte opposition, cette même position quelques semaines
plus tard, à l'occasion de l'atelier de restitution des deux diagnostics
dont nous avons déjà parlé, organisé par le BFPA
à l'hôtel Indépendance de Dakar mi janvier 2005.
Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, nous sommes
enclin à penser que la réflexion au cours de cet atelier de 2004
n'a pas été suffisamment approfondie. Pourquoi cela ? parce que
dans l'hypothèse d'un cadre commun aux quatre régions
administratives, seul le conseil régional de Saint Louis est
présent. Pire, les autres collectivités régionales ne
semblent pas compter plus que cela puisque la recommandation déjà
citée, donnant mandat au Résof de mettre sur pied un
comité de suivi qui devra proposer dans les trois mois un cadre
opérationnel de pilotage de la FAR, est libellée comme suit :
Ce comité qui sera cogéré par les
acteurs devra être souple et léger et ne devra pas comporter un
effectif de plus de dix membres. L'ARD, le conseil régional ,les
communes, les communauté rurales les centres de formation, les
structures d'appui et de conseil ,les organisations des producteurs y seront
représentés chacun par un membre
Le singulier employé pour désigner l'Agence
Régionale de Développement ainsi que LE conseil régional
incline à croire que c'est bien la seule région de Saint-Louis
qui est concernée par cette affaire...
Par la suite, certaines faiblesses seront à l'origine
d'un retard important, qui ne fera que s'accentuer : il faudra près d'un
an pour que sortent les actes de l'atelier, dans lesquels les principaux
acteurs mobilisés peineront à se retrouver ; à tel point
que l'animateur du Résof sera contraint de les reprendre et finalisera
une version plus conforme aux échanges qui s'étaient
déroulés.
57 Le forum demandait d'ailleurs au Résof de
se restructurer « aux niveaux inter régional, régional et
local »
Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous aborderons le
point n°6 « Le groupe d'animation du RESOF
».
Soulignons à ce stade que les élus locaux ne
sont pas insensibles aux questions agricoles, et aux questions de formation
agricole et rurale, loin de là. Nous en voulons pour preuve un autre
atelier, organisé par le pool PMB du Résof à Matam, mais
dans lequel le Bureau FPA s'est largement impliqué : consacré aux
implications de la SNFAR dans la mise en oeuvre de la nouvelle loi
d'orientation agro-sylvo-pastorale, cet atelier d'échanges a connu une
participation exceptionnellement forte des élus locaux, avec une
vingtaine de présidents de conseils ruraux présents en personne
durant les deux journées. Tous ceux qui se sont exprimés ont
déclaré leur volonté, dans le cadre des
opportunités offertes par la LOASP, d'aller au-delà de la seule
concertation sur les questions de formation, pour dorénavant
définir des mécanismes d'orientation, de pilotage et de
gestion.
IV-1.3. Les plans minimaux de formation des
producteurs
Nous avons à plusieurs reprises évoqué la
mise en place par le Résof de trois pools58
géographiques :
· Saint-Louis / Louga,
· Delta (Dagana)
· Podor/Matam/Bakel
Confronté à la difficulté d'être
suffisamment au contact des acteurs de terrain qui se trouvent à
l'échelon des Communautés Rurales (la collectivité
territoriale de base), le RESOF a créé fin 2003 ces trois pools
répartis dans la Vallée, que sa plaquette présente comme
« un dispositif décentralisé de concertation et de mise en
oeuvre pour rapprocher l'offre et la demande locale de FAR, composé
d'élus locaux, d'OP, d'opérateurs de formation et des projets de
développement ».
Ils sont personnalisés par autant de points focaux,
à qui il revient d'en assurer l'animation et la liaison avec l'animateur
du RESOF. Mais il est à craindre que les difficultés de
communication et d'animation à l'échelon supra se retrouvent
également dans le fonctionnement des pools, d'autant que leurs missions
sont larges :
o Concertation entre acteurs, pour définir les
priorités de formation (mais quelle légitimité, sauf
à apparaître comme un financeur ?).
o Mobilisation des partenaires et diffusion de l'information.
o Renforcement de capacités pour l'élaboration de
programmes. o Validation des programmes de formation des OP
o Appui à la recherche de financement
o Suivi et évaluation de la mise en oeuvre
o Participation à la régulation de la formation au
niveau local
Nous verrons, en lien avec le point suivant, que ces pools
amènent l'entité RESOF à revendiquer la prise en charge de
la demande de formation et de ses spécificités au niveau local,
en prenant le risque de se positionner non seulement comme un concurrent des
prestataires de formation classiques, mais aussi de se voir accuser de fausser
la concurrence en favorisant certains de ses membres qui sont eux-mêmes
prestataires.
58 Présentés comme des guichets de
concertations sur le site web du Résof : le mot guichet prête
évidemment à confusion
Certes, il s'agissait au départ de rapprocher le
réseau de ses acteurs de terrain, pour contribuer à
améliorer les mécanismes d'identification des besoins et de
formulation de la demande de formation. Ces espaces de dialogue entre les
collectivités locales, les organisations professionnelles et les
formateurs ont vocation, selon le Résof, à définir des
stratégies appropriées pour élaborer et mettre en oeuvre
des activités et des programmes de formation des producteurs : les plans
minimaux de formation des producteurs.
Le qualificatif « minimaux » fait
référence aux possibilités limitées de financement
des activités de formation ; il s'en suit que ces plans minimaux
correspondent à la partie la plus prioritaire des besoins de formation
mis en évidence par les diagnostics réalisés.
Imaginés depuis 2004, ils constituent, avec le pool,
le second instrument décentralisé de gestion participative du
programme du RESOF. Basé sur cinq modules conçus par les
formateurs issus des organisations, le plan minimal est validé par le
pool qui doit mobiliser toutes les ressources locales disponibles pour sa
réalisation (mais l'essentiel des fonds nécessaires provient de
la subvention accordée par la coopération suisse au
Résof). Un programme de dix plans minimaux est en cours
d'exécution, qui a touché jusqu'ici 215 personnes dont 46 femmes,
mais le RESOF avoue que la mobilisation des acteurs majeurs comme la SAED ou
les agro industriels pose encore problème.
Le pool Podor-Matam-Bakel a été le premier
à élaborer des plans minimaux de formation des producteurs, pour
les organisations professionnelles agricoles de la Vallée ; à ce
jour, dix modules ont été réalisés et
dispensés ; cependant, des insuffisances ont été
relevées :
· La présence des femmes est inversement
proportionnelle au rôle qu'elles jouent dans les systèmes socio
économiques ;
· Les résultats de ces plans minimaux
déjà mis en oeuvre se situent plus au niveau des individus que de
leurs organisations, ce qui paraît limiter la visibilité et la
portée des appuis du Résof dans cette zone ;
· Les organisations membres du pool éprouvent de
sérieuses difficultés à réaliser les autres modules
prévus ; l'animateur du Résof ne mâche pas ses mots
lorsqu'il affirme devant nous que « les plans minimaux de formation,
ça ne marche pas ! ce sont toujours ces quelques mêmes modules que
nous avons encouragé au départ que les gens reproduisent partout,
sans changer une virgule ! ».
Dans son plan d'action en cours de validité, le
Résof a pourtant prévu d'appuyer la réalisation et
l'exécution de plans minimaux de formation dans la zone du pool Delta,
mais au bénéfice exclusif des femmes productrices ; il s'agit de
l'Initiative Rurale d'Appui Accompagnement aux Productrices du Delta (IRAAPD).
Cette initiative conduite sous l'égide du pool Delta s'appuiera dans les
prochaines semaines sur l'expérience de deux de ses membres, la FEPRODES
et le RADI59, et partira des données collectées lors
du diagnostic conduit en 2004 avec le bureau FPA.
30 femmes seront formées pour animer ce processus et
participeront à l'élaboration de ce plan minimal, dont
l'intitulé évolue pour devenir « Plan minimal communautaire
de formation des productrices » ; il se donne pour objectif de fournir aux
productrices des outils de gestion appropriés pour améliorer les
performances de leurs activités agricoles et non agricoles.
Les plans minimaux sont le fruit d'une pression importante
des Organisations Professionnelles sur le Résof ; il s'agit pour elles
de faire en sorte que le réseau apporte des services concrets aux
individus qui en sont les membres à la base, et pour lesquels la
réflexion sur la régulation des pratiques de formation ne
constitue pas nécessairement un élément fort de
mobilisation.
