TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 2
.........
19
Chapitre I. De la pratique des dons
dans les élections
20
Section I. L'historique et la typologie de
dons
20
§1- L'évolution du
phénomène du don électoral au Burkina Faso
20
§2- Les types de dons dans les
élections
24
Section II. L'administration des dons
29
§1- L'identification des donateurs
29
§2- Les canaux d'acheminement des dons
32
Chapitre II : Les finalités
des dons dans les élections
36
Section I. Le soutien et/ou la
déstabilisation des partis politiques
36
§1-La construction d'alliances entre partis
politiques
36
§2- La Déstabilisation des partis
politiques
42
Section II. La mobilisation de
l'électorat
48
§1- La marchandisation des voix
48
§2- L'instrumentalisation des leaders
d'opinion
55
...
62
Chapitre I. L'influence des dons sur
les choix des électeurs
63
Section I. La portée des dons dans les
élections
63
§1- La diversité des dons et leur
encadrement juridique
63
§2- L'incidence effective des dons sur les
choix électoraux
70
Section II. Les Limites de l'effet des dons
sur les comportements électoraux
74
§1- Le rôle des observateurs et les cas
de détournements
74
§2- Les limites inhérentes aux
pesanteurs socioculturelles et aux promesses non tenues
78
Chapitre II. La contribution des dons
à l'institutionnalisation de la démocratie
85
Section I L'importance des dons dans
l'ancrage de la démocratie
85
§1- Les dons comme mode de financement des
partis politiques
85
§2- Les dons comme une exigence du champ
électoral
89
Section II. L'apport des dons dans la formation
du citoyen
93
§1- De l'organisation des activités
de formation
93
§2- La promotion de la participation
citoyenne
98
CONCLUSION
105
BIBLIOGRAPHIE
.............................................................................................................................................
111
INTRODUCTION
La pratique
électorale connaît de plus en plus un regain
d'intérêt dans nombre de pays africains. Gage inéluctable
de l'instauration de la démocratie, l'élection est censée
susciter et favoriser une large participation politique de toutes les forces
sociales. Le choix et le renouvellement ou la permanence de l'élite
dirigeante qu'elle sous-tend, vise la construction d'une société
de citoyens, c'est-à-dire, amener tout le peuple à s'impliquer
dans la gestion des affaires publiques. Le vote est le mode d'expression de
choix que les élections impliquent. Cependant, il apparaît comme
étranger aux cultures traditionnelles africaines articulées
fondamentalement sur le consensus et le principe de la
séniorité1(*)''. Dans une société où le pouvoir
est détenu par les personnes âgées, et dont la gestion
passe par la palabre, le vote en tant que moyen d'accès au pouvoir,
émerge comme un nouveau phénomène.
Le vote serait donc un
acte politique moderne. Il est perçu comme un acte individualiste se
heurtant au communautarisme des sociétés africaines dans
lesquelles l'individu n'a d'existence sociale que par le groupe. Ces deux
dernières décennies les élections sont entrées dans
les habitudes politiques en Afrique et de nombreuses recherches leurs sont
consacrées. Les analystes les comparent dans leur majorité
à des moments de festivités au vu de l'atmosphère qui se
dégage et l'engagement de toutes les parties concernées. Loin
d'être la conséquence d'une influence univoque, le vote est la
résultante de toute une série de forces qui
s'interpénètrent. L'analyse des comportements électoraux
en Afrique se présente comme une nécessité au regard de la
diversité de scrutins qu'ont connu la plupart des Etats africains depuis
l'amorce du processus démocratique.
A l'instar des autres pays africains, le Burkina Faso
connaît depuis 1991, un processus continu de consultations
électorales. Après le référendum du 2 juin 1991,
l'Etat burkinabè organisera régulièrement plusieurs
élections, ce sont : les présidentielles du 1er décembre
1991, du 15 novembre 1998 et du 13 novembre 2005 ; les
législatives du 24 mai 1992, du 11 mai 1997, du 24 avril 2002 et
du 6 mai 2007, enfin les municipales du 15 février 1995, du 24
septembre 2000 et du 23 avril 2006. Cette situation invite à des
réflexions scientifiques sur le déroulement du processus
démocratique et les obstacles auxquels il serait confronté. La
présente étude orientée sur l'analyse des comportements
électoraux dans la ville de Ouagadougou s'inscrit effectivement dans
cette démarche. La littérature
portant sur les comportements électoraux offre des paradigmes
explicatifs multiples qu'il conviendrait de présenter.
Les comportements
électoraux sont un ensemble de réactions (faits ou actes)
objectivement observables dans le processus de désignation des
représentants par le canal du vote. Ils sont multiformes et
variés selon le type d'élection. Expliquer le
comportement des électeurs c'est chercher à comprendre
concrètement comment ceux-ci réagissent face à l'offre
électorale. L'acte de voter c'est-à-dire de participer à
une élection, traduit à la fois un comportement individuel et
collectif relevant d'une série de décisions.
Les débats théoriques sur l'acte
électoral et les comportements électoraux dans les
systèmes politiques généralement en transition des Etats
de l'Afrique subsaharienne prennent une place de plus en plus importante dans
la science politique africaniste. Il s'agit d'une part de
réévaluer les schèmes explicatifs dominants dans les
analyses (vote communautaire, rite, affection, théâtralisation) et
d'autre part les modifications plus ou moins affirmées selon les
contextes et les configurations. Engueguele2(*) classe ces analyses dans la science politique
africaniste en trois catégories :
Le vote de
solidarité : il serait fonction de l'affiliation sociale et
non des calculs d'utilité de l'électeur. Les sentiments de
solidarité, de loyauté, d'allégeance ou de groupe
d'appartenance dominent la volonté d'obtenir des avantages personnels.
Les décisions collectives seraient systématiquement
forgées par les intérêts de groupe reflétant et
exacerbant des clivages communautaires, ethnolinguistiques, religieux et
territoriaux. La mobilisation électorale s'opère exclusivement
sur la base de revendications d'appartenance et de conflits d'identité.
Cette approche fournit une explication conforme au ``caractère plural ou
segmentaire''3(*) des
sociétés africaines. La conjoncture d'incertitude structurelle
que traversent les individus pourrait mieux expliquer cette solidarité.
Dans ce cas quelle est la part de la marchandisation, des menaces et de la
coercition observables lors des élections ? Il apparaît de
toute évidence que la solidarité ne suffit pas à elle
seule pour comprendre l'acte électoral en Afrique.
Le vote comme un
rite, il est indissociable de la répétition, signe de
la persistance de l'accord d'une collectivité durable, marque
déposée de l'identité du groupe. Il se caractérise
selon Engueleguele par l'usage d'un répertoire lexical particulier (les
mêmes formules, les mêmes mots...). L'acte électoral aurait
ici une portée symbolique. Ainsi, il serait pour de nombreux
électeurs un acte séparé du cours normal de la vie
quotidienne, ni sacré, ni banal mais seulement insolite et
dénué de sens. Il serait aussi assimilable à de lointaines
pratiques sociales institutionnalisées dans les milieux où
l'élection compétitive n'est pas intégrée dans le
jeu des prédispositions.
Le vote comme un
théâtre, l'acte électoral est perçu comme une
simple comédie, une farce qui met en exergue la puissance et la
compétence, l'exclusion des citoyens électeurs
digérée par une savante immobilité des systèmes
politiques en transition. Le vote est ici une technique de ratification ou
d'approbation dans laquelle on magnifie une sentence connue d'avance où
aucun choix ne saurait inverser le cours des choses.
Dans une certaine mesure,
les élections se présenteraient comme de simples ruses
subtilement utilisées par les élites pour conserver leur pouvoir.
Evoquer la problématique des élections en Afrique invite aussi
à réfléchir sur les techniques de dévolution et de
gestion du pouvoir politique moderne. Ces techniques propres à la
culture démocratique se sont imposées dans les
sociétés africaines avec l'implantation de l'Etat moderne.
Produit d'importation, pâle copie des systèmes politiques et
sociaux européens, l'élection s'est imposée avec
l'importation de l'Etat moderne fondé sur le principe de
démocratie (Bayart). L'Etat démocratique a érigé
les élections comme un cadre important de la vie politique, où se
négocie et se renégocie le partage des richesses.
Le vote en Afrique n'est
pas seulement analysé comme un mode d'expression des électeurs
opérant des choix à leur convenance (Boy et Nonna), il est aussi
conçu comme un mécanisme régulateur de la lutte pour
l'accès aux ressources (Otayek et Als). Bayart souligne dans cette
optique que : « l'appareil d'Etat est en soi un morceau de
gâteau national que tout acteur digne de ce nom entend croquer à
belles dents »4(*). Il y aurait aussi une montée de la kleptomanie
dans le milieu politique africain. En effet, la scène électorale
africaine serait un théâtre où le métier de
politicien consisterait à développer toutes les stratégies
nécessaires pour opérer un hold-up sur les ressources de l'Etat
(Socpa). La conquête du gâteau (le pouvoir et les ressources) est
perçue comme la finalité première de tout homme politique.
Il n'est nul besoin encore de remarquer que tous les moyens permettant
d'atteindre ce but ne peuvent être négligés. Badie et
Hermet5(*) concluent
à cet effet que dans le Tiers monde, les périodes
électorales revêtent le caractère quasiment festif voire
cathartique, d'une célébration nationale pas encore
enlisée dans les marais de l'habitude.
Au Burkina Faso, les
analyses de Loada (1995, 1998,2006), de Yonaba (1992) sur les
législatives du 24 décembre 1992 mais aussi du REN-LAC (2001), de
Zagré (1994)6(*) et
l'ouvrage de Ouattara (2006)7(*) ont jeté les bases d'une analyse scientifique
sur la matière électorale. On note que le champ
électoral se caractérise dans ce pays et en particulier dans sa
capitale Ouagadougou, par l'apparition et l'enracinement du
phénomène de don. La multiplicité des dons lors des
élections semble devenir inquiétante. En effet, l'usage de dons
de natures diverses lors des élections mérite que l'on s'y
penche. Les dons arrivent sur la scène politique à un moment
où les joutes électorales sont marquées par un
progrès dans l'organisation. Ils se multiplient aussi dans un contexte
qui se traduit par un désintérêt croissant de
l'électorat face aux atermoiements des formations politiques, à
l'attentisme parfois sceptique des campagnes électorales et aux
désillusions des couches urbaines défavorisées. Les dons
seraient donc utilisés pour faire face à des électeurs
soit déçus par les pratiques des acteurs politiques soit de moins
en moins attentifs aux questions politiques.
Le don en lui-même n'est
cependant pas un fait nouveau, il participe du système de
l'échange en général. Pour Allemand «l'échange
est consubstantiel à la vie politique comme il l'est à la vie
sociale »8(*) . Il
intervient dans la prise de décision, dans l'alliance comme dans le
conflit, dans la relation de pouvoir et dans sa légitimation.
L'irruption du don dans le champ électoral africain pourrait
dénaturer quelque peu sa logique sociale fondée sur la
solidarité et l'entraide.
Comme le recommande Durkheim, le chercheur doit
définir clairement les concepts afin que l'on sache et qu'il sache bien
ce dont il est question. Pour cette étude-ci, les concepts voisins et
parfois interchangeables de don et « don
électoral », de corruption et corruption électorale et
enfin de clientélisme électoral seront élucidés et
partant leurs rapports établis :
- Les concepts de don et de ``don
électoral''.
Le don est synonyme
d'offre, de cadeau qu'une personne X fait à une autre personne Y en
signe d'amitié, de sympathie, de reconnaissance, ou pour l'assister
lorsqu'elle est dans le besoin. Au sens juridique, la donation, processus de
transmission de don, est un contrat par lequel une personne (donateur)
transfère la propriété d'un bien à une autre
(donataire), qui l'accepte, sans contrepartie et avec intention
libérale9(*). Le
donateur offre et accorde au donataire sans manifester un quelconque
intérêt. Le donataire reçoit et en fait une
propriété. Le don est juridiquement un acte unilatéral qui
naît d'une seule volonté. C'est un transfert de
propriété d'un bien d'une personne à une autre. Notre
étude s'inscrivant dans une démarche sociologique, la
définition sociologique s'avère indispensable. Nous en ferons
référence dans notre analyse.
Dans l'approche
sociologique, le don est un construit social. Il est un mécanisme social
fondamental de création et de régulation de liens sociaux. Il
peut construire et renforcer l'amitié ou apaiser une tension. Dans
nombre de sociétés archaïques analysées par les
anthropologues (Mauss, Malinowski etc.), les échanges et les contrats se
font sous forme de cadeaux, volontaire en théorie, mais obligatoire dans
la réalité. Le don n'est pas une simple expression des
sentiments de l'individu, c'est un acte public, social qui affecte la position
de chacun dans la société. Ainsi dans certaines
sociétés, on devient chef en donnant tous ses biens
(sociétés indiennes observées par Mauss). Le don est donc
un phénomène social total car présentant des dimensions
économiques, politiques et religieuses. Il lie les individus aux groupes
et les groupes entre eux. Pour Mauss cité par Journel « en
chaque objet donné existe une âme qui est celle du
détenteur premier, c'est cette force essentielle qui comme le
sacré, lie les hommes entre eux et les contraint d'agir tout en
proclamant qu'ils le font librement10(*) ». Selon les anthropologues, tout don
implique en effet un contre don et dans toute société, donner,
recevoir et rendre sont obligatoires. Si pour Mauss le don regroupe ces trois
opérations (donner, recevoir et rendre), Strauss11(*) met l'accent sur la notion
d'échange et de réciprocité. Le don apparaît ainsi
comme un aspect contingent d'un dispositif nécessaire et universel qui
est l'échange. Dans cette logique, la prohibition de l'inceste
n'était que la face négative de l'obligation positive
d'échanger des femmes. Donner, recevoir et rendre relève d'une
seule et même pensée collective.
En 1976, Marshall
définit le don comme « un contrat social qui peut prendre
trois formes :
· la
réciprocité générale qui se pratique entre proches.
Le don y est gratuit et la réciprocité est assurée de
manière diffuse.
· La
réciprocité équilibrée qui délimite l'aire
de l'alliance. Les donateurs attendent une compensation spécifique de
leur prestation en général réglée par la
coutume.
· La
réciprocité négative qui est celle du commerce et de la
guerre. Chacun cherche à donner le minimum pour obtenir le
maximum »12(*)
Emboîtant le pas de
tous ces auteurs qui allient don et échange, Alain montre que
l'échange de dons met en jeu une logique de la dette. Dons et contre
dons s'enchaînent comme le crédit et son remboursement ou comme le
placement et son rapport. « Donner c'est investir et refuser de
donner, négliger d'inviter comme refuser de prendre c'est refuser
l'alliance et la communion »13(*). Le don dans ce sens scelle un lien durable et
contraignant. Bourdieu quant à lui invite à prendre en compte le
rôle déterminant de l'intervalle temporel entre le don et le
contre don. Alain14(*)
reprenant les propos de ce dernier écrit « le cadeau est
un malheur parce que finalement il faut le rendre. Dans tous les cas, l'acte
initial est une atteinte à la liberté de celui qui reçoit.
Il est une grosse menace ; il oblige à rendre ; en outre il
crée une obligation, il est une manière de tenir en faisant des
obligations ». Ceci dit le don initial est une prise de
créance, un endettement donc un investissement social destiné
à rapporter à terme la dette comme mode de fonctionnement
ordinaire de la vie sociale. La relation entre créancier et
débiteur est une relation réversible, constitutive d'un contrat
social fondamental permettant le jeu de la solidarité quotidienne,
intégrant chaque individu dans un système de protection sociale
réciproque et d'assurance mutuelle contre les aléas de
l'existence et contre les incertitudes de l'avenir. Cette analyse corrobore
celle de l'anthropologue américain Boas. Ainsi la logique de la dette
tisse des solidarités impératives et lie durablement
créanciers et débiteurs. « Les premiers surveillant les
seconds et les rappelant à l'ordre et font jouer contre eux les
sanctions les plus graves caractérisées par une mise à
mort sociale (déshonneur, malédictions, colère des
dieux, des ancêtres et des esprits etc.), les débiteurs sont
prédisposés à la reconnaissance : reconnaître
leur dette et s'en acquitter pour éviter les
sanctions »15(*).
Le don est perçu
avant tout comme un fait dont les ramifications et les significations qui se
dégagent donnent au système social son équilibre et son
essence. Dans cette analyse, don et échange sont confondus bien que de
prime abord ces deux notions s'excluent. Alain démontrera que ces
termes renferment le même contenu. Le don revêt une logique
sournoise consistant à maintenir celui qui reçoit sous la coupe
du donateur qui le manipule à sa guise. Dans ce sens, il offre ici une
image de rapport de force dans les rapports sociaux où seuls les
donateurs détiennent le pouvoir.
Le don électoral
est d'emblée, l'usage de cadeaux, leur distribution dans les campagnes
électorales. Socpa écrit que le don
électoral est aujourd'hui « une réalité
massive des développements politiques. Il gouverne désormais les
rapports entre marchands politiques et clientèle électorale voire
ethnique »16(*).
Il avance comme exemple une formule populaire dans une langue locale
camerounaise en vogue dans les années 1980 et 1990. Formule
développée pendant les périodes électorales
« politics na njangui 17(*)» et qui signifie que « la politique
c'est la tontine » ou « à soutien politique
égal, récompense égale ». Socpa montre
dès lors comment le don ou l'échange de biens (matériels
ou immatériels) a investi le champ électoral au Cameroun. Le
donateur et le bénéficiaire sont connus d'avance. Les hommes
politiques à travers leurs entreprises politiques distribuent et
l'électorat reçoit, les dons contribuent ainsi à la
construction d'un lien social spécial et impose nécessairement un
contre don puisque le donateur attend de l'électorat ses voix. Si les
populations d'une région donnée veulent la réalisation
d'infrastructures, elles doivent apporter leur soutien total et
indéfectible au parti politique jugé capable au regard des moyens
dont il dispose pour opérer de telles actions. La population
reçoit donc premièrement des promesses et ne pourra obtenir la
réalisation matérielle qu'après élection. Comme on
le constate aisément, le don n'est pas toujours dans le cadre des
élections ce qu'il était dans les sociétés dites
archaïques étudiées par les anthropologues. En outre, dans
le champ électoral, le don s'apparente, voire est remplacé par un
autre concept : le clientélisme électoral de plus en plus
très usité par les chercheurs en science politique africaine.
Bien que le don soit presque délaissé pour ce terme (le
clientélisme), nous l'avons préféré pour introduire
de l'euphémisme dans notre approche et éviter de tomber dans les
présupposés péjoratifs que véhiculent les notions
de corruption et de clientélisme.
- Corruption et corruption électorale.
.Selon le Rapport 2003 du PNUD sur le
développement humain, « la corruption est un fléau
mondial qui frappe particulièrement les pays en
développement »18(*). En outre, le Rapport précise qu'elle est,
à l'instar de la prostitution, un phénomène aussi vieux
que le monde bien que le terme soit apparu au XIIe siècle. La corruption
peut se définir comme « le fait de commettre ou d'inciter
à commettre des actes qui constituent un exercice abusif d'une fonction
(ou abus d'autorité), y compris par omission, dans l'attente d'un
avantage ou pour l'obtention d'un avantage, directement ou indirectement
promis, offert ou sollicité, ou à la suite de l'acceptation d'un
avantage directement accordé, à titre personnel ou pour un
tiers »19(*). La
corruption politique se définit comme l'abus de pouvoir par les
responsables politiques pour obtenir des gains personnels. La corruption est
donc le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de promettre ou
d'octroyer d'autres avantages indus, à un agent public, à son
profit ou au profit d'un tiers, pour qu'il agisse ou s'abstienne d'agir dans un
sens donné. Toutes ces définitions corroborent celle du Code
pénal du Burkina Faso qui en son article 156 dispose que « la
corruption est une infraction commise par une autorité publique qui
agrée des offres ou des promesses, reçoit des dons ou
présents afin d'accomplir un acte de son emploi, de s'en abstenir, soit
encore de fournir des informations mensongères ». Dans la
même logique Transparency international conclura qu'il s'agit de toute
implication des personnes investies de pouvoir (publique, privée,
société civile) dans toute relation faisant consciemment entorse
aux règles et procédures établies ou utilisant leurs
incohérences pour obtenir pour elles mêmes ou pour une tierce
personne des avantages quelconques autres que ceux officiellement
prévus.
La corruption
électorale consiste pour les hommes politiques à remettre
à des électeurs qui promettent de leur accorder leur suffrage,
des billets de banques ou autre objet matériel dans le cadre d'une
campagne électorale. Pratique qui favorise les partis riches, elle
s'installe et s'amplifie à la faveur de l'extrême pauvreté
dans laquelle vivent les populations. Selon Loada et Ibriga, la corruption
électorale peut se définir au sens large comme des manipulations
illégitimes des préférences des électeurs par les
partis politiques et les candidats, et au sens étroit, comme l'achat
(corruption active) et ou la vente des voix des électeurs (corruption
passive)20(*). Le
suffrage des électeurs n'est plus, dans ce cas, sollicité sur la
base d'un programme politique que les partis ont l'obligation de concevoir dans
la perspective de la conquête du pouvoir, mais en fonction de
considérations purement matérielles. Selon le Centre pour la
Gouvernance Démocratique (CGD) : « la corruption
électorale constitue un véritable virus qui menace tout processus
démocratique et plus particulièrement les démocraties
naissantes »21(*). Hormis ce concept, l'un des termes les plus
couramment usités est le clientélisme électoral.
- Le clientélisme
électoral
La notion de clientélisme est souvent
entachée d'un esprit de dénonciation et de stigmatisation de
pratiques démocratiques courantes (les pratiques clientélaires),
inspirées par une vision idéale et positiviste de la
démocratie représentative. L'emploi du terme de
clientélisme pose presque comme un postulat du bon fonctionnement de la
démocratie et des élections, la capacité des
électeurs à séparer rationnellement les
intérêts généraux et collectifs des
intérêts particuliers et personnels. Seuls les premiers devraient
guider les comportements politiques, la participation démocratique et
les motivations de vote alors que les seconds, entachés de
particularisme, devraient rester en marge de la représentation
politique. Le problème est donc que la notion de clientélisme,
utilisée quasi exclusivement pour parler des pratiques des élus
et des partis, néglige(ait) un aspect essentiel : la demande sociale des
électeurs envers les élus et les institutions. Dans certains
contextes, les électeurs s'adressent aux hommes politiques
principalement pour des questions privées et personnelles touchant
à leurs intérêts particuliers (la demande d'un emploi
public, une aide, un service pour l'avancement d'un dossier administratif,
etc.).
La notion de clientélisme comporte un
présupposé non avoué ; il serait en effet, le fait
des couches sociales pauvres et démunies de la population trouvant, par
les échanges « de votes et soutiens politiques contre services
et faveurs » avec des élus complaisants, un moyen
d'intégration sociale. Ce qui signifie que par le biais de cette
pratique, l'individu (l'électeur) se construit une position, acquiert
une nouvelle image. Comme on le sait, le clientélisme décrit des
relations informelles de pouvoir fondées sur l'échange de
ressources entre des individus ou des groupes de statut inégal. Un
personnage qui jouit d'un statut supérieur (le patron) prend avantage de
son autorité et des ressources dont il dispose pour protéger et
dispenser des bénéfices à un personnage de statut
inférieur (le client), qui lui retourne ses faveurs sous forme de
soutien et de services. « La relation clientélaire comporte
une dimension coercitive, mais elle est fondamentalement volontaire et
fondée sur des intérêts particuliers et
réciproques »22(*). Plus les sociétés sont complexes, plus
les réseaux clientélistes utilisent des relations
multilatérales complexes. Les patrons assument la fonction de
gatekeeper23(*)
pour faire le lien entre le Gouvernement central qui distribue les ressources
et la masse des électeurs qui le soutiennent. Le clientélisme
peut être orienté vers des individus, des groupes
d'intérêts ou des circonscriptions électorales. La
redistribution prendra la forme d'allocations discriminatoires ou de rentes,
selon les cas, et ciblera des individus, des groupes constitués ou des
circonscriptions électorales entières. Cela dépendra du
contexte créé par les rapports de forces locaux, les pratiques
administratives ou le mode de scrutin.
Dans les années
1980, sous l'influence dominante des théories du développement
politique, le clientélisme était considéré comme
caractéristique des systèmes politiques traditionnels ou au
début de leur phase de développement. On postulait qu'il
disparaîtrait. Nul doute qu'il joue cependant encore un rôle
important dans les grandes démocraties des pays développés
(Briquet et Sawicki, 1998).
La théorie
classique distingue le clientélisme traditionnel des notables, qui a une
forte dimension affective et personnelle, et les formes nouvelles mettant en
jeu des organisations et fondées seulement sur les
bénéfices concrets. Dans le clientélisme traditionnel, les
patrons étaient aussi des notables ; ils jouissaient de l'influence
personnelle qu'ils exerçaient par leur statut, leur richesse ou leur
prestige ; ils offraient une protection dont les formes variaient selon
les ressources dont ils disposaient, ce dont leurs clients avaient besoin, les
services qu'on pouvait leur demander et le dévouement qu'on pouvait en
attendre. Pour Wantchekon. «Il ressort que la politique
clientéliste est plus efficace dans les contextes de faibles
productivités, de fortes inégalités et de relations
sociales hiérarchisées »24(*)
Il était
nécessaire d'avancer une critique sur le clientélisme politique
conçu comme une notion englobante. Présenté comme un
phénomène général de société, le
clientélisme apparaît comme un « fourre-tout »
mélangeant des modes d'action et d'interactions disparates,
éléments qui se distinguent difficilement des échanges de
ressources entre élus et électeurs, les pratiques d'élus
en quête de voix et de soutiens politiques, un système de pouvoir
contraignant au niveau local, le népotisme et le favoritisme, les modes
de fonctionnement des partis politiques, les « machines
politiques ». Or, tous ces types de réalités et de
pratiques ne peuvent se réduire à une seule catégorie
analytique englobant toute la diversité des phénomènes
clientélaires. Quelle relation peut-on
établir entre ces concepts très proches ?
La relation entre le
clientélisme et la corruption a toujours été un sujet de
polémiques entre spécialistes. Certains auteurs comme Caciaglia
et Kawata (2001) affirment que la culture politique clientélaire
engendre la tolérance et une sorte de consensus public diffus envers la
corruption ; ils invoquent à l'appui de cette thèse la
similitude dans les termes utilisés pour parler des deux
phénomènes (« faveurs »,
« cadeaux », etc.). Les preuves historiques et les
recherches empiriques démontrent plutôt qu'il n'y a aucune
continuité, mais aussi aucune opposition entre les deux
phénomènes. Au plan théorique, alors que la corruption
concerne l'argent et que son but est l'enrichissement personnel, le
clientélisme vise à obtenir des suffrages et son but est le
pouvoir. Les relations de corruption sont individuelles et secrètes par
nature, alors que les relations de clientèle sont bien connues du public
et souvent approuvées par lui comme une manière normale de faire.
Les pratiques de corruption sont illégales, tandis que les pratiques
clientélaires, le plus souvent, ne le sont pas. On ne retrouve pas non
plus dans la relation de corruption les caractéristiques essentielles de
la relation clientélaire telles que l'inégalité et la
subordination hiérarchique entre les parties, ou l'investissement
affectif et l'importance du lien interpersonnel. Enfin, les cas les plus
simples en apparence, comme celui où l'électeur reçoit
directement de l'argent en échange de son vote, lorsqu'ils sont
analysés dans le détail, révèlent qu'on a bien
moins affaire à un « échange marchand »
(corruption) qu'à un rituel de type émotionnel et interpersonnel
caractéristique de la relation clientéliste.
La définition de Briquet et
Sawicki reprise par Allemand est en ce qui nous concerne la plus
indiquée pour notre analyse. Le clientélisme politique
concluent-ils est « un système d'échanges
interpersonnels non marchands de biens et de services échappant à
tout encadrement juridique entre agents disposant des ressources
inégales »25(*). Oscillant entre la dimension de l'échange et
de l'extorsion, ces pratiques occasionnent des processus de redistribution des
ressources publiques également des mécanismes
d'inégalité et d'exclusion dans l'accès aux ressources. On
parlera de corruption quand il s'agit d'échanges marchands. La notion de
corruption implique aussi celle du don. Dans son usage courant elle renferme
aussi bien la notion de don que celle de clientélisme qui sont en fait
des moyens pour l'accomplissement des desseins de corruption. L'échange
politique se situe entre clientélisme et corruption (Allemand). Les
deux pratiques utilisent le don comme moyen, quelque soit sa nature.
Le corrupteur passe par le
biais des dons, présents ou cadeaux ou par l'achat du silence, du
mensonge et autres moyens, que le corrompu acceptera de monnayer. En droit
international la corruption d'un représentant comprend l'existence
d'offres, de promesse ou de dons, en un mot d'actes ayant pour effet de peser
lourdement sur la volonté de l'individu (représentant) lors des
négociations. Pour qu'on puisse parler de corruption, il devrait exister
une corrélation entre le but à atteindre (qui est
d'infléchir la volonté) et ces offres. Dans ce sens, le don est
un instrument de la corruption et le clientélisme apparaît surtout
comme une de ses formes n'utilisant que des moyens autres que financiers et
reliant des individus de rang voire de classes différentes.
De ce qui
précède, nous utiliserons fréquemment le terme
« don » pour évoquer toutes les formes
d'échanges de quelque nature qu'elles soient. En effet, dans tout don
se trouve construit un rapport social, soit de domination soit de pouvoir ou
même de faiblesse qui profite à une des parties et parfois aux
deux.
Dans la
littérature, on note que les travaux ont beaucoup mis l'accent sur
l'analyse des processus électoraux en soulignant leurs
irrégularités. Ils restent tout de même limités car
l'on dispose de très peu de données sur les usages des dons, leur
valeur symbolique et matérielle, l'identité des donateurs, et les
résultats auxquels leur utilisation permet d'aboutir. Le don a toujours
existé en Afrique eu égard à la solidarité
légendaire dans la culture africaine. Il est de ce fait inscrit dans les
moeurs comme un acte normal. Il semble trouver dans les systèmes
électoraux un autre terrain d'expression. Cette situation conduit aux
interrogations suivantes :
ü Quel est son rôle dans le jeu
électoral ?
ü Comment les dons
sont-ils acheminés et à qui sont-ils destinés ?
ü Quelle est
l'influence des dons sur les résultats électoraux et la
consolidation de la culture démocratique ?
