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Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

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par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

Disponible en mode multipage

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 2

......... 19

Chapitre I.  De la pratique des dons dans les élections 20

Section I. L'historique et la typologie de dons 20

§1- L'évolution du phénomène du don électoral au Burkina Faso 20

§2- Les types de dons dans les élections 24

Section II. L'administration des dons 29

§1- L'identification des donateurs 29

§2- Les canaux d'acheminement des dons 32

Chapitre II : Les finalités des dons dans les élections 36

Section I. Le soutien et/ou la déstabilisation des partis politiques 36

§1-La construction d'alliances entre partis politiques 36

§2- La Déstabilisation des partis politiques 42

Section II. La mobilisation de l'électorat 48

§1- La marchandisation des voix 48

§2- L'instrumentalisation des leaders d'opinion 55

... 62

Chapitre I.  L'influence des dons sur les choix des électeurs 63

Section I. La portée des dons dans les élections 63

§1- La diversité des dons et leur encadrement juridique 63

§2- L'incidence effective des dons sur les choix électoraux 70

Section II. Les Limites de l'effet des dons sur les comportements électoraux 74

§1- Le rôle des observateurs et les cas de détournements 74

§2- Les limites inhérentes aux pesanteurs socioculturelles et aux promesses non tenues 78

Chapitre II.  La contribution des dons à l'institutionnalisation de la démocratie 85

Section I  L'importance des dons dans l'ancrage de la démocratie 85

§1- Les dons comme mode de financement des partis politiques 85

§2- Les dons comme une exigence du champ électoral 89

Section II. L'apport des dons dans la formation du citoyen 93

§1- De l'organisation des activités de formation 93

§2- La promotion de la participation citoyenne 98

CONCLUSION 105

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................. 111

INTRODUCTION

La pratique électorale connaît de plus en plus un regain d'intérêt dans nombre de pays africains. Gage inéluctable de l'instauration de la démocratie, l'élection est censée susciter et favoriser une large participation politique de toutes les forces sociales. Le choix et le renouvellement ou la permanence de l'élite dirigeante qu'elle sous-tend, vise la construction d'une société de citoyens, c'est-à-dire, amener tout le peuple à s'impliquer dans la gestion des affaires publiques. Le vote est le mode d'expression de choix que les élections impliquent. Cependant, il apparaît comme étranger aux cultures traditionnelles africaines articulées fondamentalement sur le consensus et le principe de la séniorité1(*)''. Dans une société où le pouvoir est détenu par les personnes âgées, et dont la gestion passe par la palabre, le vote en tant que moyen d'accès au pouvoir, émerge comme un nouveau phénomène.

Le vote serait donc un acte politique moderne. Il est perçu comme un acte individualiste se heurtant au communautarisme des sociétés africaines dans lesquelles l'individu n'a d'existence sociale que par le groupe. Ces deux dernières décennies les élections sont entrées dans les habitudes politiques en Afrique et de nombreuses recherches leurs sont consacrées. Les analystes les comparent dans leur majorité à des moments de festivités au vu de l'atmosphère qui se dégage et l'engagement de toutes les parties concernées. Loin d'être la conséquence d'une influence univoque, le vote est la résultante de toute une série de forces qui s'interpénètrent. L'analyse des comportements électoraux en Afrique se présente comme une nécessité au regard de la diversité de scrutins qu'ont connu la plupart des Etats africains depuis l'amorce du processus démocratique.

A l'instar des autres pays africains, le Burkina Faso connaît depuis 1991, un processus continu de consultations électorales. Après le référendum du 2 juin 1991, l'Etat burkinabè organisera régulièrement plusieurs élections, ce sont : les présidentielles du 1er décembre 1991, du 15 novembre 1998 et du 13 novembre 2005 ; les législatives du 24 mai 1992, du 11 mai 1997, du 24 avril 2002 et du 6 mai 2007, enfin les municipales du 15 février 1995, du 24 septembre 2000 et du 23 avril 2006. Cette situation invite à des réflexions scientifiques sur le déroulement du processus démocratique et les obstacles auxquels il serait confronté. La présente étude orientée sur l'analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou s'inscrit effectivement dans cette démarche. La littérature portant sur les comportements électoraux offre des paradigmes explicatifs multiples qu'il conviendrait de présenter.

Les comportements électoraux sont un ensemble de réactions (faits ou actes) objectivement observables dans le processus de désignation des représentants par le canal du vote. Ils sont multiformes et variés selon le type d'élection. Expliquer le comportement des électeurs c'est chercher à comprendre concrètement comment ceux-ci réagissent face à l'offre électorale. L'acte de voter c'est-à-dire de participer à une élection, traduit à la fois un comportement individuel et collectif relevant d'une série de décisions.

Les débats théoriques sur l'acte électoral et les comportements électoraux dans les systèmes politiques généralement en transition des Etats de l'Afrique subsaharienne prennent une place de plus en plus importante dans la science politique africaniste. Il s'agit d'une part de réévaluer les schèmes explicatifs dominants dans les analyses (vote communautaire, rite, affection, théâtralisation) et d'autre part les modifications plus ou moins affirmées selon les contextes et les configurations. Engueguele2(*) classe ces analyses dans la science politique africaniste en trois catégories :

Le vote de solidarité : il serait fonction de l'affiliation sociale et non des calculs d'utilité de l'électeur. Les sentiments de solidarité, de loyauté, d'allégeance ou de groupe d'appartenance dominent la volonté d'obtenir des avantages personnels. Les décisions collectives seraient systématiquement forgées par les intérêts de groupe reflétant et exacerbant des clivages communautaires, ethnolinguistiques, religieux et territoriaux. La mobilisation électorale s'opère exclusivement sur la base de revendications d'appartenance et de conflits d'identité. Cette approche fournit une explication conforme au ``caractère plural ou segmentaire''3(*) des sociétés africaines. La conjoncture d'incertitude structurelle que traversent les individus pourrait mieux expliquer cette solidarité. Dans ce cas quelle est la part de la marchandisation, des menaces et de la coercition observables lors des élections ? Il apparaît de toute évidence que la solidarité ne suffit pas à elle seule pour comprendre l'acte électoral en Afrique.

Le vote comme un rite, il est indissociable de la répétition, signe de la persistance de l'accord d'une collectivité durable, marque déposée de l'identité du groupe. Il se caractérise selon Engueleguele par l'usage d'un répertoire lexical particulier (les mêmes formules, les mêmes mots...). L'acte électoral aurait ici une portée symbolique. Ainsi, il serait pour de nombreux électeurs un acte séparé du cours normal de la vie quotidienne, ni sacré, ni banal mais seulement insolite et dénué de sens. Il serait aussi assimilable à de lointaines pratiques sociales institutionnalisées dans les milieux où l'élection compétitive n'est pas intégrée dans le jeu des prédispositions.

Le vote comme un théâtre, l'acte électoral est perçu comme une simple comédie, une farce qui met en exergue la puissance et la compétence, l'exclusion des citoyens électeurs digérée par une savante immobilité des systèmes politiques en transition. Le vote est ici une technique de ratification ou d'approbation dans laquelle on magnifie une sentence connue d'avance où aucun choix ne saurait inverser le cours des choses.

Dans une certaine mesure, les élections se présenteraient comme de simples ruses subtilement utilisées par les élites pour conserver leur pouvoir. Evoquer la problématique des élections en Afrique invite aussi à réfléchir sur les techniques de dévolution et de gestion du pouvoir politique moderne. Ces techniques propres à la culture démocratique se sont imposées dans les sociétés africaines avec l'implantation de l'Etat moderne. Produit d'importation, pâle copie des systèmes politiques et sociaux européens, l'élection s'est imposée avec l'importation de l'Etat moderne fondé sur le principe de démocratie (Bayart). L'Etat démocratique a érigé les élections comme un cadre important de la vie politique, où se négocie et se renégocie le partage des richesses.

Le vote en Afrique n'est pas seulement analysé comme un mode d'expression des électeurs opérant des choix à leur convenance (Boy et Nonna), il est aussi conçu comme un mécanisme régulateur de la lutte pour l'accès aux ressources (Otayek et Als). Bayart souligne dans cette optique que : « l'appareil d'Etat est en soi un morceau de gâteau national que tout acteur digne de ce nom entend croquer à belles dents »4(*). Il y aurait aussi une montée de la kleptomanie dans le milieu politique africain. En effet, la scène électorale africaine serait un théâtre où le métier de politicien consisterait à développer toutes les stratégies nécessaires pour opérer un hold-up sur les ressources de l'Etat (Socpa). La conquête du gâteau (le pouvoir et les ressources) est perçue comme la finalité première de tout homme politique. Il n'est nul besoin encore de remarquer que tous les moyens permettant d'atteindre ce but ne peuvent être négligés. Badie et Hermet5(*) concluent à cet effet que dans le Tiers monde, les périodes électorales revêtent le caractère quasiment festif voire cathartique, d'une célébration nationale pas encore enlisée dans les marais de l'habitude.

Au Burkina Faso, les analyses de Loada (1995, 1998,2006), de Yonaba (1992) sur les législatives du 24 décembre 1992 mais aussi du REN-LAC (2001), de Zagré (1994)6(*) et l'ouvrage de Ouattara (2006)7(*) ont jeté les bases d'une analyse scientifique sur la matière électorale. On note que le champ électoral se caractérise dans ce pays et en particulier dans sa capitale Ouagadougou, par l'apparition et l'enracinement du phénomène de don. La multiplicité des dons lors des élections semble devenir inquiétante. En effet, l'usage de dons de natures diverses lors des élections mérite que l'on s'y penche. Les dons arrivent sur la scène politique à un moment où les joutes électorales sont marquées par un progrès dans l'organisation. Ils se multiplient aussi dans un contexte qui se traduit par un désintérêt croissant de l'électorat face aux atermoiements des formations politiques, à l'attentisme parfois sceptique des campagnes électorales et aux désillusions des couches urbaines défavorisées. Les dons seraient donc utilisés pour faire face à des électeurs soit déçus par les pratiques des acteurs politiques soit de moins en moins attentifs aux questions politiques.

Le don en lui-même n'est cependant pas un fait nouveau, il participe du système de l'échange en général. Pour Allemand «l'échange est consubstantiel à la vie politique comme il l'est à la vie sociale »8(*) . Il intervient dans la prise de décision, dans l'alliance comme dans le conflit, dans la relation de pouvoir et dans sa légitimation.  L'irruption du don dans le champ électoral africain pourrait dénaturer quelque peu sa logique sociale fondée sur la solidarité et l'entraide.

Comme le recommande Durkheim, le chercheur doit définir clairement les concepts afin que l'on sache et qu'il sache bien ce dont il est question. Pour cette étude-ci, les concepts voisins et parfois interchangeables de don et « don électoral », de corruption et corruption électorale et enfin de clientélisme électoral seront élucidés et partant leurs rapports établis :

- Les concepts de don et de ``don électoral''.

Le don est synonyme d'offre, de cadeau qu'une personne X fait à une autre personne Y en signe d'amitié, de sympathie, de reconnaissance, ou pour l'assister lorsqu'elle est dans le besoin. Au sens juridique, la donation, processus de transmission de don, est un contrat par lequel une personne (donateur) transfère la propriété d'un bien à une autre (donataire), qui l'accepte, sans contrepartie et avec intention libérale9(*). Le donateur offre et accorde au donataire sans manifester un quelconque intérêt. Le donataire reçoit et en fait une propriété. Le don est juridiquement un acte unilatéral qui naît d'une seule volonté. C'est un transfert de propriété d'un bien d'une personne à une autre. Notre étude s'inscrivant dans une démarche sociologique, la définition sociologique s'avère indispensable. Nous en ferons référence dans notre analyse.

Dans l'approche sociologique, le don est un construit social. Il est un mécanisme social fondamental de création et de régulation de liens sociaux. Il peut construire et renforcer l'amitié ou apaiser une tension. Dans nombre de sociétés archaïques analysées par les anthropologues (Mauss, Malinowski etc.), les échanges et les contrats se font sous forme de cadeaux, volontaire en théorie, mais obligatoire dans la réalité. Le don n'est pas une simple expression des sentiments de l'individu, c'est un acte public, social qui affecte la position de chacun dans la société. Ainsi dans certaines sociétés, on devient chef en donnant tous ses biens (sociétés indiennes observées par Mauss). Le don est donc un phénomène social total car présentant des dimensions économiques, politiques et religieuses. Il lie les individus aux groupes et les groupes entre eux. Pour Mauss cité par Journel « en chaque objet donné existe une âme qui est celle du détenteur premier, c'est cette force essentielle qui comme le sacré, lie les hommes entre eux et les contraint d'agir tout en proclamant qu'ils le font librement10(*) ». Selon les anthropologues, tout don implique en effet un contre don et dans toute société, donner, recevoir et rendre sont obligatoires. Si pour Mauss le don regroupe ces trois opérations (donner, recevoir et rendre), Strauss11(*) met l'accent sur la notion d'échange et de réciprocité. Le don apparaît ainsi comme un aspect contingent d'un dispositif nécessaire et universel qui est l'échange. Dans cette logique, la prohibition de l'inceste n'était que la face négative de l'obligation positive d'échanger des femmes. Donner, recevoir et rendre relève d'une seule et même pensée collective.

En 1976, Marshall définit le don comme « un contrat social qui peut prendre trois formes :

· la réciprocité générale qui se pratique entre proches. Le don y est gratuit et la réciprocité est assurée de manière diffuse.

· La réciprocité équilibrée qui délimite l'aire de l'alliance. Les donateurs attendent une compensation spécifique de leur prestation en général réglée par la coutume.

· La réciprocité négative qui est celle du commerce et de la guerre. Chacun cherche à donner le minimum pour obtenir le maximum »12(*)

Emboîtant le pas de tous ces auteurs qui allient don et échange, Alain montre que l'échange de dons met en jeu une logique de la dette. Dons et contre dons s'enchaînent comme le crédit et son remboursement ou comme le placement et son rapport. « Donner c'est investir et refuser de donner, négliger d'inviter comme refuser de prendre c'est refuser l'alliance et la communion »13(*). Le don dans ce sens scelle un lien durable et contraignant. Bourdieu quant à lui invite à prendre en compte le rôle déterminant de l'intervalle temporel entre le don et le contre don. Alain14(*) reprenant les propos de ce dernier écrit  « le cadeau est un malheur parce que finalement il faut le rendre. Dans tous les cas, l'acte initial est une atteinte à la liberté de celui qui reçoit. Il est une grosse menace ; il oblige à rendre ; en outre il crée une obligation, il est une manière de tenir en faisant des obligations ». Ceci dit le don initial est une prise de créance, un endettement donc un investissement social destiné à rapporter à terme la dette comme mode de fonctionnement ordinaire de la vie sociale. La relation entre créancier et débiteur est une relation réversible, constitutive d'un contrat social fondamental permettant le jeu de la solidarité quotidienne, intégrant chaque individu dans un système de protection sociale réciproque et d'assurance mutuelle contre les aléas de l'existence et contre les incertitudes de l'avenir. Cette analyse corrobore celle de l'anthropologue américain Boas. Ainsi la logique de la dette tisse des solidarités impératives et lie durablement créanciers et débiteurs. « Les premiers surveillant les seconds et les rappelant à l'ordre et font jouer contre eux les sanctions les plus graves caractérisées par une mise à mort sociale (déshonneur, malédictions, colère des dieux, des ancêtres et des esprits etc.), les débiteurs sont prédisposés à la reconnaissance : reconnaître leur dette et s'en acquitter pour éviter les sanctions »15(*).

Le don est perçu avant tout comme un fait dont les ramifications et les significations qui se dégagent donnent au système social son équilibre et son essence. Dans cette analyse, don et échange sont confondus bien que de prime abord ces deux notions s'excluent. Alain démontrera que ces termes renferment le même contenu. Le don revêt une logique sournoise consistant à maintenir celui qui reçoit sous la coupe du donateur qui le manipule à sa guise. Dans ce sens, il offre ici une image de rapport de force dans les rapports sociaux où seuls les donateurs détiennent le pouvoir.

Le don électoral est d'emblée, l'usage de cadeaux, leur distribution dans les campagnes électorales. Socpa écrit que le don électoral est aujourd'hui «  une réalité massive des développements politiques. Il gouverne désormais les rapports entre marchands politiques et clientèle électorale voire ethnique »16(*). Il avance comme exemple une formule populaire dans une langue locale camerounaise en vogue dans les années 1980 et 1990. Formule développée pendant les périodes électorales « politics na njangui 17(*)» et qui signifie que « la politique c'est la tontine » ou «  à soutien politique égal, récompense égale ». Socpa montre dès lors comment le don ou l'échange de biens (matériels ou immatériels) a investi le champ électoral au Cameroun. Le donateur et le bénéficiaire sont connus d'avance. Les hommes politiques à travers leurs entreprises politiques distribuent et l'électorat reçoit, les dons contribuent ainsi à la construction d'un lien social spécial et impose nécessairement un contre don puisque le donateur attend de l'électorat ses voix. Si les populations d'une région donnée veulent la réalisation d'infrastructures, elles doivent apporter leur soutien total et indéfectible au parti politique jugé capable au regard des moyens dont il dispose pour opérer de telles actions. La population reçoit donc premièrement des promesses et ne pourra obtenir la réalisation matérielle qu'après élection. Comme on le constate aisément, le don n'est pas toujours dans le cadre des élections ce qu'il était dans les sociétés dites archaïques étudiées par les anthropologues. En outre, dans le champ électoral, le don s'apparente, voire est remplacé par un autre concept : le clientélisme électoral de plus en plus très usité par les chercheurs en science politique africaine. Bien que le don soit presque délaissé pour ce terme (le clientélisme), nous l'avons préféré pour introduire de l'euphémisme dans notre approche et éviter de tomber dans les présupposés péjoratifs que véhiculent les notions de corruption et de clientélisme.

- Corruption et corruption électorale.

.Selon le Rapport 2003 du PNUD sur le développement humain, « la corruption est un fléau mondial qui frappe particulièrement les pays en développement »18(*). En outre, le Rapport précise qu'elle est, à l'instar de la prostitution, un phénomène aussi vieux que le monde bien que le terme soit apparu au XIIe siècle. La corruption peut se définir comme «  le fait de commettre ou d'inciter à commettre des actes qui constituent un exercice abusif d'une fonction (ou abus d'autorité), y compris par omission, dans l'attente d'un avantage ou pour l'obtention d'un avantage, directement ou indirectement promis, offert ou sollicité, ou à la suite de l'acceptation d'un avantage directement accordé, à titre personnel ou pour un tiers »19(*). La corruption politique se définit comme l'abus de pouvoir par les responsables politiques pour obtenir des gains personnels. La corruption est donc le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer d'autres avantages indus, à un agent public, à son profit ou au profit d'un tiers, pour qu'il agisse ou s'abstienne d'agir dans un sens donné. Toutes ces définitions corroborent celle du Code pénal du Burkina Faso qui en son article 156 dispose que « la corruption est une infraction commise par une autorité publique qui agrée des offres ou des promesses, reçoit des dons ou présents afin d'accomplir un acte de son emploi, de s'en abstenir, soit encore de fournir des informations mensongères ». Dans la même logique Transparency international conclura qu'il s'agit de toute implication des personnes investies de pouvoir (publique, privée, société civile) dans toute relation faisant consciemment entorse aux règles et procédures établies ou utilisant leurs incohérences pour obtenir pour elles mêmes ou pour une tierce personne des avantages quelconques autres que ceux officiellement prévus.

La corruption électorale consiste pour les hommes politiques à remettre à des électeurs qui promettent de leur accorder leur suffrage, des billets de banques ou autre objet matériel dans le cadre d'une campagne électorale. Pratique qui favorise les partis riches, elle s'installe et s'amplifie à la faveur de l'extrême pauvreté dans laquelle vivent les populations. Selon Loada et Ibriga, la corruption électorale peut se définir au sens large comme des manipulations illégitimes des préférences des électeurs par les partis politiques et les candidats, et au sens étroit, comme l'achat (corruption active) et ou la vente des voix des électeurs (corruption passive)20(*). Le suffrage des électeurs n'est plus, dans ce cas, sollicité sur la base d'un programme politique que les partis ont l'obligation de concevoir dans la perspective de la conquête du pouvoir, mais en fonction de considérations purement matérielles. Selon le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) : « la corruption électorale constitue un véritable virus qui menace tout processus démocratique et plus particulièrement les démocraties naissantes »21(*). Hormis ce concept, l'un des termes les plus couramment usités est le clientélisme électoral.

- Le clientélisme électoral

La notion de clientélisme est souvent entachée d'un esprit de dénonciation et de stigmatisation de pratiques démocratiques courantes (les pratiques clientélaires), inspirées par une vision idéale et positiviste de la démocratie représentative. L'emploi du terme de clientélisme pose presque comme un postulat du bon fonctionnement de la démocratie et des élections, la capacité des électeurs à séparer rationnellement les intérêts généraux et collectifs des intérêts particuliers et personnels. Seuls les premiers devraient guider les comportements politiques, la participation démocratique et les motivations de vote alors que les seconds, entachés de particularisme, devraient rester en marge de la représentation politique. Le problème est donc que la notion de clientélisme, utilisée quasi exclusivement pour parler des pratiques des élus et des partis, néglige(ait) un aspect essentiel : la demande sociale des électeurs envers les élus et les institutions. Dans certains contextes, les électeurs s'adressent aux hommes politiques principalement pour des questions privées et personnelles touchant à leurs intérêts particuliers (la demande d'un emploi public, une aide, un service pour l'avancement d'un dossier administratif, etc.).

La notion de clientélisme comporte un présupposé non avoué ; il serait en effet, le fait des couches sociales pauvres et démunies de la population trouvant, par les échanges « de votes et soutiens politiques contre services et faveurs » avec des élus complaisants, un moyen d'intégration sociale. Ce qui signifie que par le biais de cette pratique, l'individu (l'électeur) se construit une position, acquiert une nouvelle image. Comme on le sait, le clientélisme décrit des relations informelles de pouvoir fondées sur l'échange de ressources entre des individus ou des groupes de statut inégal. Un personnage qui jouit d'un statut supérieur (le patron) prend avantage de son autorité et des ressources dont il dispose pour protéger et dispenser des bénéfices à un personnage de statut inférieur (le client), qui lui retourne ses faveurs sous forme de soutien et de services. « La relation clientélaire comporte une dimension coercitive, mais elle est fondamentalement volontaire et fondée sur des intérêts particuliers et réciproques »22(*). Plus les sociétés sont complexes, plus les réseaux clientélistes utilisent des relations multilatérales complexes. Les patrons assument la fonction de gatekeeper23(*) pour faire le lien entre le Gouvernement central qui distribue les ressources et la masse des électeurs qui le soutiennent. Le clientélisme peut être orienté vers des individus, des groupes d'intérêts ou des circonscriptions électorales. La redistribution prendra la forme d'allocations discriminatoires ou de rentes, selon les cas, et ciblera des individus, des groupes constitués ou des circonscriptions électorales entières. Cela dépendra du contexte créé par les rapports de forces locaux, les pratiques administratives ou le mode de scrutin.

Dans les années 1980, sous l'influence dominante des théories du développement politique, le clientélisme était considéré comme caractéristique des systèmes politiques traditionnels ou au début de leur phase de développement. On postulait qu'il disparaîtrait. Nul doute qu'il joue cependant encore un rôle important dans les grandes démocraties des pays développés (Briquet et Sawicki, 1998).

La théorie classique distingue le clientélisme traditionnel des notables, qui a une forte dimension affective et personnelle, et les formes nouvelles mettant en jeu des organisations et fondées seulement sur les bénéfices concrets. Dans le clientélisme traditionnel, les patrons étaient aussi des notables ; ils jouissaient de l'influence personnelle qu'ils exerçaient par leur statut, leur richesse ou leur prestige ; ils offraient une protection dont les formes variaient selon les ressources dont ils disposaient, ce dont leurs clients avaient besoin, les services qu'on pouvait leur demander et le dévouement qu'on pouvait en attendre. Pour Wantchekon. «Il ressort que la politique clientéliste est plus efficace dans les contextes de faibles productivités, de fortes inégalités et de relations sociales hiérarchisées »24(*)

Il était nécessaire d'avancer une critique sur le clientélisme politique conçu comme une notion englobante. Présenté comme un phénomène général de société, le clientélisme apparaît comme un « fourre-tout » mélangeant des modes d'action et d'interactions disparates, éléments qui se distinguent difficilement des échanges de ressources entre élus et électeurs, les pratiques d'élus en quête de voix et de soutiens politiques, un système de pouvoir contraignant au niveau local, le népotisme et le favoritisme, les modes de fonctionnement des partis politiques, les « machines politiques ». Or, tous ces types de réalités et de pratiques ne peuvent se réduire à une seule catégorie analytique englobant toute la diversité des phénomènes clientélaires. Quelle relation peut-on établir entre ces concepts très proches ?

La relation entre le clientélisme et la corruption a toujours été un sujet de polémiques entre spécialistes. Certains auteurs comme Caciaglia et Kawata (2001) affirment que la culture politique clientélaire engendre la tolérance et une sorte de consensus public diffus envers la corruption ; ils invoquent à l'appui de cette thèse la similitude dans les termes utilisés pour parler des deux phénomènes (« faveurs », « cadeaux », etc.). Les preuves historiques et les recherches empiriques démontrent plutôt qu'il n'y a aucune continuité, mais aussi aucune opposition entre les deux phénomènes. Au plan théorique, alors que la corruption concerne l'argent et que son but est l'enrichissement personnel, le clientélisme vise à obtenir des suffrages et son but est le pouvoir. Les relations de corruption sont individuelles et secrètes par nature, alors que les relations de clientèle sont bien connues du public et souvent approuvées par lui comme une manière normale de faire. Les pratiques de corruption sont illégales, tandis que les pratiques clientélaires, le plus souvent, ne le sont pas. On ne retrouve pas non plus dans la relation de corruption les caractéristiques essentielles de la relation clientélaire telles que l'inégalité et la subordination hiérarchique entre les parties, ou l'investissement affectif et l'importance du lien interpersonnel. Enfin, les cas les plus simples en apparence, comme celui où l'électeur reçoit directement de l'argent en échange de son vote, lorsqu'ils sont analysés dans le détail, révèlent qu'on a bien moins affaire à un « échange marchand » (corruption) qu'à un rituel de type émotionnel et interpersonnel caractéristique de la relation clientéliste. 

La définition de Briquet et Sawicki reprise par Allemand est en ce qui nous concerne la plus indiquée pour notre analyse. Le clientélisme politique concluent-ils est « un système d'échanges interpersonnels non marchands de biens et de services échappant à tout encadrement juridique entre agents disposant des ressources inégales »25(*). Oscillant entre la dimension de l'échange et de l'extorsion, ces pratiques occasionnent des processus de redistribution des ressources publiques également des mécanismes d'inégalité et d'exclusion dans l'accès aux ressources. On parlera de corruption quand il s'agit d'échanges marchands. La notion de corruption implique aussi celle du don. Dans son usage courant elle renferme aussi bien la notion de don que celle de clientélisme qui sont en fait des moyens pour l'accomplissement des desseins de corruption. L'échange politique se situe entre clientélisme et corruption (Allemand). Les deux pratiques utilisent le don comme moyen, quelque soit sa nature.

Le corrupteur passe par le biais des dons, présents ou cadeaux ou par l'achat du silence, du mensonge et autres moyens, que le corrompu acceptera de monnayer. En droit international la corruption d'un représentant comprend l'existence d'offres, de promesse ou de dons, en un mot d'actes ayant pour effet de peser lourdement sur la volonté de l'individu (représentant) lors des négociations. Pour qu'on puisse parler de corruption, il devrait exister une corrélation entre le but à atteindre (qui est d'infléchir la volonté) et ces offres. Dans ce sens, le don est un instrument de la corruption et le clientélisme apparaît surtout comme une de ses formes n'utilisant que des moyens autres que financiers et reliant des individus de rang voire de classes différentes.

De ce qui précède, nous utiliserons fréquemment le terme « don » pour évoquer toutes les formes d'échanges de quelque nature qu'elles soient. En effet, dans tout don se trouve construit un rapport social, soit de domination soit de pouvoir ou même de faiblesse qui profite à une des parties et parfois aux deux.

Dans la littérature, on note que les travaux ont beaucoup mis l'accent sur l'analyse des processus électoraux en soulignant leurs irrégularités. Ils restent tout de même limités car l'on dispose de très peu de données sur les usages des dons, leur valeur symbolique et matérielle, l'identité des donateurs, et les résultats auxquels leur utilisation permet d'aboutir. Le don a toujours existé en Afrique eu égard à la solidarité légendaire dans la culture africaine. Il est de ce fait inscrit dans les moeurs comme un acte normal. Il semble trouver dans les systèmes électoraux un autre terrain d'expression. Cette situation conduit aux interrogations suivantes :

ü Quel est son rôle dans le jeu électoral ?

ü Comment les dons sont-ils acheminés et à qui sont-ils destinés ?

ü Quelle est l'influence des dons sur les résultats électoraux et la consolidation de la culture démocratique ?