59 Voie en annexes la liste des membres, et le
développé de leurs sigles
IV-1.4. Les fonds locaux de formation
Provenant d'une ligne budgétaire de l'appui suisse au
RESOF, un fonds de formation local va bientôt être mis en place au
niveau de chaque pool pour (nous citons) « construire une approche
novatrice d'appui-conseil ». En fait, ces fonds de formation «
à usage local » sont le prolongement logique des plans minimaux de
formation des producteurs (trices), semblant parachever une évolution
naturelle du Résof vers une intégration verticale des
activités du secteur formation, nous aurons du reste l'occasion d'y
revenir dans notre analyse globale un peu plus loin.
Adama FAYE, le responsable du Bureau d'Appui à la
coopération sénégalo-suisse, parle de ces nouveaux fonds
de formation comme d'une expérience destinée à tester un
nouveau mécanisme de régulation participative ; dans le cas
présent, la régulation peut être prise en charge par des
partenaires qui réunissent les conditions de base, c'est à dire
:
· Des OP mobilisées autour de la formation,
· Des collectivités territoriales, qui pourraient
à travers ce dispositif s'impliquer davantage dans la formation pour le
développement de leurs territoires,
· L'existence de services agricoles de conseil, de
recherche et de formation, capables d'accompagner le processus.
Pour ce responsable, l'expérience du fonds de
formation a une valeur pédagogique : à travers le cadre
d'apprentissage que nécessite sa gestion, les acteurs en présence
sont formellement associés pour conduire une activité
concrète et très précise, et dont la dimension
économique est omniprésente ; dans ce contexte, de nouveaux types
de rapports pourraient s'établir entre eux, pour concourir à une
meilleure articulation entre les demandes et l'offre de formation
régionale.
Ce dispositif, qui va également être
testé en Casamance et avec le pole de services de Tambacounda et Kolda,
bénéficie au démarrage d'une dotation initiale provenant
uniquement du bailleur de fonds ; par la suite, les organisations
professionnelles et les collectivités locales
bénéficiaires tenteront de diversifier les sources de
financement, et devront elles mêmes contribuer à abonder le
fonds.
Sur le principe, les choses sont relativement simples :
à partir de la subvention allouée par la coopération
suisse au Résof, une ligne bien identifiée va alimenter un budget
« fonds-formation » individualisé pour chacun des trois pools,
à charge pour eux de contractualiser avec les communautés rurales
une convention de mise en place d'un fonds formation dans celles qui sont
intéressées, sous réserve que le Conseil rural de cette
collectivité s'engage à participer à la dotation du fonds
pour un montant égal au moins à 25 % de la contribution
financière du RESOF.
Nous ne pouvons que saluer la volonté des initiateurs
de prendre à bras le corps la problématique du financement de la
formation agricole et rurale, dans le contexte qui nous préoccupe. Le
nerf de la guerre est la plupart du temps une contrainte forte, car la demande
est souvent peu solvable, quand elle n'est pas le fait de populations
particulièrement vulnérables.
D'autre part, il n'est pas toujours aisé de
séparer ce qui relève de missions de service public et de
formations d'intérêt public, de classiques intérêts
économiques privés ; aussi, l'élaboration des
critères d'accès aux fonds formation est une étape
cruciale si l'on souhaite éviter les dérives et des
négociations sans fin ; nous verrons à la suite toute
l'importance qu'il conviendrait d'accorder à quelques précautions
à prendre avant que ces fonds ne soient en place (avant que la
fièvre ne monte ?) si l'on se donne pour objectif un financement
pérenne de la FAR au niveau local.
Quels sont les schémas d'organisation prévus?
(Source : note du bureau d'appui « Conception et test
d'un mécanisme de régulation participative de la FAR : le fonds
de formation »)
Formulation de la base » (par des OP
|
demande « à la ou des individus)
|
La demande doit déjà être
argumentée à ce stade (justification, pertinence, impact
économique attendu). Un modèle de fiche doit permettre une saisie
uniforme pour la base de données
|
|
|
|
Soumission au Fonds
|
Formation
|
Une commission régionale (ou ses démembrements
à d'autres échelles territoriales) où siègent des
représentants des org. Professionnelles et des coll. Territoriales, qui
en constituent le noyau. Y siègent aussi quelques techniciens,
formateurs ou conseillers agricoles, choisis au sein des services techniques
publics pour leurs compétences (par exemple ARD ou ANCAR).
|
|
|
|
par la
|
|
|
Les techniciens n'ont qu'un rôle de conseil, alors que
les OP et les représentants des collectivités locales ont un
pouvoir de décision
|
Elaboration du cahier pour l'appel d'offres
|
des charges
|
Par la commission, qui s'appuie sur les services techniques de
la région
|
|
|
|
Réception des offres
|
de formation
|
idem
|
|
|
|
des offres de
|
|
|
|
Exécution des prestataires sélectionnés
|
formations par les
|
Et enregistrement des informations dans la base de
données
(*)
|
|
|
Evaluation par les bénéficiaires
|
REM : l'intervention du fonds est plafonnée à 90%
de la requête financière
|
|
|
|
(*) Cette base de données de suivi des formations
financées et dispensées est destinée à mieux
rationnaliser et à instaurer plus d'équité dans
l'accès à la formation, en limitant les duplications et
l'accaparement par toujours les mêmes des places offertes durant les
sessions. Mieux, en croisant ces informations avec d'autres, relatives aux
systèmes d'exploitation et aux revenus de celles dont les membres ont
bénéficié de formations, les initiateurs des fonds de
formation locaux du Résof espèrent que l'on
pourra mieux évaluer les impacts de la FAR sur les revenus des
bénéficiaires.
Cette idée est louable, mais est-elle réaliste
? elle paraît certes séduisante sur le papier, mais les obstacles
sont nombreux : absence de transparence des revenus, vision trop partielle,
limitée aux seules formations financées à travers ce
fonds, pour ne citer que les plus importants.
En juin 2006, nous avions produit une note de quelques pages
sur le financement de la FAR, à l'intention de nos collègues du
bureau de la formation professionnelle agricole ; nous souhaitions par ce biais
attirer l'attention du BFPA sur les difficultés qui se présentent
dès que l'on souhaite mettre en place un fonds formation, et nous nous
étions appuyé alors sur notre expérience du Tchad,
où nous avions contribué en 2000 à la définition
d'un pro décembre jet de coopération dans lequel un fonds de
formation, géré paritairement, devait couvrir une grande partie
de la zone méridionale de ce pays60.
Pour ne pas trop nous étendre, nous nous bornerons
à rappeler quels sont les gros écueils à éviter
:
· L'absence d'orientations, de priorités claires,
légitimes et largement partagées ;
· Le mélange des genres : entre les fonctions
plus « politiques », les fonctions financières et comptables,
les fonctions techniques d'instruction des dossiers de demande et aussi d'appui
à la construction des demandes, les fonctions d'audit ;
· Une transparence insuffisante dans le traitement des
demandes et dans l'attribution des marchés aux opérateurs de
formation, ce qui implique un manuel de procédures exempt de reproches
;
· La surcharge, pourtant prévisible, de la
cellule chargée d'instruire « techniquement » les demandes
d'appui, en termes de pertinence (sauf à se contenter d'un traitement de
type uniquement administratif).
Si nous donnons l'impression d'insister lourdement sur ce
point, c'est parce qu'il nous semble que le bât blesse : sur chacun des
écueils rappelés ci dessus, le montage prévu par les
membres du RESOF et par le Bureau d'appui sénégalo-suisse n'est
pas exempt de critiques !
Le manuel de procédures en notre possession expose des
principes sur quelques pages, mais ne mentionne rien du détail des
procédures et de leur emboîtement, c'est à
l'évidence une source d'ennuis à court terme. Le
bénéficiaire est la communauté rurale, et le fonds vient
en appui dans le cadre du Plan Local de développement déjà
élaboré par cette collectivité locale. Il prévoit
à ce niveau trois nouvelles instances61., toutes
composées de bénévoles et dont on ne voit pas bien comment
elles pourront s'y prendre pour instruire sérieusement les dossiers qui
leur parviennent.
Selon nous, tout ceci semble confirmer le glissement du
Réseau vers la maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au
bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la
fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage,
via les fonds de formation du Résof : quelle place restera t-il alors au
futur cadre de pilotage régional de la FAR dans un tel schéma
?