Notre
intérêt pour cette étude est né du constat de la
manière dont les élections se déroulent depuis 1991 au
Burkina Faso. Alors que nous étions au collège, nous avons
remarqué qu'à chaque élection, certains électeurs
conditionnent leur motivation à participer à l'acte
électoral aux cadeaux obtenus. Dans une opération de collecte
de données pour le compte du centre pour la gouvernance
démocratique (CGD) en 2006 dans le Nord et le Sahel, la réponse
d'un enquêteur a marqué notre attention. Il s'agissait de savoir
si oui ou non il fallait supprimer les cadeaux lors des élections, pour
une question d'équité entre les partis. L'enquêté
que nous avons rencontré répond en ces termes :
« c'est seulement lors des élections que nous
bénéficions des ressources des partis. Si on les supprime,
qu'allons nous manger, que pouvons-nous obtenir encore avec ces partis
politiques qui ont l'art de nous abandonner après les
élections ? ». Ce témoignage montre que les dons
sont non seulement très fréquemment utilisés lors des
élections au Burkina mais qu'ils sont entrés dans les habitudes
des électeurs et leur semblent indispensables. Notre
préoccupation à travers cette recherche sera de cerner la part
d'influence que les dons ont sur la détermination des comportements de
l'électorat et aussi sur les résultats électoraux.
Une telle réflexion
s'avère d'autant plus importante pour le processus de construction
démocratique. Il est en effet sans cesse nécessaire de jeter un
regard critique sur l'évolution des choses pour s'assurer qu'elle
répond aux objectifs. Cette étude ouvre ensuite la voie à
une critique constructive sur l'introduction d'un phénomène
socioculturel (le don) sur un champ où tous les coups semblent permis.
Le don peut-il continuer de jouer son rôle de construction, de maintien
et de régulation de réseaux de relations sociales sur le terrain
politique ? En d'autres termes, quelle valeur peut-on maintenant accorder
au don dans ce champ social?
L'hypothèse
suivante oriente notre démarche : l'usage des dons dans les
campagnes électorales détermine les comportements
électoraux de la population de la ville de Ouagadougou. Ce
déterminisme influe corrélativement sur l'ancrage de la culture
démocratique. L'objectif de cette
étude consiste à décrire les manifestations de la pratique
du don électoral et son impact sur les comportements des
électeurs et partant sur la consolidation de la démocratie.
S'intéressant
uniquement aux populations de la commune de Ouagadougou, cette étude ne
saurait faire l'objet de généralisation ou d'extrapolation sur
l'état global des comportements électoraux dans tout le pays. Les
outils utilisés sont entre autres le guide d'entretien, le questionnaire
et le focus groupe. Nous avons associé les deux approches :
quantitative et qualitative. L'observation directe de l'attitude des
électeurs lors des élections du 13 novembre 2005 et du 24 avril
2006 a été d'un appui capital dans cette étude.
La ville de Ouagadougou,
cadre de notre recherche couvre une superficie de 52.000 ha dont 21.750 ha
urbanisés. La ville tire ses origines des XIIIe et
XIVe siècles car son histoire est liée à celle
du royaume mossi. L'administration coloniale ne trouvant pas assez
d'infrastructures va transférer ses services à Bobo Dioulasso.
Ouagadougou sera érigée en commune dite mixte en 1926 et en
commune de plein exercice avec des organes élus au suffrage universel
par l'effet de la loi coloniale de 1955. En 1956, des élections
municipales sont organisées et ont conduit à la mise en place des
conseils municipaux. En 1959, le conseil municipal de Ouagadougou est dissout
et une délégation spéciale est créée en lieu
et place. C'est seulement trente (30) ans après soit le 12
février 1995 que des élections de conseillers municipaux seront
organisées dans les communes urbaines. Dotée d'un conseil
municipal depuis 1995, Ouagadougou est subdivisée en 30 secteurs et 17
villages. Avec l'urbanisation très rapide, la population de la ville
est passée de 441.514 habitants en 1985 à 788.581 habitants en
1999. Cet effectif passera de 907.499 en 2003 à 939.931 en 2004 et
enfin à environ 1.200.000 habitants en 2006. Capitale politique du
Burkina, Ouagadougou offre un cadre idéal pour observer le
phénomène électoral dans ce pays, étant
donné que presque tous les partis politiques y sont
représentés.
Notre échantillon
d'étude est puisé dans la population mère de la commune de
Ouagadougou et il prend en compte seulement les individus ayant au moins 19 ans
en janvier 2007. En d'autres termes, il s'agit de ceux qui ont pris part au
moins à une des élections organisées depuis fin 2005.
En somme, une quarantaine de personnes ont été concernées
par l'enquête par questionnaire et 10 autres par le guide d'entretien.
Enfin, nous avons effectué deux focus groupes pour compléter nos
informations. En somme 50 personnes ont été individuellement
approchées et deux groupes de dix (10) personnes ont suivi l'entretien
du focus. Nous avons opté dans l'ensemble pour une démarche dite
raisonnée pour apporter un complément aux données
documentaires. La collecte des données documentaires s'est faite de
manière continue depuis juillet 2006 jusqu'à la rédaction.
Quant aux données de terrain (enquête par questionnaire), leur
collecte a été faite de janvier à fin mars 2007. Ces
données ont été dépouillées et
traitées manuellement, ce qui a sans doute alourdi le travail. Notons
que les entretiens avec les personnes ressources ont été
réalisés tout au long du processus de recherche jusqu'à la
fin de la rédaction.
Du reste, le travail de
terrain ainsi que les données documentaires ont permis de se rendre
compte que peu de travaux d'ordre scientifique ont été
réalisés sur la question des comportements électoraux au
Burkina Faso et particulièrement dans une zone urbaine. Cette
évidence rend ce travail plus que nécessaire. Ne pouvant brasser
tous les aspects du don et les dons de tous les intervenants dans le champ
politique, notre étude s'intéressera surtout aux dons faits entre
partis ainsi qu'aux dons faits par les partis politiques ou les candidats
à l'électorat. Ces dons peuvent avoir été
directement ou indirectement remis aux bénéficiaires par les
donateurs. Pour mieux saisir l'impact des dons, on ne pouvait écarter de
notre champ d'analyse le financement public.
Le présent travail
se structure en deux (II) partie avec chacune deux (II) chapitres. La
première partie fait un état des lieux des connaissances sur
l'avènement du don électoral au Burkina Faso (chapitre I) et les
objectifs visés (chapitre II). La seconde partie présente
l'impact du don électoral sur les comportements des électeurs
(chapitre I) et sur la construction de la démocratie (chapitre II).
Chapitre I. De la pratique
des dons dans les élections
Durant tous les scrutins
organisés, les pratiques et les usages de dons multiformes ont
été remarqués au Burkina comme cela se passe partout en
Afrique. Cependant l'absence de données scientifiques
avérées sur les élections avant 1991 rend l'analyse de la
manifestation des dons difficile dans cette période lointaine de
l'histoire politique du Burkina. La problématique des dons
électoraux ne se limite pas aux élections organisées sous
la quatrième République, d'où la nécessité
de porter un regard diachronique sur l'évolution de l'usage des dons
dans les différentes élections au Burkina Faso (I). Il
apparaît ensuite nécessaire d'appréhender les types de
donateurs et les moyens de transmission des dons aux électeurs (II).
Section
I. L'historique et la typologie de dons
L'émergence du
phénomène du don électoral au Burkina Faso est le fruit
d'un processus qui s'est construit tout au long des différentes joutes
électorales. Comment expliquer l'évolution du
phénomène de don électoral au Burkina Faso
(§i) ? Quelles classifications peut-on faire de ces dons
(§2) ?
§1- L'évolution du
phénomène du don électoral au Burkina Faso
Situer la période
de l'avènement des dons dans le jeu électoral au Burkina Faso a
été une préoccupation centrale de la présente
étude. P.E26(*)explique qu'il faut d'abord rechercher dans
la base sociologique, l'origine du don électoral au Burkina Faso.
L'émergence des dons dans le champ électoral s'est
progressivement opérée. Bagoro s'appuyant sur l'analyse d'IDEA
note que la campagne électorale au Burkina Faso tend « trop
souvent à se caractériser par la remise des cadeaux et l'achat
des consciences 27(*)». De nos recherches, il est ressorti qu'en
réalité c'est au cours des élections
présidentielles de 1978 que les dons ont connu leur apparition dans les
campagnes. K.A28(*) explique que pendant les élections de 1978,
les principaux partis qui ont brillé dans l'usage des dons sont le RDA
et l'UNDD. La situation financière des partis de l'époque et
leur nombre assez réduit ont rendu moins visible l'utilisation des dons.
Cette situation a connu une montée progressive depuis les
élections présidentielles du 2 juin 1991.
Tableau n0 1. Apparition des
dons dans les élections au Burkina Faso selon les variables sexe,
âge et niveau d'instruction
Périodes
|
Effectifs
|
Sexes
|
Ages
|
Niveau d'instruction
|
H
|
F
|
20-30
|
31-40
|
41-50
|
51+
|
Aphbte
|
prmre
|
scdre
|
supr
|
Depuis toujours
|
04(10%)
|
03(15%)
|
01(5%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
02(16.66%)
|
02(66.66%)
|
00(0%)
|
02(20%)
|
02(14.28%)
|
00(0%)
|
1978
|
05(12.5%)
|
04(20%)
|
01(5%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
04(33.33%)
|
01(33.33%)
|
01(12.5%)
|
02(20%)
|
03(21.42%)
|
01(12.5%)
|
1992
|
21(52.5%)
|
10(50%)
|
11(55%)
|
06(66.6%)
|
10(62.5%)
|
05(41.66%)
|
00(0%)
|
07(87.5%)
|
04(20%)
|
06(42.85%)
|
05(62.5%)
|
1998
|
06(15%)
|
02(10%)
|
04(20%)
|
03(33.33%)
|
02(12.5%)
|
01(8.33%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
02(20%)
|
03(21.42%)
|
02(25%)
|
2002
|
04(10%)
|
01(5%)
|
03(15%)
|
00(0%)
|
04(25%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
00(0%)
|
Total
|
40(100%)
|
20(100%)
|
20(100%)
|
09(1000%)
|
16(100%)
|
12(100%)
|
03(100%)
|
08(100%)
|
10(100%)
|
14(100%)
|
08(100%)
|
40(50%)
|
40(50%)
|
40(50%)
|
Source :
enquête de terrain, mars 2007.
Le tableau ci-dessus donne
un aperçu général des réponses des enquêteurs
sur les moments probables de l'émergence du don dans les
élections dans la ville de Ouagadougou. Les données du tableau
concordent sur cette date de 1992 comme le point culminant de l'usage excessif
des dons dans les élections. Sur les 40 personnes
enquêtées, 21 personnes soit 52.5% soulignent que c'est à
partir des législatives de juin 1992 que le phénomène
« don électoral » a commencé à
être très manifeste. Quelle que soit la variable prise en compte,
le tableau permet de mettre en exergue l'année 1992 parmi les
différentes dates qui ont été proposées par les
répondants.
Des focus, il ressort que
l'année 1998 marque le point d'orgue du fort usage des dons dans les
campagnes électorales. Bien que ce soit dès 1992 que les
élections ont connu un regain d'intérêt au Burkina Faso,
les entretiens montrent que c'est à partir de 1998 qu'elles vont
être émaillées de l'usage de nombreux dons. « Il
fut un moment où les populations et les partis politiques ont compris
que le changement (l'alternance) n'était plus possible. Dès lors,
les partis politiques qui ne connaissaient pas encore les pratiques
clientélistes, sont entrés dans la danse avec le parti au
pouvoir. En d'autres termes, il s'agit pour les partis politiques de se
prévaloir des mêmes armes (les pratiques clientélistes)
pour conquérir l'électorat dont le parti au pouvoir
maîtrisait grâce aux dons 29(*)».
Les partis politiques de
l'opposition suite à la révision de l'article 3730(*) ont vu leur espoir de gagner
les élections futures s'émousser. Tous les moyens paraissent
dès lors nécessaires pour se tailler une belle image
auprès des populations afin d'espérer obtenir quelques voix. Dans
cette optique et malgré leurs moyens limités, tous les partis
dans la course au pouvoir n'ont cessé d'offrir des cadeaux ou d'en
promettre à l'occasion des scrutins.
En outre, la
multiplication du nombre de partis politiques pourrait expliquer
l'émergence du phénomène. « Tout parti, quelle
que soit son obédience, qui veut maintenir une bonne audience et garder
solide ses bons contacts avec l'électorat, est tenu de faire des offres.
C'est une opération coup de charme qui, pourtant, s'impose au regard du
nombre croissant des partis politiques31(*) ». Les pratiques
clientélistes sont devenues depuis 2002 une arme efficace aux mains de
tous les partis y compris les partis d'opposition. Les partis d'opposition ont
connu un succès spectaculaire aux législatives de
2002. L'opposition a connu ses premières percées
électorales, en remportant lors des élections communales du 24
septembre 2000, 6 communes sur 49. Les législatives de 2002 ont
confirmé cette montée en puissance de l'opposition, puisqu'elle y
a remporté 54 des 111 sièges parlementaires32(*). Mais cette montée de
l'opposition dans le jeu politique trouve certainement ses raisons dans la
situation sociopolitique que le pays a vécu depuis le
décès de Norbert Zongo survenu le 13 décembre 1998. Juste
après cet évènement, « un collectif des
organisations démocratiques de masse et de partis politiques est
créé pour lutter contre l'impunité et pour la justice,
avec pour slogan ``trop c'est trop'' »33(*). La publication du rapport de
la commission d'enquête indépendante loin de décrisper le
climat social a déclenché de troubles et de violences
importantes. Dans cette situation de crise profonde, les partis d'opposition
qui se sont alliés au mouvement du collectif ont trouvé une
occasion pour se rapprocher davantage du peuple.
L'électorat, de l'avis de
certains analystes, aurait sanctionné le pouvoir pour les cas de crime
impunis en accordant sa confiance au renouveau politique incarné par les
partis politiques de l'opposition inscrits dans le collectif34(*). Ainsi les résultats
aux législatives de 2002 ne sauraient être justifiés
seulement par l'effet de la pratique des « dons
électoraux »; car la crise qui a précédé
ces élections a eu un impact aussi fondamental sur la
réalité politique et sur les stratégies des acteurs.
En outre, les acquis suivants ont
été constatés avant le déroulement du scrutin
de 2002 : la création d'une structure de suivi et d'observation des
élection appelée Observatoire National des Elections (ONEL), la
révision du code électoral avec l'adoption du scrutin
proportionnel avec répartition complémentaire de sièges
aux plus forts restes lors des législatives et l'introduction du
bulletin unique et enfin le renforcement de la CENI (Commission Electorale
Nationale Indépendante) et de la liberté de la presse. Tous ces
changements dans la vie politique du pays ont certainement contribué
à l'émergence d'une ``opposition réelle''. Dès
lors, l'usage des dons par l'opposition peut se présenter comme un moyen
de maintenir en haleine l'électorat et conserver ses chances pour les
échéances futures. Selon S.A35(*)« les dons sont entrés dans les
moeurs politiques au Burkina durant la troisième mandature
(présidentielle et législative) et dans la présente en
cours depuis fin 2005 ». Ainsi, bien que les dons eussent
été déjà utilisés dans certaines
élections, c'est durant ces derniers mandats que le
phénomène a pris une certaine ampleur.
En somme, les analyses
montrent que depuis 1991, les élections au Burkina ont toujours
été fortement marquées par le foisonnement en leur sein
des dons de diverses catégories. Au fil des ans et selon les types de
scrutins, les dons sont entrés dans les habitudes des partis politiques
et aussi dans celles des populations. Il convient dès lors de
décrire et de classifier les différents dons usités. C'est
ce à quoi nous nous attèlerons dans le paragraphe suivant.
§2- Les types de dons
dans les élections
Les dons varient d'un scrutin à un autre mais on en
distingue qui sont presque toujours observés quelle que soit
l'élection.
Ces multiples dons peuvent
se classer en plusieurs catégories. La première catégorie
se structure en subventions étatiques et paraétatiques36(*), en appuis multiformes venant
des opérateurs économiques et enfin en offres à l'endroit
des électeurs. Les subventions étatiques et paraétatiques
sont le plus souvent connues d'avance et constituent pour certains petits
partis leurs fonds de base puisqu'ils n'ont pas assez de relations pour se
créer d'autres opportunités.
Comme le don naturel, ce
don crée une dépendance évidente entre le parti et l'Etat
et constitue pour les deux une source d'enjeux37(*). Notons aussi que la dépendance s'est
établie entre le régime qui a favorisé l'accès des
partis aux subventions et certains partis bénéficiaires38(*). Les appuis multiformes sont
assurés par les amis des partis ou des hommes politiques. Les grands
partis qui disposent de relations assez larges ont beaucoup plus accès
à ces dons par rapport aux ``petits partis39(*)''. Les dons ou offres
adressés aux électeurs sont composés de promesses
électorales, de projets de réalisation, des gadgets, de moyens
logistiques et de l'argent liquide. Selon Z .R40(*). « La
majorité des partis politiques bénéficient au Burkina Faso
des deux premiers types de dons et utilisent la troisième forme dans
leur stratégie de campagne »
La seconde
catégorie se caractérise par d'autres dons matériels et
des dons immatériels. Ces dons sont surtout faits aux électeurs
par les partis politiques et aussi par leurs émissaires ou
intermédiaires.
Tableau n0 2. Perception des dons
matériels en fonction du sexe
céréales
|
sucre, café et thé
|
pagnes, tee-shirt, casquettes et gadgets à l'effigie du
parti
|
vélos, motos, véhicules
|
des bons de carburant
|
boissons
|
Argent
|
Des parcelles
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
12
|
8
|
20
|
18
|
20
|
20
|
08
|
07
|
15
|
1 2
|
10
|
12
|
17
|
15
|
14
|
12
|
(50)
|
(70%)
|
(100%)
|
(37.5%)
|
(67.5%)
|
(55%)
|
(80%)
|
(65%)
|
Source : enquête de
terrain, mars 2007.
Dans l'ordre d'importance, les dons matériels
très usités sont : d'abord le lot de pagnes, de tee-shirts,
de ballons, de casquettes et d'autres gadgets à l'effigie du parti. La
seconde forme de dons matériels est formée par les biens
marchands : sucre, sel, cola, café et thé. Le sucre peut
être envoyé aux populations lors de certaines fêtes pour le
« zom-kom »41(*).
Il peut être donné aussi avec le café et le thé aux
jeunes qui forment des « grins »42(*). L'argent, les bons de carburant, les parcelles (espaces
aménagés dans les zones loties) sont les plus importantes offres
après les deux premières catégories déjà
relevées.
Les dons matériels
regroupent ceux en nature et en espèces. On y retrouve les dons
marchands alimentaires (sucre, thé, céréales,
boissons). O.L43(*) relève un fait marquant au secteur 17
lors des élections municipales de 2006 : « dans la
mosquée à coté de ma cour, les chefs de familles ont eu
chacun un sac de riz après la prière matinale». On aurait
selon cet habitant déposé tôt le matin un lot de sac de riz
devant la mosquée et ce, avec l'accord des dignitaires religieux.
Certains bâtiments
réalisés par le gouvernement sortant accueillent des
cérémonies d'inauguration ponctuées par des discours de
séduction. Comme le remarque Loada, « Il n'est
guère surprenant d'ailleurs que le nombre d'inaugurations ou de
démarrage de travaux publics ait connu un accroissement spectaculaire
à la veille des élections 44(*)». Socpa relève pour sa part que
« hormis les promesses en dotation d'infrastructures de
développement, les produits alimentaires et vestimentaires, des gadgets
et des pacotilles de toutes sortes sont offerts aux populations pendant les
périodes électorales45(*)».
L'argent n'est pas
épargné dans ces formes d'échange entre les partis
politiques et l'électorat. C'est dans l'ordre la septième offre
usitée par les partis à Ouagadougou. « La
période électorale est en effet perçue par la
majorité des citoyens comme le moment où l'on peut reprendre aux
hommes politiques l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur accession au
pouvoir ou plus généralement depuis
l'indépendance ».46(*) Les électeurs attendraient donc de tirer des
gains financiers de chaque scrutin électoral, de retirer ce qui leur
paraît être leur dû retenu par les hommes politiques. Selon
P.E. du MPS/PF, on note une certaine évolution depuis
1992 dans la forme et la nature des dons. L'argent étant un moyen
visible de corruption, les hommes politiques ont commencé par distribuer
des dons en nature (riz, savons, sel, sucre, pagnes) depuis fin 2000.
Les moyens de
déplacement forment le dernier maillon de dons matériels
présentés par les partis politiques dans la ville de Ouagadougou.
Ce n'est pas étonnant dans cette ville souvent appelée la
capitale des deux roues en Afrique, les mobylettes et vélos sont
beaucoup prisés. Cependant, ces engins ne sont pas offerts à tout
le monde mais seulement à certains relais c'est-à-dire aux
mobilisateurs. Z.R. souligne à cet
effet qu'« il arrive que des partis offrent des engins. Ils
servent à faciliter les multiples déplacements des
différents représentants des catégories de populations aux
rencontres des partis ou à leurs actions de
mobilisation ».²
Autres dons non moins importants concernent les mises à
disposition gratuites de locaux et matériels de secrétariat. P.E
note que « certains partis sont gratifiés de locaux pour leurs
rencontres dans les quartiers et dans le pays sans pour autant verser un
pièce. Tout au long des campagnes, ils peuvent en faire leurs
sièges. Il en est de même de certains secrétariats qui leur
reviennent pour leurs activités de saisie et de tirage 47(*)». Il existe outre les
dons matériels, les dons immatériels.
Cette deuxième
catégorie de dons concerne les promesses48(*), les services rendus et les poses de premières
pierres etc. L'électorat est gratifié de multiples promesses de
soutien et d'aide pour la résolution de ses problèmes
prioritaires. Ces promesses renvoient à l'attribution des postes juteux
aux diplômés des secteurs concernés de la ville, à
l'amélioration des conditions de vie des populations par la
réalisation d'infrastructures socioéconomiques, à trouver
de l'emploi aux fils et filles des localités et à hisser au haut
rang les élites venant desdites localités. Les deux formes de
promesses occupent les premières places des dons immatériels
utilisés lors des campagnes et des élections.
Les hommes politiques
prennent l'engagement ferme de trouver des solutions immédiates aux
doléances qui leur sont soumises. Pour Menthong, ce qui importe pour
les populations, ce sont « les avantages que la conquête d'une
position de pouvoir ou l'exercice d'un rôle d'autorité par un
membre de la communauté d'appartenance peut leur apporter en termes de
gain, d'avantages politiques, matériels et symboliques et la place que
la communauté occupera de ce fait dans le système de
domination49(*)».
Toute promesse allant dans ce sens ne peut qu'attirer l'attention des
populations. Le concept de changement véhiculé par les partis de
l'opposition renferme en réalité une panoplie de promesses et de
réformes qui auraient une importante influence sur la vie des
communautés. Mais selon le quotidien Le pays n03848
« les périodes de précampagne et de campagne sont des
moments de promesses dont la durée de vie est égale à
celle de la campagne»50(*).
Des services sont rendus
par les hommes politiques aux électeurs grâce à leurs
relations dans l'administration. C'est le cas des dossiers délicats sur
l'avancement de certains fonctionnaires qui malgré leurs multiples
démarches, n'ont pu résoudre leurs problèmes avec le
service de la solde. Les offres de services de certaines entreprises et
personnes physiques pour la soumission aux marchés publics seraient
appuyées et orientées vers des personnes supposées leur
donner une suite favorable.
C'est
généralement pendant les campagnes que certaines poses de
premières pierres symboliques sont faites pour des constructions qui
peut-être ne verront jamais le jour. Selon O. N51(*), lors des
élections de 2002, un des fils de leur village, homme politique qui leur
avait promis depuis 1998 la réalisation d'un barrage, aurait
été rejeté par les habitants du village. La promesse
n'ayant pas été tenue, les populations ont refusé de
sortir à son meeting de 2002. Le candidat a très vite compris la
situation et dès le jour suivant des machines ont commencé
à vrombir dans la rivière. Les habitants réjouis sortirent
très nombreux pour le meeting que celui-ci organisera par la suite. Aux
lendemains des élections les machines repartirent avec la promesse
qu'elles reviendront et plus jamais elles n'y sont revenues. Les types de dons ci-dessus décrits sont
transmis par divers donateurs et ce, suivant des canaux qui méritent que
l'on s'y penche.
Section
II. L'administration des dons
Les scrutins sont des
occasions inédites dans lesquelles interviennent de nombreux acteurs
politiques et même des gens insoupçonnés comme ayant des
accointances avec le milieu politique. Qui sont-ils ? Quels canaux
utilisent-ils ?
§1- L'identification des donateurs
Des divers entretiens, il
ressort en premier lieu que les principaux donateurs sont surtout les grands
partis politiques par le biais des candidats, des entrepreneurs, des
élites locales alliées aux partis politiques, des leaders
d'opinion, etc.
Les partis politiques
reconnus comme donateurs au Burkina sont le parti majoritaire au pouvoir (le
CDP) et les grands partis de l'opposition (PAI, PDP/PS, ADF/RDA, UNIRMS,
UNDD...). Il faut remarquer cependant que tous les partis politiques quelle que
soit leur taille, font des dons à l'électorat. Ces dons passent
par les candidats qui les transmettent lors des meetings aux populations ou
lors des rencontres privées avec les leaders d'opinion, les
élites des localités ou les représentants des partis dans
les localités. Certains d'entre eux sont parfois
considérés comme les vrais donateurs aux yeux des populations.
Ils peuvent à leur tour devenir des donateurs s'ils offrent leurs
propres ressources, car il arrive que quelques uns opèrent ainsi. Banégas (1998)52(*) analysant les comportements électoraux au
Bénin souligne que de l'avis des électeurs, l'élu
responsable est d'abord celui qui redistribue, et le bon candidat, celui qui
salue les fronts « avec des billets de banque » et offre
« de quoi mouiller la gorge ». Cette perception de
l'élu et du candidat paraît aussi celle de l'électorat
burkinabè en général. Les partis assureraient donc la
redistribution des biens et ressources aux populations afin de gagner leur
confiance.
Il est évident que
tous les dons ne sont pas directement remis aux électeurs par les
candidats. Les anciens ministres, députés, maires et
fonctionnaires internationaux membres des partis contribuent selon leurs
moyens à la survie de leurs partis. Ils organisent ainsi souvent des
activités récréatives au cours desquels, ils offrent des
dons aux populations. Les matchs de football,
les animations et les autres formes de jeux de société
organisés par les ministres, députés et les fonctionnaires
sont autant d'occasions pour offrir des cadeaux en vue de rehausser l'image des
partis et des hommes politiques qui les dirigent. Des dons sont faits aux
partis politiques par des hommes d'affaires, des sociétés
privées, des agents de l'administration afin de leur permettre de bien
organiser les campagnes.
La collusion
d'intérêt entre les responsables politiques et ceux des
sociétés privées, le monde des affaires et la haute
administration génère le financement occulte. Lors des deux
focus, les populations ont cité les noms de certains entrepreneurs
comme finançant les campagnes en faveur du parti au pouvoir au Burkina
Faso. Les entrepreneurs financeraient les élections, confirmant que ce
ne sont pas seulement les hommes politiques qui investissent dans les
élections. Parmi ces opérateurs économiques, on
distinguera « les donateurs spontanés, les donateurs
affiliés à des membres du bureau politique et enfin les donateurs
fidèles.
Les donateurs spontanés
sont ceux qui, d'un coup, ont découvert que les élections
pouvaient être une opportunité de positionnement
stratégique et qui pour cette raison se sont résolument
engagés à offrir leurs services. Il s'agit de dons dont l'impact
est déjà estimé par ceux qui les font. En d'autres termes,
ce sont des dons à but stratégique.
Les donateurs
affiliés ou ayant des liens de parenté avec certains membres de
bureaux politiques offrent leurs services et leurs biens matériels pour
soutenir non un parti mais leurs parents. Dans ce sens, l'absence des parents
proches des donateurs dans les partis concernés, entraînera la
rupture de la pratique de dons. La pratique de dons est fondée dans le
présent cas sur les liens de sang, de filiation et d'alliances.
Malgré les liens ci-dessus décrits, les donateurs ne posent pas
leurs gestes pour les seules raisons d'amitié ou de filiation. Des gains
ou des retombées sont attendus en cas de victoire. C'est ce que souligne
P.E53(*)
du MPS/PF en ces termes : « même les parents proches
n'aident plus de nos jours un parti politique sans attendre une contre
partie ».
Les donateurs
fidèles sont ceux qui, à chaque élection, apportent leurs
soutiens aux partis 54(*)». Ils ne se placent pas toujours aux
cotés des mêmes partis mais de ceux, qu'ils jugent capables de
remporter les élections, dont principalement le parti au pouvoir. Bon
gré mal gré, ils ne cessent d'apporter leur concours à
certains partis pour la conquête du pouvoir. Dans la
réalité, leur contribution à la vie politique de ces
partis est importante, la question étant de savoir s'ils jouent ce
rôle en tant que citoyen ou s'ils le font pour de simples
intérêts. En d'autres termes, si la majorité des citoyens
soutenaient financièrement les partis, ils auraient pu réaliser
plus d'activités qu'ils ne le font actuellement pour assurer la
formation du citoyen.
Certains donateurs,
proches parents des membres des bureaux politiques peuvent être
classés dans la catégorie des donateurs fidèles aux partis
concernés. Pour les raisons des liens de sang, autrement dit à
cause de la présence de leurs proches parents dans les partis, ce type
de donateur serait près à apporter à ces partis son
concours dans les activités qu'ils entreprennent. « Ils
n'attendent pas de ce fait les élections seulement pour répondre
aux sollicitations des partis, ce genre de donateur est très sensible
pour toute activité que les partis leur soumettent55(*) ».
En somme, les donateurs
sont multiples. Il y a ceux qui donnent aux partis (certains partis, les
opérateurs économiques) et ceux qui donnent aux électeurs
(les partis, les émissaires ou intermédiaires, les
opérateurs économiques, etc.). Mais certains partis, au regard de
leurs accointances avec certains milieux bénéficient beaucoup
plus de leurs soutiens lors des élections. Ces dons peuvent être
directement acheminés par les responsables politiques des partis ou
indirectement par des intermédiaires. Ce sont ces différents
mécanismes que nous essayerons de voir dans la partie suivante.
§2- Les canaux
d'acheminement des dons
Différentes voies
sont utilisées pour faciliter la transmission des dons à partir
des sièges des partis politiques vers l'électorat. Il convient de
noter que ce n'est pas seulement en période
électorale que les partis font des offres aux
populations. Les entretiens révèlent que pendant les fêtes
religieuses (Ramadan, Tabaski, Pâques, Noël, ...) et à
l'approche des élections des dons sont faits aux populations par le
parti au pouvoir pour maintenir le contact. En effet N.A.
avance que des tonnes de sucre et de riz ont été données
aux populations des différentes régions du pays quelques jours
avant la Tabaski de 2006. K.L56(*) confirme cette version en expliquant avoir
lui-même participé à la distribution de certains produits
comme le sucre, le thé et des gadgets, quelques jours avant les
élections. Il termine en disant ceci: « après les
élections, je suis oublié et c'est seulement à l'approche
de nouvelles élections qu'on recherche mes services ».