Notre intérêt pour cette étude est né du constat de la manière dont les élections se déroulent depuis 1991 au Burkina Faso. Alors que nous étions au collège, nous avons remarqué qu'à chaque élection, certains électeurs conditionnent leur motivation à participer à l'acte électoral aux cadeaux obtenus. Dans une opération de collecte de données pour le compte du centre pour la gouvernance démocratique (CGD) en 2006 dans le Nord et le Sahel, la réponse d'un enquêteur a marqué notre attention. Il s'agissait de savoir si oui ou non il fallait supprimer les cadeaux lors des élections, pour une question d'équité entre les partis. L'enquêté que nous avons rencontré répond en ces termes : «  c'est seulement lors des élections que nous bénéficions des ressources des partis. Si on les supprime, qu'allons nous manger, que pouvons-nous obtenir encore avec ces partis politiques qui ont l'art de nous abandonner après les élections ? ». Ce témoignage montre que les dons sont non seulement très fréquemment utilisés lors des élections au Burkina mais qu'ils sont entrés dans les habitudes des électeurs et leur semblent indispensables. Notre préoccupation à travers cette recherche sera de cerner la part d'influence que les dons ont sur la détermination des comportements de l'électorat et aussi sur les résultats électoraux.

Une telle réflexion s'avère d'autant plus importante pour le processus de construction démocratique. Il est en effet sans cesse nécessaire de jeter un regard critique sur l'évolution des choses pour s'assurer qu'elle répond aux objectifs. Cette étude ouvre ensuite la voie à une critique constructive sur l'introduction d'un phénomène socioculturel (le don) sur un champ où tous les coups semblent permis. Le don peut-il continuer de jouer son rôle de construction, de maintien et de régulation de réseaux de relations sociales sur le terrain politique ? En d'autres termes, quelle valeur peut-on maintenant accorder au don dans ce champ social?

L'hypothèse suivante oriente notre démarche : l'usage des dons dans les campagnes électorales détermine les comportements électoraux de la population de la ville de Ouagadougou. Ce déterminisme influe corrélativement sur l'ancrage de la culture démocratique. L'objectif de cette étude consiste à décrire les manifestations de la pratique du don électoral et son impact sur les comportements des électeurs et partant sur la consolidation de la démocratie.

S'intéressant uniquement aux populations de la commune de Ouagadougou, cette étude ne saurait faire l'objet de généralisation ou d'extrapolation sur l'état global des comportements électoraux dans tout le pays. Les outils utilisés sont entre autres le guide d'entretien, le questionnaire et le focus groupe. Nous avons associé les deux approches : quantitative et qualitative. L'observation directe de l'attitude des électeurs lors des élections du 13 novembre 2005 et du 24 avril 2006 a été d'un appui capital dans cette étude.

La ville de Ouagadougou, cadre de notre recherche couvre une superficie de 52.000 ha dont 21.750 ha urbanisés. La ville tire ses origines des XIIIe et XIVe siècles car son histoire est liée à celle du royaume mossi. L'administration coloniale ne trouvant pas assez d'infrastructures va transférer ses services à Bobo Dioulasso. Ouagadougou sera érigée en commune dite mixte en 1926 et en commune de plein exercice avec des organes élus au suffrage universel par l'effet de la loi coloniale de 1955. En 1956, des élections municipales sont organisées et ont conduit à la mise en place des conseils municipaux. En 1959, le conseil municipal de Ouagadougou est dissout et une délégation spéciale est créée en lieu et place. C'est seulement trente (30) ans après soit le 12 février 1995 que des élections de conseillers municipaux seront organisées dans les communes urbaines. Dotée d'un conseil municipal depuis 1995, Ouagadougou est subdivisée en 30 secteurs et 17 villages. Avec l'urbanisation très rapide, la population de la ville est passée de 441.514 habitants en 1985 à 788.581 habitants en 1999. Cet effectif passera de 907.499 en 2003 à 939.931 en 2004 et enfin à environ 1.200.000 habitants en 2006. Capitale politique du Burkina, Ouagadougou offre un cadre idéal pour observer le phénomène électoral dans ce pays, étant donné que presque tous les partis politiques y sont représentés.

Notre échantillon d'étude est puisé dans la population mère de la commune de Ouagadougou et il prend en compte seulement les individus ayant au moins 19 ans en janvier 2007. En d'autres termes, il s'agit de ceux qui ont pris part au moins à une des élections organisées depuis fin 2005. En somme, une quarantaine de personnes ont été concernées par l'enquête par questionnaire et 10 autres par le guide d'entretien. Enfin, nous avons effectué deux focus groupes pour compléter nos informations. En somme 50 personnes ont été individuellement approchées et deux groupes de dix (10) personnes ont suivi l'entretien du focus. Nous avons opté dans l'ensemble pour une démarche dite raisonnée pour apporter un complément aux données documentaires. La collecte des données documentaires s'est faite de manière continue depuis juillet 2006 jusqu'à la rédaction. Quant aux données de terrain (enquête par questionnaire), leur collecte a été faite de janvier à fin mars 2007. Ces données ont été dépouillées et traitées manuellement, ce qui a sans doute alourdi le travail. Notons que les entretiens avec les personnes ressources ont été réalisés tout au long du processus de recherche jusqu'à la fin de la rédaction.

Du reste, le travail de terrain ainsi que les données documentaires ont permis de se rendre compte que peu de travaux d'ordre scientifique ont été réalisés sur la question des comportements électoraux au Burkina Faso et particulièrement dans une zone urbaine. Cette évidence rend ce travail plus que nécessaire. Ne pouvant brasser tous les aspects du don et les dons de tous les intervenants dans le champ politique, notre étude s'intéressera surtout aux dons faits entre partis ainsi qu'aux dons faits par les partis politiques ou les candidats à l'électorat. Ces dons peuvent avoir été directement ou indirectement remis aux bénéficiaires par les donateurs. Pour mieux saisir l'impact des dons, on ne pouvait écarter de notre champ d'analyse le financement public.

Le présent travail se structure en deux (II) partie avec chacune deux (II) chapitres. La première partie fait un état des lieux des connaissances sur l'avènement du don électoral au Burkina Faso (chapitre I) et les objectifs visés (chapitre II). La seconde partie présente l'impact du don électoral sur les comportements des électeurs (chapitre I) et sur la construction de la démocratie (chapitre II).

Chapitre I.  De la pratique des dons dans les élections

Durant tous les scrutins organisés, les pratiques et les usages de dons multiformes ont été remarqués au Burkina comme cela se passe partout en Afrique. Cependant l'absence de données scientifiques avérées sur les élections avant 1991 rend l'analyse de la manifestation des dons difficile dans cette période lointaine de l'histoire politique du Burkina. La problématique des dons électoraux ne se limite pas aux élections organisées sous la quatrième République, d'où la nécessité de porter un regard diachronique sur l'évolution de l'usage des dons dans les différentes élections au Burkina Faso (I). Il apparaît ensuite nécessaire d'appréhender les types de donateurs et les moyens de transmission des dons aux électeurs (II).

Section I. L'historique et la typologie de dons

L'émergence du phénomène du don électoral au Burkina Faso est le fruit d'un processus qui s'est construit tout au long des différentes joutes électorales. Comment expliquer l'évolution du phénomène de don électoral au Burkina Faso (§i) ? Quelles classifications peut-on faire de ces dons (§2) ?

§1- L'évolution du phénomène du don électoral au Burkina Faso

Situer la période de l'avènement des dons dans le jeu électoral au Burkina Faso a été une préoccupation centrale de la présente étude. P.E26(*)explique qu'il faut d'abord rechercher dans la base sociologique, l'origine du don électoral au Burkina Faso. L'émergence des dons dans le champ électoral s'est progressivement opérée. Bagoro s'appuyant sur l'analyse d'IDEA note que la campagne électorale au Burkina Faso tend « trop souvent à se caractériser par la remise des cadeaux et l'achat des consciences 27(*)». De nos recherches, il est ressorti qu'en réalité c'est au cours des élections présidentielles de 1978 que les dons ont connu leur apparition dans les campagnes. K.A28(*) explique que pendant les élections de 1978, les principaux partis qui ont brillé dans l'usage des dons sont le RDA et l'UNDD. La situation financière des partis de l'époque et leur nombre assez réduit ont rendu moins visible l'utilisation des dons. Cette situation a connu une montée progressive depuis les élections présidentielles du 2 juin 1991.

Tableau n0 1. Apparition des dons dans les élections au Burkina Faso selon les variables sexe, âge et niveau d'instruction

Périodes

Effectifs

Sexes

Ages

Niveau d'instruction

H

F

20-30

31-40

41-50

51+

Aphbte

prmre

scdre

supr

Depuis toujours

04(10%)

03(15%)

01(5%)

00(0%)

00(0%)

02(16.66%)

02(66.66%)

00(0%)

02(20%)

02(14.28%)

00(0%)

1978

05(12.5%)

04(20%)

01(5%)

00(0%)

00(0%)

04(33.33%)

01(33.33%)

01(12.5%)

02(20%)

03(21.42%)

01(12.5%)

1992

21(52.5%)

10(50%)

11(55%)

06(66.6%)

10(62.5%)

05(41.66%)

00(0%)

07(87.5%)

04(20%)

06(42.85%)

05(62.5%)

1998

06(15%)

02(10%)

04(20%)

03(33.33%)

02(12.5%)

01(8.33%)

00(0%)

00(0%)

02(20%)

03(21.42%)

02(25%)

2002

04(10%)

01(5%)

03(15%)

00(0%)

04(25%)

00(0%)

00(0%)

00(0%)

00(0%)

00(0%)

00(0%)

Total

40(100%)

20(100%)

20(100%)

09(1000%)

16(100%)

12(100%)

03(100%)

08(100%)

10(100%)

14(100%)

08(100%)

40(50%)

40(50%)

40(50%)

Source : enquête de terrain, mars 2007.

Le tableau ci-dessus donne un aperçu général des réponses des enquêteurs sur les moments probables de l'émergence du don dans les élections dans la ville de Ouagadougou. Les données du tableau concordent sur cette date de 1992 comme le point culminant de l'usage excessif des dons dans les élections. Sur les 40 personnes enquêtées, 21 personnes soit 52.5% soulignent que c'est à partir des législatives de juin 1992 que le phénomène « don électoral » a commencé à être très manifeste. Quelle que soit la variable prise en compte, le tableau permet de mettre en exergue l'année 1992 parmi les différentes dates qui ont été proposées par les répondants.

Des focus, il ressort que l'année 1998 marque le point d'orgue du fort usage des dons dans les campagnes électorales. Bien que ce soit dès 1992 que les élections ont connu un regain d'intérêt au Burkina Faso, les entretiens montrent que c'est à partir de 1998 qu'elles vont être émaillées de l'usage de nombreux dons. « Il fut un moment où les populations et les partis politiques ont compris que le changement (l'alternance) n'était plus possible. Dès lors, les partis politiques qui ne connaissaient pas encore les pratiques clientélistes, sont entrés dans la danse avec le parti au pouvoir. En d'autres termes, il s'agit pour les partis politiques de se prévaloir des mêmes armes (les pratiques clientélistes) pour conquérir l'électorat dont le parti au pouvoir maîtrisait grâce aux dons 29(*)».

Les partis politiques de l'opposition suite à la révision de l'article 3730(*) ont vu leur espoir de gagner les élections futures s'émousser. Tous les moyens paraissent dès lors nécessaires pour se tailler une belle image auprès des populations afin d'espérer obtenir quelques voix. Dans cette optique et malgré leurs moyens limités, tous les partis dans la course au pouvoir n'ont cessé d'offrir des cadeaux ou d'en promettre à l'occasion des scrutins.

En outre, la multiplication du nombre de partis politiques pourrait expliquer l'émergence du phénomène. « Tout parti, quelle que soit son obédience, qui veut maintenir une bonne audience et garder solide ses bons contacts avec l'électorat, est tenu de faire des offres. C'est une opération coup de charme qui, pourtant, s'impose au regard du nombre croissant des partis politiques31(*) ». Les pratiques clientélistes sont devenues depuis 2002 une arme efficace aux mains de tous les partis y compris les partis d'opposition. Les partis d'opposition ont connu un succès spectaculaire aux législatives de 2002. L'opposition a connu ses premières percées électorales, en remportant lors des élections communales du 24 septembre 2000, 6 communes sur 49. Les législatives de 2002 ont confirmé cette montée en puissance de l'opposition, puisqu'elle y a remporté 54 des 111 sièges parlementaires32(*). Mais cette montée de l'opposition dans le jeu politique trouve certainement ses raisons dans la situation sociopolitique que le pays a vécu depuis le décès de Norbert Zongo survenu le 13 décembre 1998. Juste après cet évènement, « un collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques est créé pour lutter contre l'impunité et pour la justice, avec pour slogan ``trop c'est trop'' »33(*). La publication du rapport de la commission d'enquête indépendante loin de décrisper le climat social a déclenché de troubles et de violences importantes. Dans cette situation de crise profonde, les partis d'opposition qui se sont alliés au mouvement du collectif ont trouvé une occasion pour se rapprocher davantage du peuple.

L'électorat, de l'avis de certains analystes, aurait sanctionné le pouvoir pour les cas de crime impunis en accordant sa confiance au renouveau politique incarné par les partis politiques de l'opposition inscrits dans le collectif34(*). Ainsi les résultats aux législatives de 2002 ne sauraient être justifiés seulement par l'effet de la pratique des « dons électoraux »; car la crise qui a précédé ces élections a eu un impact aussi fondamental sur la réalité politique et sur les stratégies des acteurs.

En outre, les acquis suivants ont été constatés avant le déroulement du scrutin de 2002 : la création d'une structure de suivi et d'observation des élection appelée Observatoire National des Elections (ONEL), la révision du code électoral avec l'adoption du scrutin proportionnel avec répartition complémentaire de sièges aux plus forts restes lors des législatives et l'introduction du bulletin unique et enfin le renforcement de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et de la liberté de la presse. Tous ces changements dans la vie politique du pays ont certainement contribué à l'émergence d'une ``opposition réelle''. Dès lors, l'usage des dons par l'opposition peut se présenter comme un moyen de maintenir en haleine l'électorat et conserver ses chances pour les échéances futures. Selon S.A35(*)« les dons sont entrés dans les moeurs politiques au Burkina durant la troisième mandature (présidentielle et législative) et dans la présente en cours depuis fin 2005 ». Ainsi, bien que les dons eussent été déjà utilisés dans certaines élections, c'est durant ces derniers mandats que le phénomène a pris une certaine ampleur.

En somme, les analyses montrent que depuis 1991, les élections au Burkina ont toujours été fortement marquées par le foisonnement en leur sein des dons de diverses catégories. Au fil des ans et selon les types de scrutins, les dons sont entrés dans les habitudes des partis politiques et aussi dans celles des populations. Il convient dès lors de décrire et de classifier les différents dons usités. C'est ce à quoi nous nous attèlerons dans le paragraphe suivant.

§2- Les types de dons dans les élections

Les dons varient d'un scrutin à un autre mais on en distingue qui sont presque toujours observés quelle que soit l'élection.

Ces multiples dons peuvent se classer en plusieurs catégories. La première catégorie se structure en subventions étatiques et paraétatiques36(*), en appuis multiformes venant des opérateurs économiques et enfin en offres à l'endroit des électeurs. Les subventions étatiques et paraétatiques sont le plus souvent connues d'avance et constituent pour certains petits partis leurs fonds de base puisqu'ils n'ont pas assez de relations pour se créer d'autres opportunités.

Comme le don naturel, ce don crée une dépendance évidente entre le parti et l'Etat et constitue pour les deux une source d'enjeux37(*). Notons aussi que la dépendance s'est établie entre le régime qui a favorisé l'accès des partis aux subventions et certains partis bénéficiaires38(*). Les appuis multiformes sont assurés par les amis des partis ou des hommes politiques. Les grands partis qui disposent de relations assez larges ont beaucoup plus accès à ces dons par rapport aux ``petits partis39(*)''. Les dons ou offres adressés aux électeurs sont composés de promesses électorales, de projets de réalisation, des gadgets, de moyens logistiques et de l'argent liquide. Selon Z .R40(*). « La majorité des partis politiques bénéficient au Burkina Faso des deux premiers types de dons et utilisent la troisième forme dans leur stratégie de campagne »

La seconde catégorie se caractérise par d'autres dons matériels et des dons immatériels. Ces dons sont surtout faits aux électeurs par les partis politiques et aussi par leurs émissaires ou intermédiaires.

Tableau n0 2. Perception des dons matériels en fonction du sexe

céréales

sucre, café et thé

pagnes, tee-shirt, casquettes et gadgets à l'effigie du parti

vélos, motos, véhicules

des bons de carburant

boissons

Argent

Des parcelles

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

12

8

20

18

20

20

08

07

15

1 2

10

12

17

15

14

12

(50)

(70%)

(100%)

(37.5%)

(67.5%)

(55%)

(80%)

(65%)

Source : enquête de terrain, mars 2007.

Dans l'ordre d'importance, les dons matériels très usités sont : d'abord le lot de pagnes, de tee-shirts, de ballons, de casquettes et d'autres gadgets à l'effigie du parti. La seconde forme de dons matériels est formée par les biens marchands : sucre, sel, cola, café et thé. Le sucre peut être envoyé aux populations lors de certaines fêtes pour le « zom-kom »41(*). Il peut être donné aussi avec le café et le thé aux jeunes qui forment des « grins »42(*). L'argent, les bons de carburant, les parcelles (espaces aménagés dans les zones loties) sont les plus importantes offres après les deux premières catégories déjà relevées.

Les dons matériels regroupent ceux en nature et en espèces. On y retrouve les dons marchands alimentaires (sucre, thé, céréales, boissons). O.L43(*) relève un fait marquant au secteur 17 lors des élections municipales de 2006 : « dans la mosquée à coté de ma cour, les chefs de familles ont eu chacun un sac de riz après la prière matinale». On aurait selon cet habitant déposé tôt le matin un lot de sac de riz devant la mosquée et ce, avec l'accord des dignitaires religieux.

Certains bâtiments réalisés par le gouvernement sortant accueillent des cérémonies d'inauguration ponctuées par des discours de séduction. Comme le remarque Loada, « Il n'est guère surprenant d'ailleurs que le nombre d'inaugurations ou de démarrage de travaux publics ait connu un accroissement spectaculaire à la veille des élections 44(*)». Socpa relève pour sa part que « hormis les promesses en dotation d'infrastructures de développement, les produits alimentaires et vestimentaires, des gadgets et des pacotilles de toutes sortes sont offerts aux populations pendant les périodes électorales45(*)».

L'argent n'est pas épargné dans ces formes d'échange entre les partis politiques et l'électorat. C'est dans l'ordre la septième offre usitée par les partis à Ouagadougou. « La période électorale est en effet perçue par la majorité des citoyens comme le moment où l'on peut reprendre aux hommes politiques l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur accession au pouvoir ou plus généralement depuis l'indépendance ».46(*) Les électeurs attendraient donc de tirer des gains financiers de chaque scrutin électoral, de retirer ce qui leur paraît être leur dû retenu par les hommes politiques. Selon P.E. du MPS/PF, on note une certaine évolution depuis 1992 dans la forme et la nature des dons. L'argent étant un moyen visible de corruption, les hommes politiques ont commencé par distribuer des dons en nature (riz, savons, sel, sucre, pagnes) depuis fin 2000.

Les moyens de déplacement forment le dernier maillon de dons matériels présentés par les partis politiques dans la ville de Ouagadougou. Ce n'est pas étonnant dans cette ville souvent appelée la capitale des deux roues en Afrique, les mobylettes et vélos sont beaucoup prisés. Cependant, ces engins ne sont pas offerts à tout le monde mais seulement à certains relais c'est-à-dire aux mobilisateurs. Z.R. souligne à cet effet qu'« il arrive que des partis offrent des engins. Ils servent à faciliter les multiples déplacements des différents représentants des catégories de populations aux rencontres des partis ou à leurs actions de mobilisation ».²

Autres dons non moins importants concernent les mises à disposition gratuites de locaux et matériels de secrétariat. P.E note que « certains partis sont gratifiés de locaux pour leurs rencontres dans les quartiers et dans le pays sans pour autant verser un pièce. Tout au long des campagnes, ils peuvent en faire leurs sièges. Il en est de même de certains secrétariats qui leur reviennent pour leurs activités de saisie et de tirage 47(*)». Il existe outre les dons matériels, les dons immatériels.

Cette deuxième catégorie de dons concerne les promesses48(*), les services rendus et les poses de premières pierres etc. L'électorat est gratifié de multiples promesses de soutien et d'aide pour la résolution de ses problèmes prioritaires. Ces promesses renvoient à l'attribution des postes juteux aux diplômés des secteurs concernés de la ville, à l'amélioration des conditions de vie des populations par la réalisation d'infrastructures socioéconomiques, à trouver de l'emploi aux fils et filles des localités et à hisser au haut rang les élites venant desdites localités. Les deux formes de promesses occupent les premières places des dons immatériels utilisés lors des campagnes et des élections.

Les hommes politiques prennent l'engagement ferme de trouver des solutions immédiates aux doléances qui leur sont soumises. Pour Menthong, ce qui importe pour les populations, ce sont « les avantages que la conquête d'une position de pouvoir ou l'exercice d'un rôle d'autorité par un membre de la communauté d'appartenance peut leur apporter en termes de gain, d'avantages politiques, matériels et symboliques et la place que la communauté occupera de ce fait dans le système de domination49(*)». Toute promesse allant dans ce sens ne peut qu'attirer l'attention des populations. Le concept de changement véhiculé par les partis de l'opposition renferme en réalité une panoplie de promesses et de réformes qui auraient une importante influence sur la vie des communautés. Mais selon le quotidien Le pays n03848 « les périodes de précampagne et de campagne sont des moments de promesses dont la durée de vie est égale à celle de la campagne»50(*).

Des services sont rendus par les hommes politiques aux électeurs grâce à leurs relations dans l'administration. C'est le cas des dossiers délicats sur l'avancement de certains fonctionnaires qui malgré leurs multiples démarches, n'ont pu résoudre leurs problèmes avec le service de la solde. Les offres de services de certaines entreprises et personnes physiques pour la soumission aux marchés publics seraient appuyées et orientées vers des personnes supposées leur donner une suite favorable.

C'est généralement pendant les campagnes que certaines poses de premières pierres symboliques sont faites pour des constructions qui peut-être ne verront jamais le jour. Selon O. N51(*), lors des élections de 2002, un des fils de leur village, homme politique qui leur avait promis depuis 1998 la réalisation d'un barrage, aurait été rejeté par les habitants du village. La promesse n'ayant pas été tenue, les populations ont refusé de sortir à son meeting de 2002. Le candidat a très vite compris la situation et dès le jour suivant des machines ont commencé à vrombir dans la rivière. Les habitants réjouis sortirent très nombreux pour le meeting que celui-ci organisera par la suite. Aux lendemains des élections les machines repartirent avec la promesse qu'elles reviendront et plus jamais elles n'y sont revenues. Les types de dons ci-dessus décrits sont transmis par divers donateurs et ce, suivant des canaux qui méritent que l'on s'y penche.

Section II. L'administration des dons

Les scrutins sont des occasions inédites dans lesquelles interviennent de nombreux acteurs politiques et même des gens insoupçonnés comme ayant des accointances avec le milieu politique. Qui sont-ils ? Quels canaux utilisent-ils ?

§1- L'identification des donateurs

Des divers entretiens, il ressort en premier lieu que les principaux donateurs sont surtout les grands partis politiques par le biais des candidats, des entrepreneurs, des élites locales alliées aux partis politiques, des leaders d'opinion, etc.

Les partis politiques reconnus comme donateurs au Burkina sont le parti majoritaire au pouvoir (le CDP) et les grands partis de l'opposition (PAI, PDP/PS, ADF/RDA, UNIRMS, UNDD...). Il faut remarquer cependant que tous les partis politiques quelle que soit leur taille, font des dons à l'électorat. Ces dons passent par les candidats qui les transmettent lors des meetings aux populations ou lors des rencontres privées avec les leaders d'opinion, les élites des localités ou les représentants des partis dans les localités. Certains d'entre eux sont parfois considérés comme les vrais donateurs aux yeux des populations. Ils peuvent à leur tour devenir des donateurs s'ils offrent leurs propres ressources, car il arrive que quelques uns opèrent ainsi. Banégas (1998)52(*) analysant les comportements électoraux au Bénin souligne que de l'avis des électeurs, l'élu responsable est d'abord celui qui redistribue, et le bon candidat, celui qui salue les fronts « avec des billets de banque » et offre « de quoi mouiller la gorge ». Cette perception de l'élu et du candidat paraît aussi celle de l'électorat burkinabè en général. Les partis assureraient donc la redistribution des biens et ressources aux populations afin de gagner leur confiance.

Il est évident que tous les dons ne sont pas directement remis aux électeurs par les candidats. Les anciens ministres, députés, maires et fonctionnaires internationaux membres des partis contribuent selon leurs moyens à la survie de leurs partis. Ils organisent ainsi souvent des activités récréatives au cours desquels, ils offrent des dons aux populations. Les matchs de football, les animations et les autres formes de jeux de société organisés par les ministres, députés et les fonctionnaires sont autant d'occasions pour offrir des cadeaux en vue de rehausser l'image des partis et des hommes politiques qui les dirigent. Des dons sont faits aux partis politiques par des hommes d'affaires, des sociétés privées, des agents de l'administration afin de leur permettre de bien organiser les campagnes. 

La collusion d'intérêt entre les responsables politiques et ceux des sociétés privées, le monde des affaires et la haute administration génère le financement occulte. Lors des deux focus, les populations ont cité les noms de certains entrepreneurs comme finançant les campagnes en faveur du parti au pouvoir au Burkina Faso. Les entrepreneurs financeraient les élections, confirmant que ce ne sont pas seulement les hommes politiques qui investissent dans les élections. Parmi ces opérateurs économiques, on distinguera « les donateurs spontanés, les donateurs affiliés à des membres du bureau politique et enfin les donateurs fidèles.

Les donateurs spontanés sont ceux qui, d'un coup, ont découvert que les élections pouvaient être une opportunité de positionnement stratégique et qui pour cette raison se sont résolument engagés à offrir leurs services. Il s'agit de dons dont l'impact est déjà estimé par ceux qui les font. En d'autres termes, ce sont des dons à but stratégique.

Les donateurs affiliés ou ayant des liens de parenté avec certains membres de bureaux politiques offrent leurs services et leurs biens matériels pour soutenir non un parti mais leurs parents. Dans ce sens, l'absence des parents proches des donateurs dans les partis concernés, entraînera la rupture de la pratique de dons. La pratique de dons est fondée dans le présent cas sur les liens de sang, de filiation et d'alliances. Malgré les liens ci-dessus décrits, les donateurs ne posent pas leurs gestes pour les seules raisons d'amitié ou de filiation. Des gains ou des retombées sont attendus en cas de victoire. C'est ce que souligne P.E53(*) du MPS/PF en ces termes : « même les parents proches n'aident plus de nos jours un parti politique sans attendre une contre partie ».

Les donateurs fidèles sont ceux qui, à chaque élection, apportent leurs soutiens aux partis 54(*)». Ils ne se placent pas toujours aux cotés des mêmes partis mais de ceux, qu'ils jugent capables de remporter les élections, dont principalement le parti au pouvoir. Bon gré mal gré, ils ne cessent d'apporter leur concours à certains partis pour la conquête du pouvoir. Dans la réalité, leur contribution à la vie politique de ces partis est importante, la question étant de savoir s'ils jouent ce rôle en tant que citoyen ou s'ils le font pour de simples intérêts. En d'autres termes, si la majorité des citoyens soutenaient financièrement les partis, ils auraient pu réaliser plus d'activités qu'ils ne le font actuellement pour assurer la formation du citoyen.

Certains donateurs, proches parents des membres des bureaux politiques peuvent être classés dans la catégorie des donateurs fidèles aux partis concernés. Pour les raisons des liens de sang, autrement dit à cause de la présence de leurs proches parents dans les partis, ce type de donateur serait près à apporter à ces partis son concours dans les activités qu'ils entreprennent. « Ils n'attendent pas de ce fait les élections seulement pour répondre aux sollicitations des partis, ce genre de donateur est très sensible pour toute activité que les partis leur soumettent55(*) ».

En somme, les donateurs sont multiples. Il y a ceux qui donnent aux partis (certains partis, les opérateurs économiques) et ceux qui donnent aux électeurs (les partis, les émissaires ou intermédiaires, les opérateurs économiques, etc.). Mais certains partis, au regard de leurs accointances avec certains milieux bénéficient beaucoup plus de leurs soutiens lors des élections. Ces dons peuvent être directement acheminés par les responsables politiques des partis ou indirectement par des intermédiaires. Ce sont ces différents mécanismes que nous essayerons de voir dans la partie suivante.

§2- Les canaux d'acheminement des dons

Différentes voies sont utilisées pour faciliter la transmission des dons à partir des sièges des partis politiques vers l'électorat. Il convient de noter que ce n'est pas seulement en période électorale que les partis font des offres aux populations. Les entretiens révèlent que pendant les fêtes religieuses (Ramadan, Tabaski, Pâques, Noël, ...) et à l'approche des élections des dons sont faits aux populations par le parti au pouvoir pour maintenir le contact. En effet N.A. avance que des tonnes de sucre et de riz ont été données aux populations des différentes régions du pays quelques jours avant la Tabaski de 2006. K.L56(*) confirme cette version en expliquant avoir lui-même participé à la distribution de certains produits comme le sucre, le thé et des gadgets, quelques jours avant les élections. Il termine en disant ceci: «  après les élections, je suis oublié et c'est seulement à l'approche de nouvelles élections qu'on recherche mes services ».