IV-1.5. Le groupe d'animation du RESOF
Un an après la tenue de l'atelier de Saint-Louis,
consacré à la mise en place d'un cadre régional de
pilotage de la FAR, l'assemblée générale du RESOF du 29
décembre 2005, présidée
60 Il s'agissait du projet de Renforcement des
Capacités des Acteurs du monde Rural (RENCAR), clôturé en
2006.
61 Un comité de pilotage émanation du
Conseil rural, un secrétariat technique, un comité de
sélection
par Babacar DIOP, président du cadre régional
de concertation des ruraux (de la région de Saint- Louis), interpellait
le secrétariat du Résof sur la non application des
recommandations de cet atelier : il lui a été répondu que
« le secrétariat avait opté pour une démarche de
prudence pour rester dans le sillage des concertations menées par le
niveau national »...
Nous notons au passage la préoccupation
récurrente des membres du Résof que constitue son autonomisation,
vis à vis de son actuelle dépendance excessive aux concours
financiers de la coopération suisse ; l'ensemble des contributions
financières des membres ne dépasse pas 0,2 % du coût des
activités mises en oeuvre.
Depuis Dakar, le BFPA tente alors de donner une nouvelle
impulsion à ce dossier ; une équipe se déplacera à
Saint-Louis et dans la région du 13 au 15 février 2006,
après quelques échanges avec l'animateur du RESOF pour s'accorder
sur les termes de référence de cette mission. En
complément de cet objectif, il était question de « lier
dans une réflexion globale les problématiques du pilotage et du
financement de la FAR, ce quipermettrait d'être plus concret sur chacune
de ces thématiques, et d'exploiter au mieux la source de mobilisation
potentiellement forte que représente le dossier Financement
».
Enfin, à la rubrique « résultats attendus
» de ces termes de référence, on peut lire :
· l'étendue de l'implication possible des
principales OP et des collectivités locales (conseil régional
notamment) est connue, de même que les limites.
· Un groupe de travail est mis en place par le
secrétariat du RESOF pour avancer dans la réflexion avec l'appui
du Bureau FPA.
· le principe d'un atelier au cours du milieu du
1er semestre est acquis (pilotage ET financement).
Cette mission permettra de rencontrer des acteurs importants,
mais peu ou pas du tout en contact avec le Résof : Agence
régionale de développement, conseil régional, et deux
importantes sociétés d'agrobusiness (SOCAS/tomate industrielle,
et GDS/ horticulture d'export), ainsi que les deux plus grosses organisations
professionnelles agricoles et rurales de la région, que sont la
fédération des périmètres autogérés,
et l'association ASESCAW.
Mais il faudra attendre le mois d'août 2006 pour que le
secrétariat du réseau nous adresse une note de travail
intitulée « Montage d'un groupe d'animation pour la mise en place
du cadre de pilotage de la FAR/NORD (GA/FAR) ».
Cette note de sept pages rappelle les éléments
du contexte et l'historique, propose un cahier des charges pour le groupe
d'animation ainsi que sa composition, et propose un calendrier de travail, qui
doit conduire à l'installation du comité régional de
pilotage au cours du mois de décembre de cette année 2006.
Le BFPA, ainsi que Mr Madiop HANN, coordinateur des
programmes, chargé de la formation de l'imposante Association
Socio-économique et Culturelle des Agriculteurs du Walo (ASESCAW de
Ross-béthio) et pourtant membre du secrétariat du réseau,
relèveront tour à tour ce qui leur paraîtra être une
« erreur de conception » : le groupe est composé uniquement
d'agents officiant dans le secteur public (fonctionnaires) ; l'absence de
représentants de la profession agricole et du secteur privé en
général est pointée du doigt, et un accord
général se dessine pour remodeler la composition du groupe.
Ce groupe de six personnes ressource (nommément
désignées) était composé comme suit :
· Un formateur de l'école d'élevage,
responsable du groupe (ministère de l'élevage)
· Le directeur du centre d'initiation horticole de Saint
louis (ministère de l'agriculture)
· Un formateur du centre de formation professionnelle et
d'économie familiale et sociale de Saint louis (ministère de
l'enseignement technique et de la formation professionnelle)
· L'inspecteur d'académie (chargé de
« la propagande »)
· Un cadre de l'agence régionale de
développement de Saint Louis (chargé des contacts avec les
collectivités locales),
· Un cadre du Conseil régional de Saint Louis
(chargé de l'organisation et... du budget).
Pourtant, lors de la dernière mission effectuée
dans la région par le BFPA en juin 2007, la composition proposée
la première fois n'avait pas évolué de façon
significative, hormis le départ du responsable du groupe à la
suite d'une mutation professionnelle.
Curieusement ( ?) en juin 2007, le nouveau directeur de
l'école d'élevage, en poste depuis pratiquement un an, nous
déclarera sans ambages qu'il ignore tout des activités du
Résof, et se demande si cette organisation est encore active !
Nous relevons dans la note du Résof citée plus
haut, et manifestement peu partagée en interne avant notre
arrivée, des confusions répétées et assez
grossières entre les missions du groupe d'animation (dont le rôle
est de préparer la mise en place du cadre régional de pilotage,
en levant si besoin les obstacles identifiés) et les attributions du
cadre de pilotage lui-même.
Ainsi le cahier des charges liste les responsabilités
des animateurs de ce groupe ; parmi celles-ci, nous avons eu la surprise d'y
lire :
« réaliser des synthèses sur
des questions importantes et d'actualité, telles que le financement de
la FAR, le statut du cadre de pilotage, ... /... la
certification des compétences et des services fournis, qui peut et qui
doit assurer la formation agricole et rurale.
Nous nous posons dès lors la question de la
compréhension de toute cette dynamique par le ou les auteurs de ce
cahier des charges et, partant, celle de l'écoute et de la
compréhension des interlocuteurs que ce groupe a pu approcher au cours
de l'année écoulée.
Nous relevons également ce que nous appellerons une
tendance à la « consanguinité », l'importance cruciale
des contacts à nouer avec les élus des collectivités
locales étant confiée à un technicien de l'agence
régionale, tandis que le représentant du Conseil régional
se voit chargé des questions de budget (l'aurait-on appelé
uniquement en raison de la capacité contributive de son organisme ?)
Mais surtout, dans cette configuration le Résof en tant
que tel, déjà assez peu visible, disparaît au profit
d'individualités qui se présentent d'abord en fonction de leur
employeur véritable.
Au final, nous ne pouvons nous défaire d'une
impression de jeu de cache-cache entre le Résof et le conseil
régional de Saint-Louis d'abord, mais aussi avec les trois autres
conseils régionaux qui se partagent la vallée du fleuve
Sénégal. Les élus locaux et leurs services sont
actuellement mobilisés par la dynamique créée par le
projet national de développement rural62, drainant des sommes
colossales. Par ailleurs, nombre de responsables d'organisations
professionnelles sont également des élus locaux, notamment au
sein des Conseils ruraux : quand on sait que les actions de formation
représentent souvent un des plus gros budgets des collectivités,
et l'instrument privilégié de nombre de «
développeurs », on ne peut que regretter ce qui s'apparente,
à nos yeux du moins, à un gâchis.
IV-1.6. La formation innovante pour les jeunes ruraux
Le point de départ de cette initiative remonte
à l'atelier de Matam, organisé les 28 et 29 septembre 2005 au
centre polyvalent de formation des producteurs de Ogo par le RESOF (pool PMB),
en partenariat avec le BFPA. En vulgarisant le contenu de la loi d'orientation
agricole, et en mettant en évidence les points de jonction avec la
stratégie nationale de formation agricole et rurale, l'objectif
recherché était de permettre aux acteurs locaux de formuler des
propositions
62 PNDL, créé à partir de la
fusion entre les anciens projet national d'infrastructures rurales, et l'agence
nationale du fonds de développement social ; il s'agit d'un accord de
crédit avec la banque mondiale, d'environ 100 milliards de Fcfa.
concrètes pour la prise en charge de la formation des
jeunes ruraux, et de leur insertion dans l'économie locale,
essentiellement rurale.
Le résumé exécutif du rapport de
l'atelier insiste sur le fait que la LOASP, en reconnaissant formellement le
rôle central des organisations professionnelles agricoles et des
collectivités locales dans la mise en oeuvre des politiques rurales,
offre des réelles opportunités aux acteurs locaux pour proposer
des solutions originales et endogènes, en matière de formation et
d'insertion professionnelle des jeunes ruraux.