Le premier canal est
constitué par les responsables politiques des partis au niveau national.
Ceux-ci procèdent par une remise de cadeaux lors des campagnes et ce,
à travers les meetings. Cadre de présentation et d'explication de
leurs programmes électoraux, les meetings offrent l'occasion aux
prétendants aux postes de montrer leur générosité
pour certains, leur pouvoir économique pour d'autres ; en d'autres
termes leur capacité à répondre spontanément aux
diverses sollicitations des populations. Il y a aussi les visites nocturnes par
lesquelles les hommes politiques soucieux de garder l'anonymat ou dans leurs
tentatives de corruption, rencontrent certaines catégories
d'électeurs. Ces personnes qui exigent des rencontres anonymes sont les
leaders d'opinion (chefs coutumiers et religieux ainsi que les personnes
très avancées en âge). Abondant dans le même
sens, K.A.57(*) confie qu'un membre du bureau politique
national de l'UPR qui est né dans son quartier (Samandin), y retourne
chaque élection pour rencontrer les vieux du quartier afin d'obtenir
leur soutien. Ces derniers pour exprimer leur soutien à cet homme
politique, délèguent un d'entre eux qui passera dans les
regroupements de jeunes et de femmes pour leur demander de voter pour
lui ».
Ces catégories
d'individus ont sous leur influence une partie importante de la population.
Dans ce cas, obtenir leur assentiment permet d'avoir une longueur d'avance non
négligeable. Dans une société où la
séniorité (l'âge), le statut des acteurs en rapport avec
leurs positions sociales ont une influence véritable sur le comportement
des agents sociaux, on comprend aisément que les hommes politiques
passent par ces hommes aux positions socioculturelles influentes pour assurer
la transmission des messages et des autres dons. Ces personnes exercent en
effet une « violence symbolique »58(*) sur les acteurs.
Il faut noter que
malgré l'impact du phénomène d'urbanisation, de nombreux
quartiers ouagalais ont un chef traditionnel. Les guides religieux sont aussi
multiples surtout avec la diversité de religions qu'on rencontre dans
la ville. Rencontrer ces personnes ressources au vu et au su des populations
mettrait en mal la crédibilité dont ces derniers jouissent
devant leurs disciples. Mais l'obtention de leur adhésion est une
nécessité pour s'assurer une victoire.
Bien avant les meetings,
les populations sont mobilisées et galvanisées par les
responsables politiques locaux ou les leaders d'opinion acquis à la
cause du parti. Ces personnes forment la catégorie des courtiers en
politique. A Ouagadougou plusieurs partis disposent de représentants
dans les secteurs. Il en est de même dans les provinces et
départements du pays. Ces représentants ainsi que ceux qui auront
été choisis pendant les campagnes pour jouer ce rôle sont
les intermédiaires par lesquels les dons sont acheminés vers les
populations. Ils assurent la distribution tout en prenant le soin de prendre
leur part personnelle. Souvent ressortissants des différentes
localités, ils assurent la transmission de la plupart des dons. A
Ouagadougou, ces représentants sont des proches, des voisins ou des
amis, des habitants de ces secteurs. Ils sont donc des gens connus et parfois
respectés dans leur milieu. Ils jouissent de ce fait d'un pouvoir
symbolique (le respect et la reconnaissance) qui leur permet d'être bien
écoutés. Ces hommes n'assurent pas seulement la transmission des
dons mais il arrive qu'ils donnent aussi de leurs propres moyens pour garder
une bonne image auprès des habitants.
Pour
K.R.59(*)
du PDP/PS, il arrive qu'une même personne soit contactée par
plusieurs partis politiques à cause de l'audience qu'elle a
auprès des populations. Certains refusent mais la majorité joue
le jeu avec tous les partis. Ainsi au secteur 27, dans le même groupe de
jeunes, il existe des partisans voire des contacts de cinq partis politiques.
Ces jeunes affirment qu'ils savent tous de quel bord chacun est, mais ils
travaillent ensemble parce qu'ils formaient un seul groupe avant que les
partis politiques ne les contactent. Ils sont amadoués, arrosés
disent-ils pour mobiliser les gens à travers les matchs de football, des
animations musicales au cours desquelles, micros à la main, ils
passent les messages des différents partis. Ils ont les symboles de
tous des partis avec lesquels ils travaillent qu'ils portent ou collent sur
les lieux des rencontres. Juste après les rencontres, ces symboles et
affiches sont rapidement arrachés et remplacés par ceux du parti
annoncé. Pour toutes ces actions, ils reçoivent de l'argent, des
appareils de musique, des gadgets, du thé et du sucre qu'ils ne peuvent
tout garder pour eux seuls s'ils souhaitent avoir un nombre important de
personnes dans les meetings.
Les meetings, les
animations, les jeux de société sont les canaux par lesquels les
mobilisateurs passent pour transmettre les cadeaux. Ces mobilisateurs sont soit
des hommes politiques reconnus sur le plan national ou dans les régions,
provinces et communes rurales soit des leaders d'opinions locaux et des
élites des localités. Même si ces élites vivent dans
d'autres villes ou localités, lors des élections, elles rentrent
chez elles pour battre la campagne.
S.A, membre du bureau de PDP/PS note que les partis passent
aussi par les responsables des regroupements communautaires du quartier
(communauté musulmane, communauté chrétiennes,
associations, etc.) pour assurer la transmission des dons.
Les dons, faudrait t-il le
souligner, ne sont pas tous dirigés vers l'électorat. On en
distingue qui sont orientés vers d'autres partis politiques faiblement
équipés et peu connus sur la scène nationale. En outre,
les dons entre partis politiques se font dans la période post
électorale pour préparer dans le silence les élections en
vue. Ces dons serviraient à la capture des petits partis par les grands.
Cette situation peut être interprétée comme une
stratégie des grands partis pour se donner une image de bonne
santé sur la scène politique ou une tactique des petits partis
pour avoir une visibilité sur la scène nationale. La plupart des
partis étant implantés à Ouagadougou, les tractations et
toute forme d'échange entre eux affectent le climat sociopolitique de
ladite ville.
Du reste, les dons ont
connu une apparition effective dans le jeu électoral burkinabè
depuis les élections de 1978. Mais, ce phénomène social a
pris de l'importance dès l'avènement de l'ère
démocratique dans les années 1990. De nombreux canaux sont
utilisés pour leur acheminement vers l'électorat. En effet, ils
sont soit transmis directement par les partis politiques, soit par le biais des
intermédiaires politiques (les gatekeepers60(*)). Les donateurs ne sont pas
seulement des hommes politiques comme on l'a souvent cru ou entendu. Il y a une
implication effective des hommes d'affaires (commerçants, entrepreneurs
et des responsables de bureaux ou de cabinets d'études) dans la
distribution des dons électoraux.
Chapitre II : Les finalités des dons dans les
élections
Si l'usage des dons reste
une évidence dans le champ politique, il convient de s'interroger sur
leur portée politique réelle, sur la finalité de leur
emploi pendant les élections. Les dons serviraient aux politiques dans
la construction des alliances ou coalitions entre partis politiques, aussi et
surtout à la déstabilisation d'autres partis notamment ceux de
l'opposition (section I). Ils contribueraient aussi à la mobilisation
des électeurs (section II), une condition sine qua non pour la bonne
tenue des élections.
Section I. Le soutien et/ou la déstabilisation des
partis politiques
Les dons interviennent
dans les rapports entre les partis politiques soit pour les consolider ou pour
les disloquer. Les phénomènes d'alliances (§1) et de
division ou déstabilisation (§2) qui sont observés sur la
scène politique peuvent en dépendre. Ces faits s'inscrivent dans
la stratégie des acteurs et leur compréhension doit être
recherchée dans les logiques que ces derniers leur donnent.
§1-La construction d'alliances entre partis
politiques
L'alliance entre partis est dictée par le fait
que pris isolément, aucun parti ne peut vaincre l'adversaire commun. Les
partis se mettent ensemble sur la base d'un accord pour aller à une
élection ou prendre position par rapport à une situation. C'est
donc une approche tactique qui sous-tend le système des alliances.
Partant de ce constat, les alliances s'avèrent indispensables dans toute
élection ; car même si juridiquement tous les partis se
valent, dans les faits, il y a des grands et des petits partis, des partis
nantis et des partis pauvres. Avant d'en venir aux raisons des alliances, nous
présenterons quelques alliances qui ont couronné le champ
politique burkinabè depuis que le pays a renoué avec l'ère
démocratique dans les années 1990.
Vers la fin des
années 1990, les partis politiques ont pris le goût de pratiquer
les alliances. Ouattara situe l'apparition de ce phénomène
dès 198961(*). Le
parti au pouvoir (Front Populaire), pour apaiser le climat
délétère, venait de s'ouvrir aux autres. Tous les partis
adhérents se sont félicités de cette ouverture qui
marquait une maturité du pouvoir central et un pas vers l'apaisement.
L'union paraissait une condition indispensable ; elle marquait
« une victoire de la démocratie
révolutionnaire »62(*)
En 1991, une nouvelle
configuration politique pouvait s'observer à la faveur du débat
sur la conférence nationale. La Convention des Forces
Démocratiques (CFD63(*)) optent pour des positions opposées sur la
question de la tenue de cette conférence. Le ``bal'' des alliances des
partis battra son plein en 199465(*). Après s'être adjugé la
majorité parlementaire, l'ODP/MT annonce le 4 février 1996 sa
volonté de fusionner avec les partis ayant la sociale démocratie
comme ligne idéologique. Cette fusion eut finalement lieu le 5
février de la même année. Une autre importante
alliance s'est réalisée particulièrement au cours de
l'année 1998. Dénommé le groupe du 14 février ou
G14,66(*) elle
réunissait dix partis politiques. Venue pour changer les rapports de
force, cette coalition visait surtout la victoire aux élections
présidentielles du 15 novembre 1998. Les regroupements de partis n'ont
pas cessé depuis les premières années de
démocratisation. Ils se sont même renforcés au fil des ans.
Les alliances qu'elles soient en début de l'ère
démocratique ou récentes se justifient par plusieurs raisons.
Des multiples causes
avancées, les objectifs visés par les dirigeants des partis
à leur création peuvent constituer l'explication majeure des
différentes alliances. Les ambitions politiques personnelles :
tous les hommes politiques nourrissent des ambitions personnelles à
travers leurs partis politiques, celles d'exercer le pouvoir en accédant
à un poste électif (conseiller municipal, député ou
président de la République) ou nominatif dans la haute
sphère de l'Etat. C'est pourquoi beaucoup d'hommes politiques trouvent
que la meilleure stratégie de conquête du pouvoir est la
création de formation politique qui leur est propre sans se
référer au nombre déjà existant sur
l'échiquier politique national. La multitude de partis rendrait
dès lors les alliances nécessaires pour l'existence de certains
partis. Ceci est d'autant plus réel car la prolifération des
partis politiques et l'émiettement extrême que cela revêt
pourrait accroître la vulnérabilité des petits
partis67(*).
Hormis la question du
nombre des partis, l'expérience montrerait selon Socpa que le « don
électoral » est un dénominateur des alliances entre
partis politiques, de même qu'il est l'unité de mesure de la
sanction et de la récompense politique ».68(*) Il y aurait donc une
corrélation entre les alliances qui naissent et les dons qui
émergent entre les partis avant et pendant les périodes
électorales.
Certaines de ces
alliances sont des rafistolages factices. « Le plus souvent ce sont
des formations qui ne représentent qu'elles mêmes et qui savent
qu'elles ne peuvent pas dégager en leur sein une liste de candidature
encore moins assurer par exemple la caution de 50 mille francs qui est
demandée par liste pour les législatives et les municipales ou
encore payer 5 millions pour les présidentielles. Ce sont ces genres de
formation qui nouent des alliances avec des formations représentatives.
Ces dernières en profitent pour jouer au rassembleur lors des points
de presse »69(*). Certains partis ont compris que leur salut passe par
la construction des alliances, lesquelles leur permettent d'exister
matériellement et de bénéficier des avantages (dons,
postes, services) que les partis nantis pourraient obtenir à l'issue des
élections. Les alliances seraient dans ce contexte une stratégie
de survie pour ces partis.
Mais comment expliquer que
même de grands partis bien connus sur la scène politique nationale
forment des alliances? On note le cas de
« l'alliance »70(*) entre l'ADF/RDA et le CDP lors de l'élection
présidentielle de 2005. Dans la mesure où les deux partis
disposent d'assez de ressources par rapport aux autres partis, la lutte pour la
survie ne suffit pas pour justifier leur ralliement. De certains entretiens, il
est ressorti que l'ombre de Gérard Kango Ouédraogo aurait
beaucoup pesé sur la construction de cette opération entre
le parti que dirige son fils et le CDP, et ce, au regard des relations
cordiales qu'il entretient avec le président de la République.
C'est ce qui se lit dans cette analyse de W.L. :
« je crois qu'il faut voir dans cette attitude de l'ADF, la main de
Gérard. Il s'est d'abord vengé d'Hermann en le chassant du parti
et ce ralliement sert de placement pour son fils dans le champ politique».
Le placement devrait être perçu comme un investissement
stratégique pour accéder aux avantages, c'est-à-dire, aux
dons.
Quelle que raison que
l'on puisse avancer, « le mariage » entre ces deux
géants de la scène politique paraît surprenant. Dans
l'ensemble, les raisons émises renvoient à l'éternelle
question des intérêts des hommes politiques. Les gains
immédiats ou futurs semblent guider leurs options. C'est ce qui ressort
de cette analyse de S.M. membre du bureau politique national
de l'UNIR/MS : « il faudra comprendre que pour les acteurs
politiques de ces deux partis, ce qui compte c'est que leurs membres gardent
le pouvoir. Que ce soit des vétérans du CDP ou ceux de l'ADF/RDA,
ce n'est pas un problème, l'essentiel est que le pouvoir soit dans la
main de ces deux partis. En un mot, la ligne idéologique ne compte
pas ». Les alliances entre partis
concernent aussi bien les partis de la mouvance présidentielle que ceux
de l'opposition. Les partis de la mouvance restent sur la ligne
idéologique du parti au pouvoir. Ils jouissent d'une certaine couverture
et de l'indulgence du pouvoir. De ce fait ils ne sont pas un danger pour le
parti au pouvoir. Leur alliance avec ce dernier lui offre plus d'avantage pour
se pérenniser. Ils constituent sans doute des ramifications du pouvoir
central ayant souvent des amitiés avec certains partis de l'opposition.
Les partis de la mouvance du fait de leur connaissance du milieu de
l'opposition seraient utilisés pour réduire au silence les partis
émergents de l'opposition.
Comme
précédemment souligné, les coalitions sont des moyens
indispensables pour que certains partis subsistent sur la scène
politique et des stratégies de fortification pour les grands partis. De
ce fait, elles existent dans l'opposition où l'on constate des
regroupements selon les intérêts ou les idéologies. Les
alliances de grande importance en vue de l'élection
présidentielle de 2005 commencent au sein de l'opposition depuis 2004
avec la création de ``l'alternance 2005''regroupant 16 partis71(*). Une autre coalition,
l'Opposition Burkinabè Unie (OBU) a marqué la vie politique du
pays et surtout celle de l'opposition burkinabè. Cependant, la
désignation de son candidat pour l'élection présidentielle
de 2005 va entraîner la division de cette coalition72(*).
Pour
Z.R.73(*), contrairement à ce que l'on pourrait croire,
les coalitions sont l'expression d'une maturité des partis politiques
qui y sont impliqués. Seuls les partis consciencieux et
véritablement ambitieux peuvent accepter se coaliser. En effet, il
affirme : « les partis qui refusent les alliances sont ceux
qui ont pour seul objectif ``les subventions'' ». Les coalitions sont
des regroupements par objectif conclut-il. A cet effet, elles devraient
permettre de transcender les frontières idéologiques et les
problèmes de leadership. Il est cependant difficilement admissible que
des partis catégoriquement opposés dans leurs lignes
idéologiques s'allient même si cela est pour une noble cause.
Comment pourraient-ils discuter des questions pour lesquelles l'entente est
d'office remise en cause ?
W.L74(*). (de l'opposition dite radicale) parle de ``deal''
politique75(*) entre
certains partis pour justifier les alliances. Ce deal serait lié au fait
que certains partis ont été créés tout juste pour
jouer les seconds rôles et conférer aux fondateurs une certaine
position stratégique pour les éventuels postes. La faible
représentativité de certains partis politiques sur le territoire
national et leur incapacité financière à exercer leurs
missions expliquent selon cet homme politique les accords voire les alliances
entre partis. Loada n'abonde t-il pas dans le même sens quand
il note qu' « au gré de leurs intérêts, ses
leaders n'ont pas hésité à nouer des alliances
conjoncturelles entre eux, voire avec le pouvoir sans considération pour
les lignes idéologiques qu'ils étaient censés
représenter ».76(*) Ce type d' « alliance contre
nature »77(*)
s'est observé dans le cas de la « coalition » de
l'ADF/RDA78(*). De
ce qui précède, les coalitions ou alliances entre partis
politiques sont l'expression des stratégies mises en oeuvre par les
partis politiques pour obtenir la confiance de l'électorat et remporter
les élections. Ces alliances se construisent toujours autour d'un parti
qui possède un capital politique indispensable pour le jeu politique
(soit des moyens économiques ou qui est mieux implanté sur le
territoire national) ou encore entre petits partis en vue de constituer une
équipe plus solide. Les intérêts que chacun des partis tire
dans ces alliances et les offres que peuvent faire les partis centraux autour
desquels ils se réunissent motivent les alliances. Si
les alliances sont perçues comme des solutions pour palier les
faiblesses des partis politiques, qu'est ce qui pourrait expliquer la
déstabilisation des partis ?
§2- La Déstabilisation des partis politiques
Il est admis
que « les moeurs démocratiques imposent le respect de
l'opposition, lui reconnaissent le droit de contester le pouvoir, de critiquer
le gouvernement, mais lui imposent en même temps les obligations entre
autres, de respecter les règles du jeu démocratique, et de
présenter une véritable alternative politique au pouvoir, en
élaborant des objectifs clairs crédibles et pratiquement
réalisables79(*) ». Comment se comportent
les partis politiques sur la scène politique
burkinabè ? Quelle est la place des dons dans la
déstabilisation des partis ?
Il apparaît que
chaque parti politique engagé dans le processus électoral
développe une stratégie d'action qui définira les moyens
à utiliser pour les atteindre. Le parti au pouvoir est
généralement bien nanti et bien représenté sur la
scène nationale ; ce qui lui offre un net avantage. « Le
parti au pouvoir se confond à l'Etat et le chef de l'Etat est
l'Etat »80(*).
Au regard de cette situation de confusion entre l'Etat et le parti, le parti au
pouvoir dispose de plus de moyens et de facilités que les partis de
l'opposition. L'opposition n'ayant rien de concret à proposer assiste
dans le silence à un marché de la part du pouvoir qui se
résume à disposer des biens et de services dont il n'est pas le
propriétaire. Bagoro y voit une volonté affichée du parti
au pouvoir d'effacer la vraie opposition. C'est pourquoi il note
qu' « il est permis de douter de la volonté du pouvoir
d'avoir en face de lui une opposition réelle et
vitale »81(*).
Loada confirme cette
analyse en remarquant qu' «il n'est de secret pour personne que le
pouvoir actuel joue un rôle dans la division, la querelle et la cassure
des partis d'opposition »82(*). Selon cet auteur, sous les dehors de la
démocratie consensuelle, il existe une stratégie
d'étouffement de l'opposition institutionnelle dont l'enjeu est de
consolider les bases de l'entreprise de domination en cours depuis
l'avènement du régime sankariste. L'opposition burkinabè
subirait depuis lors les coups du parti au pouvoir. Selon W.L.
«Ayant des bases assez solides sur le plan économique et une main
mise sur l'appareil d'Etat, le parti au pouvoir se sert de tous ces atouts pour
manipuler à sa guise les partis d'opposition malheureusement encore peu
soudée ». Dans ce sens, les dons que pourrait offrir le parti
au pouvoir s'inscrivent dans ses stratégies électoralistes. C'est
ce que soutient Z.R en ces termes : « Les dons
sont des gestes calculés en fonction de la
stratégie »83(*).
Les raisons qui
sous-tendent la création des partis politiques, les mobiles
inavoués des opposants et leur situation d'inconfort sur le plan
économique seraient stratégiquement exploités par le parti
au pouvoir dont l'objectif principal est de rester le seul maître de
l'arène politique. Pour ce faire, les dons (matériels ou
symboliques) sont mis en branle pour maintenir captifs les opposants qui
pouvaient encore paraître crédibles. L'explication du
« nomadisme politique » croissant au Burkina se trouverait
dans cette ruse du pouvoir.
De nombreuses
défections ont été constatées dans les rangs des
partis d'opposition. Certains démissionnaires se sont retrouvés
quelques temps après insérés dans le parti au pouvoir. Les
législatives du 24 Mai 1992 avait donné 77 sièges sur 107
au CDP (ODP/MT à l'époque), mais il faut noter qu'avant la fin de
son mandat en 1997, l'Assemblée National comptait plus
de 80 députés de la mouvance présidentielle à la
faveur du nomadisme politique qui a gangrené les partis
d'opposition.
La capture des opposants
ou des responsables politiques des autres partis par le parti majoritaire n'a
pas commencé ces dernières années. En effet, avant la fin
de la première législature, le parti au pouvoir avait
réussi à attirer de nombreux leaders dont Marc Yao de l'ex
CNPP/PSD, Juliette Bonkougou de l'ex UDS et Alain Yoda de l'ex RSI. Cette
réalité montre la fragilité de l'opposition et
l'inconstance de ses hommes. Les départs récents de l'opposition
vers le parti au pouvoir ont concerné Salvador Yaméogo qui a
créé le RDF et Boniface Zango, ex membre de la CPS (convention
Panafricaine Sankariste) s'était retiré pour créer l'UPD.
Il se présentera sous la bannière de l'UPR aux
législatives de 2007. Un autre cas flagrant est celui de Nana Tibo,
président du RDP (de l'opposition radicale), il a soutenu la candidature
de Blaise Compaoré avant de se présenter sous la bannière
de l'ADF/RDA pour les législatives de 2007.
Cette attitude des
opposants qui consiste à changer constamment de position est bien
décrite par le Quotidien Le pays du 11 avril 2007 en ces termes :
« On assiste à une valse d'étiquettes des hommes
politiques. Ils changent de partis comme ils changent de chemises. Tant pis
pour les convictions politiques et les professions de foi. Comme des oiseaux
migrateurs, ces hommes politiques émigrent sous des cieux plus
cléments, dans de verts pâturages où leurs
intérêts seraient les mieux protégés. Leurs
intérêts et non ceux des électeurs84(*) ». Abandonner sa
famille de pensée et quitter le navire quand on vous fait des
propositions (avances, offres) n'est ce pas, vendre la voix de ceux qui
vous ont élu. Un élu démissionnaire de sa formation
politique comme le prévoient par exemple les constitutions
nigérienne et sénégalaise, perd son mandat au profit du
parti sous la bannière duquel il a été élu. Une
telle règle réduit sans doute le phénomène de
nomadisme tout en instaurant une certaine équité dans les
rapports entre les partis politiques. Cette préoccupation a
été vainement posée en terme de revendication par
l'opposition burkinabè depuis la première législature.
Devrait-on en vouloir
à ces opposants qui passent tout le temps à retourner la veste ou
à ce parti au pouvoir auquel il est reproché de
déstabiliser l'opposition? Le champ politique comme on peut le remarquer
avec Bailey ne se caractérise pas seulement par des règles
normatives. Il est marqué par des règles pragmatiques ou
stratégiques. L'exploitation de ces dernières implique la ruse et
l'expérience. Le rapport de force est la règle principale
même si on tente de l'éluder. Dans la sociologie des
organisations, il est une vérité générale que
le pouvoir est un mécanisme quotidien que nous utilisons sans
cesse dans nos rapports avec nos amis, nos collègues, notre famille,
etc. Ceux qui savent l'exploiter de manière stratégique en tire
plus d'avantages. Le parti au pouvoir semble mieux maîtriser ces
règles du jeu. L'exemple le plus remarquable que l'on a observé
se situe à quelques mois avant la présidentielle de 2005.
L'opposition burkinabè a vécu durant ces
mois des remous considérables. L'opposition burkinabè Unie (OBU)
est divisée tandis que le PAREN, membre de cette coalition connaît
la défection de deux de ses députés. Ces crises ont
conduit à la division du PAI conduisant à l'existence de deux
tendances : le PAI tendance Soumane Touré et le PAI tendance
Philippe Ouédraogo. On note dans la même logique la scission de
l'ADF/RDA avec le départ de Hermann Yaméogo lequel est
allé créer l'UNDD ; le PDP/PS n'a pas échappé
à cette dynamique avec le départ d'Emile Paré et la
création du MPS/PF par ce dernier.
Qui est fautif ? L'opposition ou le parti au
pouvoir ? Pour certains acteurs politiques, nul doute que le pouvoir est
le seul responsable. Mais peut-on continuer d'indexer le seul
parti au pouvoir quand on observe bien la scène politique et surtout
quand on lit avec objectivité les revirements de situation permanemment
observés du coté des opposants ?
En réponse, Loada
estime qu'il n'y a pas lieu de jeter la pierre au seul parti au pouvoir dans
cette situation car « la profusion et la scissiparité de
ces prétendus partis politiques tiennent à
l'ingéniosité ou au cynisme d'acteurs politiques qui choisissent
ou acceptent de tirer ces ressources de leur clientélisation envers le
régime en place ».85(*) Il est évident que le pouvoir ne peut
développer sa stratégie de domination et de division des partis
d'opposition s'il n'avait pas eu de partis d'opposition disposés
à lui donner un coup de main. Le quotidien Le pays n0 3848
relève à cet effet que certains opposants portent une double
tunique. « La plupart de ces leaders sont compromis. Ils sont
légion ces leaders de l'opposition qui portent des casquettes :
conseillers du pouvoir la nuit venue, ils deviennent son pourfendeur une fois
le soleil levé. Le pouvoir ne les craint nullement. Mangeant dans deux
râteliers, ils trahissent la cause de l'opposition »86(*). Hormis ce double jeu de
certains opposants, il faut noter les crises de leadership ou les querelles
d'intérêts de tout genre qui érodent les liens entre
opposants. Ces tensions amènent l'opposition à évoluer en
rangs dispersés puisqu'elle n'arrive pas à « surmonter
ses clivages idéologiques, parfois teintés d'inimitiés
personnelles »87(*).
On note cependant que le champ politique se
caractérise par un ensemble de rapport de force, un ensemble de luttes
qui opposent des unités en compétition pour des enjeux, pour des
biens rares et susceptibles d'engager dans la compétition des ressources
particulières. Les dominants accumulent ainsi un capital symbolique qui
garantit leur position sociale. Une meilleure analyse de l'action des acteurs
politiques consiste à s'inscrire dans une démarche
systémique qui permet d'interpréter le comportement humain comme
l'expression d'une stratégie dans un jeu, dans un ensemble de
contraintes à découvrir. La théorie des systèmes
décrit la réalité observée et suggère
d'établir des liens logiques entre les facteurs. Elle permet ainsi de
découvrir que les causalités linéaires simplistes ne sont
pas suffisantes pour expliquer les choses et que les corrélations
établies entre les facteurs sont très nombreuses. Un parti
politique est une forme d'organisation, or, l'organisation n'est pas une
« donnée naturelle mais un construit social ; il
faut en étudier les enjeux, les intérêts, les règles
du jeu et comprendre les stratégies développées par les
acteurs »88(*).
Il faut signaler que les
partis d'opposition sont confrontés à une véritable
insuffisance voire à l'absence de certaines ressources pour jouer
efficacement leurs rôles. Le Rapport de l'International Institute for
Democracy and Electoral Assistance (IDEA) confirme cela quand il relève
que « le recul de l'opposition s'explique non pas parce que le
pouvoir l'empêche de le faire mais parce qu'elle manque de militants, de
cadres et de ressources financières pour affirmer sa présence.
Les carences sont également propres aux partis politiques d'opposition
qui n'intègrent pas la durée dans leurs stratégies
politiques89(*)». Le
parti au pouvoir n'est donc pas le seul responsable de la situation
déplorable des partis en général et de l'opposition en
particulier. L'absence de démocratie interne au sein des partis
politiques, l'émiettement de l'opposition politique qui compromet
l'alternance ainsi que le nomadisme au sein des formations politiques sont
autant d'aléas qui contribuent à affaiblir les partis
d'opposition. Caractérisée par de multiples crises en son sein,
l'opposition au Burkina éprouve des difficultés énormes
pour convaincre l'électorat à lui accorder ses voix lors des
différentes échéances électorales. Comme le
révèle le Rapport de l'DEA, l'opposition burkinabè a du
mal à s'affirmer sur la scène politique à cause de
« son éparpillement, son inconstance et son
inconsistance » mais aussi « son manque de réalisme
et de lucidité 90(*)».
En somme, que ce soit dans
le cadre des alliances ou celui des scissions des partis, les
intérêts sournois, les gains et les objectifs
insoupçonnables des acteurs en sont les déterminants. Comme le
signifie Socpa « certains leaders politiques reçoivent des sommes
d'argent pour fusionner leur parti avec le parti au pouvoir, ou
déstabiliser un parti politique bien implanté dans une
région à enjeu électoral important. Cela semble
vérifier les revirements spectaculaires dans le comportement et les
déclarations publiques de certains hommes politiques 91(*)»
Section II. La mobilisation de l'électorat
La mobilisation des
électeurs est indispensable pour la tenue d'une élection et
aucune élection ne peut réussir sans une participation des
électeurs. La marchandisation des voix (§1) et
l'instrumentalisation des leaders d'opinion semblent se présenter comme
des moyens privilégiés par certains partis pour assurer
l'adhésion de l'électorat.
§1- La
marchandisation des voix
A quoi servent les
multiples dons observés sur le champ électoral ? Les
appréciations ont beaucoup divergé dans les entretiens.
Si on opère un classement de ces objectifs dans l'ordre
de croissance (voir tableau 10 en annexe), il apparaît que la
mobilisation et la conquête de l'électorat est le premier
objectif. En effet, tous les enquêtés se sont accordés sur
l'importance de cet objectif dans la manifestation des dons électoraux.