Le premier canal est constitué par les responsables politiques des partis au niveau national. Ceux-ci procèdent par une remise de cadeaux lors des campagnes et ce, à travers les meetings. Cadre de présentation et d'explication de leurs programmes électoraux, les meetings offrent l'occasion aux prétendants aux postes de montrer leur générosité pour certains, leur pouvoir économique pour d'autres ; en d'autres termes leur capacité à répondre spontanément aux diverses sollicitations des populations. Il y a aussi les visites nocturnes par lesquelles les hommes politiques soucieux de garder l'anonymat ou dans leurs tentatives de corruption, rencontrent certaines catégories d'électeurs. Ces personnes qui exigent des rencontres anonymes sont les leaders d'opinion (chefs coutumiers et religieux ainsi que les personnes très avancées en âge). Abondant dans le même sens, K.A.57(*) confie qu'un membre du bureau politique national de l'UPR qui est né dans son quartier (Samandin), y retourne chaque élection pour rencontrer les vieux du quartier afin d'obtenir leur soutien. Ces derniers pour exprimer leur soutien à cet homme politique, délèguent un d'entre eux qui passera dans les regroupements de jeunes et de femmes pour leur demander de voter pour lui ».

Ces catégories d'individus ont sous leur influence une partie importante de la population. Dans ce cas, obtenir leur assentiment permet d'avoir une longueur d'avance non négligeable. Dans une société où la séniorité (l'âge), le statut des acteurs en rapport avec leurs positions sociales ont une influence véritable sur le comportement des agents sociaux, on comprend aisément que les hommes politiques passent par ces hommes aux positions socioculturelles influentes pour assurer la transmission des messages et des autres dons. Ces personnes exercent en effet une « violence symbolique »58(*) sur les acteurs.

Il faut noter que malgré l'impact du phénomène d'urbanisation, de nombreux quartiers ouagalais ont un chef traditionnel. Les guides religieux sont aussi multiples surtout avec la diversité de religions qu'on rencontre dans la ville. Rencontrer ces personnes ressources au vu et au su des populations mettrait en mal la crédibilité dont ces derniers jouissent devant leurs disciples. Mais l'obtention de leur adhésion est une nécessité pour s'assurer une victoire.

Bien avant les meetings, les populations sont mobilisées et galvanisées par les responsables politiques locaux ou les leaders d'opinion acquis à la cause du parti. Ces personnes forment la catégorie des courtiers en politique. A Ouagadougou plusieurs partis disposent de représentants dans les secteurs. Il en est de même dans les provinces et départements du pays. Ces représentants ainsi que ceux qui auront été choisis pendant les campagnes pour jouer ce rôle sont les intermédiaires par lesquels les dons sont acheminés vers les populations. Ils assurent la distribution tout en prenant le soin de prendre leur part personnelle. Souvent ressortissants des différentes localités, ils assurent la transmission de la plupart des dons. A Ouagadougou, ces représentants sont des proches, des voisins ou des amis, des habitants de ces secteurs. Ils sont donc des gens connus et parfois respectés dans leur milieu. Ils jouissent de ce fait d'un pouvoir symbolique (le respect et la reconnaissance) qui leur permet d'être bien écoutés. Ces hommes n'assurent pas seulement la transmission des dons mais il arrive qu'ils donnent aussi de leurs propres moyens pour garder une bonne image auprès des habitants.

Pour K.R.59(*) du PDP/PS, il arrive qu'une même personne soit contactée par plusieurs partis politiques à cause de l'audience qu'elle a auprès des populations. Certains refusent mais la majorité joue le jeu avec tous les partis. Ainsi au secteur 27, dans le même groupe de jeunes, il existe des partisans voire des contacts de cinq partis politiques. Ces jeunes affirment qu'ils savent tous de quel bord chacun est, mais ils travaillent ensemble parce qu'ils formaient un seul groupe avant que les partis politiques ne les contactent. Ils sont amadoués, arrosés disent-ils pour mobiliser les gens à travers les matchs de football, des animations musicales au cours desquelles, micros à la main, ils passent les messages des différents partis. Ils ont les symboles de tous des partis avec lesquels ils travaillent qu'ils portent ou collent sur les lieux des rencontres. Juste après les rencontres, ces symboles et affiches sont rapidement arrachés et remplacés par ceux du parti annoncé. Pour toutes ces actions, ils reçoivent de l'argent, des appareils de musique, des gadgets, du thé et du sucre qu'ils ne peuvent tout garder pour eux seuls s'ils souhaitent avoir un nombre important de personnes dans les meetings.

Les meetings, les animations, les jeux de société sont les canaux par lesquels les mobilisateurs passent pour transmettre les cadeaux. Ces mobilisateurs sont soit des hommes politiques reconnus sur le plan national ou dans les régions, provinces et communes rurales soit des leaders d'opinions locaux et des élites des localités. Même si ces élites vivent dans d'autres villes ou localités, lors des élections, elles rentrent chez elles pour battre la campagne. S.A, membre du bureau de PDP/PS note que les partis passent aussi par les responsables des regroupements communautaires du quartier (communauté musulmane, communauté chrétiennes, associations, etc.) pour assurer la transmission des dons.

Les dons, faudrait t-il le souligner, ne sont pas tous dirigés vers l'électorat. On en distingue qui sont orientés vers d'autres partis politiques faiblement équipés et peu connus sur la scène nationale. En outre, les dons entre partis politiques se font dans la période post électorale pour préparer dans le silence les élections en vue. Ces dons serviraient à la capture des petits partis par les grands. Cette situation peut être interprétée comme une stratégie des grands partis pour se donner une image de bonne santé sur la scène politique ou une tactique des petits partis pour avoir une visibilité sur la scène nationale. La plupart des partis étant implantés à Ouagadougou, les tractations et toute forme d'échange entre eux affectent le climat sociopolitique de ladite ville.

Du reste, les dons ont connu une apparition effective dans le jeu électoral burkinabè depuis les élections de 1978. Mais, ce phénomène social a pris de l'importance dès l'avènement de l'ère démocratique dans les années 1990. De nombreux canaux sont utilisés pour leur acheminement vers l'électorat. En effet, ils sont soit transmis directement par les partis politiques, soit par le biais des intermédiaires politiques (les gatekeepers60(*)). Les donateurs ne sont pas seulement des hommes politiques comme on l'a souvent cru ou entendu. Il y a une implication effective des hommes d'affaires (commerçants, entrepreneurs et des responsables de bureaux ou de cabinets d'études) dans la distribution des dons électoraux.

Chapitre II : Les finalités des dons dans les élections

Si l'usage des dons reste une évidence dans le champ politique, il convient de s'interroger sur leur portée politique réelle, sur la finalité de leur emploi pendant les élections. Les dons serviraient aux politiques dans la construction des alliances ou coalitions entre partis politiques, aussi et surtout à la déstabilisation d'autres partis notamment ceux de l'opposition (section I). Ils contribueraient aussi à la mobilisation des électeurs (section II), une condition sine qua non pour la bonne tenue des élections.

Section I. Le soutien et/ou la déstabilisation des partis politiques

Les dons interviennent dans les rapports entre les partis politiques soit pour les consolider ou pour les disloquer. Les phénomènes d'alliances (§1) et de division ou déstabilisation (§2) qui sont observés sur la scène politique peuvent en dépendre. Ces faits s'inscrivent dans la stratégie des acteurs et leur compréhension doit être recherchée dans les logiques que ces derniers leur donnent.

§1-La construction d'alliances entre partis politiques

 L'alliance entre partis est dictée par le fait que pris isolément, aucun parti ne peut vaincre l'adversaire commun. Les partis se mettent ensemble sur la base d'un accord pour aller à une élection ou prendre position par rapport à une situation. C'est donc une approche tactique qui sous-tend le système des alliances. Partant de ce constat, les alliances s'avèrent indispensables dans toute élection ; car même si juridiquement tous les partis se valent, dans les faits, il y a des grands et des petits partis, des partis nantis et des partis pauvres. Avant d'en venir aux raisons des alliances, nous présenterons quelques alliances qui ont couronné le champ politique burkinabè depuis que le pays a renoué avec l'ère démocratique dans les années 1990.

Vers la fin des années 1990, les partis politiques ont pris le goût de pratiquer les alliances. Ouattara situe l'apparition de ce phénomène dès 198961(*). Le parti au pouvoir (Front Populaire), pour apaiser le climat délétère, venait de s'ouvrir aux autres. Tous les partis adhérents se sont félicités de cette ouverture qui marquait une maturité du pouvoir central et un pas vers l'apaisement. L'union paraissait une condition indispensable ; elle marquait « une victoire de la démocratie révolutionnaire »62(*)

En 1991, une nouvelle configuration politique pouvait s'observer à la faveur du débat sur la conférence nationale. La Convention des Forces Démocratiques (CFD63(*)) optent pour des positions opposées sur la question de la tenue de cette conférence. Le ``bal'' des alliances des partis battra son plein en 199465(*). Après s'être adjugé la majorité parlementaire, l'ODP/MT annonce le 4 février 1996 sa volonté de fusionner avec les partis ayant la sociale démocratie comme ligne idéologique. Cette fusion eut finalement lieu le 5 février de la même année. Une autre importante alliance s'est réalisée particulièrement au cours de l'année 1998. Dénommé le groupe du 14 février ou G14,66(*) elle réunissait dix partis politiques. Venue pour changer les rapports de force, cette coalition visait surtout la victoire aux élections présidentielles du 15 novembre 1998. Les regroupements de partis n'ont pas cessé depuis les premières années de démocratisation. Ils se sont même renforcés au fil des ans. Les alliances qu'elles soient en début de l'ère démocratique ou récentes se justifient par plusieurs raisons.

Des multiples causes avancées, les objectifs visés par les dirigeants des partis à leur création peuvent constituer l'explication majeure des différentes alliances. Les ambitions politiques personnelles : tous les hommes politiques nourrissent des ambitions personnelles à travers leurs partis politiques, celles d'exercer le pouvoir en accédant à un poste électif (conseiller municipal, député ou président de la République) ou nominatif dans la haute sphère de l'Etat. C'est pourquoi beaucoup d'hommes politiques trouvent que la meilleure stratégie de conquête du pouvoir est la création de formation politique qui leur est propre sans se référer au nombre déjà existant sur l'échiquier politique national. La multitude de partis rendrait dès lors les alliances nécessaires pour l'existence de certains partis. Ceci est d'autant plus réel car la prolifération des partis politiques et l'émiettement extrême que cela revêt pourrait accroître la vulnérabilité des petits partis67(*).

Hormis la question du nombre des partis, l'expérience montrerait selon Socpa que le « don électoral » est un dénominateur des alliances entre partis politiques, de même qu'il est l'unité de mesure de la sanction et de la récompense politique ».68(*) Il y aurait donc une corrélation entre les alliances qui naissent et les dons qui émergent entre les partis avant et pendant les périodes électorales.

Certaines de ces alliances sont des rafistolages factices. « Le plus souvent ce sont des formations qui ne représentent qu'elles mêmes et qui savent qu'elles ne peuvent pas dégager en leur sein une liste de candidature encore moins assurer par exemple la caution de 50 mille francs qui est demandée par liste pour les législatives et les municipales ou encore payer 5 millions pour les présidentielles. Ce sont ces genres de formation qui nouent des alliances avec des formations représentatives. Ces dernières en profitent pour jouer au rassembleur lors des points de presse »69(*). Certains partis ont compris que leur salut passe par la construction des alliances, lesquelles leur permettent d'exister matériellement et de bénéficier des avantages (dons, postes, services) que les partis nantis pourraient obtenir à l'issue des élections. Les alliances seraient dans ce contexte une stratégie de survie pour ces partis.

Mais comment expliquer que même de grands partis bien connus sur la scène politique nationale forment des alliances? On note le cas de « l'alliance »70(*) entre l'ADF/RDA et le CDP lors de l'élection présidentielle de 2005. Dans la mesure où les deux partis disposent d'assez de ressources par rapport aux autres partis, la lutte pour la survie ne suffit pas pour justifier leur ralliement. De certains entretiens, il est ressorti que l'ombre de Gérard Kango Ouédraogo aurait beaucoup pesé  sur la construction de cette opération entre le parti que dirige son fils et le CDP, et ce, au regard des relations cordiales qu'il entretient avec le président de la République. C'est ce qui se lit dans cette analyse de W.L. : « je crois qu'il faut voir dans cette attitude de l'ADF, la main de Gérard. Il s'est d'abord vengé d'Hermann en le chassant du parti et ce ralliement sert de placement pour son fils dans le champ politique». Le placement devrait être perçu comme un investissement stratégique pour accéder aux avantages, c'est-à-dire, aux dons.

Quelle que raison que l'on puisse avancer, « le mariage » entre ces deux géants de la scène politique paraît surprenant. Dans l'ensemble, les raisons émises renvoient à l'éternelle question des intérêts des hommes politiques. Les gains immédiats ou futurs semblent guider leurs options. C'est ce qui ressort de cette analyse de S.M. membre du bureau politique national de l'UNIR/MS : « il faudra comprendre que pour les acteurs politiques de ces deux partis, ce qui compte c'est que leurs membres gardent le pouvoir. Que ce soit des vétérans du CDP ou ceux de l'ADF/RDA, ce n'est pas un problème, l'essentiel est que le pouvoir soit dans la main de ces deux partis. En un mot, la ligne idéologique ne compte pas ». Les alliances entre partis concernent aussi bien les partis de la mouvance présidentielle que ceux de l'opposition. Les partis de la mouvance restent sur la ligne idéologique du parti au pouvoir. Ils jouissent d'une certaine couverture et de l'indulgence du pouvoir. De ce fait ils ne sont pas un danger pour le parti au pouvoir. Leur alliance avec ce dernier lui offre plus d'avantage pour se pérenniser. Ils constituent sans doute des ramifications du pouvoir central ayant souvent des amitiés avec certains partis de l'opposition. Les partis de la mouvance du fait de leur connaissance du milieu de l'opposition seraient utilisés pour réduire au silence les partis émergents de l'opposition.

Comme précédemment souligné, les coalitions sont des moyens indispensables pour que certains partis subsistent sur la scène politique et des stratégies de fortification pour les grands partis. De ce fait, elles existent dans l'opposition où l'on constate des regroupements selon les intérêts ou les idéologies. Les alliances de grande importance en vue de l'élection présidentielle de 2005 commencent au sein de l'opposition depuis 2004 avec la création de ``l'alternance 2005''regroupant 16 partis71(*). Une autre coalition, l'Opposition Burkinabè Unie (OBU) a marqué la vie politique du pays et surtout celle de l'opposition burkinabè. Cependant, la désignation de son candidat pour l'élection présidentielle de 2005 va entraîner la division de cette coalition72(*).

Pour Z.R.73(*), contrairement à ce que l'on pourrait croire, les coalitions sont l'expression d'une maturité des partis politiques qui y sont impliqués. Seuls les partis consciencieux et véritablement ambitieux peuvent accepter se coaliser. En effet, il affirme : « les partis qui refusent les alliances sont ceux qui ont pour seul objectif ``les subventions'' ». Les coalitions sont des regroupements par objectif conclut-il. A cet effet, elles devraient permettre de transcender les frontières idéologiques et les problèmes de leadership. Il est cependant difficilement admissible que des partis catégoriquement opposés dans leurs lignes idéologiques s'allient même si cela est pour une noble cause. Comment pourraient-ils discuter des questions pour lesquelles l'entente est d'office remise en cause ?

W.L74(*). (de l'opposition dite radicale) parle de ``deal'' politique75(*) entre certains partis pour justifier les alliances. Ce deal serait lié au fait que certains partis ont été créés tout juste pour jouer les seconds rôles et conférer aux fondateurs une certaine position stratégique pour les éventuels postes. La faible représentativité de certains partis politiques sur le territoire national et leur incapacité financière à exercer leurs missions expliquent selon cet homme politique les accords voire les alliances entre partis. Loada n'abonde t-il pas dans le même sens quand il note qu' «  au gré de leurs intérêts, ses leaders n'ont pas hésité à nouer des alliances conjoncturelles entre eux, voire avec le pouvoir sans considération pour les lignes idéologiques qu'ils étaient censés représenter ».76(*) Ce type d' « alliance contre nature »77(*) s'est observé dans le cas de la « coalition » de l'ADF/RDA78(*).  De ce qui précède, les coalitions ou alliances entre partis politiques sont l'expression des stratégies mises en oeuvre par les partis politiques pour obtenir la confiance de l'électorat et remporter les élections. Ces alliances se construisent toujours autour d'un parti qui possède un capital politique indispensable pour le jeu politique (soit des moyens économiques ou qui est mieux implanté sur le territoire national) ou encore entre petits partis en vue de constituer une équipe plus solide. Les intérêts que chacun des partis tire dans ces alliances et les offres que peuvent faire les partis centraux autour desquels ils se réunissent motivent les alliances. Si les alliances sont perçues comme des solutions pour palier les faiblesses des partis politiques, qu'est ce qui pourrait expliquer la déstabilisation des partis ?

§2- La Déstabilisation des partis politiques

Il est admis que « les moeurs démocratiques imposent le respect de l'opposition, lui reconnaissent le droit de contester le pouvoir, de critiquer le gouvernement, mais lui imposent en même temps les obligations entre autres, de respecter les règles du jeu démocratique, et de présenter une véritable alternative politique au pouvoir, en élaborant des objectifs clairs crédibles et pratiquement réalisables79(*) ». Comment se comportent les partis politiques sur la scène politique burkinabè ? Quelle est la place des dons dans la déstabilisation des partis ?

Il apparaît que chaque parti politique engagé dans le processus électoral développe une stratégie d'action qui définira les moyens à utiliser pour les atteindre. Le parti au pouvoir est généralement bien nanti et bien représenté sur la scène nationale ; ce qui lui offre un net avantage. « Le parti au pouvoir se confond à l'Etat et le chef de l'Etat est l'Etat »80(*). Au regard de cette situation de confusion entre l'Etat et le parti, le parti au pouvoir dispose de plus de moyens et de facilités que les partis de l'opposition. L'opposition n'ayant rien de concret à proposer assiste dans le silence à un marché de la part du pouvoir qui se résume à disposer des biens et de services dont il n'est pas le propriétaire. Bagoro y voit une volonté affichée du parti au pouvoir d'effacer la vraie opposition. C'est pourquoi il note qu' « il est permis de douter de la volonté du pouvoir d'avoir en face de lui une opposition réelle et vitale »81(*).

Loada confirme cette analyse en remarquant qu' «il n'est de secret pour personne que le pouvoir actuel joue un rôle dans la division, la querelle et la cassure des partis d'opposition »82(*). Selon cet auteur, sous les dehors de la démocratie consensuelle, il existe une stratégie d'étouffement de l'opposition institutionnelle dont l'enjeu est de consolider les bases de l'entreprise de domination en cours depuis l'avènement du régime sankariste. L'opposition burkinabè subirait depuis lors les coups du parti au pouvoir. Selon W.L. «Ayant des bases assez solides sur le plan économique et une main mise sur l'appareil d'Etat, le parti au pouvoir se sert de tous ces atouts pour manipuler à sa guise les partis d'opposition malheureusement encore peu soudée ». Dans ce sens, les dons que pourrait offrir le parti au pouvoir s'inscrivent dans ses stratégies électoralistes. C'est ce que soutient Z.R en ces termes : « Les dons sont des gestes calculés en fonction de la stratégie »83(*).

Les raisons qui sous-tendent la création des partis politiques, les mobiles inavoués des opposants et leur situation d'inconfort sur le plan économique seraient stratégiquement exploités par le parti au pouvoir dont l'objectif principal est de rester le seul maître de l'arène politique. Pour ce faire, les dons (matériels ou symboliques) sont mis en branle pour maintenir captifs les opposants qui pouvaient encore paraître crédibles. L'explication du « nomadisme politique » croissant au Burkina se trouverait dans cette ruse du pouvoir.

De nombreuses défections ont été constatées dans les rangs des partis d'opposition. Certains démissionnaires se sont retrouvés quelques temps après insérés dans le parti au pouvoir. Les législatives du 24 Mai 1992 avait donné 77 sièges sur 107 au CDP (ODP/MT à l'époque), mais il faut noter qu'avant la fin de

son mandat en 1997, l'Assemblée National comptait plus de 80 députés de la mouvance présidentielle à la faveur du nomadisme politique qui a gangrené les partis d'opposition. 

La capture des opposants ou des responsables politiques des autres partis par le parti majoritaire n'a pas commencé ces dernières années. En effet, avant la fin de la première législature, le parti au pouvoir avait réussi à attirer de nombreux leaders dont Marc Yao de l'ex CNPP/PSD, Juliette Bonkougou de l'ex UDS et Alain Yoda de l'ex RSI. Cette réalité montre la fragilité de l'opposition et l'inconstance de ses hommes. Les départs récents de l'opposition vers le parti au pouvoir ont concerné Salvador Yaméogo qui a créé le RDF et Boniface Zango, ex membre de la CPS (convention Panafricaine Sankariste) s'était retiré pour créer l'UPD. Il se présentera sous la bannière de l'UPR aux législatives de 2007. Un autre cas flagrant est celui de Nana Tibo, président du RDP (de l'opposition radicale), il a soutenu la candidature de Blaise Compaoré avant de se présenter sous la bannière de l'ADF/RDA pour les législatives de 2007.

Cette attitude des opposants qui consiste à changer constamment de position est bien décrite par le Quotidien Le pays du 11 avril 2007 en ces termes : « On assiste à une valse d'étiquettes des hommes politiques. Ils changent de partis comme ils changent de chemises. Tant pis pour les convictions politiques et les professions de foi. Comme des oiseaux migrateurs, ces hommes politiques émigrent sous des cieux plus cléments, dans de verts pâturages où leurs intérêts seraient les mieux protégés. Leurs intérêts et non ceux des électeurs84(*) ». Abandonner sa famille de pensée et quitter le navire quand on vous fait des propositions (avances, offres) n'est ce pas, vendre la voix de ceux qui vous ont élu. Un élu démissionnaire de sa formation politique comme le prévoient par exemple les constitutions nigérienne et sénégalaise, perd son mandat au profit du parti sous la bannière duquel il a été élu. Une telle règle réduit sans doute le phénomène de nomadisme tout en instaurant une certaine équité dans les rapports entre les partis politiques. Cette préoccupation a été vainement posée en terme de revendication par l'opposition burkinabè depuis la première législature.

Devrait-on en vouloir à ces opposants qui passent tout le temps à retourner la veste ou à ce parti au pouvoir auquel il est reproché de déstabiliser l'opposition? Le champ politique comme on peut le remarquer avec Bailey ne se caractérise pas seulement par des règles normatives. Il est marqué par des règles pragmatiques ou stratégiques. L'exploitation de ces dernières implique la ruse et l'expérience. Le rapport de force est la règle principale même si on tente de l'éluder. Dans la sociologie des organisations, il est une vérité générale que  le pouvoir est un mécanisme quotidien que nous utilisons sans cesse dans nos rapports avec nos amis, nos collègues, notre famille, etc. Ceux qui savent l'exploiter de manière stratégique en tire plus d'avantages. Le parti au pouvoir semble mieux maîtriser ces règles du jeu. L'exemple le plus remarquable que l'on a observé se situe à quelques mois avant la présidentielle de 2005.

L'opposition burkinabè a vécu durant ces mois des remous considérables. L'opposition burkinabè Unie (OBU) est divisée tandis que le PAREN, membre de cette coalition connaît la défection de deux de ses députés. Ces crises ont conduit à la division du PAI conduisant à l'existence de deux tendances : le PAI tendance Soumane Touré et le PAI tendance Philippe Ouédraogo. On note dans la même logique la scission de l'ADF/RDA avec le départ de Hermann Yaméogo lequel est allé créer l'UNDD ; le PDP/PS n'a pas échappé à cette dynamique avec le départ d'Emile Paré et la création du MPS/PF par ce dernier.

Qui est fautif ? L'opposition ou le parti au pouvoir ? Pour certains acteurs politiques, nul doute que le pouvoir est le seul responsable. Mais peut-on continuer d'indexer le seul parti au pouvoir quand on observe bien la scène politique et surtout quand on lit avec objectivité les revirements de situation permanemment observés du coté des opposants ?

En réponse, Loada estime qu'il n'y a pas lieu de jeter la pierre au seul parti au pouvoir dans cette situation car «  la profusion et la scissiparité de ces prétendus partis politiques tiennent à l'ingéniosité ou au cynisme d'acteurs politiques qui choisissent ou acceptent de tirer ces ressources de leur clientélisation envers le régime en place ».85(*) Il est évident que le pouvoir ne peut développer sa stratégie de domination et de division des partis d'opposition s'il n'avait pas eu de partis d'opposition disposés à lui donner un coup de main. Le quotidien Le pays n0 3848 relève à cet effet que certains opposants portent une double tunique. «  La plupart de ces leaders sont compromis. Ils sont légion ces leaders de l'opposition qui portent des casquettes : conseillers du pouvoir la nuit venue, ils deviennent son pourfendeur une fois le soleil levé. Le pouvoir ne les craint nullement. Mangeant dans deux râteliers, ils trahissent la cause de l'opposition »86(*). Hormis ce double jeu de certains opposants, il faut noter les crises de leadership ou les querelles d'intérêts de tout genre qui érodent les liens entre opposants. Ces tensions amènent l'opposition à évoluer en rangs dispersés puisqu'elle n'arrive pas à « surmonter ses clivages idéologiques, parfois teintés d'inimitiés personnelles »87(*).

On note cependant que le champ politique se caractérise par un ensemble de rapport de force, un ensemble de luttes qui opposent des unités en compétition pour des enjeux, pour des biens rares et susceptibles d'engager dans la compétition des ressources particulières. Les dominants accumulent ainsi un capital symbolique qui garantit leur position sociale. Une meilleure analyse de l'action des acteurs politiques consiste à s'inscrire dans une démarche systémique qui permet d'interpréter le comportement humain comme l'expression d'une stratégie dans un jeu, dans un ensemble de contraintes à découvrir. La théorie des systèmes décrit la réalité observée et suggère d'établir des liens logiques entre les facteurs. Elle permet ainsi de découvrir que les causalités linéaires simplistes ne sont pas suffisantes pour expliquer les choses et que les corrélations établies entre les facteurs sont très nombreuses. Un parti politique est une forme d'organisation, or, l'organisation n'est pas une « donnée naturelle  mais un construit social ; il faut en étudier les enjeux, les intérêts, les règles du jeu et comprendre les stratégies développées par les acteurs »88(*).

Il faut signaler que les partis d'opposition sont confrontés à une véritable insuffisance voire à l'absence de certaines ressources pour jouer efficacement leurs rôles. Le Rapport de l'International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA) confirme cela quand il relève que « le recul de l'opposition s'explique non pas parce que le pouvoir l'empêche de le faire mais parce qu'elle manque de militants, de cadres et de ressources financières pour affirmer sa présence. Les carences sont également propres aux partis politiques d'opposition qui n'intègrent pas la durée dans leurs stratégies politiques89(*)». Le parti au pouvoir n'est donc pas le seul responsable de la situation déplorable des partis en général et de l'opposition en particulier. L'absence de démocratie interne au sein des partis politiques, l'émiettement de l'opposition politique qui compromet l'alternance ainsi que le nomadisme au sein des formations politiques sont autant d'aléas qui contribuent à affaiblir les partis d'opposition. Caractérisée par de multiples crises en son sein, l'opposition au Burkina éprouve des difficultés énormes pour convaincre l'électorat à lui accorder ses voix lors des différentes échéances électorales. Comme le révèle le Rapport de l'DEA, l'opposition burkinabè a du mal à s'affirmer sur la scène politique à cause de « son éparpillement, son inconstance et son inconsistance » mais aussi « son manque de réalisme et de lucidité 90(*)».

En somme, que ce soit dans le cadre des alliances ou celui des scissions des partis, les intérêts sournois, les gains et les objectifs insoupçonnables des acteurs en sont les déterminants. Comme le signifie Socpa « certains leaders politiques reçoivent des sommes d'argent pour fusionner leur parti avec le parti au pouvoir, ou déstabiliser un parti politique bien implanté dans une région à enjeu électoral important. Cela semble vérifier les revirements spectaculaires dans le comportement et les déclarations publiques de certains hommes politiques 91(*)»

Section II. La mobilisation de l'électorat

La mobilisation des électeurs est indispensable pour la tenue d'une élection et aucune élection ne peut réussir sans une participation des électeurs. La marchandisation des voix (§1) et l'instrumentalisation des leaders d'opinion semblent se présenter comme des moyens privilégiés par certains partis pour assurer l'adhésion de l'électorat.

§1- La marchandisation des voix

A quoi servent les multiples dons observés sur le champ électoral ? Les appréciations ont beaucoup divergé dans les entretiens.