Par la suite, le Bureau FPA aura plusieurs séances de
travail avec le centre d'initiation horticole de Saint-Louis, afin de traduire
concrètement, et dans le sens souhaité, l'évolution de la
formation des jeunes telle qu'elle était jusqu'alors pratiquée :
un cycle standard de près de neuf mois en horticulture et aviculture, un
contenu de formation identique pour tous les jeunes, quel que soit leur milieu
d'origine et leur projet individuel.
Cette volonté de passer du stade du désir
à celui de la réalisation est à mettre au crédit du
BFPA, en réponse aux exigences d'organisations paysannes peu
attirées par les cycles standards de formation proposés aux
jeunes ruraux par le CIH de Saint Louis : de plus, le long séjour des
jeunes ruraux dans la capitale régionale les transformait au point de
leur faire quitter définitivement leur milieu d'origine.
Un long et patient travail d'explication et de persuasion
commençait alors, pour expliquer aux formateurs du centre de formation
« officiel », sorte de démembrement de l'Etat central
régalien, qu'il fallait désormais passer d'une politique du
« c'est ça ou rien ! » à une écoute plus
attentive des représentants de la profession agricole, concernant les
besoins des bénéficiaires potentiels (que l'on appelle encore des
cibles aujourd'hui, mais qui pourraient très rapidement devenir des
« clients »).
En parallèle de ce face-à-face, la
nécessité d'impliquer les autres parties prenantes, dont bien
sûr le Résof, conduira le BFPA à proposer de prendre en
charge la tenue d'un atelier de partage à ce sujet en novembre 2006 ;
les deux OP « mastodontes » de la région seront bien
représentées et auront l'occasion, deux jours durant, de faire
valoir leur point de vue. Toutes les parties présentes s'accordent sur
le rôle qu'elles joueront dans cette partition, et sur le format (dans
les grandes lignes) de la future formation de jeunes qui sera mise en place
sous l'égide du CIH de saint Louis, mais avec le concours du
Résof, des OP et du BFPA.
Malheureusement, la mouture qui sera élaborée
par le Résof traduira quelques débordements des OP, avec par
exemple des investissements assez conséquents, sans rapport avec les
possibilités réduites de contribution financière du Bureau
FPA. Ce décalage imprévu donnera lieu à plusieurs
échanges, sans qu'une solution satisfaisante ne soit trouvée, en
rapport avec les financements mobilisables de part et d'autres.
Cette initiative en restera donc là, malgré des
propositions majeures d'innovation :
· Une formation majoritairement pratique, en milieu
professionnel,
· Des intervenants multiples, des formateurs paysans,
· Une formation « saisonnalisée » et
contextualisée
· Des contenus basés sur la recherche de solutions
à des problèmes concrets, déjà vécus,
plutôt qu'un programme à dérouler.
En désespoir de cause, le bureau formation, en accord
avec le CIH, se rapprochera alors de l'office national de formation
professionnelle, afin de pouvoir orienter au profit des OP de la vallée
les quelques sessions de formation que l'ONFP avait l'habitude de financer
chaque année en faisant appel aux centres de formation publics.
Un échange de correspondances entre le CIH de Saint
louis et l'ASESCAW (mandatée aussi par la FPA) entre les 20 et 30 avril
2007 traduit les difficultés à construire ensemble quelque chose,
alors que tout porte à croire qu'il en va de l'intérêt de
chacun. Ainsi, le directeur du Centre de formation informe les
présidents de ces deux OP de l'avis favorable de l'office national
(ONFP) pour réorienter une bonne partie du quota annuel de la formation
des agro maraîchers que celui-ci confiait au CIH pour 2007, soit i) une
session « arboriculture fruitière » pour trente personnes, et
ii) une session « techniques de production horticoles » pour vingt
personnes. En outre, il est précisé :
· que l'ONFP octroie une indemnité
journalière de transport d'un peu moins de un euro par personne,
payable après le dépôt du rapport de la session de
formation,
· que pour manifester sa bonne volonté, le CIH
préfinancera sur son budget-Etat le paiement de cette indemnité
journalière versée à chaque participant,
· et qu'il s'engage de plus à verser aux deux OP
une contribution de 200 000 FCFA (trois cent euros environ),
représentant l'intégralité de la part du comité de
gestion du centre (que par soucis de compréhension, nous appellerons les
bénéfices du centre prestataire pour cette opération).
En précisant que cette somme pourrait servir à
assurer la restauration des participants, « ou au règlement de tout
autre chapitre de dépenses que vous jugerez prioritaire63
», le directeur du centre attend la confirmation de l'accord des OP pour
les dates retenues des deux sessions de formation.
Une semaine plus tard, toute empreinte de courtoisie, la
réponse des OP sera néanmoins assez cinglante ; qu'on en juge
plutôt : s'il accepte avec plaisir l'offre qui lui a été
proposée, le conseil d'administration émet des réserves
d'importance, ainsi ne lui agréent :
· ni la démarche du CIH, qui n'a pas
recherché d'accord préalable sur les contenus de formation, les
méthodes, les objectifs et les ressources pédagogiques ;
· ni sur les conditions de participation,
· ni sur les moyens nécessaires à leur
réalisation, en l'absence d'évaluation commune, qui n'a pas
permis à l'OP de prendre en temps utile des dispositions pour rechercher
des compléments de financement.
Nous ne pouvons lui donner tort sur ces différents
points évoqués ; les maladresses pointées, dans la
démarche du CIH, sont à mettre sur le compte de l'apprentissage
de ce dernier, mais que le temps s'écoule vite !
Il est presque cocasse de devoir préciser que les deux
signataires de ces échanges épistolaires se retrouvent
fréquemment au sein des instances de pilotage du RESOF, et du CIFA qui
l'héberge, tandis que l'entité RESOF aura été
étrangement absent sur ce chantier potentiellement mobilisateur, et d'un
intérêt politique et stratégique évident (lutte
contre l'émigration et l'exode rural)64 ; à sa
décharge, il nous faut reconnaître que l'animateur du
Réseau aura été pris à 100% durant plusieurs mois
par la préparation d'un séminaire international.
IV-1.7. L'implication « transversale » du BFPA
depuis 2004
Sur la plupart des chantiers et actes listés ci dessus,
le bureau de la formation professionnelle agricole est un acteur majeur et
régulièrement cité, nous n'y reviendrons donc pas. Par
contre, il
63 Lettre n°00027/CIH/SL du 20/04/2007,
enregistrée par l'ASESCAW le 24 avril 2007 sous le numéro
d'arrivée 000633
64 Le site sénégalais « Orange
» fait état sur sa Une du 22/08/2007 de l'arrestation, la veille,
de trois cent candidats à l'émigration clandestine, au large des
côtes sénégalaise et gambienne (
www.orange.sn)
n'a pas à notre connaissance été
associé, ni de près ni de loin, à la définition et
à la mise en place des plans minimaux de formation des producteurs, et
des fonds de formation locaux.
Nous notons, à contrario, que le RESOF est
resté sourd à l'invitation du BFPA de lier les deux chantiers du
pilotage régional et du financement de la FAR ; à vrai dire, ceci
n'est pas tout à fait exact : le RESOF a bien tenté de les lier,
mais sans juger utile d'y associer le BFPA (Cf les termes de
référence de la mission du BFPA de février 2006,
évoqués au chapitre « IV-1.5. Le groupe d'animation du RESOF
» en page 74).
Faut-il en déduire que le financement de la FAR est une
problématique très (trop ?) sensible ?
Il est du reste étonnant que le bureau d'appui
à la coopération sénégalo-suisse, qui subventionne
depuis 2004 les fonds formation locaux, le Résof lui-même et le
BFPA, n'ait pas cru devoir intervenir pour obliger ses partenaires à
travailler ensemble sur ce point précis ; nous tenterons une explication
en évoquant la méfiance que peut inspirer aux organisations de la
société civile un service de l'Etat, même s'il s'agit du
Bureau FPA, dans une période (2006) où son ministère de
tutelle _et son nouveau ministre_ a durci le ton et ouvertement
défié les organisations paysannes par quelques provocations
inutiles.
Avec le projet de Promotion d'une agriculture
compétitive et durable, de la coopération française, le
Bureau dispose depuis peu d'une autre source d'appui technique et financier ;
une partie de ce projet est destinée à faciliter la mise sur pied
d'autres réseaux régionaux d'acteurs de la formation, et d'autres
cadres régionaux de pilotage de la FAR ; des lignes budgétaires
prévoient notamment la prise en charge de leurs rencontres
périodiques.