En deuxième position les dons, de l'avis des
populations, faciliteraient l'organisation des élections en permettant
aux partis d'accéder aux ressources qui leur sont indispensables. Selon
cette perception, les partis et les électeurs ont tous dans une
certaine mesure besoin des dons pour mieux s'impliquer dans les
élections. Sur les 40 enquêteurs, 38 soit 95% d'entre eux l'ont
souligné. Les dons serviraient en suite à fausser le jeu
politique c'est-à-dire, rendre le jeu politique inégal et la
concurrence déloyale entre les partis, mettre des bâtons dans les
roues des autres partis (ceux qui donnent moins ou qui n'en ont pas pour
donner). Ainsi, 92.5% des personnes rencontrées ont signalé cet
état de fait. Toujours selon le tableau, trois objectifs sont
visés par les dons après ceux déjà
évoqués : séduire ou flatter, corrompre par l'achat
de conscience et véhiculer un message. Les hommes définissent
comme objectifs de premier ordre les critères suivants : il s'agit
de fausser le jeu politique, d'assurer la transmission de message, de faciliter
l'organisation des élections et d'assurer la mobilisation
électorale. Du coté des femmes, les objectifs fondamentaux sont
en premier lieu la facilitation de l'organisation des élections, la
séduction des électeurs, la corruption et la possibilité
de fausser le jeu politique. Ces classements sont parfois variables en fonction
des statuts des agents sociaux mais les raisons avancées restent les
mêmes et mériteraient que l'on s'y penche sérieusement.
Comme le souligne Bailey,
« un leader ne peut influencer et diriger les actes de ses partisans
que dans la mesure où il dépense des ressources. Ce qui se passe
entre eux est moins une interaction qu'une transaction 92(*)». Cette relation de
transaction décrite entre le leader et le partisan (électeur)
semble s'inscrire dans l'ordre normal des choses c'est-à-dire dans une
logique sociale. Dans cette optique, pour diriger et se faire respecter, le
leader d'un parti politique mettrait tout en oeuvre pour rendre disponibles
les ressources nécessaires et susciter l'adhésion du peuple. Les
transformations suscitées par la greffe de l'Etat occidental, ont
conduit à un dépérissement des solidarités
communautaires. Cette situation a entraîné une demande du moins
une potentialité de mobilisation partisane qui apportait une
satisfaction à l'individu adhérent. Les partis ont aujourd'hui
emboîté le même pas en cherchant les voies et moyens de
satisfaction de leurs adhérents (partisans).
La mobilisation
électorale implique des efforts logistiques et économiques que
ne peuvent avoir tous les partis. Aussi convient t-il de noter que le capital
politique varie d'un parti à l'autre. Or, l'ensemble des partis est
appelé à lutter pour les mêmes sièges. Dans cette
conquête sans mesure des électeurs, chacun emploie les moyens
qui lui paraissent adéquats. Pour mieux cerner les raisons de l'usage des dons,
nous avons tenté de déterminer les périodes au cours
desquelles ils sont offerts aux populations par les partis politiques. Le
tableau suivant en donne la substance.
Tableau n03.. L'appréciation des
périodes de la manifestation des dons en fonction de
l'âge.
Appréciations
Ages
|
Seulement pendant les élections
|
Pendant les fêtes et autres
cérémonies
|
20-30
|
13(41.93%)
|
05(55.55%)
|
31-40
|
12(38.7%)
|
04(44.44%)
|
41-50
|
05(16.12%)
|
00(00%)
|
51+
|
01(3.22%)
|
00(00%)
|
Total
|
31(77.5%)
|
09(22.5%)
|
Source : enquête de
terrain, Mars 2007 (Pour complément, voir le tableau n0 15 en
annexe)
Il apparaît en clair
que quelque soit l'âge des personnes rencontrées dans cette
étude, les périodes électorales sont les moments
privilégiés de la manifestation des dons émanant des
partis politiques vers les populations. En somme 31 personnes (soit 77.5% des
enquêtés) ont signalé que c'est surtout pendant les
campagnes électorales que beaucoup de partis font des offres aux
populations. Ces données sont confirmées par les divers
entretiens que nous avons réalisés. O.W. ex
conseiller du CDP dit dans ce sens que : «notre parti fait
souvent des offres avant et après les campagnes mais les offres les plus
significatives et consistantes sont données aux populations pendant les
périodes d'élection. Ce n'est pas le seul parti qui donne,
certains partis d'opposition bien qu'ils se soient toujours plaints
d'être pauvres, se lancent dans les mêmes pratiques pendant les
élections ».
Cette ruée des
partis politiques dans la pratique des dons semble s'inscrire dans les
habitudes à tel point qu'elle est devenue un fait banal. Cette pratique,
devenue un moyen pour atteindre le but de la mobilisation de
l'électorat, semble se généraliser dans les
démocraties africaines. Socpa montre en effet que le champ
électoral au Cameroun porte fortement les marques de ce
phénomène. Cette tendance des partis à offrir des dons se
justifierait selon De Sardan, par l'importance de la monétarisation des
relations sociales sur le continent. Il voit en cela un facteur favorable au
clientélisme. Ainsi note t-il que « les relations
interpersonnelles courantes, elles-mêmes, affectent en permanence une
forme monétaire »93(*). Il n'existe de l'avis de l'auteur aucun domaine
(même les rapports conjugaux) où l'argent n'intervienne
permanemment. C'est donc à l'aune de cette monétarisation des
formes quotidiennes de sociabilité que doivent se comprendre les
attitudes des électeurs à l'égard du pouvoir et des
élections. « L'achat des consciences, et plus largement,
la relation clientélaire tirent d'abord leur légitimité de
leur banalité quotidienne, de leur inscription dans un continuum
d'échanges sociaux monétarisés qui leur confère
leur caractère enchanté »94(*). Pratique sociale devenue par
la répétition comme inscrite dans l'ordre normal des choses, elle
favoriserait une forme de transaction entre les électeurs et les
``offreurs politiques''.
Pour Kiéma
« lorsque l'électeur ne sent pas l'impact positif de son vote
dans sa sphère économique, il s'en suit une démotivation
pouvant avoir un impact négatif sur sa participation95(*) ». L'électeur
serait dans cette logique capable de s'abstenir s'il est certain que sa voix ne
lui apporterait rien comme faveur. Il révèle en outre que la
paupérisation dans laquelle vivent les couches sociales dans la ville de
Ouagadougou pousse celles-ci dans une quête permanente de moyens de
subsistance. La ville de Ouagadougou regorge d'exemples palpables de
transactions entre les responsables politiques et les populations. Selon les
jeunes qui ont formé le groupe du focus au secteur 29, « les
élections sont des occasions où l'on peut monnayer ses talents
d'orateur, son temps, ses relations et sa voix pour manger. Ce sont les seuls
moments où on peut établir des relations franches avec les hommes
politiques ». La même analyse est ressortie du focus du
secteur 27. D'après ce groupe, « sans dons, il n'y a pas
d'élection ; car les populations ne sont pas prêtes à
laisser sans contre partie leurs activités (leurs
« bisness ») pour battre campagne ».
Les jeunes des focus
confient que lorsqu'ils entrent dans les habitations, ils ne peuvent pas
ressortir sans rien y laisser pour motiver la participation des habitants
aux meetings dont ils sont les organisateurs. Généralement les
représentants des partis politiques dans les quartiers font leurs
propres démarches pour assurer la mobilisation des populations qui les
entourent et à leur niveau, ils remettent directement des sommes ou des
produits divers. Les élections seraient un marché politique, un
``marché de dupes96(*) dans lequel les entrepreneurs politiques (les partis)
et les électeurs viennent échanger leurs marchandises. C'est une
tradition qui s'inscrit dans l'analyse stratégique illustrée par
Weber mais aussi Schumpeter.97(*)
Selon De Walle98(*) « l'une des caractéristiques des
régimes africains est leur recours plus ou moins systématique au
clientélisme pour obtenir ou maintenir l'appui politique ». Engueleguele fait remarquer dans le même sens
que c'est probablement dans la marchandisation du vote que se jouent les
véritables processus de formation et de consolidation de la
démocratie au sud du Sahara. S'inscrivant dans la ligne des
théories dites utilitaristes, il met l'accent sur la notion
d'individualisme. Selon cet auteur, l'observation du vote utilitaire,
d'avertissement et de sanction met en jeu le recul de l'identité
partisane couplé à une certaine volatilité
électorale. C'est l'avènement d'électeurs relativement
autonomes et imprévisibles mais aussi calculateurs. Electeurs de la
deuxième génération, ils sont réticents aux
identités partisanes préfabriquées, moins captives, ayant
des attitudes idéologiques relativement cohérentes et se
prononçant de façon plus affirmée sur des enjeux et
questions politiques. L'apparition de ce type d'électeurs coïncide
avec des élections organisées sur un fond de multiples offres
comme appâts pour certains dans leur stratégie de maintien ou
d'obtention d'une position et des conditions pour d'autres d'exprimer leurs
choix.
Dans la même
lignée, Gaxie99(*)
voit le champ politique comme la structure d'un espace de transactions
entre les agents politiques actifs et des profanes. L'auteur précise par
ailleurs que l'engagement politique est la conséquence d'un statut
social jugé insatisfaisant et qui prédispose à
délaisser les enjeux d'un milieu subjectivement peu gratifiant pour se
lancer dans d'autres investissements. L'élection se présente donc
comme un cadre d'investissement. Les hommes politiques investissent leurs
moyens pour obtenir des voix, les populations font un placement de leurs voix
en vue de changer leurs conditions d'existence. Boy et Mayer100(*)abondant dans ce sens
soulignent : « comme des consommateurs, les électeurs
réagissent à chaque élection en fonction de
l'éventail de biens qui leur sont proposés et de leur promotion
(campagne) ». Ces réactions sont des prises de positions
calculées pour atteindre la satisfaction de leurs besoins.
Dans le marché,
l'électeur ne monnaie pas seulement sa voix pour ses besoins
immédiats mais il maximise aussi pour tirer un profit certain dans les
jours, les mois et les années qui suivront les élections. Dans
ces formes de sociabilité, seul l'intérêt, le gain
présent et futur importe aux partis au marché politique. Il est
fait cas par exemple dans les entretiens de la construction du mur d'une
mosquée du secteur 17. Ce mur aurait été
érigé en une seule nuit à l'approche des élections
municipales. Le matin en allant à la prière, certains
fidèles ont eu la grande surprise de constater que leur joyau
était bien clôturé et ils auraient vu les ouvriers
s'atteler à ramasser le reste de leur matériel101(*).
Les populations de
Ouagadougou semblent avoir bien compris le système du marché et
s'investissent pour le transformer à leur avantage. Le focus du secteur
29, montre bien que les jeunes du groupe s'organisent pour mieux tirer partie
de chaque élection. « Les hommes politiques savent ce que nous
voulons et nous aussi nous savons ce qu'ils veulent. Mais pour que personne ne
perdent, ils doivent ``mouiller nos bouches102(*)''. Ils comprennent que nous ne les suivons pas pour
leurs idées mais pour manger, donc ils sont tenus de ``bien
parler103(*)'' pour nous
avoir avec eux ». Ces réactions des populations pourraient se
justifier par ce que Bayart104(*) qualifient de modes populaires d'action politique.
Les entretiens ont montré en effet, que les dons sont même devenus
une exigence des électeurs.
Il ressort que 65% des
enquêtés (voir tableau 16 en annexe) pense que les dons
électoraux ne sont plus une simple émanation des partis mais, une
condition que les électeurs établissent pour prendre part aux
élections. Selon Kieffer105(*), les campagnes électorales ouagalaises sont
en effet l'occasion de ``profiter financièrement'', c'est-à-dire
de recevoir un peu d'argent en échange de services : le vote, le
déplacement à un meeting ou la mobilisation des personnes.
Certains grins de thé ont été créés
dans cette ville spécialement pendant les périodes
électorales. Les jeunes constitueraient ainsi des bureaux bien
organisés et chaque membre contribue financièrement à
leurs animations. L'objet premier étant de se faire remarquer par les
partis politiques qui chercheraient des mobilisateurs.
L'engagement partisan est
marchandé et ne correspond pas nécessairement à une
identification aux objectifs du parti politique, ou tout au moins
l'idéologie ne constitue pas le facteur central de
l'engagement106(*). Les
électeurs dans leur engagement attendent une contre partie qui peut
être immédiate ou reportée après les
élections. Mais dans l'ensemble et pour la plupart des personnes
interrogées, l'immédiateté des besoins implique que
l'engagement soit rapidement récompensé par les hommes
politiques. Banégas107(*)concluait que pour les électeurs
béninois, « le bon candidat, le bon chef ou le bon
président sont certes évalués au regard de leurs
compétences politiques ou de leur capacité gestionnaire, mais
aussi et surtout à partir de leur « bon
comportement ».
Le vote est un canal pour
assurer la transaction de biens entre l'électeur et l'homme politique,
car sous les apparences d'un acte noble, il couvre des systèmes de
réseaux d'un marché où seuls les gains gouvernent les
décisions et les engagements des acteurs. Dans la logique de
mobilisation, hormis le marchandage des voix, les politiques procèdent
aussi par l'instrumentalisation des leaders d'opinion.
§2- L'instrumentalisation des leaders d'opinion
Les leaders d'opinion sont
des catégories de personnes très écoutées,
respectées et parfois craintes. En ce sens elles sont influentes dans
leurs milieux et participent ainsi à des prises de décisions.
Dans toutes les sociétés humaines, il existe des personnes
auxquelles les communautés vouent respect et révérence
à cause de leurs statuts sociaux ou des actes de bravoure qu'elles
auraient posés. La ville de Ouagadougou malgré la modernisation
n'échappe pas à cette réalité. Pour les sociologues
urbanistes, les sociétés modernes sont
caractérisées par un ``continuum rural urbain''. La ville
intègre le village et parallèlement, le village se retrouve en
ville. Il y a donc des survivances de comportements du village dans la ville et
vice versa. Ainsi retrouve-t-on des leaders d'opinion au village comme en
ville. Les partis politiques n'interviennent pas toujours directement
auprès des électeurs. Ils ont besoin d'intermédiaires. Ces
derniers peuvent être des leaders d'opinion. Ces derniers sont
généralement des hommes qui connaissent bien le terrain pour
assurer une meilleure mobilisation des électeurs et une bonne
transmission des messages des partis.
Dans la ville de
Ouagadougou, les leaders d'opinions qu'on appelle aussi personnes ressources
se composent de leaders et de dignitaires coutumiers et religieux, de
responsables de jeunesse, de femmes et de personnes âgées, des
responsables d'associations ou d'ONG, de responsables syndicaux, des anciens
ministres, députés et maires sortants, des artistes, sportifs et
de professeurs d'université. Il y a cependant ceux qui sont
considérés comme des leaders d'opinion à cause de leurs
richesses (entrepreneurs, grands commerçants). Ils ont un certain
prestige dans leurs quartiers si bien qu'ils peuvent drainer un grand nombre
d'électeurs vers le parti pour lequel ils s'engagent. Ce sont dans une
certaine mesure des personnes qui jouissent d'une image positive, d'une
certaine crédibilité et d'une capacité de mobilisation des
autres autour d'eux. Ces hommes d'affaires ont de très bonnes relations
avec les milieux politiques et intercèdent souvent pour
l'aménagement de leurs quartiers ou contribuent eux-mêmes à
ces aménagements (bitumage d'une voie, construction de radiers et
digues, d'égouts etc.)
« Gagner la
confiance des leaders d'opinion, c'est avant tout, se positionner par rapport
aux autres. La rencontre avec les leaders montre un bon début des
campagnes car ce sont eux qui peuvent vous faire gagner ou
perdre »108(*). Cette réalité explique bien
l'attitude de la tête de liste des candidats de l'UNIR/MS au secteur 3
(Dapoya) de Ouagadougou. Il a entrepris sans considération partisane de
rencontrer les personnes ressources, les leaders d'opinions de son secteur,
pour se faire connaître et présenter sa candidature. Il a
été reçu par le chef de Dapoya109(*). La rencontre des personnes
ressources entre donc dans la stratégie des hommes politiques pour
s'assurer une victoire.
Une autre catégorie
de leaders bien connue dans la ville de Ouagadougou concerne les responsables
syndicaux et les dirigeants d'associations et d'organismes non gouvernementaux
(ONG). Les associations qui jouent souvent des rôles qui profitent aux
populations des quartiers où elles sont implantées ont aussi de
bons rapports dans leurs milieux. Ces relations et influences construites dans
leurs actions quotidiennes sont exploitées pendant les campagnes au
profit de certains partis politiques.
Les dignitaires religieux
et les coutumiers, les grands entrepreneurs, les anciens ministres, les anciens
députés et enfin les anciens maires obtiennent de la part des
populations des quartiers ouagalais une certaine admiration. Ils forment une
catégorie importante des leaders en raison de leur capital relationnel
très important. En effet, les anciens ministres, députés
et maires, après des années de services au sommet de l'Etat, ont
gardé le plus souvent plusieurs réseaux de relations qu'ils
exploitent pour aider les habitants de leurs quartiers. Pour ces raisons, ils
sont des hommes incontournables pour assurer une mobilisation des populations.
Les dignitaires religieux comme les chefs coutumiers dans les différents
quartiers entretiennent des rapports avec des agents de l'administration, des
hommes politiques et surtout les habitants de leurs secteurs ou quartiers. Bon
nombre de leaders de jeunes, de femmes et de personnes âgées ainsi
que les présidents d'associations sont des membres de confessions
religieuses et dans ce cas, ils sont encadrés sur le plan religieux par
les dignitaires. Ils peuvent très difficilement se départir des
directives que leur donnent ces dignitaires. Ils subissent un processus de
socialisation qui les conduit à agir dans le sens des principes
religieux. L'influence des dignitaires religieux et des chefs
coutumiers sur le comportement des électeurs peut être
relativisée au regard de la prédominance du modernisme en ville.
Cette prédominance ne peut supprimer totalement la survivance des
valeurs primaires110(*)
qui ont été inculquée à l'individu dans la
société. Il est en outre évident qu'elle ne favorise pas
non plus un effet direct de l'action des dignitaires sur l'électeur
citadin.
Les leaders d'opinions
exploitent leurs réseaux relationnels pour donner un coup de pouce aux
partis pour lesquels ils se sont engagés à apporter leur soutien.
On peut pourtant se demander si ces leaders se donnent corps et âme. En
outre, sont-ils conscients des conséquences de leurs agissements? Pour
les responsables des jeunes, des femmes, les raisons généralement
avancées pour justifier leur implication dans la mobilisation des
électeurs sont, entre autres, la recherche d'un mieux être,
la recherche de position stratégique pour espérer une cooptation
du parti soutenu si par chance celui-ci venait à être élu.
On note que les gains immédiats et futurs suscitent leur engagement.
Chez les personnes
âgées, la raison principale semble être la confiance faite
au parti, les actions déjà posées par le parti dont elles
ont été bénéficiaires. Certains d'entre eux
expliquent leur engagement à apporter leur appui au parti pour des
raisons familiales (le responsable serait né dans le quartier, ses
parents y sont toujours installés ou il y est lui-même
installé etc.).
Pour les anciens
ministres, députés et maires, il faut noter qu'ils sont en
général membres de partis politiques. Dès la fin de leur
mandat (député et maire) ou de leur fonction (ministre), ils
gardent toujours de relations non négligeables avec le noyau central de
leurs partis. Ainsi, ils peuvent rester des conseillers ou de consultants des
partis dans les milieux où ils se trouvent. C'est en substance ce que
conclut Z.R. dans ces propos : «Plusieurs
partis vivent aujourd'hui grâce aux relations construites par leurs
anciens responsables. Les financements et les appuis divers de certains
entrepreneurs sont obtenus sur la base des relations»111(*). Il arrive cependant que
certains anciens responsables (ministres, députés et maires) ne
digèrent pas leur éjection de leur milieu politique. Cette
situation est exploitée par les autres partis qui en profitent pour les
coopter. Ainsi, ils chercheraient à travers leur engagement aux
cotés d'autres partis de se réintroduire sur la scène
politique, en d'autres termes de monnayer leurs expériences mais aussi
de se venger d'avoir été éjectés.
Leur volonté affichée de gravir les
échelons politiques, d'obtenir un poste ou de se frayer un chemin pour
de quelconques avantages fait qu'ils deviennent des instruments dans les mains
des partis politiques. De ce qui précède, certains leaders
auraient consciemment accepté d'être instrumentalisés pour
atteindre des objectifs le plus souvent inavoués, tandis que d'autres
seraient inconsciemment réintroduits sur la scène politique.
L'article 5 du code
électoral prévoit la présence des autorités
religieuses au sein de la CENI. Il s'agit de trois membres des
communautés religieuses, en raison de l'existence dans la
société burkinabè des trois principales religions dont le
catholicisme, l'islam et le protestantisme. Bagoro notait qu'on peut craindre
leur récupération politique. Tout au moins, doit-on douter que
dans le tréfonds des intentions apparentes de transparence et
d'honnêteté du processus électoral qui expliquent leur
sollicitation, ne se cachent des visées réelles
d'inféodation politique de ces autorités religieuses112(*). Ainsi, la CENI a
été présidée successivement depuis 1998 par le
pasteur Samuel Yaméogo, le pasteur Friedman Compaoré avant
l'actuel président, Moussa Michel Tapsoba. Cette entrée effective
des religieux dans le jeu politique n'a cessé de susciter des
interrogations. Comment expliquer que certains dignitaires religieux qui
avaient initialement refusé toute implication dans l'univers
politique, considéré comme impur, corrompu et grevé par le
péché se lancent maintenant sur ce terrain ?
La participation des
leaders religieux et des coutumiers dans la vie politique au Burkina est
souvent perçue comme une question de contribution citoyenne à la
construction démocratique. Pétris de moralité
appréciable et soucieux du bien-être social des populations, ces
leaders coutumiers et religieux sont des canaux incontournables pour donner une
certaine probité à la pratique électorale.
Nonobstant leur
honnêteté, leur qualité morale reconnue par les
populations, ces leaders seraient de plus en plus instrumentalisés par
les partis politiques pour mobiliser leur électorat. En effet, on
constate que dans les meetings et autres réunions de campagnes, ces
hommes sont placés aux premières loges, entourés par les
hommes politiques. Sachant que leur présence dans ces rencontres attire
et galvanise les populations à s'y intéresser, les placer
devant les foules mobilisées constitue dans une certaine mesure une
stratégie de conquête des électeurs encore indécis.
Les prières
adressées chaque jour à l'approche des échéances
électorales dans les églises et les mosquées pour que les
élections se déroulent dans la paix et le calme dénotent
de l'intérêt que les religieux accordent aux questions
politiques. Des prêches concernant le civisme, le religieux et la
politique, les raisons du vote, du respect des autorités administratives
reviennent de façon récurrente dans les églises et les
mosquées. Toutes ces pratiques contribuent à forger les
électeurs religieux et à les orienter ainsi dans les choix
électoraux. Certains leaders religieux n'hésitent pas à
s'afficher publiquement. Ce fut le cas de Monseigneur Compaoré dont la
position sur la possibilité de la candidature de Blaise Compaoré
au scrutin présidentiel de 2005 a soulevé des critiques dans la
presse. Il disait en substance que « sans Blaise, personne ne peut
gouverner ce pays ». Ces propos de L'évêque de la
capitale furent retentissants et ne sont sans doute pas restés sans
effet sur l'électorat catholique.
Dans le même sens,
certains artistes affichent publiquement leur position lors des meetings. Pour
ce qui concerne leur participation aux animations des meetings, « on
peut aisément comprendre que la quête d'un mieux être puisse
les y conduire. Nombreux sont les artistes qui n'arrivent pas à joindre
les deux bouts, alors quand une telle occasion se présente, ils ne
peuvent refuser de participer et engranger quelques jetons»113(*). La pauvreté dans
laquelle croupissent nos artistes explique donc leur engagement aux
côtés de certains partis lors des campagnes. Somme toute,
l'animation fait partie de leur travail et c'est naturellement dans cette
activité qu'ils se sentent utiles. On ne peut leur reprocher de jouer
leur rôle mais il faut reconnaître que ce rôle contribue
à façonner les comportements de certains électeurs qui
sont leur « fans ». Un exemple que nous avons relevé
dans notre étude concerne Georges Ouédraogo, un des grands et
anciens artistes du pays. Il aurait déclaré sur les antennes des
radios de la place qu'il voterait le CDP aux présidentielles de
2005114(*). Il n'est
certes pas le seul à s'afficher publiquement, car comme le souligne
B.S. « certains artistes sont connus pour leur
opposition indéfectible au pouvoir. Ces artistes ne vont pas à
tous les meetings même quand les propositions sont
meilleures »115(*). Ce faisant, ils influent aussi sur les
comportements de leurs fans.
Les intellectuels surtout
les universitaires ne sont pas en reste. Certains d'entre eux ont souvent pris
part à des débats publics à la télévision ou
dans des émissions radios. Leurs positions aussi banales qu'elles
puissent paraître ont des impacts inestimables. En effet, ces hommes qui
connaissent bien les questions politiques proposent des analyses approfondies
sur certaines questions et donnent leurs points de vue par rapport à
celles-ci. Leurs étudiants et anciens étudiants attendent le plus
souvent impatiemment de telles positions pour pouvoir se décider. Par
exemple, un étudiant rencontré disait ceci: «Pour
certaines questions politiques, moi j'attends de voir ce que diront mes
professeurs avant de me jeter à l'eau. Je pense qu'ils sont mieux nantis
pour donner une bonne orientation aux populations116(*) ».
Les leaders d'opinion sont
des gens assez courtisés à cause de leur influence dans leurs
milieux. Qu'ils se soient eux-mêmes décidés d'apporter leur
soutien à un parti pour atteindre des objectifs qui sont les leurs ou
qu'ils y soient conduits pour apporter leur contribution au débat
démocratique (cas des professeurs d'université), ces hommes
consciemment ou non participent à la formation des électeurs et
à l'orientation de leurs choix. Ils contribuent ainsi à ancrer
dans les habitudes des électeurs le vote de solidarité. Les
partis qui savent les placer avant ou exploiter leurs propos se frayeraient
aisément le chemin de la réussite politique.
Chapitre I. L'influence des
dons sur les choix des électeurs
Consacrée à
la description de la manifestation du phénomène des
« dons électoraux » et des objectifs auxquels les
partis qui en font usage cherchent à atteindre, notre première
partie a permis de décrire le champ électoral dans la ville de
Ouagadougou, les acteurs qui y sont impliqués et leurs stratégies
d'action. Nous tenterons dans cette partie d'analyser l'influence qu'ont les
dons en période électorale sur les comportements des
électeurs c'est-à-dire comprendre s'ils déterminent ou
orientent leurs choix et donc l'affectation de leurs voix. Dans ce chapitre la
portée des dons dans les élections (Section I) et les limites
objectives de ses effets (Section II) seront évoquées.
Section I. La portée des dons dans les
élections
Les périodes
électorales sont caractérisées par des dons de plusieurs
ordres qu'il conviendra d'élucider en recherchant les encadrements
juridiques qui y sont consacrés (§1). Il importe ensuite de saisir
la part d'influence que peuvent avoir les divers dons sur les comportements des
électeurs (§2).
§1- La diversité des dons et leur
encadrement juridique
Les dons comme nous avons
tenté de le développer dans le chapitre I sont multiples et de
plusieurs origines. Nous essayerons dans ce paragraphe de déceler les
règles qui régissent leur acquisition par les partis. Existe
t-il une législation en matière de « dons
électoraux »? Si non, quel est l'impact mesurable de cette
lacune juridique dans la vie des partis ? Y a-t-il nécessité
de dégager des normes pour organiser les processus d'acquisition des
dons par les partis et leur transmission à l'électorat?
Il faut dire
d'emblée que les dons offerts par l'Etat servent au renforcement des
capacités financières des partis pour leurs activités
tendant à assurer l'ancrage de la démocratie. Les
différents financements qu'offre l'Etat se situent à ce niveau.
La loi n0 012-2000/AN117(*) modifiée par la loi n0 12-2001/AN
portant financement des activités des partis politiques et des campagnes
électorales, prévoit en son article 2 que dans l'exécution
de leurs missions, les partis politiques bénéficient de
financement public dans les conditions fixées par la loi. L'article 4 de
cette loi dispose que « l'Etat contribue au financement des
coûts des campagnes électorales des partis politiques par des
fonds publics ». Il existe au stade actuel
le seul financement public reconnu et pour lequel les partis politiques sont
amenés à fournir des documents justificatifs de dépense.
Il se subdivise en deux types : le financement pour le fonctionnement des
partis politiques (financement hors campagnes électorales) et le
financement des différentes campagnes électorales.
Le premier type de financement est fonction de
l'assise politique, au niveau de représentativité des partis. Il
prend en outre en compte le nombre de suffrages exprimés pour les partis
lors des dernières élections législatives. Ce financement
se subdivise en deux parties dont celui accordé aux partis ayant obtenu
au moins 5% des suffrages exprimés lors des dernières
élections législatives (art14). La seconde partie est
accordée équitablement aux partis sans aucune autre distinction.
Il faut noter qu'ils sont rares les partis qui arrivent à réunir
le taux de suffrages exigé. Ainsi, durant la troisième
législature, seuls le PDP/PS, l'ADF/RDA et le parti au pouvoir ont
reçu un tel soutien. Par exemple, la subvention de l'Etat en 2007 est
répartie comme suite : 50 millions répartis entre les partis
qui ont eu au moins 5% de suffrages, 50 millions répartis
équitablement et enfin les 400 millions répartis entre les partis
en tenant compte des listes présentées.118(*)
Si l'on considère
bien les partis d'opposition qui en ont bénéficié lors de
la législature antérieure, il apparaît clairement que ce
sont des anciens partis. Ce sont des partis assez imposants au sein de
l'opposition burkinabè. L'appui financier de l'Etat aux partis pour
organiser leurs campagnes électorales tient compte du nombre de listes
présentées par ces partis; mais ce financement est
équitable s'agissant des élections présidentielles. Lors
de l'élection présidentielle de 1997, les trois candidats
s'étaient répartis les 100 millions de FCFA et chacun avait
acquis la bagatelle de 33, 333 millions de FCFA119(*) , alors que pour le
scrutin présidentiel de novembre 2005, « les partis en course
n'ont reçu chacun que 7. 692 307 francs 120(*)».
Un rapport dûment élaboré par les
différents partis faisant mention des usages des fonds qui leur sont
alloués, accompagnés des documents comptables doit être
transmis à la Cour des comptes durant le premier trimestre de
l'année suivante (art13). La Cour des comptes se prononce sur la
régularité des dépenses de campagne et hors campagne des
partis. Dans le cadre de son exercice de contrôle, le Rapport public 2005
de ladite institution a été remis au président du Faso, le
vendredi 13 juillet 2007. La Cour y a mis à nu des malversations
financières de certains partis politiques qui usent avec
indélicatesse l'argent du contribuable burkinabè. Ces
partis feraient tout pour ne pas justifier les subventions à eux
accordées121(*).