Si on opère un classement de ces objectifs dans l'ordre de croissance (voir tableau 10 en annexe), il apparaît que la mobilisation et la conquête de l'électorat est le premier objectif. En effet, tous les enquêtés se sont accordés sur l'importance de cet objectif dans la manifestation des dons électoraux.

En deuxième position les dons, de l'avis des populations, faciliteraient l'organisation des élections en permettant aux partis d'accéder aux ressources qui leur sont indispensables. Selon cette perception, les partis et les électeurs ont tous dans une certaine mesure besoin des dons pour mieux s'impliquer dans les élections. Sur les 40 enquêteurs, 38 soit 95% d'entre eux l'ont souligné. Les dons serviraient en suite à fausser le jeu politique c'est-à-dire, rendre le jeu politique inégal et la concurrence déloyale entre les partis, mettre des bâtons dans les roues des autres partis (ceux qui donnent moins ou qui n'en ont pas pour donner). Ainsi, 92.5% des personnes rencontrées ont signalé cet état de fait. Toujours selon le tableau, trois objectifs sont visés par les dons après ceux déjà évoqués : séduire ou flatter, corrompre par l'achat de conscience et véhiculer un message. Les hommes définissent comme objectifs de premier ordre les critères suivants : il s'agit de fausser le jeu politique, d'assurer la transmission de message, de faciliter l'organisation des élections et d'assurer la mobilisation électorale. Du coté des femmes, les objectifs fondamentaux sont en premier lieu la facilitation de l'organisation des élections, la séduction des électeurs, la corruption et la possibilité de fausser le jeu politique. Ces classements sont parfois variables en fonction des statuts des agents sociaux mais les raisons avancées restent les mêmes et mériteraient que l'on s'y penche sérieusement.

Comme le souligne Bailey, « un leader ne peut influencer et diriger les actes de ses partisans que dans la mesure où il dépense des ressources. Ce qui se passe entre eux est moins une interaction qu'une transaction 92(*)». Cette relation de transaction décrite entre le leader et le partisan (électeur) semble s'inscrire dans l'ordre normal des choses c'est-à-dire dans une logique sociale. Dans cette optique, pour diriger et se faire respecter, le leader d'un parti politique mettrait tout en oeuvre pour rendre disponibles les ressources nécessaires et susciter l'adhésion du peuple. Les transformations suscitées par la greffe de l'Etat occidental, ont conduit à un dépérissement des solidarités communautaires. Cette situation a entraîné une demande du moins une potentialité de mobilisation partisane qui apportait une satisfaction à l'individu adhérent. Les partis ont aujourd'hui emboîté le même pas en cherchant les voies et moyens de satisfaction de leurs adhérents (partisans).

La mobilisation électorale implique des efforts logistiques et économiques que ne peuvent avoir tous les partis. Aussi convient t-il de noter que le capital politique varie d'un parti à l'autre. Or, l'ensemble des partis est appelé à lutter pour les mêmes sièges. Dans cette conquête sans mesure des électeurs, chacun emploie les moyens qui lui paraissent adéquats. Pour mieux cerner les raisons de l'usage des dons, nous avons tenté de déterminer les périodes au cours desquelles ils sont offerts aux populations par les partis politiques. Le tableau suivant en donne la substance.

Tableau n03.. L'appréciation des périodes de la manifestation des dons en fonction de l'âge.

Appréciations

Ages

Seulement pendant les élections

Pendant les fêtes et autres cérémonies

20-30

13(41.93%)

05(55.55%)

31-40

12(38.7%)

04(44.44%)

41-50

05(16.12%)

00(00%)

51+

01(3.22%)

00(00%)

Total

31(77.5%)

09(22.5%)

Source : enquête de terrain, Mars 2007 (Pour complément, voir le tableau n0 15 en annexe)

Il apparaît en clair que quelque soit l'âge des personnes rencontrées dans cette étude, les périodes électorales sont les moments privilégiés de la manifestation des dons émanant des partis politiques vers les populations. En somme 31 personnes (soit 77.5% des enquêtés) ont signalé que c'est surtout pendant les campagnes électorales que beaucoup de partis font des offres aux populations. Ces données sont confirmées par les divers entretiens que nous avons réalisés. O.W. ex conseiller du CDP dit dans ce sens que : «notre parti fait souvent des offres avant et après les campagnes mais les offres les plus significatives et consistantes sont données aux populations pendant les périodes d'élection. Ce n'est pas le seul parti qui donne, certains partis d'opposition bien qu'ils se soient toujours plaints d'être pauvres, se lancent dans les mêmes pratiques pendant les élections ».

Cette ruée des partis politiques dans la pratique des dons semble s'inscrire dans les habitudes à tel point qu'elle est devenue un fait banal. Cette pratique, devenue un moyen pour atteindre le but de la mobilisation de l'électorat, semble se généraliser dans les démocraties africaines. Socpa montre en effet que le champ électoral au Cameroun porte fortement les marques de ce phénomène. Cette tendance des partis à offrir des dons se justifierait selon De Sardan, par l'importance de la monétarisation des relations sociales sur le continent. Il voit en cela un facteur favorable au clientélisme. Ainsi note t-il que « les relations interpersonnelles courantes, elles-mêmes, affectent en permanence une forme monétaire »93(*). Il n'existe de l'avis de l'auteur aucun domaine (même les rapports conjugaux) où l'argent n'intervienne permanemment. C'est donc à l'aune de cette monétarisation des formes quotidiennes de sociabilité que doivent se comprendre les attitudes des électeurs à l'égard du pouvoir et des élections. « L'achat des consciences, et plus largement, la relation clientélaire tirent d'abord leur légitimité de leur banalité quotidienne, de leur inscription dans un continuum d'échanges sociaux monétarisés qui leur confère leur caractère enchanté »94(*). Pratique sociale devenue par la répétition comme inscrite dans l'ordre normal des choses, elle favoriserait une forme de transaction entre les électeurs et les ``offreurs politiques''.

Pour Kiéma  « lorsque l'électeur ne sent pas l'impact positif de son vote dans sa sphère économique, il s'en suit une démotivation pouvant avoir un impact négatif sur sa participation95(*) ». L'électeur serait dans cette logique capable de s'abstenir s'il est certain que sa voix ne lui apporterait rien comme faveur. Il révèle en outre que la paupérisation dans laquelle vivent les couches sociales dans la ville de Ouagadougou pousse celles-ci dans une quête permanente de moyens de subsistance. La ville de Ouagadougou regorge d'exemples palpables de transactions entre les responsables politiques et les populations. Selon les jeunes qui ont formé le groupe du focus au secteur 29, « les élections sont des occasions où l'on peut monnayer ses talents d'orateur, son temps, ses relations et sa voix pour manger. Ce sont les seuls moments où on peut établir des relations franches avec les hommes politiques ». La même analyse est ressortie du focus du secteur 27. D'après ce groupe, « sans dons, il n'y a pas d'élection ; car les populations ne sont pas prêtes à laisser sans contre partie leurs activités (leurs « bisness ») pour battre campagne ».

Les jeunes des focus confient que  lorsqu'ils entrent dans les habitations, ils ne peuvent pas ressortir sans rien y laisser pour motiver la participation des habitants aux meetings dont ils sont les organisateurs. Généralement les représentants des partis politiques dans les quartiers font leurs propres démarches pour assurer la mobilisation des populations qui les entourent et à leur niveau, ils remettent directement des sommes ou des produits divers. Les élections seraient un marché politique, un ``marché de dupes96(*) dans lequel les entrepreneurs politiques (les partis) et les électeurs viennent échanger leurs marchandises. C'est une tradition qui s'inscrit dans l'analyse stratégique illustrée par Weber mais aussi Schumpeter.97(*)

Selon De Walle98(*) « l'une des caractéristiques des régimes africains est leur recours plus ou moins systématique au clientélisme pour obtenir ou maintenir l'appui politique ». Engueleguele fait remarquer dans le même sens que c'est probablement dans la marchandisation du vote que se jouent les véritables processus de formation et de consolidation de la démocratie au sud du Sahara. S'inscrivant dans la ligne des théories dites utilitaristes, il met l'accent sur la notion d'individualisme. Selon cet auteur, l'observation du vote utilitaire, d'avertissement et de sanction met en jeu le recul de l'identité partisane couplé à une certaine volatilité électorale. C'est l'avènement d'électeurs relativement autonomes et imprévisibles mais aussi calculateurs. Electeurs de la deuxième génération, ils sont réticents aux identités partisanes préfabriquées, moins captives, ayant des attitudes idéologiques relativement cohérentes et se prononçant de façon plus affirmée sur des enjeux et questions politiques. L'apparition de ce type d'électeurs coïncide avec des élections organisées sur un fond de multiples offres comme appâts pour certains dans leur stratégie de maintien ou d'obtention d'une position et des conditions pour d'autres d'exprimer leurs choix.

Dans la même lignée, Gaxie99(*) voit  le champ politique comme la structure d'un espace de transactions entre les agents politiques actifs et des profanes. L'auteur précise par ailleurs que l'engagement politique est la conséquence d'un statut social jugé insatisfaisant et qui prédispose à délaisser les enjeux d'un milieu subjectivement peu gratifiant pour se lancer dans d'autres investissements. L'élection se présente donc comme un cadre d'investissement. Les hommes politiques investissent leurs moyens pour obtenir des voix, les populations font un placement de leurs voix en vue de changer leurs conditions d'existence. Boy et Mayer100(*)abondant dans ce sens soulignent : « comme des consommateurs, les électeurs réagissent à chaque élection en fonction de l'éventail de biens qui leur sont proposés et de leur promotion (campagne) ». Ces réactions sont des prises de positions calculées pour atteindre la satisfaction de leurs besoins.

Dans le marché, l'électeur ne monnaie pas seulement sa voix pour ses besoins immédiats mais il maximise aussi pour tirer un profit certain dans les jours, les mois et les années qui suivront les élections. Dans ces formes de sociabilité, seul l'intérêt, le gain présent et futur importe aux partis au marché politique. Il est fait cas par exemple dans les entretiens de la construction du mur d'une mosquée du secteur 17. Ce mur aurait été érigé en une seule nuit à l'approche des élections municipales. Le matin en allant à la prière, certains fidèles ont eu la grande surprise de constater que leur joyau était bien clôturé et ils auraient vu les ouvriers s'atteler à ramasser le reste de leur matériel101(*).

Les populations de Ouagadougou semblent avoir bien compris le système du marché et s'investissent pour le transformer à leur avantage. Le focus du secteur 29, montre bien que les jeunes du groupe s'organisent pour mieux tirer partie de chaque élection. « Les hommes politiques savent ce que nous voulons et nous aussi nous savons ce qu'ils veulent. Mais pour que personne ne perdent, ils doivent ``mouiller nos bouches102(*)''. Ils comprennent que nous ne les suivons pas pour leurs idées mais pour manger, donc ils sont tenus de ``bien parler103(*)'' pour nous avoir avec eux ». Ces réactions des populations pourraient se justifier par ce que Bayart104(*) qualifient de modes populaires d'action politique. Les entretiens ont montré en effet, que les dons sont même devenus une exigence des électeurs.

Il ressort que 65% des enquêtés (voir tableau 16 en annexe) pense que les dons électoraux ne sont plus une simple émanation des partis mais, une condition que les électeurs établissent pour prendre part aux élections. Selon Kieffer105(*), les campagnes électorales ouagalaises sont en effet l'occasion de ``profiter financièrement'', c'est-à-dire de recevoir un peu d'argent en échange de services : le vote, le déplacement à un meeting ou la mobilisation des personnes. Certains grins de thé ont été créés dans cette ville spécialement pendant les périodes électorales. Les jeunes constitueraient ainsi des bureaux bien organisés et chaque membre contribue financièrement à leurs animations. L'objet premier étant de se faire remarquer par les partis politiques qui chercheraient des mobilisateurs.

L'engagement partisan est marchandé et ne correspond pas nécessairement à une identification aux objectifs du parti politique, ou tout au moins l'idéologie ne constitue pas le facteur central de l'engagement106(*). Les électeurs dans leur engagement attendent une contre partie qui peut être immédiate ou reportée après les élections. Mais dans l'ensemble et pour la plupart des personnes interrogées, l'immédiateté des besoins implique que l'engagement soit rapidement récompensé par les hommes politiques. Banégas107(*)concluait que pour les électeurs béninois, « le bon candidat, le bon chef ou le bon président sont certes évalués au regard de leurs compétences politiques ou de leur capacité gestionnaire, mais aussi et surtout à partir de leur « bon comportement ».

Le vote est un canal pour assurer la transaction de biens entre l'électeur et l'homme politique, car sous les apparences d'un acte noble, il couvre des systèmes de réseaux d'un marché où seuls les gains gouvernent les décisions et les engagements des acteurs. Dans la logique de mobilisation, hormis le marchandage des voix, les politiques procèdent aussi par l'instrumentalisation des leaders d'opinion.

§2- L'instrumentalisation des leaders d'opinion

Les leaders d'opinion sont des catégories de personnes très écoutées, respectées et parfois craintes. En ce sens elles sont influentes dans leurs milieux et participent ainsi à des prises de décisions. Dans toutes les sociétés humaines, il existe des personnes auxquelles les communautés vouent respect et révérence à cause de leurs statuts sociaux ou des actes de bravoure qu'elles auraient posés. La ville de Ouagadougou malgré la modernisation n'échappe pas à cette réalité. Pour les sociologues urbanistes, les sociétés modernes sont caractérisées par un ``continuum rural urbain''. La ville intègre le village et parallèlement, le village se retrouve en ville. Il y a donc des survivances de comportements du village dans la ville et vice versa. Ainsi retrouve-t-on des leaders d'opinion au village comme en ville. Les partis politiques n'interviennent pas toujours directement auprès des électeurs. Ils ont besoin d'intermédiaires. Ces derniers peuvent être des leaders d'opinion. Ces derniers sont généralement des hommes qui connaissent bien le terrain pour assurer une meilleure mobilisation des électeurs et une bonne transmission des messages des partis.

Dans la ville de Ouagadougou, les leaders d'opinions qu'on appelle aussi personnes ressources se composent de leaders et de dignitaires coutumiers et religieux, de responsables de jeunesse, de femmes et de personnes âgées, des responsables d'associations ou d'ONG, de responsables syndicaux, des anciens ministres, députés et maires sortants, des artistes, sportifs et de professeurs d'université. Il y a cependant ceux qui sont considérés comme des leaders d'opinion à cause de leurs richesses (entrepreneurs, grands commerçants). Ils ont un certain prestige dans leurs quartiers si bien qu'ils peuvent drainer un grand nombre d'électeurs vers le parti pour lequel ils s'engagent. Ce sont dans une certaine mesure des personnes qui jouissent d'une image positive, d'une certaine crédibilité et d'une capacité de mobilisation des autres autour d'eux. Ces hommes d'affaires ont de très bonnes relations avec les milieux politiques et intercèdent souvent pour l'aménagement de leurs quartiers ou contribuent eux-mêmes à ces aménagements (bitumage d'une voie, construction de radiers et digues, d'égouts etc.)

« Gagner la confiance des leaders d'opinion, c'est avant tout, se positionner par rapport aux autres. La rencontre avec les leaders montre un bon début des campagnes car ce sont eux qui peuvent vous faire gagner ou perdre »108(*). Cette réalité explique bien l'attitude de la tête de liste des candidats de l'UNIR/MS au secteur 3 (Dapoya) de Ouagadougou. Il a entrepris sans considération partisane de rencontrer les personnes ressources, les leaders d'opinions de son secteur, pour se faire connaître et présenter sa candidature. Il a été reçu par le chef de Dapoya109(*). La rencontre des personnes ressources entre donc dans la stratégie des hommes politiques pour s'assurer une victoire.

Une autre catégorie de leaders bien connue dans la ville de Ouagadougou concerne les responsables syndicaux et les dirigeants d'associations et d'organismes non gouvernementaux (ONG). Les associations qui jouent souvent des rôles qui profitent aux populations des quartiers où elles sont implantées ont aussi de bons rapports dans leurs milieux. Ces relations et influences construites dans leurs actions quotidiennes sont exploitées pendant les campagnes au profit de certains partis politiques.

Les dignitaires religieux et les coutumiers, les grands entrepreneurs, les anciens ministres, les anciens députés et enfin les anciens maires obtiennent de la part des populations des quartiers ouagalais une certaine admiration. Ils forment une catégorie importante des leaders en raison de leur capital relationnel très important. En effet, les anciens ministres, députés et maires, après des années de services au sommet de l'Etat, ont gardé le plus souvent plusieurs réseaux de relations qu'ils exploitent pour aider les habitants de leurs quartiers. Pour ces raisons, ils sont des hommes incontournables pour assurer une mobilisation des populations. Les dignitaires religieux comme les chefs coutumiers dans les différents quartiers entretiennent des rapports avec des agents de l'administration, des hommes politiques et surtout les habitants de leurs secteurs ou quartiers. Bon nombre de leaders de jeunes, de femmes et de personnes âgées ainsi que les présidents d'associations sont des membres de confessions religieuses et dans ce cas, ils sont encadrés sur le plan religieux par les dignitaires. Ils peuvent très difficilement se départir des directives que leur donnent ces dignitaires. Ils subissent un processus de socialisation qui les conduit à agir dans le sens des principes religieux. L'influence des dignitaires religieux et des chefs coutumiers sur le comportement des électeurs peut être relativisée au regard de la prédominance du modernisme en ville. Cette prédominance ne peut supprimer totalement la survivance des valeurs primaires110(*) qui ont été inculquée à l'individu dans la société. Il est en outre évident qu'elle ne favorise pas non plus un effet direct de l'action des dignitaires sur l'électeur citadin.

Les leaders d'opinions exploitent leurs réseaux relationnels pour donner un coup de pouce aux partis pour lesquels ils se sont engagés à apporter leur soutien. On peut pourtant se demander si ces leaders se donnent corps et âme. En outre, sont-ils conscients des conséquences de leurs agissements? Pour les responsables des jeunes, des femmes, les raisons généralement avancées pour justifier leur implication dans la mobilisation des électeurs sont, entre autres,  la recherche d'un mieux être, la recherche de position stratégique pour espérer une cooptation du parti soutenu si par chance celui-ci venait à être élu. On note que les gains immédiats et futurs suscitent leur engagement.

Chez les personnes âgées, la raison principale semble être la confiance faite au parti, les actions déjà posées par le parti dont elles ont été bénéficiaires. Certains d'entre eux expliquent leur engagement à apporter leur appui au parti pour des raisons familiales (le responsable serait né dans le quartier, ses parents y sont toujours installés ou il y est lui-même installé etc.).

Pour les anciens ministres, députés et maires, il faut noter qu'ils sont en général membres de partis politiques. Dès la fin de leur mandat (député et maire) ou de leur fonction (ministre), ils gardent toujours de relations non négligeables avec le noyau central de leurs partis. Ainsi, ils peuvent rester des conseillers ou de consultants des partis dans les milieux où ils se trouvent. C'est en substance ce que conclut Z.R. dans ces propos : «Plusieurs partis vivent aujourd'hui  grâce aux relations construites par leurs anciens responsables. Les financements et les appuis divers de certains entrepreneurs sont obtenus sur la base des relations»111(*). Il arrive cependant que certains anciens responsables (ministres, députés et maires) ne digèrent pas leur éjection de leur milieu politique. Cette situation est exploitée par les autres partis qui en profitent pour les coopter. Ainsi, ils chercheraient à travers leur engagement aux cotés d'autres partis de se réintroduire sur la scène politique, en d'autres termes de monnayer leurs expériences mais aussi de se venger d'avoir été éjectés.

Leur volonté affichée de gravir les échelons politiques, d'obtenir un poste ou de se frayer un chemin pour de quelconques avantages fait qu'ils deviennent des instruments dans les mains des partis politiques. De ce qui précède, certains leaders auraient consciemment accepté d'être instrumentalisés pour atteindre des objectifs le plus souvent inavoués, tandis que d'autres seraient inconsciemment réintroduits sur la scène politique.

L'article 5 du code électoral prévoit la présence des autorités religieuses au sein de la CENI. Il s'agit de trois membres des communautés religieuses,  en raison de l'existence dans la société burkinabè des trois principales religions dont le catholicisme, l'islam et le protestantisme. Bagoro notait qu'on peut craindre leur récupération politique. Tout au moins, doit-on douter que dans le tréfonds des intentions apparentes de transparence et d'honnêteté du processus électoral qui expliquent leur sollicitation, ne se cachent des visées réelles d'inféodation politique de ces autorités religieuses112(*). Ainsi, la CENI a été présidée successivement depuis 1998 par le pasteur Samuel Yaméogo, le pasteur Friedman Compaoré avant l'actuel président, Moussa Michel Tapsoba. Cette entrée effective des religieux dans le jeu politique n'a cessé de susciter des interrogations. Comment expliquer que certains dignitaires religieux qui  avaient initialement refusé toute implication dans l'univers politique, considéré comme impur, corrompu et grevé par le péché  se lancent maintenant sur ce terrain ?

La participation des leaders religieux et des coutumiers dans la vie politique au Burkina est souvent perçue comme une question de contribution citoyenne à la construction démocratique. Pétris de moralité appréciable et soucieux du bien-être social des populations, ces leaders coutumiers et religieux sont des canaux incontournables pour donner une certaine probité à la pratique électorale.

Nonobstant leur honnêteté, leur qualité morale reconnue par les populations, ces leaders seraient de plus en plus instrumentalisés par les partis politiques pour mobiliser leur électorat. En effet, on constate que dans les meetings et autres réunions de campagnes, ces hommes sont placés aux premières loges, entourés par les hommes politiques. Sachant que leur présence dans ces rencontres attire et galvanise les populations à s'y intéresser, les placer devant les foules mobilisées constitue dans une certaine mesure une stratégie de conquête des électeurs encore indécis.

Les prières adressées chaque jour à l'approche des échéances électorales dans les églises et les mosquées pour que les élections se déroulent dans la paix et le calme dénotent de l'intérêt que les religieux accordent aux questions politiques. Des prêches concernant le civisme, le religieux et la politique, les raisons du vote, du respect des autorités administratives reviennent de façon récurrente dans les églises et les mosquées. Toutes ces pratiques contribuent à forger les électeurs religieux et à les orienter ainsi dans les choix électoraux. Certains leaders religieux n'hésitent pas à s'afficher publiquement. Ce fut le cas de Monseigneur Compaoré dont la position sur la possibilité de la candidature de Blaise Compaoré au scrutin présidentiel de 2005 a soulevé des critiques dans la presse. Il disait en substance que « sans Blaise, personne ne peut gouverner ce pays ». Ces propos de L'évêque de la capitale furent retentissants et ne sont sans doute pas restés sans effet sur l'électorat catholique.

Dans le même sens, certains artistes affichent publiquement leur position lors des meetings. Pour ce qui concerne leur participation aux animations des meetings, « on peut aisément comprendre que la quête d'un mieux être puisse les y conduire. Nombreux sont les artistes qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts, alors quand une telle occasion se présente, ils ne peuvent refuser de participer et engranger quelques jetons»113(*). La pauvreté dans laquelle croupissent nos artistes explique donc leur engagement aux côtés de certains partis lors des campagnes. Somme toute, l'animation fait partie de leur travail et c'est naturellement dans cette activité qu'ils se sentent utiles. On ne peut leur reprocher de jouer leur rôle mais il faut reconnaître que ce rôle contribue à façonner les comportements de certains électeurs qui sont leur « fans ». Un exemple que nous avons relevé dans notre étude concerne Georges Ouédraogo, un des grands et anciens artistes du pays. Il aurait déclaré sur les antennes des radios de la place qu'il voterait le CDP aux présidentielles de 2005114(*). Il n'est certes pas le seul à s'afficher publiquement, car comme le souligne B.S. « certains artistes sont connus pour leur opposition indéfectible au pouvoir. Ces artistes ne vont pas à tous les meetings même quand les propositions sont meilleures »115(*). Ce faisant, ils influent aussi sur les comportements de leurs fans.

Les intellectuels surtout les universitaires ne sont pas en reste. Certains d'entre eux ont souvent pris part à des débats publics à la télévision ou dans des émissions radios. Leurs positions aussi banales qu'elles puissent paraître ont des impacts inestimables. En effet, ces hommes qui connaissent bien les questions politiques proposent des analyses approfondies sur certaines questions et donnent leurs points de vue par rapport à celles-ci. Leurs étudiants et anciens étudiants attendent le plus souvent impatiemment de telles positions pour pouvoir se décider. Par exemple, un étudiant rencontré disait ceci: «Pour certaines questions politiques,  moi j'attends de voir ce que diront mes professeurs avant de me jeter à l'eau. Je pense qu'ils sont mieux nantis pour donner une bonne orientation aux populations116(*) ».

Les leaders d'opinion sont des gens assez courtisés à cause de leur influence dans leurs milieux. Qu'ils se soient eux-mêmes décidés d'apporter leur soutien à un parti pour atteindre des objectifs qui sont les leurs ou qu'ils y soient conduits pour apporter leur contribution au débat démocratique (cas des professeurs d'université), ces hommes consciemment ou non participent à la formation des électeurs et à l'orientation de leurs choix. Ils contribuent ainsi à ancrer dans les habitudes des électeurs le vote de solidarité. Les partis qui savent les placer avant ou exploiter leurs propos se frayeraient aisément le chemin de la réussite politique.

Chapitre I.  L'influence des dons sur les choix des électeurs

Consacrée à la description de la manifestation du phénomène des « dons électoraux » et des objectifs auxquels les partis qui en font usage cherchent à atteindre, notre première partie a permis de décrire le champ électoral dans la ville de Ouagadougou, les acteurs qui y sont impliqués et leurs stratégies d'action. Nous tenterons dans cette partie d'analyser l'influence qu'ont les dons en période électorale sur les comportements des électeurs c'est-à-dire comprendre s'ils déterminent ou orientent leurs choix et donc l'affectation de leurs voix. Dans ce chapitre la portée des dons dans les élections (Section I) et les limites objectives de ses effets (Section II) seront évoquées.

Section I. La portée des dons dans les élections

Les périodes électorales sont caractérisées par des dons de plusieurs ordres qu'il conviendra d'élucider en recherchant les encadrements juridiques qui y sont consacrés (§1). Il importe ensuite de saisir la part d'influence que peuvent avoir les divers dons sur les comportements des électeurs (§2).

§1- La diversité des dons et leur encadrement juridique

Les dons comme nous avons tenté de le développer dans le chapitre I sont multiples et de plusieurs origines. Nous essayerons dans ce paragraphe de déceler les règles qui régissent leur acquisition par les partis. Existe t-il une législation en matière de « dons  électoraux »? Si non, quel est l'impact mesurable de cette lacune juridique dans la vie des partis ? Y a-t-il nécessité de dégager des normes pour organiser les processus d'acquisition des dons par les partis et leur transmission à l'électorat?

Il faut dire d'emblée que les dons offerts par l'Etat servent au renforcement des capacités financières des partis pour leurs activités tendant à assurer l'ancrage de la démocratie. Les différents financements qu'offre l'Etat se situent à ce niveau. La loi n0 012-2000/AN117(*) modifiée par la loi n0 12-2001/AN portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales, prévoit en son article 2 que dans l'exécution de leurs missions, les partis politiques bénéficient de financement public dans les conditions fixées par la loi. L'article 4 de cette loi dispose que « l'Etat contribue au financement des coûts des campagnes électorales des partis politiques par des fonds publics ». Il existe au stade actuel le seul financement public reconnu et pour lequel les partis politiques sont amenés à fournir des documents justificatifs de dépense. Il se subdivise en deux types : le financement pour le fonctionnement des partis politiques (financement hors campagnes électorales) et le financement des différentes campagnes électorales.

  Le premier type de financement est fonction de l'assise politique, au niveau de représentativité des partis. Il prend en outre en compte le nombre de suffrages exprimés pour les partis lors des dernières élections législatives. Ce financement se subdivise en deux parties dont celui accordé aux partis ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés lors des dernières élections législatives (art14). La seconde partie est accordée équitablement aux partis sans aucune autre distinction. Il faut noter qu'ils sont rares les partis qui arrivent à réunir le taux de suffrages exigé. Ainsi, durant la troisième législature, seuls le PDP/PS, l'ADF/RDA et le parti au pouvoir ont reçu un tel soutien. Par exemple, la subvention de l'Etat en 2007 est répartie comme suite : 50 millions répartis entre les partis qui ont eu au moins 5% de suffrages, 50 millions répartis équitablement et enfin les 400 millions répartis entre les partis en tenant compte des listes présentées.118(*)

Si l'on considère bien les partis d'opposition qui en ont bénéficié lors de la législature antérieure, il apparaît clairement que ce sont des anciens partis. Ce sont des partis assez imposants au sein de l'opposition burkinabè. L'appui financier de l'Etat aux partis pour organiser leurs campagnes électorales tient compte du nombre de listes présentées par ces partis; mais ce financement est équitable s'agissant des élections présidentielles. Lors de l'élection présidentielle de 1997, les trois candidats s'étaient répartis les 100 millions de FCFA et chacun avait acquis la bagatelle de 33, 333 millions de FCFA119(*) , alors que pour le scrutin présidentiel de novembre 2005, « les partis en course n'ont reçu chacun que 7. 692 307 francs 120(*)».

