Les implications socio-sémiotiques et esthétiques du partage des photos numériques et des MMSpar Mahdi AMRI Université Bordeaux 3 - Master 2 R Sciences de l'Information et de la Communication 2006 |
INTRODUCTION GENERALEPréambuleDepuis le début du XX ème siècle, la photographie constitue un objet d'étude et un sujet de réflexion qui rassemble de multiples domaines professionnels, intellectuels et artistiques ( sociologie, anthropologie, sémiologie, esthétique...). La photographie, dans son immobilité taciturne du monde, instaure un point de rupture avec le brouhaha de la société médiatique 1(*). La photographie fascine et la communauté des chercheurs continue d'y porter un intérêt manifeste, vues ses dimensions sociologiques, psychologiques et sensibles. Bien qu'étant le « déclencheur » du régime visuel médiatique avec la reproductibilité technique de l'image qui la caractérise, la photographie constitue aujourd'hui un contrepoint remarquable à un ordre médiatique trépidant ; elle offre un arrêt sur image et des moments de méditation par la fixité de son regard et la sensibilité qui jaillit d'elle. Tout en étant proche du réel, la photographie enregistre notre quotidien et raconte l'histoire comme un progrès sans limites.2(*) L'image photographique entretient un rapport étroit avec le réel et nous permet ainsi de l'approcher sous un angle particulier. Elle est la trace d'une réalité certaine qui a bien existé, mais en même temps, elle est l'oeuvre sensible et subjective d'un artiste. Elle nous donne donc accès à une signification où la réalité et l'imaginaire se mêlent étroitement. D'autre part, la photographie consiste en une représentation parcellaire du réel : elle fixe des fragments choisis. Ceci semble lui conférer un pouvoir particulier de signification. La photographie semble être douée de ce pouvoir de restitution d'une réalité mouvante sous une forme instantanée et statique. La fragmentation photographique n'enlève rien à son pouvoir révélateur, au contraire, en se rapprochant du détail, elle permet de saisir une globalité. Avec l'introduction du numérique dans le champ de la photographie, la « séance de prise de vues » n'est plus distinguée. Prendre une photo n'est plus un arrêt sur image mais plutôt une capture, ce qui donne à saisir l'acte photographique comme une mécanique répétitive et incarnationnelle, un recueil par consensus et un partage immédiat médiatisé par le groupe. Le moment à vivre se construit parallèlement à sa mise en boîte et l'appropriation des photos est plus rapide par le plus grand nombre d'utilisateurs ( maniabilité, facilités d'usage et d'accès, notion de jeu...). D'autant plus que les usages sociaux de cette technologie nouvelle s'inscrivent dans le mouvement du photographique tout en faisant rupture sur certains points qu'il conviendrait d'expliciter en détail dans ce travail de recherche. De nos jours, les photos numériques circulent partout. Elles constituent de par leur matérialité souple, manipulable et leur haute qualité visuelle un vrai phénomène de consommation de masse. Les photos numériques prises au moyen du caméscope3(*) ou plus encore les MMS sont largement partagées entre les sphères intimes (amis, amoureux, membres de famille). Elles instaurent des ponts de liaison et créent des bulles de bavardage convivial. Les photos numériques, les MMS surtout engendrent souvent des messages en retour et des interactions possibles entre les groupes d'usagers. Offrant des modalités de lecture probablement différentes des photos argentiques, elles requièrent notamment des dimensions sociologiques certaines et proposent un regard esthétique particulier sur le monde et les objets du quotidien. * 1 MONS A. (1998 ), « Le silence de la photographie, la brûlure de l'image » , MEI «Médiation et information », Paris, L'Harmattan , p. 115. * 2 LANCIEN T. (2005), Permutabilité des rôles dans l'acte photographique à l'ère du numérique, Entretien avec CAHUZAC Hubert et CHRISTIAN Malaurie, Laboratoire Imagines, Université Bordeaux III. * 3 Appareil photo numérique. |
|