La difficulté, on le comprendra aisément, tient
pour l'essentiel dans le travail d'animation qui doit être conduit
avant la mise en place de ces différents cadres. S'il suffisait
d'un arrêté ministériel ou du gouverneur de région
pour convoquer les acteurs locaux et décréter ainsi qu'un cadre
régional de pilotage de la FAR a été mis en place, les
choses seraient somme toute plutôt simples. Malheureusement (ou
plutôt heureusement) on ne peut obliger un acteur à
coopérer contre son gré, ou s'il n'est pas convaincu du bien
fondé et de l'utilité de son engagement.
D'un autre côté, il ne peut être question
que ce travail d'animation et de mobilisation en région soit du ressort
exclusif, ou même principal, du Bureau formation basé à
Dakar, si l'on vise l'appropriation de la démarche par les acteurs
concernés. C'est pourquoi le BFPA s'appuie systématiquement sur
ce qu'il a coutume d'appeler une « porte d'entrée » dans une
région, c'est à dire une structure ou une construction
d'organisations locales, qui ont montré leur capacité à
porter une dynamique d'ensemble.
Selon les régions, les configurations varient
très fortement et il n'y a donc pas de modèle pré
établi : ici, les collectivités locales sont les porteurs de
l'initiative, là par contre elles sont totalement absentes de la
dynamique, au profit des services techniques et du secteur privé.
Dans la vallée du fleuve Sénégal, et
même si les choses ne se présentent pas sous leur meilleur jour,
le RESOF est La porte d'entrée « rêvée » !
· Même si la visibilité du réseau
est mise en cause, sans doute un peu rapidement, par le responsable du centre
national de formation des techniciens d'élevage, ou même par le
nouveau directeur du développement rural de la région de
Saint-Louis, dont le service est membre non cotisant du Réseau,
· Même si Mr Mody AW, l'animateur du Résof,
a la dent dure envers certains membres, « qui ne savent plus vraiment
pourquoi ils sont membres », ou « qui disent que le Résof n'a
rien fait, simplement parce qu'ils n'ont pas eu à en
bénéficier directement »,
· Même s'il faut beaucoup de temps pour obtenir
quelques avancées,
On ne peut pas faire table rase de tout ce qu'a fait le
RESOF, ainsi que nous l'a rappelé le directeur du centre d'initiation
horticole de saint louis, et il a raison ; les gens se connaissent et
s'apprécient, chacun sait « d'où parle l'autre » et ce
dont il est capable : à l'échelle d'une région, ces acquis
n'ont pas de prix pour construire une oeuvre commune, qui repose
essentiellement sur des hommes !
Le BFPA le sait bien, lorsqu'il accompagne le réseau
et, malgré la lenteur apparente du chantier, il s'appuie sur les
enseignements tirés d'autres initiatives et de ses interventions dans
d'autres régions pour que l'attelage avance. Après tout, il y a
cinq ans, qui connaissait le RESOF ? Quant au BFPA, il n'existait tout
simplement pas encore.
IV-2. QUELLES LEÇONS TIRER ?
Probablement en raison de difficultés persistantes
à trouver ses marques dans le domaine de la régulation de la
formation agricole et rurale, le RESOF a vu ses interventions et ses postures
dans la vallée du fleuve Sénégal osciller et
évoluer au fil du temps ; il est passé à plusieurs
reprises d'un club de réflexion à un terrain
d'expérimentation, jusqu'au moment où il est venu buter sur les
questions de financement de la FAR, ou plus exactement sur des questions de
sécurisation des financements, et donc de pérennisation des
activités de formation (activités « d'amont et d'aval »
incluses).
Dès lors, des changements importants s'opèrent.
Vers la fin de la période au cours de laquelle la coopération
suisse avait appuyé directement les écoles nationales de
formation des techniciens du développement rural, elle avait
tenté de résoudre ce problème du financement en
créant des fonds de formation continue, directement
contrôlés par ces mêmes écoles : autant dire que
l'expérience s'était avérée peu concluante, la
« partie offreuse » n'ayant pas véritablement besoin de l'avis
de « la partie demandeuse » pour émarger sur ces fonds de
formation.
Aujourd'hui, de nouveaux fonds locaux sont mis en place,
à titre expérimental et via le RESOF. Les actions de
formation éligibles à ces fonds font l'objet d'une
sélection, in fine avalisée par les représentants des
collectivités locales et des organisations professionnelles ; c'est le
moyen qui a été trouvé pour que la demande de formation
« pilote » l'offre de formation, et donc en principe une garantie de
plus pour que l'offre de services s'attache à mieux satisfaire les
demandeurs.
Le Résof a d'abord ressemblé à un
aimable club d'échanges de pratiques entre professionnels de la
formation qui, à l'occasion, était capable de mobiliser quelques
ressources pour l'organisation d'un atelier de partage ou pour une session de
formation au bénéfice des animateurs et/ou responsables de ses
organisations membres.
Il a ensuite connu, de notre point de vue, quelques
dérives en se faisant mécène, et en finançant la
participation de certaines de ses organisations membres à des foires et
salons, pour tenter de freiner la démotivation de ses membres.
Aujourd'hui, avec les plans minimaux de formation des
producteurs, et les fonds locaux de formation, le réseau devient
bailleur de fonds et, qui plus est, une sorte de chef d'orchestre des
collectivités locales de base (les conseils ruraux), devant lesquelles
il agite des subventions alors que dans le cadre de leurs plans locaux de
développement, la quasi totalité de ces communautés
rurales n'arrive pas à réaliser le tiers de leurs plans locaux de
formation, faute de capacité suffisante de prise en charge.
Nous y voyons là deux travers importants, porteurs de
risques sérieux pour l'avenir :
· le rôle de bailleur de fonds (même si
la coopération suisse s'en défend) du Résof n'a pas
d'avenir ; il n'est qu'un intermédiaire dans le cheminement des
subventions de la coopération suisse, un peu à la manière
d'un projet de développement : aucune pérennité du
financement et de sa source ne peut donc être espérée sur
ce plan.
· le glissement du Réseau vers la
maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au
bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la
fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage,
via les fonds de formation et leurs mécanismes.
Dans notre premier Mémoire de recherche, nous lancions
un avertissement en écrivant ceci :
« Le RESOF ne poursuit pas de but lucratif, ce n'est
ni un acteur économique, ni une association de défense
d'intérêts catégoriels. Les évolutions
récentes de cette structure transversale que nous avons jugé
utile de relever portent à croire qu'il s'oriente désormais vers
une intégration verticale rassemblant les rôles de maîtrise
d'ouvrage (décision et financement), de maîtrise d'oeuvre
(coordination, validation et choix des solutions) et d'opérateur via ses
membres (réalisation des sessions de formation).
Dans ces conditions, il n'est pas interdit de
penser que cette nouvelle configuration du Résof, dont le penchant
à l'autarcie transparaît de prime abord, rende plus
aléatoire la perspective de création d'une instance
régionale légitime de pilotage de la FAR ; de plus, le
caractère conflictuel de leur future cohabitation, sur des missions qui
se chevauchent, ne doit pas être écarté ».
Dans un tout autre registre, et à niveau constant de
ressources humaines et financières, l'attention nécessaire que le
RESOF devra consacrer aux activités relevant « de
l'opérationnel » risque de faire passer au second plan l'importance
des enjeux stratégiques originels ; or, sans enjeux stratégiques,
et en l'absence d'enjeux économiques à forte visibilité,
l'hypothèse d'un retrait des membres les plus influents au plan
politique et économique ne peut pas être écartée.
La manque de visibilité du Réseau nous a
été rapporté par plusieurs interlocuteurs de la
Vallée ; les vice-présidents de ses plus grosses organisations
membres le confondent avec le CIFA, le centre de formation qui
l'héberge.
Il oscille aussi en permanence entre les aspirations et les
pressions des deux principales catégories de membres qui le composent :
les formateurs et prestataires de formation d'un côté, les
organisations professionnelles agricoles, demandeuses de formation, de
l'autre.
Les fonds locaux de formation apportent aussi leur lot de
complexification : d'un fonds régional, au service d'une politique
régionale de FAR, on semble glisser, sans doute pour davantage de
visibilité `sur le terrain) justement, vers des fonds locaux au niveau
de la communauté rurale : soit, mais au service de quelle politique ?
pour quel impact sur le cours des pratiques que l'on se proposait au
départ de faire évoluer vers davantage de qualité, de
probité et de professionnalisme ?