Un rapport dûment élaboré par les différents partis faisant mention des usages des fonds qui leur sont alloués, accompagnés des documents comptables doit être transmis à la Cour des comptes durant le premier trimestre de l'année suivante (art13). La Cour des comptes se prononce sur la régularité des dépenses de campagne et hors campagne des partis. Dans le cadre de son exercice de contrôle, le Rapport public 2005 de ladite institution a été remis au président du Faso, le vendredi 13 juillet 2007. La Cour y a mis à nu des malversations financières de certains partis politiques qui usent avec indélicatesse l'argent du contribuable burkinabè. Ces partis feraient tout pour ne pas justifier les subventions à eux accordées121(*)

Les autres financements et appuis divers en provenance d'autres partis, des entrepreneurs privés, des amis et anciens membres des partis appelés à des fonctions ou à la retraite, ne sont pas encadrés juridiquement. Ces types de dons sont cependant très importants. Tous les partis, en fonction de leurs relations privilégiées avec les milieux des affaires peuvent tirer parti. Dans certains partis dits de l'opposition radicale, on note que ces pratiques ne sont pas absentes. Cette situation est confirmée par certains propos tels ceux de Déma Raphaèl Bado ex-député démissionnaire du PAREN. Celui-ci confiait ceci à la presse pour expliquer son engagement avec ce parti. « J'ai décidé de me battre du coté de mon grand frère (Bado) de façon désintéressée. J'ai financé le CDP pour douze millions. Je suis prêt à injecter dix millions pour  les campagnes du PAREN122(*) ».

Il paraît toutefois logique que le parti au pouvoir, qui a tissé des liens avec tous les milieux des affaires puisse bénéficier davantage de ces types de dons par rapport aux partis d'opposition. Hilger et Mazzochetti le démontrent bien quand ils affirment que  la campagne a encore confirmé le gouffre entre les ressources de l'opposition et celles du pouvoir en place. Elle a accentué le sentiment que la politique n'est qu'un « business »123(*). Ils précisent leurs propos en ces termes : « à s'en tenir aux chiffres officiels, peut être minimisés, la campagne du président sortant aurait coûté 983 millions de francs CFA, soit 60 fois plus que celle de son concurrent immédiat, Bénéwendé Sankara. Encore que ce montant n'inclut-il pas l'utilisation des moyens de l'Etat, ni des dons en espèces et en nature des entrepreneurs burkinabè et des chefs d'Etats amis124(*) ».

La loi n'interdit et ne limite pas les appuis divers que les partis peuvent solliciter auprès des personnes morales ou physiques. Chaque parti, dans les limites de ses relations et de ses compétences pourrait amasser plus de fonds et d'appui multiformes qu'il ne reçoit de l'Etat. Quand on sait que les partis n'ont pas la même audience auprès des opérateurs économiques locaux et des bailleurs extérieurs, on comprend aisément l'écart important entre les fonds investis par le CDP et ceux injectés par l'UNIR/MS. Dans une telle situation peut-on s'attendre à ce que la compétition électorale soit équitable? Le système français offre un avantage comparatif que les autorités politiques devraient exploiter.

Selon Vincent et Villier, le code électoral français dispose en ce qui concerne les dons ce qui suit :« les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou de plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4.600 euros. Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Tout don de plus de 150 euros consentis à un candidat en vue de sa campagne doit être versé par chèque. Aucun candidat ne peut recevoir directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger 125(*)». Un encadrement juridique qui s'inscrirait dans l'option prise par la France s'impose donc au cas burkinabè afin d'assurer l'équité entre les partis et une concurrence loyale lors des campagnes.

Non seulement, on note un faible encadrement de la loi en matière de dons reçus par les partis mais on peut aussi remarquer que cet encadrement est quasi inexistant concernant les types de dons transmis par les partis à l'électorat. Ni le code électoral ni la loi portant financement des activités des partis politiques n'en fait vraiment cas. Une telle ouverture offre une parfaite occasion aux partis de se lancer dans des pratiques de corruption. La corruption dans le financement de la vie politique prend dès lors plusieurs formes, allant de l'achat des votes à l'utilisation de fonds illicites et l'abus des ressources étatiques. Selon S.A. :« La loi ne plafonnant pas les dépenses des partis et ne règlementant pas les dons privés (opérateurs économiques, sociétés), elle favoriserait seul le parti au pouvoir car, seul ce parti peut se créer de bons contacts avec les donateurs privés »126(*).

Cette situation d'absence de normes juridiques encadrant les multiples dons qui se manifestent dans le champ électoral, donne plus de force aux partis qui ont d'importants rapports avec le monde des affaires au détriment des autres partis. Cet avantage dont jouissent généralement les grands partis et en particulier le parti au pouvoir n'est pas de nature à créer des conditions idoines pour un meilleur fonctionnement des partis politiques encore moins assurer des élections transparentes. En effet, les partis ne partent pas aux élections sur le même pied d'égalité du moment où certains d'entre eux ont reçu un double appui dont le financement public et les dons privés.

L'encadrement juridique des dons existe dans des pays comme le Bénin ou le Cameroun. Ainsi par exemple, la loi 94-013 du 17 janvier 1995 portant règles générales pour les élections du président de la république et des membres de l'Assemblée Nationale au Bénin interdit en son article 31  les dons, les libéralités et toutes les faveurs administratives faits à des fins de propagande pour influencer ou tenter d'influencer le vote. La limitation des dons privés et aides peut aussi s'observer dans certaines législations de la sous région. Par exemple, au Bénin, il ne peut dépasser 1/3 des ressources totales du parti. Au Sénégal, il y est interdit le recours aux aides financières d'origine étrangère et aux aides provenant de personnes étrangères y résidant tandis qu'au Mali, il est autorisé mais dans la limite de 20% des ressources internes du parti127(*).

Contrairement à ces pays, au Burkina Faso, seul le financement public est soumis au contrôle juridique, les dons privés semblent être ignorés par la législation. Au regard de leur importance, ils favorisent les activités de certains partis et leur permettent d'être plus influents sur le champ politique. Il s'impose dès lors la nécessité de prévoir des normes en vue d'un meilleur encadrement et plafonnement de ces dons ci-dessus faits mention. Selon S.A. du PDP/PS, l'opposition aurait toujours demandé qu'une règlementation soit instituée pour cette question, mais le parti majoritaire aurait chaque fois rejeté la proposition. Somme toute, il apparaît que seul un encadrement juridique intégrant le plafonnement des dons et des dépenses pourrait permettre aux partis d'avoir les mêmes chances devant les électeurs.

Il faut cependant souligner que quelque soit le type d'encadrement mis sur pied, on ne saurait totalement parier sur son efficacité. Comme le signale S.M de l'UNIR/MS « Beaucoup de dons se transmettent les nuits et dans des valises, sans témoins, car l'objectif recherché est assez louche pour que ceux qui donnent se laissent découvrir ». Est-il possible de régir de tels dons ? La règle ne pouvant sanctionner sans preuves, certains dons seront toujours pratiqués malgré tout, dans la mesure où tous les dons ne sont pas repérables matériellement. Cependant, la présence de la règle pourrait créer une certaine méfiance et donc réduire le zèle qu'ont certains partis d'offrir avec exhibition.

L'encadrement juridique peut-elle concerner les promesses électorales ? Comment en effet contrôler des promesses ? Peut-on interdire aux partis de proférer des promesses lors des campagnes ? Selon le code électoral béninois en son article 110, sont interdites ``les promesses de libéralités, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages'' susceptibles d'influencer les choix des électeurs. Il est évident que l'encadrement des promesses électorales reste assez théorique car dans la pratique, cette mission de la règle paraît impossible. Toute élection se joue dans les discours des acteurs politiques. Que le discours soit programmatique ou non, il porte sur un ton séducteur. Dans ce cas, toute tentative d'encadrement de ces types de dons serait vaine voire illusoire. Il faut reconnaître malgré cela que le plafonnement des dépenses des partis à l'endroit des électeurs placerait l'ensemble des partis sur le même pied dans la conquête du pouvoir. La logique du plafonnement veut que, quelque soit la somme reçue par les partis, ces derniers ne dépassent une certaine limite dans leurs dépenses. Ce principe réduirait la tendance à l'exhibitionnisme à laquelle se donnent les partis plus nantis. Dès lors les électeurs ne pourront que se replier sur une analyse programmatique pour opérer leur choix. Mais face à des électeurs de plus en plus attirés par l'appât du gain, on peut craindre que les partis politiques n'acceptent de jouer un franc jeu.

Un bon encadrement juridique offrirait une scène politique assainie des scories de la corruption puisque les acteurs politiques auront tendance à se soumettre au droit afin d'éviter les sanctions. Il faut signaler que la corruption peut être une source de déstabilisation d'un Etat. Elle peut conduire à des voies non pacifiques de conquête du pouvoir, d'où l'importance de son encadrement pour éviter tout risque de violence. Mais il est évident qu'aucun encadrement de quelque nature qu'il soit ne peut totalement mettre fin aux magouilles et aux diverses tentatives de corruption. A défaut de l'anéantir dans toutes ses formes, l'encadrement juridique des dons crédibilise le jeu politique et offre des perspectives pour une prise de conscience citoyenne des méfaits des dons sur la démocratie et partant, pour l'appropriation de la culture démocratique.

§2- L'incidence effective des dons sur les choix électoraux

La pluralité des dons observés dans les élections au Burkina et surtout l'importance que les populations semblent leur accorder invite à s'interroger sur leur impact véritable sur les comportements des électeurs. En d'autres termes les dons seraient-ils des éléments déterminants des choix des électeurs  dans la ville de Ouagadougou? Pour Boy et Mayer128(*), le comportement de l'électeur n'est jamais neutre, il est le résultat d'un calcul dont lui seul connaît les véritables mobiles. Ainsi écrivent-ils : « qu'il s'intéresse beaucoup ou pas du tout à la politique, qu'il en parle volontiers ou jamais avec son entourage, qu'il aille voter ou qu'il reste chez lui le jour de l'élection, qu'il s'en remette à ses élus ou qu'il soit prêt à descendre dans la rue pour exprimer ses opinions, l'électeur a ses raisons». Quelle que soit l'attitude adoptée par l'électeur, celle-ci reste motivée par une raison quelconque. Il n'existe donc pas de hasard dans le comportement de l'électeur, il s'engagerait en fonction de ses logiques propres et de ses attentes dissimulées. Faut-il dès lors conclure que les choix politiques des électeurs soient motivés par les dons qui leur sont faits ? C'est à cette question que nous nous attellerons de répondre.

Selon les résultats du tableau n03 ci-dessus présenté, 77.5% des enquêtés reconnaissent que c'est surtout pendant les campagnes électorales que beaucoup de partis font des offres aux populations. Ceci pourrait expliquer l'intérêt que les partis accordent à l'impact des dons pendant les élections sur la participation des électeurs aux activités de mobilisation mais aussi aux résultats finaux. C'est donc certainement pour cette raison que les partis s'évertuent à faire des offres aux électeurs. En effet, comme nous l'avions signalé au chapitre II (section I§1), les logiques qui sous-tendent la naissance et les luttes entre les partis politiques sont à rechercher dans leurs mobiles inavoués. De même, ces types de mobiles dans lesquels les dons trouvent une place de choix, pourraient permettre d'expliquer le comportement de certains électeurs. Le tableau suivant donne un aperçu des perceptions des populations rencontrées par rapport à l'influence des dons sur les choix des électeurs.

Tableau n04. Mesure de l'effectivité de l'influence des dons en fonction des variables :

Sexe et âges.

Réponses

Sexes

Ages

H

F

20-30

31-40

41-50

51+

Oui

16 (80%)

12 (60%)

15 (83.33%)

12 (75%)

04 (80%)

01(100%)

Non

04 (20%)

08 (40%)

03 (16.66%)

04 (25%)

001 (20%)

00(0%)

Total

20 (100%)

20 (100%)

18 (100%)

16 (100%)

05 (100%)

01(100%)

Source : enquête de terrain, Mars 2007.

Il se dégage de ce tableau que la majorité des enquêtés admettent et confirment l'impact des dons dans les choix des électeurs lors des élections. Ainsi, 80% des hommes et 60% des femmes, soit en tout 70% des personnes enquêtées notent l'influence effective des dons sur les comportements des électeurs. Le constat reste le même quelque soit l'intervalle d'âge pris en considération. En outre, les données de ce tableau peuvent être complétées par celles du tableau n0 13 en annexe qui établit une relation entre l'incidence des dons sur les comportements des électeurs et certaines variables (la profession et le niveau d'instruction). En effet, on y observe que le niveau d'instruction ou la fonction des acteurs sociaux n'influence aucunement leur réponse à la question de savoir si les dons ont une quelconque influence sur les résultats électoraux.

Dans le tableau n04, il s'agissait de savoir si de l'avis des populations, les dons avaient une influence sur les comportements des électeurs. Ce tableau permet de savoir si ceux qui reçoivent les dons votent généralement pour les donateurs.

Tableau n0 5. Rapport entre dons et vote des électeurs.

Oui

Non

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

16 (80%)

14 (70%)

04 (20%)

06 (30%)

40

40

Source : enquête de terrain, Mars 2007.

Si l'on se confère au tableau ci-dessus on peut établir une corrélation effective entre les dons reçus et la distribution des voies des électeurs. Ainsi 80% des hommes soutiennent que les électeurs votent ceux avec qui ils ont pris les dons. Cette situation est confirmée avec moins d'acuité chez les femmes (70%). Mais il reste que de tous les deux cotés, la majorité reconnaît l'effet des dons sur les choix des électeurs.

Dans nos entretiens avec les personnes ressources, il se dégage l'idée que les dons ont une influence effective sur les comportements des électeurs. La pauvreté des électeurs les conditionnerait à l'acceptation des dons et partant à l'aliénation de leurs comportements aux dons. Pour illustrer ce fait, le focus secteur 27 donne l'exemple suivant : « quand vous êtes dans une situation de sous emploi ou de chômage, ou quand vous vous posez la question sur comment faire pour avoir un plat à midi, si un parti pendant ce temps venait à vous proposer une offre alléchante, vous ne pouvez résister129(*) ». Z.R. de la CFD/B abonde dans le même sens en ces termes : « dans un pays pauvre comme le notre, les masses acceptent et réclament les dons durant les campagnes non par plaisir mais par ce qu'elles sont dans une situation qui les oblige à le faire. C'est une question de survie ».

Dans ce cas, comment expliquer que même des gens aisés amassent et s'approprient certains dons ? Ce ne sont pas visiblement les pauvres ou la seule condition de pauvreté qui conduit à une telle pratique qui, par la suite, oriente les choix des électeurs. Il faut dire que c'est une pratique qui a fini par entrer dans les moeurs et les habitudes des populations que toute élection est une occasion de distribution clientélaire de ressources. A cet effet, on note avec Houngnikpo130(*) qu'au lendemain de l'avènement de la démocratie, les populations ont rapidement établi une corrélation entre le pouvoir et la richesse illicite en Afrique entraînant une course sans répit au pouvoir. Le combat vital des partis étant pour l'enrichissement, il est normal que les électeurs attendent d'eux des gestes avant de les voter. De plus, les électeurs sont écartelés et tiraillés, pris dans le jeu complexe de pression et de contre-pression, de requêtes et d'attentes. En proie aux problèmes de survie immédiate et face aux dons qui tombent du ciel telle une manne, ils ne peuvent rester indifférents.

Les partis politiques pour mieux avoir plus d'impact dans leurs actions développent dans leur approche « la pression alimentaire131(*) », c'est à dire offrir à boire et à manger à l'électorat, à promettre des nominations dans les hautes sphères de l'Etat. Ces propositions ne peuvent évidemment rester sans effet sur l'électorat sensible à ces types de questions. L'exemple que donne P.E. du MPS/PF est très frappant. Il l'exprime en ces termes : « Dans un village de Ouagadougou, j'étais en compétition avec le CDP et l'ADF/RDA pour la municipalité. J'avais deux conseillers qui étaient des ressortissants de ladite localité mais j'ai perdu les élections. La raison était simple : au lieu d'apporter la somme demandée par les habitants pour la réparation de leur pompe et l'achat de leur moulin, j'ai promis de le faire. L'ADF/RDA qui y est passé après moi a répondu à leurs sollicitations en remettant une enveloppe de 500 mille francs. Au finish, ce parti remporta plus de 200 voix contre 26 pour mon parti et 20 pour le CDP ».

S'il est vrai que les dons sont des canaux exploitables par les électeurs pour subvenir à leurs besoins, il est évident que ce qu'ils reçoivent pendant les campagnes ne met pas fin à leur pauvreté. Malgré tout, certains électeurs ne peuvent s'en passer, ils seraient même capables de refuser de voter s'ils n'en obtenaient pas (Kiéma, Boy et Mayer).

Nul doute que les dons puissent avoir une quelconque influence sur les choix des électeurs, mais il est ressorti de nos investigations que l'impact des dons est plus important pour certaines catégories de populations. En d'autres termes la population entière ne vit pas cette influence de la même manière. Les analphabètes en général, et les travailleurs du secteur informel (généralement moins instruits) sembleraient beaucoup plus enclins à subir l'incidence des dons dans leurs choix électoraux. En outre, on peut soutenir que l'incapacité à lire le jeu politique et les programmes des acteurs rendent ces catégories d'électeurs plus vulnérables. Cependant, comme nous l'avions déjà relevé plus haut, les franges les plus riches et les plus instruites n'échappent pas à cette logique même si l'incidence à leur niveau est à relativiser. Il ne suffit pas en effet, d'être riche ou bien instruit pour comprendre aisément le jeu politique ou pour échapper au jeu de séduction des partis. Les partis politiques développent durant les scrutins leurs stratégies en tenant compte du type de population auquel ils font face. De ce fait, tous les électeurs sont exposés aux ruses des partis.

Il faut souligner que pour une partie (soit 30%) de la population rencontrée dans cette étude, l'effet des dons sur les comportements des électeurs est négligeable. Braud note que «  la découverte d'exemples qui confirment une théorie a très peu de signification si nous n'avons pas essayé, sans succès de découvrir des réfutations. Rien en effet, ne garantit que d'autres faits, involontairement écartés ou non soupçonnés, ne contredisent pas les premiers132(*) ». Quelles peuvent être dès lors les limites objectives de l'impact « des dons électoraux » ?

Section II. Les Limites de l'effet des dons sur les comportements électoraux

La part des dons dans la détermination des choix des électeurs, même si elle n'est pas négligeable, elle comporte des limites qu'il conviendrait de dégager. Les exigences démocratiques voudraient que toute élection soit encadrée par des observateurs (nationaux comme étrangers) et leur rôle combien important pourrait réduire les ardeurs de toute tentative de clientélisme et rendre du coup l'élection transparente. Les détournements des dons constituent aussi un moyen qui peut amenuiser l'impact des dons sur les électeurs. Enfin, on ne saurait ignorer le déterminisme symbolique des pesanteurs socioculturelles dans toute entreprise humaine.

§1- Le rôle des observateurs et les cas de détournements

L'élection présidentielle de novembre 2005 aurait connu la participation de 1400 observateurs dont 400 observateurs internationaux mandatés par une quarantaine d'associations et de structures internationales dont les principales sont l'Union Africain (UA), l'Organisation Intergouvernementale de la Francophonie (OIF) et l'Union Européenne. Ces missions d'observation de l'élection présidentielle du 13 novembre 2005, rappelle-t-on, ont été, pour la plupart, invitées par le gouvernement burkinabé133(*). Parmi les observateurs nationaux, on note les membres des institutions politiques comme la CENI, le conseil d'Etat et le conseil constitutionnel, les membres du MBDHP, et de certaines ONG, etc. Ces observateurs viennent en appui aux observateurs des partis politiques positionnés dans les bureaux de vote. L'incapacité financière de certains partis fait qu'ils sont moins représentés dans les bureaux de vote. Qu'à cela ne tienne, la présence d'un nombre aussi important d'observateurs pourrait brouiller les voies de tricheries et donc de corruption, ce qui sans doute réduit les possibilités d'influence systématiques des choix des électeurs. Certains observateurs, peu neutres peuvent fermer les yeux sur des cas de fraudes massives et de corruptions pratiquées sous leur nez. On ne peut donc conclure que les observateurs mettent pratiquement fin aux magouilles électorales. Ils sont, pour la plupart, absents lors des campagnes alors que c'est surtout pendant ces moments que la pratique des dons est assez prégnante. Leur influence sur la pratique des dons pourrait être effective si leur mission commençait en même temps que le début des campagnes.

Une meilleure analyse des limites des dons dans l'orientation des comportements de l'électorat ouagalais devrait intégrer l'usage que les donataires en font. Comment les dons reçus sont-ils utilisés par les bénéficiaires ? Pour Socpa, les dons dans le champ électoral subissent des détournements de deux ordres dont le non respect des électeurs de leurs engagements vis-à-vis des partis (les promesses de certains électeurs de voter tel ou tel parti) et la confiscation voire la conservation des dons par les émissaires.

Certains électeurs refuseraient après avoir pris les dons d'aller voter pour les partis qui les leur ont offerts. Cela témoigne de l'existence d'électeurs inconstants et irrésolus. Il s'agirait ici de décisions soit souverainement prises ou faites sous pressions par lesquelles les électeurs renoncent à des partis pour lesquels ils s'étaient engagés. Ces électeurs après avoir pris part à toutes les rencontres des partis en question, ils pourraient décider stoïquement de quitter leurs navires à la dernière heure. Ce virage est très fréquent à Ouagadougou parce que les populations s'organisent pour mieux tirer partie des élections. Les « grins » de thé qui poussent comme des champignons à l'approche des élections témoignent de l'ingéniosité de certains habitants qui voient dans les élections de simples occasions pour s'amasser des ressources.

Banégas134(*) parle dans ce cas d'une « revanche des électeurs » c'est-à-dire la capacité de ces derniers à renverser la relation clientélaire à leur profit en conservant une large latitude d'action vis-à-vis des offreurs ou « patrons » politiques. C'est ce qui explique que certains électeurs réclament eux mêmes les dons aux hommes politiques. Ils n'attendent plus l'initiative des partis, ils demandent des sources de motivation, des stimulants avant de prendre parti. En effet le tableau n0 16 en annexe montre que 65% des enquêtés soutiennent que le don est devenu une exigence de l'électorat.

Certains mobilisateurs rencontrés dans les quartiers nous ont confié que leur rôle principal n'est pas forcément d'amener les populations qu'ils mobilisent à voter pour le parti mais surtout les amener à prendre part aux meetings. K.A135(*)s'inscrit dans ce sens quand il confie que : « Mon travail est un simple contrat dans lequel le parti gagne et moi aussi j'en tire quelques avantages. Je suis tenu de mobiliser, de convaincre les gens et les conduire dans les meetings. C'est aux responsables du parti de gagner leur confiance ». Cependant bon nombre de ceux qui viennent aux meetings repartent généralement avec des cadeaux du parti qu'ils auraient rencontré. Evidemment, dans une telle optique les populations réunies dans les campagnes électorales sont composées de militants, de sympathisants et bien sûr de « mendiants » qui viennent guetter les offres. On comprend aisément qu'après avoir obtenu ce qu'ils veulent, ils s'en vont tout en laissant les hommes politiques à leur sort.

Le deuxième type de détournement et c'est d'ailleurs le plus important parce qu'il est non seulement l'expression d'une trahison vis-à-vis du parti que l'émissaire représente, mais il est aussi une action qui réduit considérablement les efforts de mobilisation des partis. Ce détournement est de l'apanage des intermédiaires, courtiers ou émissaires politiques.

La grande majorité, soit 90% des interviewés ont répondu que les intermédiaires ne transmettent pas toujours les dons. Les modalités suivantes ont été invoquées par les répondants pour exprimer cet état de fait :

ü ils ne donnent qu'à leurs connaissances, amis et familles,

ü ils en profitent au maximum et donnent les miettes aux autres,

ü ils ne voient que leurs propres intérêts,

ü les campagnes sont l'occasion pour eux de s'enrichir,

ü ils s'approprient une grande partie des dons,

ü ils profitent de ces dons pour réaliser leurs projets personnels qui dormaient dans les tiroirs,

ü les intermédiaires sont aussi des nécessiteux qui profitent de la situation.

En clair, certains émissaires ou courtiers politiques auraient de nombreux projets dont ils conditionneraient la réalisation à l'obtention des dons matériels ou financiers. Ce sont donc des saprophytes qui ont réussi à convaincre les dirigeants politiques de leur soutien et qui, cependant cachent des objectifs inavoués à atteindre. Il n'y a pas que les intermédiaires pauvres qui détournent. « Quel que soit le niveau et le statut social de l'intermédiaire, il est capable de détourner ce qu'on lui remet pour les électeurs. Cela dépendant d'abord de ce qu'il reçoit et de la quantité des dons qui lui sont remis136(*)». Leurs actions ne permettant pas la circulation effective des dons jusqu'aux destinations prévues, elles écourtent l'impact que ces dons auraient eu en temps réel.

L'action des intermédiaires et des observateurs ainsi décrite permettent de mettre du bémol sur l'incidence effective des dons. Les pesanteurs sociologiques et les promesses non tenues des hommes politiques pourraient aussi être des aspects considérables contribuant à amenuiser l'effet des dons sur l'électorat.

§2- Les limites inhérentes aux pesanteurs socioculturelles et aux promesses non tenues

Dans une société caractérisée par des réseaux sociaux complexes (de parenté, de famille, d'ethnie de religion etc.), les dons viendraient se greffer à des systèmes de domination et de soumission qui existaient déjà. Dans ce contexte, peut-on ignorer l'impact sournois de ces variables sur la construction des comportements des acteurs en général et des comportements politiques en particulier ? Toute élection est marquée de plus en plus par de multiples promesses, mais comme nous l'avions déjà fait remarquer, ce sont des promesses qui n'existent que pour la période électorale. Pour la plupart des populations rencontrées, ces promesses seraient des éléments de stratégie des entrepreneurs politiques. Quelle est la réaction des électeurs face à ceux qui ont tenu ces vaines promesses ?

La politique n'est pas un secteur détaché de la vie sociale. Elle relève de l'interaction des agents sociaux. Moyen de structuration et d'organisation des mécanismes de gestion de la vie en société, la politique se fonde et se développe sur les mécanismes primaires de l'existence en société. Elle participe ainsi à la production de nouveaux types de comportements chez les agents sociaux. Nous reprenons ici à notre compte cette assertion de Nassirou Barka137(*) pour qui voter n'est pas un simple acte civique d'expression de l'opinion d'un citoyen mais aussi un acte de solidarité et un rituel de confirmation de la solidarité villageoise momentanée en fonction des attentes, confirmation aussi de l'alliance scellée par le fils du terroir avec d'autres fils. Ceci dit, les attaches fondées sur les réseaux relationnels ont beaucoup d'influence sur la tendance à s'engager avec tel ou tel acteur politique. C'est pourquoi le vote est perçu comme le résultat d'un effet de groupe.

Abondant dans le même sens, Menthong138(*) note qu'au Cameroun le vote se trouve conditionné par l'appartenance ethno-régionale et socio-linguistique. Le vote serait dès lors une fabrication sur mesure des réseaux identitaires des candidats. Le coeur (les sentiments), la raison (le raisonnement, les calculs rationnels) et le sang (les alliances, la parenté, la famille, etc.) sont, dans cette logique, les liens privilégiés qui orientent les choix des électeurs. Le choix de l'électeur ne saurait donc être expliqué par une seule raison.

Il faut rechercher selon Monjib139(*) les causes et le sens des choix dans le processus de socialisation par lequel les électeurs ont été moulés. Selon cet auteur, l'autorité du guide religieux semble s'exercer d'une façon qui peut influencer les résultats du scrutin à Saint Louis. La religion s'inscrit dans les déterminants identitaires toujours mis en exergue pour analyser les comportements sociaux. Les identités positionnent les individus dans leurs milieux et contribuent à forger en eux un habitus,140(*) des schèmes de comportements à intégrer dans le quotidien des actions des membres d'une communauté.

Les populations de Ouagadougou comme partout ailleurs n'échappent pas à cette logique. Ainsi les relations identitaires conduisent à une répartition de ces populations en de regroupements divers. C'est ainsi que les ressortissants des différentes localités se rencontrent périodiquement pour débattre des questions de leur région, province, commune ou village. Ouagadougou vit donc chaque jour une recomposition permanente des liens identitaires à partir desquels les habitants se définissent. Les hommes politiques exploitent sans cesse ces liens pour passer leurs messages ou pour manifester leur intérêt pour les différentes localités du pays. Pour Z.R. de la CFD/B un parti qui conquiert l'électorat ouagalais en se fondant sur les réseaux identitaires (ethnie, association de ressortissant etc.), possède un moyen plus facile de déjouer les coups de ses adversaires dans les localités (commune, villages, province, régions) auxquelles ces populations appartiennent. Cela relève certes d'une exagération mais permet sans nul doute de comprendre l'importance que les partis politiques accordent aux différents organes communautaires auxquels les populations se réfèrent et par lesquels ils maintiennent un contact permanent avec leurs milieux d'origine.