Les autres financements et appuis divers en
provenance d'autres partis, des entrepreneurs privés, des amis et
anciens membres des partis appelés à des fonctions ou à la
retraite, ne sont pas encadrés juridiquement. Ces types de dons sont
cependant très importants. Tous les partis, en fonction de leurs
relations privilégiées avec les milieux des affaires peuvent
tirer parti. Dans certains partis dits de l'opposition radicale, on note que
ces pratiques ne sont pas absentes. Cette situation est confirmée par
certains propos tels ceux de Déma Raphaèl Bado
ex-député démissionnaire du PAREN. Celui-ci confiait ceci
à la presse pour expliquer son engagement avec ce parti.
« J'ai décidé de me battre du coté de mon grand
frère (Bado) de façon désintéressée. J'ai
financé le CDP pour douze millions. Je suis prêt à injecter
dix millions pour les campagnes du PAREN122(*) ».
Il paraît toutefois logique que le parti au pouvoir, qui
a tissé des liens avec tous les milieux des affaires puisse
bénéficier davantage de ces types de dons par rapport aux partis
d'opposition. Hilger et Mazzochetti le démontrent bien quand ils
affirment que la campagne a encore confirmé le gouffre entre
les ressources de l'opposition et celles du pouvoir en place. Elle a
accentué le sentiment que la politique n'est qu'un
« business »123(*). Ils précisent leurs propos en ces
termes : « à s'en tenir aux chiffres officiels, peut
être minimisés, la campagne du président sortant aurait
coûté 983 millions de francs CFA, soit 60 fois plus que celle de
son concurrent immédiat, Bénéwendé Sankara. Encore
que ce montant n'inclut-il pas l'utilisation des moyens de l'Etat, ni des dons
en espèces et en nature des entrepreneurs burkinabè et des chefs
d'Etats amis124(*) ».
La loi n'interdit et ne
limite pas les appuis divers que les partis peuvent solliciter auprès
des personnes morales ou physiques. Chaque parti, dans les limites de ses
relations et de ses compétences pourrait amasser plus de fonds et
d'appui multiformes qu'il ne reçoit de l'Etat. Quand on sait que les
partis n'ont pas la même audience auprès des opérateurs
économiques locaux et des bailleurs extérieurs, on comprend
aisément l'écart important entre les fonds investis par le CDP et
ceux injectés par l'UNIR/MS. Dans une telle situation peut-on s'attendre
à ce que la compétition électorale soit équitable?
Le système français offre un avantage comparatif que les
autorités politiques devraient exploiter.
Selon Vincent et Villier,
le code électoral français dispose en ce qui concerne les dons ce
qui suit :« les dons consentis par une personne physique dûment
identifiée pour le financement de la campagne d'un ou de plusieurs
candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4.600
euros. Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements
politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne
électorale d'un candidat ni en lui consentant des dons sous quelque
forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres
avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à
ceux qui sont habituellement pratiqués. Tout don de plus de 150 euros
consentis à un candidat en vue de sa campagne doit être
versé par chèque. Aucun candidat ne peut recevoir directement ou
indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou
aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de
droit étranger 125(*)». Un encadrement juridique qui s'inscrirait
dans l'option prise par la France s'impose donc au cas burkinabè afin
d'assurer l'équité entre les partis et une concurrence loyale
lors des campagnes.
Non seulement, on note un faible encadrement de la loi en
matière de dons reçus par les partis mais on peut aussi remarquer
que cet encadrement est quasi inexistant concernant les types de dons transmis
par les partis à l'électorat. Ni le code électoral ni la
loi portant financement des activités des partis politiques n'en fait
vraiment cas. Une telle ouverture offre une parfaite occasion aux partis de se
lancer dans des pratiques de corruption. La corruption dans le financement de
la vie politique prend dès lors plusieurs formes, allant de l'achat des
votes à l'utilisation de fonds illicites et l'abus des ressources
étatiques. Selon S.A. :« La loi ne
plafonnant pas les dépenses des partis et ne règlementant pas les
dons privés (opérateurs économiques,
sociétés), elle favoriserait seul le parti au pouvoir car, seul
ce parti peut se créer de bons contacts avec les donateurs
privés »126(*).
Cette situation d'absence
de normes juridiques encadrant les multiples dons qui se manifestent dans le
champ électoral, donne plus de force aux partis qui ont d'importants
rapports avec le monde des affaires au détriment des autres partis. Cet
avantage dont jouissent généralement les grands partis et en
particulier le parti au pouvoir n'est pas de nature à créer des
conditions idoines pour un meilleur fonctionnement des partis politiques encore
moins assurer des élections transparentes. En effet, les partis ne
partent pas aux élections sur le même pied d'égalité
du moment où certains d'entre eux ont reçu un double appui dont
le financement public et les dons privés.
L'encadrement juridique
des dons existe dans des pays comme le Bénin ou le Cameroun. Ainsi par
exemple, la loi 94-013 du 17 janvier 1995 portant règles
générales pour les élections du président de la
république et des membres de l'Assemblée Nationale au
Bénin interdit en son article 31 les dons, les
libéralités et toutes les faveurs administratives faits à
des fins de propagande pour influencer ou tenter d'influencer le vote. La limitation des dons privés et aides peut
aussi s'observer dans certaines législations de la sous région.
Par exemple, au Bénin, il ne peut dépasser 1/3 des ressources
totales du parti. Au Sénégal, il y est interdit le recours aux
aides financières d'origine étrangère et aux aides
provenant de personnes étrangères y résidant tandis qu'au
Mali, il est autorisé mais dans la limite de 20% des ressources internes
du parti127(*).
Contrairement à ces
pays, au Burkina Faso, seul le financement public est soumis au contrôle
juridique, les dons privés semblent être ignorés par la
législation. Au regard de leur importance, ils favorisent les
activités de certains partis et leur permettent d'être plus
influents sur le champ politique. Il s'impose dès lors la
nécessité de prévoir des normes en vue d'un meilleur
encadrement et plafonnement de ces dons ci-dessus faits mention. Selon
S.A. du PDP/PS, l'opposition aurait toujours demandé
qu'une règlementation soit instituée pour cette question, mais
le parti majoritaire aurait chaque fois rejeté la proposition. Somme
toute, il apparaît que seul un encadrement juridique intégrant le
plafonnement des dons et des dépenses pourrait permettre aux partis
d'avoir les mêmes chances devant les électeurs.
Il faut cependant souligner que
quelque soit le type d'encadrement mis sur pied, on ne saurait
totalement parier sur son efficacité. Comme le signale
S.M de l'UNIR/MS « Beaucoup de dons se transmettent
les nuits et dans des valises, sans témoins, car l'objectif
recherché est assez louche pour que ceux qui donnent se laissent
découvrir ». Est-il possible de régir de tels
dons ? La règle ne pouvant sanctionner sans preuves, certains dons
seront toujours pratiqués malgré tout, dans la mesure où
tous les dons ne sont pas repérables matériellement. Cependant,
la présence de la règle pourrait créer une certaine
méfiance et donc réduire le zèle qu'ont certains partis
d'offrir avec exhibition.
L'encadrement juridique
peut-elle concerner les promesses électorales ? Comment en effet
contrôler des promesses ? Peut-on interdire aux partis de
proférer des promesses lors des campagnes ? Selon le code
électoral béninois en son article 110, sont interdites ``les
promesses de libéralités, d'emplois publics ou privés ou
d'autres avantages'' susceptibles d'influencer les choix des électeurs.
Il est évident que l'encadrement des promesses électorales reste
assez théorique car dans la pratique, cette mission de la règle
paraît impossible. Toute élection se joue dans les discours des
acteurs politiques. Que le discours soit programmatique ou non, il porte sur
un ton séducteur. Dans ce cas, toute tentative d'encadrement de ces
types de dons serait vaine voire illusoire. Il faut reconnaître
malgré cela que le plafonnement des dépenses des partis à
l'endroit des électeurs placerait l'ensemble des partis sur le
même pied dans la conquête du pouvoir. La logique du plafonnement
veut que, quelque soit la somme reçue par les partis, ces derniers ne
dépassent une certaine limite dans leurs dépenses. Ce principe
réduirait la tendance à l'exhibitionnisme à laquelle se
donnent les partis plus nantis. Dès lors les électeurs ne
pourront que se replier sur une analyse programmatique pour opérer leur
choix. Mais face à des électeurs de plus en plus attirés
par l'appât du gain, on peut craindre que les partis politiques
n'acceptent de jouer un franc jeu.
Un bon encadrement
juridique offrirait une scène politique assainie des scories de la
corruption puisque les acteurs politiques auront tendance à se soumettre
au droit afin d'éviter les sanctions. Il faut signaler que la corruption
peut être une source de déstabilisation d'un Etat. Elle peut
conduire à des voies non pacifiques de conquête du pouvoir,
d'où l'importance de son encadrement pour éviter tout risque de
violence. Mais il est évident qu'aucun encadrement de quelque nature
qu'il soit ne peut totalement mettre fin aux magouilles et aux diverses
tentatives de corruption. A défaut de l'anéantir dans toutes ses
formes, l'encadrement juridique des dons crédibilise le jeu politique et
offre des perspectives pour une prise de conscience citoyenne des
méfaits des dons sur la démocratie et partant, pour
l'appropriation de la culture démocratique.
§2- L'incidence effective des dons sur les choix
électoraux
La pluralité des
dons observés dans les élections au Burkina et surtout
l'importance que les populations semblent leur accorder invite
à s'interroger sur leur impact véritable sur les comportements
des électeurs. En d'autres termes les dons seraient-ils des
éléments déterminants des choix des électeurs
dans la ville de Ouagadougou? Pour Boy et Mayer128(*), le comportement de
l'électeur n'est jamais neutre, il est le résultat d'un calcul
dont lui seul connaît les véritables mobiles. Ainsi
écrivent-ils : « qu'il s'intéresse beaucoup ou pas
du tout à la politique, qu'il en parle volontiers ou jamais avec son
entourage, qu'il aille voter ou qu'il reste chez lui le jour de
l'élection, qu'il s'en remette à ses élus ou qu'il soit
prêt à descendre dans la rue pour exprimer ses opinions,
l'électeur a ses raisons». Quelle que soit l'attitude
adoptée par l'électeur, celle-ci reste motivée par une
raison quelconque. Il n'existe donc pas de hasard dans le comportement de
l'électeur, il s'engagerait en fonction de ses logiques propres et de
ses attentes dissimulées. Faut-il dès lors conclure que les choix
politiques des électeurs soient motivés par les dons qui leur
sont faits ? C'est à cette question que nous nous attellerons de
répondre.
Selon les résultats
du tableau n03 ci-dessus présenté, 77.5% des
enquêtés reconnaissent que c'est surtout pendant les campagnes
électorales que beaucoup de partis font des offres aux populations. Ceci
pourrait expliquer l'intérêt que les partis accordent à
l'impact des dons pendant les élections sur la participation des
électeurs aux activités de mobilisation mais aussi aux
résultats finaux. C'est donc certainement pour cette raison que les
partis s'évertuent à faire des offres aux électeurs. En
effet, comme nous l'avions signalé au chapitre II (section I§1),
les logiques qui sous-tendent la naissance et les luttes entre les partis
politiques sont à rechercher dans leurs mobiles inavoués. De
même, ces types de mobiles dans lesquels les dons trouvent une place de
choix, pourraient permettre d'expliquer le comportement de certains
électeurs. Le tableau suivant donne un aperçu des perceptions des
populations rencontrées par rapport à l'influence des dons sur
les choix des électeurs.
Tableau n04. Mesure de l'effectivité de
l'influence des dons en fonction des variables :
Sexe et âges.
Réponses
|
Sexes
|
Ages
|
H
|
F
|
20-30
|
31-40
|
41-50
|
51+
|
Oui
|
16 (80%)
|
12 (60%)
|
15 (83.33%)
|
12 (75%)
|
04 (80%)
|
01(100%)
|
Non
|
04 (20%)
|
08 (40%)
|
03 (16.66%)
|
04 (25%)
|
001 (20%)
|
00(0%)
|
Total
|
20 (100%)
|
20 (100%)
|
18 (100%)
|
16 (100%)
|
05 (100%)
|
01(100%)
|
Source : enquête de terrain, Mars 2007.
Il se dégage de ce tableau que la majorité des
enquêtés admettent et confirment l'impact des dons dans les choix
des électeurs lors des élections. Ainsi, 80% des hommes et 60%
des femmes, soit en tout 70% des personnes enquêtées notent
l'influence effective des dons sur les comportements des électeurs. Le
constat reste le même quelque soit l'intervalle d'âge pris en
considération. En outre, les données de ce tableau peuvent
être complétées par celles du tableau n0 13 en
annexe qui établit une relation entre l'incidence des dons sur les
comportements des électeurs et certaines variables (la profession et le
niveau d'instruction). En effet, on y observe que le niveau
d'instruction ou la fonction des acteurs sociaux n'influence aucunement leur
réponse à la question de savoir si les dons ont une quelconque
influence sur les résultats électoraux.
Dans le tableau n04, il s'agissait de savoir si de
l'avis des populations, les dons avaient une influence sur les comportements
des électeurs. Ce tableau permet de savoir si ceux qui reçoivent
les dons votent généralement pour les donateurs.
Tableau n0 5.
Rapport entre dons et vote des électeurs.
Oui
|
Non
|
Hommes
|
Femmes
|
Hommes
|
Femmes
|
16 (80%)
|
14 (70%)
|
04 (20%)
|
06 (30%)
|
40
|
40
|
Source :
enquête de terrain, Mars 2007.
Si l'on se confère au tableau ci-dessus on peut
établir une corrélation effective entre les dons reçus et
la distribution des voies des électeurs. Ainsi 80% des hommes
soutiennent que les électeurs votent ceux avec qui ils ont pris les
dons. Cette situation est confirmée avec moins d'acuité chez les
femmes (70%). Mais il reste que de tous les deux cotés, la
majorité reconnaît l'effet des dons sur les choix des
électeurs.
Dans nos entretiens avec les personnes ressources, il se
dégage l'idée que les dons ont une influence effective sur les
comportements des électeurs. La pauvreté des électeurs
les conditionnerait à l'acceptation des dons et partant à
l'aliénation de leurs comportements aux dons. Pour illustrer ce fait, le
focus secteur 27 donne l'exemple suivant : « quand vous
êtes dans une situation de sous emploi ou de chômage, ou quand vous
vous posez la question sur comment faire pour avoir un plat à midi, si
un parti pendant ce temps venait à vous proposer une offre
alléchante, vous ne pouvez résister129(*) ».
Z.R. de la CFD/B abonde dans le même sens en ces
termes : « dans un pays pauvre comme le notre, les masses
acceptent et réclament les dons durant les campagnes non par plaisir
mais par ce qu'elles sont dans une situation qui les oblige à le faire.
C'est une question de survie ».
Dans ce cas, comment expliquer que même des gens
aisés amassent et s'approprient certains dons ? Ce ne sont pas
visiblement les pauvres ou la seule condition de pauvreté qui conduit
à une telle pratique qui, par la suite, oriente les choix des
électeurs. Il faut dire que c'est une pratique qui a fini par entrer
dans les moeurs et les habitudes des populations que toute élection est
une occasion de distribution clientélaire de ressources. A cet effet, on
note avec Houngnikpo130(*) qu'au lendemain de l'avènement de la
démocratie, les populations ont rapidement établi une
corrélation entre le pouvoir et la richesse illicite en Afrique
entraînant une course sans répit au pouvoir. Le combat vital des
partis étant pour l'enrichissement, il est normal que les
électeurs attendent d'eux des gestes avant de les voter. De plus, les
électeurs sont écartelés et tiraillés, pris dans le
jeu complexe de pression et de contre-pression, de requêtes et
d'attentes. En proie aux problèmes de survie immédiate et face
aux dons qui tombent du ciel telle une manne, ils ne peuvent rester
indifférents.
Les partis politiques pour mieux avoir plus d'impact dans
leurs actions développent dans leur approche « la pression
alimentaire131(*) », c'est à dire offrir à
boire et à manger à l'électorat, à promettre des
nominations dans les hautes sphères de l'Etat. Ces propositions ne
peuvent évidemment rester sans effet sur l'électorat sensible
à ces types de questions. L'exemple que donne P.E. du
MPS/PF est très frappant. Il l'exprime en ces termes :
« Dans un village de Ouagadougou, j'étais en
compétition avec le CDP et l'ADF/RDA pour la municipalité.
J'avais deux conseillers qui étaient des ressortissants de ladite
localité mais j'ai perdu les élections. La raison était
simple : au lieu d'apporter la somme demandée par les habitants
pour la réparation de leur pompe et l'achat de leur moulin, j'ai promis
de le faire. L'ADF/RDA qui y est passé après moi a répondu
à leurs sollicitations en remettant une enveloppe de 500 mille francs.
Au finish, ce parti remporta plus de 200 voix contre 26 pour mon parti et 20
pour le CDP ».
S'il est vrai que les dons sont des canaux exploitables par
les électeurs pour subvenir à leurs besoins, il est
évident que ce qu'ils reçoivent pendant les campagnes ne met pas
fin à leur pauvreté. Malgré tout, certains
électeurs ne peuvent s'en passer, ils seraient même capables de
refuser de voter s'ils n'en obtenaient pas (Kiéma, Boy et Mayer).
Nul doute que les dons puissent avoir une quelconque influence
sur les choix des électeurs, mais il est ressorti de nos investigations
que l'impact des dons est plus important pour certaines catégories de
populations. En d'autres termes la population entière ne vit pas cette
influence de la même manière. Les analphabètes en
général, et les travailleurs du secteur informel
(généralement moins instruits) sembleraient beaucoup plus enclins
à subir l'incidence des dons dans leurs choix électoraux. En
outre, on peut soutenir que l'incapacité à lire le jeu politique
et les programmes des acteurs rendent ces catégories d'électeurs
plus vulnérables. Cependant, comme nous l'avions déjà
relevé plus haut, les franges les plus riches et les plus instruites
n'échappent pas à cette logique même si l'incidence
à leur niveau est à relativiser. Il ne suffit pas en effet,
d'être riche ou bien instruit pour comprendre aisément le jeu
politique ou pour échapper au jeu de séduction des partis. Les
partis politiques développent durant les scrutins leurs
stratégies en tenant compte du type de population auquel ils font face.
De ce fait, tous les électeurs sont exposés aux ruses des
partis.
Il faut souligner que pour une partie (soit 30%) de la
population rencontrée dans cette étude, l'effet des dons sur les
comportements des électeurs est négligeable. Braud note que
« la découverte d'exemples qui confirment une
théorie a très peu de signification si nous n'avons pas
essayé, sans succès de découvrir des réfutations.
Rien en effet, ne garantit que d'autres faits, involontairement
écartés ou non soupçonnés, ne contredisent pas les
premiers132(*) ». Quelles peuvent être dès
lors les limites objectives de l'impact « des dons
électoraux » ?
Section II. Les Limites de l'effet des dons sur les
comportements électoraux
La part des dons dans la
détermination des choix des électeurs, même si elle n'est
pas négligeable, elle comporte des limites qu'il conviendrait de
dégager. Les exigences démocratiques voudraient que toute
élection soit encadrée par des observateurs (nationaux comme
étrangers) et leur rôle combien important pourrait réduire
les ardeurs de toute tentative de clientélisme et rendre du coup
l'élection transparente. Les détournements des dons constituent
aussi un moyen qui peut amenuiser l'impact des dons sur les électeurs.
Enfin, on ne saurait ignorer le déterminisme symbolique des pesanteurs
socioculturelles dans toute entreprise humaine.
§1- Le rôle des observateurs et les cas de
détournements
L'élection présidentielle de novembre 2005
aurait connu la participation de 1400 observateurs dont 400 observateurs
internationaux mandatés par une quarantaine d'associations et de
structures internationales dont les principales sont l'Union Africain (UA),
l'Organisation Intergouvernementale de la Francophonie (OIF) et l'Union
Européenne. Ces missions d'observation de l'élection
présidentielle du 13 novembre 2005, rappelle-t-on, ont
été, pour la plupart, invitées par le gouvernement
burkinabé133(*).
Parmi les observateurs nationaux, on note les membres des institutions
politiques comme la CENI, le conseil d'Etat et le conseil constitutionnel, les
membres du MBDHP, et de certaines ONG, etc. Ces observateurs viennent en appui
aux observateurs des partis politiques positionnés dans les bureaux de
vote. L'incapacité financière de certains partis fait qu'ils sont
moins représentés dans les bureaux de vote. Qu'à cela ne
tienne, la présence d'un nombre aussi important d'observateurs pourrait
brouiller les voies de tricheries et donc de corruption, ce qui sans doute
réduit les possibilités d'influence systématiques des
choix des électeurs. Certains observateurs, peu neutres peuvent fermer
les yeux sur des cas de fraudes massives et de corruptions pratiquées
sous leur nez. On ne peut donc conclure que les observateurs
mettent pratiquement fin aux magouilles électorales. Ils sont, pour la
plupart, absents lors des campagnes alors que c'est surtout pendant ces moments
que la pratique des dons est assez prégnante. Leur influence sur la
pratique des dons pourrait être effective si leur mission
commençait en même temps que le début des campagnes.
Une meilleure
analyse des limites des dons dans l'orientation des comportements de
l'électorat ouagalais devrait intégrer l'usage que les donataires
en font. Comment les dons reçus sont-ils utilisés par les
bénéficiaires ? Pour Socpa, les dons dans le champ
électoral subissent des détournements de deux ordres dont le non
respect des électeurs de leurs engagements vis-à-vis des partis
(les promesses de certains électeurs de voter tel ou tel parti) et la
confiscation voire la conservation des dons par les émissaires.
Certains
électeurs refuseraient après avoir pris les dons d'aller voter
pour les partis qui les leur ont offerts. Cela témoigne de l'existence
d'électeurs inconstants et irrésolus. Il s'agirait ici de
décisions soit souverainement prises ou faites sous pressions par
lesquelles les électeurs renoncent à des partis pour lesquels ils
s'étaient engagés. Ces électeurs après avoir pris
part à toutes les rencontres des partis en question, ils pourraient
décider stoïquement de quitter leurs navires à la
dernière heure. Ce virage est très fréquent à
Ouagadougou parce que les populations s'organisent pour mieux tirer partie des
élections. Les « grins » de thé qui poussent
comme des champignons à l'approche des élections
témoignent de l'ingéniosité de certains habitants qui
voient dans les élections de simples occasions pour s'amasser des
ressources.
Banégas134(*) parle dans ce cas d'une « revanche des
électeurs » c'est-à-dire la capacité de ces
derniers à renverser la relation clientélaire à leur
profit en conservant une large latitude d'action vis-à-vis des offreurs
ou « patrons » politiques. C'est ce qui explique que
certains électeurs réclament eux mêmes les dons aux hommes
politiques. Ils n'attendent plus l'initiative des partis, ils demandent des
sources de motivation, des stimulants avant de prendre parti. En effet le
tableau n0 16 en annexe montre que 65% des enquêtés
soutiennent que le don est devenu une exigence de l'électorat.
Certains
mobilisateurs rencontrés dans les quartiers nous ont confié que
leur rôle principal n'est pas forcément d'amener les populations
qu'ils mobilisent à voter pour le parti mais surtout les amener à
prendre part aux meetings. K.A135(*)s'inscrit dans ce sens quand il confie
que : « Mon travail est un simple contrat dans lequel le parti
gagne et moi aussi j'en tire quelques avantages. Je suis tenu de mobiliser, de
convaincre les gens et les conduire dans les meetings. C'est aux responsables
du parti de gagner leur confiance ». Cependant bon nombre de ceux qui
viennent aux meetings repartent généralement avec des cadeaux du
parti qu'ils auraient rencontré. Evidemment, dans une telle optique les
populations réunies dans les campagnes électorales sont
composées de militants, de sympathisants et bien sûr de
« mendiants » qui viennent guetter les offres. On comprend
aisément qu'après avoir obtenu ce qu'ils veulent, ils s'en vont
tout en laissant les hommes politiques à leur sort.
Le deuxième
type de détournement et c'est d'ailleurs le plus important parce qu'il
est non seulement l'expression d'une trahison vis-à-vis du parti que
l'émissaire représente, mais il est aussi une action qui
réduit considérablement les efforts de mobilisation des partis.
Ce détournement est de l'apanage des intermédiaires, courtiers ou
émissaires politiques.
La grande majorité, soit 90% des interviewés
ont répondu que les intermédiaires ne transmettent pas toujours
les dons. Les modalités suivantes ont été invoquées
par les répondants pour exprimer cet état de fait :
ü ils ne donnent qu'à leurs connaissances, amis et
familles,
ü ils en profitent au maximum et donnent les miettes
aux autres,
ü ils ne voient que leurs propres
intérêts,
ü les campagnes sont l'occasion pour eux de
s'enrichir,
ü ils s'approprient une grande partie des dons,
ü ils profitent de ces dons pour réaliser leurs
projets personnels qui dormaient dans les tiroirs,
ü les intermédiaires sont aussi des
nécessiteux qui profitent de la situation.
En clair, certains émissaires ou courtiers
politiques auraient de nombreux projets dont ils conditionneraient la
réalisation à l'obtention des dons matériels ou
financiers. Ce sont donc des saprophytes qui ont réussi à
convaincre les dirigeants politiques de leur soutien et qui, cependant cachent
des objectifs inavoués à atteindre. Il n'y a pas que les
intermédiaires pauvres qui détournent. « Quel que soit
le niveau et le statut social de l'intermédiaire, il est capable de
détourner ce qu'on lui remet pour les électeurs. Cela
dépendant d'abord de ce qu'il reçoit et de la quantité des
dons qui lui sont remis136(*)». Leurs actions ne permettant pas la
circulation effective des dons jusqu'aux destinations prévues, elles
écourtent l'impact que ces dons auraient eu en temps réel.
L'action des
intermédiaires et des observateurs ainsi décrite permettent de
mettre du bémol sur l'incidence effective des dons. Les pesanteurs
sociologiques et les promesses non tenues des hommes politiques pourraient
aussi être des aspects considérables contribuant à
amenuiser l'effet des dons sur l'électorat.
§2- Les limites inhérentes aux pesanteurs
socioculturelles et aux promesses non tenues
Dans une
société caractérisée par des réseaux sociaux
complexes (de parenté, de famille, d'ethnie de religion etc.), les dons
viendraient se greffer à des systèmes de domination et de
soumission qui existaient déjà. Dans ce contexte, peut-on
ignorer l'impact sournois de ces variables sur la construction des
comportements des acteurs en général et des comportements
politiques en particulier ? Toute élection est marquée de
plus en plus par de multiples promesses, mais comme nous l'avions
déjà fait remarquer, ce sont des promesses qui n'existent que
pour la période électorale. Pour la plupart des populations
rencontrées, ces promesses seraient des éléments de
stratégie des entrepreneurs politiques. Quelle est la réaction
des électeurs face à ceux qui ont tenu ces vaines
promesses ?
La politique n'est pas un
secteur détaché de la vie sociale. Elle relève de
l'interaction des agents sociaux. Moyen de structuration et d'organisation des
mécanismes de gestion de la vie en société, la politique
se fonde et se développe sur les mécanismes primaires de
l'existence en société. Elle participe ainsi à la
production de nouveaux types de comportements chez les agents sociaux.
Nous reprenons ici à notre compte cette assertion de Nassirou
Barka137(*) pour qui
voter n'est pas un simple acte civique d'expression de l'opinion d'un citoyen
mais aussi un acte de solidarité et un rituel de confirmation de la
solidarité villageoise momentanée en fonction des attentes,
confirmation aussi de l'alliance scellée par le fils du terroir avec
d'autres fils. Ceci dit, les attaches fondées sur les réseaux
relationnels ont beaucoup d'influence sur la tendance à s'engager avec
tel ou tel acteur politique. C'est pourquoi le vote est perçu comme le
résultat d'un effet de groupe.
Abondant dans le
même sens, Menthong138(*) note qu'au Cameroun le vote se trouve
conditionné par l'appartenance ethno-régionale et
socio-linguistique. Le vote serait dès lors une fabrication sur mesure
des réseaux identitaires des candidats. Le coeur (les sentiments), la
raison (le raisonnement, les calculs rationnels) et le sang (les alliances, la
parenté, la famille, etc.) sont, dans cette logique, les liens
privilégiés qui orientent les choix des électeurs. Le
choix de l'électeur ne saurait donc être expliqué par une
seule raison.
Il faut rechercher selon
Monjib139(*) les causes
et le sens des choix dans le processus de socialisation par lequel les
électeurs ont été moulés. Selon cet
auteur, l'autorité du guide religieux semble s'exercer d'une
façon qui peut influencer les résultats du scrutin à Saint
Louis. La religion s'inscrit dans les déterminants identitaires toujours
mis en exergue pour analyser les comportements sociaux. Les identités
positionnent les individus dans leurs milieux et contribuent à forger en
eux un habitus,140(*)
des schèmes de comportements à intégrer dans le quotidien
des actions des membres d'une communauté.
Les populations de
Ouagadougou comme partout ailleurs n'échappent pas à cette
logique. Ainsi les relations identitaires conduisent à une
répartition de ces populations en de regroupements divers. C'est ainsi
que les ressortissants des différentes localités se rencontrent
périodiquement pour débattre des questions de leur région,
province, commune ou village. Ouagadougou vit donc chaque jour une
recomposition permanente des liens identitaires à partir desquels les
habitants se définissent. Les hommes politiques exploitent sans cesse
ces liens pour passer leurs messages ou pour manifester leur
intérêt pour les différentes localités du pays. Pour
Z.R. de la CFD/B un parti qui conquiert l'électorat
ouagalais en se fondant sur les réseaux identitaires (ethnie,
association de ressortissant etc.), possède un moyen plus facile de
déjouer les coups de ses adversaires dans les localités (commune,
villages, province, régions) auxquelles ces populations appartiennent.
Cela relève certes d'une exagération mais permet sans nul doute
de comprendre l'importance que les partis politiques accordent aux
différents organes communautaires auxquels les populations se
réfèrent et par lesquels ils maintiennent un contact permanent
avec leurs milieux d'origine.