Dans le même temps, tous les échelons des
collectivités territoriales ainsi que toutes les agences
régionales de développement, qui en sont le bras technique, sont
tournées vers le démarrage du programme national de
développement local (PNDL) dont nous avons déjà
parlé, censé injecter sur l'ensemble du territoire les
financements qui faisaient défaut jusqu'ici.
Bien sûr, même s'ils sont importants puisque se
chiffrant à plus de cent milliards de Francs Cfa, ces sommes ne
suffiront pas à régler toutes les difficultés
rencontrées à l'intérieur du pays, ni à rendre
suffisamment attractif le milieu rural pour stopper l'exode en cours.
Mais il nous semble malgré tout que le RESOF est en
train de passer à côté d'une belle opportunité ;
s'il s'était réellement investi dans le lobbying
nécessaire auprès des élus du Conseil régional
(notamment), alors même que les élus des Communautés
rurales65 ont déjà compris tout l'intérêt
d'un pilotage stratégique, il aurait pu se positionner comme un
interlocuteur privilégié et reconnu des organes
opérationnels du PNDL, dans le champ de la régulation ; ensuite,
son invitation à s'intéresser au pilotage aurait peut être
été mieux entendue, ou prise davantage au sérieux.
65 Qui « pèsent » lourd,
démographiquement et économiquement, face aux conseils
régionaux.
A contrario, en se dispersant pour contenter le plus grand
nombre, les insatisfaits sont au final les plus nombreux, et les objectifs bien
vastes, ou flous si l'on préfère, pour des ruraux qui ont besoin
de temps à autre de résultats bien identifiables.
Ne sachant trop comment s'y prendre pour mobiliser, « sur
du concret », toutes les catégories d'acteurs destinées
à se partager le pilotage de la FAR dans la Vallée, le
Résof hésite, traîne, donne l'impression de ne pas savoir
jusqu'où il veut aller, et vers où il veut entraîner les
autres dans cette « histoire » : il ne rencontre dès lors que
méfiance et évitements polis.
Comment rompre avec cette dynamique d'enlisement, qui a
montré toutes ses limites depuis ce fameux atelier de décembre
2004, où toutes les parties prenantes « déclaraient leur
flamme » pour participer ensemble au pilotage de la formation agricole et
rurale ?
RECOMMANDATIONS
Au chapitre des recommandations de notre
précédente étude du RESOF, nous proposions, notamment :
· un changement d'approche en direction des
décideurs, pour une relation gagnant-gagnant,
· Une plus grande capacité de veille, pour une plus
grande réactivité, et pour lutter contre l'entropie du
système,
· Des manifestations ciblées, à
caractère stratégique, d'où émergent des
idées nouvelles, ou bien qui portent en germe l'évolution des
comportements de demain,
· La recherche d'une identité plus visible, pour
affirmer son expertise,
· Un engagement net en faveur des bonnes pratiques, en les
citant,
· L'expérimentation de pratiques qui s'inscrivent
clairement en rupture des modèles en usage.
La question des pools doit également être
débattue, car problèmes il y a. Nous comprenons bien la
justification de leur mise en place, au vu de l'ampleur de la zone
d'intervention potentielle du Réseau, mais les avantages semblent
limités, à l'aune des résultats visibles. Le pool de
PodorMatam-Bakel est le plus étendu, avec tout ce que cela comporte de
difficultés pour se rencontrer régulièrement, pour
communiquer tout simplement. Sur une telle distance, et compte tenu des moyens
mobilisables, n'importe quelle dynamique ferait long feu ; ce n'est pas une
question de motivation au sein du pool PMB, qui ne nous semble pas être
le dernier dans ce domaine.
Le pool de Saint-Louis a, par la force des choses, une forte
coloration urbaine : peu d'organisations professionnelles agricoles, beaucoup
d'opérateurs aux statuts variés, la plupart basés dans la
capitale régionale. Celui du delta paraît le moins dynamique ; il
présente la particularité de regrouper le moins de membres (moins
d'une dizaine), mais c'est en son sein que l'on trouve des organisations
professionnelles construites sur des bases économiques importantes : les
périmètres irrigués et les Unions hydrauliques, qui en
assurent la gestion que leur a rétrocédé l'Etat ; il n'est
pas très étendu, ni trop éloigné des
commodités que peut offrir Saint-Louis.
Malgré ces différences, aucun pool ne fonctionne
vraiment de façon satisfaisante ; l'animateur du Résof en
convient bien volontiers, lorsqu'il nous déclare ceci en juin dernier
:
« on a mis en place des pools pour rapprocher les gens,
mais ça ne marche pas mieux ; les réunions, les plans d'action
proposés ne mènent à rien de concret ! »
Du concret : c'est bien de cela dont ont besoin les individus
qui représentent les fils de la toile du Réseau, cela implique en
principe d'adapter les moyens au rayon d'action, et vice-versa, car un
réseau a besoin d'un flux régulier d'échanges pour exister
et se développer. Un fonctionnement par à-coups, des rencontres
trop espacées, l'absence de vecteur de communication efficace et
adapté aux profils variés des membres, tout ceci ne porte pas
à l'euphorie.
Tous ces points ne peuvent produire leurs effets de
manière efficiente que si un point de mire se détache de
l'horizon ; dans la négative, la dispersion des ressources
occasionnée par les tâtonnements et les bifurcations, ainsi que la
désorientation qui en résultera d'une partie des acteurs seront
source de nouveaux problèmes.
Nous avons montré que la dynamique créée en
2004 s'est assez rapidement essoufflée, et que le secrétariat
exécutif du réseau se retrouve bien seul pour la porter au plan
régional en 2007.
Redonner du sens : si nous ne devions formuler qu'une seule
recommandation à la suite de ce travail, ce serait celle-ci ! Redonner
du sens à ce qui se fait, pour ne pas décourager les uns, pour
intéresser et attirer les autres, parce que la légitimité
d'une poignée d'acteurs pourra toujours être mise en doute par les
autres, ceux qui ne sont « ni dedans, ni avec ».
Mais tout d'abord, pour qu'un réel pilotage
régional dans la Vallée du Fleuve Sénégal ait
quelque chance de voir le jour, une mise à plat du RESOF nous
paraît incontournable ; un atelier interne, destiné à
« libérer » la parole des membres, pourrait permettre i) de
rappeler quels sont les résultats atteints à ce jour, et ii)ce
qu'en attendent ses membres à l'avenir. Quelles sont leurs
éventuelles frustrations, déceptions, souhaits ?
Un accord, des consensus, des compromis en sortiront, qui
devront être appliqués sans faillir, et sans tarder, pour garder
la crédibilité indispensable. Peut être que certains
membres quitteront la partie, mais le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ? Une
base ressoudée autour d'objectifs communs n'est-elle pas
préférable à un aréopage dont l'attelage semble
improbable ?
Cet atelier devrait permettre dans une première partie,
grâce aux clarifications auxquelles il donnera lieu, de s'accorder sur
des objectifs concrets et « sexy » à atteindre en
matière de régulation, afin d'éviter de dériver
vers une posture « stratosphérique » ; les personnes ont
besoin de concret, ne serait-ce que pour justifier auprès de leurs
propres organisations le temps qu'elles consacrent au réseau.
Dans un second temps, cette rencontre devrait permettre de
débusquer, d'identifier, de nommer les difficultés de toutes
sortes, engendrées par les lacunes actuelles dans le domaine du
pilotage, c'est à dire de la définition des orientations, des
moyens privilégiés et des arbitrages à réaliser
pour conserver le cap fixé, et tendre vers les objectifs dans les
délais précisés au départ.
Autrement dit, piloter pour faire quoi ? pour modifier quelle
situation ? pour aller vers quel nouvel état ? A toutes ces questions,
les membres du RESOF se doivent d'apporter, ou de construire ensemble, des
réponses claires sur lesquelles on s'accorde, avant de faire
naître l'ambition de vouloir les faire accepter par les autres
acteurs.
Le Bureau de la formation professionnelle agricole, qui doit
par ailleurs animer le travail de mise en place d'un cadre national de pilotage
de la FAR, doit en parallèle préciser, écrire «
ce qu'il met » dans ce terme de pilotage, pour pouvoir le
partager, _c'est bien le moins_ avec les membres du résof.