La proximité des électeurs avec certains hommes politiques et les relations de familiarité qui en découlent créent aussi des liens forts entre l'électorat et les hommes politiques. Kieffer141(*) qui s'est intéressé à l'électorat jeune pendant les élections présidentielles de 2005, relève que généralement, le responsable politique local à Ouagadougou est aussi un parent, un grand frère ou un voisin avec qui les jeunes entretiennent des rapports qui dépassent largement le cadre de la campagne. Ils ne peuvent donc pas refuser ses cadeaux ni s'opposer à lui de manière franche. Les transactions importantes comme l'obtention d'emploi, à court ou long terme, ou encore l'acquisition d'une parcelle passent par des réseaux d'entraide fort dense. Ce qui signifie clairement que l'acceptation des dons par le donataire ne signifie pas ipso facto qu'il vote pour celui qui les offre. L'acte de recevoir peut paraître un simple moyen pour éviter les frustrations qui pourraient émousser leurs bonnes relations avec les donateurs, et partant, la cohésion sociale. La réception des dons peut aussi conduire les électeurs à voter pour le camp du donateur. Dans ce cas, ce ne sont pas forcément les dons qui les ont amenés à accorder leurs voix mais l'action des alliances de sang ou des liens socioculturels. Il apparaît que les dons à eux seuls n'ont pas une incidence assez efficace pour conduire certains électeurs à une obéissance aveugle aux consignes de vote données par les partis. Ils viennent se greffer à un socle de relations de proximité ou de parenté.

Notons cependant que les populations âgées restent toujours attachées à la sacralité de la parole donnée. Il est ressorti des entretiens que les jeunes se départissent facilement des allégeances identitaires et de la conception fondée sur la sacralité de la parole. Comme le remarque S.A. « Les vieilles personnes par contre, réfractaires à ces types de changements, tiennent le plus souvent parole quand ils vous la donnent. C'est pourquoi les partis politiques lorsqu'ils veulent s'installer ou organiser une activité dans un milieu, cherchent à les rencontrer en premier avant de contacter les autres groupes sociaux 142(*)». P.E du MPS/PF souligne en effet que les jeunes sont en général très manipulés. En revanche, les vieux, le plus souvent, lorsqu'ils accordent leur confiance à un parti, ne se laissent pas convaincre par un parti adverse. Cependant, reconnaît-il, la marchandisation des relations en vogue rend cette vérité fragile.

Hormis l'âge, le sexe des électeurs est une variable qui peut influencer leur choix. Il est reconnu que peu de femmes s'intéressent à la question politique au Burkina. L'électorat féminin souvent qualifié de bétail électoral est la frange importante à mobiliser au regard de son importance démographique (plus de 52%). « Toute élection à Ouagadougou comme partout dans le Burkina se gagne et se perd sur la base de la capacité qu'ont les partis à mobiliser les femmes ». Cette évidence est pourtant remise en cause par le fait que malgré l'urbanisation et les transformations connexes, nombre de femmes vivent sous « la domination masculine ». C'est une forme de violence symbolique, qui comme le signifie Bourdieu,143(*) semble inscrite dans l'ordre normal des choses. Dans ce contexte, soutient S.A, « peu de femmes oseraient défier leurs époux ou parents en allant voter un autre candidat que celui sur qui ils auraient convenu». Quelle que soit la véracité de tels propos, il demeure que les choix s'opèrent dans l'isoloir et que chacun y entre seul. On peut s'imaginer que les pressions psychologiques vécues par ces femmes les conduisent à une obéissance servile. Mais le doute est permis car il existe des femmes qui peuvent opter pour la démarche inverse. Malgré la multiplicité des offres matérielles (gadgets, argents, objets marchands etc.), symboliques (promesses, pose de pierre, inaugurations etc.), les pesanteurs évoquées continueraient d'orienter les comportements des électeurs. Ainsi, certains électeurs choisiraient leurs candidats non sous l'influence des nombreux dons qu'ils auraient reçus mais surtout par loyauté.

Les promesses non tenues s'empilent après chaque élection, car la plupart des partis promettent ce qu'ils ne peuvent pas réaliser. « Les promesses non tenues développent chez l'électeur en général un sentiment qui se résume à la résignation, à la revanche (le vote sanction), ou au dégoût pour la politique144(*) ». Certains se résignent dans la mesure où ils en viennent à la conception selon laquelle la politique n'est qu'un gros mensonge. L'agent social dans cette logique accomplirait son vote comme un simple devoir citoyen et s'intéresse peu aux discours politiques. Certains, déçus par les hommes politiques, attendraient les moments d'élections pour se venger en attribuant leurs voix à l'adversaire politique. Braud145(*) abonde dans ce sens, affirmant que « d'autres électeurs, politisés ou non, verront dans le geste électoral le moyen de libérer une agressivité nourrie de frustrations accumulées, d'origine sociale, professionnelle ou même privée. Ils s'en prendront à des boucs-émissaires en émettant un vote de rejet des sortants, voire de la classe politique elle-même ou bien, ils soutiendront le parti ou le leader diabolisé par les médias et les autres formations politiques ».

Bon nombre d'électeurs voient le vote comme un simple moyen de légitimation politique. Autrement dit, les élections ne tiennent jamais la promesse d'alternance qu'ils auraient tant rêvée. Ceci conduit au développement de l'abstentionnisme électoral dont son évolution met en péril le devenir démocratique. La courbe ci-dessous donne l'évolution de l'abstentionnisme depuis les élections de 1960 à celles récentes de 2007.

Courbe évolutive du taux d'abstentionnisme au Burkina Faso (1960-2007)

Quand on observe la courbe de l'évolution du phénomène depuis les premières élections, le taux d'abstentionnisme est passé de 1.65% aux élections présidentielles de 1960 à 50.88% aux élections municipales de 2006. Une évolution en dent de scie caractérisée par un point culminant de 70.72% aux présidentielles de 1991. Kiéma met en lumière les causes et les conséquences de ce phénomène sur la démocratie. Observant sa manifestation et son évolution au secteur 27 de Ouagadougou, il note que 75% de la frange de 18-27 ans, et 59% des populations de plus de 48 ans se sont abstenues146(*). Ce phénomène réduit de toute évidence l'influence effective des dons car certains abstentionnistes ont aussi reçu les dons mais ne sont pas allés voter.

En somme, les promesses non tenues créent chez l'électeur de nouveaux types de rapports avec le champ politique, pouvant aller de la méfiance au rejet. Dans l'ensemble les comportements qui émanent de cette situation ne favorisent pas l'impact effectif des dons. En effet, l'individu ne vote plus sur la base de ce qu'il reçoit mais surtout sur l'effet d'une frustration. Cette agressivité orienterait soit ses choix s'il vote soit son retrait du jeu s'il s'abstient.

Des limites objectives existent concernant l'impact des dons sur les comportements des électeurs. Malgré la marchandisation des relations sociales, les mobiles d'actions des électeurs ne sont pas toujours justifiables par des calculs de maximisation du profit. Produit d'un environnement social, l'électeur ne peut définitivement ignorer les exigences de ce milieu. Ainsi, les facteurs sociologiques, les multiples promesses non tenues des candidats aux élections antérieures entraînent une constante reconfiguration des options ou choix de l'électeur.

Chapitre II.  La contribution des dons à l'institutionnalisation de la démocratie

La construction démocratique est un processus caractérisé par des moments de balbutiements indispensables à la consolidation du système, c'est à dire son institutionnalisation. Entrés dans le jeu démocratique sous l'impulsion du discours de la Baule, les Etats africains n'ont pas tardé à découvrir les énormes difficultés qui les attendaient. Parmi ces grandes questions qui minent cette jeune démocratie africaine, il y a le financement des activités politiques. Face à ces préoccupations, quel rôle pourraient jouer les dons pour faciliter l'ancrage de la culture démocratique ? Les dons dans l'ancrage du processus démocratique (Section I) et leur apport dans la formation (sectionII) feront l'objet d'analyse dans ce chapitre.

Section I  L'importance des dons dans l'ancrage de la démocratie

L'importance des dons dans la construction de la démocratie pourrait se mesurer à travers leur utilisation comme mécanisme de financement des activités des partis politiques (§1) et la valeur que le champ électoral leur confère (§2).

§1- Les dons comme mode de financement des partis politiques

La loi n0 012-2000/AN du 02 mai 2000, modifiée par la loi n0 12-2001/AN du 28 juin 2001, conformément à l'art 13 de la constitution, dispose en son article 1 que : « les partis politiques ont la mission constitutionnelle de concourir à l'animation de la vie politique, à l'information et à l'éducation du peuple ainsi qu'à l'expression du suffrage». L'atteinte de ces missions assignées aux partis n'est possible que si ces derniers sont mis dans les conditions idoines. Dans cette optique, la même loi dispose en son article 2 que : « dans l'exécution de leur mission, les partis politiques bénéficient de financement public dans les conditions fixées par la présente loi ». Aucun parti politique ne peut fonctionner normalement, c'est-à-dire en jouant le rôle qui lui est dévolu, sans un minimum de moyens.

Il faut cependant noter que le financement public tel qu'il est accordé est insignifiant pour assurer la vie des partis. Les sommes débloquées par l'Etat dans le cadre du financement public des partis ont connu certes une évolution mais elles restent très réduites pour être la seule véritable source de financement des partis. Selon le comptable du PDP/PS, le financement de l'Etat est passé de 200 millions à ses débuts à 500 millions en 2006. On peut remarquer que la répartition de ce financement public offre aux trois partis ayant obtenu chacun 5% des suffrages la somme à partager de 50 millions et seulement 50 millions sont répartis entre l'ensemble des partis. En somme, pour le fonctionnement, les partis ont reçu chacun la somme de 694 444 francs147(*) tandis que pour le simple entretien de leurs sièges, le PDP/PS et le MPS/PF dépensent respectivement 400 milles francs et 175.000 par mois.

Selon P.E. du MPS/PF, les activités prévues par son parti coûteraient 450 milles francs le mois mais l'insuffisance de financement rend ce programme irréalisable. En effet, ce parti a dans son programme d'activités hors campagnes une sortie par mois vers les structures décentralisées budgétisée à hauteur de 100 milles francs. Cette activité n'a jamais été respectée. De l'avis de P.E. du MPS/PF, « C'est une situation propre à tous les partis sauf le CDP. Par exemple après son succès aux élections présidentielles, législatives et municipales, il a initié des sorties de remerciement à ses électeurs. Les autres partis auraient aimé faire ces mêmes tournées, car même s'ils ont échoué, ils devraient remercier leurs fidèles électeurs afin de garder le contact pour les combats à venir ». Face à la faiblesse du financement public, les partis ne peuvent croiser les bras et attendre une solution miracle.

Pour palier cette insuffisance du financement public, les partis attendent de leurs membres ou militants des contributions diverses. Malheureusement, les partis ont non seulement peu de membres fidèles mais aussi, ceux qui leur sont fidèles ne paient pas toujours les cotisations ou contributions. Cette assertion est confirmée par N.A148(*). Il souligne en effet que : « les cotisations prévues ne rentrent pas comme les partis le souhaitent. Cela s'explique sans doute par le fait que la plupart des partis politiques ont des sympathisants et des admirateurs mais peu de militants ».

P.E. du MPS/PF note que pour faire face à cette situation, son parti ainsi que la plupart des partis politiques burkinabè exercent un certain nombre d'activités lucratives afin d'acquérir le minimum ne serait-ce que pour le loyer du siège. C'est ainsi que certains partis rencontrés (RFI/PJB, MPS/PF, PDP/PS) auraient développé des buvettes ou bars. Quelle que soit la portée de ces activités, elles ne peuvent couvrir l'essentiel des besoins de fonctionnement.

Hormis les activités de fonctionnement, les activités de campagnes électorales ont besoin de financement. En effet, sur les 500 millions mis à la disposition des partis, 400 millions ont été investis dans l'organisation des campagnes électorales. Ce financement avait pour seul critère le nombre de listes pour le cas des législatives. Certains partis d'opposition comme l'ADF/RDA, le PARIS, le PDS, le RDEB, l'UNDD, et l'UNIR/MS, ont chacun obtenu à cet effet plus de 20 millions environ pour les législatives de 2007. C'est le type de financement par lequel beaucoup de partis politiques accèdent à des sommes importantes. Mais ces sommes ne reflètent véritablement pas la représentativité des partis. Nombre d'entre eux ne sont pas dans certaines localités, mais ceux-ci trouveront toujours des personnes dans ces milieux pour former des listes en vue d'accéder au financement.

Si par ce canal des partis se dotent d'une somme consistante pour les activités électorales, dans le cas des élections présidentielles, les partis dont les candidatures ont été validées ont reçu chacun la somme de 7.692. 307 francs CFA après avoir déposé une caution de 5 millions. En d'autres termes, les partis n'ont eu chacun qu'environ 3 millions de francs si l'on extrait les 5 millions qu'ils auraient déposé comme caution.

Il convient de signaler que la loi sur le financement public n'autorise pas la réaffectation des fonds. Ainsi, les fonds reçus pour les campagnes ne peuvent en aucun cas, être utilisés à d'autres fins. En plus, toutes les rubriques de dépense ne sont pas prévues dans les lignes de vérification de la Cour des Comptes. Par exemple, les partis se sont toujours plaints que l'institution de contrôle leur demande des pièces justificatives pour des dépenses portant sur l'achat des produits artisanalement vendus. C'est le cas essentiellement de la boisson, cas du dolo très prisé par les populations et pour lequel les partis déboursent d'importantes sommes. Selon P.E, il débourserait pour le dolo, la somme de 20.000 Franc par meeting. Durant les campagnes, où il est appelé à faire plusieurs meetings, il dépenserait au minimum 40.000 francs par jour. A l'issue de chaque meeting, les responsables des partis attribuent des billets aux danseurs et à tous ceux qui y sont venus pour exécuter des prestations. Bien que non pris en compte dans les lignes de dépenses prévues par la cour des comptes, l'achat de boissons, les « gestes » de reconnaissance pour les prestations des acteurs sont des éléments structurant du champ social et politique. Toutes ces dépenses dont il est fait cas sont plus élevées lorsqu'elles sont effectuées à Ouagadougou.

Dans l'impossibilité de trouver des pièces justificatives pour ces catégories de dépenses, les partis devraient trouver ces moyens ailleurs, par le biais d'autres canaux. Les partis peuvent-ils ne pas compter sur les financements et les autres appuis (services) privés ? Les dons venant d'autres acteurs politiques (partis amis), des opérateurs économiques et de simples amis ou parents proches se présentent dès lors comme un sésame pour pallier cette situation d'insuffisance.

Bien qu'officieux ou occultes, ces dons sont d'une importance capitale pour bon nombre de partis au Burkina. En outre, les dons privés sont soumis à une gestion flexible. Les ressources qui en découlent peuvent être en effet réaffectées dans d'autres domaines ou activités. C'est ainsi que les dons reçus dans le cadre des élections peuvent être réutilisés pour le fonctionnement du parti après lesdites élections. Il faut en effet noter que le manque de flexibilité dans la gestion du financement public rend son exploitation peu efficace. En effet, certains partis auraient aimé réserver une partie de l'argent obtenu pour les campagnes en vue d'assurer le fonctionnement de leurs sièges et l'animation de la vie politique, mais ils sont obligés de l'injecter totalement dans les dépenses de campagne. Quels que soient les objectifs des donateurs, les partis politiques dans le besoin semblent s'agripper à leurs dons d'autant plus qu'ils ne trouvent aucune autre solution à leur situation.

Le financement privé paraît dès lors indispensable au fonctionnement des partis. C'est dans ce sens que certains partis politiques que nous avons accostés (CDP, PDP/PS, MPS/PF) ont souligné qu'il n'y avait pas lieu de supprimer le financement public, qui est incontestablement vital pour les partis. Ils reconnaissent, cependant la nécessité de l'encadrer par des normes juridiques. Ces normes pourraient ainsi envisager un plafonnement des dons privés et l'obligation de justifier leur utilisation par des pièces comptables. Il est vrai que nous reconnaissons les limites de l'encadrement juridique, mais laisser libre cours aux partis de recevoir de toute part les dons et de les dépenser sans un suivi consisterait à officialiser la corruption électorale.

§2- Les dons comme une exigence du champ électoral

Tout porte à croire qu'aujourd'hui, l'appât du gain a la primauté sur les valeurs socioculturelles. Cette situation met en péril l'avenir et l'héritage déjà affaiblis par de nombreux maux dont le monde peine à se délier. La société semble avoir atteint le summum de la déchéance. Les seules règles qui gouvernent l'organisation sociale deviennent la nécessité, le besoin en un mot l'impératif de survie.

La marchandisation des relations sociales se présente comme une pseudo alternative à la misère. Face à une société qui a perdu ses repères, la famille africaine en générale et Ouagalaise en particulier n'échappe pas à la désorganisation et à l'effritement de ses valeurs primaires (solidarité, humanité, amour, parenté etc.). L'individualisme semble avoir atteint son paroxysme et s'est même érigé en valeur sociale. Bien que critiqué et remis en cause par les principes moraux ou religieux, ce phénomène va grandissant et contribue à désacraliser les règles qui régissaient la vie sociale.

La politique comme nous l'avions déjà relevé se pratique dans le champ social et de ce fait, est touchée par ce phénomène de « changement social149(*) » dans les rapports des acteurs. Ces changements étant caractérisés par la tendance à placer les intérêts économiques individuels immédiats au dessus de l'intérêt collectif. Les interactions sociales ou politiques entre agents sont dans ce contexte contrôlées et orientées afin de produire des gains économiques ou symboliques (prestige ou influence, reconnaissance et considération sociale).

Au regard d'une telle réalité, la pratique politique exige un minimum pour attirer l'attention de cette population croupissant chaque jour dans une pitoyable situation. P.E s'inscrit dans cette optique en soulignant que « les partis qui n'ont aucun moyen pour accrocher l'électorat seront confrontés à d'énormes difficultés pour jouer les rôles qui sont les leurs, puisque les gens n'écoutent pas les bavards, ils veulent du concret». Le concret étant tout ce qui, dans l'immédiat, leur permettrait de répondre à leurs besoins quotidiens. Poursuivant dans la même lancée, W.L du PDP/PS explique que dans un arrondissement de Ouagadougou (Boulmiougou), alors que son parti était en train de délivrer un discours, il aurait surpris certaines populations se plaignant en ces termes : «  cet homme parle trop, nous on veut manger ». C'est en fait une lapalissade, puisqu'il y a dans les masses, qui viennent écouter les discours, peu de personnes accrochées aux programmes que présente le messager. En outre, vu l'analphabétisme criard, on distingue peu de personnes capables de comprendre le programme des partis. En plus, un adage populaire dit que « ventre affamé n'a point d'oreilles ». Le discours programmatique serait illusoire devant une population qui réclame et attend impatiemment qu'il termine pour se ruer sur le messager ou ses émissaires dans la seule intention de ne pas rentrer bredouille.

Selon Banégas150(*), il n'y a pas lieu de s'étonner car « la consolidation démocratique et la subjectivation citoyenne s'opèrent paradoxalement dans le creuset des logiques clientélaires et dans la matrice plus générale de « la politique du ventre ». Par exemple, malgré le fait que les dons soient perçus comme des sources de motivation des choix de certains électeurs, seulement 16 personnes soit 40% des enquêtés ont souhaité leur suppression dans les campagnes électorales. 60% des populations rencontrées estiment qu'on ne peut plus faire des campagnes sans dons au Burkina. Cela témoigne de tout l'intérêt qu'accordent les populations aux dons électoraux.

La quête de l'ancrage démocratique ne peut ignorer les questions récurrentes de subsistance qui se posent et se transportent sur le champ politique. Elle devrait les intégrer afin d'atteindre les résultats escomptés. En effet, 26 personnes dont 14 hommes et 12 femmes soit au total 65% des enquêtés (Cf. tableau n0 16 en annexe) estiment que de plus en plus,  les dons sont exigés par les électeurs. Si à l'origine ce sont les partis politiques qui ont initié ce phénomène dans le champ électoral, de nos jours, les partis sont obligés de donner pour avoir des gens à leurs meetings, en d'autres termes pour mobiliser les électeurs. Au regard de cette situation, il conviendrait d'éduquer les populations à y faire face sans se laisser influencer (cf. tableau 18 en annexe).

Les acteurs politiques seraient pris dans leur propre piège à travers leur tentative de conquérir l'électorat. Habitués au système du « don électoral », les électeurs le réclameraient d'eux-mêmes comme condition de leur engagement politique. Le don apparaît dès lors comme un moyen d'aliénation, de consolidation mais aussi de déstabilisation des liens entre les acteurs politiques et les populations. Il jouerait le double rôle inclusif et exclusif. En effet, « il se développe des mécanismes d'incorporation et d'exclusion des individus des groupes ethniques dans la sphère d'influence151(*) (...) ». Dans ce jeu, le parti ou le candidat qui ne veut pas être marginalisé ou exclu de la zone d'influence ne peut que faire des offres alléchantes. Le don s'imposerait donc aux acteurs politiques, car il leur permet de se maintenir sur le champ politique, d'acquérir le respect et la reconnaissance des populations.

De l'avis de S.T152(*) du PDP/PF : « la recherche de la reconnaissance sociale est la première étape qui permet à l'homme politique de jauger sa popularité et ses chances de succès. Mais celle-ci a un coût et se paie à travers les irruptions spontanées de certaines populations dans le siège du parti ou à domicile chez le responsable politique. Ces populations viennent le plus souvent avec soit une ordonnance en main, soit pour exposer un problème social et elles espèrent repartir déchargées de leurs fardeaux ». Hormis cet aspect dont il est fait cas dans cette analyse, il faut noter les demandes qui sont souvent déposées par les différentes associations du secteur ou du quartier dans les sièges des partis et souvent en famille chez les hommes politiques. Comme le relève Z.R. de la CFD/B, « les populations peuvent toujours te critiquer, ils viendront réclamer de toi une contribution pour telle ou telle activité dans le quartier. Si tu refuses alors, elles t'écartent pour un autre parti. On peut dire que les campagnes ne sont jamais terminées à Ouagadougou».

Les campagnes électorales continueraient donc au-delà des dates officielles non plus pour remporter un quelconque siège dans l'immédiat mais surtout pour préparer les scrutins à venir. Les partis politiques doivent à ce titre toujours disposer d'un minimum qui leur permette de créer un capital social propre, lequel semble indispensable pour leur positionnement stratégique. Le rôle des élus, des hommes politiques ou des acteurs à la conquête du pouvoir se transformerait dans les périodes post électorales à une redistribution constante des ressources en vue de préserver leur chance d'être réélus.

Les partis peuvent-ils compter sur les cotisations de leurs membres ou sur les bénéfices des quelques rares activités qui, du reste, sont insignifiantes pour atteindre cet objectif ? La sagesse ne voudrait-elle pas qu'ils cherchent des voies de sortie ? La seule porte rentable et moins contraignante semble le recours aux contributions, aux appuis ou aux aides privés que nous retrouvons dans la notion de don.

Les dons s'imposent non seulement pour assurer la représentativité du parti ou sa présence sur la scène politique même durant les périodes hors campagnes mais ils se présentent en outre comme un moyen de mobilisation sans lequel nombre de partis se verraient rejetés. En effet, ancrées dans les allégeances identitaires, les populations pourraient choisir de ne s'intéresser qu'aux partis dans lesquels ils ont des proches parents, des membres du cercle ethnique, régional ou religieux. Les dons confèrent dès lors l'avantage à tous les partis d'être sur la scène et d'obtenir une bonne audience auprès des électeurs. Certains électeurs attirés par les gains qu'ils peuvent avoir avec les partis, transcenderaient les liens de parenté et d'alliance au profit des intérêts immédiats. Du reste, la marchandisation des relations sociales, les exigences des électeurs et les nécessités de mobilisation face à la faiblesse de financement public, rendent les dons privés ou occultes indispensables pour la majorité des partis sur la scène politique.

Section II. L'apport des dons dans la formation du citoyen

Les dons comme nous l'avons développé, constituent une manne à la fois pour les électeurs et pour les partis politiques. Ces derniers en ont besoin pour assurer leur présence effective sur le champ politique, pour faciliter la transmission de leurs messages et surtout pour gagner la confiance de la grande majorité de l'électorat, encore grippée aux gains. Dans cette section nous développerons l'importance des dons dans l'organisation des activités de formation (§1) et son rôle dans la promotion de la participation citoyenne (§2).

§1- De l'organisation des activités de formation

Les scrutins sont les moments d'apprentissage et de formation, en un mot de socialisation des citoyens. C'est pendant ces moments que les populations se frottent aux questions politiques qui leur semblent parfois étranges, incomprises et insensées. Ils augurent aussi des occasions inédites pour assurer la transmission des valeurs démocratiques cardinales et les rudiments de la culture politique. Cependant le rôle des partis consacré par la Constitution en son article 13 est de  concourir à l'animation de la vie politique, à l'information et à l'éducation du peuple ainsi qu'à l'expression du suffrage. Les partis n'étant pas que des machines électorales, ils ne peuvent attendre les campagnes pour accomplir la mission qui leur est dévolue par la loi fondamentale. Elle devrait s'inscrire dans leurs actions quotidiennes. Toutes choses qui impliquent des besoins de financements.

Selon Braud153(*), les partis sont des organisations stables, qui mobilisent les soutiens en vue de participer directement à l'exercice du pouvoir politique central. Dans leur tentative de conquête, la place de la formation de l'électorat est d'une importance capitale. C'est pourquoi, les partis initient certaines activités comme les ateliers et les séminaires de formation. Bagoro dit à cet effet que  les partis doivent avoir d'importantes activités dans les phases pré ou post-électorales car l'intervalle entre deux élections s'il est judicieusement exploité, peut être profitable à un parti154(*). Ces activités empêcheraient la rupture du contact entre les partis ou leurs leaders et la population.

Du point de vue théorique, les statuts de certains partis prévoient des activités de formation de leurs membres. La plupart des activités exécutées annuellement tournent cependant autour des rencontres habituelles d'échanges entre les membres du bureau politique national. En somme, les textes des partis prévoient des conseils trimestriels, des congrès chaque trois (3) ans et bien sûr des rencontres de sections. Ce sont en général les membres du secrétariat exécutif national, quelques délégués (des jeunes et de femmes) ainsi que les représentants des sections provinciales ou régionales qui participent aux conseils trimestriels. Pour les congrès, tenus pour l'ensemble chaque trois ans, ce sont les membres du bureau exécutif national, les délégués de femmes et d'enfants, les représentants provinciaux ou régionaux et départementaux qui y prennent part.

Les appellations varient selon les partis, mais dans l'ensemble, les activités qu'on retrouve dans les statuts des partis sont : les conventions (CDP, MPS/PF), le conseil national (tous les partis au moins une fois/an), l'université d'été (CDP) les congrès (tous les partis) chaque trois ans, etc.

En clair, seuls les militants engagés dans les bureaux centraux ou dans les sections prennent part aux rencontres ci-dessus énumérées. Ce sont des cadres d'échanges, de formations ou de renforcement des capacités des leaders. Concernant les activités qui favorisent la formation des citoyens, on note les journées parlementaires, les séminaires, conférences et ateliers.

Les journées des groupes parlementaires ont souvent été l'occasion où les élus des partis rencontrent leurs militants. Les invitations pour ces journées parlementaires ne concernent que les militants des localités où se tiennent les journées. Cette activité, financée par l'Etat, contribue à la formation des citoyens. Les partis exploiteraient cette seule occasion pour se rapprocher de leurs électeurs.

Du reste, les activités de formation citoyenne prévues par les partis sont peu nombreuses et malgré tout, elles ne sont pas exécutées. Elles sont entre autres, les conférences, les séminaires et les ateliers. Ce sont des activités qui devraient être financées par les partis eux-mêmes, ce qui rend difficile leur faisabilité. Les rares conférences faites sont des conférences de presse pour éclairer une question ou répondre à une situation de crise. Les ateliers et séminaires sont très rarement tenus. Pourtant ce sont les principales activités qui peuvent concourir à la formation du citoyen. Comment expliquer que malgré leur importance, ces activités semblent être délaissées au profit de simples réunions de bureaux?

De l'avis de Bagoro, « les partis politiques burkinabè semblent oublier qu'en démocratie, le pouvoir se conquiert quotidiennement par le travail de terrain long et patient 155(*)». Les partis ignorent-ils vraiment ce rôle ou n'ont-ils pas les moyens nécessaires à son accomplissement?

Selon certains dirigeants politiques, les partis auraient chacun un programme annuel dûment élaboré. Mais, dans la pratique, il ressort que peu d'activités prévues sont réalisées chaque année. La raison principale étant que les partis se retrouvent souvent dans une situation financière inconfortable. Comme nous l'avions déjà souligné, pour leur fonctionnement durant l'année 2007, les partis ont reçu chacun une somme modique. Cette somme comme on peut le constater, est très insuffisante pour assurer l'entretien des sièges des partis encore moins leur permettre d'organiser un atelier de formation. Aussi, il faut noter le fait que la plupart des partis ne possèdent pas encore de ressources propres. Comment pourrait-il en être autrement quand le peu de membres ne peuvent honorer leurs cotisations ? Selon N.S : « de nombreux membres de partis ne se sentent pas encore responsables de la situation de leurs partis. La preuve en est qu'ils continuent de penser qu'ils viennent aux rencontres des partis comme les meetings pour soutenir les leaders politiques. Ils attendent de ce fait tout de leurs leaders.156(*)». Abondant dans ce sens, P.E. du MPS/PF explique que pour organiser un meeting à Ouagadougou, les partis doivent louer des cars pour convoyer les populations des quartiers dans les lieux du meeting. Certains ne viendraient pas d'elles mêmes, si aucune action de motivation n'a été prise. Il faut remarquer que même certains élus des partis ne s'acquittent pas des contributions prévues par les textes de leurs partis. Ceci explique que peu de partis, (hormis les grands partis) arrivent à jouer efficacement leur rôle puisque son exécution implique des dépenses importantes.