La proximité des
électeurs avec certains hommes politiques et les relations de
familiarité qui en découlent créent aussi des liens forts
entre l'électorat et les hommes politiques. Kieffer141(*) qui s'est
intéressé à l'électorat jeune pendant les
élections présidentielles de 2005, relève que
généralement, le responsable politique local à Ouagadougou
est aussi un parent, un grand frère ou un voisin avec qui les jeunes
entretiennent des rapports qui dépassent largement le cadre de la
campagne. Ils ne peuvent donc pas refuser ses cadeaux ni s'opposer à lui
de manière franche. Les transactions importantes comme l'obtention
d'emploi, à court ou long terme, ou encore l'acquisition d'une parcelle
passent par des réseaux d'entraide fort dense. Ce qui signifie
clairement que l'acceptation des dons par le donataire ne signifie pas ipso
facto qu'il vote pour celui qui les offre. L'acte de recevoir peut
paraître un simple moyen pour éviter les frustrations qui
pourraient émousser leurs bonnes relations avec les donateurs, et
partant, la cohésion sociale. La réception des dons peut aussi
conduire les électeurs à voter pour le camp du donateur. Dans ce
cas, ce ne sont pas forcément les dons qui les ont amenés
à accorder leurs voix mais l'action des alliances de sang ou des liens
socioculturels. Il apparaît que les dons à eux seuls n'ont pas une
incidence assez efficace pour conduire certains électeurs à une
obéissance aveugle aux consignes de vote données par les partis.
Ils viennent se greffer à un socle de relations de proximité ou
de parenté.
Notons cependant que les
populations âgées restent toujours attachées à la
sacralité de la parole donnée. Il est ressorti des entretiens que
les jeunes se départissent facilement des allégeances
identitaires et de la conception fondée sur la sacralité de la
parole. Comme le remarque S.A. « Les vieilles
personnes par contre, réfractaires à ces types de changements,
tiennent le plus souvent parole quand ils vous la donnent. C'est pourquoi les
partis politiques lorsqu'ils veulent s'installer ou organiser une
activité dans un milieu, cherchent à les rencontrer en premier
avant de contacter les autres groupes sociaux 142(*)». P.E
du MPS/PF souligne en effet que les jeunes sont en général
très manipulés. En revanche, les vieux, le plus souvent,
lorsqu'ils accordent leur confiance à un parti, ne se laissent pas
convaincre par un parti adverse. Cependant, reconnaît-il, la
marchandisation des relations en vogue rend cette vérité fragile.
Hormis l'âge, le
sexe des électeurs est une variable qui peut influencer leur choix. Il
est reconnu que peu de femmes s'intéressent à la question
politique au Burkina. L'électorat féminin souvent qualifié
de bétail électoral est la frange importante à mobiliser
au regard de son importance démographique (plus de 52%).
« Toute élection à Ouagadougou comme partout dans le
Burkina se gagne et se perd sur la base de la capacité qu'ont les
partis à mobiliser les femmes ». Cette évidence est
pourtant remise en cause par le fait que malgré l'urbanisation et les
transformations connexes, nombre de femmes vivent sous « la
domination masculine ». C'est une forme de violence symbolique, qui
comme le signifie Bourdieu,143(*) semble inscrite dans l'ordre normal des choses. Dans
ce contexte, soutient S.A, « peu de femmes oseraient
défier leurs époux ou parents en allant voter un autre candidat
que celui sur qui ils auraient convenu». Quelle que soit la
véracité de tels propos, il demeure que les choix
s'opèrent dans l'isoloir et que chacun y entre seul. On peut s'imaginer
que les pressions psychologiques vécues par ces femmes les conduisent
à une obéissance servile. Mais le doute est permis car il existe
des femmes qui peuvent opter pour la démarche inverse. Malgré la multiplicité des offres
matérielles (gadgets, argents, objets marchands etc.), symboliques
(promesses, pose de pierre, inaugurations etc.), les pesanteurs
évoquées continueraient d'orienter les comportements des
électeurs. Ainsi, certains électeurs choisiraient leurs
candidats non sous l'influence des nombreux dons qu'ils auraient reçus
mais surtout par loyauté.
Les promesses non tenues
s'empilent après chaque élection, car la plupart des partis
promettent ce qu'ils ne peuvent pas réaliser. « Les promesses
non tenues développent chez l'électeur en général
un sentiment qui se résume à la résignation, à la
revanche (le vote sanction), ou au dégoût pour la
politique144(*) ». Certains se résignent dans la
mesure où ils en viennent à la conception selon laquelle la
politique n'est qu'un gros mensonge. L'agent social dans cette logique
accomplirait son vote comme un simple devoir citoyen et s'intéresse peu
aux discours politiques. Certains, déçus par les hommes
politiques, attendraient les moments d'élections pour se venger en
attribuant leurs voix à l'adversaire politique. Braud145(*) abonde dans ce sens,
affirmant que « d'autres électeurs, politisés ou non,
verront dans le geste électoral le moyen de libérer une
agressivité nourrie de frustrations accumulées, d'origine
sociale, professionnelle ou même privée. Ils s'en prendront
à des boucs-émissaires en émettant un vote de rejet des
sortants, voire de la classe politique elle-même ou bien, ils
soutiendront le parti ou le leader diabolisé par les médias et
les autres formations politiques ».
Bon nombre
d'électeurs voient le vote comme un simple moyen de légitimation
politique. Autrement dit, les élections ne tiennent jamais la promesse
d'alternance qu'ils auraient tant rêvée. Ceci conduit au
développement de l'abstentionnisme électoral dont son
évolution met en péril le devenir démocratique. La courbe
ci-dessous donne l'évolution de l'abstentionnisme depuis les
élections de 1960 à celles récentes de 2007.
Courbe évolutive
du taux d'abstentionnisme au Burkina Faso (1960-2007)
Quand
on observe la courbe de l'évolution du phénomène depuis
les premières élections, le taux d'abstentionnisme est
passé de 1.65% aux élections présidentielles de 1960
à 50.88% aux élections municipales de 2006. Une évolution
en dent de scie caractérisée par un point culminant de 70.72% aux
présidentielles de 1991. Kiéma met en lumière les causes
et les conséquences de ce phénomène sur la
démocratie. Observant sa manifestation et son évolution au
secteur 27 de Ouagadougou, il note que 75% de la frange de 18-27 ans, et 59%
des populations de plus de 48 ans se sont abstenues146(*). Ce phénomène
réduit de toute évidence l'influence effective des dons car
certains abstentionnistes ont aussi reçu les dons mais ne sont pas
allés voter.
En somme, les promesses
non tenues créent chez l'électeur de nouveaux types de rapports
avec le champ politique, pouvant aller de la méfiance au rejet. Dans
l'ensemble les comportements qui émanent de cette situation ne
favorisent pas l'impact effectif des dons. En effet, l'individu ne vote plus
sur la base de ce qu'il reçoit mais surtout sur l'effet d'une
frustration. Cette agressivité orienterait soit ses choix s'il vote soit
son retrait du jeu s'il s'abstient.
Des limites objectives
existent concernant l'impact des dons sur les comportements des
électeurs. Malgré la marchandisation des relations sociales, les
mobiles d'actions des électeurs ne sont pas toujours justifiables par
des calculs de maximisation du profit. Produit d'un environnement social,
l'électeur ne peut définitivement ignorer les exigences de ce
milieu. Ainsi, les facteurs sociologiques, les multiples promesses non tenues
des candidats aux élections antérieures entraînent une
constante reconfiguration des options ou choix de l'électeur.
Chapitre II. La contribution des dons à
l'institutionnalisation de la démocratie
La construction
démocratique est un processus caractérisé par des moments
de balbutiements indispensables à la consolidation du système,
c'est à dire son institutionnalisation. Entrés dans le jeu
démocratique sous l'impulsion du discours de la Baule, les Etats
africains n'ont pas tardé à découvrir les énormes
difficultés qui les attendaient. Parmi ces grandes questions qui minent
cette jeune démocratie africaine, il y a le financement des
activités politiques. Face à ces préoccupations, quel
rôle pourraient jouer les dons pour faciliter l'ancrage de la culture
démocratique ? Les dons dans l'ancrage du processus
démocratique (Section I) et leur apport dans la formation (sectionII)
feront l'objet d'analyse dans ce chapitre.
Section I L'importance des dons dans l'ancrage de la
démocratie
L'importance des dons dans
la construction de la démocratie pourrait se mesurer à travers
leur utilisation comme mécanisme de financement des activités des
partis politiques (§1) et la valeur que le champ électoral leur
confère (§2).
§1- Les dons comme mode de financement des
partis politiques
La loi
n0 012-2000/AN du 02 mai 2000, modifiée par la loi n0
12-2001/AN du 28 juin 2001, conformément à l'art 13 de la
constitution, dispose en son article 1 que :
« les partis politiques ont la mission constitutionnelle de
concourir à l'animation de la vie politique, à l'information et
à l'éducation du peuple ainsi qu'à l'expression du
suffrage». L'atteinte de ces missions assignées aux partis n'est
possible que si ces derniers sont mis dans les conditions idoines. Dans cette
optique, la même loi dispose en son article 2 que : « dans
l'exécution de leur mission, les partis politiques
bénéficient de financement public dans les conditions
fixées par la présente loi ». Aucun parti politique ne
peut fonctionner normalement, c'est-à-dire en jouant le rôle qui
lui est dévolu, sans un minimum de moyens.
Il faut cependant noter
que le financement public tel qu'il est accordé est insignifiant pour
assurer la vie des partis. Les sommes débloquées par l'Etat dans
le cadre du financement public des partis ont connu certes une évolution
mais elles restent très réduites pour être la seule
véritable source de financement des partis. Selon le comptable du
PDP/PS, le financement de l'Etat est passé de 200 millions à ses
débuts à 500 millions en 2006. On peut remarquer que la
répartition de ce financement public offre aux trois partis ayant obtenu
chacun 5% des suffrages la somme à partager de 50 millions et seulement
50 millions sont répartis entre l'ensemble des partis. En
somme, pour le fonctionnement, les partis ont reçu chacun la somme
de 694 444 francs147(*) tandis que pour le simple entretien de leurs
sièges, le PDP/PS et le MPS/PF dépensent respectivement 400
milles francs et 175.000 par mois.
Selon
P.E. du MPS/PF, les activités prévues par son
parti coûteraient 450 milles francs le mois mais l'insuffisance de
financement rend ce programme irréalisable. En effet, ce parti a dans
son programme d'activités hors campagnes une sortie par mois vers les
structures décentralisées budgétisée à
hauteur de 100 milles francs. Cette activité n'a jamais
été respectée. De l'avis de P.E. du MPS/PF,
« C'est une situation propre à tous les partis sauf le CDP.
Par exemple après son succès aux élections
présidentielles, législatives et municipales, il a initié
des sorties de remerciement à ses électeurs. Les autres partis
auraient aimé faire ces mêmes tournées, car même
s'ils ont échoué, ils devraient remercier leurs fidèles
électeurs afin de garder le contact pour les combats à
venir ». Face à la faiblesse du financement public, les partis
ne peuvent croiser les bras et attendre une solution miracle.
Pour palier cette
insuffisance du financement public, les partis attendent de leurs membres ou
militants des contributions diverses. Malheureusement, les partis ont non
seulement peu de membres fidèles mais aussi, ceux qui leur sont
fidèles ne paient pas toujours les cotisations ou contributions. Cette
assertion est confirmée par N.A148(*). Il souligne en
effet que : « les cotisations prévues ne rentrent pas
comme les partis le souhaitent. Cela s'explique sans doute par le fait que la
plupart des partis politiques ont des sympathisants et des admirateurs mais peu
de militants ».
P.E. du MPS/PF note que pour faire face
à cette situation, son parti ainsi que la plupart des partis politiques
burkinabè exercent un certain nombre d'activités lucratives afin
d'acquérir le minimum ne serait-ce que pour le loyer du siège.
C'est ainsi que certains partis rencontrés (RFI/PJB, MPS/PF, PDP/PS)
auraient développé des buvettes ou bars. Quelle que soit la
portée de ces activités, elles ne peuvent couvrir l'essentiel des
besoins de fonctionnement.
Hormis les
activités de fonctionnement, les activités de campagnes
électorales ont besoin de financement. En effet, sur les 500 millions
mis à la disposition des partis, 400 millions ont été
investis dans l'organisation des campagnes électorales. Ce financement
avait pour seul critère le nombre de listes pour le cas des
législatives. Certains partis d'opposition comme l'ADF/RDA, le PARIS, le
PDS, le RDEB, l'UNDD, et l'UNIR/MS, ont chacun obtenu à cet effet plus
de 20 millions environ pour les législatives de 2007. C'est le type de
financement par lequel beaucoup de partis politiques accèdent à
des sommes importantes. Mais ces sommes ne reflètent
véritablement pas la représentativité des partis. Nombre
d'entre eux ne sont pas dans certaines localités, mais ceux-ci
trouveront toujours des personnes dans ces milieux pour former des listes en
vue d'accéder au financement.
Si par ce canal des partis
se dotent d'une somme consistante pour les activités électorales,
dans le cas des élections présidentielles, les partis dont les
candidatures ont été validées ont reçu chacun la
somme de 7.692. 307 francs CFA après avoir déposé une
caution de 5 millions. En d'autres termes, les partis n'ont eu chacun
qu'environ 3 millions de francs si l'on extrait les 5 millions qu'ils auraient
déposé comme caution.
Il convient de signaler
que la loi sur le financement public n'autorise pas la réaffectation des
fonds. Ainsi, les fonds reçus pour les campagnes ne peuvent en aucun
cas, être utilisés à d'autres fins. En plus, toutes les
rubriques de dépense ne sont pas prévues dans les lignes de
vérification de la Cour des Comptes. Par exemple, les partis se sont
toujours plaints que l'institution de contrôle leur demande des
pièces justificatives pour des dépenses portant sur l'achat des
produits artisanalement vendus. C'est le cas essentiellement de la boisson, cas
du dolo très prisé par les populations et pour lequel les partis
déboursent d'importantes sommes. Selon P.E, il
débourserait pour le dolo, la somme de 20.000 Franc par meeting. Durant
les campagnes, où il est appelé à faire plusieurs
meetings, il dépenserait au minimum 40.000 francs par jour. A l'issue de
chaque meeting, les responsables des partis attribuent des billets aux
danseurs et à tous ceux qui y sont venus pour exécuter des
prestations. Bien que non pris en compte dans les lignes de dépenses
prévues par la cour des comptes, l'achat de boissons, les
« gestes » de reconnaissance pour les prestations des
acteurs sont des éléments structurant du champ social et
politique. Toutes ces dépenses dont il est fait cas sont plus
élevées lorsqu'elles sont effectuées à Ouagadougou.
Dans
l'impossibilité de trouver des pièces justificatives pour ces
catégories de dépenses, les partis devraient trouver ces moyens
ailleurs, par le biais d'autres canaux. Les partis peuvent-ils ne pas compter
sur les financements et les autres appuis (services) privés ? Les
dons venant d'autres acteurs politiques (partis amis), des opérateurs
économiques et de simples amis ou parents proches se présentent
dès lors comme un sésame pour pallier cette situation
d'insuffisance.
Bien qu'officieux ou
occultes, ces dons sont d'une importance capitale pour bon nombre de partis au
Burkina. En outre, les dons privés sont soumis à une gestion
flexible. Les ressources qui en découlent peuvent être en effet
réaffectées dans d'autres domaines ou activités. C'est
ainsi que les dons reçus dans le cadre des élections peuvent
être réutilisés pour le fonctionnement du parti
après lesdites élections. Il faut en effet noter que le manque de
flexibilité dans la gestion du financement public rend son exploitation
peu efficace. En effet, certains partis auraient aimé réserver
une partie de l'argent obtenu pour les campagnes en vue d'assurer le
fonctionnement de leurs sièges et l'animation de la vie politique, mais
ils sont obligés de l'injecter totalement dans les dépenses de
campagne. Quels que soient les objectifs des
donateurs, les partis politiques dans le besoin semblent s'agripper à
leurs dons d'autant plus qu'ils ne trouvent aucune autre solution à leur
situation.
Le financement privé
paraît dès lors indispensable au fonctionnement des partis. C'est
dans ce sens que certains partis politiques que nous avons accostés
(CDP, PDP/PS, MPS/PF) ont souligné qu'il n'y avait pas lieu de
supprimer le financement public, qui est incontestablement vital pour les
partis. Ils reconnaissent, cependant la nécessité de l'encadrer
par des normes juridiques. Ces normes pourraient ainsi envisager un
plafonnement des dons privés et l'obligation de justifier leur
utilisation par des pièces comptables. Il est vrai que nous
reconnaissons les limites de l'encadrement juridique, mais laisser libre cours
aux partis de recevoir de toute part les dons et de les dépenser sans un
suivi consisterait à officialiser la corruption électorale.
§2- Les dons comme une exigence du champ
électoral
Tout porte à
croire qu'aujourd'hui, l'appât du gain a la primauté sur les
valeurs socioculturelles. Cette situation met en péril l'avenir et
l'héritage déjà affaiblis par de nombreux maux dont le
monde peine à se délier. La société semble avoir
atteint le summum de la déchéance. Les seules règles qui
gouvernent l'organisation sociale deviennent la nécessité, le
besoin en un mot l'impératif de survie.
La marchandisation des
relations sociales se présente comme une pseudo alternative à la
misère. Face à une société qui a perdu ses
repères, la famille africaine en générale et Ouagalaise en
particulier n'échappe pas à la désorganisation et à
l'effritement de ses valeurs primaires (solidarité, humanité,
amour, parenté etc.). L'individualisme semble avoir atteint son
paroxysme et s'est même érigé en valeur sociale. Bien que
critiqué et remis en cause par les principes moraux ou religieux, ce
phénomène va grandissant et contribue à
désacraliser les règles qui régissaient la vie sociale.
La politique comme nous
l'avions déjà relevé se pratique dans le champ social et
de ce fait, est touchée par ce phénomène de
« changement social149(*) » dans les rapports des acteurs. Ces
changements étant caractérisés par la tendance à
placer les intérêts économiques individuels
immédiats au dessus de l'intérêt collectif. Les
interactions sociales ou politiques entre agents sont dans ce contexte
contrôlées et orientées afin de produire des gains
économiques ou symboliques (prestige ou influence, reconnaissance et
considération sociale).
Au regard d'une telle
réalité, la pratique politique exige un minimum pour attirer
l'attention de cette population croupissant chaque jour dans une pitoyable
situation. P.E s'inscrit dans cette optique en soulignant que
« les partis qui n'ont aucun moyen pour accrocher l'électorat
seront confrontés à d'énormes difficultés pour
jouer les rôles qui sont les leurs, puisque les gens n'écoutent
pas les bavards, ils veulent du concret». Le concret étant tout ce
qui, dans l'immédiat, leur permettrait de répondre à leurs
besoins quotidiens. Poursuivant dans la même lancée, W.L
du PDP/PS explique que dans un arrondissement de Ouagadougou
(Boulmiougou), alors que son parti était en train de délivrer un
discours, il aurait surpris certaines populations se plaignant en ces termes :
« cet homme parle trop, nous on veut manger ». C'est en
fait une lapalissade, puisqu'il y a dans les masses, qui viennent
écouter les discours, peu de personnes accrochées aux programmes
que présente le messager. En outre, vu l'analphabétisme criard,
on distingue peu de personnes capables de comprendre le programme des partis.
En plus, un adage populaire dit que « ventre affamé n'a point
d'oreilles ». Le discours programmatique serait illusoire devant une
population qui réclame et attend impatiemment qu'il termine pour se ruer
sur le messager ou ses émissaires dans la seule intention de ne pas
rentrer bredouille.
Selon
Banégas150(*), il
n'y a pas lieu de s'étonner car « la consolidation
démocratique et la subjectivation citoyenne s'opèrent
paradoxalement dans le creuset des logiques clientélaires et dans la
matrice plus générale de « la politique du
ventre ». Par exemple, malgré le fait que les dons soient
perçus comme des sources de motivation des choix de certains
électeurs, seulement 16 personnes soit 40% des enquêtés ont
souhaité leur suppression dans les campagnes électorales. 60% des
populations rencontrées estiment qu'on ne peut plus faire des campagnes
sans dons au Burkina. Cela témoigne de tout l'intérêt
qu'accordent les populations aux dons électoraux.
La quête de l'ancrage
démocratique ne peut ignorer les questions récurrentes de
subsistance qui se posent et se transportent sur le champ politique. Elle
devrait les intégrer afin d'atteindre les résultats
escomptés. En effet, 26 personnes dont 14 hommes et 12 femmes soit au
total 65% des enquêtés (Cf. tableau n0 16 en
annexe) estiment que de plus en plus, les dons sont exigés
par les électeurs. Si à l'origine ce sont les partis politiques
qui ont initié ce phénomène dans le champ
électoral, de nos jours, les partis sont obligés de donner pour
avoir des gens à leurs meetings, en d'autres termes pour mobiliser les
électeurs. Au regard de cette situation, il conviendrait
d'éduquer les populations à y faire face sans se laisser
influencer (cf. tableau 18 en annexe).
Les acteurs politiques seraient pris dans leur propre
piège à travers leur tentative de conquérir
l'électorat. Habitués au système du « don
électoral », les électeurs le réclameraient
d'eux-mêmes comme condition de leur engagement politique. Le don
apparaît dès lors comme un moyen d'aliénation, de
consolidation mais aussi de déstabilisation des liens entre les acteurs
politiques et les populations. Il jouerait le double rôle inclusif et
exclusif. En effet, « il se développe des mécanismes
d'incorporation et d'exclusion des individus des groupes ethniques dans la
sphère d'influence151(*) (...) ». Dans ce jeu, le parti ou le
candidat qui ne veut pas être marginalisé ou exclu de la zone
d'influence ne peut que faire des offres alléchantes. Le don
s'imposerait donc aux acteurs politiques, car il leur permet de se maintenir
sur le champ politique, d'acquérir le respect et la reconnaissance des
populations.
De l'avis de S.T152(*) du PDP/PF : « la recherche
de la reconnaissance sociale est la première étape qui permet
à l'homme politique de jauger sa popularité et ses chances de
succès. Mais celle-ci a un coût et se paie à travers les
irruptions spontanées de certaines populations dans le siège du
parti ou à domicile chez le responsable politique. Ces populations
viennent le plus souvent avec soit une ordonnance en main, soit pour exposer un
problème social et elles espèrent repartir
déchargées de leurs fardeaux ». Hormis cet aspect dont
il est fait cas dans cette analyse, il faut noter les demandes qui sont souvent
déposées par les différentes associations du secteur ou
du quartier dans les sièges des partis et souvent en famille chez les
hommes politiques. Comme le relève Z.R. de la CFD/B,
« les populations peuvent toujours te critiquer, ils viendront
réclamer de toi une contribution pour telle ou telle activité
dans le quartier. Si tu refuses alors, elles t'écartent pour un autre
parti. On peut dire que les campagnes ne sont jamais terminées à
Ouagadougou».
Les campagnes électorales continueraient donc
au-delà des dates officielles non plus pour remporter un quelconque
siège dans l'immédiat mais surtout pour préparer les
scrutins à venir. Les partis politiques doivent à ce titre
toujours disposer d'un minimum qui leur permette de créer un capital
social propre, lequel semble indispensable pour leur positionnement
stratégique. Le rôle des élus, des hommes politiques ou
des acteurs à la conquête du pouvoir se transformerait dans les
périodes post électorales à une redistribution constante
des ressources en vue de préserver leur chance d'être
réélus.
Les partis peuvent-ils compter sur les cotisations de leurs
membres ou sur les bénéfices des quelques rares activités
qui, du reste, sont insignifiantes pour atteindre cet objectif ? La
sagesse ne voudrait-elle pas qu'ils cherchent des voies de sortie ? La
seule porte rentable et moins contraignante semble le recours aux
contributions, aux appuis ou aux aides privés que nous retrouvons dans
la notion de don.
Les dons s'imposent non seulement pour assurer la
représentativité du parti ou sa présence sur la
scène politique même durant les périodes hors campagnes
mais ils se présentent en outre comme un moyen de mobilisation sans
lequel nombre de partis se verraient rejetés. En effet, ancrées
dans les allégeances identitaires, les populations pourraient choisir de
ne s'intéresser qu'aux partis dans lesquels ils ont des proches parents,
des membres du cercle ethnique, régional ou religieux. Les dons
confèrent dès lors l'avantage à tous les partis
d'être sur la scène et d'obtenir une bonne audience auprès
des électeurs. Certains électeurs attirés par les gains
qu'ils peuvent avoir avec les partis, transcenderaient les liens de
parenté et d'alliance au profit des intérêts
immédiats. Du reste, la marchandisation des relations sociales, les
exigences des électeurs et les nécessités de mobilisation
face à la faiblesse de financement public, rendent les dons
privés ou occultes indispensables pour la majorité des partis sur
la scène politique.
Section II. L'apport des dons dans la formation du citoyen
Les dons comme nous
l'avons développé, constituent une manne à la fois pour
les électeurs et pour les partis politiques. Ces derniers en ont besoin
pour assurer leur présence effective sur le champ politique, pour
faciliter la transmission de leurs messages et surtout pour gagner la confiance
de la grande majorité de l'électorat, encore grippée aux
gains. Dans cette section nous développerons l'importance des dons dans
l'organisation des activités de formation (§1) et son rôle
dans la promotion de la participation citoyenne (§2).
§1- De
l'organisation des activités de formation
Les scrutins sont les
moments d'apprentissage et de formation, en un mot de socialisation des
citoyens. C'est pendant ces moments que les populations se frottent aux
questions politiques qui leur semblent parfois étranges, incomprises et
insensées. Ils augurent aussi des occasions inédites pour
assurer la transmission des valeurs démocratiques cardinales et les
rudiments de la culture politique. Cependant le rôle des
partis consacré par la Constitution en son article 13 est
de concourir à l'animation de la vie politique, à
l'information et à l'éducation du peuple ainsi qu'à
l'expression du suffrage. Les partis n'étant pas que des machines
électorales, ils ne peuvent attendre les campagnes pour accomplir la
mission qui leur est dévolue par la loi fondamentale. Elle devrait
s'inscrire dans leurs actions quotidiennes. Toutes choses qui impliquent des
besoins de financements.
Selon Braud153(*), les partis sont des
organisations stables, qui mobilisent les soutiens en vue de participer
directement à l'exercice du pouvoir politique central. Dans leur
tentative de conquête, la place de la formation de l'électorat est
d'une importance capitale. C'est pourquoi, les partis initient certaines
activités comme les ateliers et les séminaires de formation.
Bagoro dit à cet effet que les partis doivent avoir d'importantes
activités dans les phases pré ou post-électorales car
l'intervalle entre deux élections s'il est judicieusement
exploité, peut être profitable à un parti154(*). Ces activités
empêcheraient la rupture du contact entre les partis ou leurs leaders et
la population.
Du point de vue
théorique, les statuts de certains partis prévoient des
activités de formation de leurs membres. La plupart des activités
exécutées annuellement tournent cependant autour des rencontres
habituelles d'échanges entre les membres du bureau politique national.
En somme, les textes des partis prévoient des conseils trimestriels, des
congrès chaque trois (3) ans et bien sûr des rencontres de
sections. Ce sont en général les membres du secrétariat
exécutif national, quelques délégués (des jeunes et
de femmes) ainsi que les représentants des sections provinciales ou
régionales qui participent aux conseils trimestriels. Pour les
congrès, tenus pour l'ensemble chaque trois ans, ce sont les membres du
bureau exécutif national, les délégués de femmes et
d'enfants, les représentants provinciaux ou régionaux et
départementaux qui y prennent part.
Les appellations varient
selon les partis, mais dans l'ensemble, les activités qu'on retrouve
dans les statuts des partis sont : les conventions (CDP, MPS/PF), le
conseil national (tous les partis au moins une fois/an), l'université
d'été (CDP) les congrès (tous les partis) chaque trois
ans, etc.
En clair, seuls les
militants engagés dans les bureaux centraux ou dans les sections
prennent part aux rencontres ci-dessus énumérées. Ce sont
des cadres d'échanges, de formations ou de renforcement des
capacités des leaders. Concernant les activités qui favorisent la
formation des citoyens, on note les journées parlementaires, les
séminaires, conférences et ateliers.
Les journées des
groupes parlementaires ont souvent été l'occasion où les
élus des partis rencontrent leurs militants. Les invitations pour ces
journées parlementaires ne concernent que les militants des
localités où se tiennent les journées. Cette
activité, financée par l'Etat, contribue à la formation
des citoyens. Les partis exploiteraient cette seule occasion pour se rapprocher
de leurs électeurs.
Du reste, les
activités de formation citoyenne prévues par les partis sont peu
nombreuses et malgré tout, elles ne sont pas exécutées.
Elles sont entre autres, les conférences, les séminaires et les
ateliers. Ce sont des activités qui devraient être
financées par les partis eux-mêmes, ce qui rend difficile leur
faisabilité. Les rares conférences faites sont des
conférences de presse pour éclairer une question ou
répondre à une situation de crise. Les ateliers et
séminaires sont très rarement tenus. Pourtant ce sont les
principales activités qui peuvent concourir à la formation du
citoyen. Comment expliquer que malgré leur importance, ces
activités semblent être délaissées au profit de
simples réunions de bureaux?
De l'avis de Bagoro,
« les partis politiques burkinabè semblent oublier qu'en
démocratie, le pouvoir se conquiert quotidiennement par le travail de
terrain long et patient 155(*)». Les partis ignorent-ils vraiment ce
rôle ou n'ont-ils pas les moyens nécessaires à son
accomplissement?
Selon certains dirigeants
politiques, les partis auraient chacun un programme annuel dûment
élaboré. Mais, dans la pratique, il ressort que peu
d'activités prévues sont réalisées chaque
année. La raison principale étant que les partis se retrouvent
souvent dans une situation financière inconfortable. Comme nous l'avions
déjà souligné, pour leur fonctionnement durant
l'année 2007, les partis ont reçu chacun une somme modique. Cette
somme comme on peut le constater, est très insuffisante pour assurer
l'entretien des sièges des partis encore moins leur permettre
d'organiser un atelier de formation. Aussi, il faut noter le fait que la
plupart des partis ne possèdent pas encore de ressources propres.
Comment pourrait-il en être autrement quand le peu de membres ne peuvent
honorer leurs cotisations ? Selon N.S :
« de nombreux membres de partis ne se sentent pas encore responsables
de la situation de leurs partis. La preuve en est qu'ils continuent de penser
qu'ils viennent aux rencontres des partis comme les meetings pour soutenir les
leaders politiques. Ils attendent de ce fait tout de leurs leaders.156(*)». Abondant dans ce
sens, P.E. du MPS/PF explique que pour organiser un meeting
à Ouagadougou, les partis doivent louer des cars pour convoyer les
populations des quartiers dans les lieux du meeting. Certains ne viendraient
pas d'elles mêmes, si aucune action de motivation n'a été
prise. Il faut remarquer que même certains élus des partis ne
s'acquittent pas des contributions prévues par les textes de leurs
partis. Ceci explique que peu de partis, (hormis les grands partis) arrivent
à jouer efficacement leur rôle puisque son exécution
implique des dépenses importantes.
