Troubles de la conduction auriculo-ventriculaire,
à propos de 64 cas colligés au service de Cardiologie de
l'Hôpital Aristide Le Dantec de Dakar
INTRODUCTION
La contraction du myocarde nécessite une impulsion
électrique qui se propage à l'intérieur du coeur. Cet
influx se propage dans les différentes cavités cardiaques des
oreillettes aux ventricules à travers les voies de conduction
auriculo-ventriculaire.
Les troubles de la conduction auriculo-ventriculaire consistent
donc en une perturbation (ralentissement ou interruption) de l'influx
électrique des oreillettes aux ventricules à travers le noeud
auriculo-ventriculaire, le tronc du faisceau de His, et ses branches de
division.
Il s'agit de troubles conductifs de siège, de degré
et d'étiologie variables. Ils peuvent être aigus et transitoires
ou chroniques et définitifs.
Leur diagnostic, orienté par les manifestations
fonctionnelles évocatrices, est essentiellement
électrocardiographique.
Le risque évolutif majeur est la syncope exposant aux
traumatismes, aux accidents domestiques, du travail ou de la circulation et
à la mort subite en cas de syncope prolongée ( par asystolie
ventriculaire longue ou par dégénérescence d'une torsade
de pointe en fibrillation ventriculaire ).
La stimulation cardiaque a radicalement transformé le
pronostic des blocs auriculo-ventriculaires en supprimant le risque de mort
subite et plus récemment en améliorant la qualité de vie
des patients grâce aux nouveaux modes de stimulation.
Le plein essor que connaît la stimulation cardiaque
actuellement au SENEGAL, particulièrement dans la prise en charge des
blocs auriculo-ventriculaires, nous a conduit à aborder ce sujet afin
d'en apprécier les aspects épidémiologiques,
diagnostiques, électrocardiographiques, thérapeutiques et
évolutifs, à la clinique cardiologique du CHU de l'hôpital
Aristide Le DANTEC de DAKAR durant la période allant de janvier 2002
à octobre 2003.
LA CONDUCTION INTRA-CARDIAQUE
La genèse et la conduction de l'ordre électrique de
contraction à l'ensemble des
cellules musculaires cardiaques résultent de
l'activité du tissu nodal fait de cellules myocardiques
spécialisées, ayant des propriétés
différenciées de la contractilité et de
l'excitabilité et organisées à l'intérieur de
diverses structures anatomiques. Ce tissu nodal comprend plusieurs
structures.
I - Le noeud sinusal de Keith et Flack
C'est une structure sous-épicardique de 15 mm de long sur
5 mm de large située au niveau de la jonction de la veine cave
supérieure sur la face antérieure de l'oreillette droite. Il est
formé de cellules nodales : cellules « P » (
pacemaker ), de cellules transitionnelles et de cellules auriculaires
myocardiques. Il génère des décharges spontanées
à la fréquence de 60 à 100 par minute, ce qui en fait le
centre d'automatisme primaire le plus haut situé du tissu nodal. Il est
régulé par le tonus sympathique ( qui augmente la
fréquence de dépolarisation ) et parasympathique (qui diminue la
fréquence de dépolarisation). La propagation de l'influx
né du noeud sinusal se fait de proche en proche au reste du myocarde
auriculaire. La vitesse de conduction y est lente de l'ordre 0,01 à 0,05
mètre par seconde ( m/s ).
II - Le noeud auriculo-ventriculaire ( NAV )
d'ASCHOFF-TAWARA
C'est une structure de 6 mm de long sur 5 mm de large
située à la base de l'oreillette droite au niveau du septum
inter-auriculaire. Il est formé de deux voies, l'une à conduction
lente (alfa), l'autre à conduction rapide ( bêta ). Il ralentit
l'influx d'un dixième de seconde (conduction
décrémentielle), protégeant ainsi les ventricules d'un
rythme primaire trop rapide. Ainsi tous les stimuli rapides parvenant au noeud
auriculo-ventriculaire, comme au cours d'une tachycardie atriale ne peuvent
être conduits aux ventricules. En l'absence de tachycardie atriale
pathologique, le rôle du NAV est de synchroniser les contractions
atriales et ventriculaires.
Il est vascularisé par l'artère du NAV et est sous
l'influence du système sympathique (accélérateur de la
conduction auriculo-ventriculaire) et du système nerveux parasympathique
( frénateur).
La conduction nodale peut être perturbée par
certains médicaments (digitalines, bêta-bloquants, amiodarone,
anticalciques bradycardisants qui sont ralentisseurs de la conduction nodale)
et par l'ischémie. Les facteurs métaboliques jouent
également un rôle : l'hypokaliémie déprime la
conduction dans le NAV.
III - Les voies inter nodales
Elles font la jonction entre le noeud sinusal, les oreillettes et
le NAV. Il s'agit :
- du faisceau inter nodal antérieur,
- du faisceau de Bachman,
- du faisceau inter nodal moyen de Wenckebah,
- du faisceau inter nodal postérieur de Thorel,
- des voies accéssoires de Mahaim, James et Kent.
IV - Le système His- Purkinje
Il est constitué par le faisceau de His et le
réseau de Purkinje.
A - Le faisceau de His
Il est long de 1 à 2 cm, situé sous l'angle
d'insertion des valves tricuspides et fait la jonction entre le NAV qu'il
prolonge et les ventricules par ses deux branches. La conduction s'y effectue
à haute vitesse ( 1 à 2 m/s ). Il se divise en deux
branches :
· Une branche droite, prolongement direct du faisceau de
His ; elle chemine le
long du sillon inter ventriculaire se dispersant dans le
ventricule droit.
· Une branche gauche qui se subdivise en deux faisceaux l'un
antérieur et
l'autre postérieur, avec quelquefois une ramification
septale.
Le faisceau de His est par ailleurs un centre d'automatisme
secondaire, car il propage, certes, l'influx de l'étage auriculaire
à l'étage ventriculaire, mais il est aussi capable de
décharger spontanément des impulsions à la
fréquence de 40 à 60/min. La conduction n'y est pas
influencée par le système neurovégétatif. La
transmission de l'influx peut être ralentie ou interrompue en cas
d'ischémie, d'hyperkaliémie importante ( supérieure
à 6,5 mEq/l) ou d'intoxication par les anti-arythmiques de classe Ia ou
Ic.
Du fait de cette faible sensibilité aux facteurs
extrinsèques, le système de His est plus souvent siège de
blocs auriculo-ventriculaires chroniques dégénératifs que
de blocs auriculo-ventriculaires transitoires.
B - Le réseau de Purkinje
Ce sont les ramifications terminales des branches droite et
gauche du faisceau de HIS qui s'étendent sur toute la musculature
ventriculaire pour propager l'influx. C'est aussi un centre d'automatisme
tertiaire capable de décharger spontanément des impulsions
à la fréquence de 20 à 40 par minute.
V - La conduction antérograde et
rétrograde
La conduction normale, allant des oreillettes aux ventricules est
dite antérograde. Cependant, la conduction peut aller dans le sens
inverse, à partir d'une extrasystole ventriculaire par exemple, elle est
appelée alors conduction rétrograde. Cette conduction
bidirectionnelle peut être source de troubles du rythme et d'un certain
nombre de complications en stimulation cardiaque.
VI - Les périodes réfractaires
La dépolarisation myocardique s'accompagne d'une
période réfractaire subdivisée en période
réfractaire absolue (PRA) et période réfractaire relative
(PRR). Pendant la PRA, un stimulus électrique n'entraîne aucune
réponse. La PRR suit immédiatement la PRA, le myocarde y est
stimulable, mais avec un niveau d'énergie supérieur (15 à
25 fois) au niveau d'énergie minimale nécessaire à la
dépolarisation, lorsque la stimulation est appliquée en dehors
des périodes réfractaires.
Figure 1 : Le tissu nodal
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