La pauvreté des partis politiques constitue un frein à l'enracinement de la démocratie. En effet, toute activité tendant à socialiser les électeurs c'est-à-dire leur inculquer des valeurs citoyennes, coûte énormément et paraît irréaliste pour la grande majorité des partis. L'Etat ne pouvant supporter seul tous les financements indispensables au bon fonctionnement des partis, il appartient aux différents partis de travailler à trouver les moyens pour l'exécution de leur rôle de formateur. Cela est d'autant plus fondamental puisque l'absence de formation effective des citoyens n'est pas de nature à favoriser la consécration du processus démocratique.

Il faut dire que la formation n'est pas pour l'essentiel des partis une activité réaliste, non pas pour des raisons de coûts seulement mais aussi pour des raisons de ressources. Certains partis n'ont pas de ressources propres, à mesure d'assurer une formation. Ainsi que le souligne Z.R du RFI/PJB : «il y a des partis factices. Ils n'ont pas de siège véritable, et même quand ils en disposent, la secrétaire est la femme du président du parti. Leur bureau politique est aussi artificiel. On a constaté que pour certaines réunions où les partis sont convoqués, c'est soit le président, soit sa femme qui vient ». Dans ces conditions de manque crucial de ressources humaines, certains partis ne peuvent assurer d'eux-mêmes une formation. Il est évident que si la formation est assurée par les ressources des partis, elle leur reviendrait moins coûteuse. Mais l'absence de ressources exige qu'ils fassent recours à des formateurs externes, ce qui est plus coûteux pour les partis. Or, il n'est pas certain que ces formateurs extérieurs aux formations politiques, épousent ou respectent la ligne idéologique de ces dernières.

Soulignons aussi que les logiques sournoises qui sous-tendent la création de certains partis au Burkina pourraient expliquer qu'ils ne mettent pas l'accent sur la formation des citoyens. Puisque ceux qui les ont créés ne visaient que les ressources, il n'est pas étonnant que ce qui les préoccupe soit premièrement la recherche des moyens d'accès à celles-ci. La formation tendrait à éclairer les populations et à les sortir des cadres de simples maillons exploitables (de bétail électoral), ce qui n'est pas de nature à favoriser la réalisation des rêves de ceux qui ont créé leurs partis. Il ne faudra pas incriminer tous les partis, car il en existe qui ont été créés dans l'objectif de mener une lutte franche pour la conquête du pouvoir. Ces derniers sont conscients de leur rôle combien important dans la construction démocratique et ils s'évertuent malgré leurs moyens assez limités de le remplir pleinement.

Somme toute, peu de partis arrivent à exécuter des activités de formation destinées aux citoyens (leurs militants). La raison majeure avancée est pour l'essentiel la question de ressources financières. Mais on pourrait ajouter le problème de ressources humaines et même d'objectifs pour certains partis. Il apparaît cependant qu'il ne peut avoir de démocratie véritable sans une réelle formation des citoyens à la maîtrise et à l'accomplissement de leurs devoirs civiques et politiques. Un citoyen accompli (qui joue pleinement son rôle dans la cité) participera sans doute à la construction et à l'enracinement de la démocratie. Les activités menées par la majorité des partis politiques impliquent beaucoup les membres des bureaux politiques, ce qui ne participe pas à la formation des citoyens. Or, la participation des citoyens à la vie politique est exigée par ce qu'elle est indispensable à l'instauration d'une véritable démocratie. Le recours à la réglementation ne pourra à lui seul venir à bout de la corruption électorale que pourraient conduire les multiples « dons électoraux ». Il est nécessaire de recourir à des actions de sensibilisation, d'information, lesquelles actions se retrouvent dans la formation. Il est aussi nécessaire que des stratégies et des moyens soient trouvés pour favoriser une participation citoyenne.

§2- La promotion de la participation citoyenne

Le concept de participation est souvent suivi de certains adjectifs comme politique ou citoyenne. Pour Braud, la participation politique peut se définir comme un ensemble d'activités, individuelles ou collectives, susceptibles de donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du système politique. Dans les régimes démocratiques où cette norme est érigée en valeur fondamentale, elle est associée au concept de citoyenneté157(*). L'idée de participation exprime l'exigence d'une implication effective dans les affaires publiques. Le citoyen est un membre d'une communauté politique (Cité, Etat), c'est « un individu jouissant, sur le territoire de l'Etat dont il relève, des droits civils et politiques 158(*)». La participation citoyenne est dès lors l'acte par lequel le citoyen prend part aux activités qui lui permettent d'accomplir ses droits et ses devoirs. Dans le jeu démocratique, l'exécution de telles actions permet au citoyen de s'émanciper et d'être « domestiqué ».

Le citoyen émancipé est celui qui s'est débarrassé des allégeances identitaires, celui qui arrive à surpasser ses attaches socioculturelles en faisant prévaloir librement ses devoirs civiques. Le citoyen domestiqué est celui qui, grâce à la socialisation reçue, a pu dompter ou neutraliser les comportements déviants dont l'incivisme à tous les niveaux. Un citoyen qui a toutes ces qualités ne peut s'obtenir que lorsqu'il participe au processus de socialisation politique composé de pratiques dans lesquelles s'inscrit le vote. Les élections constituent donc l'une des périodes indispensables dans le processus de formation du citoyen.

Selon Loada, cité par Bagoro, la fréquence des élections depuis 1991 semble inculquer dans les moeurs des populations burkinabè une sorte de « routinisation des procédures électorales 159(*)». L'habitude qui se crée par le biais de ces élections est une nécessité pour amener les populations à s'intéresser à la pratique électorale. Nul ne doute que ces répétitions de l'acte électoral dont bénéficient les populations servent de moyen de renforcement de la citoyenneté toujours balbutiante dans les sociétés comme celle de Ouagadougou.

L'installation progressive des pratiques électorales ouvre certes une page glorieuse pour la maturité voire la consolidation de la démocratie, mais, nul n'est besoin de souligner combien ces élections sont coûteuses pour les Etats africains. Leur mise en oeuvre technique impose assez de sacrifices surtout financiers non seulement pour les Etats mais aussi pour les partis politiques majoritairement pauvres. Ces partis doivent en effet convaincre les citoyens par des pratiques distributives ou utiliser tout autre moyen afin de les stimuler au vote.

Ainsi, la contribution du citoyen à la vie politique de la cité semble ne plus être un devoir mais un acte banal par lequel il peut soutirer des faveurs et des biens matériels ou symboliques. Cette banalisation du phénomène électoral au profit des intérêts mesquins et individualistes (comme les questions alimentaires) réduit toute la portée qu'il aurait pu revêtir pour le citoyen. Cette conception ou appréhension des élections s'est non seulement généralisée mais aussi, elle semble s'instituer et orienter les comportements des électeurs.

Si dans certains Etats comme le Bénin, des mesures tendant à protéger les élections ont été prises contre ces tares, au Burkina Faso, il n'existe pas de nos jours des données sur une quelconque tentative d'encadrement dans ce sens. Cependant, ainsi que souligne un journal de la place : « le fait de donner 1000 F ou un sac de riz à quelqu'un en lui disant de voter pour vous, devient un comportement qui s'insère dans les habitudes des populations qui voient maintenant dans les élections, un moyen pour elles de capter la manne électorale, sachant que par la suite il n'y aura plus rien 160(*)». On assiste ainsi à l'apparition d'un type de citoyen, qui attend uniquement une période spécifique de la vie politique (les élections) pour s'y introduire et atteindre ses desseins inavoués. Il est par ailleurs prêt à se retirer du champ politique quand s'achèvent les moments des élections. C'est dans ce sens que s'inscrit cet argumentaire : « on sait qu'après les élections, les hommes politiques n'ont plus affaire à nous. En plus, on n'a plus rien à gagner avec eux. Pendant les périodes mortes (périodes situées entre deux élections), on oublie la politique et on se repose en attendant les échéances futures pour sortir les amadouer et manger161(*)».

Le citoyen qui se développe sous l'action des dons, foisonnant sur le champ électoral contribue t-il réellement à l'ancrage de la démocratie ? Pour S.M.162(*) (dont le parti semblerait opposé aux financements public des partis), les dons électoraux quelle que soit leur provenance sont une véritable menace pour la démocratie. Les partis comme les citoyens en deviennent très dépendants et il est évident que les objectifs premiers de la participation à la vie politique en prennent un sérieux coup.

S'il est vrai que le rôle sacré des partis politiques est d'assurer l'animation de la vie politique et la formation du citoyen, il demeure que les moyens utilisés par les partis pour atteindre ces objectifs sont loin de favoriser l'appropriation des valeurs de la citoyenneté par les populations. Les élections n'étant plus perçues par la plupart des électeurs comme un devoir mais comme un moyen de « manger l'Etat »selon l'expression de Bayart, les institutions qui en découlent ne sont pas de nature à favoriser l'instauration d'une véritable démocratie. Puisque ces institutions ont été mises en place sur la base des relations clientélaires, de la corruption et sous l'effet de la soumission aux allégeances identitaires, elles ne peuvent être ni représentatives, ni efficaces. A cet effet, Loada et Ibriga163(*) soulignent que de telles pratiques  affectent la qualité de la représentation en favorisant l'élection des gens médiocres et corrompus. Or, comme ils le reconnaissent, « des élections corrompues entraînent fatalement des dirigeants corrompus ». Il est aussi à craindre que des dirigeants qui ont été amenés au pouvoir par des pratiques antidémocratiques perpétuent de telles actions et forment les citoyens de demain dans ce même moule.

Il en découle que le type de citoyen qui se développe met en péril la visée démocratique, car il n'y a pas de démocratie sans participation citoyenne. Or, en l'état actuel des choses, les logiques qui sous-tendent la participation des populations aux élections n'expriment pas la maturité de leur citoyenneté. En effet, selon Z.R du RFI/PJB, « l'électeur burkinabè est devenu un être manipulé et sans âme car l'usage des dons ne lui permet pas d'avoir un choix légitime ». Dans le même sens, W.L du PDP/PS remarque que « tant que l'électeur burkinabè sera considéré par les partis politiques comme un bien à acquérir, c'est-à-dire, une marchandise que seul le plus offrant peut avoir, il ne sera jamais un citoyen». Tout porte à croire que les partis sont les seuls responsables du type de citoyen qu'ils ont en face d'eux. Il n'est certes pas aisé de remettre en cause une telle analyse, mais il convient d'observer que l'intérêt que porte l'individu à la vie politique peut développer en lui des germes de citoyenneté.

Le citoyen qui souhaite s'émanciper n'attendra pas que tout lui vienne de l'extérieur ou des autres, ses efforts dans la conquête de la culture civique et politique sont d'une importance capitale pour qu'il accède au statut de citoyen plein. Cette vérité paraît inadmissible pour un citoyen qui voit dans « la redistribution clientélaire une vertu civique, une manifestation de l'accountability164(*) ». Il est nécessaire que des mesures pouvant conduire à une socialisation politique effective des populations, soient prises dans ce sens. Il pourra s'agir des moyens de responsabilisation des citoyens et de valorisation du vote. Parmi ces mesures, on peut citer la suppression des dons dans les campagnes électorales, le plafonnement des dépenses et un encadrement juridique efficace des élections dans tous ses aspects.

« Supprimer les dons permettrait aux partis de développer leurs propres initiatives d'accès aux fonds de financement et de mobilisation électorale dans les conditions saines et honnêtes165(*) ». Mais la suppression dont il est question ici concerne surtout toutes les offres que les partis font à l'électorat. Elle comprend en outre les dons faits de manière démesurée par certains opérateurs économiques aux partis politiques et ce, en l'absence de tout contrôle. Il faut cependant dire que la suppression effective des dons lors des campagnes n'entraînera certainement pas la disparition des dons occultes.

En plus, au regard des besoins si importants des partis pour pouvoir jouer le rôle qui leur est dévolu, la suppression des dons faits par les opérateurs économiques aux partis, n'est pas la meilleure des solutions. Par quels autres moyens les partis pourront se doter des ressources nécessaires à leurs activités politiques. Par exemple, seuls les grands partis, en particulier le parti au pouvoir, peuvent avoir les moyens de se créer des activités rentables à même de financer leurs activités politiques. C'est dire que la suppression des appuis des hommes d'affaires entraînera la disparition de certains partis. Pour éviter cette situation, les dons qui quittent l'électorat vers les partis politiques sont à encourager.

Les dons faits par les hommes d'affaires peuvent certes, exprimer des formes de corruption des futurs dirigeants après leur élection mais, ils peuvent aussi signifier une prise de conscience citoyenne de la nécessité de participer à la vie politique. Quel que soit le sens sournois que ces dons puissent revêtir au fond, l'Etat peut les exploiter à l'avantage de la construction démocratique. En effet, l'Etat pourrait par exemple créer des conditions d'abattement des taxes pour les citoyens qui seraient prêts à financer chaque année et avec une somme fixée les activités des partis politiques. Cela veut dire que l'Etat définit officiellement une somme (X) qu'un citoyen (homme d'affaires ou autre) peut investir au compte des partis politiques pour bénéficier d'un abattement de taxes relatives à ses activités socioéconomiques. Cette somme pourrait être collectée dans un compte spécial166(*) ouvert à cet effet que l'Etat se chargera de repartir aux partis politiques conformément aux dispositions qu'il aurait prises. Il faut souligner qu'une telle mesure est aussi un moyen de formation des citoyens qui pourraient sans doute découvrir un intérêt croissant pour la politique et un engouement à contribuer à l'ancrage de la démocratie. Elle pourrait faciliter l'action de socialisation politique à laquelle devraient se donner les partis dont les moyens font parfois défaut. Nul doute cependant que si des mesures ne sont pas prises, une telle aubaine pourrait entraîner l'augmentation du nombre des partis politiques qui, du reste est déjà élevé167(*). En outre, notons que cette mesure pour être bénéfique aussi bien aux partis qu'à l'Etat devrait être judicieusement étudiée pour éviter ses impacts négatifs sur les recettes de l'Etat. Il conviendrait certes de supprimer les dons que font les partis aux électeurs (dont l'influence a été démontrée), mais pour ce qui concerne les appuis divers des opérateurs économiques, des mesures stratégiques devraient être développées par l'Etat afin d'en tirer un avantage pour faciliter l'institutionnalisation du processus démocratique.

Les dons ne sont donc pas, dans leur ensemble, mauvais pour la démocratie si ceux-ci sont bien encadrés (plafonnés lors de la réception et pendant les dépenses) et si ceux qui les donnent, le font consciemment pour la cause de la construction démocratique. Des donneurs galvanisés sont en eux-mêmes des outils et des moyens de formation des citoyens car ils pourraient sans doute entraîner d'autres citoyens à apporter leur soutien aux partis. Mais il faut signaler que seul un usage de ces dons dans le respect des règles établies pourrait non seulement susciter de nouveaux donneurs mais aussi soutenir efficacement la construction démocratique. De ce qui précède, un encadrement juridique et un plafonnement des dons demeurent nécessaires pour éviter toute dérive.

CONCLUSION

« Une société n'est pas naturellement démocratique, elle le devient si la loi et les moeurs corrigent l'inégalité des ressources 168(*)». La démocratie doit donc être conquise à travers un processus de socialisation politique dans lequel les élections occupent une place de choix. Au fil des élections que le Burkina a connu depuis l'avènement du processus démocratique, le phénomène du « don électoral » s'est érigé en fait marquant. L'étude de ce fait social s'impose dès lors comme une nécessité scientifique permettant de situer sa genèse, ses causes et surtout ses conséquences sur la construction de la démocratie. Construit social, le don a toujours existé dans les sociétés humaines et servait à forger des relations, à les maintenir en vue de faire régner la cohésion sociale. Il contribuait à pacifier les rapports entre acteurs sociaux. La pratique du don a connu une évolution au regard de son incursion dans le terrain politique.

Les dons qui se manifestent sur le champ électoral Ouagalais sont de plusieurs ordres. On distingue les dons matériels et immatériels ou symboliques. Si depuis 1978, ces deux types de dons ont été observés lors des élections dans cette ville, c'est surtout à partir des élections de 1992 qu'ils sont devenus plus prégnants. Il existe des mécanismes bien construits pour assurer l'acheminement des dons des partis vers l'électorat. Hormis la procédure de transmission directe assurée par les dirigeants politiques, certains dons sont remis aux électeurs par des intermédiaires. Ces intermédiaires sont entre autres certains leaders d'opinion et des mobilisateurs spontanés. Notons que certains intermédiaires s'érigent par moment en donateurs. Il s'agit généralement des opérateurs économiques qui, de plein gré, décident d'affecter certaines de leurs ressources pour battre la campagne au profit d'un parti qu'ils représentent.

Les « dons électoraux » ne quittent pas seulement les partis vers l'électorat, les partis en reçoivent aussi soit dans leurs rapports avec d'autres partis, soit avec certains hommes d'affaires. Cette attitude des partis s'expliquerait par l'insuffisance du financement public. L'impossibilité de rassembler les cotisations des militants et des membres du bureau politique national et l'absence d'activités rentables pouvant permettre aux partis de financer leurs activités sont autant de difficultés auxquelles les partis burkinabè sont confrontés. Face aux sollicitations des populations lors des campagnes et dans l'intention de maintenir les liens avec celles-ci durant les périodes pré et post électorales, les partis se trouveraient dans l'obligation de recourir aux financements occultes (dons).

Les dons privés ne viennent pas seulement combler un besoin de financement des partis, mais, ils servent aussi à satisfaire les objectifs inavoués de leurs dirigeants. L'incapacité qu'éprouvent certains partis à accomplir ces desseins les conduit dans la pratique des alliances. Par ces coalitions, certains dirigeants politiques seraient prêts à retourner leur veste pour souper avec leurs adversaires politiques d'hier. En outre, les dons alimentent les rapports entre l'opposition et le parti au pouvoir. Ce dernier est accusé de tentatives de déstabilisation, de corruption des opposants et de capture de certains partis d'opposition. Sans contester cette perception des choses, il faut souligner que certains opposants sont les fossoyeurs de l'opposition. Ils portent un masque, la nuit soupant avec le pouvoir et le jour clamant haut et fort leur loyauté. Nul doute que le pouvoir puisse avoir une quelconque responsabilité sur la situation chaotique de l'opposition, mais, l'on ne saurait lui faire porter la faute tout seul, car les opposants ne sont pas blancs comme la neige.

S'agissant de l'influence des dons sur le comportement des électeurs, objet principal de notre travail, il faut noter que le don n'est jamais le seul élément de motivation du comportement des électeurs. L'électeur Ouagalais, comme partout ailleurs, est soumis à l'effet de son environnement social. Les analyses sociologiques ont toujours montré le primat du social sur le comportement de l'individu, car tout individu par la socialisation se conduit selon les codes de son milieu. Dans le cas de Ouagadougou, les rapports sociaux sont encore et ce, malgré l'urbanisation, influencés par les appartenances identitaires. Il s'en suit que l'individu se réfère à ces normes intériorisées dans ses choix. Dans cette logique, ses comportements de quelque nature qu'ils soient, trouvent leur sens dans ces valeurs. Notons en outre l'importance de l'instrumentalisation des leaders d'opinion sur le comportement des électeurs. Nombre d'électeurs restent soumis ou accrochés aux idées et aux analyses que font leurs leaders d'opinion. Ces types d'électeurs sont inconstants et irrésolus et peuvent être drainés par les leaders dans les camps auxquels ils appartiennent.

Il serait cependant aberrant de croire que l'individu n'a pas de marge de manoeuvre pour faire des choix suivant des mobiles qui lui sont propres. C'est là un vieux débat entre les partisans de l'approche holiste et ceux de l'individualisme méthodologique. Tant il est vrai que le social exerce une force transformatrice sur l'individu, il est tout aussi admis que parfois, ce dernier dispose des possibilités d'opérer des choix libres. En effet, comme le dit bien Crozier : « un agent, si dominé soit-il, n'est jamais totalement dépourvu de ressources de pouvoir susceptibles d'être exploitées dans la situation vécue » 169(*). Loin de nous lancer dans ce débat théorique, nous essayons de montrer que l'influence des dons sur les choix électoraux mérite d'être relativisée. En effet, certains électeurs portent leurs choix sur un parti précis avant même que les campagnes ne soient lancées. La présence d'un proche parent, d'un ami ou d'une connaissance quelconque au sein de ce parti peut motiver ces choix. Dans ces cas précis, la distribution de dons dont ils peuvent être bénéficiaires ne changera pas leur objectif de vote.

On note cependant, que d'autres électeurs plus sensibles aux dons, attendraient de choisir le plus offrant des partis pour monnayer leurs voix. Le vote se définit dans cette logique comme un canal pour assurer la transaction de biens entre l'électeur et l'homme politique, car sous ses apparences d'un acte noble, il couvre des systèmes de réseaux d'un marché où seuls les gains gouvernent les décisions et les engagements des acteurs. En somme, les dons sont des stimulants de vote pour une certaine catégorie de la population. Leur influence est pourtant réduite pour cette partie des populations qui reste encore soumise aux allégeances identitaires. Or, vu l'analphabétisme accru et le continuum rural urbain, la grande majorité de la population se retrouve dans cette dernière situation. On note par contre qu'il existe des électeurs capables d'opérer une analyse programmatique, eu égard à leur niveau d'instruction élevé et à l'habitude qu'ils ont développée de prendre part aux scrutins. Ainsi, ces électeurs seraient mieux outillés pour comprendre et bien analyser les programmes politiques que proposent les partis afin de faire un bon choix parmi les candidats. Nonobstant la maîtrise des programmes des partis par cette catégorie d'électeurs, il faut remarquer que certains d'entre eux ne votent pas toujours sur la base des programmes. Les liens d'appartenance et les relations clientélaires sont aussi actifs sur cette partie de la population.

Dans le processus de la construction de la démocratie, les partis devraient s'investir dans la formation d'un type nouveau de citoyen débarrassé de toute allégeance identitaire et comprenant le sens réel de l'acte électoral. Ce citoyen (émancipé et domestiqué) verra le vote comme un acte conscient et civique et non comme un moyen de redistribution. La formation pourrait conduire à une prise de conscience des effets nocifs que pourraient revêtir les dons électoraux. Elle permettrait d'éviter l'institutionnalisation de la corruption dans les moeurs et les habitudes. Mais une meilleure formation du citoyen exige que les partis disposent de ressources humaines capables de l'assurer. La multitude de partis qui se crée sans aucune base de ressources humaines (des personnes pétries de compétence), ne permet pas à tous les partis de jouer ce rôle, même s'ils avaient le financement requis. Ils seraient tentés de rechercher les formateurs ailleurs pour combler ce vide.

Il est impérieux que les partis aient en première ligne l'objectif de former des citoyens et qu'ils oublient leurs intérêts individualistes. C'est à ce titre qu'ils pourront investir le peu qu'ils ont pour cette cause. Ensuite, il faut que des règles soient créées pour encadrer les différents dons et leur gestion afin de placer, tous les partis sur le même pied. L'encadrement juridique actuel est peu efficient car, il ne prend pas en compte certaines dimensions. Les partis politiques peuvent justifier les financements occultes par le fait que la cour de compte ne prévoit pas dans ses méthodes de vérification certaines dépenses qui leur sont pourtant capitales. Il est de ce fait nécessaire de prévoir une partie du financement public pour les dépenses (comme l'achat de dolo) pour lesquelles les partis ne peuvent obtenir de pièces comptables. Si l'encadrement paraît évident en théorie, dans la pratique, il ne pourra donner objectivement les mêmes chances aux partis car, ceux-ci n'ont pas le même capital politique. Les dirigeants des partis n'ont pas les mêmes types de relations avec les milieux des affaires et en plus les dons occultes sont difficiles à démasquer. Malgré tous ces obstacles à l'assainissement du champ électoral, l'encadrement juridique reste un moyen important d'atténuation des écarts des moyens entre les partis et pour pacifier le champ électoral.

Les élections ouagalaises se présentent comme de simples fêtes publiques où les offreurs politiques font la cour aux électeurs sans se douter du type de citoyen qu'ils sont entrain de former à travers les processus électoraux. Il est temps que les acteurs politiques prennent des garde-fous pour éviter de conduire cette jeune démocratie dans l'hécatombe de la corruption. Or, comme le souligne le CGD : «la contrepartie que tirent les électeurs de la corruption (gains) est le fruit de l'aliénation de leur liberté et de leur citoyenneté »170(*).  Déjà, ce phénomène de la corruption électorale prend de l'ampleur, mais l'avenir de notre démocratie sera sans lendemains si les partis et les dirigeants politiques ne l'extirpent pas du gouffre dans lequel elle est entrain de s'enfoncer. La suppression totale des dons reçus par les partis serait une solution prématurée bien qu'ils soient la cause de la corruption. Mais, il serait plus judicieux de supprimer les dons offerts aux électeurs par les partis comme cela se fait au Bénin. Ce qui veut dire que pendant les campagnes et les élections, les dirigeants des partis ou les populations ne seront pas autorisés ni à porter des pagnes ou gadgets portant l'effigie des partis encore ni à partager publiquement des cadeaux aux électeurs. Une telle situation offrirait une chance égale aux partis face à électeurs et conduirait ces derniers à opérer leurs choix sur la base d'une analyse programmatique. Quant aux dons faits par les opérateurs économiques aux partis, ils devraient être encouragés dans des proportions acceptables et sur la base de mesures que pourraient développer l'Etat. En d'autres termes, il s'agit de trouver des conditions permettant à ces types de donneurs de continuer à apporter leurs soutiens aux partis, tout en bénéficiant des retombées positives sur leurs affaires grâce à un abattement de leurs taxes.

Au terme de ce travail, signalons que notre hypothèse a été confirmée car il a été démontré que les dons ont une part d'influence dans les comportements des électeurs à Ouagadougou. Ce déterminisme lié aux dons et auquel seraient soumis les électeurs, est cependant relatif. En effet, plusieurs autres facteurs dont les pesanteurs sociologiques, les promesses non tenues, la présence des observateurs lors des scrutins ainsi que les détournements des dons auraient un impact sur les choix des électeurs. Ces facteurs constituent dans une certaine mesure des freins voire des limites de l'influence des dons sur les comportements des électeurs. En d'autres termes, les dons ont une influence effective mais celle-ci ne saurait être le seul stimulant des choix électoraux dans la ville de Ouagadougou.

Une approche plus large portant sur une taille assez importante de la population aurait pu permettre d'accéder à des données plus riches et plus étoffées pour généraliser les résultats de cette étude. Somme toute, cette recherche ouvre une perspective pour des réflexions futures plus poussées sur les « dons électoraux ». Elle pourrait en outre, être enrichie par une analyse comparative entre la manifestation du phénomène en milieu rural et celle en milieu urbain. De nouvelles perspectives intégrant une telle démarche pourraient s'ouvrir pour d'éventuels travaux de recherche.

La politique est une question passionnante dans un certain nombre de villes au Burkina Faso. On note que dans les autres grandes villes (Bobo dioulasso, Koudougou et Ouahigouya) elle est souvent vécue et exprimée sur fond de tensions. Dans cette optique, un regard scientifique sur la manifestation des dons électoraux dans ces principales villes du pays, permettrait de donner une vue générale du rôle des dons dans la détermination des comportements électoraux au Burkina Faso.

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* 1R. Otayek, M. Sawadogo, J.P. Guingané,., Le Burkina Faso entre révolution et démocratie (1983-1993), Paris, Karthala, 1996, p52.

* 2Voir « l'explication du vote dans les systèmes politiques en transition d'Afrique subsaharienne. Eléments critiques des théories symboliques et perspectives de développement », M. Engueguele, CRAPP-CNRST/IRIC, vol 9, paris, 2004. www.sciencespobordeaux.fr/vol9NS/arti2.html

* 3 Ce sont des sociétés qui vivent dans des systèmes de clans, de tribus. On les oppose généralement aux sociétés hiérarchisées.

* 4 J.F. Bayart, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, p122.

* 5 B. Badie, G. Hermet, La politique comparée, Paris, Armand colin, Dalloz, 2001, 316p. Ces auteurs soutiennent que les Etats en transition démocratique sont marqués par le néo patrimonialisme développé auparavant par des chercheurs comme Weber, Bayart. Ce phénomène conduit les populations à « des comportements paroissiaux. Dès lors l'individu choisit d'ignorer le pouvoir princier et les institutions ». P 179.

* 6 P. Zagré, Les politiques économique du Burkina Faso : une tradition d'ajustement structurel, Paris, Karthala, 1994. Il souligne que la débâcle des sociétés d'Etat dans les années 1970 seraient due aux recrutements népotistes, aux gratifications, aux nominations de complaisance à la tête de ces sociétés de cadres incompétents sur des bases politiques.