La pauvreté des
partis politiques constitue un frein à l'enracinement de la
démocratie. En effet, toute activité tendant à socialiser
les électeurs c'est-à-dire leur inculquer des valeurs citoyennes,
coûte énormément et paraît irréaliste pour la
grande majorité des partis. L'Etat ne pouvant supporter seul tous les
financements indispensables au bon fonctionnement des partis, il appartient aux
différents partis de travailler à trouver les moyens pour
l'exécution de leur rôle de formateur. Cela est d'autant plus
fondamental puisque l'absence de formation effective des citoyens n'est pas de
nature à favoriser la consécration du processus
démocratique.
Il faut dire que la
formation n'est pas pour l'essentiel des partis une activité
réaliste, non pas pour des raisons de coûts seulement mais aussi
pour des raisons de ressources. Certains partis n'ont pas de ressources
propres, à mesure d'assurer une formation. Ainsi que le souligne
Z.R du RFI/PJB : «il y a des partis factices.
Ils n'ont pas de siège véritable, et même quand ils en
disposent, la secrétaire est la femme du président du parti. Leur
bureau politique est aussi artificiel. On a constaté que pour certaines
réunions où les partis sont convoqués, c'est soit le
président, soit sa femme qui vient ». Dans ces conditions de
manque crucial de ressources humaines, certains partis ne peuvent assurer
d'eux-mêmes une formation. Il est évident que si la formation est
assurée par les ressources des partis, elle leur reviendrait moins
coûteuse. Mais l'absence de ressources exige qu'ils fassent recours
à des formateurs externes, ce qui est plus coûteux pour les
partis. Or, il n'est pas certain que ces formateurs extérieurs aux
formations politiques, épousent ou respectent la ligne
idéologique de ces dernières.
Soulignons aussi que les
logiques sournoises qui sous-tendent la création de certains partis au
Burkina pourraient expliquer qu'ils ne mettent pas l'accent sur la formation
des citoyens. Puisque ceux qui les ont créés ne visaient que les
ressources, il n'est pas étonnant que ce qui les préoccupe soit
premièrement la recherche des moyens d'accès à celles-ci.
La formation tendrait à éclairer les populations et à les
sortir des cadres de simples maillons exploitables (de bétail
électoral), ce qui n'est pas de nature à favoriser la
réalisation des rêves de ceux qui ont créé leurs
partis. Il ne faudra pas incriminer tous les partis, car il en existe qui ont
été créés dans l'objectif de mener une lutte
franche pour la conquête du pouvoir. Ces derniers sont conscients de leur
rôle combien important dans la construction démocratique et ils
s'évertuent malgré leurs moyens assez limités de le
remplir pleinement.
Somme toute, peu de partis
arrivent à exécuter des activités de formation
destinées aux citoyens (leurs militants). La raison majeure
avancée est pour l'essentiel la question de ressources
financières. Mais on pourrait ajouter le problème de ressources
humaines et même d'objectifs pour certains partis. Il apparaît
cependant qu'il ne peut avoir de démocratie véritable sans une
réelle formation des citoyens à la maîtrise et à
l'accomplissement de leurs devoirs civiques et politiques. Un citoyen accompli
(qui joue pleinement son rôle dans la cité) participera sans doute
à la construction et à l'enracinement de la démocratie.
Les activités menées par la majorité des partis politiques
impliquent beaucoup les membres des bureaux politiques, ce qui ne participe pas
à la formation des citoyens. Or, la participation des citoyens à
la vie politique est exigée par ce qu'elle est indispensable à
l'instauration d'une véritable démocratie. Le recours à la
réglementation ne pourra à lui seul venir à bout de la
corruption électorale que pourraient conduire les multiples
« dons électoraux ». Il est nécessaire de
recourir à des actions de sensibilisation, d'information, lesquelles
actions se retrouvent dans la formation. Il est aussi nécessaire que des
stratégies et des moyens soient trouvés pour favoriser une
participation citoyenne.
§2- La promotion
de la participation citoyenne
Le concept de
participation est souvent suivi de certains adjectifs comme politique ou
citoyenne. Pour Braud, la participation politique peut se définir comme
un ensemble d'activités, individuelles ou collectives, susceptibles de
donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du
système politique. Dans les régimes démocratiques
où cette norme est érigée en valeur fondamentale, elle est
associée au concept de citoyenneté157(*). L'idée de
participation exprime l'exigence d'une implication effective dans les affaires
publiques. Le citoyen est un membre d'une communauté politique
(Cité, Etat), c'est « un individu jouissant, sur le territoire de
l'Etat dont il relève, des droits civils et politiques 158(*)». La participation
citoyenne est dès lors l'acte par lequel le citoyen prend part aux
activités qui lui permettent d'accomplir ses droits et ses devoirs.
Dans le jeu démocratique, l'exécution de telles actions permet au
citoyen de s'émanciper et d'être
« domestiqué ».
Le citoyen
émancipé est celui qui s'est débarrassé des
allégeances identitaires, celui qui arrive à surpasser ses
attaches socioculturelles en faisant prévaloir librement ses devoirs
civiques. Le citoyen domestiqué est celui qui, grâce à la
socialisation reçue, a pu dompter ou neutraliser les comportements
déviants dont l'incivisme à tous les niveaux. Un citoyen qui a
toutes ces qualités ne peut s'obtenir que lorsqu'il participe au
processus de socialisation politique composé de pratiques dans
lesquelles s'inscrit le vote. Les élections constituent donc l'une des
périodes indispensables dans le processus de formation du citoyen.
Selon Loada, cité
par Bagoro, la fréquence des élections depuis 1991 semble
inculquer dans les moeurs des populations burkinabè une sorte de
« routinisation des procédures
électorales 159(*)». L'habitude qui se crée par le biais de
ces élections est une nécessité pour amener les
populations à s'intéresser à la pratique
électorale. Nul ne doute que ces répétitions de l'acte
électoral dont bénéficient les populations servent de
moyen de renforcement de la citoyenneté toujours balbutiante dans les
sociétés comme celle de Ouagadougou.
L'installation progressive
des pratiques électorales ouvre certes une page glorieuse pour la
maturité voire la consolidation de la démocratie, mais, nul n'est
besoin de souligner combien ces élections sont coûteuses pour les
Etats africains. Leur mise en oeuvre technique impose assez de sacrifices
surtout financiers non seulement pour les Etats mais aussi pour les partis
politiques majoritairement pauvres. Ces partis doivent en effet convaincre les
citoyens par des pratiques distributives ou utiliser tout autre moyen afin de
les stimuler au vote.
Ainsi, la contribution du
citoyen à la vie politique de la cité semble ne plus être
un devoir mais un acte banal par lequel il peut soutirer des faveurs et des
biens matériels ou symboliques. Cette banalisation du
phénomène électoral au profit des intérêts
mesquins et individualistes (comme les questions alimentaires) réduit
toute la portée qu'il aurait pu revêtir pour le citoyen. Cette
conception ou appréhension des élections s'est non seulement
généralisée mais aussi, elle semble s'instituer et
orienter les comportements des électeurs.
Si dans certains Etats
comme le Bénin, des mesures tendant à protéger les
élections ont été prises contre ces tares, au Burkina
Faso, il n'existe pas de nos jours des données sur une quelconque
tentative d'encadrement dans ce sens. Cependant, ainsi que souligne un journal
de la place : « le fait de donner 1000 F ou un sac de riz à
quelqu'un en lui disant de voter pour vous, devient un comportement qui
s'insère dans les habitudes des populations qui voient maintenant dans
les élections, un moyen pour elles de capter la manne électorale,
sachant que par la suite il n'y aura plus rien 160(*)». On assiste ainsi
à l'apparition d'un type de citoyen, qui attend uniquement une
période spécifique de la vie politique (les élections)
pour s'y introduire et atteindre ses desseins inavoués. Il est par
ailleurs prêt à se retirer du champ politique quand
s'achèvent les moments des élections. C'est dans ce sens que
s'inscrit cet argumentaire : « on sait qu'après les
élections, les hommes politiques n'ont plus affaire à nous. En
plus, on n'a plus rien à gagner avec eux. Pendant les périodes
mortes (périodes situées entre deux élections), on oublie
la politique et on se repose en attendant les échéances futures
pour sortir les amadouer et manger161(*)».
Le citoyen qui se développe sous l'action des
dons, foisonnant sur le champ électoral contribue t-il réellement
à l'ancrage de la démocratie ? Pour S.M.162(*) (dont le parti
semblerait opposé aux financements public des partis), les dons
électoraux quelle que soit leur provenance sont une véritable
menace pour la démocratie. Les partis comme les citoyens en deviennent
très dépendants et il est évident que les objectifs
premiers de la participation à la vie politique en prennent un
sérieux coup.
S'il est vrai que le rôle sacré des
partis politiques est d'assurer l'animation de la vie politique et la formation
du citoyen, il demeure que les moyens utilisés par les partis pour
atteindre ces objectifs sont loin de favoriser l'appropriation des valeurs de
la citoyenneté par les populations. Les élections n'étant
plus perçues par la plupart des électeurs comme un devoir mais
comme un moyen de « manger l'Etat »selon l'expression de
Bayart, les institutions qui en découlent ne sont pas de nature
à favoriser l'instauration d'une véritable démocratie.
Puisque ces institutions ont été mises en place sur la base des
relations clientélaires, de la corruption et sous l'effet de la
soumission aux allégeances identitaires, elles ne peuvent être ni
représentatives, ni efficaces. A cet effet, Loada et Ibriga163(*) soulignent que de telles
pratiques affectent la qualité de la représentation en
favorisant l'élection des gens médiocres et corrompus. Or, comme
ils le reconnaissent, « des élections corrompues
entraînent fatalement des dirigeants corrompus ». Il est aussi
à craindre que des dirigeants qui ont été amenés au
pouvoir par des pratiques antidémocratiques perpétuent de telles
actions et forment les citoyens de demain dans ce même moule.
Il en découle que le type de citoyen qui se
développe met en péril la visée démocratique, car
il n'y a pas de démocratie sans participation citoyenne. Or, en
l'état actuel des choses, les logiques qui sous-tendent la participation
des populations aux élections n'expriment pas la maturité de
leur citoyenneté. En effet, selon Z.R du RFI/PJB,
« l'électeur burkinabè est devenu un être
manipulé et sans âme car l'usage des dons ne lui permet pas
d'avoir un choix légitime ». Dans le même sens, W.L du
PDP/PS remarque que « tant que l'électeur burkinabè
sera considéré par les partis politiques comme un bien à
acquérir, c'est-à-dire, une marchandise que seul le plus offrant
peut avoir, il ne sera jamais un citoyen». Tout porte à croire
que les partis sont les seuls responsables du type de citoyen qu'ils ont en
face d'eux. Il n'est certes pas aisé de remettre en cause une telle
analyse, mais il convient d'observer que l'intérêt que porte
l'individu à la vie politique peut développer en lui des germes
de citoyenneté.
Le citoyen qui souhaite s'émanciper
n'attendra pas que tout lui vienne de l'extérieur ou des autres, ses
efforts dans la conquête de la culture civique et politique sont d'une
importance capitale pour qu'il accède au statut de citoyen plein. Cette
vérité paraît inadmissible pour un citoyen qui voit dans
« la redistribution clientélaire une vertu civique, une
manifestation de l'accountability164(*) ». Il est nécessaire que des
mesures pouvant conduire à une socialisation politique effective des
populations, soient prises dans ce sens. Il pourra s'agir des moyens de
responsabilisation des citoyens et de valorisation du vote. Parmi ces mesures,
on peut citer la suppression des dons dans les campagnes électorales,
le plafonnement des dépenses et un encadrement juridique efficace des
élections dans tous ses aspects.
« Supprimer les dons permettrait aux partis
de développer leurs propres initiatives d'accès aux fonds de
financement et de mobilisation électorale dans les conditions saines et
honnêtes165(*) ». Mais la suppression dont il est
question ici concerne surtout toutes les offres que les partis font à
l'électorat. Elle comprend en outre les dons faits de manière
démesurée par certains opérateurs économiques aux
partis politiques et ce, en l'absence de tout contrôle. Il faut
cependant dire que la suppression effective des dons lors des campagnes
n'entraînera certainement pas la disparition des dons occultes.
En plus, au regard des besoins si importants des
partis pour pouvoir jouer le rôle qui leur est dévolu, la
suppression des dons faits par les opérateurs économiques aux
partis, n'est pas la meilleure des solutions. Par quels autres moyens les
partis pourront se doter des ressources nécessaires à leurs
activités politiques. Par exemple, seuls les grands partis, en
particulier le parti au pouvoir, peuvent avoir les moyens de se créer
des activités rentables à même de financer leurs
activités politiques. C'est dire que la suppression des appuis des
hommes d'affaires entraînera la disparition de certains partis.
Pour éviter cette situation, les dons qui quittent
l'électorat vers les partis politiques sont à encourager.
Les dons faits par les hommes d'affaires peuvent certes,
exprimer des formes de corruption des futurs dirigeants après leur
élection mais, ils peuvent aussi signifier une prise de conscience
citoyenne de la nécessité de participer à la vie
politique. Quel que soit le sens sournois que ces dons puissent revêtir
au fond, l'Etat peut les exploiter à l'avantage de la construction
démocratique. En effet, l'Etat pourrait par exemple créer des
conditions d'abattement des taxes pour les citoyens qui seraient prêts
à financer chaque année et avec une somme fixée les
activités des partis politiques. Cela veut dire que l'Etat
définit officiellement une somme (X) qu'un citoyen (homme d'affaires ou
autre) peut investir au compte des partis politiques pour
bénéficier d'un abattement de taxes relatives à ses
activités socioéconomiques. Cette somme pourrait être
collectée dans un compte spécial166(*) ouvert à cet effet
que l'Etat se chargera de repartir aux partis politiques conformément
aux dispositions qu'il aurait prises. Il faut souligner qu'une telle mesure est
aussi un moyen de formation des citoyens qui pourraient sans doute
découvrir un intérêt croissant pour la politique et un
engouement à contribuer à l'ancrage de la démocratie. Elle
pourrait faciliter l'action de socialisation politique à laquelle
devraient se donner les partis dont les moyens font parfois défaut. Nul
doute cependant que si des mesures ne sont pas prises, une telle aubaine
pourrait entraîner l'augmentation du nombre des partis politiques qui, du
reste est déjà élevé167(*). En outre, notons que cette
mesure pour être bénéfique aussi bien aux partis
qu'à l'Etat devrait être judicieusement étudiée pour
éviter ses impacts négatifs sur les recettes de l'Etat. Il
conviendrait certes de supprimer les dons que font les partis aux
électeurs (dont l'influence a été
démontrée), mais pour ce qui concerne les appuis divers des
opérateurs économiques, des mesures stratégiques devraient
être développées par l'Etat afin d'en tirer un avantage
pour faciliter l'institutionnalisation du processus démocratique.
Les dons ne sont donc pas, dans leur ensemble,
mauvais pour la démocratie si ceux-ci sont bien encadrés
(plafonnés lors de la réception et pendant les dépenses)
et si ceux qui les donnent, le font consciemment pour la cause de la
construction démocratique. Des donneurs galvanisés sont en
eux-mêmes des outils et des moyens de formation des citoyens car ils
pourraient sans doute entraîner d'autres citoyens à apporter leur
soutien aux partis. Mais il faut signaler que seul un usage de ces dons dans le
respect des règles établies pourrait non seulement susciter de
nouveaux donneurs mais aussi soutenir efficacement la construction
démocratique. De ce qui précède, un encadrement juridique
et un plafonnement des dons demeurent nécessaires pour éviter
toute dérive.
CONCLUSION
« Une
société n'est pas naturellement démocratique, elle le
devient si la loi et les moeurs corrigent l'inégalité des
ressources 168(*)». La démocratie doit donc être
conquise à travers un processus de socialisation politique dans lequel
les élections occupent une place de choix. Au fil des élections
que le Burkina a connu depuis l'avènement du processus
démocratique, le phénomène du « don
électoral » s'est érigé en fait marquant.
L'étude de ce fait social s'impose dès lors comme une
nécessité scientifique permettant de situer sa genèse, ses
causes et surtout ses conséquences sur la construction de la
démocratie. Construit social, le don a toujours existé dans les
sociétés humaines et servait à forger des relations,
à les maintenir en vue de faire régner la cohésion
sociale. Il contribuait à pacifier les rapports entre acteurs sociaux.
La pratique du don a connu une évolution au regard de son incursion dans
le terrain politique.
Les dons qui se
manifestent sur le champ électoral Ouagalais sont de plusieurs ordres.
On distingue les dons matériels et immatériels ou symboliques. Si
depuis 1978, ces deux types de dons ont été observés lors
des élections dans cette ville, c'est surtout à partir des
élections de 1992 qu'ils sont devenus plus prégnants. Il existe
des mécanismes bien construits pour assurer l'acheminement des dons des
partis vers l'électorat. Hormis la procédure de transmission
directe assurée par les dirigeants politiques, certains dons sont remis
aux électeurs par des intermédiaires. Ces intermédiaires
sont entre autres certains leaders d'opinion et des mobilisateurs
spontanés. Notons que certains intermédiaires s'érigent
par moment en donateurs. Il s'agit généralement des
opérateurs économiques qui, de plein gré, décident
d'affecter certaines de leurs ressources pour battre la campagne au profit
d'un parti qu'ils représentent.
Les « dons
électoraux » ne quittent pas seulement les partis vers
l'électorat, les partis en reçoivent aussi soit dans leurs
rapports avec d'autres partis, soit avec certains hommes d'affaires. Cette
attitude des partis s'expliquerait par l'insuffisance du financement public.
L'impossibilité de rassembler les cotisations des militants et des
membres du bureau politique national et l'absence d'activités rentables
pouvant permettre aux partis de financer leurs activités sont autant de
difficultés auxquelles les partis burkinabè sont
confrontés. Face aux sollicitations des populations lors des campagnes
et dans l'intention de maintenir les liens avec celles-ci durant les
périodes pré et post électorales, les partis se
trouveraient dans l'obligation de recourir aux financements occultes (dons).
Les dons
privés ne viennent pas seulement combler un besoin de financement des
partis, mais, ils servent aussi à satisfaire les objectifs
inavoués de leurs dirigeants. L'incapacité qu'éprouvent
certains partis à accomplir ces desseins les conduit dans la pratique
des alliances. Par ces coalitions, certains dirigeants politiques seraient
prêts à retourner leur veste pour souper avec leurs adversaires
politiques d'hier. En outre, les dons alimentent les rapports entre
l'opposition et le parti au pouvoir. Ce dernier est accusé de tentatives
de déstabilisation, de corruption des opposants et de capture de
certains partis d'opposition. Sans contester cette perception des choses, il
faut souligner que certains opposants sont les fossoyeurs de l'opposition. Ils
portent un masque, la nuit soupant avec le pouvoir et le jour clamant haut et
fort leur loyauté. Nul doute que le pouvoir puisse avoir une quelconque
responsabilité sur la situation chaotique de l'opposition, mais, l'on ne
saurait lui faire porter la faute tout seul, car les opposants ne sont pas
blancs comme la neige.
S'agissant de
l'influence des dons sur le comportement des électeurs, objet principal
de notre travail, il faut noter que le don n'est jamais le seul
élément de motivation du comportement des électeurs.
L'électeur Ouagalais, comme partout ailleurs, est soumis à
l'effet de son environnement social. Les analyses sociologiques ont toujours
montré le primat du social sur le comportement de l'individu, car tout
individu par la socialisation se conduit selon les codes de son milieu. Dans le
cas de Ouagadougou, les rapports sociaux sont encore et ce, malgré
l'urbanisation, influencés par les appartenances identitaires. Il s'en
suit que l'individu se réfère à ces normes
intériorisées dans ses choix. Dans cette logique, ses
comportements de quelque nature qu'ils soient, trouvent leur sens dans ces
valeurs. Notons en outre l'importance de l'instrumentalisation des leaders
d'opinion sur le comportement des électeurs. Nombre d'électeurs
restent soumis ou accrochés aux idées et aux analyses que font
leurs leaders d'opinion. Ces types d'électeurs sont inconstants et
irrésolus et peuvent être drainés par les leaders dans les
camps auxquels ils appartiennent.
Il serait
cependant aberrant de croire que l'individu n'a pas de marge de manoeuvre pour
faire des choix suivant des mobiles qui lui sont propres. C'est là un
vieux débat entre les partisans de l'approche holiste et ceux de
l'individualisme méthodologique. Tant il est vrai que le social exerce
une force transformatrice sur l'individu, il est tout aussi admis que parfois,
ce dernier dispose des possibilités d'opérer des choix libres. En
effet, comme le dit bien Crozier : « un agent, si dominé
soit-il, n'est jamais totalement dépourvu de ressources de pouvoir
susceptibles d'être exploitées dans la situation
vécue » 169(*). Loin de nous lancer dans ce débat
théorique, nous essayons de montrer que l'influence des dons sur les
choix électoraux mérite d'être relativisée. En
effet, certains électeurs portent leurs choix sur un parti
précis avant même que les campagnes ne soient lancées. La
présence d'un proche parent, d'un ami ou d'une connaissance quelconque
au sein de ce parti peut motiver ces choix. Dans ces cas précis, la
distribution de dons dont ils peuvent être bénéficiaires ne
changera pas leur objectif de vote.
On note
cependant, que d'autres électeurs plus sensibles aux dons, attendraient
de choisir le plus offrant des partis pour monnayer leurs voix. Le vote se
définit dans cette logique comme un canal pour assurer la transaction de
biens entre l'électeur et l'homme politique, car sous ses apparences
d'un acte noble, il couvre des systèmes de réseaux d'un
marché où seuls les gains gouvernent les décisions et les
engagements des acteurs. En somme, les dons sont des stimulants de vote pour
une certaine catégorie de la population. Leur influence est pourtant
réduite pour cette partie des populations qui reste encore soumise aux
allégeances identitaires. Or, vu l'analphabétisme accru et le
continuum rural urbain, la grande majorité de la population se retrouve
dans cette dernière situation. On note par
contre qu'il existe des électeurs capables d'opérer une analyse
programmatique, eu égard à leur niveau d'instruction
élevé et à l'habitude qu'ils ont développée
de prendre part aux scrutins. Ainsi, ces électeurs seraient mieux
outillés pour comprendre et bien analyser les programmes politiques que
proposent les partis afin de faire un bon choix parmi les candidats. Nonobstant
la maîtrise des programmes des partis par cette catégorie
d'électeurs, il faut remarquer que certains d'entre eux ne votent pas
toujours sur la base des programmes. Les liens d'appartenance et les relations
clientélaires sont aussi actifs sur cette partie de la population.
Dans le
processus de la construction de la démocratie, les partis devraient
s'investir dans la formation d'un type nouveau de citoyen
débarrassé de toute allégeance identitaire et comprenant
le sens réel de l'acte électoral. Ce citoyen
(émancipé et domestiqué) verra le vote comme un acte
conscient et civique et non comme un moyen de redistribution. La formation pourrait conduire à une prise de
conscience des effets nocifs que pourraient revêtir les dons
électoraux. Elle permettrait d'éviter l'institutionnalisation
de la corruption dans les moeurs et les habitudes. Mais une meilleure formation
du citoyen exige que les partis disposent de ressources humaines capables de
l'assurer. La multitude de partis qui se crée sans aucune base de
ressources humaines (des personnes pétries de compétence), ne
permet pas à tous les partis de jouer ce rôle, même s'ils
avaient le financement requis. Ils seraient tentés de rechercher les
formateurs ailleurs pour combler ce vide.
Il est impérieux que les partis aient en
première ligne l'objectif de former des citoyens et qu'ils oublient
leurs intérêts individualistes. C'est à ce titre qu'ils
pourront investir le peu qu'ils ont pour cette cause. Ensuite, il faut que des
règles soient créées pour encadrer les différents
dons et leur gestion afin de placer, tous les partis sur le même pied.
L'encadrement juridique actuel est peu efficient car, il ne prend pas en compte
certaines dimensions. Les partis politiques peuvent justifier les financements
occultes par le fait que la cour de compte ne prévoit pas dans ses
méthodes de vérification certaines dépenses qui leur sont
pourtant capitales. Il est de ce fait nécessaire de prévoir une
partie du financement public pour les dépenses (comme l'achat de dolo)
pour lesquelles les partis ne peuvent obtenir de pièces comptables. Si
l'encadrement paraît évident en théorie, dans la pratique,
il ne pourra donner objectivement les mêmes chances aux partis car,
ceux-ci n'ont pas le même capital politique. Les dirigeants des partis
n'ont pas les mêmes types de relations avec les milieux des affaires et
en plus les dons occultes sont difficiles à démasquer.
Malgré tous ces obstacles à l'assainissement du champ
électoral, l'encadrement juridique reste un moyen important
d'atténuation des écarts des moyens entre les partis et pour
pacifier le champ électoral.
Les
élections ouagalaises se présentent comme de simples fêtes
publiques où les offreurs politiques font la cour aux électeurs
sans se douter du type de citoyen qu'ils sont entrain de former à
travers les processus électoraux. Il est temps que les acteurs
politiques prennent des garde-fous pour éviter de conduire cette jeune
démocratie dans l'hécatombe de la corruption. Or, comme le
souligne le CGD : «la contrepartie que tirent les électeurs de
la corruption (gains) est le fruit de l'aliénation de leur
liberté et de leur citoyenneté »170(*).
Déjà, ce phénomène de la corruption
électorale prend de l'ampleur, mais l'avenir de notre démocratie
sera sans lendemains si les partis et les dirigeants politiques ne l'extirpent
pas du gouffre dans lequel elle est entrain de s'enfoncer. La suppression
totale des dons reçus par les partis serait une solution
prématurée bien qu'ils soient la cause de la corruption. Mais, il
serait plus judicieux de supprimer les dons offerts aux électeurs par
les partis comme cela se fait au Bénin. Ce qui veut dire que pendant les
campagnes et les élections, les dirigeants des partis ou les populations
ne seront pas autorisés ni à porter des pagnes ou gadgets
portant l'effigie des partis encore ni à partager publiquement des
cadeaux aux électeurs. Une telle situation offrirait une chance
égale aux partis face à électeurs et conduirait ces
derniers à opérer leurs choix sur la base d'une analyse
programmatique. Quant aux dons faits par les opérateurs
économiques aux partis, ils devraient être encouragés dans
des proportions acceptables et sur la base de mesures que pourraient
développer l'Etat. En d'autres termes, il s'agit de trouver des
conditions permettant à ces types de donneurs de continuer à
apporter leurs soutiens aux partis, tout en bénéficiant des
retombées positives sur leurs affaires grâce à un
abattement de leurs taxes.
Au terme de ce travail, signalons que notre
hypothèse a été confirmée car il a
été démontré que les dons ont une part d'influence
dans les comportements des électeurs à Ouagadougou. Ce
déterminisme lié aux dons et auquel seraient soumis les
électeurs, est cependant relatif. En effet, plusieurs autres facteurs
dont les pesanteurs sociologiques, les promesses non tenues, la présence
des observateurs lors des scrutins ainsi que les détournements des dons
auraient un impact sur les choix des électeurs. Ces facteurs constituent
dans une certaine mesure des freins voire des limites de l'influence des dons
sur les comportements des électeurs. En d'autres termes, les dons ont
une influence effective mais celle-ci ne saurait être le seul stimulant
des choix électoraux dans la ville de Ouagadougou.
Une approche plus large portant sur une taille
assez importante de la population aurait pu permettre d'accéder à
des données plus riches et plus étoffées pour
généraliser les résultats de cette étude. Somme
toute, cette recherche ouvre une perspective pour des réflexions futures
plus poussées sur les « dons électoraux ».
Elle pourrait en outre, être enrichie par une analyse comparative entre
la manifestation du phénomène en milieu rural et celle en milieu
urbain. De nouvelles perspectives intégrant une telle démarche
pourraient s'ouvrir pour d'éventuels travaux de recherche.
La politique est une
question passionnante dans un certain nombre de villes au Burkina Faso. On note
que dans les autres grandes villes (Bobo dioulasso, Koudougou et Ouahigouya)
elle est souvent vécue et exprimée sur fond de tensions. Dans
cette optique, un regard scientifique sur la manifestation des dons
électoraux dans ces principales villes du pays, permettrait de donner
une vue générale du rôle des dons dans la
détermination des comportements électoraux au Burkina Faso.
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des activités des partis politiques et des campagnes
électorales.
- L'arrêté conjoint n0
2007-33/MATD/MFB du 10 Avril 2007 portant répartition de la somme de
quatre cents millions FCFA, représentant la subvention de l'Etat
alloués aux partis politiques pour la campagne électorale des
élections législatives du 06 mai 2007.
- L'arrêté n0 2007-34/MATD/MFB du 10
Avril 2007portant répartition de la somme de quatre vingt dix neuf
millions neuf cent dix neuf mille neuf cent quatre vingt dix huit FCFA,
représentant la subvention de l'Etat allouée aux partis
politiques pour les activités hors campagne électorale au titre
de l'année 2007.
- L'arrêté conjoint n0
2005-0075/MATD/MFB du 20 octobre 2005 portant répartition de la somme de
quatre vingt dix neuf millions neuf cent quatre vingt dix-neuf mille neuf
quatre vingt onze francs CFA, représentant la subvention de l'Etat
alloués aux candidats à l'élection présidentielle
du 13 novembre 2005.
* 1R. Otayek, M.
Sawadogo, J.P. Guingané,., Le Burkina Faso entre révolution et
démocratie (1983-1993), Paris, Karthala, 1996, p52.
* 2Voir
« l'explication du vote dans les systèmes politiques en
transition d'Afrique subsaharienne. Eléments critiques des
théories symboliques et perspectives de
développement », M. Engueguele, CRAPP-CNRST/IRIC, vol 9,
paris, 2004. www.sciencespobordeaux.fr/vol9NS/arti2.html
* 3 Ce sont des
sociétés qui vivent dans des systèmes de clans, de tribus.
On les oppose généralement aux sociétés
hiérarchisées.
* 4 J.F. Bayart,
L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989,
p122.
* 5 B. Badie, G.
Hermet, La politique comparée, Paris, Armand colin, Dalloz, 2001,
316p. Ces auteurs soutiennent que les Etats en transition démocratique
sont marqués par le néo patrimonialisme développé
auparavant par des chercheurs comme Weber, Bayart. Ce phénomène
conduit les populations à « des comportements paroissiaux.
Dès lors l'individu choisit d'ignorer le pouvoir princier et les
institutions ». P 179.
* 6 P.
Zagré, Les politiques économique du Burkina Faso : une
tradition d'ajustement structurel, Paris, Karthala, 1994. Il souligne que
la débâcle des sociétés d'Etat dans les
années 1970 seraient due aux recrutements népotistes, aux
gratifications, aux nominations de complaisance à la tête de ces
sociétés de cadres incompétents sur des bases
politiques.
* 7 Dans :
L'ère Compaoré, Crime politique, et gestion du
pouvoir , publié en 2006 à Paris, Klanba
éditions, V. Ouattara fait une archéologie de la
démocratie burkinabè en s'appesantissant sur les crimes
commis sous la quatrième République. Il présente les
configurations et reconfigurations politiques, les luttes entre partis
politiques et l'organisation des différents scrutins.
* 8 .voir
« Entre l'intérêt et le don »,
Allemand, in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998,
p21.
* 9R. Guillien et
J. Vincent, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1999,
p202.
* 10 Voir
« Marcel Mauss, 1872-1950 la force du don », N. Journel.,
Revue sciences humaine n0 7, Mars 1997, p42.
* 11 C.L. Strauss, Les
structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton,
1949.
* 12 Voir
« La force du don », N. JOURNEL. in Revue, sciences
humaines n07, mars 1997, p43.
* 13 Voir
« Echange : sous le don, la dette », M. Alain,
in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998 p
28.
* 14 M. Alain, op.
cit. p 29.
* 15 M. Alain,
op cit. P30.
* 16A.. Socpa, op
cit. p2.
* 17 Socpa,
idem
* 18 PNUD,
rapport sur le développement humain, corruption et développement
humain, Ouagadougou, 2003, p 1.
* 19 PNUD, op
cit, p2
* 20 A.M-G. Loada
et L.M.Ibriga, Droit constitutionnel et institutions politiques,
collection Précis de droit burkinabè, Université de
Ouagadougou, PADEG, mars 2007, P464-465.
* 21 Voir, Rapport
du séminaire international sur « la corruption
électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou les
27 et 28 novembre 2003, p 1.
* 22 Voir
« Heurs et malheurs du clientélisme », M.
Caciaglia, et I. Kawata,Paris, Revue française de science politique Vol
51, n0 4, Paris, presse de la fondation nationale de sciences
politiques, Août 2001, p569-586
* 23 Il signifie
l'intermédiaire entre le centre (gouvernement) et la
périphérie (électeurs).
* 24Voir
« Clientélisme électoral au Bénin.
Résultats d'une étude expérimentale de
terrain », L. Wantchekon, in Perspective Afrique, n0
2, vol 1, 2005, pp155-169.
* 25Voir
« Entre l'intérêt et le don », S.
Allemand, in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998,
p21.
*
26 P.E. est
membre du bureau national du MPS/PF
* 27 B. Bagoro,
Démocratie et processus électoral au Burkina Faso,
mémoire de maîtrise Droit Public, Université de
Ouagadougou, FDSP, 1998-1999, p77.
*
28 K.A. est
actuellement conseiller municipal à la mairie centrale au compte du
CDP.
* 29 Entretiens
focus au secteur 27 et 29. L'année 1998 se caractérise par la
révision de l'article 37 de la constitution qui a ouvert grandement la
voie au Président sortant Blaise COMPAORE de se représenter. Le
groupe du secteur 27 formé dans le cadre de ce focus était
composé de 2 étudiants, 2 élèves, 2
commerçants, 2 enseignants et de 2 charretiers. Le groupe du secteur 29
était composé de 1 étudiants et 2 étudiantes, 2
professeurs de lycées et collèges, 3 commerçants, 1
technicien du froid et 1 vendeur de kiosque.
* 30 L'article 37 porte
sur la limitation des mandats présidentiels. A l'issue de sa
révision, le mandat présidentiel qui était limité
à 7 ans renouvelable une fois est passé en 1997 à 7 ans
renouvelable puis à 5 ans renouvelable une fois en 2000. La discussion
houleuse qui s'en est suivie entre les principaux partis de l'opposition et le
parti au pouvoir sur la rétroactivité des effets de son
application n'a pas empêché la candidature de Blaise
Compaoré.
* 31
N. A, conseiller régional CDP du centre et conseiller
de Tanguin Dassouri.
* 32Voir
« L'après-Zongo : entre ouverture politique et
fermeture des possibles », M. Hilger et J..Mazzochetti, in
Politique africaine, n0 101, édition Karthala, 2006, p9 et 10.
* 33 L. M. Ibriga
et A. Garané, Constitutions burkinabè, Namur, boland,
2001, p48.
* 34
Indépendant n0 705 du 13 mars 2007.
* 35
S.A. Membre du bureau national du PDP/PS
* 36 Ces subventions, si
nous tenons compte de la définition sociologique du don, peuvent
être classées comme des dons. En effet, l'Etat qui tend la main
attend du parti une contre partie qui est d'abord, le respect des règles
du jeu (leur utilisation judicieuse selon les lignes prévues). Celui
qui reçoit (le parti) se met dans les dispositions de rendre compte un
jour et de ne pas offenser le donateur (en transgressant les
règles).
* 37 L'Etat attend
de son don un impact sur la vie du parti et partant, sur la vie politique
tandis que le parti entent tirer parti pour faire passer un message et
conquérir le pouvoir de l'Etat afin de ne plus se sentir redevable
à ce dernier. Un autre enjeu est de prouver à l'Etat qu'il est en
mesure de gérer le peu qu'on lui donne pour mériter la confiance
de gérer le patrimoine étatique.
* 38 Avec la
personnalisation du pouvoir d'Etat, un responsable d'un parti
bénéficiaire est allé jusqu'à remercier le
Président Compaoré pour l'octroi de la subvention. Ce qui laisse
penser que le lien de dépendance apparaît aussi entre le
régime qui a permis l'octroi de la subvention et certains partis
bénéficiaires
* 39 Nous
entendons par petits partis, les jeunes partis, les partis nouvellement
crées ou même qui existent depuis des années mais qui n'ont
pas d'assises financières importantes. Les partis peu implantés
à l'échelle nationale avec un nombre limité de partisans
peuvent se retrouver dans cette expression de petits partis.
* 40
Z.R. est le président d'un parti politique. Ce parti
fait parti de la coalition CFD/B. Il fut candidat malheureux aux
législatives de 2007.
* 41 Boisson faite
à base de céréales (riz, petit mil etc.), très
prisée par la majorité des populations.
* 42« Le
grin » : Expression issue du djula, elle signifie d'abord une
réunion ou un groupe de personnes qui s'identifient par rapport à
un certain nombre de valeurs. Le grin est généralement
constitué par des jeunes. Ce sont selon J. Kieffer, des endroits
où des jeunes, souvent sans emplois fixes et célibataires, se
retrouvent chaque jour dans la rue pour « passer du
temps » autour d'un thé (Cf. Les jeunes des
« grins » de thé et la campagne électorale
à Ouagadougou, politique africaine, n0101, Paris,
édition Karthala, Mars-Avril 2006, p9)
* 43 O.L.
est un responsable de la mobilisation des jeunes pour le compte du
PAI à Boulmiougou.
* 44 Voir
« Les élections législatives burkinabè du 11
mai 1997 : des « élections pas comme les
autres » ? A.M-G. Loada, in politique africaine
n0 69, Paris, édition Karthala, mars 1998, p65.
* 45 Voir
« les dons dans le jeu électoral au
Cameroun », A. Socpa, in Cahiers d'études africaines,
n0 157, 2000, p14.
* 46 Voir
« Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation
démocratique au Bénin », R. Banégas, in
Politique africaine, n0 69, Paris, édition Karthala,
1998, p79.
* 47
P.E du MPSPF, membre du bureau politique national.
* 48Le propre du
don sociologique est la construction d'enjeux sociaux. Le donneur attend que ce
qu'il a remis produise des effets immédiats ou futurs. Un effet
fondamental est le contre don qui peut être actuel ou reporté
suivant une certaine temporalité. Durant le temps qui sépare le
don et le cotre don, le donneur espère des retombées tandis
que le « receveur » espère tirer au maximum partie,
tout en ayant conscience qu'il devrait un jour rendre la monnaie. Si l'on se
fonde sur la question d'enjeux sociaux qui se trament dans les interactions des
agents, les promesses sont bien des dons dans la mesure où elles
conditionnent, structurent et orientent les rapports des acteurs. Du point de
vue de la conception du don comme objet matériel, les promesses sont
une forme incomplète de don, car elles ouvrent la pandore de
l'espérance (en amont) et crée une certaine reconnaissance, mais
elles n'acquièrent leur complétude de dons que lorsqu'elles sont
accomplies (en aval). Il y a donc deux dimensions dans les promesses, elles ont
un impact immédiat qui consiste à produire l'espérance, et
un impact futur qui se produit lors de leurs réalisations
effectives.
* 49Voir
« vote et communautarisme au Cameroun. un vote de coeur, de sang
et de raison », H. L Menthong, in Politique africaine, n°
69, mars 1999, p49.
* 50Voir
« quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des
populations », Le pays n0 3848 du 13 au 15 Avril2007,
p31.
* 51
O.N. est un jeune diplômé en pharmacologie, il
est un responsable de la mobilisation du MPS/PF à Wemtenga
* 52 Voir
« Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation
démocratique au Bénin », R. Banégas, in
politique africaine, n0 69, Paris, Karthala, 1998, p84.
* 53 P.E.
est membre du bureau politique national du MPS/PF
*
54 S. A.
membre du bureau politique national de l'UNIR/MS
* 55 W.L.
est du PDP/PS, c'est un ex-candidat aux
législatives 2007.
* 56 Jeune
étudiant, il a été représentant du PAI dans un
bureau de vote à Gounghin. Il est aussi un mobilisateur des jeunes de
son quartier pour le PAI.
* 57 Il est
conseiller municipal CDP de Boulmiougou.
* 58 Violence
exercée impliquant le consentement méconnu comme tel ou
dénié de ceux sur qui elle est exercée.
* 59
K.R. est le délégué des jeunes et
responsable à la mobilisation du PDP/PS dans le groupe de jeunes avec
lesquels le focus a été réalisé au secteur 27. Dans
ce même groupe, on note la présence de jeunes de tous bords :
CDP, PAI, UNIRMS, FFS et PDP/PS.
* 60 Voir
« Heurs et malheurs du clientélisme », M.
Caciaglia, et I. Kawata, Revue française de sciences politiques Vol 51
n04, Paris, presse de la fondation nationale de sciences politiques,
p569-586. Les gatekeepers font le lien ou jouent les intermédiaires
entre le centre qui dispose et distribue les ressources et la
périphérie (l'électorat).
* 61V. Ouattara,
L'ère Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir,
Paris Klanba Editions, 2006, pp 51-52. En effet, le 16 juin 1989, la session de
la coordination du Front Populaire a favorisé l'adhésion de
nombreux partis en son sein. OUATTARA note à cet effet :
«Ainsi, le Front s'ouvre à d'autres organisations politiques
et va être composé du Groupe des Démocrates Patriotes
(GDP), du Groupe des Démocrates Révolutionnaires (GDR), du
Mouvement des Démocrates Patriotes (MDP), de l'Organisation pour la
Démocratie Populaire/Mouvement du Travail (ODP/MT), du Groupe des
Communistes Burkinabè (GCB), des unions nationales : Union
Nationale des Jeunes du Burkina (UNJB), Union des Femmes du Burkina (UFB),
Union nationale des Anciens du Burkina (UNAB), les Comités
révolutionnaires
* 62 V. Ouattara,
op cit. p 53. Cette ouverture du FP aux autres partis permettait
à la Révolution Démocratique et Populaire d'être
menée à son terme.
* 63Elle
regroupait l'UVDB, les FU, l'ADES, le Bloc (BSB), le RDA, le PDS, la CNPP/PS,
le GDR et le PTB et l'Alliance pour le Respect de la Constitution
(ARDC)64
* 65 V. Ouattara,.
op cit. p119. . l'Union des Vert pour le Développement du
Burkina (UVDB), le Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT), et les
Forces Unies (FU) renforceront leur rang par le biais d'une alliance
dénommée Force d'Initiative Démocratique (FID). Le 12
novembre 1994, trois partis (GAD, PEP, PDS) se réunissent et donnent le
Parti de la Démocratie Sociale Unifiée (PDSU). En septembre 1994,
un accord est conclut entre le RDA ; la CNPP/PSD, l'UNVB pour créer
la Coordination pour l'Alternance Démocratique (CAD). Dans la même
lancée, le PDSU, le Bloc Socialiste Burkinabè (BSB), le Parti
pour l'Unité Nationale et le développement (PUND) qui est une
fraction du Mouvement pour la Tolérance et le Progrès (MTP) et
des associations se retrouvent dans le Collectif pour la recherche de l'Action
de l'Unité Sankariste (CRAUS). Pour Ouattara, « la principale
raison de ce bal d'alliances est le renforcement des rangs en vue d'être
présent en force aux élections municipales du 12 février
1995.
* 66 La
déclaration du G14 a été signée le 14
février 1998 par : l'ADF, le RDA, le BSB, le FFS, le GDP, le MTP,
le PAI, le PSP et l'UDPI.
* 67 Rapport du
séminaire international sur « la corruption
électorale en Afrique de l'Ouest», CGD, Ouagadougou, les 27 et
28 novembre 2003, p4.
* 68 A. Socpa. op
cit. p 9.
* 69 Voir
« ils ont dit...», Béndré
n0 445 du 29 mai 2007.
* 70 Les
débats font légion dans le champ politique sur la nature de ce
rapport. Il est qualifié à tort ou à raison d'alliance
pour certains et de ralliement pour d'autres. L'alliance comme le ralliement
met en jeu deux partis et consistent en une mise en commun des forces. Dans la
logique, les alliances se construisent entre des partis dont les forces sont
équilibrées ou le sont presque. En outre, dans l'alliance, les
deux partis s'accordent pour laisser leur autonomie propre en vue d'avoir des
objectifs communs tandis que dans le ralliement, un parti décide de
laisser son autonomie, de quitter ses lignes ou valeurs (idéologiques,
politiques) pour appuyer ou soutenir les positions d'un autre parti. Les forces
ne sont pas équilibrées dans ce cas car le parti qui
reçoit augmente son pouvoir alors que le rallié perd ses
positions. Cependant, le résultat peut être le même, car
seuls les intérêts du moment et les visées
stratégiques futures orientent de telles attitudes. Pour notre part,
quelque soit le qualificatif donné à cette attitude de
l'ADF/RDA, ce sont les motivations et le résultat recherché qui
mérite d'être analysés.
* 71 Voir
«Présidentielle burkinabè: l'opposition "radicale" sera
représentée par trois candidats », www.izf.net. Les
seize partis de l'opposition "radicale", dénommée "Alternance
2005", ont désigné trois candidats pour les représenter au
premier tour du scrutin présidentiel du 13 novembre au Burkina Faso. Les
trois personnalités désignées par "Alternance 2005" sont:
Me Hermann Yaméogo, président de l'Union nationale pour la
démocratie et le développement (UNDD), Me Benewendé
Stanislas Sankara de l'Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS)
et Philippe Ouédraogo du Parti africain de l'indépendance (PAI).
En revanche, la coalition n'a pas retenu M. Ram Ouédraogo, investi fin
janvier comme candidat de son parti, le Rassemblement des écologistes du
Burkina (RDEB) pourtant membre d'"Alternance 2005".Le RDEB a annoncé son
"retrait" de "Alternance 2005" et le maintien de son candidat dans la course au
fauteuil présidentiel.
* 72
http://fr.wikipedia.org/wiki/politique
du Burkina Faso. Provoquées ou non, les opposants ont offert aux
électeurs à un certain moment de belles pièces vivantes de
théâtre à voir. Tandis que l'OBU connaissait une
déchéance pour des raisons que l'on a déjà
évoquées (crise de leadership), des révélations de
corruption des opposants jusque là jugés incorruptibles font
jour. L'un des opposants qui se présente comme le plus digne des
hommes politiques burkinabè, le professeur de droit constitutionnel,
Laurent Bado a créé la polémique en acceptant une
importante somme d'argent de la part de Blaise Compaoré. Cette somme lui
aurait été remise par un mystérieux émissaire de la
présidence, soit disant pour le soutenir du fait qu'il soit le plus
crédible des opposants. L'opinion a accueilli mal cette nouvelle de la
`` cagnotte injustifiée'' qui aille dans la poche de
l'incorruptible Bado et lui presse d'avouer que pour une fois, il n'a pas
échappé au piège de la corruption.
* 73 Z.
R est le président du parti RFI/PJB et vice président de
la coalition CFD/B. Il fut candidat malheureux (liste de Ouagadougou) aux
législatives de 2007.
* 74
W.L. est candidat malheureux (liste PDP/PS de Ouagadougou) aux
législatives de 2007.
* 75 Il s'agit
d'un arrangement, d'un marchandage dans lequel les deux parties tirent des
profits réciproques.
* 76 Voir «
L'élection présidentielle du 13 novembre 2005 : un
plébiscite par défaut », A.M-G. Loada, in Revue
politique africaine, n0 101, Mars Avril 2006, Paris, Karthala
p28.
* 77 C'est une
alliance qui va contre toute attente par ce qu'il existe assez de
différences de ligne idéologique. L'un est de l'opposition et
l'autre le parti majoritaire actuellement au pouvoir. De toutes les
hypothèses, il paraît improbable que ces adversaires voire
même ces ennemis d'hier puissent se coaliser.
* 78 Voir
« Ne leur jetons pas systématiquement la
pierre » L'observateur n0 6438 du 20 juillet 2005. Le
journal écrit : « c'est avec Gilbert Noel
Ouédraogo (président de l'ADF/RDA) qu'on a découvert qu'un
chef de file de l'opposition pouvait subitement devenir mouvancier».
* 79 M. C.
Houngnikpo, L'illusion démocratique en Afrique, Paris,
l'Harmattan, 2004, p111. Dans le même ordre d'idée, J-F.
Médard remarque que l'institutionnalisation de la démocratie
suppose notamment que les partis s'ils existent, aient
intériorisé les principes de la relation très
spécifique qui lie, tout en les opposant, la majorité et
l'opposition dans le système démocratique, à savoir que la
majorité respecte l'opposition, et ce qu'on oublie souvent, que la
minorité respecte la majorité( ...) » cité
par Loada,, in « Burkina Faso, les rentes de la légitimation
démocratique », Afrique politique,Paris, Karthala, 1995,
p30.
* 80 Voir
« périodes électorales en Afrique. Quand les
pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations », Le pays
n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.
* 81 Voir B.
Bagoro. op cit p57.
* 82Voir «
Burkina Faso, les rentes de la légitimation
démocratique », A M-G. Loada, in l'Afrique politique,
Paris, Karthala, 1995, p 219.
*
83 Z.R.,
président du Rassemblement des forces indépendantes/Parti des
Jeunes du Burkina et vice président de la CFD/B.
* 84Voir
« Nomadisme politique au Burkina, halte au
brigandage !» www.allafrica _com du 11 Avril 2007, voir aussi
www. Lepays.bf,
* 85 Voir
«Burkina Faso, les rentes de la légitimation
démocratique », A.G. Loada, op. cit. 219.
* 86 Voir
«Périodes électorales en Afrique. Quand les pouvoirs se
nourrissent de l'ignorance des populations » Le pays
n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.
* 87 B. Bagoro. op
cit. p59.
* 88Voir
« L'acteur et le système » Sciences Humaines
Hors-série N° 42, Septembre-octobre-novembre 2003, p2.
* 89 Rapport
IDEA, La démocratie au Burkina Faso, Stockholm, 1998, p32. Dans
le même sens, le Rapport souligne que les partis d'opposition
« sont fréquemment formés par une personnalité
politique plus qu'autour d'une vision d'avenir et d'un programme de
gouvernement. Leurs liens avec les citoyens sont souvent faibles et
irréguliers ». P32.
* 90 Rapport IDEA,
op.cit. p71.
* 91 Voir
« les dons dans le jeu électoral au
Cameroun », A. Socpa, cahier d'études africaines
n0 157, 2000, p9.
* 92 Voir Bailey
op . cit. p 50.
* 93 Voir
« l'économie morale de la corruption en
Afrique », J-P. O. De Sardan, in politique africaine,
n0 63, octobre 1996, p110.
* 94 A. Socpa,
op. cit. p110.
* 95 B.
Kiéma, La problématique de l'abstentionnisme électoral
au Burkina Faso : cas spécifique du secteur 27 de l'arrondissement
de Nongr-Mâasom dans la commune de Ouagadougou, Mémoire de
Maîtrise, Université de Ougadougou, UFR/SH, 2006, p45.
* 96 Il s'agit
d'un jeu instauré dans lequel les plus rusés s'en sortent
toujours. Tous les coups y sont permis.
* 97P.
Braud,Sociologie politique, Paris, L.G.D.J., 6e
édition, 2002, p365.
* 98 Voir
« presidentialism and clientelism in Africa's emerging party
system », N. V. De Walle in Voter en Afrique, comparaisons et
différenciations, P. Quantin, l'Harmattan, 2004, p121.
* 99 D. Gaxie,
La démocratie représentative, collection Clefs, 2e
édition, Paris, Montchrestien, 1996, p123.
* 100 D. Boy,
N.Mayer,, L'électeur a ses raisons, Paris, Presse sciences
politiques, 1997, p23.
* 101
K.B. est habitant du secteur 17 et membre du bureau de la
section CDP du Kadiogo.
* 102 Expression
populaire de plus en plus usitée. Elle signifie donner à manger.
Mais tous les plats ne mouillent pas la bouche, seuls les plats succulents,
les repas copieux sont visés, ce qui suppose qu'il faut beaucoup
d'argent.
* 103 Comme la
première expression, celle-ci veut dire financer, mettre la main dans la
poche au lieu de beaucoup parler.
* 104 J.F.
Bayart, A. Mbembe et Toulabour Comi, Le politique par le bas en Afrique
noire, Paris Karthala, 1992.
* 105 Voir
« Les jeunes des grins de thé et la campagne
électorale », J.Kieffer, politique africaine,
n0 101, Paris, Karthala, 2006, p75-77.
* 106 J.
Kieffer, op.cit. p76.
* 107 R.
Banégas, op cit p82.
* 108
O.Z, juriste de formation, est
élève professionnel à l'ENAREF et fut pour les
dernières élections directeur de Campagne d'un candidat
malheureux de MPS/PF aux législatives à Ouagagdougou.
* 109 Voir
L'Opinion, n0436 du 15 au 21 février 2006.
* 110 Les valeurs
primaires sont celles acquises par l'individu dès les premiers moments
de sa socialisation. Elles sont prioritaires pour lui car constituent le
soubassement sur lequel devraient s'inscrire ou se développer les autres
valeurs secondairement intégrées.
*
111 Z.R. est
le président du parti RFI/PJB, parti membre de la coalition CFD/B. Il
fut candidat malheureux (liste de Ouagadougou) aux législatives de
2007
* 112B. Bagoro,
op. cit. p67
* 113 Focus group
secteur 27.
* 114
idem
* 115
B.S. est un musicien burkinabè. Il fait parti des
initiateurs de la musique Rapp au Burkinabè.
* 116 Entretien
focus du scteur 29.
* 117 Cette loi a
été modifiée par la loi n0 12-2001/AN du 28 juin 2001
portant financement des activités des partis politiques et des campagnes
électorales.
* 118 Cf.
Arrêté conjoint n0 2007-34/MATD/MFB du 10 Avril
2007..
* 119 L'Hebdo
n0 304 du 11 au 17 février 2005.
* 120
Arrêté conjoint n0 2005-0075 / MATD/MFB du 20 octobre
2005.
* 121
« Même si aucun parti n'est cité nommément, il
ressort dans le rapport que des irrégularités ont
été constatées dans la plupart des partis politiques sur
la gestion des fonds alloués par l'Etat pour l'animation de la vie
politique pendant les périodes de campagnes et hors campagnes : des
factures non certifiées, non acquittées, des insuffisances ou
absence totale de justification des dépenses, la non ouverture de compte
pour la gestion de la subvention, non respect des délais de transmission
des rapports financiers et des bilans comptables à la Cour des comptes.
Très peu de partis politiques rendaient leurs rapports financiers
à la Cour. ». Cf.
www.lefaso.net
«Cour des comptes : un bijou à
protéger » consulté le vendredi 17 Août 2007.
* 122
L'Indépendant n0 705 du 13 mars 2007.
* 123 Voir J.
Hilger et J. MazzochettiI, op cit. p13.
* 124, J. Hilger
et J. MazzochettiI, op cit. p15.
* 125J.Y. Vincent
et M. Villier, Code électoral, paris, édition
Juris-classeur, 2004, 71.
* 126
S.A., membre du bureau politique national du PDP/PS.
* 127 Voir
Rapport du séminaire international sur « la corruption
électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou,
2003, p9-10.
* 128 D. Boy et
N. Mayer, L'électeur a ses raisons, Paris, presse science po,
1997, p11.
* 129 Entretien
focus group du secteur 27.
* 130 M. C.
Houngnikpo, L'illusion démocratique en Afrique, Paris,
L'Harmattan, 2004, p 134.
* 131 A. Socpa.
op cit. p2.
* 132K. POPPER,
cité par P. BRAUD, in, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002,
p631.
* 133
WWW.AIB.BF, samedi 12
novembre 2005.
*
134Voir « Marchandisation du vote,
citoyenneté et consolidation démocratique au
Bénin », R. Banégas, in politique africaine,
n0 69,Paris, Karthala, 1998, p76.
* 135 Conseiller
municipal à la mairie centrale au compte du CDP
* 136
P.E du bureau politique national du MPS/PF
* 137 Cité
par Antoine S. Kaboré in « la participation
électoral », mémoire de maîtrise,
Université de Ouagadougou, UFR/SJP,, 2003, p18.
* 138Voir
« Vote et communautarisme au Cameroun : « un vote
de coeur, de sang et de raison », H. L. Menthong, in politique
africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p41-42.
* 139 Voir
« Comportement électoral, politique et socialisation
confrérique au Sénégal », M.Monjib in
Politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p55.
* 140 L'habitus
est perçu comme une disposition durable où sont
intégrées les expériences passées. Matrice de
perceptions, de jugements, et d'actions capables d'inspirer l'agent social dans
ses entreprises.
* 141 Voir
« Les jeunes des grins de thé et la campagne
électorale », J. Kieffer, politique
africaine,n0101, Paris, Karthala, 2006, p 80.
* 142 S.A
membre du bureau politique national du PDP/PS
* 143 Voir
« l'oeuvre de Pierre Bourdieu », M. Fournier, in
revue sciences humaines, n0 spécial, 2002.
*
144 P.E est
membre du bureau politique national du MPS/PF
* 145 P. BRAUD,
Sociologie politique, Paris, LGDJ, 6e édition 2002,
p378.
* 146 B. Kiéma,
La problématique de l'abstentionnisme électoral au Burkina
Faso : cas spécifique du secteur 27 de l'arrondissement de
Nongr-Mâasom dans la commune de Ouagadougou, Mémoire de
Maîtrise, Université de Ouagadougou, UFR/SH, 2006, p40.
* 147 Cf. Arrêté
2007-34/MATD/MFB du 10 Avril 2007.
* 148 Conseiller
régional CDP du Centre et conseiller de Tanguin Dassouri
* 149 Le
changement social se définit comme « toute transformation
observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas
provisoire ou éphémère la structure ou le fonctionnement
de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire ».Cf. Rocher Guy, Introduction à la
sociologie générale, Tome 3, le changement social,
éditions HMH, 1968, p22.
* 150 Voir
« Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation
démocratique au Bénin », R. Banégas, in
politique africaine, n0 69, Paris, Karthala, 1998, p 75.
* 151 A. Socpa,
op cit. p10.
* 152 S.T est
un député de la dernière législature, habitant du
secteur 29.
* 153 P. Braud,
Sociologie politique, Paris, LGDJ, 6e édition, p405.
Dans le même sens, J. Lapalombara et M. Weiner repris par R.G.
Schwartzenberg relève qu'un parti politique peut se définir
selon 4 critères : il s'agit d'une organisation durable,
c'est-à-dire qui a une expérience de vie politique
supérieure à celle de ses dirigeants ; d'une organisation
locale bien établie et entretenant des rapports réguliers et
variés avec l'échelon national ; la volonté
délibéré de prendre et d'exercer le pouvoir seuls ou avec
d'autres et non pas simplement d'influencer le pouvoir ; le souci enfin de
rechercher le soutien populaire à travers les élections ou de
tout autre manière. R.G Schwartzenberg, Sociologie politique,
Paris, Montchrestien, 1998, p 403-404.
* 154 B. Bagoro,
op.cit. p82.
* 155 B .Bagoro,
op. cit. p 82.
* 156 N.S.
conseiller régional du centre pour le CDP.
* 157 P. Braud,
Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p345.
* 158R. Guillien
et J. VincentT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12e
édition, 1999.
* 159 B. Bagoro,
op. cit. p 60.
* 160 L'opinion
n°502, du 23 au 29 mai 2007.
* 161 Entretien
Focus, secteur 29 de Ouagadougou.
* 162
S.M. est membre du bureau politique national de
l'UNIR/MS
* 163 A. M.G. Loada et
L.M.Ibriga, Doit constitutionnel et institutions politiques, Collection
précis de droit burkinabè, PADEG, Université de
Ouagadougou, Mars 2007, p465.
* 164 Voir
« La marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation
démocratique au Bénin », R.Banégas, in
politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p87. L'auteur notera que
selon une certaine catégorie de citoyens, un leader responsable
(accountable) serait celui qui redistribue
* 165
S.M. membre du bureau politique national de l'UNIR/MS
* 166 Le Quotidien le pays
n0 3257 du 23/11/2004 relève que sur recommandation de la
Cour des comptes, le gouvernement a ouvert, pour compter de l'année
2004, un compte trésor destiné à recueillir uniquement les
subventions destinées aux partis politiques. Mais en l'absence de
sources de motivation, ce compte s'alimente difficilement. Par exemple pour
les subventions remises main à main aux candidats ou aux mandatés
des partis politiques, la loi dispose qu'elle doit être versée
dans un compte spécial, ouvert à cet effet. Mais cette loi n'est
visiblement pas respectée.
* 167 En 2004, la subvention
faite aux partis passait de 200 millions à 250 millions. Le nombre de
partis bénéficiaires était de 42 dans la même
année. En 2007, 72 partis ont bénéficié du
financement de l'Etat. Ce nombre correspond en réalité à
la moitié presque des partis officiellement reconnus.
* 168
A..Touraine, cité par B.Kiéma, in « la
problématique de l'abstentionnisme électoral au Burkina Faso, cas
spécifique du secteur 27 de l'arrondissement de Nongr-mâassom dans
la commune de Ouagadougou, mémoire de maîtrise en sociologie,
2007. p10.
* 169 Cité
par P.Braud, in, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p614.
* 170 Voir,
Rapport du séminaire international sur la corruption
électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou, les
27 et 28 novembre 2003, p6.
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