Dès que possible, il sera souhaitable d'élargir
cette discussion à d'autres, d'une part parce que l'attelage BFPA-RESOF
n'est pas « naturel », ni au plan fonctionnel, ni au plan
opérationnel, d'autre part parce qu'il est indispensable d'accrocher
l'intérêt des autorités locales, avec l'appui des services
techniques de l'Etat et des collectivités territoriales, et «
d'écouter » quels sont leurs centres d'intérêt et
leurs préoccupations.
Pour marquer une inflexion dans les tentatives de
rapprochement du réseau avec ces collectivités, un atelier
d'échanges formaliserait le bilan que l'on peut aujourd'hui tirer :
quelles avancées depuis l'atelier de décembre 2004 ? Quels sont
les points de vue des uns et des autres ? leurs appréhensions et leurs
incompréhensions ?
Redonner du sens ! cette expression utilisée pour
préciser l'avenir dans le champ de la régulation de la FAR vaut
également pour préciser ce que chacun entend par pilotage : dans
quel esprit, selon quelles modalités, jusqu'où ?
Ce qui en sortira pourra être retravaillé avec
l'appui de la recherche et de l'enseignement supérieur, pour dessiner un
point de mire acceptable par toutes les catégories d'acteurs ;
arrivés à ce stade, l'installation d'un cadre de pilotage
régional sera un acte purement formel, qui
constituera une étape ou un résultat
intermédiaire, vers la longue marche du pilotage de la Formation
Agricole et Rurale.
En théorie, les champs d'intervention de l'instance de
pilotage et du Résof ne prêtent pas à confusion : l'un est
légitime pour proposer des orientations, définir des
priorités d'intervention, tandis que le second, si son expertise est
reconnue et avérée, a vocation à éclairer le
premier, à fournir de l'information de première main, à
tester de nouvelles pratiques. Mais c'est la théorie...
Il est aujourd'hui prématuré, selon nous, de
creuser davantage vers une sorte de clé de répartition des
attributions entre ce futur cadre de pilotage que tous souhaitent, et le RESOF
; l'apprentissage comme souvent se fera en marchant, et des frictions semblent
inévitables sur des dossiers forcément communs.
Une problématique au moins est commune au pilotage et
à la régulation ; ce n'est pas sur le long terme la plus
importante nécessairement, en termes d'impacts, mais elle a trait au
nerf de la guerre ; pour que la construction progressive de mécanismes
durables de financement de la formation rurale devienne réalité,
il est urgent qu'un débat s'engage sans tarder entre trois acteurs : le
RESOF bien sûr, mais sans le restreindre aux seuls cinq membres
constituant son secrétariat, le BFPA et le partenaire de la
coopération suisse (Bureau d'appui).
Des efforts communs peuvent encore permettre d'éviter
un dévoiement des fonds de formation locaux, notamment en revisitant de
façon plus terre à terre, plus pragmatique les procédures
déjà ébauchées, pour produire un véritable
guide de procédures qui ne laisse pas place à l'approximation ;
sans cela, l'aventure tournera court avant même que l'on ait pu en tirer
des enseignements.
Bien sûr, ces fonds formation auraient pu être le
prétexte à imposer un pilotage régional, sous forme de
conditionnalités au déblocage des fonds, mais en matière
de durabilité des systèmes humains d'inspiration non coercitive,
imposer ne vaut pas convaincre.
CONCLUSION
U
nous nous rapprochions de cette conclusion. n sentiment de
frustration s'est peu à peu emparé de nous, au fur et à
mesure que
Après avoir réalisé deux Mémoires
sur ces questions de régulation et de pilotage, avec en toile de fond la
vallée du fleuve Sénégal et ses acteurs, que nous
côtoyons depuis bientôt quatre années, il nous semble que la
possibilité de se raccrocher à une recette infaillible, pour
atteindre sans coup férir l'objectif de _simplement_ mettre en
place une instance de pilotage de la FAR à l'échelle de la
région, s'éloigne irrémédiablement.
Tout ceci avait pourtant l'air assez simple, lorsque nous
relisons quelques paragraphes du projet de la coopération
française : « il s'agira d'appuyer la création de cadres
de pilotage de la formation agricole et rurale et de réseaux de
formateurs dans quatre régions du Sénégal, .../... le
projet prendra en charge les dépenses occasionnées par les
rencontres annuelles des instances de pilotage, et les rencontres semestrielles
des réseaux ».
Une rédaction en ces termes pourrait laisser à
penser qu'il suffit de produire un acte réglementaire quelconque,
à l'image d'une baguette magique, pour que d'un coup tous les acteurs
potentiellement concernés s'animent et s'affairent à
améliorer la qualité des prestations de formation, à
produire des normes, des agréments et des procédures, pour
davantage de transparence, d'efficacité et d'efficience...
Nous forçons sans doute le trait, mais le travail
réalisé ne nous satisfait pas pleinement, loin s'en faut. Nous
avons tenté de garder une certaine neutralité, à mi chemin
entre l'acteur à part entière que nous sommes, en qualité
de conseiller du Bureau de la formation professionnelle agricole, et «
l'observateur », l'étudiant à qui l'on confie, pour les
besoins de sa formation, la tâche de conduire une étude ; cela
explique probablement l'effacement qui caractérise notre posture en
permanence : on discernera sans doute assez mal la place que nous avons
réellement prise dans le déroulement de ce processus, mais
là n'est pas le plus important, puisque le rôle que l'on nous a
confié prendra bientôt fin ; seuls comptent vraiment les acteurs
en mesure de porter plus loin cette dynamique à Saint Louis, ou dans une
autre région administrative de la Vallée, pour que « la
représentation aille à son terme ».
La complexité d'une situation ne saurait s'accommoder
de la facilité de solutions tentantes ; or tout ou presque ici est
source de complexité : des organisations humaines, composant des
systèmes imaginés pour améliorer l'impact et l'efficience
de prestations intellectuelles par l'exemple et la persuasion, dans la mesure
où l'Etat n'a pas les moyens de se faire respecter s'il lui venait
à l'idée de légiférer dans ce domaine. ajoutons
à ce tableau l'extrême jeunesse de l'ensemble des acteurs
évoqués au cours de notre travail : l'Etat lui-même n'a pas
encore fêté ses cinquante ans, les communautés rurales
n'ont que trente ans d'existence tandis que le conseil régional a vu le
jour en 1996 ; la stratégie nationale de FAR, la reconnaissance par
l'Etat du rôle des OPA dans l'élaboration et le suivi des
politiques agricoles et de développement rural datent de la fin des
années 90 ; enfin, le RESOF est né au cours de l'an 2000 et le
Bureau Formation
Professionnelle Agricole en 2003 : Paris ne s'est pas faite en un
jour, rappelle le dicton aux impatients.
Nos critiques parfois acides quant à la lenteur du
processus, ou quant aux atermoiements de certains de ses acteurs, s'explique
par le fait que le temps nous est compté : notre lettre de mission fait
office de sablier. De ce fait, notre base de temps est décalée
avec celle des acteurs qui sont nés à proximité du fleuve
Sénégal ou qui ont décidé de s'y établir,
c'est ainsi.
Sans doute aurions nous pu davantage convoquer les fondements
théoriques des enseignements qui nous ont été
délivrés, pour enrichir ce travail ; peut être aurait-il pu
être mieux structuré, c'est fort possible.
Malgré ses limites, nous espérons
néanmoins que notre travail pourra rejoindre l'oeuvre de capitalisation
que s'est fixé le Bureau de la formation professionnelle agricole, car
la capitalisation est souvent l'activité sacrifiée en premier
lorsque le temps et les ressources humaines deviennent les facteurs limitant.
Nous osons croire également qu'il pourra alimenter le dialogue entre les
différents partenaires en lice au cours des prochaines semaines, tant
par les constats et les suggestions qu'il renferme que par ses
imperfections.
ANNEXES
La nouvelle économie
institutionnelle
Cette école, dont North, Fogel, Coase, et Williamson
sont les chefs de file, a mis en évidence l'importance des institutions
dans les processus complexes qui régissent le fonctionnement des
marchés et créent les conditions d'un développement
économique réussi. Les institutions sont « les règles
du jeu » (ensemble de règles formelles), les codes de bonne
conduite (ensemble de règles informelles) qui façonnent les
comportements humains dans une société.
Le concept d'institutions se rapproche de la notion marxiste
de superstructure idéologique de la société, sauf qu'ici
la relation est inversée. Alors que, pour Marx, le mode de production
auquel sont assujettis les hommes détermine leur conscience et
façonne la superstructure idéologique de la
société, la nouvelle économie institutionnelle prône
que les institutions ont des effets économiques.
Comprendre le rôle des institutions dans le
développement économique nécessite de rapprocher cette
notion de celle de coût de transaction. En effet, depuis Ronald Coase,
à côté des coûts de production, il faut prendre en
considération les coûts de transaction sur le marché.
L'idée de la nouvelle économie institutionnelle est assez simple
en substance. Les coûts de production et les coûts de transaction
évoluent en sens inverse au fur et à mesure que la
société se développe et devient plus complexe.
Dans une société développée, les
relations économiques deviennent impersonnelles à mesure que les
personnes se spécialisent. Dès lors, les coûts de
transaction deviennent croissants (coûts de recherche antérieurs
à la transaction, coûts de négociation sur les termes du
contrat, coûts d'application des termes du contrat). Dans ce type de
société, la division du travail permet la baisse des coûts
de production, mais ces gains de productivité sont contrebalancés
par des coûts de transaction plus élevés. Le
développement économique s'accompagne donc, parallèlement
à la baisse des coûts de production, d'un accroissement des
coûts de transaction. Toute la problématique du
développement réside donc dans la capacité des
institutions à faire en sorte que les coûts de transaction,
croissants en fonction du développement, ne gomment pas la baisse des
coûts de production. Lorsque les coûts de transaction s'accroissent
plus vite que ne baissent les coûts de production, le
développement est entravé. En revanche, de bonnes institutions
permettent de réduire les coûts de transaction qui freinent la
dynamique des échanges, l'extension des marchés et en dernier
ressort la croissance et le développement. Pour ce courant d'analyse,
seules les institutions font la différence entre des pays
différents par leur culture, le niveau d'accumulation du capital ou
encore les dotations initiales en facteurs.
On peut distinguer les institutions économiques et les
institutions politiques. Puis, à partir de cette distinction, analyser
à la fois l'influence des institutions sur le développement et
les facteurs qui en déterminent la qualité institutionnelle :
* Les institutions économiques correspondent aux droits
de propriété et aux droits des contrats. Ces derniers «
coordonnent toutes les relations économiques dans la production, les
échanges et la distribution »
* De leur côté, « les institutions
politiques définissent la structure de l'État aussi bien que le
processus politique ». Il revient aux institutions politiques et, en
premier lieu à l'État, de garantir le respect des règles
de droit qui permettent le bon fonctionnement des sphères de la
production et de l'échange.
Source : CNDP -
http://www.cndp.fr/revueEcoManagement/noteslecture/2005-02.htm
Diagnostic conduit en 2004 sur l'offre de formation
agricole et rurale (extrait) Parmi les nombreux constats mis en
évidence, il convient de citer :
Une persistance des pratiques habituelles
d'encadrement,
lourdes de conséquences pour les dynamiques de
développement : les agriculteurs et les apprenants sont mis en situation
de cibles et de réceptacles de messages stéréotypés
ou de recettes ( «il est plus facile d'appliquer des fiches techniques
standard que de chercher à comprendre pourquoi les agriculteurs font ce
qu'ils font, et de dialoguer pour rechercher avec eux des solutions aux
problèmes qu'ils ont.
Des représentations trop restrictives du
rôle des formations,
conçues et dispensées comme une succession de
questions / réponses à des problèmes ponctuels,
isolés des contextes économiques, sociaux et historiques.
Déficit d'analyse des réalités
agraires,
Camouflé par des jugements hâtifs et
négatifs sur l'agriculture et les agriculteurs, y compris de la part de
cadres et responsables de leurs Organisations Professionnelles, et
caractérisé par une approche trop disciplinaire.
L'ambiguïté des méthodes dites
« participatives »,
Les populations sont « consultées » pour
établir des programmes de planification stratégique, mais dans la
pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de
doléances (ou les « besoins ») puis à établir et
faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre
institutionnelle préexistante. Par ailleurs, les interlocuteurs sont
souvent les mêmes et leur diversité socio-économique est
restreinte
L'offre de formation sur la gestion durable des
systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que
l'accès au crédit ressort des entretiens comme LE facteur
limitant . L'orientation professionnelle agricole se fait «
par défaut »,
Quasi unanimement, les parents investissent dans l'école
pour que leurs enfants aillent le plus loin possible
Un repositionnement et une ouverture
nécessaire des écoles de formation de
techniciens,
Dont la tentative de reconversion dans des formations longues
à l'auto emploi est un échec avéré, mais dont les
produits trouvent sans peine un emploi salarié dans des structures
publiques et privées de développement.
La nécessité de renforcer les
mécanismes de régulation et de gestion du dispositif de formation
professionnelle agricole,
Compte tenu du foisonnement d'initiatives, de la diversité
des opérateurs, du transfert de compétences aux régions et
de la mobilisation de fonds publics.
.../...
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AFDS AFUP
ANCAR ASESCAW
ASPRODEB AVC
Agence du Fonds pour le Développement Social
Association des Fédérations et Unions de Podor
Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural
Association Socio-Economique, Sportive et Culturelle des
Agriculteurs du Walo Association Sénégalaise pour la Promotion du
Développement à la Base
Association Vallée Consult
BA - BACSS Bureau d'Appui de la
coopération sénégalo-suisse
BFPA Bureau de la Formation Professionnelle
Agricole
CEFP Centre d'Echange et de Formation
Pratique
CIH Centre d'Initiation Horticole
CIFA Centre Interprofessionnel pour Formation
aux Métiers de l'Agriculture
CLCOP Cadre Local de Concertation des
Organisations de Producteurs
CNCR Conseil National de Concertation et de
Coopération des Ruraux
CNCFTI Comité National de Concertation
pour la Filière Tomate Industrielle
CNFTEIA Centre National de Formation des
Techniciens de l'Elevage et des Industries
Animales
CORAD Coopérative Rurale des
Agro-Pasteurs pour le Développement de Ndioum
CRCR Cadre Régional de Concertation des
Ruraux
CRPS-FAR Comité Régional de
Planification Stratégique de la Formation Agricole et Rurale
DSRP Document de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
ENCR Ecole Nationale des Cadres Ruraux
ENEA Ecole Nationale d'Economie
Appliquée
ENSA Ecole Nationale Supérieure
d'Agriculture
FAFD Fédération des Associations
du Fouta pour le Développement
FAR Formation Agricole et Rurale
FEPRODES FNRAA
FONGS
FPA FSD GDS
Fédération des Femmes Productrices de la
Région de Saint-Louis
Fonds National de Recherches Agricoles et Alimentaires
Fédération des Organisations Non Gouvernementales du
Sénégal
Fédération des Périmètres
Autogérés Fedde Services Développement Grands Domaines de
Saint-Louis
ISRA Institut Sénégalais de
Recherches Agricoles
LOASP Loi d'Orientation Agro Sylvo Pastorale
OMC Organisation Mondiale du Commerce
ONFP Office National de Formation
Professionnelle
ONG Organisation Non Gouvernementale
OP Organisation de Producteurs
PDEF Programme Décennal pour l'Education
et la Formation
PIB Produit Intérieur Brut
PNIR Programme National d'Infrastructures
Rurales
PSAOP Programme d'appui des Services Agricoles
et des Organisations de Producteurs
RESOF Réseau Formation Fleuve
SNFAR Stratégie Nationale de Formation
Agricole et Rurale
UFR Unité de Formation et de Recherche
UPT Université Polytechnique de
Thiès
UJAK Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli
Wirndé
VSF Vétérinaires Sans
Frontières
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Terres du Delta du Fleuve Sénégal d'Aménagement des Terres
du Delta (SAED) -1998
Lois de décentralisation de 1996 - Ministère de
l'Intérieur : Loi n° 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des
Collectivités locales, Loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant
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communautés rurales.
Lettre de Politique de Développement Agricole du
Sénégal
Lettre de Politique de Développement Institutionnel pour
le secteur agricole Lettre de Politique de Développement Rural
Décentralisé
Document d'Orientation Stratégique pour le secteur
agricole
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INRP - Service d'histoire de l'Education
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IEP - Université LYON
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Gouvernement du Sénégal
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FEMMES ET ASSOCIATIONS . ORG
http://www.femmesetassociations.org/portraits/bioMengin.htm
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http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14040932
WIKIPEDIA - Réseau Voltaire
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau
Voltaire
Les quatre régions administratives couvertes par
la Vallée du fleuve Sénégal
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