* 7 Dans : L'ère Compaoré, Crime politique, et gestion du pouvoir , publié en 2006 à Paris, Klanba éditions, V. Ouattara fait une archéologie de la démocratie burkinabè en s'appesantissant sur les crimes commis sous la quatrième République. Il présente les configurations et reconfigurations politiques, les luttes entre partis politiques et l'organisation des différents scrutins.

* 8 .voir « Entre l'intérêt et le don », Allemand, in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998, p21.

* 9R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1999, p202.

* 10 Voir « Marcel Mauss, 1872-1950 la force du don », N. Journel., Revue sciences humaine n0 7, Mars 1997, p42.

* 11 C.L. Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, 1949.

* 12 Voir « La force du don », N. JOURNEL. in Revue, sciences humaines n07, mars 1997, p43.

* 13 Voir « Echange : sous le don, la dette », M. Alain, in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998 p 28.

* 14 M. Alain, op. cit. p 29.

* 15 M. Alain, op cit. P30.

* 16A.. Socpa, op cit. p2.

* 17 Socpa, idem

* 18 PNUD, rapport sur le développement humain, corruption et développement humain, Ouagadougou, 2003, p 1.

* 19 PNUD, op cit, p2

* 20 A.M-G. Loada et L.M.Ibriga, Droit constitutionnel et institutions politiques, collection Précis de droit burkinabè, Université de Ouagadougou, PADEG, mars 2007, P464-465.

* 21 Voir, Rapport du séminaire international sur « la corruption électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou les 27 et 28 novembre 2003, p 1.

* 22 Voir « Heurs et malheurs du clientélisme », M. Caciaglia, et I. Kawata,Paris, Revue française de science politique Vol 51, n0 4, Paris, presse de la fondation nationale de sciences politiques, Août 2001, p569-586

* 23 Il signifie l'intermédiaire entre le centre (gouvernement) et la périphérie (électeurs).

* 24Voir « Clientélisme électoral au Bénin. Résultats d'une étude expérimentale de terrain », L. Wantchekon, in Perspective Afrique, n0 2, vol 1, 2005, pp155-169.

* 25Voir « Entre l'intérêt et le don », S. Allemand, in Revue sciences humaines, n0 23 décembre 1998, p21.

* 26 P.E. est membre du bureau national du MPS/PF

* 27 B. Bagoro, Démocratie et processus électoral au Burkina Faso, mémoire de maîtrise Droit Public, Université de Ouagadougou, FDSP, 1998-1999, p77.

* 28 K.A. est actuellement conseiller municipal à la mairie centrale au compte du CDP.

* 29 Entretiens focus au secteur 27 et 29. L'année 1998 se caractérise par la révision de l'article 37 de la constitution qui a ouvert grandement la voie au Président sortant Blaise COMPAORE de se représenter. Le groupe du secteur 27 formé dans le cadre de ce focus était composé de 2 étudiants, 2 élèves, 2 commerçants, 2 enseignants et de 2 charretiers. Le groupe du secteur 29 était composé de 1 étudiants et 2 étudiantes, 2 professeurs de lycées et collèges, 3 commerçants, 1 technicien du froid et 1 vendeur de kiosque.

* 30 L'article 37 porte sur la limitation des mandats présidentiels. A l'issue de sa révision, le mandat présidentiel qui était limité à 7 ans renouvelable une fois est passé en 1997 à 7 ans renouvelable puis à 5 ans renouvelable une fois en 2000. La discussion houleuse qui s'en est suivie entre les principaux partis de l'opposition et le parti au pouvoir sur la rétroactivité des effets de son application n'a pas empêché la candidature de Blaise Compaoré.

* 31 N. A, conseiller régional CDP du centre et conseiller de Tanguin Dassouri.

* 32Voir  « L'après-Zongo : entre ouverture politique et fermeture des possibles », M. Hilger et J..Mazzochetti, in Politique africaine, n0 101, édition Karthala, 2006, p9 et 10.

* 33 L. M. Ibriga et A. Garané, Constitutions burkinabè, Namur, boland, 2001, p48.

* 34 Indépendant n0 705 du 13 mars 2007.

* 35 S.A. Membre du bureau national du PDP/PS

* 36 Ces subventions, si nous tenons compte de la définition sociologique du don, peuvent être classées comme des dons. En effet, l'Etat qui tend la main attend du parti une contre partie qui est d'abord, le respect des règles du jeu (leur utilisation judicieuse selon les lignes prévues). Celui qui reçoit (le parti) se met dans les dispositions de rendre compte un jour et de ne pas offenser le donateur (en transgressant les règles).

* 37 L'Etat attend de son don un impact sur la vie du parti et partant, sur la vie politique tandis que le parti entent tirer parti pour faire passer un message et conquérir le pouvoir de l'Etat afin de ne plus se sentir redevable à ce dernier. Un autre enjeu est de prouver à l'Etat qu'il est en mesure de gérer le peu qu'on lui donne pour mériter la confiance de gérer le patrimoine étatique.

* 38 Avec la personnalisation du pouvoir d'Etat, un responsable d'un parti bénéficiaire est allé jusqu'à remercier le Président Compaoré pour l'octroi de la subvention. Ce qui laisse penser que le lien de dépendance apparaît aussi entre le régime qui a permis l'octroi de la subvention et certains partis bénéficiaires

* 39 Nous entendons par petits partis, les jeunes partis, les partis nouvellement crées ou même qui existent depuis des années mais qui n'ont pas d'assises financières importantes. Les partis peu implantés à l'échelle nationale avec un nombre limité de partisans peuvent se retrouver dans cette expression de petits partis.

* 40 Z.R. est le président d'un parti politique. Ce parti fait parti de la coalition CFD/B. Il fut candidat malheureux aux législatives de 2007.

* 41 Boisson faite à base de céréales (riz, petit mil etc.), très prisée par la majorité des populations.

* 42« Le grin » : Expression issue du djula, elle signifie d'abord une réunion ou un groupe de personnes qui s'identifient par rapport à un certain nombre de valeurs. Le grin est généralement constitué par des jeunes. Ce sont selon J. Kieffer, des endroits où des jeunes, souvent sans emplois fixes et célibataires, se retrouvent chaque jour dans la rue pour « passer du temps » autour d'un thé (Cf. Les jeunes des « grins » de thé et la campagne électorale à Ouagadougou, politique africaine, n0101, Paris, édition Karthala, Mars-Avril 2006, p9)

* 43 O.L. est un responsable de la mobilisation des jeunes pour le compte du PAI à Boulmiougou.

* 44 Voir « Les élections législatives burkinabè du 11 mai 1997 : des « élections pas comme les autres » ? A.M-G. Loada, in politique africaine n0 69, Paris, édition Karthala, mars 1998, p65.

* 45 Voir « les dons dans le jeu électoral au Cameroun », A. Socpa, in Cahiers d'études africaines, n0 157, 2000, p14.

* 46 Voir « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R. Banégas, in Politique africaine, n0 69, Paris, édition Karthala, 1998, p79.

* 47 P.E du MPSPF, membre du bureau politique national.

* 48Le propre du don sociologique est la construction d'enjeux sociaux. Le donneur attend que ce qu'il a remis produise des effets immédiats ou futurs. Un effet fondamental est le contre don qui peut être actuel ou reporté suivant une certaine temporalité. Durant le temps qui sépare le don et le cotre don,  le donneur espère des retombées tandis que le « receveur » espère tirer au maximum partie, tout en ayant conscience qu'il devrait un jour rendre la monnaie. Si l'on se fonde sur la question d'enjeux sociaux qui se trament dans les interactions des agents, les promesses sont bien des dons dans la mesure où elles conditionnent, structurent et orientent les rapports des acteurs. Du point de vue de la conception du don comme objet matériel, les promesses sont une forme incomplète de don, car elles ouvrent la pandore de l'espérance (en amont) et crée une certaine reconnaissance, mais elles n'acquièrent leur complétude de dons que lorsqu'elles sont accomplies (en aval). Il y a donc deux dimensions dans les promesses, elles ont un impact immédiat qui consiste à produire l'espérance, et un impact futur qui se produit lors de leurs réalisations effectives.

* 49Voir « vote et communautarisme au Cameroun. un vote de coeur, de sang et de raison », H. L Menthong, in Politique africaine, n° 69, mars 1999, p49.

* 50Voir « quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations », Le pays n0 3848 du 13 au 15 Avril2007, p31.

* 51 O.N. est un jeune diplômé en pharmacologie, il est un responsable de la mobilisation du MPS/PF à Wemtenga

* 52 Voir « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R. Banégas, in politique africaine, n0 69, Paris, Karthala, 1998, p84.

* 53 P.E. est membre du bureau politique national du MPS/PF

* 54 S. A. membre du bureau politique national de l'UNIR/MS

* 55 W.L. est du PDP/PS, c'est un ex-candidat aux législatives 2007.

* 56 Jeune étudiant, il a été représentant du PAI dans un bureau de vote à Gounghin. Il est aussi un mobilisateur des jeunes de son quartier pour le PAI.

* 57 Il est conseiller municipal CDP de Boulmiougou.

* 58 Violence exercée impliquant le consentement méconnu comme tel ou dénié de ceux sur qui elle est exercée.

* 59 K.R. est le délégué des jeunes et responsable à la mobilisation du PDP/PS dans le groupe de jeunes avec lesquels le focus a été réalisé au secteur 27. Dans ce même groupe, on note la présence de jeunes de tous bords : CDP, PAI, UNIRMS, FFS et PDP/PS.

* 60 Voir « Heurs et malheurs du clientélisme », M. Caciaglia, et I. Kawata, Revue française de sciences politiques Vol 51 n04, Paris, presse de la fondation nationale de sciences politiques, p569-586. Les gatekeepers font le lien ou jouent les intermédiaires entre le centre qui dispose et distribue les ressources et la périphérie (l'électorat).

* 61V. Ouattara, L'ère Compaoré, crimes, politique et gestion du pouvoir, Paris Klanba Editions, 2006, pp 51-52. En effet, le 16 juin 1989, la session de la coordination du Front Populaire a favorisé l'adhésion de nombreux partis en son sein. OUATTARA note à cet effet : «Ainsi, le Front s'ouvre à d'autres organisations politiques et va être composé du Groupe des Démocrates Patriotes (GDP), du Groupe des Démocrates Révolutionnaires (GDR), du Mouvement des Démocrates Patriotes (MDP), de l'Organisation pour la Démocratie Populaire/Mouvement du Travail (ODP/MT), du Groupe des Communistes Burkinabè (GCB), des unions nationales : Union Nationale des Jeunes du Burkina (UNJB), Union des Femmes du Burkina (UFB), Union nationale des Anciens du Burkina (UNAB), les Comités révolutionnaires 

* 62 V. Ouattara, op cit. p 53. Cette ouverture du FP aux autres partis permettait à la Révolution Démocratique et Populaire d'être menée à son terme.

* 63Elle regroupait l'UVDB, les FU, l'ADES, le Bloc (BSB), le RDA, le PDS, la CNPP/PS, le GDR et le PTB et l'Alliance pour le Respect de la Constitution (ARDC)64

* 65 V. Ouattara,. op cit. p119. . l'Union des Vert pour le Développement du Burkina (UVDB), le Parti de l'Indépendance et du Travail (PIT), et les Forces Unies (FU) renforceront leur rang par le biais d'une alliance dénommée Force d'Initiative Démocratique (FID). Le 12 novembre 1994, trois partis (GAD, PEP, PDS) se réunissent et donnent le Parti de la Démocratie Sociale Unifiée (PDSU). En septembre 1994, un accord est conclut entre le RDA ; la CNPP/PSD, l'UNVB pour créer la Coordination pour l'Alternance Démocratique (CAD). Dans la même lancée, le PDSU, le Bloc Socialiste Burkinabè (BSB), le Parti pour l'Unité Nationale et le développement (PUND) qui est une fraction du Mouvement pour la Tolérance et le Progrès (MTP) et des associations se retrouvent dans le Collectif pour la recherche de l'Action de l'Unité Sankariste (CRAUS). Pour Ouattara, « la principale raison de ce bal d'alliances est le renforcement des rangs en vue d'être présent en force aux élections municipales du 12 février 1995.

* 66 La déclaration du G14 a été signée le 14 février 1998 par : l'ADF, le RDA, le BSB, le FFS, le GDP, le MTP, le PAI, le PSP et l'UDPI.

* 67 Rapport du séminaire international sur « la corruption électorale en Afrique de l'Ouest», CGD, Ouagadougou, les 27 et 28 novembre 2003, p4.

* 68 A. Socpa. op cit. p 9.

* 69 Voir « ils ont dit...», Béndré n445 du 29 mai 2007.

* 70 Les débats font légion dans le champ politique sur la nature de ce rapport. Il est qualifié à tort ou à raison d'alliance pour certains et de ralliement pour d'autres. L'alliance comme le ralliement met en jeu deux partis et consistent en une mise en commun des forces. Dans la logique, les alliances se construisent entre des partis dont les forces sont équilibrées ou le sont presque. En outre, dans l'alliance, les deux partis s'accordent pour laisser leur autonomie propre en vue d'avoir des objectifs communs tandis que dans le ralliement, un parti décide de laisser son autonomie, de quitter ses lignes ou valeurs (idéologiques, politiques) pour appuyer ou soutenir les positions d'un autre parti. Les forces ne sont pas équilibrées dans ce cas car le parti qui reçoit augmente son pouvoir alors que le rallié perd ses positions. Cependant, le résultat peut être le même, car seuls les intérêts du moment et les visées stratégiques futures orientent de telles attitudes. Pour notre part, quelque soit le qualificatif donné à cette attitude de l'ADF/RDA, ce sont les motivations et le résultat recherché qui mérite d'être analysés.

* 71 Voir «Présidentielle burkinabè: l'opposition "radicale" sera représentée par trois candidats », www.izf.net. Les seize partis de l'opposition "radicale", dénommée "Alternance 2005", ont désigné trois candidats pour les représenter au premier tour du scrutin présidentiel du 13 novembre au Burkina Faso. Les trois personnalités désignées par "Alternance 2005" sont: Me Hermann Yaméogo, président de l'Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), Me Benewendé Stanislas Sankara de l'Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS) et Philippe Ouédraogo du Parti africain de l'indépendance (PAI). En revanche, la coalition n'a pas retenu M. Ram Ouédraogo, investi fin janvier comme candidat de son parti, le Rassemblement des écologistes du Burkina (RDEB) pourtant membre d'"Alternance 2005".Le RDEB a annoncé son "retrait" de "Alternance 2005" et le maintien de son candidat dans la course au fauteuil présidentiel.

* 72 http://fr.wikipedia.org/wiki/politique du Burkina Faso. Provoquées ou non, les opposants ont offert aux électeurs à un certain moment de belles pièces vivantes de théâtre à voir. Tandis que l'OBU connaissait une déchéance pour des raisons que l'on a déjà évoquées (crise de leadership), des révélations de corruption des opposants jusque là jugés incorruptibles font jour. L'un des opposants qui se présente comme le plus digne des hommes politiques burkinabè, le professeur de droit constitutionnel, Laurent Bado a créé la polémique en acceptant une importante somme d'argent de la part de Blaise Compaoré. Cette somme lui aurait été remise par un mystérieux émissaire de la présidence, soit disant pour le soutenir du fait qu'il soit le plus crédible des opposants. L'opinion a accueilli mal cette nouvelle de la `` cagnotte injustifiée'' qui aille dans la poche de l'incorruptible Bado et lui presse d'avouer que pour une fois, il n'a pas échappé au piège de la corruption.

* 73 Z. R est le président du parti RFI/PJB et vice président de la coalition CFD/B. Il fut candidat malheureux (liste de Ouagadougou) aux législatives de 2007.

* 74 W.L. est candidat malheureux (liste PDP/PS de Ouagadougou) aux législatives de 2007.

* 75 Il s'agit d'un arrangement, d'un marchandage dans lequel les deux parties tirent des profits réciproques.

* 76 Voir «  L'élection présidentielle du 13 novembre 2005 : un plébiscite par défaut », A.M-G. Loada, in Revue politique africaine, n0 101, Mars Avril 2006, Paris, Karthala p28.

* 77 C'est une alliance qui va contre toute attente par ce qu'il existe assez de différences de ligne idéologique. L'un est de l'opposition et l'autre le parti majoritaire actuellement au pouvoir. De toutes les hypothèses, il paraît improbable que ces adversaires voire même ces ennemis d'hier puissent se coaliser.

* 78 Voir «  Ne leur jetons pas systématiquement la pierre » L'observateur n0 6438 du 20 juillet 2005. Le journal écrit : « c'est avec Gilbert Noel Ouédraogo (président de l'ADF/RDA) qu'on a découvert qu'un chef de file de l'opposition pouvait subitement devenir mouvancier».

* 79 M. C. Houngnikpo, L'illusion démocratique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2004, p111. Dans le même ordre d'idée, J-F. Médard remarque que l'institutionnalisation de la démocratie suppose notamment que les partis s'ils existent, aient intériorisé les principes de la relation très spécifique qui lie, tout en les opposant, la majorité et l'opposition dans le système démocratique, à savoir que la majorité respecte l'opposition, et ce qu'on oublie souvent, que la minorité respecte la majorité( ...) » cité par Loada,, in « Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », Afrique politique,Paris, Karthala, 1995, p30.

* 80 Voir « périodes électorales en Afrique. Quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations », Le pays n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.

* 81 Voir B. Bagoro. op cit p57.

* 82Voir « Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », A M-G. Loada, in l'Afrique politique, Paris, Karthala, 1995, p 219.

* 83 Z.R., président du Rassemblement des forces indépendantes/Parti des Jeunes du Burkina et vice président de la CFD/B.

* 84Voir « Nomadisme politique au Burkina, halte au brigandage !» www.allafrica _com du 11 Avril 2007, voir aussi www. Lepays.bf,

* 85 Voir «Burkina Faso, les rentes de la légitimation démocratique », A.G. Loada, op. cit. 219.

* 86 Voir «Périodes électorales en Afrique. Quand les pouvoirs se nourrissent de l'ignorance des populations  » Le pays n0 3848 du 13 au 15 avril 2006, p31.

* 87 B. Bagoro. op cit. p59.

* 88Voir « L'acteur et le système » Sciences Humaines Hors-série N° 42, Septembre-octobre-novembre 2003, p2.

* 89 Rapport IDEA, La démocratie au Burkina Faso, Stockholm, 1998, p32. Dans le même sens, le Rapport souligne que les partis d'opposition « sont fréquemment formés par une personnalité politique plus qu'autour d'une vision d'avenir et d'un programme de gouvernement. Leurs liens avec les citoyens sont souvent faibles et irréguliers ». P32.

* 90 Rapport IDEA, op.cit. p71.

* 91 Voir « les dons dans le jeu électoral au Cameroun », A. Socpa, cahier d'études africaines n0 157, 2000, p9.

* 92 Voir Bailey op . cit. p 50.

* 93 Voir « l'économie morale de la corruption en Afrique », J-P. O. De Sardan, in politique africaine, n0 63, octobre 1996, p110.

* 94 A. Socpa, op. cit. p110.

* 95 B. Kiéma, La problématique de l'abstentionnisme électoral au Burkina Faso : cas spécifique du secteur 27 de l'arrondissement de Nongr-Mâasom dans la commune de Ouagadougou, Mémoire de Maîtrise, Université de Ougadougou, UFR/SH, 2006, p45.

* 96 Il s'agit d'un jeu instauré dans lequel les plus rusés s'en sortent toujours. Tous les coups y sont permis.

* 97P. Braud,Sociologie politique, Paris, L.G.D.J., 6e édition, 2002, p365.

* 98 Voir « presidentialism and clientelism in Africa's emerging party system », N. V. De Walle in Voter en Afrique, comparaisons et différenciations, P. Quantin, l'Harmattan, 2004, p121.

* 99 D. Gaxie, La démocratie représentative, collection Clefs, 2e édition, Paris, Montchrestien, 1996, p123.

* 100 D. Boy, N.Mayer,, L'électeur a ses raisons, Paris, Presse sciences politiques, 1997, p23.

* 101 K.B. est habitant du secteur 17 et membre du bureau de la section CDP du Kadiogo.

* 102 Expression populaire de plus en plus usitée. Elle signifie donner à manger. Mais tous les plats ne mouillent pas la bouche, seuls les plats succulents, les repas copieux sont visés, ce qui suppose qu'il faut beaucoup d'argent.

* 103 Comme la première expression, celle-ci veut dire financer, mettre la main dans la poche au lieu de beaucoup parler.

* 104 J.F. Bayart, A. Mbembe et Toulabour Comi, Le politique par le bas en Afrique noire, Paris Karthala, 1992.

* 105 Voir « Les jeunes des grins de thé et la campagne électorale », J.Kieffer, politique africaine, n0 101, Paris, Karthala, 2006, p75-77.

* 106 J. Kieffer, op.cit. p76.

* 107 R. Banégas, op cit p82.

* 108 O.Z, juriste de formation, est élève professionnel à l'ENAREF et fut pour les dernières élections directeur de Campagne d'un candidat malheureux de MPS/PF aux législatives à Ouagagdougou.

* 109 Voir L'Opinion, n0436 du 15 au 21 février 2006.

* 110 Les valeurs primaires sont celles acquises par l'individu dès les premiers moments de sa socialisation. Elles sont prioritaires pour lui car constituent le soubassement sur lequel devraient s'inscrire ou se développer les autres valeurs secondairement intégrées.

* 111 Z.R. est le président du parti RFI/PJB, parti membre de la coalition CFD/B. Il fut candidat malheureux (liste de Ouagadougou) aux législatives de 2007

* 112B. Bagoro, op. cit. p67

* 113 Focus group secteur 27.

* 114 idem

* 115 B.S. est un musicien burkinabè. Il fait parti des initiateurs de la musique Rapp au Burkinabè.

* 116 Entretien focus du scteur 29.

* 117 Cette loi a été modifiée par la loi n0 12-2001/AN du 28 juin 2001 portant financement des activités des partis politiques et des campagnes électorales.

* 118 Cf. Arrêté conjoint n0 2007-34/MATD/MFB du 10 Avril 2007..

* 119 L'Hebdo n0 304 du 11 au 17 février 2005.

* 120 Arrêté conjoint n0 2005-0075 / MATD/MFB du 20 octobre 2005.

* 121 « Même si aucun parti n'est cité nommément, il ressort dans le rapport que des irrégularités ont été constatées dans la plupart des partis politiques sur la gestion des fonds alloués par l'Etat pour l'animation de la vie politique pendant les périodes de campagnes et hors campagnes : des factures non certifiées, non acquittées, des insuffisances ou absence totale de justification des dépenses, la non ouverture de compte pour la gestion de la subvention, non respect des délais de transmission des rapports financiers et des bilans comptables à la Cour des comptes. Très peu de partis politiques rendaient leurs rapports financiers à la Cour. ». Cf. www.lefaso.net «Cour des comptes : un bijou à protéger » consulté le vendredi 17 Août 2007.

* 122 L'Indépendant n0 705 du 13 mars 2007.

* 123 Voir J. Hilger et J. MazzochettiI, op cit. p13.

* 124, J. Hilger et J. MazzochettiI, op cit. p15.

* 125J.Y. Vincent et M. Villier, Code électoral, paris, édition Juris-classeur, 2004, 71.

* 126 S.A., membre du bureau politique national du PDP/PS.

* 127 Voir Rapport du séminaire international sur « la corruption électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou, 2003, p9-10.

* 128 D. Boy et N. Mayer, L'électeur a ses raisons, Paris, presse science po, 1997, p11.

* 129 Entretien focus group du secteur 27.

* 130 M. C. Houngnikpo, L'illusion démocratique en Afrique, Paris,

L'Harmattan, 2004, p 134.

* 131 A. Socpa. op cit. p2.

* 132K. POPPER, cité par P. BRAUD, in, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p631.

* 133 WWW.AIB.BF, samedi 12 novembre 2005.

* 134Voir «  Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R. Banégas, in politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p76.

* 135 Conseiller municipal à la mairie centrale au compte du CDP

* 136 P.E du bureau politique national du MPS/PF

* 137 Cité par Antoine S. Kaboré in « la participation électoral », mémoire de maîtrise, Université de Ouagadougou, UFR/SJP,, 2003, p18.

* 138Voir «  Vote et communautarisme au Cameroun : « un vote de coeur, de sang et de raison », H. L. Menthong, in politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p41-42.

* 139 Voir « Comportement électoral, politique et socialisation confrérique au Sénégal », M.Monjib in Politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p55.

* 140 L'habitus est perçu comme une disposition durable où sont intégrées les expériences passées. Matrice de perceptions, de jugements, et d'actions capables d'inspirer l'agent social dans ses entreprises.

* 141 Voir « Les jeunes des grins de thé et la campagne électorale », J. Kieffer, politique africaine,n0101, Paris, Karthala, 2006, p 80.

* 142 S.A membre du bureau politique national du PDP/PS

* 143 Voir « l'oeuvre de Pierre Bourdieu », M. Fournier, in revue sciences humaines, n0 spécial, 2002.

* 144 P.E est membre du bureau politique national du MPS/PF

* 145 P. BRAUD, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 6e édition 2002, p378.

* 146 B. Kiéma, La problématique de l'abstentionnisme électoral au Burkina Faso : cas spécifique du secteur 27 de l'arrondissement de Nongr-Mâasom dans la commune de Ouagadougou, Mémoire de Maîtrise, Université de Ouagadougou, UFR/SH, 2006, p40.

* 147 Cf. Arrêté 2007-34/MATD/MFB du 10 Avril 2007.

* 148 Conseiller régional CDP du Centre et conseiller de Tanguin Dassouri

* 149 Le changement social se définit comme « toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ».Cf. Rocher Guy, Introduction à la sociologie générale, Tome 3, le changement social, éditions HMH, 1968, p22.

* 150 Voir « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R. Banégas, in politique africaine, n0 69, Paris, Karthala, 1998, p 75.

* 151 A. Socpa, op cit. p10.

* 152 S.T est un député de la dernière législature, habitant du secteur 29.

* 153 P. Braud, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 6e édition, p405. Dans le même sens, J. Lapalombara et M. Weiner repris par R.G. Schwartzenberg relève qu'un parti politique peut se définir selon 4 critères : il s'agit d'une organisation durable, c'est-à-dire qui a une expérience de vie politique supérieure à celle de ses dirigeants ; d'une organisation locale bien établie et entretenant des rapports réguliers et variés avec l'échelon national ; la volonté délibéré de prendre et d'exercer le pouvoir seuls ou avec d'autres et non pas simplement d'influencer le pouvoir ; le souci enfin de rechercher le soutien populaire à travers les élections ou de tout autre manière. R.G Schwartzenberg, Sociologie politique, Paris, Montchrestien, 1998, p 403-404.

* 154 B. Bagoro, op.cit. p82.

* 155 B .Bagoro, op. cit. p 82.

* 156 N.S. conseiller régional du centre pour le CDP.

* 157 P. Braud, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p345.

* 158R. Guillien et J. VincentT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12e édition, 1999.

* 159 B. Bagoro, op. cit. p 60.

* 160 L'opinion n°502, du 23 au 29 mai 2007.

* 161 Entretien Focus, secteur 29 de Ouagadougou.

* 162 S.M. est membre du bureau politique national de l'UNIR/MS

* 163 A. M.G. Loada et L.M.Ibriga, Doit constitutionnel et institutions politiques, Collection précis de droit burkinabè, PADEG, Université de Ouagadougou, Mars 2007, p465.

* 164 Voir « La marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R.Banégas, in politique africaine, n0 69,Paris, Karthala, 1998, p87. L'auteur notera que selon une certaine catégorie de citoyens, un leader responsable (accountable) serait celui qui redistribue

* 165 S.M. membre du bureau politique national de l'UNIR/MS

* 166 Le Quotidien le pays n0 3257 du 23/11/2004 relève que sur recommandation de la Cour des comptes, le gouvernement a ouvert, pour compter de l'année 2004, un compte trésor destiné à recueillir uniquement les subventions destinées aux partis politiques. Mais en l'absence de sources de motivation, ce compte s'alimente difficilement. Par exemple pour les subventions remises main à main aux candidats ou aux mandatés des partis politiques, la loi dispose qu'elle doit être versée dans un compte spécial, ouvert à cet effet. Mais cette loi n'est visiblement pas respectée.

* 167 En 2004, la subvention faite aux partis passait de 200 millions à 250 millions. Le nombre de partis bénéficiaires était de 42 dans la même année. En 2007, 72 partis ont bénéficié du financement de l'Etat. Ce nombre correspond en réalité à la moitié presque des partis officiellement reconnus.

* 168 A..Touraine, cité par B.Kiéma, in « la problématique de l'abstentionnisme électoral au Burkina Faso, cas spécifique du secteur 27 de l'arrondissement de Nongr-mâassom dans la commune de Ouagadougou, mémoire de maîtrise en sociologie, 2007. p10.

* 169 Cité par P.Braud, in, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2002, p614.

* 170 Voir, Rapport du séminaire international sur la corruption électorale en Afrique de l'Ouest », CGD, Ouagadougou, les 27 et 28 novembre 2003, p6.






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite