Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et
Sociales
L'utilité des peines privatives de
liberté pour les peines criminelles.
Les peines de prison prononcées en France pour les
infractions criminelles remplissent-elles effectivement leurs
rôles ?
Paul-Roger GONTARD
- Maîtrise Carrières Judiciaires -
Sous la direction de Madame Béatrice CHAPLEAU
- Juin 2007 -
« Ce travail est dédié à
tous ceux qui oeuvrent quotidiennement dans le sens d'un progrès
humaniste. »
Remerciements :
à l'équipe pédagogique et à
l'administration de la Faculté des Sciences Juridique, Economique et
Politique de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, et plus
particulièrement pour leur disponibilité :
à Madame Béatrice CHAPLEAU, ma directrice de
mémoire, pour son écoute dans l'élaboration de ce
travail.
aux Doyens Martine LE FRIAN et Pierre FRESSOZ pour la richesse de
nos entretiens.
à Gilles CAPELLO, directeur de la prison du Pontet, et
Brigitte DANY, directrice adjointe de la prison de Casabianda, pour l'ouverture
et la sincérité dont ils ont su faire preuve.
à tous ceux, nombreux, qui ont accepté de
m'accorder quelques minutes, ou une après midi, pour m'enrichir de leurs
expériences et partager avec moi leur conviction sur la question
pénitentiaire.
à Coralie, ma compagne, pour son courage et sa patience
dans la vie ... et dans son aide de correction.
à ma famille, toujours présente, pour rendre la vie
et le travail plus facile à vivre.
« L'Université n'entend donner aucune
approbation ou imputation aux opinions émises dans ce mémoire.
Ces opinions doivent être considérées comme propre à
l'auteur. »
« La sanction pénale est le
complément de la loi.
L'application effective de la peine aux coupables est
l'accomplissement de la justice sociale. »
Pellegrino ROSSI, Traité de Droit
Pénal, 1825
« Le détenu est sous l'oeil du gardien, le
gardien sous l'oeil du directeur, la prison sous l'oeil du
peuple. »
Jeremy Bentham, le Panoptique, 1786
« Celui qui
ouvre
une
porte
d'
école,
ferme
une
prison. »
Victor HUGO
Sommaire
SOMMAIRE
5
INTRODUCTION
7
- PARTIE I - BILAN DES PEINES CRIMINELLES
FRANÇAISES, BILAN MÉDIOCRE
12
TITRE 1 : LA PRISON PROTÈGE PARFOIS DU
CRIME
13
Chapitre 1 : Une obsession, la
neutralisation de tous les dangers
14
Section 1 : Ecarter pour protéger
15
§ 1 Isoler entre quatre murs
15
§ 2 Isoler des Hommes
19
Section 2 : Discipliner pour
éduquer
22
§ 1 Rendre plus sûr le prisonnier
22
§ 2 Rendre plus sûre la
société
26
Chapitre 2 : Un échec, une seule
prison pour tous les dangers
34
Section 1 : La prison et la criminalité
de raison
34
§ 1 La criminalité crapuleuse
35
§ 2 La criminalité
idéologique
37
Section 2 : La prison et la criminalité
psychiatrique
41
§ 1 Criminel et dangereux
41
§ 2 Criminel, dangereux et en prison.
44
TITRE 2 : LA PRISON SERT RAREMENT LE
PRISONNIER
48
Chapitre 1 : Un oubli, les blessures des
Hommes
49
Section 1 : Le criminel est un Homme
blessé
49
§ 1 Criminel par nature
50
§ 2 Criminel par contrainte
52
Section 2 : Des conditions
d'incarcérations souvent peu propices à l'amélioration des
Hommes
55
§ 1 Des conditions matérielles
dégradantes
56
§ 2 Des conditions humaines humiliantes
58
Chapitre 2 : Une lutte, la
réinsertion
61
Section 1 : Apprendre et s'apprendre en prison
pour mieux vivre demain
61
§ 1 Reconstruction du détenu par
l'éducation
62
§ 2 Reconstruction du détenu par
l'analyse personnelle
64
Section 2 : Apprendre en prison la valeur du
travail pour mieux vivre demain
67
§ 1 La valeur du travail pénitentiaire,
un plus pour le prisonnier
68
§ 2 La réalité du travail
pénitentiaire, un moins pour l'efficacité de nos prisons
72
- PARTIE II - LES ALTERNATIVES
PASSÉES, PRÉSENTES, ET FUTURES À L'APPLICATION DES PEINES
CRIMINELLES
78
TITRE 1 : CHANGER LA PRISON
79
Chapitre 1 : Changer l'organisation
pénitentiaire
79
Section 1 : Sources de l'architecture
pénitentiaire et expériences étrangères
80
§ 1 Les différents modèles de
prisons
80
§ 2 Les expériences
étrangères
84
Section 2 : Modélisation du
système carcéral français du XXIème
siècle
86
§ 1 Ce qui existe déjà
87
§ 2 Ce qu'il faut développer
93
Chapitre 2 : Organiser de nouveaux
rapports carcéraux
95
Section 1 : Les prisons « Big
Brother », le contact réduit au minimum
96
§ 1 La réinvention de l'institution
totale et d'une nouvelle panoptique
96
§ 2 Les limites de ce modèle
98
Section 2 : Remettre plus de droits en
prison
99
§ 1 Remettre de la démocratie en
prison
99
§ 2 Rendre leurs droits aux détenus
102
TITRE 2 : CHANGER LA PEINE
105
Chapitre 1 : Changer le cours des
peines
105
Section 1 : « L'oisiveté est
mère de tous les vices »
106
§ 1 Les positions européennes sur le
travail pénitentiaire
106
§ 2 Perspective de réformes pour
faciliter le travail pénitentiaire.
108
Section 2 : Protéger l'espoir
110
§ 1 Le programme de Visites Privées
Familiales (VPF) au Canada
110
§ 2 Les principes d'une réforme
nécessaire du modèle français
111
Chapitre 2 : Changer de peine
112
Section 1 : Les aménagements de
peines
112
§ 1 Typologie des aménagements de
peine
113
§ 2 Les améliorations à apporter
aux aménagements de peines
115
Section 2 : Une nouvelle neutralisation pour
les réfractaires ou les victimes de la prison
116
§ 1 Les options étrangères pour
neutraliser les détenus encore dangereux en fin de peine.
116
§ 2 Les innovations légales
nécessaires pour garantir la sécurité de nos
sociétés face aux détenus libérables et pourtant
toujours dangereux
118
CONCLUSION
120
BIBLIOGRAPHIE
124
ARTICLES DE PRESSE
126
RESSOURCES NUMÉRIQUES
127
ARTICLES PARUS DANS REVUE.ORG
129
TRAVAUX UNIVERSITAIRES
130
RAPPORTS OU PUBLICATIONS D'INSTITUTIONS
NATIONALES OU D'ORGANISATIONS INTERNATIONALES
131
ANNEXE 1
134
ANNEXE 2
135
ANNEXE 3
137
ANNEXE 4
138
Introduction
Pourquoi mettons-nous aujourd'hui un criminel en prison ?
Toutes les sociétés humaines ont eu à traiter la question
du crime, en commençant par lui donner une définition. Toutes ont
trouvé une sanction adaptée à leurs normes sociales, la
notre est souvent la prison. Le plus souvent, même si les formes de
sanction ont pu différer, les objectifs des peines ont été
identiques. Par la sanction, chaque société devait pouvoir se
prémunir contre les justices personnelles, afin d'éviter que ne
se propage le poison social de la vengeance. La priorité a donc souvent
été de neutraliser le criminel, de l'écarter de la
société et de ses victimes. Puis, d'utiliser cette sanction comme
un outil de prévention pour que celui qui a commis un crime ne le
commette plus ; pour que tous ceux qui souhaiteraient le commettre en
soient dissuadés. Enfin, et au-delà du criminel, c'est aux
victimes que les sociétés s'adressent en condamnant leurs
bourreaux, pour ainsi apaiser leur désir naturel de vengeance.
Une fois ces grands principes sur l'utilité des peines
criminelles acceptés majoritairement par les sociétés
humaines, tout le reste, pourrait-on dire, n'est que contingences. Contingences
liées aux principes moraux de chaque société. Qu'est-il
moralement acceptable d'infliger comme sanction au nom de la
société à celui qui a commis un crime ? Quel travail
reste-t-il à accomplir avec chaque criminel pour qu'il prenne conscience
de la portée de son geste ?
De la longue Histoire de la Justice des Hommes, un constat
simple et empirique émerge aisément : très nombreuses
sont les réponses aux crimes qui ont pu être, ou sont encore,
envisageables. Des duels de chants Inuits sur les bords de l'Arctique,
jusqu'aux tortures et aux bûchers de l'Inquisition Espagnole du
XVIème siècle, en passant par toutes les formes de
réprobations sociales, de peines privatives de liberté ou de
contraintes sur le corps des criminels, tout ou presque a déjà pu
être expérimenté. Pour s'en convaincre les multiples
codifications ou synthèse pénale de notre Histoire appuient cette
diversité.
Du code d'Hammourabi, IIème
millénaire avant Jésus-Christ, dans lequel la règle
était la loi du talion, et où le crime appelait la justice par le
châtiment et le sang, jusqu'à la loi salique des Francs pour qui
le meurtre était sanctionné d'une forte amende et appelait la
justice de la réparation, 2000 ans d'Histoire auront déjà
pu éprouver l'efficacité de la plupart des sanctions
pénales imaginables.
Puis, pour arriver jusqu'à nos jours, de nouveau 2000
ans ont passé, et se ne sont que les 250 dernières années
qui ont pu apporter véritablement un visage nouveau aux peines subies
par le criminel : l'arrivée de la prison dans l'arsenal
répressif judiciaire. Le siècle des Lumières et les
penseurs de la Révolution ont, comme dans beaucoup d'autres domaines,
marqué un renouveau dans la pensée des hommes. Déjà
dans son Traité des délits et des peines, Beccaria
notait que la rigueur du châtiment ne devait pas être
l'élément central de la sanction. Les philosophes humanistes
s'étant ralliés peu à peu à cette idée,
entraînant du même coup les responsables politiques qu'ils
côtoyaient, ces derniers firent le reste du chemin pour entamer une
grande réforme pénale. Si les châtiments corporels devaient
être abolis, à l'exception notable de la peine de mort, les
législateurs révolutionnaires devaient trouver un nouvel outil
à la peine pénale. Un outil qui répondrait à
l'attente nouvelle des principes protecteurs de l'Humanité, conforme aux
déclarations solennelles de 1789. Mais un outil qui répondrait
toujours aux exigences de sécurité des Hommes. C'est par un
décret du 22 décembre 1790 sur la compétence des
tribunaux militaires, leur organisation et la manière de procéder
devant eux (annexe n°1), que la France s'est engagée dans ce
tournant. La prison qui, jusqu'alors, ne servait le plus souvent qu'à la
détention préventive ou comme antichambre des autres sanctions,
devint à son tour une peine à part entière.
Ce choix est un tournant dans la matière pénale.
La peine moderne devient majoritairement celle privative de liberté, en
particulier la prison. Le visage de la justice des Hommes en a
été profondément changé. La justice de la peine ne
pourra plus être évaluée par la mesure de la souffrance des
condamnés.
Si ce grand changement a pu si radicalement transformer le
visage de la matière pénale, c'est que des Hommes se sont
souciés qu'un criminel pouvait être leur semblable. Cette
évidence est ici nécessaire à rappeler, parce que bien
trop souvent oubliée par la passion des foules occupées à
mépriser les coupables. Cet effort méthodologique, qui n'est pas
une simple formalité, nous enjoint de comprendre pourquoi ; de
comprendre quelles sont les raisons qui motivent ceux qui nous sont
égaux et qui pourtant violent, tuent, braquent, empoisonnent ou portent
atteinte à la sécurité de nos institutions.
C'est en les comprenant, et en agissant sur leurs mobiles que
nos justices pourront être efficaces. C'est une exigence !
Mais, pour autant, afin de protéger notre avenir, celui
de nos enfants et celui de nos sociétés, il faut que la
réponse pénale au crime puisse répondre à
l'injonction populaire : « Plus jamais ça ! ». Que le
caractère certain et exemplaire de la peine ne soit pas
défaillant. C'est un devoir !
Mais nous voilà devant ce qui ressemble à une
double contrainte antagoniste. Un jeu à somme nulle où favoriser
l'un se ferait au détriment de l'autre. Mais les exigences de haute
valeur morale inscrites dans les textes de protection des Droits Universels
font que l'enjeu du niveau de progrès de nos sociétés
« modernes » réside en partie dans la
résolution de cet antagonisme de façade. La justice est
née pour lutter contre les réflexes des Hommes qui nuisent
à leur cohabitation. Elle est née pour sortir les Hommes de leur
état de nature violent et instinctif, et les élever
jusqu'à la modernité sociétale bien plus juste et plus
sûre.
Le travail que je vous propose ici a donc pour ambition de
prouver la nécessaire complémentarité des antagonismes.
Par des expériences passées ou présentes,
françaises ou étrangères, nous verrons que la sanction
moderne pour les criminels doit être une peine de prison certes, mais
réformée.
En effet, la peine carcérale était à sa
création soucieuse de l'humanité de ceux qu'elle enfermait. Elle
était considérée comme une peine de progrès.
Pourtant, elle est aujourd'hui souvent dénoncée par les garants
du respect des droits de l'Homme. Par les penseurs qui les défendent.
Ainsi Michel FOUCAULT parlait de l'échec de la prison en ces
termes :
« Les prisons ne diminuent pas le taux de la
criminalité ».
« La détention provoque la
récidive ».
« La prison ne peut manquer de fabriquer des
délinquants ».
« La prison favorise l'organisation d'un milieu
de délinquants ».
« Les conditions qui sont faites aux
détenus libérés les prédisposent à la
récidive ».
« La prison fabrique indirectement des
délinquants en faisant tomber dans la misère la famille du
détenu».1(*)
La prison est maintenant critiquée pour son manque
d'efficacité. Certaines de ces observations du milieu des années
70 ont depuis justifié plusieurs réformes du milieu
carcéral. Cependant, certaines de ces accusations sont reprises de nos
jours. Les évasions spectaculaires et médiatiques qui ont
entaché la réputation de la sécurité
carcérale à l'entrée du troisième millénaire
remettent en question la réussite de la prison à accomplir la
première de ses missions. Nos sociétés ont donc deux
choix : celui d'une nouvelle réforme des institutions
carcérales, en profondeur, ou bien celui de l'innovation vers de
nouvelles sanctions pénales. Quelque soit ce choix il sera d'importance.
Le défit à relever se situe maintenant, pour les pouvoirs
publics, avec chaque condamné, pour qu'une fois sa peine accomplie,
celui qui a commis un crime soit, à son tour, à la hauteur pour
réintégrer un jour pacifiquement et efficacement la
société humaine.
Cette réforme de la peine carcérale devra passer
par celle du bâtiment architectural, de la politique menée
quotidiennement dans l'exécution des peines, et par-dessus tout, par une
réforme des esprits qui ne s'affranchira pas d'une nouvelle loi.
Parmi les difficultés rencontrées pour ce
travail, la principale pourrait être de raisonner dans la
généralité. En effet, il existe en France plus de 180
établissements pénitentiaires, c'est presque autant de Pays qu'il
y a dans le monde. Parler de LA prison française, c'est oublier que
chacun des établissements a une réalité qui lui est
propre. Il en va de même pour exprimer une pensée sur LE criminel
français. Travailler sur des réalités humaines implique
d'accepter que nos propos soient relativisés pour chaque cas
particulier. Cependant, il existe des grandes lignes directrices qui encadrent
ces individualités. Notre raisonnement portera donc ici sur les lignes
directrices. A charge pour ceux qui souhaiteraient utiliser les conclusions de
cette étude de les envisager avec la précaution
méthodologique que je viens de préciser.
Beaucoup de choses ont été écrites sur la
prison. Mais depuis notre entrée dans le troisième
millénaire, l'effervescence intellectuelle et littéraire autour
de cette question semble démontrer la disponibilité des esprits
à une grande réforme des prisons.
Ce travail s'appuie donc bien sûr sur les ouvrages de
références des grands auteurs de la question pénale ou
carcérale, mais aussi essentiellement sur les derniers rapports des
institutions démocratiques françaises, européennes ou
canadiennes, sur les études récentes menées par les
Organisations Non-Gouvernementales qui se préoccupent du sort des
prisonniers (Ligue des Droit de l'Homme, Organisation Internationale des
Prisons, Génépi, ...), sur des essais, enquêtes ou travaux
universitaires récents qui ont occupé une place
médiatique, ou plus confidentielle. Mais surtout, ce travail s'enrichit
de rencontres (personnels ministériels, personnels
pénitentiaires, auxiliaires de justices, associations, ...) et
d'observations directes (visite de prison, suivis de procès d'assise
portant sur des parcours pénitentiaires exceptionnels) effectuées
spécifiquement pour cette étude.
« Il ne s'agit pas d'interpréter les
divers penseurs dans leurs points de convergence et de divergence mais de
projeter ce qu'ils ont construit conjointement, au-delà des
différences qui sont visibles à l'échelle de leur
individualité »2(*)
Alvaro Pires
Le projet qui préside la réflexion menée
dans ce mémoire est donc de dresser un nouveau bilan des peines de
prison françaises en rassemblant des réflexions jusque là
éparses, alimentées de compléments inédits, afin
d'ouvrir de nouveaux chemins pour l'avenir pénitentiaire et participer
ainsi, dans une très modeste mesure, à la construction du futur
de nos prisons, et surtout des hommes qui les composent.
- Partie I -
Bilan des peines criminelles françaises, bilan médiocre
Titre 1 : La prison
protège parfois du crime
Les règles qui doivent rendre la prison efficace
d'après Maurice CUSSON, Professeur à l'École de
Criminologie. Chercheur, Centre international de Criminologie comparée,
Université de Montréal
« Premièrement, elle doit être
appliquée à des délinquants qui, sans elle, auraient
commis de nouveaux crimes. Deuxièmement, les délinquants qu'elle
immobilise ne doivent pas être systématiquement remplacés
au sein des groupes où ils opéraient. Troisièmement, le
séjour en prison ne doit pas avoir une influence criminogène
telle que les crimes neutralisés soient compensés par une
recrudescence de l'activité criminelle après le séjour en
prison. Pour se permettre un jeu de mots : il ne faut pas que la
« prisonnisation » neutralise la
neutralisation »3(*)
Par ces mots, le Professeur CUSSON nous donne une vision
moderne des règles d'efficacité de la prison. Elle doit
être un recours nécessaire, mais strictement nécessaire,
pour éviter la récidive ; la prison apparaît comme un
moyen efficace d'empêcher un criminel de commettre à nouveau une
infraction dans sa société. Mais elle doit être choisie
dans les seuls cas où une autre peine ne pouvait être
appliquée. On peut noter dans la pensée du Professeur CUSSON une
forme de défiance à l'égard de la prison. Une attitude de
plus en plus fréquente dans l'oeil des observateurs indépendants.
Cette défiance laisse entendre que la prison peut être dangereuse
si elle n'est pas utilisée avec parcimonie. Nous verrons que cette
dualité de l'efficacité d'une part et de la possible
dangerosité des peines de prison d'autre part est absolument
justifiée.
Dans son propos cet éminent criminologue avance ensuite
que la peine de prison prononcée ne peut être efficace qu'en
laissant vacante la place qu'occupait le condamné. La prison doit
empêcher le crime d'être commis, et ce, que se soit dans une
organisation criminelle, ou en influençant le comportement de ceux qui
seraient susceptibles de perpétrer les mêmes crimes que le
condamné. Elle doit donc intervenir en dissuadant de commettre
l'infraction. L'individu rationnel doit avoir moins d'intérêt
à commettre l'infraction, qu'à la consommer. La portée
dissuasive de la prison fera aussi l'objet d'une étude dans cette
partie.
Enfin, toujours selon le Professeur CUSSON, la prison peut
avoir des conséquences néfastes pour la société, et
parfois pires que celles qui avaient conduit un criminel en prison. Les effets
utiles de la prison mentionnés précédemment ne doivent pas
être anéantis par les conséquences néfastes d'un
emprisonnement pour des criminels. Pour ce faire, la prison ne doit pas
alimenter le crime en laissant se former des facilités pour les
prisonniers dans l'élaboration de nouveaux desseins criminels. Elle doit
pouvoir combattre les causes qui ont amené le criminel dans ses murs, et
ne pas laisser se créer de nouvelles causes à l'intérieur
de son enceinte.
C'est pour ces trois raisons que la prison doit en premier
lieu neutraliser le criminel et les velléités de ceux qui
pourraient le devenir. Cette neutralisation fera l'objet de notre premier
chapitre. Cependant la réalité exprimée implicitement
d'une prison « criminogène » nous fera
étudier dans un deuxième chapitre les populations
réfractaires aux « bien faits » de la prison et qui
par elle peuvent devenir autant sinon plus dangereuses qu'elles ne
l'étaient en entrant.
Chapitre 1 : Une obsession,
la neutralisation de tous les dangers4(*)
La première mission de la prison est de mettre en
sécurité la société en neutralisant le crime. La
neutralisation du crime passe en premier lieu par l'éloignement du
criminel de la société dont il est issu. Un éloignement
géographique bien sûr, mais pas seulement (Section 1). Ensuite, la
neutralisation doit passer par la prévention des crimes ou leur sanction
à l'intérieur de la prison (section 2). Du traitement des crimes
dans la prison dépend en parti le renoncement au crime dans la
société. Cette question de la sécurité et de la
prison a déjà été très
précisément abordée par l'excellent rapport de Jean-Marc
CHAUVET, remis en 2001 au Ministre de la Justice. De ce rapport j'emprunterai
notamment la pertinente distinction entre sécurité passive et
sécurité active dans la prison. Mais depuis 2001, plusieurs
réformes sont intervenues sur cette problématique, et nous
envisagerons leurs différents apports.
Section 1 : Ecarter
pour protéger
Ecarter un individu dangereux pour protéger la
société de ses agissements revient à devoir l'isoler de
cette société. Pour cela, l'homme a un penchant naturel à
mettre ce qui lui semble dangereux en cage. C'est un moyen de se
protéger et de créer un rapport de force favorable à celui
qui règle les conditions d'enfermement. L'enfermement d'un sujet permet
de l'étudier et de le soumettre à des règles qui doivent
le rendre moins dangereux avec un maximum de sécurité. Il peut
paraître cruel de parler en ces termes de l'enfermement du prisonnier,
mais c'est la réalité de base à laquelle vont s'ajouter
toutes les conditions d'incarcération qui différencient le
quotidien d'un lion en cage de celui d'un prisonnier dangereux. La prison n'est
en fin de compte, dans la plupart des cas, qu'une cage humanisée. Un
premier paragraphe nous montrera ce qui ne tient plus de la cage, lorsque dans
un second nous verrons ce qui humanise ce type d'isolement.
§ 1 Isoler entre quatre
murs
L'isolement de l'individu dangereux passe par un placement en
milieu confiné dans lequel les interfaces avec la société
pourront être limités aux seuls échanges prévus et
acceptés par les autorités de la détention. Les
dernières constructions d'édifices carcéraux symbolisent
le glissement des « prisons de ville » vers les
« prisons de campagne ». Le meilleur exemple est la prison
d'Avignon-Le Pontet qui date de 2003, programme de construction
pénitentiaire dit « prison 4000 », construite en
rase campagne, qui remplace la vieille prison d'Avignon, l'un des plus vieux
établissements pénitentiaires de France. L'éloignement du
condamné est donc maintenant en premier lieu géographique. Il est
délocalisé pour être désocialisé. Cette
rupture est marquée par la vision des hauts murs d'enceinte de la
prison. Un rempart qui se veut infranchissable pour qui n'en a pas
l'autorisation. Pour reprendre l'expression perspicace de M. FAVARD,
« ce sont toujours les bons vieux hauts murs de la prison qui
constituent la base fondamentale d'une sécurité
tempérée »5(*). Nous verrons dans un A/ que le bâtiment est la
première garantie de sécurité de l'emprisonnement, puis
dans un B/ que la technologie vient au service des « hauts
murs » pour isoler le prisonnier entre ces murs.
A/ La sécurité de l'enceinte aidée
par son architecture
Comme nous le soulignons dans notre introduction, il existe
presque autant d'architecture carcérale que de prison. Cependant des
lignes directrices peuvent se dégager. Dans une lettre datée du
14 juin 2001, Madame la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, confiait
à Jean-Marc CHAUVET, Directeur régional des services
pénitentiaires de Paris, « une mission d'analyse et de proposition
» sur la sécurité des établissements
pénitentiaires. Dans son rapport remis la même année, J.-M.
CHAUVET décrit avec précision les caractéristiques
idéales d'une enceinte de prison. Double enceinte de mur,
revêtement anti-agrippant, couleur blanche des murs, etc...
L'architecture de la prison va être le premier outil de
sécurité de la prison : une
« sécurité passive ». Les
éléments du bâtiment doivent rendre difficiles et
dangereuses les tentatives d'intrusion ou d'extrusion d'individus non
autorisés dans une prison.
Cependant, l'évasion est une réalité pour
laquelle les « hauts murs » sont inefficaces. Les chiffres
des évasions depuis le milieu des années 70 sont
éloquents :
Évasions et, entre parenthèses nombre
d'évadés. 1976 : 31 ;
1980 : 6 ; 1981 : 6 ; 1982 :
11 ; 1983 : 21 ; 1984 : 18 ;
1985 : 36 (101) ; 1986 : 1933 (62) ;
1987 : 37 (54) ; 1988 : 35 (61) ;
1989 : 27 (52) ; 1990 : 31 (68) ;
1991 : 21 (39) ; 1992 : 26 (45), -11-9 :
Clairvaux, 8 évadés armés (1 détenu et 1
surveillant tués) ; 7 seront repris (et jugés le 10-11-1999)
et 1 tué par la police ; 1993 : 26 (43) ;
1994 : 31 (53) ; 1995 : 15 (21) ;
1997 : 18 (31) ; 1998 : 16 (19) ;
1999 : 25 (31) ; 2000 : 34 (41) ;
2001 : 31 (38) ; 2002 : 15 (26) ;
2003 : 18 (27) ; 2004 : 18 (22) ;
2005 : 18 (22). Évasions par
hélicoptère : 1981-27-2 de
Fleury-Mérogis : Daniel Beaumont et Gérard Dupré,
repris en mars et juillet 1981 ; 1986-26-5 de la
Santé : Michel Vaujour [(condamné le 8-3-1985 à
18 ans de réclusion criminelle), hélicoptère
(piloté par sa femme Nadine), repris 27-9-1986] ;
1987-19-7 de St-Roch (Nice) : Philippe Truc (repris 20-7) ;
1990-5-11 de Lannemezan : 4 (3 repris en Espagne, 1 en
Algérie) ; 1992-5-2 des Baumettes (Marseille) : 5
(échec) ; -4-10 de Bois-d'Arcy (Yvelines) : 4 (tous
repris) ; 1999-26-6 des Baumettes : 5 (1 tué par les
gardiens, 4 repris plus tard) ; 2000-9-6 de Moulins-Yzeure
(Allier) : 3 (1 repris le 22-6, 1 le 6-8) ; 2001-24-3 de
Draguignan (Var) : 3 ; -31-5 de Borgo (Corse) : 3 ; -25-6
de Borgo (Corse) : Louis Carboni ; -12-10 de Luynes
(B.-du-Rh.) : 2 ; 2003 : 1 (3) ; 2004 :
0 ; 2005 : 1 (3). Évasions avec aide
extérieure de commandos armés : 2002-sept.
centre de Ploemeur (Morbihan) : 2 ; -28-11 centrale d'Arles
(B.-du-Rh.), tentative de 5 détenus avec aide extérieure de
3 tireurs : 1 détenu et 1 complice tués.
2003-12-3 Fresnes (V.-de-M.) 6 à 10 hommes armés de
mitraillettes et d'explosifs pour libérer Antonio Ferrara,
arrêté 13-7. 2005-15-2 évasions de
1 détenu, -15-10 évasion de 2 détenus de MA
Villefranche-sur-Saône.
Source : Quid 2007, article : Justice, Prison
(en France), Population pénale
Bien sûr, ces chiffres sont à apprécier au
regard de la population carcérale qui varie autour de 30.000 individus
dans les années 70 à 60.000 de nos jours. De ces chiffres, nous
pouvons retirer une spécificité culturelle typiquement
française, l'évasion par hélicoptère. Comme le fait
remarquer le rapport CHAUVET, « en Espagne, en Italie et en Allemagne
le phénomène semble inexistant. Au Royaume-Uni, il y a eu une
seule évasion par hélicoptère, en 1977 »6(*). L'édifice a donc du
s'adapter, mettre en place des filins anti-hélicoptère,
sensibiliser ses personnels sur ce risque particulier.
Les nouvelles habitudes carcérales entraînent une
augmentation des allers et venues entre l'extérieur et la prison. Les
politiques d'application des peines faisant de plus en plus de place à
l'intervention d'éléments extérieurs au strict personnel
de surveillance des détenus, et à l'aménagement des peines
de prison, qui autorisent des sorties temporaires, soulignent les limites
à l'efficacité des « hauts murs » de prison.
C'est pour cela qu'un soutien technologique doit venir appuyer l'utilisation du
béton.
B/ La sécurité de l'enceinte aidée
par la technologie
Pour combattre les atteintes à la fonction
sécuritaire de la prison, les pouvoirs publics disposent d'une batterie
de dispositifs technologiques. Pour combattre les intrusions imprévues,
les nouvelles prisons sont équipées d'outils de détection
volumétrique pour les pièces fermées, de détection
par infrarouge pour les espaces ouverts, de détection d'ondes et de
vibration pour les sols et sous-sols de la prison et des environs. Comme me le
confiait le directeur de la prison du Pontet, les outils de détection
des intrusions humaines sont arrivés à un niveau optimal auquel
des améliorations peuvent certes être apportées, mais qui
autorisent une grande confiance dans la sécurité d'accès
à l'enceinte carcérale.
Les risques viennent plutôt des agressions à la
prison qui ont pour but l'évasion de détenus souvent
considérés comme dangereux par l'administration
pénitentiaire, et donc, a fortiori, pour la
société. Ces agressions sont soit les attaques avec armes et
explosifs, soit les évasions par hélicoptère. Comme ces
deux procédés nécessitent préparation et
coordination, l'emploi du téléphone portable est devenu
systématique. Bien sûr, son utilisation est interdite dans les
prisons mais l'astuce et la miniaturisation permettent à des appareils
de circuler de cellules en cellules. Le rapport CHAUVET de 2001 pointait
déjà ce risque dans une partie consacrée au
téléphone portable7(*). Ce rapport est le premier à préconiser
l'utilisation de brouilleur d'ondes pour substituer aux fouilles
régulières, mais inefficaces, une méthode technologique
plus fiable. L'avancement de la mise en place et de l'utilisation de ces
brouilleurs est présentée par le Garde des Sceaux en
réponse à une question d'un parlementaire. En voici la
reproduction :
Question publiée au JO le : 17/01/2006 page :
443
Réponse publiée au JO le : 23/05/2006
page : 5512
Texte de la QUESTION :
M. Bernard Perrut appelle l'attention de M. le
garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de
sécurité dans les établissements pénitentiaires, et
particulièrement des téléphones portables, très
utiles pour faciliter les évasions comme le cas s'est produit
récemment à Villefranche-sur-Saône. S'il est impossible de
contrôler et d'empêcher l'introduction d'un tel appareil dans
l'enceinte de la prison à cent pour cent, il lui demande si des
dispositions peuvent être prises pour empêcher leur utilisation
à l'intérieur par un brouillage des ondes.
Texte de la REPONSE :
Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait
connaître à l'honorable parlementaire que la lutte contre
l'introduction et l'utilisation de téléphones cellulaires au sein
des structures pénitentiaires est une des priorités fixées
à la direction de l'administration pénitentiaire. En effet, les
risques liés à leur utilisation par la population pénale
sont certains, qu'il s'agisse de communications avec l'extérieur pouvant
mettre en échec certaines procédures judiciaires ou de
préparatifs d'évasion, par exemple. Dans ce cadre, la loi
n° 2002-1138 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ)
votée le 3 août 2002 et promulguée le 9 septembre 2002
prévoit notamment un déploiement des systèmes de
brouilleurs et détecteurs de téléphones cellulaires dans
les établissements pénitentiaires. L'installation des appareils
de détection et de brouillage des téléphones est à
ce jour réalisée dans les quartiers sensibles de plusieurs
dizaines d'établissements. Par ailleurs, quelques appareils portatifs
opèrent par rotation dans différentes structures. Il faut enfin
souligner que la détention ordinaire de certains quartiers
d'établissements est équipée de ce dispositif. Une
procédure de marché public est actuellement mise en place. Le
système proposé est un détecteur brouilleur
« intelligent », qui ne doit pas émettre en continu
un signal radio, même de faible puissance, de façon à
préserver la santé des personnes. La prestation attendue par
l'administration pénitentiaire est composée de deux lots
distincts : le premier lot concernera un système mobile de
détection-blocage, facilement transportable d'un site à un
autre ; le second lot sera un système fixe de détection
blocage. À compter de 2006 et sur deux années, tous
systèmes confondus, l'administration pénitentiaire se dotera d'au
moins trente appareils. Les établissements les plus sensibles seront
équipés et les premiers appareils livrés fin
2006. 8(*)
Cette question de l'installation et de l'utilisation de moyens
techniques sophistiqués nous permet de mettre en lumière les
limites de la sécurité en prison. D'une part, ils sont
installés prioritairement dans les nouveaux établissements, ce
qui laisse les vieilles structures souvent dans l'état où elles
sont, c'est-à-dire vétustes et en sous-équipements.
D'autre part, ces équipements coûtent cher et ne sont
déployés que par petites vagues, faute de moyens : la
question de la modernisation des équipements pénitentiaires est
rarement une priorité budgétaire gouvernementale sous la
Vème République. Enfin, la réactivité
politique est très mauvaise. Entre les préconisations d'un
rapport et l'installation des premiers systèmes de brouillage des
portables, 5 ans se sont écoulés !
§ 2 Isoler des
Hommes
La prison ne peut être réduite à ses
barreaux. Il serait malhonnête de croire que seul le béton et les
dispositifs technologiques participent à la mise en
sécurité des détenus. Parce que la prison s'occupe de
l'humain, elle doit être envisagée dans ses composantes humaines.
Le personnel d'encadrement, qui oeuvre chaque jour pour sécuriser la
prison, occupe une place centrale dans la mission de protection de la prison
(A/). Les équipes de directions qui mettent en oeuvre les politiques
carcérales ont une place importante dans l'efficacité des
établissements qu'elles dirigent (B/).
A/ La surveillance des Hommes, par des Hommes
Pour les détenus, la surveillance est d'abord entendue
par l'activité du surveillant. Cet Homme qui surveille d'autres Hommes
prouve par son activité que la sécurité ne peut être
exclusivement assurée par des automatismes ou des hauts murs de
béton. Le travail du surveillant, non seulement s'apparente à
celui d'un « gardien » qui observe et guète les
comportements dangereux, qu'ils viennent de l'extérieur ou de
l'intérieur, mais va au-delà jusqu'à devenir un membre de
la société carcérale. Parfois, l'architecture des prisons
privilégie l'observation, à l'interaction. Dans la prison de
Moulins-Yzeure, les gardiens surveillent les détenus depuis un
étage supérieur. Une position qui leur permet de dominer du
regard un grand ensemble tout en restant dans une position qui semble
sécurisante. L'expérience montre que non seulement les
surveillants ne ressentent pas cette hypothétique
sécurité9(*)
mais qu'elle n'exclut pas les situations dangereuses. La prison de
Moulins-Yzeure a connu en 2003 deux prises d'otages, dont une très
médiatisée les 24 et 25 novembre 200310(*). Ces prises d'otages auraient
pu être évitées par une plus grande communication entre les
détenus et ceux qui les gardent.
La connaissance des détenus permet d'anticiper ces
réactions, et de prévenir les incidents inhérents à
la détention. Bien sûr, cette connaissance est avant tout
empirique et apprise « sur le tas » comme aiment à
le souligner les surveillants eux-mêmes, mais la formation qu'ils
reçoivent, dispensée à l'Ecole de l'Administration
Pénitentiaire, comprend des modules d'initiation à la
psychologie, à la sociologie ou encore à la communication.
Evidemment cette formation implique un apprentissage pratique du métier
de surveillant (maîtrise d'un individu dangereux, maniement des armes
...) mais une dimension académique des sciences humaines et sociales
révèle à quel point l'humain doit être pris en
considération dans les rapports carcéraux.
Pour ce qui est de l'avenir des ces rapports, la commission
CHAUVET préconise une spécialisation des tâches
carcérales11(*).
Ou, pour le moins, une formation spécifique de membres volontaires de
l'administration pénitentiaire à des populations
particulières, au maniement de certains outils, dispositifs ou armes
nécessitant un référant dans la prison. La diversification
des tâches des surveillants de la détention et la multiplication
des outils qui les guident ou les accompagnent dans leur travail,
légitime cette spécialisation. Cependant, pour la bonne
santé professionnelle des surveillants, il paraît
nécessaire de leur autoriser un roulement dans les différents
secteurs de la surveillance. Une trop grande spécialisation des
tâches diminuerait cette rotation qui permet aux surveillants
d'acquérir une large expérience, et qui donne un regard parfois
plus neuf, mais toujours professionnel, sur le travail des différents
postes de la détention.
B/ La mission des Hommes qui dirigent des Hommes qui
surveillent d'autres Hommes.
« Tout chef d'établissement doit veiller
à une stricte application des instructions relatives au maintien de
l'ordre et de la sécurité dans l'établissement
pénitentiaire qu'il dirige »
- Article 265 du code de procédure pénale
-
« Dans chaque établissement
pénitentiaire un règlement intérieur détermine le
contenu du régime propre à l'établissement.
Le règlement intérieur est
établi par le chef d'établissement, en liaison notamment avec le
service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les domaines
relevant de la compétence de ce service. Le règlement
intérieur ainsi que toute modification apportée à ce
document sont transmis pour approbation au directeur régional,
après avoir été soumis pour avis au juge de l'application
des peines. »
- Article 255 du code de procédure pénale
-
La place qu'occupent les personnels de direction dans le
maintien de la sécurité des établissements est avant tout
réglementaire. Les dispositions du code de procédure
pénale ci-dessus rappelées énoncent la place du directeur
comme un maillon de la politique pénale nationale, notamment dans les
instructions de sécurité des établissements. Toutefois,
l'article 255 du CPP présente succinctement le règlement
intérieur à chaque prison. Trop succinctement, peut-être,
alors qu'il constitue le cadre de vie quotidien et propre à chaque
établissement. Parce que peu encadré, ce règlement
intérieur reste très lié avec la personnalité du
directeur. Les faits sont là pour en attester. Martine HERZOG-EVANS,
professeur à l'Université de Reims, rappelait déjà
en 1998 que « la personnalité du chef
d'établissement est, d'une manière générale, une
variable très importante dans la compréhension du climat d'un
établissement donné. »12(*). Associé avec les talents naturels de
négociation avec les syndicats de surveillant de prison, nous avons,
avec le règlement intérieur, les deux principaux leviers de
l'action d'un chef d'établissement.
Le sens du dialogue apparaît comme primordial pour
exercer un poste à responsabilité. Cela sera d'autant plus vrai
en prison. Le fait d'avoir de nombreux intervenants extérieurs ou
intérieurs qui se relient auprès des prisonniers,
nécessite de croiser les informations obtenues par les uns ou les
autres. Lors de mes visites à la prison d'Avignon-Le Pontet j'ai pu
être le témoin d'une réunion groupant autour de la table,
toutes les semaines, le Lundi matin, les principaux acteurs de la
détention. Outre de faire le bilan des gardes du week-end, cette
réunion, instaurée par la direction, permet de préparer la
semaine à venir et de cibler les actions de prévention sur les
détenus pouvant être dangereux pour les autres, ou pour
eux-mêmes. La prévention est alors une préoccupation pour
la sécurité de l'établissement. Pour ce qui est de la
répression dans la prison, symbolisée par la commission
disciplinaire, là encore le rôle de la direction prend toute son
importance dans le maintien de la sécurité dans et autour de la
prison. C'est en effet le directeur ou un de ses adjoints qui préside
cette commission et qui imprime souvent sa patte aux décisions qui y
sont prises.
Concernant les actions typiquement du ressort de la seule
bonne volonté de la direction d'une prison, mais très positives
pour créer un climat de confiance entre les intervenants de la prison,
il faut tout particulièrement saluer le volontarisme du Directeur Gilles
CAPELLO. En effet, il s'est proposé d'organiser un tournoi de football
dans l'enceinte de son établissement avec des équipes de
l'intérieur de la prison (gardiens, personnels, détenus, ...)
mais aussi des professionnels extérieurs à son
établissement (policiers, avocats, étudiants en droit,...). A
l'heure où ces pages sont écrites, les préparatifs de ce
projet créent une émulation très positive entre les futurs
participants, améliorant ainsi un climat souvent pesant comme celui de
la prison.
Alors, oui, la prison protège majoritairement la
société du criminel dès lors que celui-ci reste entre ses
murs. L'action des personnels et les dispositifs de sécurité sont
là pour y veiller. Mais sans être facile, les transgressions
dangereuses à l'isolement du détenu de sa société
d'origine ont tendance à se multiplier de plus en plus.
Une méthode plus sûre que de lutter pour se
protéger des criminels serait d'empêcher aux criminels de le
devenir ou de le rester. Pour cette mission, la prison est utile. Elle doit
oeuvrer pour empêcher la récidive et dissuader de commettre des
crimes. Elle doit éduquer les individus pour que rationnellement ils
fassent tout pour éviter d'accomplir un acte qui les mènerait en
prison.
Section 2 :
Discipliner pour éduquer
La mission de sécurité de la prison se
décline pour les prisonniers dont elle s'occupe mais aussi pour ceux
qui, à l'extérieur, pourraient le devenir. C'est la fonction
dissuasive de la peine de prison. Pour ceux qui sont déjà dans
ses murs, l'enjeu de la prison est dans un premier temps de les empêcher
de commettre des infractions dans la prison, et d'utiliser ses efforts pour
qu'ils servent, dans un second temps, à prévenir la
récidive. Ces missions feront l'objet de notre premier paragraphe. La
portée exemplaire de la peine de prison sera quant à elle
étudiée dans un deuxième paragraphe.
§ 1 Rendre plus
sûr le prisonnier
Concentrer en un lieu unique des individus aux tendances
criminelles, ayant succombé au moins une fois à ces tendances,
crée de facto un risque pour tout ceux qui auront à
travailler dans cet environnement. Il faut donc sécuriser le
détenu. Exercer sur lui les contraintes nécessaires pour
créer chez lui un comportement adapté aux soucis
sécuritaires de la prison. La prison doit donc dans un premier temps
neutraliser les tendances transgressives du criminel pouvant s'exprimer dans la
prison (A/). Cependant, la discipline a ses revers, la rendant parfois
contre-productive (B/).
A/ La discipline pénitentiaire et les
comportements du criminel
Pour le bon fonctionnement de la prison et l'accomplissement
de ses missions de sécurité, l'établissement
pénitentiaire impose au criminel emprisonné toute une succession
de règles auxquelles il doit se plier. Michel FOUCAULT, pour en donner
une définition succincte, qualifie même la prison d'institution
disciplinaire. Lorsqu'un détenu transgresse une règle, plusieurs
sanctions lui sont applicables. Tout d'abord, les dispositions du code
pénal sont toujours en vigueur à l'intérieur de la prison,
et le prisonnier peut avoir à répondre de ses actes devant la
justice criminelle. Mais au-delà, le prisonnier peut être
sanctionné pour une transgression du règlement intérieur.
Il sera alors soumis à une justice disciplinaire interne à
l'établissement. C'est le décret n° 96-287 du 2 avril 1996,
relatif au régime disciplinaire des détenus, qui
réglemente la commission de discipline et les sanctions
disciplinaires.
La discipline de la prison et les règles qui la compose
s'organisent d'abord autour du règlement intérieur de la prison.
Il « reprend les grandes lignes fixées par le Code de la
procédure pénale sur la vie en détention et
détermine les règles spécifiques à
l'établissement en ce qui concerne l'organisation de la vie quotidienne.
Il comporte en général une dizaine de rubriques : un
préambule (rappelant les fonctions du document), l'emploi du temps de
l'établissement pénitentiaire, notamment les heures du lever et
du coucher, des repas, de la promenade et des activités, les relations
autorisées des détenus avec l'extérieur, les
procédures d'orientation et de transfert, les règles concernant
les quartiers disciplinaires et d'isolement, la gestion du compte nominatif,
etc. Très souvent, le règlement intérieur prévoit
également des « fiches techniques » qui reprennent
et précisent certains aspects de la réglementation, comme les
visites, l'entrée et la sortie d'objets, l'aménagement de la
cellule, etc. »13(*).
Parmi ces règles, nous pouvons en distinguer deux
grandes catégories : celles qui sont de l'ordre des règles
de vie commune et celles qui s'adressent plus particulièrement au
détenu. Les premières constituent les bases de l'institution
totale carcérale. Eving GOFFMAN définit la notion d'Institution
totale comme un « lieu de résidence ou de travail
où un grand nombre d'individus, placés dans une même
situation, coupés du monde extérieur pour une période
relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les
modalités sont explicitement et rigoureusement
réglées »14(*). La prison, comme toute autre institution totale,
entraîne une destruction progressive de l'individu. En le
désocialisant et en détruisant peu à peu son
individualité, l'institution cherche à le soumettre à des
règles strictes d'organisation. Une soumission que le prisonnier accepte
d'abord par contrainte, par résignation ensuite et par
intérêt enfin. Le prisonnier va dans un premier temps lutter pour
garder son identité face aux agressions qui lui sont portées,
notamment à son libre arbitre. Puis, fatigué de lutter,
résigné face à l'inéluctable succès par la
force de l'institution carcérale, il acceptera son sort. Enfin,
après un apprentissage des règles de l'institution et leur
assimilation, le prisonnier les utilisera pour en tirer tous les
privilèges qu'il peut espérer. Ces privilèges devenant un
outil de la machine disciplinaire puisqu'ils peuvent être retirés
par l'institution lorsqu'elle le désire.
Le meilleur exemple de privilège aliénant pour
le prisonnier est le principe du capital de remise de peine dont jouit chaque
détenu (article 729 et suivants du code de procédure
pénale). Chaque condamné bénéficie d'un
crédit de réduction de peine calculé sur la durée
de la condamnation prononcée à hauteur de : 3 mois pour la
première année, 2 mois pour les années suivantes et 7
jours par mois. Le mode de calcul du crédit de réduction de peine
est le suivant :
· Condamné à un an et plus :
crédit de réduction de peine = 3 mois + (2 mois par
années suivantes) + 7 jours x nombre de mois de la condamnation
Exemple : (Mois = M. : Jours = J. : Années Suivantes =
A.S.)
? Condamné à 16 mois d'emprisonnement : 3 M. + (2
M.x 1 A.S.) + (7 J.x 16 M.) = 8 mois et 22 jours de crédit de
réduction de peine
? Condamné à 60 mois d'emprisonnement : 3 M. + (2
M.x 4 A.S.) + (7 J. x 60 M.) = 25 mois de crédit de réduction de
peine
Ce capital pourra être réduit chaque fois que le
condamné aura été jugé en infraction avec le
règlement intérieur de la prison, ou se sera rendu coupable
d'actes réprimés par le code pénal. La carotte et le
bâton font aussi leur oeuvre dans nos prisons. Toutefois, tous les
détenus ne sont pas fongibles dans ce modèle, ou le sont-ils plus
ou moins en fonction de leur caractère et de leur expérience
passée. Ces détenus, nous le verrons plus tard mettent
directement en péril ce modèle d'organisation de
l'institution.
D'autre part, et très progressivement, le principe
totalisant15(*) de
l'institution carcérale est ébréché par de
nouvelles libertés offertes aux détenus. Nous assistons à
une détotalisation des prisons. L'uniforme du détenu (le Droguet)
n'est plus de mise, les règlements intérieurs se renouvellent, la
cantine se diversifie, le montant des mandats n'est plus limité, les
règles de la vie quotidienne s'assouplissent dans certains
établissements, le système de soins tend à se normaliser,
etc.
Cette détotalisation associée aux
réfractaires du modèle « institution
totale » des prisons dessinent les limites à cette
discipline carcérale, pourtant fondement de la sécurité
des prisons.
B/ La discipline pénitentiaire prise en
défaut
Le modèle totalisant implique un minimum de soumission
des membres de la communauté qui vont y être soumis. Or,
l'observation des nouvelles populations carcérales et de leurs pratiques
révèle les limites à l'application de ce modèle, et
parfois sa possible perversion.
Des quelques entretiens préparatoires à
l'étude de cet ouvrage, une constante a émergé des
témoignages des acteurs de la vie carcérale. Personnels de
direction et surveillants sont unanimes pour constater de nets changements dans
les comportements des détenus sur les vingt dernières
années. Des changements principalement dus au rajeunissement de la
population criminelle et à ses habitudes. Ces populations venant souvent
de grands ensembles urbains bruyants et lumineux, elles ne savent trouver de
tranquillité que dans le bruit, voire le vacarme, des postes de radio ou
de télévision mis sur le rebord des fenêtres, et ce toute
la nuit parfois. Bien souvent accoutumées à une vie nocturne,
demander à ces population de pratiquer une activité quotidienne
dès le matin est une mission quasi impossible pour l'administration
pénitentiaire. Il faut reconnaître que ces pratiques tiennent plus
souvent des centres de détention, où cohabitent prévenus
et courtes peines, mais la promiscuité avec les maisons d'arrêt
sur un même lieu géographique, et le glissement progressif de ses
populations vers la criminalité, entraînent un mimétisme de
comportement de plus en plus fréquent dans les quartiers pour longues
peines des Maisons d'Arrêt, mais aussi des Centrales. Prétendre
imposer une discipline presque militaire à ces populations
déjà très éloignée des principes
disciplinaires, se heurte à la simple réalité de la
massification de la population carcérale et à sa mutation.
D'autre part, les expériences de la discipline
pénitentiaire et de l'application de ses sanctions montrent que certains
individus réfractaires finissent par la pervertir. Pour illustrer ceci,
prenons un exemple plus fréquent qu'a priori
imaginable. Un détenu, après plusieurs infractions de
première ou de deuxième catégorie au règlement, ou
quelques unes de troisième, voit tous ses privilèges et son
crédit de réduction de peine épuisés. Une nouvelle
infraction, comme des insultes ou des menaces envers un personnel de
surveillance, le conduit en quartier disciplinaire (Q.D.). Après
quelques jours en Q.D., le prévenu en question simule un suicide. La
simulation est prise pour une tentative réelle de suicide par le
personnel de surveillance qui fait venir le médecin psychiatre de la
prison. Celui-ci conclut à l'incompatibilité de l'isolement avec
la santé et la sécurité du détenu. Ce dernier peut
alors regagner sa cellule d'origine. Il devient le champion de son étage
pour avoir défié l'autorité des personnels de surveillance
et s'en sortir à très bon compte. Il ne peut plus être
soumis à des sanctions disciplinaires puisqu'elles ont toutes
été épuisées, jusqu'à la plus importante de
toutes, le Q.D., qui ne peut plus lui être appliqué pour lui
être trop dangereux. L'administration pénitentiaire devient
particulièrement démunie envers ce détenu puisqu'elle n'a
plus de moyen de coercition. Le rapport de force qui a tourné en la
défaveur de l'autorité disciplinaire peut alors créer un
climat de défiance généralisé à son encontre
dans le couloir du dit détenu, puis dans son étage, et enfin
jusqu'à l'établissement. Voilà un type de perversion du
système disciplinaire carcérale qui peut générer de
l'insécurité plutôt que la sécurité entre ses
murs.
§ 2 Rendre plus
sûre la société
Nous l'avons vu, la première mission de la prison est
la sécurisation de la société par l'isolement du
détenu. Mais incidemment, et pour maximiser l'efficacité
carcérale, l'emprisonnement devrait observer une autre mission
pénale, la dissuasion. Une dissuasion qui s'adresse à ceux qui
sont déjà dans ses murs, c'est une dissuasion de la
récidive, une discussion personnelle, et à ceux qui n'y sont pas
encore, c'est la prévention de la primodélinquence ou de la
primocriminalité, une dissuasion générale. Pour l'une
comme pour l'autre la prison a deux visages. Elle peut être
particulièrement dissuasive (A/), mais aussi criminogène (B/) ce
qui en fait l'ennemi de sa mission.
A/ Une prison qui peut dissuader du crime
Comme le disait déjà notre maître à
tous le Marquis Cesare Bonesana BECCARIA il y 250 ans « le but
des châtiments n'est autre que d'empêcher le coupable de nuire
encore à la société et de détourner ses concitoyens
de tenter des crimes semblables. Parmi les peines et la manière de les
infliger, il faut donc choisir celle qui, proportion gardée, doit faire
l'impression la plus efficace et la plus durable sur l'esprit des hommes et la
moins cruelle sur le criminel. »16(*)
L'homme qui est déjà en prison aura
succombé, comme le définissent les psychologues, à la
satisfaction déraisonnable d'une pulsion. Françoise DOLTO nous
explique que cette pulsion doit subir une « castration
symboligène »17(*) pour être réfrénée et
refaire émerger l'interdit. Une castration qui passe par la suppression
d'un élément de l'humanité du sujet, par la
création d'un manque. C'est à ce stade que peut intervenir la
prison pour prévenir de la récidive. En créant un manque,
la privation de liberté, la prison ce lie intimement dans le psychisme
du criminel avec sa pulsion : son crime. Dans la théorie
Freudienne, ce manque fera écho à l'enfance du déviant qui
le liera dans son surmoi, ce que Freud considère comme
« l'instance judiciaire de notre psychisme », avec
les autres expériences de privation et de justice qui ont
été favorables, ou non, au sujet.
Une fois cette théorie posée, il nous faut la
confronter à la réalité de la population carcérale.
Déjà en 1955, Etienne De GREEFF, criminologue belge qui fut
médecin-anthropologue à la prison centrale de Louvain pendant
plus de 30 ans, présentait les récidivistes en ces
termes :
«De la longue expérience que j'ai eue à
Louvain vers cette époque, je crois pouvoir conclure que, parmi les
détenus qui entrent en prison pour la première fois, il y en a
environ 30% qui ne recommenceraient pas, même si on n'exerçait sur
eux aucune rééducation. Ce sont ces détenus-là qui
sont tout indiqués pour les prisons modèles! Quoi qu'on fasse,
les résultats seront excellents. Il faut une sanction sans doute,
puisque la société a ses exigences, mais on est certain qu'ils
évolueront bien. Les établissements modèles donneront donc
en général de bons résultats, même si on dispose
d'aucune méthode; ils font naturellement l'admiration des
visiteurs.
D'un autre côté, il y aura, selon les
groupes, de 20 à 45% de récidivistes, et ces chiffres sont
sensiblement les mêmes dans tous les pays. C'est dire que, là
où il y a quelque chose à changer, on se trouve toujours dans la
même impuissance et la même ignorance. L'existence des prisons
spéciales pour récidivistes ne change rien à
l'échec.
Il reste donc environ 30 à 35% de sujets pour qui
l'avenir est susceptible d'être influencé par la prison, et pour
qui on peut faire quelque chose: leur apprendre à lire, leur apprendre
un métier, leur apprendre la responsabilité de leurs actes
journaliers, les traiter psychologiquement et médicalement s'il y a
lieu.»18(*)
Ce constat repris, confirmé, et mis à jours
depuis par le Centre d'Etudes Sociologique sur le Droit et les Institutions
Pénales (CESDIP) dans leur étude QUELQUES REMARQUES À
PROPOS DE LA RÉCIDIVE, ainsi que par le colloque
« Récidive et récidivistes : de la Renaissance au XXe
siècle » de l'International Association for the History of
Crime and Criminal Justice qui a eu lieu à Genève, du 6 au 8 juin
2002 , nous donne un premier aperçu des limites empiriquement
observables des centres pénitenciers actuels. Certes ces études
ne catégorisent pas délinquants et criminels, c'est pourquoi,
pour notre étude, nous devons l'observer au travers des chiffres
d'Infostat Justice, numéro de juillet 2001. Cette étude
révèle que la récidive est d'en moyenne 30% pour les
délits (période d'observation de 5 ans), et d'en moyenne 4,5%
pour les crimes (période d'observation de 18 ans). Sur la population des
récidivistes criminel presque 50% des meurtriers avaient
déjà tué, 80% des violeurs avaient déjà
violé, et 90% des voleurs (vols aggravés) avaient
déjà volé. Ce qui signifie, d'une part, que près de
95% des condamnés pour crimes ne retourneront pas en prison, mais,
d'autre part, que pour les récidivistes, le taux de reproduction des
infractions à l'identique est très significatif. Depuis 2001
seulement 2003 et 2004 ont fait l'objet d'une statistique. En 2003, le taux de
récidivistes pour les condamnations criminelles était de 2,5%,
dont 1,8% d'auteurs de même crime. En 2004, cette statistique passait
à 3% de récidivistes dont 2,4% d'auteurs à l'identique.
Globalement, nous pouvons estimer qu'un criminel
déjà condamné a 95% de chance de ne pas être
recondamné. Connaissant la suspicion des forces de l'ordre envers ces
populations, nous pouvons presque dire que les criminels ayant purgé
leur peine ont globalement 95% de chance de ne pas récidiver.
Concernant la dissuasion a priori des potentiels
criminels, la mesure d'efficacité est délicate. En effet, il faut
mettre en perspectives plusieurs chiffres. Si on prend le seul 5% de
récidivistes évoqués ci-dessus, a contrario il y
aura 95% de primocriminels. La dissuasion peut être
considérée comme médiocre à la lumière de ce
seul chiffre. Mais complétons-le par d'autres données. Tout
d'abord, prenons les volumes d'affaires criminelles et leur conclusion
pénale:
Données de la justice pénale pour les infractions
criminelles et leurs poursuites19(*)
|
Année
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Nombre d'affaires qualifiées de criminelles au
début de l'instruction
|
6923
|
7373
|
7945
|
8757
|
7830
|
Nombre de renvois devant la Cour d'Assise
|
2750
|
3021
|
3251
|
3706
|
3670
|
Nombre de condamnations criminelles
|
3262
|
3117
|
3174
|
3264
|
3232
|
A la lecture de ces chiffres, il apparaît que le nombre
de condamnations criminelles est en stagnation sur les cinq dernières
années et qu'en moyenne l'instruction et le renvoi devant une cour
d'assise des affaires criminelles est dans une pente ascendante. Donc,
globalement, on ne constate pas une diminution de la criminalité dans
notre pays sur les cinq dernières années. Par conséquent,
bien que la prison n'en soit pas la seule coupable, l'arsenal de
prévention ou de dissuasion perd, ou au moins ne gagne pas, en
efficacité.
En se penchant plus particulièrement sur les peines de
réclusion criminelle20(*) :
Années
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
Condamnations à la réclusion criminelle
|
1496
|
1179
|
1348
|
1355
|
1243
|
1198
|
1242
|
L'évolution dans le temps, relativement stable, de ces
condamnations, montre que l'utilisation qui est faite de la prison n'a qu'une
incidence négligeable sur la dissuasion de futurs criminels.
Un dernier chiffre pour corroborer cette idée, dans une
étude de l'INSERM, diligentée par les Ministère de la
Santé et de la Justice en 2002 sur L'ETUDE ÉPIDÉMIOLOGIQUE
SUR LA SANTÉ MENTALE DES PERSONNES DÉTENUES EN
PRISON21(*), il est
rapporté que 29% des prisonniers français avaient eu
« un proche familial » condamné à une peine
de prison.
Cependant, et pour être tout à fait complet, un
dernier chiffre est absent des études, et par nature très
difficile à évaluer : celui du nombre d'individus n'ayant
pas commis un crime par crainte de la prison. Bien sûr, nombreux, pour ne
pas dire tous, sont nos concitoyens à avoir des pulsions criminelles,
c'est dans la nature humaine. Mais beaucoup se dissuadent de passer à
l'acte, et la prison n'est certainement pas étrangère à
cette décision. C'est pourquoi ce chiffre ne figura pas non plus dans
cette étude comme dans les autres, mais malgré son absence, il ne
doit pas être oublié.
B/ Une prison qui encourage au crime
Pour certains philosophes ou penseurs du droit pénal,
plus qu'imparfaite dans le traitement de la récidive, la prison serait
un facteur de croissance de la criminalité, une école du crime.
Les plus hautes autorités républicaines semblent avoir
été conquises par cette idée. Notre ancien Ministre de la
Justice s'en faisait même l'écho en reprenant littéralement
cette expression dans un célèbre hebdomadaire
français22(*).
Mais cette idée, si bien partagée, est-elle un
parti pris d'élites bien pensantes, ou une réalité
sociale ? Les recherches entreprises pour ce travail nous montrent que
cette affirmation est ancienne23(*) mais scientifiquement très mal
étayée. Ce postulat semble émerger d'un constat empirique
que l'inconscient collectif aurait fait et que chacun peu refaire, mais que
très peu ont déjà mesuré. La plupart des
études scientifiques publiques sur l'emprisonnement et la
récidive ont été menées dans le dernier quart du
XXème siècle, mais la quasi-totalité de ces études
sont l'oeuvre d'anglo-saxons ou d'équipes canadiennes. Le cas
français est donc très peu cité, et des études
spécifiques sur une hypothétique
criminogénéité des peines criminelles semblent
inexistantes. Cependant une métha-analyse des recherches entreprises sur
la relation emprisonnement-récidive a été faite en 1999.
L'INCIDENCE DE L'EMPRISONNEMENT SUR LA RÉCIDIVE de Paul
GENDREAU, Claire GOGGIN (Centre d'études sur la justice pénale
Université du Nouveau-Brunswick) et Francis T. CULLEN
(Département de la justice pénale Université de
Cincinnati)24(*), regorge
d'informations sur lesquelles nous allons nous appuyer pour la réflexion
qui va suivre. En partant du principe que les peines de prisons sont
exécutées dans leurs grands principes, et sur la même
période, de façon identique, en France comme dans les pays
cités dans cette étude, acceptons de décalquer leur
conclusion sur notre population carcérale criminelle française.
Ces conclusions sont assez simples. Après avoir confronté une
cinquantaine d'études différentes portant sur une population de
plus de 300.000 délinquants, les auteurs déclarent dans un
résumé de cette étude sur le site du ministère de
la sécurité publique du Canada25(*) : « on n'a établi aucun
lien entre des peines de longue durée et la réduction de la
récidive. En fait, il semblerait plutôt que ce soit le contraire :
les longues peines étant associées à une augmentation de 3
% de la récidive. ». Certes, cette étude se base
sur des populations délinquantes, mais qualifie de longue peine les
peines supérieures à 2 ans. Or, les peines criminelles,
auxquelles nous nous intéressons ici, sont généralement
supérieures à ces 2 ans. D'où la conclusion, qu'il reste
à corroborer par une étude spécifique aux longues peines
criminelles françaises, que la prison serait, pour la population
générale carcérale, un facteur d'accroissement de la
récidive, et en particulier pour les longues peines.
Pour l'expliquer les psychologues américains BUKSTEL et
KILMANN estiment, après avoir compilé plusieurs études,
que les détenus exercent les uns sur les autres une « influence
manifestement déterminante » qui se traduit par un renforcement de
différents comportements antisociaux26(*). Ce qui pour nous revient à dire
que le contact entre deux criminels exacerbe leur criminalité, soit en
la flattant par le récit de leurs « exploits », soit
en échafaudant de nouveaux desseins criminels pour le temps qui suit
leur libération, ou bien encore parce que le criminel est souvent seul
à sa sortie et que les seuls réseaux sociaux qui lui reste et sur
qui il peut compter sont les connaissances de la prison.
De plus, un ancien phénomène semble être
remis peu à peu au goût du jour. L'incarcération redevient
un rite de passage dans les bandes organisées. Stanley WILLIAMS est
aujourd'hui un condamné à mort qui patiente dans les geôles
de San Quentin en Californie. Il est le créateur d'un gang meurtrier
tristement célèbre, « le Cribs ». Mais depuis
son incarcération, Stanley WILLIAMS a changé. Il lutte
maintenant, depuis sa cellule, pour éloigner les jeunes gens des gangs
de quartier. Il est l'auteur de plusieurs livres sur les gangs et sur son
propre parcours, qui s'adresse à la jeunesse. Il est
considéré par beaucoup comme un spécialiste dans le
domaine des gangs, et a été mis à contribution pour que
des paix soient signées entre les gangs de la côte Ouest27(*). Parmi les idées fortes
qu'il défend dans ses ouvrages, il dissuade énergiquement les
membres des gangs de considérer la première incarcération
comme un rite de passage pour être accepté du groupe, ou pour
entrer dans la vie adulte. La crainte de nombreux observatoires ou
autorités françaises concernant la structuration de ces gangs de
banlieue calqués sur le modèle américain28(*), est que, dans un futur
proche, ce phénomène de rite d'initiation ne se développe
que plus en France. Les prémices de ce glissement sont
déjà là, notamment dans les quartiers mineurs des
prisons ; ou plutôt à leur sortie des centres
pénitentiaires, lorsque les libérés sont gratifiés
d'un « Tu es un homme maintenant ! ».
Chapitre 2 : Un
échec, une seule prison pour tous les dangers
Comme nous l'avons déjà évoqué, il
est périlleux de parler des 60.698 détenus qui sont dans les
prisons françaises29(*) comme d'un ensemble cohérent. Ce constat est
aussi vrai dans la population criminelle. Une distinction dans cette population
que nous avons déjà évoquée nous démontre
que moins de 5% de criminels vont récidiver un jour. Cependant, ces
criminels sont les plus dangereux. On y retrouve les meurtriers ou violeurs en
série, les têtes pensantes de réseaux criminels ou encore
les criminels aux motifs politiques. Nous verrons que ces criminels se divisent
en deux catégories pour lesquels la prison, telle qu'elle existe
aujourd'hui, n'est pas une réponse satisfaisante à la
nécessaire sécurité de notre société. D'une
part, il y a une criminalité organisée, structurée, qui
agit par conviction ou par nécessité. C'est une
criminalité que l'on pourrait qualifier de réfléchie, de
raisonnée (Section 1). D'autre part, il y a une criminalité des
pulsions. Certains membres de cette criminalité n'y sont entrés
qu'à la suite de circonstances très exceptionnelles. Mais
d'autres en font inexorablement partie du fait de leurs pathologies
psychiatriques (Section 2).
Section 1 : La prison
et la criminalité de raison
La criminalité peut revêtir de nombreuses formes.
Elles semblent toutes être aussi vieilles que le monde, ou tout du moins,
que les Hommes qui le parcourent. Parmi celles-ci nous pouvons distinguer un
premier ensemble qui fait appel au raisonnement de l'auteur de l'infraction.
Cette partition se décline entre la criminalité crapuleuse,
vénale, justifiée par une recherche d'argent (§1) et une
criminalité plus idéologique, guidée par une pensée
dogmatique ou politique visant le plus souvent à déstabiliser les
pouvoirs publics (§2). Or, la prison n'a pas forcément la
même incidence sur les populations de la première catégorie
ou de la seconde.
§ 1 La
criminalité crapuleuse
Dans une étude d'octobre 2002, le Ministère de
la Justice de l'Etat Canadien, division de la recherche et de la statistique,
se penchait sur les « crimes motivés par l'appât du
gain »30(*).
Cette typologie, bien qu'étrangère, est
très proche de ce qui pourrait être fait sur la criminalité
française au sens de notre code pénal. Pour les rassembler, les
éléments constitutifs de ces infractions ont principalement trois
choses en commun : une infraction qui est commise en sachant très
bien, de la part de l'auteur, son caractère d'interdiction ; la
motivation pécuniaire qui pousse à la réalisation de
l'infraction ; une partie préparatoire importante dans l'iter
criminis de l'infraction, qui ne serait inexistante que dans des cas
très exceptionnels.
Dans la majorité des profils, hormis les cas des
complices dont on a abusé des faiblesses, l'auteur de ces infractions va
être un individu réfléchi, qui va répondre à
un désir de richesses, souvent démesuré, qu'il aurait,
potentiellement, pu satisfaire par une voie légale, mais auquel il va
répondre par une méthode qu'il sait illégale, et ce, par
facilité, par impatience ou par vice.
Tous ces éléments sont à prendre en
compte dans la portée qu'aura la prison pour ce genre d'individu.
Puisqu'ils ont agit dans un raisonnement cohérent, la période
carcérale doit servir à remettre en cause ce raisonnement,
à le corriger, pour le rendre acceptable au regard des règles
sociales de notre vie en communauté. Deux modes de corrections
possibles : soit le sujet change de point de vue et finit par
considérer son comportement comme moralement, au vu de ses propres
valeurs, inacceptable et qu'il mérite donc d'être
sanctionné, c'est une vision expiatoire qui a été
renforcée par la tradition religieuse chrétienne
occidentale ; soit l'expérience de la sanction crée un
souvenir douloureux (la castration-symboligène que nous évoquions
précédemment) qui resurgira lors de la préparation de
futures infractions, et qui contrebalancera le désir de richesse.
Le fait est que la population qui répond le moins bien
à l'expérience pénitentiaire est ce groupe de criminel
motivé par l'argent. Le tableau ci-dessous31(*) rappelle, pour 2004, la part
des récidivistes selon l'infraction criminelle.
Or, les taux les plus importants de récidives sont dans
la catégories Vols, recels et destructions aggravés (autour de 9
% de récidivistes). A cela, il peut être rajouté les
Trafics de stupéfiants et autres trafics, ou encore les
homicides volontaires commis dans le but de protéger une
activité économique interdite, mais rentable.
Si le criminel commet plus souvent une infraction liée
à la recherche de gains, bien qu'il soit déjà passé
en prison, que d'autres infractions plus pulsionnelles comme le viol, c'est que
la sanction pénale telle qu'elle existe aujourd'hui est moins bien
adaptée pour prévenir ce type d'infraction que pour les autres.
Les hypothèses qui peuvent être avancées pour expliquer
cette moins bonne efficacité peuvent découler tant de la
période passée en prison, que de l'après prison. En effet,
cette criminalité étant fondée le plus souvent sur des
réseaux, la stimulation de ces réseaux par la promiscuité
carcérale aura une incidence négative sur le potentiel avenir du
détenu. D'autre part, ces individus entretenant un rapport bien souvent
passionnel à l'argent ou aux richesses, peuvent vivre encore plus mal
que les autres la période de paupérisation qui suit
régulièrement une sortie de prison. Le manque d'argent aura une
plus forte tendance à stimuler leur envie de récidiver.
Alors, certes, nous raisonnons sur des taux de presque 10% de
récidivistes et sur des populations de moins d'une centaine d'individus
par an, cependant, ces taux et ces populations s'additionnent chaque
année, et dans la tranche la plus basse d'estimation, leurs infractions
représenteraient une année entière de criminalité
tous les 30 ans environ.
§ 2 La
criminalité idéologique
A coté de la criminalité
précédente, avec qui elle est très souvent liée
puisqu'elle en retire la plupart de ses moyens financiers, il existe une
criminalité d'opinion. Non pas que les opinions que défend cette
criminalité soient criminelles par elles-mêmes, mais plutôt
que les méthodes employées pour les défendre le soient
totalement. Deux grands ensembles se détachent dans cette
catégorie : les mouvements séparatistes et
indépendantistes (A/) et les mouvements politiques
révolutionnaires ou anarchistes (B/). Rien qu'en France, ont
été recensés depuis 1945 plus d'une soixantaine de
mouvements indépendantistes ou révolutionnaires utilisant les
armes pour appuyer leurs revendications32(*). La palme revient à la Corse avec une
quinzaine d'organisations, dont la plupart sont toujours existantes.
A/ La criminalité des mouvements
indépendantistes
Prenons l'exemple le plus mobilisé en France : le
cas Corse. Les mouvements indépendantistes corses militent pour le
soutien ou la libération de près de cinquante prisonniers ou sous
le coup d'une mesure d'aménagement de peine, au motif qu'ils participent
à une lutte politique, et donc que leur détention est
politique33(*). Or, parmi
ces condamnés, ou prévenus pour certains, nombreux sont ceux
liés à des attentats terroristes ou à des meurtres sur
l'île de beauté ou sur le continent. Leur engagement dans la lutte
armée serait légitimé par une décision prise le 15
juillet 1755 par des amis du Général Paoli, que " si des
troupes de quelque puissance que ce soit, sans exception ", venaient en
Corse pour combattre, il y serait opposé " la force à la
force ", même au prix du sacrifice de toute la nation. De plus,
cette déclaration décrète également " une
guerre perpétuelle " à la République de Gênes
et " à toute puissance qui l'assurerait de sa protection ",
c'est-à-dire à la France, entre autre.34(*)
En se basant sur cette idéologie, les actes accomplis,
dans le but de « libérer » la Corse, deviennent
légitimes. Cette légitimité autorise, pour certain,
l'utilisation de moyens violents et interdits par loi. Une loi qui est par
ailleurs bien connue des auteurs de ces violences. Pour s'en convaincre il
suffit de lire la devise de Unita Naziulale sur leur site Internet :
« La Lutte de Libération Nationale, c'est
l'occupation constante de tous les terrains qui concernent la Lutte
Institutionnelle, la lutte de masse et la lutte
armée »35(*)
Il serait déraisonnable de penser que la prison
changera leur avis en leur faisant aimer la République. Leur
détermination semble les encourager à endurer des années
de prison pour le bien de leur cause, et pour l'avènement d'un
résultat qu'ils ne verront très certainement jamais. Que faire
alors ? Ces condamnés ont une propension à récidiver
qui est à la hauteur de leur détermination. Parfois cette
dernière s'érode avec le temps, finit par se lasser, mais elle
reste souvent une compagne de toute une vie. La prison n'est alors pas la
meilleure solution pour se prémunir de leur récidive, mais y en
a-t-il une autre ?
Récemment, en février dernier, Philippe BIDARD
est sorti de prison, au bénéfice d'une libération
conditionnelle, après dix-huit ans de détention. Le chef
historique du mouvement indépendantiste basque armé Iparretarrak
avait été condamné à la réclusion criminelle
à perpétuité pour le meurtre de deux CRS et d'un gendarme.
A sa sortie de prison, il brandissait fièrement le drapeau basque et
déclarait ne rien regretter de ses actions. Les presque vingt ans
passés dans les prisons de France ne lui auront pas fait condamner les
actions criminelles. Il s'est empressé de déclarer : «
Comme Iparretarrak le disait, il faut que le Pays basque puisse vivre
». Un propos qui a fait menacer le Garde des Sceaux de
l'époque, Pascal CLEMENT, de poursuivre Philippe BIDARD pour apologie de
crime justifiant sa démarche en ces termes : « S'il
considère que sa cause passe par tous les moyens y compris des moyens
criminels, à ce moment-là il pourrait être condamné
à revenir en prison pour apologie du crime », avant d'ajouter
qu'il était « profondément choqué » que
Philippe BIDART n'ait eu aucun mot « de compassion pour les familles
des victimes »36(*).
Un cas un peu exceptionnel est cependant à signaler
dans les organisations indépendantistes. Jean-Gabriel MOUESCA,
aujourd'hui président de la section française de l'organisation
internationale des prisons et qui a accepté de me parler quelques
minutes en préparation de ce travail. Ancien militant
indépendantiste basque du groupe Iparretarrak, il est
arrêté en 1984 suite à une fusillade ayant causé la
mort d'un gendarme. Il s'évade en 1986, puis est repris six mois plus
tard. Il finit par se résigner et « lutte »
désormais depuis l'intérieur de sa prison. Il y lit beaucoup,
passe son bac et y fait des études de droit. Lors de sa
libération, il s'engage dans un nouveau combat, le soutien des
prisonniers. Pourquoi a-t-il changé ? Il répond que
finalement il n'a pas tellement changé et lutte toujours pour ce qui lui
tient à coeur !
La criminalité indépendantiste reste dans sa
grande majorité insensible au risque pénal lié à
ses actions. Cependant, les Hommes changent, et l'espoir d'une nouvelle vie
peut encourager des terroristes à abandonner les armes. Mais dans ces
cas très rares, la prison y est-elle pour quelque chose ?
B/ La criminalité des mouvements
idéologiques
Comme ce peut être le cas pour les mouvements
indépendantistes, les mouvements politiques ou dogmatiques basent leurs
actions sur la détermination de leurs participants à se
dépasser pour leurs causes, à se sacrifier parfois. Ces
mouvements peuvent être politiques, dogmatiques ou religieux. Ils basent
leurs actions sur le même postulat : la société, ou un
groupe de personne, ne sont pas conforment à leur idéal de
communauté humaine. Ils considèrent que l'existence de certaines
formes d'organisation de société ou la présence de
certains groupes, dans les circonstances actuelles, leur est dangereuse, ou
dangereuse pour leurs proches. Ces mouvements extrémistes peuvent
accepter toutes les idéologies : d'extrême gauche ou
d'extrême droite, affiliée à une religion ou en combattant
une autre.
Pour prouver l'inefficacité de la prison sur certains
condamnés politiques, il suffit d'observer le devenir des membres de
l'ancien groupe extrémiste « Action Directe ».
Joëlle AUBRON n'a jamais présenté de mot d'excuse ni de
repentir sur ses actions37(*). Elle est décédée en mars 2006.
Jean-Marc ROUILLAN, encore emprisonné, lui non plus ne renie rien
à propos de son combat ni de ses méthodes38(*). Les autres membres de ce
groupe ne se sont pas publiquement exprimés sur ces questions.
Mais cet exemple est pris parmi d'autres illustrations des
folies idéologiques que l'on place en prison, mais dont on peut
être septique de l'impact dissuasif que pourrait avoir cette
incarcération. Rien que pour cette année, que penser des
profanations des tombes juives dans le cimetière de Lille en Avril
dernier ? Ce petit jeu raciste semble jouer un nouvel épisode
chaque année, alors que presque chaque année les auteurs de ces
actes sont identifiés et condamnés sous l'oeil des caméras
de télévision. La publicité faite à ces crimes
racistes semble plus propager l'idée, que la dissuader. Que penser
encore des menaces d'actes terroristes du groupe des Brigades Abou Hafs
al-Masri, proche de la nébuleuse Al-Qaïda,
proférées le 16 mai 2007 suite à l'élection du
« sioniste » Nicolas SARKOZY ? Le risque de la prison
va-t-il les dissuader d'agir alors que les membres de ces organisations sont
prêts à condamner leur vie pour arriver à leurs
fins ?39(*)
Là encore, la prison semble être une prison bien
imparfaite. Elle semble être limitée dans sa mission de dissuasion
au crime. Cependant, les actions de ses groupes ne sont pas en nombre
démesurément élevées, mais leurs retentissements
médiatiques créent un climat délétère dans
la population entraînant des conséquences économiques
néfastes, et poussant les citoyens à radicaliser leur
pensée pour retrouver un forme de sécurité, nuisant ainsi
à la philosophie portée par nos Républiques depuis plus de
200 ans maintenant.
Section 2 : La prison
et la criminalité psychiatrique
La justice, succombant à un appel de plus en plus
pressant de la population, envoie les criminels considérés comme
dangereux en prison, alors que leur cas relèverait plutôt de la
psychiatrie. Le fait est que depuis une trentaine d'années maintenant,
depuis l'abolition de la peine de mort, et sans doute quelques années
avant, les criminels multirécidivistes ou particulièrement
cruels, psychiatriquement malades mais totalement dangereux, qui auraient subi
auparavant la peine capitale, sont aujourd'hui condamnés à de
longues peines d'emprisonnement. Pour ces criminels aussi se pose la question
qui nous est récurrente maintenant : une peine de prison leur
sera-t-elle utile ? Pourra-t-elle être utile à la dissuasion
de ceux qui pourraient commettre un crime similaire ? Pour répondre
à ces deux questions nous allons voir qui sont ces criminels dits
dangereux (§1), et quel sort leur réserve la
prison (§2).
§ 1 Criminel et
dangereux40(*)
Criminel dangereux est une expression qui peut passer, au
premier abord, pour un pléonasme. En effet, le criminel est dangereux
par nature, sinon il ne ferait pas l'objet d'une privation de liberté
pour protéger la société de ses agissements. Cependant, le
critère de dangerosité, pour qualifier un criminel, est
utilisé tant dans la science pénale que dans les travaux relatifs
à la santé mentale pour développer une autre dimension
plus précise. Voici la définition assez exhaustive qu'en fait
Michael PETRUNIK :
« La dangerosité, qu'on appelle aussi
l'état dangereux, est une notion utilisée depuis longtemps, dans
le système de justice pénale et dans les lois en matière
de santé mentale, pour caractériser les individus
présentant un risque grave de causer des dommages physiques,
psychologiques ou moraux à leur propre personne ou à autrui. La
notion de dangerosité comporte plusieurs caractéristiques
importantes. Premièrement, elle ne s'applique pas aux actes ou aux
omissions qui entraînent des dommages, mais à leurs auteurs.
Deuxièmement, elle renvoie à certains actes
présumés dommageables plutôt qu'à l'ensemble des
actes de cette nature. Le plus souvent, les individus jugés dangereux
sont ceux qui ont commis des infractions sexuelles, plus
particulièrement contre des enfants. Il est moins fréquent que
l'on considère comme délinquants dangereux les individus ayant
commis d'autres types d'infractions, comme les incendies criminels ou le
terrorisme politique. Troisièmement, on entend par dangerosité un
état qui prédispose un individu à commettre des actes
dommageables. Ce sont les caractéristiques personnelles d'un individu
plutôt que les situations pouvant provoquer ce genre d'actes qui sont
considérées comme la cause du danger. Quatrièmement, la
notion de dangerosité s'applique davantage à l'avenir qu'au
passé. Le passé d'un individu présente un
intérêt dans la mesure où il permet de prévoir et de
maîtriser son comportement futur. »
Ce critère de dangerosité a donc tendance
à renvoyer le criminel dans le champ psychiatrique et de la folie. Mais
la psychiatrie aurait tendance à vouloir s'en débarrasser. Par
crainte des conséquences de leur difficile encadrement sans doute. Pour
preuve ce mot de Philippe PINEL, considéré comme le père
de la psychiatrie française :
« les fous sont des malades et non des
pêcheurs ou des débauchés ; et qu'il ne faut surtout
pas les confondre avec les criminels 41(*)»
Ces individus, considérés comme trop fous pour
certains et certainement trop dangereux pour les autres, sont donc
« une patate chaude »42(*) que se renvoient juristes et psychiatres depuis
près de 200 ans. Mais en faisant ces allers-retours entre
professionnels, ils finissent par se légitimer les uns les autres,
là où nous aurions pu attendre qu'ils se discréditent
mutuellement. L'expert psychiatre légitime une folie suffisamment
responsable pour aller en prison ; et les juristes légitiment un
placement en hôpital psychiatrique non tempora, pour les cas
les plus atteints.
Très pratiquement, le législateur ou les
tribunaux retiennent certains critères liés à la
dangerosité pour justifier leurs décisions. Ainsi, parmi les
éléments qui caractérisent le criminel comme dangereux, il
y a le passage à l'acte qui est incompréhensible d'après
les critères communs d'individus sains d'esprit. Cet
élément sera notamment utilisé dans la
célèbre affaire du double homicide commis par les soeurs PAPIN
pour suralimenter l'atrocité, déjà très fournie, de
leur crime sur les personnes de leurs patronnes43(*). Rien ne laissait supposer que les soeurs PAPIN
allaient tuer leurs employeurs en leurs arrachant les yeux et en finissant par
les massacrer avec un marteau et un couteau. LACAN en fera des criminelles
victimes d'une psychose paranoïaque soudaine.
Il y a, par ailleurs, dans la même recherche d'une
justification des prises de position en matière pénale, la
caractérisation d'actes moralement réprimés par la
société parce que leur pratique inspire majoritairement du
dégoût et de la répulsion. Anciennement les
sorcières et les possédés par le démon, plus
traditionnellement les pédophiles et les multirécidivistes
(meurtriers en série par exemple) se trouvent catalogués dans
cette rubrique des criminels dangereux. Mais ce classement ne suffit pas
à la soif de comprendre de nos sociétés
cartésiennes. C'est pour cela qu'elles s'adressent à nouveau
à la science psychiatrique afin qu'elle trouve une réponse
scientifique, une méthode systématique, pour isoler les criminels
dangereux et fous. C'est là l'origine de l'irresponsabilité
pénale (122 - 1 à 122 - 8 du code pénal).
Mais cette science peine à parler d'une seule voix. Le
meilleur exemple porte sur les critères retenus pour caractériser
cette irresponsabilité pénale. Un rapport du Conseil National des
Barreaux de juin 2004, qui intervient dans le cadre d'une consultation faite
par le Garde des Sceaux sur une éventuelle modification des
règles juridiques qui encadrent l'irresponsabilité pénale,
rappelle notamment que « l'évolution actuelle [de la
doctrine médicale] tend à considérer que la
responsabilité serait une chance pour le malade mental et que le
procès pénal aurait une vertu
thérapeutique... »44(*). En somme, un irresponsable doit être reconnu
coupable dans sa pleine responsabilité parce que cela aurait pour vertu
de commencer à le traiter. Cela justifie sûrement que les juges ne
retiennent l'irresponsabilité pénale que dans seulement 0,05% des
affaires criminelles alors que dans le même temps Monsieur Hugues
BERBAIN, directeur adjoint de l'administration pénitentiaire au
Ministère de la Justice auditionné par le Sénat dans le
cadre d'un rapport intitulé Les délinquants dangereux
atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la
société et une meilleure prise en charge médicale ?,
interpellait les autorités sur la situation critique de la psychiatrie
en prison. Il rappelait que « selon la première
étude épidémiologique sur la santé mentale en
prison conduite en 2003, 35 % des détenus avaient fait l'objet d'un
suivi psychiatrique avant leur incarcération, 80 % présentaient
un trouble psychiatrique en prison et 24 % un trouble
psychotique ».
De plus, le nombre de placement d'office en hôpital
psychiatrique est passé de 1.191 en 2001 à 1.666 en 2005, avec un
pic à 2.015 en 2004. Alors, soit les détenus deviennent
massivement fous en prison, ce qui est vrai pour certains, soit leurs troubles
psychiatriques ne sont pas totalement pris en considération lors du
jugement.
§ 2 Criminel,
dangereux et en prison.
Puisque nous l'avons vu précédemment, les cas
psychiatriques incarcérés dans nos prisons sont nombreux, il nous
reste à voir comment ils vivent leur incarcération et leur sortie
de prison.
Le Sénat, dans un rapport de juin 200645(*) faisait le constat
suivant : « La France dispose d'un cadre légal et de
dispositifs judiciaires et sanitaires lui permettant, en principe, de traiter
la dangerosité criminologique comme la dangerosité psychiatrique.
Cependant, en pratique, l'organisation du système français
produit une situation paradoxale : les personnes dangereuses atteintes de
troubles mentaux sont en majorité prises en charge par le système
pénitentiaire. Cette situation n'est pas satisfaisante à un
double titre. D'une part, du point de vue de la santé de
l'intéressé, l'univers carcéral ne constitue pas le cadre
le plus propice pour favoriser la réduction, à terme, des
pathologies ; d'autre part, du point de vue de la sécurité de la
société, la durée de la peine n'est pas
nécessairement en phase avec l'évolution de la dangerosité
de la personne. »
Un constat très sévère. Tout d'abord la
prison redevient celle qu'elle était au XIXème
lorsqu'elle devait garder tout ceux dont personne ne voulait, et en particulier
ceux que l'on qualifiait à l'époque, et qui est resté dans
le langage populaire, de fou dangereux. De plus, toujours pour ce rapport, la
prison, non seulement n'améliore pas la santé mentale de ces cas
psychiatriques, mais elle aurait tendance, du fait de la temporalité
établie de la peine, à les remettre dans la société
alors qu'ils sont encore reconnus comme dangereux pour la
société.
Concernant le déroulement de leur détention,
les détenus qui acceptent de reconnaître la
nécessité d'être aidé, pourront être suivis
par des structures d'accompagnement pénitentiaire, bien souvent
imparfaites, mais qui ont le mérite d'exister. Un projet
d'accompagnement pourra leur être préparé par les
personnels d'un des services ambulatoires de psychiatrie implanté dans
les centres pénitentiaires, ou, pour les cas plus graves, au sein de
l'un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux qui
sont animés par une équipe pluridisciplinaire associant
psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux et travailleurs
éducatifs. Ces services exercent principalement trois missions :
recevoir systématiquement toutes les personnes arrivant dans
l'établissement pénitentiaire d'implantation, assurer le suivi au
cours de l'incarcération et préparer la mise en place du suivi
postpénal.
Pour les détenus dangereux, que se soit pour les autres
détenus ou membres de l'administration pénitentiaire, ou pour
eux-même, mais récalcitrant à un traitement, il existe des
unités d'hospitalisation d'office dans lesquels sont déjà
placés les personnes déclarées irresponsables lors de leur
procès pénal. Le principal problème de ces unités
est leur insécurité. On a dénombré 44
évasions de ces unités en 2004 et 47 en 2005. Voici donc l'ultime
paradoxe du traitement des détenus dangereux en France
« alors que les personnes qui consentent aux soins peuvent rester
dans un cadre carcéral présentant les conditions de
sécurité maximales, les détenus non consentant dont le
comportement est souvent le plus violent sont traités dans des
structures hospitalières dont la sécurisation apparaît
à l'évidence moindre qu'au sein d'un établissement
pénitentiaire46(*). »
Concernant la sortie des détenus, quels
qu'ils soient, mais surtout dangereux, les meilleurs accompagnements se feront
lorsque le détenu sera consentant. Outre les dispositions légales
comme le suivi socio-juditiaire, les injonctions de soins, ou encore le
bracelet électronique qui permettent de suivre le détenus dans
son parcours de sortie, des dispositifs d'accompagnements sociaux ou de
réinsertion existent, et sont souvent animés par des associations
de bénévoles. Cependant, un criminel impulsif ayant toujours
refusé de suivre un traitement psychologique ou psychiatrique, mais
n'ayant manifesté aucune mise en danger des membres de la prison, et
pour lequel aucun suivi post carcéral n'a été
prévu par l'autorité judiciaire, pourra être
relâché sans plus d'attache. Le docteur Jean-Pierre JOUBERT,
expert psychiatre près la Cour d'Appel de Nîmes, avec qui a
été abordée cette question en préparation de ce
travail, mentionnait l'anecdote suivante : un meurtrier ayant commis son
crime relativement sanglant à l'aide d'une hache, avait toujours
refusé de faire un travail sur lui-même avec un médecin
psychiatre ou psychologue de la prison. Alors que le médecin psychiatre
était parti une semaine en vacances, sa peine arrivant à terme,
l'administration pénitentiaire le libéra, tout ceci pouvant
rester dans la normalité. Mais là où tout dérape,
c'est lorsqu'à sa sortie l'administration pénitentiaire lui a
conseillé, billet de train gracieusement offert, de se rendre dans
l'Ouest de la France pour débarrasser à la hache et à la
tronçonneuse les arbres tombés pendant la tempête de
1999 ! L'histoire ne dit pas si notre bûcheron a découvert de
nouvelles utilisations à la tronçonneuse.
Un autre cas d'échec du suivi des criminels dangereux
est le cas de Pierre BODEIN, dit Pierrot le Fou. En décembre 1992, il
avait réussi à s'évader de l'hôpital psychiatrique
d'Erstein (Bas-Rhin) en chaise roulante. Durant sa courte cavale, il avait pris
deux femmes en otage, avant de séquestrer et de violer l'une d'elles. Il
avait ensuite braqué une banque, forcé plusieurs barrages de
gendarmerie, et enfin tiré sur deux policiers, en blessant l'un d'eux
grièvement. Détenu depuis 14 ans dans la centrale
pénitentiaire d'Ensisheim (Haut-Rhin) après avoir
été condamné à 20 ans de réclusion pour une
série de quinze crimes et délits commis en décembre 1992,
Pierre BODEIN, bénéficie le 15 mars 2004 d'une libération
conditionnelle. Quatre mois plus tard, il est de nouveau derrière les
barreaux accusé de séquestrations, viols et meurtres sur
Jeanne-Marie Kegelin, 11 ans, Julie Scharsch, 14 ans, et d'Hedwige
Vallée, 38 ans. Actuellement en jugement dans la cour d'assise de
Strasbourg, le verdict de cette affaire est attendu pour juillet prochain. Nous
signalerons juste que l'accusation compte sur des expertises ADN qui doivent
confondre l'auteur du crime, mais la présomption d'innocence doit,
à l'heure où ce travail est écrit,
bénéficier à Pierre BODEIN47(*). Sans présumer de la décision de la
cour d'assise, les seuls crimes accomplis pendant sa courte cavale de 1992 nous
montrent à quel point la sécurité des unités
psychiatriques est primordiale. Si Pierre BODEIN est condamné, il y a de
forte chance qu'il aille en prison puisque l'irresponsabilité
pénale a très peu de risque d'être retenue. Son
instabilité psychiatrique ne pourrait-t-elle pas le pousser à
éprouver les mêmes pulsions que le détenu Nicolas COCAIGNE,
qui s'est trouvé une soudaine envie de cannibaliser son co-détenu
en janvier dernier48(*).
Bien sûr, ces exemples sont particulièrement extrêmes, mais
ils montrent à quel point la psychiatrie et la prison ne peuvent,
parfois, pas faire bon ménage.
Le principal problème de l'incarcération des
criminels qualifiés de dangereux vient donc du fait qu'ils accomplissent
une peine, le plus souvent, établie en fonction de l'acte qu'ils ont
commis et non pas de leur état mental. Les limites à un
renversement de philosophie sont celles de l'interprétation actuelle
faite aux textes protecteurs des droits fondamentaux de l'Homme.
A la manière de Enrico FERRI qui constatait à
son époque que « la justice pratique, jugeait et punissait
le crime dans le criminel, alors que, dorénavant, on devra[it] juger le
criminel dans le crime. »49(*), nous devons pourvoir dire aujourd'hui que la justice
pratique condamne souvent à une peine en fonction du crime alors qu'elle
devrait le faire en fonction du criminel.
Titre 2 : La prison
sert rarement le prisonnier
« Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaîne
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
{...}
J'écoute les bruits de la ville
Et le prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu'un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison
{...} »
Apollinaire, Alcools, 191350(*)
Ces quelques strophes d'Apollinaire révèlent
bien le sentiment que peuvent ressentir les prisonniers dans leur cellule. Un
sentiment d'inutile, de temps perdu et d'avenir troublé. Nous l'avons vu
précédemment, les prisons françaises rendent en un sens
service à la société en isolant les criminels, pour un
certain temps, mais du côté des prisonniers on ne peut
qu'exceptionnellement dire que cette période leur aura été
utile. D'une part en oubliant souvent que le criminel ne l'est bien souvent que
suite à une expérience de vie traumatisante (Chapitre 1), et
d'autre part en n'assistant que très partiellement la sortie de prison
de ces criminels (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Un oubli, les
blessures des Hommes
L'opinion publique, lorsqu'elle réclame avec
véhémence, et parfois violence, la condamnation d'un criminel,
oublie bien souvent que ces criminels sont non seulement leurs égaux,
mais aussi des Hommes blessés par la vie. Il est difficile de se
souvenir de cela lorsque l'on parle d'un violeur d'enfant, ou d'un meurtrier
sanguinaire, d'un poseur de bombe ou d'un braqueur de banque, mais pour en
arriver là, ces individus ont été gravement atteints dans
leur personnalité par un évènement de la vie ou une
maladie psychiatrique. Sans cela qu'est ce qui nous différencierait de
ces criminels ?
Le criminologue Jean PINATEL a retenu quatre conditions pour
expliquer le passage à l'acte du criminel :
- une condition morale (ne plus être retenu par
l'opprobre qui s'attache à l'acte);
- une condition pénale (ne pas être inhibé
par la crainte de la sanction pénale) ;
- une condition matérielle (ne pas reculer devant les
difficultés d'exécution de l'acte) ;
- enfin, une condition affective (ne pas être
arrêté par le sentiment du mal qu'il occasionne à son
prochain en s'attaquant à sa vie, à ses biens ou à son
honneur).51(*)
Non seulement le prisme de ces éléments est
important pour comprendre le crime commis, mais surtout pour percevoir la
personnalité du criminel et les suites qui vont pouvoir être
données à son acte pendant et après
l'incarcération.
Pour cette étude du criminel, de son acte et de la
prison nous verrons dans une première Section en quoi peut on
considérer que ces Hommes ont été blessés dans leur
personnalité pour en arriver à accomplir leur acte criminel, puis
dans une Section 2 que leur incarcération ne crée pas des
conditions propices à leur amélioration.
Section 1 : Le
criminel est un Homme blessé
Le passé des criminels est déjà en soit
une marque de leurs traumatismes : avant 18 ans, 28% ont été
suivis par un juge pour enfants et 20% ont fait l'objet d'une mesure de
placement, 28% ont souffert de maltraitance physique, psychique ou sexuelle
dans l'enfance ; 29% ont un proche dans la famille condamné
à une peine d'emprisonnement ; 16% ont été
hospitalisé en psychiatrie avant leur incarcération52(*) ! Ces chiffres sont issus
de statistiques effectuées sur la population carcérale en
général, mais ils peuvent être pris quasiment à
l'identique pour la population criminelle. Une population pour laquelle en
1893, Enrico FERRI, avocat de formation, observateur d'anthropologie criminelle
de conviction, a donné une classification en cinq grands
ensembles53(*) que nous
délimiterons ici en deux groupes : les criminels par nature
(§1), et les criminels par contrainte (§2). Ces deux groupes nous
permettrons de voir que l'accompagnement qui doit s'y intéresser pendant
la période carcérale ne doit pas réagir aux mêmes
contraintes.
§ 1 Criminel par
nature
Ils sont de deux types pour FERRI, les criminels
aliénés et les criminels nés. Pour ces deux
catégories il est intéressant de noter que c'est leur état
de nature d'être criminel et que les conditions de leur passage à
l'acte d'après le prisme de PINEL peuvent être déroutantes.
Plusieurs conditions semblent être totalement éludées de
leur prise de décision. Non pas qu'elles soient absentes de leur esprit
mais que leur échelle de valeur soit très confuse, voire
inversée. Ainsi pour les criminels aliénés, les cris de
souffrance de la victime pourront être un stimulant plutôt qu'un
facteur dissuasif. Les notions de bien et de mal ne sont que très floues
et s'effacent très vite devant le désir ou le plaisir
recherché au travers de l'acte. Pour ce qui est du criminel né,
Ferri dit d'eux « qu'ils regardent la prison comme un risque
naturel de leur métier, comme la chute du toit pour les maçons et
le grisou pour les mineurs. ». Ils s'accommodent des conditions
matérielles, et peuvent être patients avant de réaliser
leur crime. La condition pénale est bien présente dans leur
raisonnement, mais semble n'avoir aucun effet sur eux.
L'appellation de criminel né est très
liée à la mouvance de la phrénologie, très
populaire à la fin du XIXème siècle, qui
considère que des observations de l'anatomie d'un individu peuvent
permettre de mettre en évidence ses traits de caractère. De
là découlent des prédispositions criminelles si la partie
du cerveau considérée comme responsable de tel ou tel traits de
caractère d'un criminel sont surdéveloppés à sa
naissance. Bien sûr cette idée est aujourd'hui battue en
brèche par la science génétique, moléculaire et
neuronale.
Toutefois, et pour les deux types de criminels, une nouvelle
théorie a été médiatisée par leur
énoncée dans un discours de l'actuel Président de la
République alors qu'il était en campagne. Alda
AMBRÓ,SIO, de l'unité de génétique clinique et
moléculaire de l'Institut de Médecine Légale (INML) du
Portugal, a soutenu sa thèse en juillet 2006 sur le rôle de la
génétique dans le cas de la schizophrénie et des maladies
bipolaires. Elle concentre désormais ses travaux sur le gène de
susceptibilité au suicide, à l'alcoolisme et à la
criminalité, sur lequel elle dit avoir déjà quelques
résultats. Selon elle, la relation entre gène et maladie
comportementale a déjà fait l'objet de plusieurs études
dont il est ressorti que la corrélation entre la génétique
et ces maladies est forte mais selon Alda AMBRÓ,SIO ces résultats
ont toujours été dévalorisés et n'ont pas
été acceptés pour des raisons psychologiques. Il est donc
évident, pour elle, que ces maladies sont davantage liées au
facteur génétique qu'au facteur social ou
environnemental54(*).
Cette thèse est bien sûr très controversée à
l'heure actuelle. Le but avoué d'une telle démarche serait de
pouvoir « diagnostiquer » les sujets qui n'ont pas encore
révélé leurs troubles psychiatriques au potentiel criminel
ou leurs tendances « naturelles » à la
déviance des normes sociales pouvant aboutir à l'accomplissement
d'un crime. L'avenir d'une telle démarche n'est pas sans nous faire
craindre les tentations eugéniques que pourrait avoir un Etat, peu
scrupuleux de la sauvegarde des Droits de l'Homme, pour se prémunir
d'une population potentiellement criminelle à venir.
Même si cette vision d'une criminalité
génétique peut être contestable, il est clair que les
comportements psychiatriques dangereux comme conséquence de troubles du
développement sont plus reconnus aujourd'hui par la communauté
scientifique. Dans leur étude sur la PRÉDICTION DES
COMPORTEMENTS VIOLENTS DES MALADES MENTAUX. SYNTHÈSE DE LA
LITTÉRATURE INTERNATIONALE, Frédéric MILLAUD et
Jean-Luc DUBREUCQ faisaient les constatations suivantes.
« Bien que la prévalence de la violence
soit plus élevée chez des patients atteints d'un trouble mental
grave qu'au sein de la population générale, le nombre absolu
d'actes violents attribuables aux malades mentaux (risque attribuable) est
très faible. En considérant l'ensemble des patients souffrant
d'un trouble mental sévère (ayant été
hospitalisés ou non), 90% n'ont jamais été violents. Les
malades asymptomatiques et sans antécédents de violence se
comparent à la population générale (qui n'abuse pas de
substance psychoactive). On estime généralement entre 3 et 5% la
violence attribuable aux malades mentaux.
On doit cependant souligner le cas particulier des
homicides. CÔTÉ et HODGINS ont montré l'absence de
continuum entre voies de faits et homicide. Cela se reflète dans la
proportion élevée que représentent les gestes homicides
des malades mentaux : entre 5 et 20% voire plus. »55(*)
Cette population doit donc faire l'objet d'une attention
particulière en prévention des crimes qu'elle peut commettre.
Mais il ne sert à rien d'être victime d'une paranoïa
collective en stigmatisant cette population puisque sa propension au crime
n'atteint pas des sommets mettant en péril la sécurité
nationale.
Il est cependant remarquable, toujours d'après la
synthèse de cette étude qui reprend l'analyse du professeur
Finlandais ERONEN, qu'« à partir d'une population de 1423
hommes incarcérés, [il est établi que] la
schizophrénie multiplie par 10 le risque d'un acte
violent ».56(*)
Quoi qu'il en soit, le suivi dont ces catégories de
population doivent faire l'objet doit s'adapter aux particularités que
nous venons de présenter. Un effort de prévention et de
détection de ces groupes devrait permettre d'éliminer un nombre
important de risques. Encore faut-il que les centres hospitaliers
psychiatriques ne fassent pas d'angélisme, et s'attachent un peu plus
à garantir la sécurité collective avant
d'expérimenter des placements dans la population.
§ 2 Criminel par
contrainte
En reprenant notre classification de FERRI, il apparaît
un groupe principalement caractérisé par un passage à
l'acte qui résulte avant tout de causes externes. Le criminologue les
intitule ainsi : les criminels par habitude acquise, les criminels
d'occasion, les criminels de passion.
Pour les premiers, il les rapproche des criminels nés,
avec ceci de différent que leur comportement ne s'explique pas par une
prédisposition mais par une socialisation défaillante. Dans son
ouvrage Enrico FERRI décrit ainsi ce processus : « [les
criminels] sont poussés par l'impunité de leurs
premières fautes, ou bien, ce qui est le plus décisif, la prison
en commun les étiole et les corrompt moralement et physiquement, la
cellule les abrutit, l'alcoolisme les rend stupides et impulsifs, et ils
retombent toujours dans le délit et en acquièrent l'habitude
chronique. Et la société, en les abandonnant, avant et
après leur sortie de la prison, à la misère, à
l'oisiveté, aux tentations, ne les aide point dans la lutte pour la
ré-acquisition des conditions d'existence honnête, quand
même elle ne les renfonce pas dans le délit par certaines mesures
vexatoires de police, qui les empêchent de trouver ou de continuer un
travail honnête »57(*) . C'est donc une population pour laquelle il
faut être très attentif lors de la commission de leur
première infraction. Peut-être signifie-t-elle quelque
chose ? Nous avons un tragique exemple dans notre ville d'Avignon.
Saïd, 13 ans, près d'une centaine d'arrestations en trois
ans ! Son parcours qui mêle passage dans le bureau du juge,
placement en Centre d'Education Renforcé (exceptionnel pour un enfant de
moins de 13 ans) ou en famille d'accueil, s'est achevé dans un accident
de voiture qu'il a causé en mai dernier après avoir volé
le véhicule pour s'enfuir de sa dernière famille d'accueil. Il
reste une semaine dans le coma, et les médecins ne se prononcent
toujours pas sur les séquelles qu'il gardera à l'avenir. Le
symbole de ce parcours dramatique peut se trouver dans un vol de vélo.
Après un énième rappel à l'ordre par le juge des
enfants qui ne sait plus comment faire avec Saïd, le jeune garçon
sort du tribunal, ne sait pas comment rentrer chez lui. Il bouscule alors un
cycliste qui passait devant le Palais de Justice, s'empare de son vélo
et rentre avec, chez sa mère ! Avec un parcours déjà
aussi chaotique, il est peut probable que la prison ait eu une incidence
positive sur lui.
Deuxième catégorie, les criminels d'occasion.
C'est la catégorie la plus dépendante des aléas de la vie.
Ils commettent un crime pour réagir à une situation dans laquelle
ils se trouvent à un instant donné. Si les paramètres de
cette situation ne se reproduisaient pas, il n'est pas du tout sûr qu'ils
récidiveraient. Plus encore, si la situation en question venait à
se reproduire, l'antécédent de la réaction pénale
à la première infraction devrait pouvoir le dissuader de
récidiver. C'est probablement la majorité des membres de la
population criminelle qui peuple nos prisons. FERRI dit d'eux qu'ils
« tombent plutôt par les tentations des conditions
personnelles ou du milieu physique et social, et n'y tombent ou n'y retombent
pas, si ces tentations disparaissent »58(*). Toutes les causes à
son infraction ne lui sont pourtant pas externes. Toujours en reprenant les
propos de notre criminologue italien, « même pour le
criminel d'occasion, une partie des causes qui le déterminent au crime
appartiennent à l'ordre anthropologique, car, sans des dispositions
individuelles, les impulsions extérieures ne suffiraient pas. Par
exemple, pendant une disette, ou un hiver rigoureux, tous ceux qui en
ressentent les privations ne commettent pas des vols ; il y en a qui
préfèrent une misère honnête quoique injuste, et il
y en a qui seront poussés tout au plus à la
mendicité ; et parmi ceux qui cèdent à l'idée
de commettre un crime, il y en a qui s'arrêtent au vol simple, et
d'autres qui vont jusqu'au vol avec violence »59(*). Mais ces
prédispositions sont d'ordre culturelles. Une éducation des
valeurs sociales plus intériorisée par le sujet devrait permettre
de faire disparaître cette catégorie de criminels. Bien souvent
ces criminels sont à rapprocher de la classification des criminels de
raison que nous avons vu précédemment. Leurs actions
répondant le plus souvent à un besoin qu'ils ont
rationalisé, les criminels occasionnels réfléchissent
à l'acte qu'ils vont accomplir. Ils évaluent ou pensent
probablement à chacune des conditions de PINATEL avant de
réaliser leur crime. Ils agissent le plus souvent en toute connaissance
de cause, et ce qui leur manque le plus souvent pour les freiner dans leur
geste, c'est un sens moral un peu plus développé. Le mot
célèbre de Victor HUGO trouve alors ici tout son sens :
« Celui qui ouvre une porte d'école, ferme
une prison. »
Penser alors que la prison fera mieux le travail qu'aurait pu
faire une école serait une erreur. Cependant, il faut donner les moyens
à la prison de faire ce que l'école n'a pas eu l'occasion
d'accomplir.
La catégorie des criminels de passion est une division
de la précédente. Là encore c'est une contrainte qui anime
leur acte. Un acte, une circonstance qui leur est extérieur et qui
déclanche en eux une émotion si vive qu'elle va entraîner
un acte criminel. Pour certain, cette émotion est tellement dense
qu'elle va altérer le sens commun des choses de celui qui
s'apprête à devenir un criminel. FERRI les présente comme
« des individus d'une conduite précédente
honnête, de tempérament sanguin ou nerveux, d'une
sensibilité exagérée (au contraire des
criminels-nés et habituels) ; ils ont souvent un tempérament
névrotique, ou bien épileptoïde, dont le crime peut
être justement un effet déguisé »60(*). Le psychiatre LOMBROSE
considérait que 5% des crimes contre les personnes pourrait leur
être imputable. Le Sénat, dans les travaux préparatoires
à la Loi No 2006-399 renforçant la prévention et la
répression des violences au sein du couple ou commettre contre les
mineurs, recensait 250 crimes passionnels par an. C'est donc une
catégorie de criminel pour laquelle il est très difficile de
prévenir le crime. En expliquant leur geste par les conditions de
PINATEL, on s'aperçoit que deux catégories de criminels
passionnels peuvent être distingués. D'une part, il y a ceux qui
vont agir dans l'instant avec pas ou peu d'actes préparatoires. C'est
une forme de démence temporaire qui altérera leur
décision ; leur raison ayant tendance à revenir après
coup, et avec elle, bien souvent, la naissance de remords. D'autre part, il y a
ceux qui agiront en construisant leur acte sous la forme d'une vengeance. Selon
l'expression populaire, leur vengeance sera consommée froide. Pour eux,
on constatera plutôt un débordement de l'affectif qui prendra le
pas sur la raison, plutôt qu'une altération de cette
dernière. Ces criminels agissent bien souvent en connaissance de cause,
mais ayant pour objectif d'honorer des principes qu'ils considèrent
alors supérieurs à la Loi. La prison sera pour eux le temps de la
réflexion. Une réflexion qui pourra se transformer en
décompensation pour les sujets ayants des troubles psychiatriques
dormants, et qui se réveilleront au moment de la prise de conscience.
Ces individus devenant alors plus instables dans la prison et à leur
sortie, qu'ils ne l'étaient à leur arrivée.
Section 2 : Des
conditions d'incarcérations souvent peu propices à
l'amélioration des Hommes61(*)
Nous venons de voir que la prison n'était pas
forcément la meilleure solution pour tous les criminels. Pourtant ils
finissent, dans leur grande majorité, par y échouer une fois le
procès passé. Elle ne l'est pas, par principe, au vu de
l'étude anthropologique ou psychologique des criminels, mais elle le
devient encore moins dans l'observation du quotidien du monde carcéral.
Les conditions matérielles (§1) ou humaines (§2) sont souvent
dégradantes, humiliantes et très éloignées des
Droits Fondamentaux de l'Homme. Ce sont les deux dimensions qui
entraînent des nuisances de la prison elle-même sur les rôles
qu'elle devrait jouer. En octobre 2006, l'institut de sondage BVA avait
organisé une consultation des participants au monde carcéral en
préparation des Etats Généraux de la Condition
Pénitentiaire62(*).
Cette étude nous guidera grandement tout au long des positions qui
seront prises dans cette partie. Outre donner la parole à tous les
acteurs de ce monde par nature souvent fermé, cette étude a
collecté de nombreuses réponses de détenus fondant ainsi
d'autant plus sa crédibilité. Mais parler de condition de vie ne
peut se faire sincèrement qu'en donnant la parole aux criminels qui ont
vécu en prison, ou qui y vivent encore. C'est pour cela que ce
développement sera parsemé de quelques paroles de
détenus.
§ 1 Des conditions
matérielles dégradantes
La première préoccupation qui ressort de
l'enquête BVE est la très grande insatisfaction des détenus
quant à leurs conditions générales de détention.
Près de 82% se disent insatisfaits de ces conditions de
détention. Une insatisfaction partagée par les professionnels du
monde judiciaire au premier rang desquels sont les avocats. Dans ce
mécontentement, nous pouvons distinguer les conditions de vie dans la
cellule (A), et les conditions de vie dans l'établissement (B).
A/ Vivre en cellule
Tout d'abord, vivre en cellule c'est avant tout
réaliser que le taux d'occupation des prisons est de 117% en France. Que
six établissements ou quartiers ont une densité de population
comprise entre 150 et 200%. Mais vivre dans les prisons du programme 4000, qui
sont les dernières ouvertes en France, n'a rien à voir avec la
vie dans les établissements hérités du
XIXème siècle. Pour s'en convaincre il suffit de voir
le fossé qui sépare l'ancienne prison Sainte Anne d'Avignon et la
nouvelle Prison d'Avignon-le Pontet. Outre la surpopulation carcérale
chronique de la première, les détenus avaient affaire
quotidiennement aux autres occupants permanents des cellules : les rats et
les cafards. Un autre exemple parlant, Véronique Vasseur avait fait
à la Santé une collection de « vermine de
matelas» pour faire prendre conscience au directeur de
l'établissement l'importance de l'insalubrité de ses
cellules63(*). Les
sanitaires et les douches étaient communs et ne laissaient que peu de
place à l'intimité. La nouvelle prison a des cellules
individuelles ou doubles. Les sanitaires et les douches sont
intégrés à la cellule, et isolés du reste de la
pièce par un rideau en plastique. Les nouvelles cellules ressemblent
plus à des chambres d'étudiants à bas prix plutôt
qu'à des pièces de taudis sans nom. Il existe en France tous les
niveaux d'insalubrité entre la première forme de prison et la
seconde ; et même au-delà pour les nouveaux concepts de
prison sans mur ! Vivre en cellule c'est aussi être très
souvent contraint de subir les aléas du thermomètre
extérieur. Les détenus peuvent aller jusqu'à souffrir
d'engelures dans certains établissements du Nord de la France ou de la
Région Parisienne, ou de coups de chaleur dans le Sud en plein
été. Vivre en cellule c'est, le plus souvent, ne pas choisir sa
compagnie. Comme le raconte Paul DENIS dans son autobiographie de ses
années de détention : 1019 JOURS DE
DÉTENTION64(*) : « être sans cesse
avec quelqu'un vous oblige à l'écouter, et certains racontent
toujours la même chose, dix fois par jour... à longueur de
semaine... et comme il ne faut pas vexer, on s'oblige à écouter,
à répondre toujours la même chose, à ne pas prendre
partie... ».
La vie en cellule est pesante. Et parfois, dans les
établissements les plus anciens ou vétustes, elle peut être
humainement dégradante. La pesanteur de la détention vient
souvent des gens avec qui elle est partagée, mais l'inhumanité de
l'incarcération revient, pour sa part, à l'insalubrité des
conditions de détention.
B/ Vivre en prison
« La prison, c'est une agression permanente pour
l'esprit et le corps. Ce sont des odeurs, des bruits, des voix fortes, des
cris, une sensation pesante, oppressante de dureté dans les choses et
les êtres... Imaginez-vous « arrivant » dans une coursive
d'une centaine de détenus qui vous scrutent, vous jaugent. Une angoisse
vous saisit à tel point qu'elle vous paralyse dans un mal-être
permanent dont il est difficile de se débarrasser. La prison a ses
règles, ses traditions, sa culture propre... C'est une «
microsociété » avec ses rites et ses lois aux antipodes de
ce que l'on peut connaître à l'extérieur. Ici, la
règle qui prédomine sur tout le reste est la loi du plus fort, du
plus malin, du plus vicieux...
Il semble que tout ce qu'il y a de mauvais en l'homme y
soit réuni et tellement concentré que cela en devient une «
matière » qui se ressent, qui se palpe dans l'atmosphère...
La violence des mots, des coups, des regards, des lieux, tout respire le
mal... » 65(*)
Bien vivre en prison dépend de votre
tempérament, de l'infraction que vous avez commise, de votre place dans
la société avant d'entrer en prison, etc... Là aussi il
est très difficile de parler avec des généralités.
Cependant des constantes existent : la nourriture en prison est souvent de
piètre qualité et en quantité insuffisante. Il faut donc
« cantiner » pour pouvoir manger à sa faim. Celui
qui n'en a pas les moyens peut espérer obtenir du service médical
des pâtes et des gels énergétiques ou des
compléments alimentaires. Pour garder ce qui a été
acheté il faut louer des réfrigérateurs (7€/mois).
Là encore, faute de moyens, c'est la
« débrouille » qui prime. Pour se divertir,
l'incontournable des prisons est la télévision (39€/mois).
Elle marche souvent en permanence et à très fort volume. Elle
engendre d'ailleurs des comportements surprenants dans les
établissements pénitentiaires. Véronique VASSEUR explique
dans son livre que les soirs de match de l'équipe locale ou nationale de
football les appels d'urgence au service médical se font très
rares. Les surveillants se préoccupent plus souvent de leur poste de
télévision que des coursives vides, et les détenus sont
concentrés devant leurs écrans jusqu'à l'explosion
à la prochaine occasion de but, ce qui crée vacarme tel qu'il
peut faire penser à une émeute.
Les nouvelles prisons ne sont pourtant pas encore la
panacée. En effet, beaucoup de détenus les considèrent
trop impersonnelles, trop froides, et les mises en cellules individuelles,
ajoutées à cette impression, donnent une recrudescence des
suicides.
Quant à l'accès aux soins ou aux
activités culturelles ou sportives, les détenus répondent
dans une sensible majorité (>à 60%66(*)) que ces accès sont
insatisfaisants.
Vivre en prison c'est aussi être coupé du ciel et
du soleil de longues heures par jour. Ce manque d'air qui ne vient pas des
couloirs ou qui n'a pas été déjà respiré par
votre voisin, étouffe toujours les détenus dans leurs premiers
mois d'incarcération. Les promenades sont alors des bouffées
d'air. De rares moments comme ceux-ci disparaissent presque totalement pour les
détenus qui sont sous le coup d'une peine disciplinaire.
§ 2 Des conditions
humaines humiliantes
En préambule à ce développement, il nous
faut reconnaître que les brimades déshumanisantes ne sont pas le
fait de tous les établissements pénitentiaires, ou plutôt
de tous les personnels de ces établissements. La connaissance que j'ai
pu avoir des membres de ce personnel m'a prouvé que beaucoup d'entre eux
font leur travail consciencieusement et avec un respect de la personne humaine.
Pour autant, et ils le reconnaissent eux-mêmes, dans leur corps, des
éléments ont peu de scrupules avec les détenus ou avec le
sort qui leur est réservé.
La vie en cellule, en prison, peut donc bien souvent
être aussi une humiliation pour l'individu. Outre le fait que
l'identité de chacun doit s'effacer devant les règles du milieu
carcéral, ce sont les rapports entre les membres de la communauté
carcérale qui créent ces humiliations.
Les rapports entres les détenus tout d'abord. Ils sont
soumis à toute une série de critères. Il y a le respect
des nouveaux envers les anciens, un respect qui peut passer par du racket pour
bien faire comprendre la place de chacun dans la société
carcérale. Les rapports sont liés au crime dont s'est rendu
coupable tel ou tel co-détenu. Il faut remarquer ici le groupe
particulier des « pointeurs ». Ce sont des criminels
sexuels considérés comme la catégorie la plus
inférieure dans l'échelle de valeur des groupes sociaux de
prisonniers. Ils sont violeurs, pédophiles, mais sont une population
très docile en prison, notamment avec les injonctions de
l'administration pénitentiaire. C'est parce qu'ils sont les plus
menacés, mais aussi les plus calmes que le personnel
pénitentiaire a tendance à être plus clément avec
eux qu'avec les autres populations de détenus. Ce que les autres font
par ailleurs allègrement payer puisque proportionnellement à leur
nombre, les criminels sexuels semblent être les plus victimes de
violence, d'agression sexuelle ou de racket.
Les rapports avec le personnel de surveillance
entraînent aussi des humiliations. Pour s'assurer de la discipline des
détenus, les surveillants disposent de quelques pouvoirs qui,
utilisés dans une démarche consciemment humiliante, peuvent
être particulièrement dégradants pour les individus. Ainsi,
les fouilles complètes à corps sont souvent ressenties comme le
premier choc humiliant pour les nouveaux détenus. Les fouilles de
cellule qui se font sans respect des effets personnels de leurs
propriétaires peuvent créer des ressentiments violents à
l'encontre du personnel de surveillance. Ces fouilles sont parfois ressenties
comme des salissures, des viols parfois. Les échanges verbaux entre
personnels de surveillance et détenus sont parfois faits avec
condescendance et dénigrement. Ceci est une liste non exhaustive des
humiliations dont peuvent être victimes les détenus. Bien souvent
ces humiliations sont assimilées par certains pour une partie du prix
à payer pour le criminel. Mais la condamnation de la Cour d'Assise ne
porte que sur une privation de liberté, et non une privation de
dignité.
Les rapports entre les détenus et l'administration
pénitentiaire dans sa fonction disciplinaire peuvent être
destructeurs pour le prisonnier. Les commissions disciplinaires sont
très souvent ressenties comme des injustices. Bien que les
détenus reconnaissent ne pas avoir respecté le règlement,
ils s'insurgent de l'immense pouvoir que détient l'administration
pénitentiaire pour les sanctionner. Pour remédier à cet
affrontement direct entre détenu et administration, le sondage
BVA67(*)
révèle que l'action perçue comme prioritaire parmi les
différents acteurs du monde pénitentiaire consiste pour les
magistrats, les avocats et les personnels de santé à «
confier la présidence de la commission de discipline à une
personne indépendante de l'administration pénitentiaire
», cette démarche étant la seule qui soit commune avec
celles exprimées par les détenus. Pour leur part, les
différentes catégories de répondants suggèrent de
« définir de façon précise les infractions
disciplinaires » et de « prévoir des
possibilités de médiation comme alternatives à la
procédure disciplinaire »
Enfin, c'est le rapport entre la famille, le détenu
et l'administration qui peut engendrer le plus de frustrations. La peine
à laquelle est soumise le détenu s'impose à sa famille, et
d'une certaine manière la condamne conjointement de celui qui entre en
prison. Les rapports avec celle-ci, pour des raisons de sécurité,
sont limités par l'administration. Le nombre de parloirs est strictement
encadré, et les familles doivent veiller à venir aux heures
exactes. Les tolérances sont très rares, même pour les
visites qui viennent de loin. Un aspect de cette vie familiale souvent
volontairement occulté est la sexualité des
détenus68(*). Le
nombre d'enfants « parloir » est de plus en plus
élevé en France. L'administration tend à fermer les yeux
sur ces pratiques, mais il est intolérable de se contenter de cette
situation. Il est tout à l'honneur des femmes de prisonniers de ne pas
les avoir abandonnés, c'est pourquoi ne pas reconnaître ce besoin
naturel que la société aime à appeler pudiquement le
« devoir conjugal » est une hypocrisie majeure. En
condamnant le prisonnier, il serait injuste de faire peser une trop lourde
charge sur le dos de leur famille et de leur conjointe. Admettre que celles-ci
ont droit au bonheur, c'est d'une certaine manière aider à
créer un lien solide entre le dedans et le dehors. Créer des
responsabilités familiales pour le détenu c'est probablement
faire un geste important vers un changement de valeur et de priorité
lorsque celui-ci viendra à sortir.
Ce développement n'avait pas pour but de pointer
toutes les imperfections et les vices des prisons, mais plutôt de faire
ressentir un peu de ces douleurs qui peuvent hanter leurs murs. Les
prisonniers, comme nous l'avons vu plus haut, ont déjà quelque
chose à reconstruire en eux-mêmes en entrant en prison, les
enfoncer et les déstructurer d'avantage n'est pas la bonne solution
à leur rétablissement. Leur réinsertion passera
probablement par une déconstruction ou un enrichissement de leur
échelle de valeur, mais certainement pas par l'humiliation de leur
dignité d'Homme.
Chapitre 2 : Une lutte, la
réinsertion
LOI 87-432 22/06/1987 RELATIVE AU SERVICE PUBLIC
PENITENTIAIRE
Article 1 :
Le service public pénitentiaire participe à
l'exécution des décisions et sentences pénales et au
maintien de la sécurité publique. Il favorise la
réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par
l'autorité judiciaire.
Il est organisé de manière à assurer
l'individualisation des peines.
La réinsertion est la deuxième priorité
de l'administration pénale. Elle a une mission
« d'orthopédie morale » pour les détenus
(section 1), et une mission de préparation de bonnes conditions de
sortie pour le prisonnier, ce qui passe avant tout par une réinsertion
économique, par un travail (section 2). Pour l'une comme pour l'autre de
ces missions il faut admettre que le prisonnier doit être consentant,
volontaire et déterminé dans son attitude car beaucoup
d'embûches sont sur sa route.
Section 1 : Apprendre
et s'apprendre en prison pour mieux vivre demain
Le paradoxe de la mission de réinsertion des prisons
vient d'une injonction à construire un individu insérable alors
que l'exercice de sa mission de sécurité l'entraîne bien
souvent à déstructurer et à désocialiser ces
mêmes individus. L'un des premiers piliers d'une insertion sociale est la
scolarisation. L'affirmation est aussi vraie dans le cadre d'une
ré-insertion (§1). La deuxième base d'une réinsertion
sera le travail que pourra faire le détenu sur son propre parcours
(§2).
§ 1 Reconstruction du
détenu par l'éducation
En 1989, le Conseil de l'Europe - Recommandation n° R
(89) 12 (en Annexe 2) - donne les grandes lignes de ce que doit être la
formation en prison. Principalement, cette recommandation insiste sur la place
prépondérante que devrait avoir l'éducation dans la
sphère carcérale.
Concrètement, la formation générale ne
concerne que deux détenus sur dix69(*), alors que le principe veut que « Tous
les détenus [aient] le droit de participer à des
activités culturelles et de bénéficier d'un enseignement
visant au plein épanouissement de la personnalité
humaine ». Edictée en 1990 par les Nations Unies, la
règle n° 6 des Principes Fondamentaux relatifs au traitement des
détenus est toujours loin d'être effective dans les prisons
françaises. Dans son étude sur les droits de l'homme dans la
prison, en mars 2004, la Commission nationale consultative des droits de
l'homme (CNCDH) n'a pas manqué d'aborder ces questions. S'affirmant
« convaincue que l'éducation est un moyen d'humaniser les
conditions de vie au sein de la prison, qu'elle favorise la resocialisation, et
qu'elle vient combler de nombreux besoins au sein de la population des
personnes incarcérées », la Commission a
considéré que « tous les
détenus [devaient] être mis en situation de pouvoir
bénéficier d'un enseignement conçu comme un moyen
permettant de comprendre la société et de pouvoir jouer un
rôle dans son fonctionnement dans le futur ». En 2004, 80
% de la population détenue n'a bénéficié d'aucune
action de formation générale, alors que 69 % d'entre elle
avait terminé ses études avant 18 ans (contre 36 % à
âge comparable en population générale), et environ un tiers
avait terminé leur scolarité avant 16 ans (contre un quart dans
la population générale). Et pourtant une convention du 29 mars
2002 liant les ministères de l'Education nationale et de la Justice
stipule que « l'enseignement en milieu pénitentiaire doit
être fondé sur les mêmes exigences et les mêmes
références qu'en milieu libre » !
Voici pour le constat général, mais très
concrètement ce sont les expériences humaines qui sont les plus
parlantes. L'Organisation Internationale des prisons nous indiquait en 2005 sur
son site Internet70(*)
cette histoire :
« Deux personnes incarcérées
à la maison centrale de Poissy (Yvelines) ont été
autorisées pour les années universitaires 2003-2005 à
accéder sous contrôle et de manière limitée à
une connexion Internet afin de suivre en deux ans une maîtrise en
informatique dispensée à distance par la faculté de
Besançon. Après de multiples démarches, ces détenus
ont réussi, fin 2003, à obtenir l'autorisation de la direction
d'utiliser la connexion afin de travailler en qualité de programmateur
et développeur de sites web pour le compte de sociétés
extérieures. Le 24 avril 2004, l'un d'eux est informé oralement
par la directrice adjointe de l'établissement de la décision de
la nouvelle direction de mettre fin à la connexion payée par
l'établissement. Deux jours plus tard, les deux hommes reçoivent
la visite du proviseur des universités de Paris chargé des
relations avec l'administration pénitentiaire. Accompagné de la
directrice adjointe, ce dernier les félicite de leur
persévérance avant de leur garantir le maintien de la
possibilité d'accéder à Internet afin d'achever leur
maîtrise. Le 3 mai 2004, après réception par la directrice
du courrier recommandé des intéressés manifestant leur
étonnement quant à la décision transmise par sa
collègue de couper la connexion, les deux hommes sont placés dans
un fourgon en direction de la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne).
La décision de transfert motivée par l'attitude de protestation
des deux personnes incarcérées ne sera officialisée en
toute illégalité que le 27 mai. »
Malheureusement, cet exemple n'est pas isolé. Le plus
célèbre est probablement celui de Philippe MAURICE71(*). Condamné à mort
le 28 octobre 1980, il est gracié par le Président MITTERAND en
mai 1981. Il devra combattre contre une partie de l'administration
pénitentiaire pour que soient respectés ses efforts
éducatifs. Il devra protester, faire des grèves de la faim,
écrire à toutes les autorités carcérales ou
républicaines pour que lui soient rendus ses livres et ses travaux de
recherches qui, étrangement s'évaporaient à chaque
changement de prison.
Le but de ces exemples est de montrer que non seulement les
moyens ne sont pas suffisamment mis sur le volet éducatif de la prison,
mais que les bonnes volontés, souvent individuelles, sont
marginalisées ou contradictoirement soutenues par certains et
freinées par d'autres.
Pourtant, les moyens et les comportements nécessaires
au succès de cette mission sont connus. La recommandation du Conseil de
l'Europe qui nous servait de préambule à cette partie (annexe 2)
donne toutes les mesures utiles et les objectifs devant être atteints.
Pourtant ce texte semble avoir été oublié. Certes sa forme
de recommandation n'en fait pas un texte spécialement contraignant.
Peut-être faudrait-il, presque 20 ans après sa rédaction,
lui offrir une autre forme, une directive par exemple, afin de faire prendre
conscience aux Etats de l'importance de ce volet éducatif dans la
construction de la sécurité européenne.
§ 2 Reconstruction du
détenu par l'analyse personnelle72(*)
« La psychiatrie en milieu pénitentiaire
est traversée par cette complexité : révoltée
mais impuissante face au sort de certains patients porteurs de lourdes
pathologies et incarcérés pour de longues durées,
hésitante quant aux limitations du soin dans un tel contexte, consciente
des limites actuelles des hôpitaux psychiatriques, inquiète quant
au développement de structures psychiatriques ultra
sécurisées. Il s'agit souvent d'une pratique difficile,
contradictoire qui appelle indiscutablement un large débat auquel tous
les partenaires devraient être associés et en premier lieu ceux de
la psychiatrie : experts, responsables de secteurs, etc.73(*) »
Nous l'avons vu précédemment, les prisons sont
inadaptées à la prise en charge des patients souffrant de
troubles psychiques et que ceux-ci y connaissent un sort peu enviable, souvent
mis à l'écart, stigmatisés en raison de leur pathologie et
de plus exclus pour les opportunités de libération conditionnelle
ou d'assouplissement de régime qui pourraient tirer de leur pathologie
mentale. Pour ce qui est de la participation de ces détenus à des
programmes de soins, rien ne peut leur être imposé dans la prison.
Il y a une incitation aux soins pour les criminels sexuels, qui auront, pour la
plupart, une injonction aux soins après leur sortie de prison, mais un
prisonnier ne peut être contraint de suivre une thérapie en
prison. Pour mieux comprendre le délicat travail de la psychiatrie
pénitentiaire étudions le cas du traitement de deux troubles ou
maladies mentales particulièrement courants en prison : les
psychopathes (A/) et les psychotiques (B/).
A/ Traitement de la psychopathie en prison
« L'institution pénitentiaire doit
restituer à la psychopathie son champ réel en la situant d'une
part par rapport à la maladie mentale qui ne doit pas être
traitée en prison et d'autre part aux problèmes disciplinaires
habituels qu'il ne convient pas de trop psychiatriser. 74(*) »
Près de la moitié de la population des maisons
d'arrêt présente des traits psychopathiques. Paradoxalement, la
prison propose un modèle tout à fait étranger, pour ne pas
dire opposé, avec les injonctions médicales pouvant satisfaire
les besoins de traitement d'un psychopathe. Le détenu se trouve pris en
charge sur un mode totalitaire75(*), où tout est prévu pour lui, et qui le
laisse dans un climat d'attente perpétuelle, ce qu'il peut vivre
paradoxalement comme une expérience insécurisante.
A défaut de moyens physiques, il ne reste alors aux
praticiens plus qu'un travail psychothérapique verbal individuel, de
groupe ou institutionnel, entrepris de façon trop occasionnelle, puisque
le détenu doit accepter librement tout traitement psychiatrique.
Pour une définition clinique de la psychopathie nous
reprendrons la recherche de Philippe RAPPARD, médecin psychiatre des
hôpitaux, érudit et praticien spécialiste des sujets dits
« dangereux » :
« La projection perpétuelle de
l'agressivité sur le monde extérieur est au psychopathe ce que la
projection délirante dans l'imaginaire est chez le psychotique. Se
référant à la tendance antisociale, Winnicott, au nom des
carences narcissiques précoces qui n'ont pas permis l'apprentissage des
premières frustrations, montre que l'enfant qui vole un objet ne cherche
pas l'objet volé mais cherche la mère sur laquelle il a des
droits. Le rapport à la loi du sujet psychopathe se trouve dès
lors marqué par le fait que le langage devient un langage d'acte et que
l'acte court-circuite les affects en rendant toute mentalisation
impossible.76(*) »
Le psychopathe a donc besoin d'une structuration contraignante
faite de l'extérieur par des actes imposés, au moins dans un
premier temps, pour recréer en lui les interdits nécessaires
à la dissuasion de ses pulsions revendicatives, souvent violentes.
Cette structuration passe d'abord par des actions parfois physiquement ou
moralement considérées comme violente, mais doit rapidement
pouvoir être verbalisée pour que le psychopathe soit mis en
situation d'une communication plus conforme à la norme sociale. Puisque
la première partie de la contrainte physique est principalement
réservée au personnel de l'administration pénitentiaire,
très peu formé au traitement des troubles mentaux, il ne reste au
personnel psychiatrique qu'une méthode plus verbale, mais insuffisante
pour faire utilement et rapidement évoluer ce type de pathologie.
B/ Traitement de la psychose en prison
« La prise en charge des patients psychotiques
en milieu pénitentiaire pose enfin le difficile problème des
soins sous contrainte. Le droit français proscrit le maintien en
détention « des détenus en état
d'aliénation mentale » (article D398 du code de
procédure pénale). Le constat d'un état pathologique qui
ne permet pas au sujet de rendre compte de ses actes alors qu'il est
détenu, impose donc une hospitalisation d'office dans un centre
hospitalier spécialisé. Pourtant, en 1996, pour près de
7700 hospitalisations d'office en France seules 200 concernaient des
détenus77(*). »
J. L. SENON et d'autres auteurs78(*), dans un travail collectif
très approfondi sur les pathologies rencontrées en milieu
pénitentiaire notent que toutes les formes de psychoses
schizophréniques se rencontrent en prison. Les patients souffrant de
formes paranoïdes sont les plus aisément dépistés.
Mobilisant l'institution lorsqu'ils présentent une
décompensation, ces patients sont ceux qui interrogent le plus le monde
pénitentiaire sur l'adéquation de leur pathologie avec leur
présence en milieu carcéral. Certains patients stabilisés,
ayant appris à vivre avec leur délire, s'accommodent finalement
assez bien de la routine pénitentiaire qui reproduit rapidement le
rythme de la chronicisation asilaire. Un traitement moléculaire peut
avoir de bons résultats sur ce public, mais un arrêt de ces
traitements remettrait les sujets dans le même état mental
qu'avant leur prise de médicaments. Un traitement de fond
complémentaire est donc nécessaire.
Les formes
« hébéphréniques » sont souvent plus
difficiles à mettre en évidence, les actes inadéquats, les
propos saugrenus et agressifs conduisent cependant vite à des sanctions
disciplinaires et c'est dans ce contexte que le psychiatre fait le plus souvent
leur connaissance. La recherche d'un cadre contraignant à
l'extrême, témoigne souvent de la nature indicible de l'angoisse
de ces sujets, qui peuvent être momentanément apaisés par
l'isolement, même en l'absence d'une thérapeutique
adéquate.
Plus rares, du moins dans notre pratique, sont les formes
déficitaires ou hébéphréno-catatoniques. Les
établissements accueillant des détenus condamnés à
de longues peines sont particulièrement propices au repli de type
autisme faisant des détenus des individus murés dans leur monde
et dont on ne se préoccupe qu'à chaque examen automatique de leur
situation pour en constater l'immuabilité.
Ainsi, pour reprendre le propos de F. Macheret-Christe, B.
Gravier79(*) du Service de
Médecine et de Psychiatrie Pénitentiaires (SMPP) du canton de
Vaud (Suisse), « le monde pénitentiaire est
particulièrement délétère pour les patients
chroniques qui se trouvent vite à l'écart des stimulations et des
médiations relationnelles que la prison propose au détenu. La
ritualisation de la vie quotidienne, la dépendance qu'induit un milieu
où tout est programmé conduisent à des régressions
dont tous perçoivent l'inadéquation, mais pour lesquelles peu de
moyens existent ». Une illusion de stabilisation due à la
contrainte et aux règles de l'enfermement pourra masquer une
dégradation de l'état mental du détenu.
Pour ces populations cliniquement repérables il est
urgent de mettre des moyens spécifiques à leur
réadaptation sociale. Seuls des professionnels du milieu psychiatrique
ou des personnels de l'administration pénitentiaire
spécifiquement formés pourraient utilement intervenir sur ces
populations.
Section 2 : Apprendre
en prison la valeur du travail pour mieux vivre demain
La grande réforme de 1945 va très clairement
attribuer au travail des fonctions de resocialisation et de reclassement social
préfigurant ainsi la loi de 1987, qui abolira l'obligation de travail
pour les condamnés et insistera sur l'obligation de fournir du travail
aux détenus qui le souhaitent. Tout au long du siècle, la part
des revenus du travail destinée à réduire le coût de
l'emprisonnement va diminuer jusqu'à être abandonnée en
2002. De ces quelques lignes historiques dépend la situation actuelle du
rapport entre la prison et le travail. D'un côté les valeurs de ce
travail pénitentiaire est reconnu par tous pour aider à la
réinsertion (§1), mais d'un autre, le travail pénitentiaire
est clairement insuffisamment aidé et la reconnaissance du statut de
travailleur pour les détenus est encore très lacunaire
(§2).
§ 1 La valeur du
travail pénitentiaire, un plus pour le prisonnier
« Le travail participe sans ambiguïté
à la mission de réinsertion confiée à
l'Administration pénitentiaire »
Rapport d'activité de l'Administration
Pénitentiaire de 1996, p°17680(*)
Voilà une affirmation claire de l'importance que doit
prendre le travail dans les missions de la prison. La place du travail dans la
mission de réinsertion par la prison sera double :
« La première, [...], cible essentiellement une
augmentation de l'employabilité des détenus dans l'espoir qu'un
emploi régulier puisse diminuer le risque de récidive. C'est en
ce sens que les nouvelles Règles pénitentiaires du Conseil de
l'Europe statuent que [le] "travail doit permettre, dans la mesure du possible,
d'entretenir ou d'augmenter la capacité du détenu à gagner
sa vie après sa sortie de prison" (Règle 26, al. 3). La
deuxième [...] attribue à la réinsertion par le travail
une fonction plus large d'intégration sociale car, selon elle, le
travail est le garant de la cohésion sociale des sociétés
modernes, voire son "Grand Intégrateur" (Barel,
1990). »81(*).
En utilisant cette distinction voyons dans un premier temps le facteur
resocialisant du travail (A), puis, dans un second temps l'avenir professionnel
du détenu qui doit se construire dès la prison (B).
A/ Un travail resocialisant82(*)
Le travail a une valeur resocialisante dans la prison
elle-même. En donnant une activité au détenu,
l'oisiveté et sa contingence de vices et de frustrations qui en
découlent, ont de bonnes chances de disparaître. Un détenu
occupé ne se perd pas dans des divagations qui lui font le plus souvent
« broyer du noir ». Il ne se projette pas dans des moyens
de se « refaire » une fois sorti, ou des fantasmes de
vengeance future contre une société qui lui a fait perdre
plusieurs années de sa vie. De plus, un détenu qui travaille est
un détenu qui se fatigue. Les surveillants, dans de nombreuses
enquêtes, soulignent que les détenus ayant une activité
professionnelle dans la prison sont moins agités que leurs
codétenus oisifs. Indirectement, le travail participe à la
sécurisation de la prison. Pour preuve, l'étude entreprise par le
laboratoire CNRS de sociologie Genre, Travail et Mobilité remarque la
pacification de certains conflits traditionnels qui habitent les quartiers des
longues peines, notamment entre les barreaux de l'échelle sociale des
criminels. « En haut de l'échelle, les détenus
politiques, les "braqueurs", les voleurs et les escrocs, en bas dans l'ordre,
les "stups", les "proxénètes" et les "pointeurs" (détenus
incarcérés pour crimes et délits sexuels). Dans cette
organisation sociale, le travail a une dimension pacificatrice au sens large.
Il a un rôle de pacification sociale entre détenus et surveillants
d'une part et entre détenus d'autre part, c'est-à-dire que
l'antagonisme entre détenus et surveillants comme la hiérarchie
entre détenus paraissent moins forts dans l'espace de
l'atelier. »83(*)
D'autre part, puisqu'en prison tout ou presque du quotidien
doit être acheté, doit être
« cantiné » (achat des denrées à
l'administration pénitentiaire), le fait d'avoir une activité
rémunérée permet non seulement d'améliorer le
quotidien, mais parfois aussi de se procurer ce qui devient vite l'essentiel
(papier toilette ; ventilateur en été, etc...). De plus,
percevoir un salaire est parfois un moyen de préserver, voire de garder,
certains liens sociaux avec l'extérieur. Le plus souvent, les
détenus ne viennent pas de milieux sociaux très favorisés,
de ce fait, leur permettre de s'autosuffire financièrement, et dans de
rares exceptions de transmettre de l'argent à l'extérieur, permet
de ne pas endosser le costume d'une charge économique pour la famille en
même temps que celui de détenu.
Les détenus employés sont donc potentiellement
plus « heureux » que les autres. L'espoir que peut porter
cette satisfaction est de réussir à la transmettre comme une
valeur qui persévèrera à l'extérieur. Le
détenu qui aura eu une expérience valorisante, d'un point de vue
personnel, aura une prédisposition psychologique à rechercher
cette valorisation une fois libéré.
B/ Un travail réinsérant
Le travail de Marc BAADER et de Evelyne SHEA nous rappelle les
cinq principaux critères qui participent au choix d'une
embauche :
« - Le casier judiciaire : Le seul fait d'avoir
passé une période en prison diminue l'employabilité des
sortants : ils sont automatiquement exclus des emplois qui transitent par des
cabinets de recrutement dont la quasi-totalité disposent des moyens de
s'informer des antécédents judiciaires des postulants. Aucun ne
prendra le risque de suggérer à un employeur la candidature d'une
personne pourvue d'un casier judiciaire. [...] De la même manière,
sont écartés tous les emplois ayant trait aux administrations ou
aux groupes importants ; ceux-ci réclament systématiquement un
extrait de casier judiciaire. Pour les emplois restants, les
caractéristiques suivantes sont déterminantes :
- Les caractéristiques physiques : Comme l'on dit
couramment, il faut avoir "le physique de l'emploi". Cela signifie que nombre
de détenus n'ont pas les moyens de posséder ou d'acquérir
le nécessaire vestimentaire en adéquation avec l'emploi
proposé. Ce peut être aussi, après une longue
détention, une dentition désastreuse ou une vue non
corrigée, voire une démarche saccadée après des
années passées à marcher avec des chaussures sans
talon.
- Les caractéristiques économiques :
Être employable, c'est disposer d'un minimum de conditions requises comme
un domicile fixe, un moyen de communication, de quoi subsister jusqu'au premier
versement du salaire. C'est, parfois, devoir disposer d'un véhicule,
d'un matériel lié à l'emploi [...].
- Les caractéristiques psychologiques : C'est la
capacité de pouvoir passer un entretien d'embauche après un temps
plus ou moins long d'emprisonnement. C'est, d'une certaine manière,
parvenir à occulter ce temps pour affirmer une gestuelle, un langage
commun. C'est aussi la capacité de "se vendre" après un temps
passé dans l'inexistence.
- Les caractéristiques situationnelles : Elles sont
de plusieurs ordres. Il y a d'abord celle qui est personnelle comme
d'être seul, sans famille et sans amis, et en rupture totale avec les
valeurs mouvantes de la vie libre (le coût de la vie, les salaires en
usage dans la profession). Il y a, ensuite, celle de devoir se constituer un
passé si l'on veut dissimuler le passage en prison [...]. Et puis,
enfin, quand on postule pour un emploi dans le cadre d'une semi-liberté
ou d'une libération conditionnelle, il y a l'impossibilité
d'énoncer une date fixe de libération et la certitude de cette
libération. Quel employeur, aujourd'hui, peut se permettre de s'engager
à employer une personne incarcérée s'il ignore si cette
personne sera libérée par anticipation et quand elle le sera ?
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'immense majorité des
promesses d'emplois formulées dans ces cas le sont par complaisance mais
ne sont pas suivies d'effet. »84(*)
La prison a donc pour mission de tout faire pour que le
détenu puisse satisfaire aux quatre derniers critères, puisque le
premier est irrémédiablement (sauf grâce) associé
à l'identité de la personne. En permettant à un
détenu d'exercer une activité professionnelle, la prison
contribue à entretenir une bonne forme physique et la motivation de
futurs demandeurs d'emploi, là où ceux qui refusent ou sont
privés de cette opportunité risquent d'être repliés
sur eux-mêmes et résignés à leur sortie de prison.
En rémunérant un détenu pour son travail, la
société ou l'entreprise qui accepte cette tâche, lui permet
de conserver des ressources nécessaires à l'image sociale d'une
personne en recherche d'emploi. Avoir des habits corrects, une adresse, un
téléphone sont des éléments à ne pas
négliger lorsque l'on est sur le marché du travail. De plus, le
temps carcéral peut être aménagé pour
préparer dans de bonnes conditions la réinsertion sociale. En
offrant la possibilité aux détenus d'avoir accès à
des modules de préparation à l'embauche, à des bilans de
compétence qui justifieront tel ou tel effort de rescolarisation pendant
la peine, on augmente les garanties d'un temps vécu dans la prison comme
un temps utile et non plus comme un temps perdu.
Enfin, les aménagements de fin de peine sont à
privilégier afin d'assurer la bonne réinsertion des
détenus. En développant des contrats de travail avec des
associations, des organismes publics ou des entreprises extérieures
à la prison, dans lesquels le détenu pourra aller travailler le
jour dans un régime de semi-liberté, on augmente d'autant
l'efficacité du processus de resocialisation. Jean-Gabriel
MOUESCA85(*) me faisait
partager l'anecdote suivante : « Un condamné
à 15 ans de réclusion criminelle n'avait eu sa première
« permission » de sortir quelques jours, qu'aux bouts de la
onzième année pour passer trois jours en famille pour les
vacances de Noël. Le choc du retour au monde libre à
été tellement intense (traumatisme de la foule, des bruits de
dehors, etc...) qu'il n'a pas chercher à parcourir les rues ou à
prendre du temps à la terrasse d'un café, il s'est
réfugié dans l'appartement familial, pour n'en ressortir que
trois jours plus tard en direction de la prison. Ce qui l'avait le plus surpris
c'était tous ces gens qui parlaient tout seul dans la rue. Comment
pouvait-il penser que douze ans après son incarcération les
hommes pourraient se parler au téléphone dans la rue et sans
combiné à l'oreille ! » Le travail peut
être une formidable opportunité de socialisation. Il doit donc
être une priorité des « Projets d'Exécution de
Peines » (P.E.P.).
§ 2 La
réalité du travail pénitentiaire, un moins pour
l'efficacité de nos prisons
La prison peut donc être une opportunité à
saisir pour le détenu qui saura se projeter dans l'avenir. Encore
faut-il que les moyens lui permettent de poursuivre son ambition. D'une part
les moyens accordés à la professionnalisation des détenus
sont à la hauteur de ceux accordés à leur instruction
(A/), d'autre part, le détenu au travail n'est pas un salarié
à part entière ; le droit du travail s'est
désintéressé de lui (B/).
A/ Travailleurs sans moyens
Dans un éditorial du 10 avril 2005, le Monde
dénonçait le « Chômage en
prison ». En effet, avec un taux d'activité
rémunérée qui avoisine les 30% de la population
carcérale - le plus bas en 30 ans - il n'est pas
surprenant que le travail remplisse mal sa mission de réinsertion. Mais
le problème du sous-emploi se pose surtout en maisons d'arrêt
où, en raison des courts séjours, les possibilités de
réinsertion par le travail sont réduites. Dans les
établissements pour peine, le taux moyen d'activité
rémunérée est proche de 50%86(*). Ce taux, selon
l'administration, serait presque suffisant pour satisfaire la demande, compte
tenu du fait que ce ne sont pas toutes les personnes détenues qui
peuvent ou veulent travailler. Associé à ces chiffres voici le
tableau qui résume le mieux le travail en prison 87(*) :
Avec les éléments que nous avons vu
précédemment, il est particulièrement gênant de se
satisfaire d'une population de criminels qui ne veulent ou ne peuvent
travailler qu'a 50%.
Alors certes les entreprises, qui autrefois faisaient
fabriquer leurs produits en prison, délocalisent leurs productions vers
les pays de l'Est où le prix du travail est plus compétitif que
celui de la main d'oeuvre pénitentiaire. Ou alors, ces entreprises
s'automatisent, et le travail qui était fait par des petites mains se
fait aujourd'hui par des machines. Par exemple, Il y a cinq ans, la
main-d'oeuvre pénitentiaire insérait des échantillons de
divers produits dans des revues. Aujourd'hui ce travail est complètement
automatisé et les sociétés concessionnaires ou
sous-traitantes n'ont plus besoin de cette main-d'oeuvre. Les emplois
pénitentiaires offrent encore un certain intérêt pour des
entreprises avec des volumes de production non automatisables mais elles ne
peuvent pas compenser le nombre d'emplois perdus.
De plus, les locaux et les règles
pénitentiaires sont parfois inadaptés à une
activité professionnelle en prison. Les moyens de production sont
géographiquement mal positionnés dans la ville lorsque l'on a
à faire à de vieux établissements pénitentiaires.
Les difficultés d'accès participent souvent au
découragement de potentiels acteurs économiques.
Quant au salaire, ou plutôt à la
rémunération perçue par les détenus (voir tableau
ci-dessus), il est loin de permettre de remplir les objectifs
économiques et sociaux que l'on a évoqué
précédemment. Selon les calculs du sénateur LORIDANT
(2002, 34), un détenu a besoin d'un minimum de 40 à 50 € par
semaine pour couvrir ses besoins personnels en détention88(*). Comment pourrait-il
« mettre de côté » en vu de sa
libération ? Comment pourrait-il assurer sa part de la charge
familiale s'il ne se suffit même pas à lui-même ?
B/ Travailleurs sans statut de salariés89(*)
« Quel que soit le
régime, le travail des détenus, lorsqu'il a lieu à l'intérieur des établissements
pénitentiaires, se déroule dans des conditions exorbitantes du
droit commun : les personnes incarcérées ne signent pas de contrat de travail et, à l'exception des
règles d'hygiène et de sécurité, le code du travail
ne s'applique pas. C'est pourquoi le code de procédure pénale
prévoit que la durée et l'organisation du
travail des détenus « se rapprochent autant que possible de
celles des activités professionnelles extérieures ». La
même recommandation vaut pour les
rémunérations, mais le salaire minimum de l'administration
pénitentiaire, légèrement différent selon que le
détenu est incarcéré en maison d'arrêt ou en centre
de détention, s'élève à environ 45 % du
SMIC. »90(*)
Bien qu'il soit compréhensible que le travail
pénitentiaire, plus contraignant pour les clients qu'un tout autre
fournisseur, entraîne une baisse des coûts de fabrication ; et
bien qu'il soit compréhensible que ces coûts peu
élevés soient supportés par les détenus qui
jouissent91(*)
d'être nourris, logés et blanchis aux frais du contribuable, il
n'est pas acceptable que leur travail puisse se faire dans un tel
décalage du droit social positif !
Ces travailleurs sans statut « font une
croix » sur les acquis sociaux du monde extérieur : pas
de périodes d'essai et de préavis, pas de procédures de
licenciement, pas de salaire minimum conventionnel, aucune expression des
salariés ni de représentation collective, et pas non plus, faute
de dispositions légales, d'indemnisation des congés maladie ni du
chômage, technique ou non, quand bien même sont prévues sur
la fiche de salaire des cotisations aux organismes collecteurs pour l'assurance
maladie et la lutte contre le chômage. Pour une minorité de postes
qualifiés, surtout représentés dans les maisons pour
peines, les emplois concernent plutôt du travail à façon,
pliage, cartonnage, petits montages, échantillonnage, conditionnement,
etc., qui sont tous des travaux à faible valeur ajoutée mais
aussi très demandeur en main-d'oeuvre. Il en est par exemple ainsi
à Châteauroux, dans l'Indre, pour les usines de céramique
Cérabati qui font fabriquer leurs supports d'exposition en
aggloméré dans la Centrale voisine.
Alors que les dernières reformes sociales en
matière de temps de travail ont fait passer le temps de travail
légal à 35h. En prison, les 30h sont rarement
atteintes 92(*)!
Alors que les luttes des travailleurs se font prioritairement aujourd'hui sur
les conditions sanitaires et sécurisantes de leur travail, les
conditions sont très inégales d'un établissement
pénitentiaire à un autre. Dans un récent travail de la
documentation française93(*), les mesures effectives d'hygiène et de
sécurité dans les locaux utilisés pour une activité
rémunérée étaient comparées avec les
règles applicables de droit commun. L'anecdote est
révélatrice, cet ouvrage notamment relate comment, dans les
établissements qui proposent une activité de rempaillage, les
détenus se retrouvent souvent à travailler dans leur cellule,
où vivent déjà trois, voire quatre personnes, laissant au
sol les déchets de paille de leur travail créant ainsi un risque
élevé d'incendie.
Alors que le travail devrait avoir une influence positive pour
la sécurité de la prison et les rapports sociaux entre les
détenus, il génère aujourd'hui de nouveaux risques et
crée des rancoeurs entre les détenus
rémunérés, et les autres.
En guise de conclusion du
Titre :
« Mais, au-delà de l'impératif de
neutralisation, les réponses qu'on apporte à la question du sens
de la peine traduisent les valeurs fondamentales d'une société.
Ce sens devrait apparaître clairement à la fois pour l'auteur du
délit ou du crime, et pour ceux chargés d'exécuter la
sanction. Il ne saurait être l'enfermement pour l'enfermement. Celui-ci,
quand il est nécessaire, doit avoir un objectif d'amendement en vue de
la réinsertion. Il doit en être ainsi, que l'enfermement se
déroule en prison ou par placement sous surveillance
électronique.
Aujourd'hui, devant une police agressée, une loi
bafouée ou une justice impuissante, l'opinion s'émeut et demande
des sanctions toujours plus sévères à la fois contre les
auteurs d'incivilités quotidiennes et contre les coupables des crimes
les plus monstrueux. Les dispositions législatives traduisent cette
exigence de fermeté, instaurant, en plus de la perpétuité,
des peines toujours plus longues et des périodes de sûreté,
jusqu'à 30 ans sans possibilités d'aménagement. Une telle
demande conduit à placer la neutralisation du délinquant, pendant
une période de plus en plus longue, comme la mission prioritaire de
l'administration pénitentiaire : la réinsertion ou l'amendement
sont devenus une question secondaire. Dès lors, le problème de la
détention et de l'utilisation du temps correspondant n'est plus
analysé avec l'attention qu'il mérite.
Pour le détenu, la question du sens de la peine est
fondamentale. Il doit comprendre pourquoi il est là. Sans réponse
à cette question, comment parler de s'amender et encore moins se
réinsérer ? Mais l'adhésion du condamné au
système carcéral ne sera possible que si les conditions de
détention sont dignes d'une démocratie et conformes à un
Etat de droit. Comment exiger du détenu qu'il respecte à sa
sortie les règles de la société si le fonctionnement de
l'institution carcérale n'a pas lui-même respecté le
détenu en tant que sujet de droit, dans un établissement
pénitentiaire aux conditions de vie et d'hygiène décentes
? »
Sénateur Guy-Pierre CABANEL
Emile Durkheim considérait que la peine
« ne sert pas ou ne sert que très secondairement à
corriger le coupable ou à intimider ses imitateurs possibles : à
ce double point de vue, son efficacité est justement douteuse et, en
tout cas médiocre. Sa vraie fonction est de maintenir intacte la
cohésion sociale en maintenant toute sa vitalité à la
conscience commune »94(*). Cette affirmation n'est pas tout à fait
juste. La prison réussit raisonnablement bien son travail de
neutralisation, bien que des déficiences pouvant devenir majeures
à l'avenir sont à surveiller. Pour ce qui est de sa seconde
mission, le constat est plus médiocre. Certes la récidive des
criminels est globalement jugulée, mais les conditions d'amendement, de
réinsertion et de resocialisation peuvent créer potentiellement
des criminels plus dangereux qu'ils ne l'étaient en entrant en prison.
De plus, le sort qui est réservé aux détenus notoirement
dangereux crée des carences grave en matière de
sécurité tant pour la prison que pour la société
qui devra les ré-accueillir à leur sortie.
Pourtant, les expériences probantes pour relever avec
succès tous ces défis existent. Il suffit de se souvenir de ce
qui a pu se révéler efficace dans notre propre histoire
carcérale, mais abandonné sous la pression de biens pensants et
d'idéologues. Il suffit d'ouvrir les yeux sur les expériences
françaises qui font quotidiennement leur preuve, et les
généraliser. Il suffit de s'ouvrir à l'expérience
étrangère qui est, dans bien des cas, confrontée aux
mêmes objectifs que notre institution carcérale. C'est la
redécouverte de ces expériences et la prospection de nouvelle
réformes qui nous occuperons dans une deuxième partie.
- Partie II -
Les alternatives passées, présentes, et futures à
l'application des peines criminelles
Titre 1 : Changer la
prison
La criminalité évolue. La sécurité
des prisons est presque acquise. Il est temps maintenant de plus se
préoccuper de ce qui peut faire changer positivement le prisonnier et
finir d'améliorer la sécurité de nos prisons. C'est dans
une réforme des murs et la conception architecturale de la prison que
pourra commencer ce nouveau tournant. En entamant tout d'abord des changements
significatifs dans l'organisation pénitentiaire (chapitre 1) et en
faisant évoluer les rapports entre les composantes de la
société pénitentiaire (chapitre 2), il est certain qu'un
nouveau visage plus humain des prisons pourra émerger des
réformes carcérales du XXIème siècle.
Chapitre 1 : Changer
l'organisation pénitentiaire
Nous l'avons vu dans la première partie du
développement de ce travail, l'architecture pénitentiaire a une
influence directe sur la vie du prisonnier. Christophe MOREAU, inspecteur
général des prisons, rappelait en 1838 que
« l'architecte de la prison est le premier exécuteur de la
peine. C'est le premier fabricateur de l'instrument de
supplice » 95(*). La question de l'importance de l'impact de
l'architecture carcérale sur le devenir du détenu est ancienne,
et récurrente. L'appréciation et les réponses à
cette question sont variables dans le temps et l'espace. C'est pourquoi, pour
dépeindre ce que pourrait être le système carcéral
français du XXIème siècle (Section 2), nous nous
attarderons dans un premier temps sur les sources de l'architecture
pénitentiaire et certaines interprétations qui ont pu en
être faite (Section 1).
Section 1 : Sources de
l'architecture pénitentiaire et expériences
étrangères
En 1777, John Howard, pour qui la réforme des prisons
passait prioritairement par une réforme de celle-ci, édictait les
principes fondamentaux qui devaient au cours des décennies s'imposer aux
bâtisseurs de centres pénitentiaires 96(*):
- leur emplacement doit se situer loin des lieux d'habitation
et des villes,
- l'hygiène et la propreté doivent être
adaptées,
- les bâtiments rectangulaires doivent surmonter des
arcades abritant les cours d'exercices.
- une séparation des prisonniers par sexe, âge et
nature du crime doit être effectuée,
- la ventilation et le chauffage des bâtiments doivent
être prévus,
- des champs de vision dégagés, permettant une
meilleure surveillance et donc une meilleure sécurité, doivent
être intégrés.
Plusieurs modèles de prisons ont découlé
de ces grands principes (§ 1), et, selon les pays, leur application a eu
plus ou moins de succès (§2).
§ 1 Les
différents modèles de prisons
Le premier Français à s'être posé
la question de l'efficacité comparative de tel ou tel modèle
architectural est très probablement Alexandre de TOCQUEVILLE qui,
envoyé par le Roi de France en mission d'étude sur le
système pénitentiaire Américain, fit une lettre en 1831
adressée au Garde des Sceaux de l'époque avec ses
premières constations ; en voici un extrait (reproduction
partielle en Annexe 3):
« Il nous reste à faire connaître
à votre Excellence la situation des prisons centrales en
Amérique. C'est ici que vous verrez, Monsieur le Ministre, le
système pénitentiaire des Etats-Unis se montrer dans tout son
état. Nous avons déjà visité les
pénitenciers de Sing-Sing et d'Auburn, dans l'Etat de New-York ; celui
de Boston dans le Massachussets, et le pénitencier de Wethersfield dans
le Connecticut. Il y a mille détenus à Sing-Sing. Auburn en
contient 650 ; Boston 250 ; et le pénitencier de Wethersfield, 200. Ces
quatre établissements ont tous des principes communs ; mais chacun d'eux
a des traits particuliers qui le font facilement distinguer des autres. Les
principes communs à ces prisons sont : 1°. L'emprisonnement
solitaire pendant la nuit. 2°. Le travail commun pendant le jour et en
silence. 3°. L'instruction morale et religieuse.
L'expérience apprend que toute communication des
détenus entre eux est une source de corruption : tous les efforts de la
discipline américaine tendent donc à les isoler.
Pénétrés de cette idée que tout contact des
détenus entre eux est funeste, des Philosophes ont pensé qu'il
fallait les plonger dans des cellules solitaires, sans les en laisser sortir
pendant toute la durée de leur peine. Ce système est suivi
à Philadelphie. Ne l'ayant point encore vu pratiquer, nous ne saurions
l'apprécier à sa valeur. Nous savons seulement que dans l'Etat de
New-York où il n'est pas adopté, on lui reproche de graves
inconvénients, celui entre autres de jeter les condamnés dans le
désespoir et d'altérer leur raison quand il ne détruit pas
leur vie. On lui attribue encore un autre défaut ; ce système
est, dit-on, très dispendieux. Il est nécessaire de donner une
certaine étendue à une cellule où le condamné passe
le jour et la nuit et dans laquelle il travaille. D'un autre côté,
le travail de condamnés restant tout le jour dans des cellules
solitaires ne saurait être très productif, parce qu'il n'y a qu'un
très petit nombre de professions qui soient de nature à s'exercer
facilement dans un espace aussi étroit qu'une cellule. Dans les
pénitenciers de Sing-Sing, d'Auburn, de Boston et de Wethersfield, on a
voulu éviter ce mal. On a pensé que la solitude pendant la nuit
devait être absolue ; mais que si on faisait travailler en commun les
détenus pendant le jour en leur interdisant toute espèce de
communication morale, on conserverait tous les avantages de l'isolement, sans
souffrir aucun de ses inconvénients. Le silence est donc la base
fondamentale du système. Le travail se combine avec le silence pour le
maintien de la discipline, il offre un aliment perpétuel à
l'activité des détenus. Il les fatigue et les rend plus faciles
à dompter, en même temps qu'il leur donne des habitudes d'ordre et
de régularité. »97(*)
Beaucoup de modèles architecturaux trouvent leur
illustration dans les prisons que présentait Alexandre TOCQUEVILLE en
1831.
Le grand inspirateur de la plupart de ces modèles est
Jérémy BENTHAM. Avec le modèle panoptique,
développé dans son ouvrage LA PANOPTIQUE en 1780,
l'objectif de la structure carcérale est de permettre à un
surveillant d'observer potentiellement tous les prisonniers d'une même
plateforme sans que ceux-ci ne puissent savoir si ils sont réellement
observés, créant ainsi un « sentiment d'omniscience
invisible » chez les détenus. Ce principe, aux
côtés de ceux d'HOWARD nous permet de reprendre la classification
suivante98(*) :
Le type panoptique :
Modèle très peu développé tel
qu'envisagé dans le projet panoptique de BENTHAM et évoqué
précédemment. Des prisons comme le Western Penitentiary à
Pittsburgh (1826) ou comme celle d'Autun (tour cylindrique
évidée) appliquent des principes architecturaux d'un esprit assez
proche du programme benthamien.
Le type en anneau
Evolution du principe monastique, il permet, comme à
l'intérieur d'un cloître, un isolement de l'extérieur, une
bonne surveillance et des circulations aisées. Mais s'il est
fonctionnel, il ne permet pas une surveillance aisée. De plus il n'a que
peu de possibilités d'extension. Il fut très peu
développé.
Le type carré ou quadrillé
Ce principe de bâtiments orthogonaux entourant des cours
intérieures, autour desquelles se répartissent cellules,
activités et ateliers, bien que difficile à surveiller, permet
une séparation des détenus par catégories et en quartiers.
Il autorise un traitement isolé de chaque groupe de détenus, mais
les bâtiments de ce type qui furent construits étaient de trop
grande dimension pour que cette politique puisse s'y appliquer. Aux Etats-Unis,
on notera la prison d'Attica (1937) et celle de Leesburg dans le New Jersey; en
France, le centre de détention de Muret (1966) qui comporte 610 places
et quatre cours intérieures.
Le type citadelle
Claude Nicolas Ledoux débuta en 1776 un projet pour la
prison d'Aix-en-Provence qui ne fut pas achevé. Le plan en est
carré, subdivisé en quatre espaces distincts avec quatre cours de
promenade où apparaît déjà une séparation des
détenus (hommes, femmes, enfants). L'aspect est massif, proche des
citadelles de Vauban (1633-1707) : fenêtres basses, tours de guet et
mâchicoulis. La prison construite à Pontivy sous le premier Empire
comme celle de Würzburg, due à Speeth (1809), toutes deux
détruites, avaient également l'apparence d'une bastille.
Le type linéaire
Adaptée au système auburnien, c'est une prison
tout en longueur, qui donne des conditions de sécurité maximales,
des coûts de maintenance plus faibles, et une facilité de
circulation et d'entretien. L'absence de vue directe et l'isolement maximum en
font un des plans les plus austères, bien qu'il soit un des plus faciles
à surveiller. On peut citer comme exemple Sing-Sing (1819) aux
Etats-Unis, mais aussi Gradignan, en France (Gironde) (1967), qui
s'élève sur six niveaux.
Le type radial
Le type radial fut très répandu à la fin
du XIXème siècle, d'abord aux Etats-Unis, puis dans
toute l'Europe. Il est dérivé du système pennsylvanien
d'isolement de jour et de nuit, associé au principe de surveillance
centralisée dérivé du panoptique. On compte un certain
nombre d'exemples de ce type : la Santé (1867), Anvers (1840), Rennes
(1809), ou encore Nice (1887). Il a été appliqué à
de grandes dimensions avec la construction de Fleury-Mérogis (1969) en
France et de Rebibbia en Italie. C'est encore le plus utilisé
actuellement. Le nombre de bâtiments convergents est variable. La
structure qui permet d'obtenir pour le plus grand nombre de détenus des
espaces extérieurs conséquents est la structure tripale.
Le type radioconcentrique
Une série de bâtiments en hexagone est
reliés à un bâtiment central par une série de
bâtiments intermédiaires ou de passerelles. Cet ensemble en roue
de vélo permet, tout comme le type carré, de cloisonner les cours
de promenade, et d'éloigner les cellules (sur la
périphérie) du réfectoire et des lieux d'activités
(au centre). La forme en hexagone permet une surveillance par trois tours de
guet et la centralisation de la chapelle et du réfectoire montre une
orientation vers le système auburnien. L'exemple français en est
la Petite Roquette conçue et érigée par l'architecte
Hippolyte Lebas en 1836 (détruite en 1974).
Le type ouvert ou groupement
d'unités
La colonie pénitentiaire de Mettray (Lyon) en 1839, ou
plus récemment Mauzac (1986), sont des essais d'architecture
éclatée, dans laquelle les bâtiments sont distants les uns
des autres, recréant des unités de vie souvent rassemblées
autour des bâtiments d'activités. Il n'y a donc pas de forme
standard traduisant cette façon assez rare de concevoir la prison, mais
elle est souvent semblable à l'image que l'on peut se faire d'un village
avec un axe principal et de petites maisons régulières. Ainsi,
Mettray comportait en son centre une église, comme tous les villages de
sa région.
§ 2 Les
expériences étrangères
La politique architecturale pénitentiaire est
très révélatrice de la vision des pouvoirs publics sur les
missions de ses prisons. Au travers d'une succession d'exemples nous verrons
que les prisons peuvent être inscrites différemment dans le
territoire (A/) et que leur aménagement intérieur peut être
sensiblement différent de notre conception carcérale (B/).
A/ La prison dans le territoire
Les prisons Françaises ont une tendance lourde
à être géographiquement marginalisées aux limites
des zones urbanisées. Après une culture de la prison des villes,
nous sommes entrain de passer à une culture de la prison des champs. Or,
l'expérience de nos voisins européens montre que non seulement la
proximité des prisons des centres urbains, voire leur intégration
dans la ville n'est pas un mal en soit, mais que la marginalisation à
outrance peut avoir des effets néfastes sur les opportunités de
resocialisation des détenus. Ainsi, le Danemark a pris le parti de
créer deux types de prisons. Les établissements dits ouverts, et
ceux dits fermés. Comme le rappelle l'architecte Fabien CADENEL dans son
mémoire d'architecture, « l'idée fondamentale qui
est à la base du traitement dans les établissements danois est de
considérer que seule une interaction avec la communauté des gens
vivant en liberté permet d'apprendre à vivre dans la
société. Par conséquent, il faut éviter l'isolement
et, quand celui-ci est nécessaire, comme dans les prisons
fermées, il faut donner la possibilité de communiquer avec le
monde extérieur ». Un des premiers moyens d'éviter
l'isolement est de ne pas isoler les populations carcérales du reste de
la société. Eloigner ces populations de la vue de nos concitoyens
revient :
- soit à avoir honte de nos prisons et de ne pas avoir
le courage de les regarder en face,
- soit à n'avoir aucune considération pour ceux
qui y vivent où y travaillent ; ce qui ne militerait pas pour un
accompagnement sincère à la réinsertion des prisonniers
dans la société.
Comment vouloir imposer à d'anciens détenus de
respecter à l'avenir une société qui n'a eu de cesse de
les rejeter, de les éloigner, de les oublier. En Espagne, les nouvelles
prisons, comme en France, sont construites à une distance relativement
éloignée des centres urbains. La recherche d'emploi et la
réinsertion économique n'y a jamais été aussi
difficile. Une prison en centre ville permet de garder une certaine forme de
contact avec le dehors. Le détenu Laurent JACQUARD raconte :
« La vision que j'ai de ma fenêtre ressemble à un
documentaire sur la vie quotidienne des citoyens. Sur la droite il y a un
cimetière, sur la gauche une église, au milieu des immeubles ou
vivent différentes personnes, jeunes, vieux, filles mères,
couples, célibataires, familles nombreuses...De temps en temps ils
apparaissent aux fenêtres ou sur leurs balcons. Au pied de l'immeuble il
y a un petit parking où ils viennent garer leurs véhicules. A la
longue je commence à les reconnaître99(*). » Ce
récit prosaïque d'un quotidien permet au détenu d'avoir un
lien visuel avec la vie, la vie libre. La télévision ne suffit
pas pour appréhender les réalités d'une
société. Il faut que les détenus puissent parler avec des
gens du « dehors » pour garder un lien avec la
réalité quotidienne.
B/ La prison différente dans son
architecture
Bien sûr, il ne suffit pas de poser une prison dans un
centre ville pour lui permettre de tisser des liens avec celle-ci. La poser
comme une verrue entre les circuits touristiques et les commerces du quartier
pourrait créer plus de rejets de la part de la population que de
manifestations de sympathie : l'inverse de l'effet recherché. Il
existe à travers le monde différents types de prisons ayant
chacune leurs atouts. Pour reprendre l'exemple du Danemark, « On
peut comparer l'architecture des établissements pénitentiaires
danois à celles des maisons d'habitation, à l'exception des
anciennes structures. Elles sont composées de petits pavillons
aménagés, regroupés vers des zones de vie ; on ne peut pas
préparer le délinquant à vivre dans la
société, si on ne l'habitue pas à vivre convenablement.
Pour cette raison, la vie dans les établissements devrait ressembler le
plus possible à la vie dans la société
libre. »100(*) . Le langage lui-même s'est adapté
à cette philosophie : on n'y parle pas dans ces
établissements de peine « privative » de
liberté, mais de peine « limitative » de
liberté.
Au Canada, la condamnation à une peine de deux ans ou
plus, doit s'optimiser par des missions et des programmes de
réinsertion, ou plutôt d'insertion, sociale des co-criminels.
Parmi ces programmes, certains sont directement ciblés sur
l'amélioration ou le maintien des relations familiales et conjugales.
Comme le rappelle une étude de Marion VACHERET, professeur adjointe
à l'Université de Montréal101(*) « Se
retrouvent ainsi des programmes de « lutte contre la violence
familiale », « vivre sans violence dans la
famille », ou encore d'« acquisition des compétences
familiales et parentales », de nature psycho-éducationnelle et
reposant sur un modèle cognitivo-comportemental ». Bien
sûr, de tels programmes doivent s'appuyer sur des locaux autres que la
cellule de 9m² du détenu. C'est pourquoi les visites liées
à ces programmes se déroulent dans l'enceinte de
l'établissement carcéral, mais dans une zone à part,
isolée du reste des centres de détention à proprement
parler. Ces aménagements architecturaux sont organisés en petits
appartements entièrement meublés, comprenant une à deux
chambres, une cuisine, un salon, une salle de bain et un espace
extérieur qu'il s'agisse d'une cour ou d'un jardin.102(*)
Sont par ailleurs à signaler ces quelques
expériences qui m'ont été communiqués lors
d'entretiens téléphoniques par Brigitte DANY, directrice adjointe
de la prison de Casabianda. Le Royaume-Uni expérimenterait
l'installation de piscines dans les établissements
pénitentiaires. En Israël, de petits commerces sont
installés à l'intérieur de la prison, et les
administrations publiques (du type ANPE, Poste, ...) y viennent faire des
permanences. Au Chili, les murs intérieurs des prisons sont recouverts
d'éléments végétaux qui brisent la monotonie et
l'aspect lugubre d'un mur minéral en béton.
Certaines de ces idées commencent à trouver un
écho en France, notamment l'accueil des familles, mais d'une
façon tout à fait insatisfaisante.
Section 2 :
Modélisation du système carcéral français du
XXIème siècle
Le but de ce travail est, en partie, de mettre en avant les
innovations et les expériences peu médiatisées qui font,
ou ont fait, leurs preuves. Pour cela nous verrons deux exemples
précis : la prison d'Avignon-Le pontet issue du dernier programme
immobilier pénitentiaire : programme 4000, ainsi que la prison de
Casabianda, la prison sans mur de Corse (§ 1). Puis, dans un second temps,
en tirant de ces expériences, et de celles évoquées plus
haut, nous pourrons envisager des modèles de structures
carcérales adaptés aux longues peines qui pourraient inaugurer
une vision renouvelée de l'interaction entre les murs de la prison et
ses missions.
§ 1 Ce qui existe
déjà
Pour présenter les expériences
françaises récentes ou innovantes, nous allons découvrir,
dans les grandes lignes, les prisons d'Avignon-Le Pontet (A/) et de Casabianda
(B/). La première est l'une des plus récentes de France.
Inaugurée en 2003, elle dispose du dernier cri technologique, et
présente une architecture assez différente du modèle
panoptique. La seconde est par sa structure même, sans mur, un sujet de
controverse. Par son fonctionnement et la population carcérale qu'elle
accueille, la prison corse méritait d'être l'exemple des
modèles originaux de certaines prisons françaises.
A/ Le modèle de la prison d'Avignon - le
Pontet
- Photographie satellitaire de la prison d'Avignon-Le
Pontet -
Cette présentation succincte s'appuie sur les
entretiens que j'ai pu avoir avec le personnel de direction, de surveillance et
d'encadrement de la prison d'Avignon-Le Pontet. Aux éléments de
ces entretiens s'ajoutent les constatations du Sénateur des Bouches du
Rhône, Robert BRET, tiré de sa visite parlementaire du printemps
2004.
La prison d'Avignon-Le Pontet a été mise en
service le 23 mars 2003. D'une capacité de 615 places, elle accueille
aujourd'hui entre 700 et 750 détenus selon les mouvements
d'entrée et de sortie. Sa structure comprend une maison d'arrêt,
composée de deux bâtiments avec 360 places (lors de mon passage,
le taux d'occupation était de 126%) et un quartier pour mineurs de 20
places dont 16 occupées le jour de ma visite. L'établissement
dispose d'un quartier « arrivants» de 15 places, de 10 cellules
d'isolement et de 9 cellules disciplinaires. Le centre de détention de
180 places n'était pas complet lors de mon passage. Trente places sont
réservées dans le centre pénitentiaire pour les
détenus placés sous le régime de la semi-liberté.
Il faut souligner que trois cellules sont aux normes pour accueillir des
personnes atteintes d'un handicap. La population carcérale est
composée de détenus d'origines ou de nationalités
maghrébines, gitanes, tziganes ou roms, et d'européens
occidentaux, puis dans une moindre mesure d'européens de l'Est,
d'africains, d'antillais, de turcs et de kurdes. Ce patchwork culturel est
à souligner puisqu'il conditionne parfois les rapports entre les
détenus en fonctions des mêmes tensions communautaires que celles
ressenties hors des murs. Il faut remarquer que des cellules occupées
par deux ou trois détenus, bien que prévues pour un seul (rajout
d'un lit superposé et d'un matelas sur le sol). Cette situation peut
être le fait de la volonté des détenus qui insistent pour
être regroupés par communautés (qu'elles soient
religieuses, géographiques ou régionales). Pour encadrer cette
population, l'ensemble du personnel représente environ 200 personnes
dont 170 surveillants parmi lesquels on dénombre une vingtaine de
surveillantes.
Pour ce qui est des conditions de détention, les
cellules disposent d'un cabinet de toilette (WC-douche) individuel; ce qui
est un progrès important au regard du parc pénitentiaire
existant, et qui offre de bien meilleures conditions d'hygiène et
d'intimité. Les relations avec le monde extérieur se font par des
parloirs composés de 40 box spacieux et éclairés
naturellement dans la mesure où ils bénéficient de la
lumière d'un patio. Le sénateur BRET remarquait que le sas
d'entrée pouvait poser un problème lié à un
engorgement rapide. En outre une unité de vie familiale
(UVF) composée de deux structures d'accueil indépendantes
ont été réalisées et entièrement
équipées : comprenant 2 studios avec séjour, cuisine,
chambre, salle de bain, dont une est équipée pour accueillir un
détenu (ou un conjoint) handicapé. La professionnalisation des
détenus se fait pour partie dans les ateliers de l'établissement.
Ateliers qui peuvent accueillir entre 40 et 50 détenus. Dans le rapport
de sa visite, le sénateur remarquait que l'on pouvait dénombrer
« 70 indigents dans l'établissement d'après la
direction ». L'offre de travail à l'intérieur de
la prison n'est donc pas suffisante pour répondre aux besoins de la
population. L'établissement dispose d'une structure d'accueil des
familles sous la forme d'un bâtiment indépendant de
l'établissement pénitentiaire, située à son
entrée. Cette structure est animée par l'association VIRAJE
impliqué dans l'accueil des familles de détenus, dans le soutien
et de l'orientation des libérés lors de la sortie. Monsieur BRET
qui interrogeait cette association a pu apprendre à l'occasion de sa
visite que « 100 détenus disposent d'un euro seulement par
semaine, 200 autres de moins de 5 euros par semaine et 300 autres de moins de 7
euros par semaine ». Il faut noter que les installations
sportives sont de qualité et que les activités culturelles, bien
qu'insuffisantes, sont supérieures à la moyenne (salle de lecture
par division de l'établissement pénitentiaire, club
d'échec, de yoga, etc...)
Concernant les services de santé, l'Unité
Consultative de Soins Ambulatoire (UCSA) est structurée en partenariat
avec l'hôpital d'Avignon. Cette unité dispose d'un centre
dentaire, d'une unité de radiologie avec transmission
numérisée directe avec le service de l'hôpital, d'un
psychologue et d'un pédopsychiatre (pour les mineurs). L'on retiendra
que pour le directeur, le quart des détenus de son établissement
souffrent d'une maladie mental : et que selon les services de l'UCSA, 40%
des détenus sont suivis pour des troubles psychiatriques.
Le problème principal de l'établissement est le
recourt au suicide. Le taux de suicide y est supérieur à celui
des prisons plus vétustes. On enregistrerait, selon les
sources103(*), entre une
demi-douzaine et une vingtaine de suicides depuis l'ouverture de la prison.
Pour tenter de remédier à cette situation, une commission
préventive des suicides, composée de représentants du
personnel de l'administration pénitentiaire, d'un médecin et de
représentant du service social, a été mise en place. Elle
se réunit tous les 15 jours avec un suivi personnalisé des
détenus, après une évaluation médicale à
leur arrivée et une surveillance spéciale adaptée à
leur profil médical. Cette question est indiscutablement au coeur des
interrogations sur les prisons de nouvelles générations (prisons
des programmes 13.000 et 4.000). En effet, la modernité qui devait
améliorer les conditions de détention, se traduit, à
l'usage, par moins de relations humaines entre les prisonniers eux-mêmes,
entre les prisonniers et les surveillants, et entre les surveillants
eux-mêmes. Le fait que les détenus puissent être seul par
cellule favorise le succès de ces tentatives suicidaires, puisque sans
codétenu les personnels ne peuvent être alertés sur un
état psychique instable ou sur une tentative effective. C'est face
à ce type de cas que les intervenants extérieurs à la
prison peuvent avoir une influence capitale. L'aumônier de la prison me
confiait qu'il n'était pas rare qu'un détenu l'encourage à
se rendre auprès d'un nouvel arrivant ou d'un codétenu
particulièrement affecté récemment par un
évènement, pour l'inciter à se confier sur son
état.
Il faut souligner et rappeler que le personnel de direction
actuel prend très à coeur ses diverses missions. Il fait preuve
de clairvoyance pour apprécier le degrés du possible
attaché à la population de son établissement, mais
toutefois s'attache à rappeler que la mission pénitentiaire
c'est : « garder des gens ». Cette expression
impersonnelle nous rappelle que ceux qui sont en prison peuvent être nos
voisins.
B/ le modèle de la prison de Casabianda
Photographie satellitaire de la prison de Casabianda,
aucun mur d'enceinte n'est présent.
L'étude de cette prison a été
essentiellement réalisée aux moyens de multiples échanges
téléphoniques avec le personnel de direction de la prison,
essentiellement Madame Brigitte DANY, directrice adjointe de la prison de
Casabianda ; auxquels s'ajoutent des recherches personnelles sur les
publications relatives à cet établissement.
La première impression d'un observateur
extérieur qui pose son regard sur la prison de Casabianda exprime le
décalage existant entre la définition
épistémologique de « prison » et la
réalité de Casabianda. La prison, dans l'imaginaire collectif est
essentiellement composée de murs en béton, de cellules
étroites, de miradors et d'obscurité. Casabianda est une enceinte
sans mur, en bordure de mer, où les mouvements des détenus y sont
très libres. Le centre de détention est situé sur la
commune d'Aléria, à 75 km de Bastia, sur la côte orientale
de la Corse. Il est implanté sur un domaine d'une superficie de 1480 ha
suivant un périmètre de quelques 20 km104(*). D'une capacité de
188 places, il y en avait 170 d'occupées lors de mon enquête. Sur
cet effectif, 90% sont des criminels sexuels, et seuls 10% des détenus
se sont rendus coupables d'autres infractions criminelles. Le choix de cette
population est fondé sur la structuration psychique des criminels
sexuels. En effet, ceux-ci sont considérés comme une population
coopérative aux injonctions réglementaires, peu agités et
raisonnablement corvéables. De plus, la direction de
l'établissement considère que la situation géographique de
la prison participe grandement à l'apaisement des détenus.
Ce qui doit être d'abord retenu dans cet
établissement, ceux sont les rapports sociaux entre les membres de la
communauté pénitentiaire. Casabianda est une prison
principalement basée sur le symbolisme, choix qui désoriente la
plupart des détenus qui y sont transférés pour achever
leur peine. La première réaction est souvent déstructurant
pour le détenu, submergé par la sollicitation de ses propres
sens. Il retrouve une vitalité bien souvent perdue derrière les
quatre murs de béton de son centre de détention, de sa maison
d'arrêt ou de sa centrale d'origine. Ce premier contact a pour
conséquence une réaction de crainte et de repli de la part de
certains nouveaux arrivants. Ils savent que c'est une chance d'être
transféré dans cette prison, et les limites de leur
semi-liberté étant particulièrement floues, il peut leur
paraître dangereux de les tester, ce qui motive certains à rester
parfois plusieurs mois sans véritablement sortir de leur baraquement.
C'est dans cette phase d'appropriation de l'espace que le poids de la
transmission entre « anciens » et
« nouveaux » commence à prendre son sens. Les
anciens transmettent les codes sociaux, ainsi que les règles des
avantages (comment se procurer un petit jardin personnel, comment le cultiver,
le transmettre, etc...). Puisque le nombre d'intervenants extérieurs est
assez limité à Casabianda, beaucoup de connaissances utiles se
communiquent de détenus à détenus. Il en est notamment
ainsi pour toute la partie activité agricole et d'élevage de la
prison.
Le régime de détention y est assez simple. Les
détenus ont des activités et des tâches professionnelles
à accomplir pendant la journée. Leurs déplacements dans le
centre de détention, et même en dehors pour des missions bien
précises sont très libres, la contrainte carcérale
étant d'être rentrer le soir pour être enfermé dans
les baraquements qui font office de logements. Le centre de détention
est équipé d'un cabinet médical et d'un cabinet dentaire.
Depuis 1984, il est également doté de « chambres
conjugales » qui préfigurent les actuelles Unités de
Vie Familiale (UVF) qui se développent petit à petit dans les
établissements pénitentiaires.
Le sens de la peine y est affirmé comme une notion
très importante. Les cultures maraîchères sont
prioritairement des cultures dites « biologiques ».
L'élevage équestre de la prison a pour fonction de
préserver la race des chevaux Corses, ce qui vaut une solide
réputation d'excellents reproducteurs pour les étalons qui y sont
à demeure. Chaque année de nombreux propriétaires
réputés de juments de l'Europe entière ou des Haras
Nationaux effectuent des saillis avec les semences de ces étalons.
Concernant l'élevage ovin, les moutons de Casabianda sont
réputés pour être parmi les meilleurs de
méditerranée. Lorsque la fête musulmane de l'Aïd El
Kébir arrive, la prison n'a aucun mal à vendre les têtes de
bétail prêtes à être abattues. Les fromages corses
qui viennent du centre de détention sont par ailleurs très
prisés.
Pour effectuer les travaux affairant à ces
activités professionnelles, les détenus sont parfois
accompagnés au dehors du centre de détention, mais il n'y a
là rien de systématique. Puisque les élevages de mouton
sont amenés à être éloignés de Casabianda, il
est fréquent de voir partir des détenus sans escorte au volant
d'un camion du centre pour ce rendre sur les lieux de pâture des
troupeaux.
La prison de Casabianda se donne pour mission de
recréer une identité à l'individu. Le détenu
redevient peu à peu un sujet. Mais ce processus ne peut être
accompli avec toutes les catégories de détenus, et certainement
pas partout en France. On pourrait presque ironiquement dire qu'en Corse, seul
les Corses peuvent se cacher ! Les tentatives d'évasion sont
très rares puisque cet établissement pénitentiaire
s'adresse à des détenus en fin de peine, et qui ont
derrière eux de quelques longues années en détention sur
le continent. Mais cette expérience prouve que dans des projets
spécifiques, s'adressant à des populations carcérales bien
identifiées, les résultats de réinsertion peuvent
être probants105(*). Le caractère exceptionnel du traitement des
détenus, et le fait que ceux-ci en soient bien conscients, y est
très probablement pour beaucoup. Des chances comme celle-ci ne peuvent
pas se présenter deux fois.
§ 2 Ce qu'il faut
développer
La future réforme de modernisation des prisons passera
donc par l'application de toutes ces expériences qui ont pu faire leurs
preuves. Par la correction de ce qui peut devenir dangereux, et par
l'innovation vers de nouveaux modes de détentions.
Bien sûr l'expérience de Casabianda n'est pas
applicable à tous les détenus, mais il est important de trouver
un modèle de prison qui puisse répondre à chaque
population. A l'image de Casabianda, parmi les solutions qui peuvent
apparaître, il y a la répartition des détenus par crime et
non plus par peine. Une répartition assortie de mesures
spécifiques en fonction du profil psychologique général de
chaque catégorie. Une telle structuration devrait s'accompagner d'une
formation spécifique d'une partie de l'administration
pénitentiaire, ce qui optimiserait leur intervention auprès des
populations dont elle a la garde. Avoir créé une prison pour les
« pointeurs », la catégorie de criminel la plus
méprisée parmi les détenus est un geste vers une prise de
conscience que tous les criminels ne sont pas faits pour être
rassemblés dans une même enceinte. Mais un tel regroupement ne
doit pas favoriser le phénomène « d'école du
crime » qui peut apparaître parfois en prison, ce qui
n'intervient que pour certaines catégories de détenus
(proxénètes, braqueurs, trafiquants, etc.). Les meurtriers
passionnels et les criminels d'occasion en général pourraient
bénéficier de traitement ressemblant à celui de
Casabianda.
Mais il ne faut pas, pour autant, faire preuve
d'angélisme. Certaines catégories de détenus sont
particulièrement sensibles, et leur isolement des autres détenus
apparaît de plus en plus nécessaire. Les membres du grand
banditisme, d'organisations terroristes idéologiques ou religieuses, ou
les détenus psychiatriquement dangereux devraient faire l'objet de
mesures de sécurités adaptées. La création de
prisons (ou d'une prison) de très haute sécurité au
régime pénitentiaire quasi-auburnien106(*) pourrait répondre
à cette nécessité. Pour les criminels psychiatriques il
est temps de développer à plus grande échelle les
Unités Psychiatriques de Santé Mentale107(*).
Concernant la réinsertion des détenus, il y a
là aussi des efforts architecturaux à accomplir. Les prisons ne
peuvent plus se passer de vrais projets d'insertion économique. La
conception et l'organisation de ces projets doivent se faire avec les
intervenants traditionnels de la réinsertion des détenus, mais
aussi avec le contact et le soutien des chambres consulaires et des
organisations représentatives des entreprises. La réinsertion des
détenus ne pourra se faire efficacement et durablement que par une
véritable intégration des prisons au tissu
socio-économique environnant. Pour que ces programmes soient
couronnés de succès, la prison va devoir faire des efforts
d'organisation. Ne pas hésiter à investir dans du matériel
industriel, même si cela doit être le synonyme d'une adaptation des
règles de sécurité. Il est évident qu'un
détenu qui a une machine-outil à sa disposition est
potentiellement plus dangereux qu'un détenu qui doit faire du
rempaillage108(*). Les
centrales nucléaires ont des systèmes de détection des
risques à la sortie de toutes les salles. Il pourrait être utile
de placer des portiques de détection des métaux à
l'intérieur de ces ateliers pour se prémunir contre toutes
tentatives d'un détournement d'outils pouvant être utilisés
comme une arme. Les surfaces de travail doivent être
considérablement agrandies et pourquoi pas même
extériorisées hors des murs de la prison. Avec les nouveaux
moyens d'assistance à la surveillance (bracelet électronique) il
est tout à fait envisageable de développer des
expériences, déjà existantes, de travaux
d'intérêts collectifs (débroussaillage des zones à
haut risque d'incendie ; entretien des espaces publics ; etc.).
Pour ce qui est de l'aménagement architectural des
prisons, il ne faut pas hésiter à reproduire les
expériences bénéfiques étrangères. Faire
entrer un peu plus de lumière naturelle dans les prisons, et cacher les
angles saillants ou le béton des murs peuvent être un facteur de
diminution des tensions carcérales. Il faut favoriser les cellules
doubles pour réduire le risque de suicide, mais offrir des occupations
utiles pour chaque détenu afin de les extraire d'une routine quotidienne
à regarder la télévision ou à écouter la
radio.
Bien sûr ces pistes ne sont pas exhaustives, mais elles
ont pour but de montrer que la prison doit se réinventer, y compris dans
ses murs.
Chapitre 2 : Organiser de
nouveaux rapports carcéraux
Sur la question de l'organisation des rapports entre les
membres de la communauté pénitentiaire, la mission d'Alexandre de
TOCQUEVILLE a également mis en lumière certaines pratiques
d'outre-atlantique en ce début du XIXème
siècle :
« Le pénitencier de Wethersfield dans le
Connecticut a, sur ce point, introduit un système différent et
qui mérite d'être expliqué : dans cette prison on ne
repousse pas le principe des châtiments corporels ; seulement on en
évite le plus qu'on peut l'application. On reconnaît que dans
certains cas, des moyens d'influence morale seraient insuffisants pour
gouverner les détenus et qu'une punition matérielle est
nécessaire pour les dompter ; mais on a recours à cette rigueur
que lorsqu'il est bien constaté que toute autre voie plus douce a
été inutilement tentée ; et on ne frappe un détenu
qu'à la dernière extrémité. Voici quelle est
ordinairement la série des degrés par lesquels passe un
détenu rebelle à la discipline, avant d'arriver au
châtiment des coups. Un condamné refuse-t-il de se soumettre
à l'ordre établi, soit à la loi du silence soit à
celle du travail, on le fait sortir des ateliers communs et on le met dans sa
cellule ; selon la gravité de son infraction, on lui laisse quelque
lumière ; ou on l'en prive entièrement. Ce premier
châtiment est-il insuffisant pour vaincre son opiniâtreté ?
On diminue sa ration de nourriture. Et s'il persiste dans le mal, on le met au
pain et à l'eau. Si on en croit les employés de la prison, rien
n'est plus rare que la nécessité d'infliger ces diverses peines
de discipline dans toute leur rigueur. Les condamnés considèrent
l'emprisonnement solitaire sans aucune communication, même pendant le
jour, comme un châtiment affreux, et à peine l'ont-ils subi
quelques moments, qu'ils demandent avec instance la faveur de reprendre leurs
travaux. Ce n'est que dans un très petit nombre de cas, et qui forment
réellement des exceptions, qu'il se rencontre des caractères
difficiles dont on n'obtient la soumission qu'à force de rigueur. Pour
ces derniers eux-mêmes, on ne se montre point prodigue de
sévérités inutiles ; et avant de leur infliger la peine du
fouet, on essaie tous les moyens de corrections capables de les dompter.
Lorsque la privation partielle de nourriture n'a point produit cet effet, on
suspend à leurs pieds des fers pesants ou bien on leur ôte leur
lit, et si toutes ces tentatives demeurent sans succès, si le
détenu se montre tout à la fois sourd aux exhortations du
directeur et du chapelain, c'est alors qu'il est indispensable de chercher dans
l'usage du fouet un moyen plus efficace de soumission. Mr. Pilsbury, gardien en
chef de la prison, nous a dit que, depuis trois ans qu'il est à la
tête de l'établissement, il n'a été forcé
qu'une seule fois de recourir à ce châtiment. Il est à
remarquer que lui seul est investi du droit de l'infliger ; à
Sing-Sing109(*) tous les
gardiens inférieurs jouissent à cet égard d'un pouvoir
discrétionnaire ; à Auburn et à Boston, ils ont
également un pouvoir très étendu, quoique limité. A
Wethersfield, au contraire, ils n'ont en aucun cas le pouvoir de punir les
détenus. Ce droit appartient exclusivement au gardien en chef auquel
tous ses subordonnés doivent en référer, chaque fois
qu'ils constatent une infraction à la discipline. »110(*)
Nous voyons bien que dans la conception des choses telle que
présentée dans ce récit, les rapports carcéraux,
notamment en ce qui concerne l'obéissance, sont essentiellement
tournés vers une certaine forme de violence. Or cette conception peut
apparaître de nos jours comme archaïque et rétrograde. Certes
la violence morale et la contrainte physique doivent toujours être des
armes disponibles pour faire respecter la règle pénale, mais il
existe des moyens plus humains (Section 2) ou plus modernes (Section 1) de
transformer utilement les rapports carcéraux.
Section 1 : Les
prisons « Big Brother », le contact réduit au
minimum
Le premier moyen de changer profondément les rapports
conflictuels intrinsèques au milieu carcéral peut être
d'éliminer ces rapports. Les nouveaux moyens technologiques peuvent y
aider et réinventer une application à deux vieilles notions
pénitentiaires : l'institution totale et la panoptique (§1).
Mais ce modèle montre rapidement ses limites (§2).
§ 1 La
réinvention de l'institution totale et d'une nouvelle panoptique
Les nouvelles technologies peuvent autoriser l'invention de
nouveaux rapports carcéraux. Tel que nous l'envisageons dans ce
mémoire, la diminution des interactions entre personnels de
l'administration pénitentiaire et détenus criminels doit se faire
dans le cas spécifique des détenus considérés comme
dangereux, difficilement ré-insérables, mais psychiatriquement
peu atteints. Pour réduire cette interaction, l'appui technologique peut
venir remplacer la présence effective de l'Homme. Sur les mêmes
bases intellectuelles que la panoptique du XIXème
siècle, une mise sous surveillance électronique permanente des
faits et gestes du détenu pourrait recréer le sentiment de
potentielle observation permanente qui peut obliger le prisonnier à se
contrôler en permanence, et idéalement à finir par
acquérir une forme d'automatisme de respect de la règle. Les
gardiens n'ont pas à être systématiquement en contact avec
les détenus pour s'assurer de leur respect des règles, et cela
décuple leur pouvoir de contrôle puisqu'ils peuvent être
potentiellement en mesure de contrôler l'activité de chaque
détenu. Et plus le dispositif de contrôle sera visible, plus il
sera dissuasif.
La dangerosité de la population carcérale que
nous évoquons ici réside en partie dans son potentiel à se
rendre encore plus dangereuse, en développant des contacts entre les
détenus, qu'elle ne pouvait l'être en entrant dans la prison.
C'est l'effet « prison, école du crime » dont nous
avons déjà parlé. Le seul remède à cela
passe par l'isolement des détenus les uns des autres. Le risque majeur
émergeant est alors celui du suicide. Pour s'en prémunir, les
dispositifs de contrôles à distance des fonctions vitales existent
déjà dans les hôpitaux ou pour les sportifs soumis à
de très gros efforts physiques. Placer de tels dispositifs sur les
détenus isolés pourrait utilement prévenir toute mise en
danger de la santé des détenus.
Pour ce qui est de la réhabilitation de la notion
d'institution totale au travers de ces prisons de haute sécurité,
il nous suffit de revenir à la définition qu'en donnait Erving
GOFFMAN dans son ouvrage ASILE: c'est « un lieu de
résidence ou de travail où un grand nombre d'individus,
placés dans une même situation, coupés du monde
extérieur pour une période relativement longue, mènent
ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et
rigoureusement réglées »111(*)
Il est clair que pour les détenus
potentiellement dangereux, y compris pour la société
elle-même s'ils réussissent à garder un contact
suffisamment libre avec l'extérieur (téléphones portables,
parloirs servant à donner des consignes, etc.), la
nécessité est de les isoler efficacement du monde
extérieur. La légitimité du rétablissement de
l'institution totale trouve ici toute sa place. L'individu devra être mis
dans une situation explicite et visible de conditionnement par des
règles communes et d'isolement du monde extérieur. Le
rétablissement du « droguet » (costume
carcéral), n'est ici pas à exclure. La singularisation doit
être potentiellement minimale, et le fonctionnement de la
détention très automatisé.
Ce régime particulièrement pesant pourrait
être le niveau le plus élevé d'une échelle de
sécurisation des établissements de très haute
sécurité. Le respect de ces règles serait encouragé
par l'espoir de voir diminuer les contraintes au fur et à mesure de
l'avancée dans la détention, et de la manifestation
sincère par le détenu d'une volonté d'inscrire sa
détention dans un processus d'appropriation ou de réappropriation
des normes sociales.
Ce modèle de prison n'est pas une totale invention,
mais une adaptation de dispositifs d'isolement des criminels dangereux du
Canada, d'Allemagne ou encore des Etats-Unis. Le Royaume-Uni a récemment
modifié sa législation pour installer des caméras de
surveillance dans les cellules des prisonniers (Annexe 4).
§ 2 Les limites de ce
modèle
Bien sûr un tel dispositif n'est absolument pas
applicable à tous les types de détention. De telles conditions
ont tendance à détruire l'identité des reclus. Elles
doivent donc être utilisées avec parcimonie et pour les profils
les plus hermétiques à la dissuasion par la privation de
liberté.
Certains de nos établissements ont commencé
très tôt à utiliser de nombreux moyens techniques pour
assister les surveillants de prison, mais les mentalités ne semblent pas
encore préparées à une telle révolution, même
si en volume de population carcérale, cette proposition s'adresse
à un nombre très limité de criminels. Pour illustrer cette
réticence, je reprendrai le propos d'Alain PEYREFITTE, ancien Garde de
Sceaux à propos de la prison de Fleury-Mérogis :
« A Fleury, l'électronique remplace clefs et
serrures : l'ouverture et la fermeture des portes se font automatiquement,
commandées à distance depuis un poste central. Tout cela semble
presque trop beau pour l'usage qui doit en être fait. On en vient
à redouter que les mal logés de tous bords ne cherchent à
se faire admettre dans ce luxueux établissement où ils seront
beaucoup mieux que chez eux. Las! Fleury-Mérogis ne tarde pas à
perdre son auréole de prison modèle. Les critiques des
" utilisateurs " fusent : on qualifie le nouvel établissement
d' "Alphaville " dépersonnalisée. Le " tout
électronique " fait regretter les bonnes grosses clefs et les bons
gros verrous d'antan. Détenus et surveillants se plaignent de l'absence
de contacts humains résultant de l'automatisme des installations. Bref,
on rejette la prison presse-bouton. Les gens qui ont été
incarcérés à la Santé avant de l'être
à Fleury chantent les louanges de la vieille parisienne. 112(*)»
De plus, ces dispositifs s'accordent mal des principes
fondamentaux du respect à une vie privée et à la
dignité de la personne. Leur utilisation ne peut donc être que
temporaire et strictement légitimée par un risque majeur
d'atteinte à la sécurité de la société.
Section 2 : Remettre
plus de droits en prison
Une autre voie pour réformer les rapports entre les
participants à la vie carcérale, et peut-être
diamétralement opposée à la précédente,
revient à créer des droits pour les détenus. Deux pistes
semblent être prioritairement à privilégier : l'une
qui promeut la démocratie en prison (§1) et l'autre qui
rétablit dans leurs droits les détenus (§2).
§ 1 Remettre de la
démocratie en prison113(*)
En janvier 2006, le Comité des Ministres du Conseil de
l'Europe a adopté la Recommandation (2006) 2. Cette Recommandation
contient la version révisée des Règles
Pénitentiaires Européennes. Une nouvelle Règle -
Règle 50 - stipule que les détenus doivent être
autorisés et encouragés à discuter des questions relatives
à leurs conditions générales de détention avec les
administrations pénitentiaires.
Pour encadrer cette expression, il existe plusieurs exemples
à travers le monde de « commission des
détenus », de « comité de
détenus » ou encore « comité consultatif des
détenus ». Dans une étude récente, Norman
BISHOP, ancien directeur de la Recherche à l'Administration des prisons
et de la probation en Suède, synthétise les diverses
expériences européennes114(*), en voici un extrait :
« - La disposition de la loi finlandaise, en la
matière, est assez restreinte : « Il peut être
permis aux détenus de se réunir sous surveillance pour planifier
les loisirs ou de traiter de questions concernant la vie
commune ».
- L'Article 74 de la loi néerlandaise sur les principes
pénitentiaires énonce que le directeur d'une prison doit
s'assurer que des consultations régulières concernant les
questions concernant directement la détention ont lieu avec les
détenus. Un mémorandum explicatif indique, sans détailler
la chose, que la mise en oeuvre des consultations varie selon les
différentes prisons et la catégorie des détenus qui y sont
incarcérés.
- Une nouvelle loi belge sur l'emprisonnement exige
« la création d'un organe consultatif et structurel comprenant
des représentants des détenus » pour créer
« un climat de consultation » dans les prisons. Le
modus operandi de cet organe sera élaboré, par la suite,
par un décret royal. »
Le principe général de toutes ces
démarches est de créer un espace de dialogue entre
l'administration pénitentiaire et les détenus. La vertu d'un tel
espace, est de pouvoir désamorcer les crises avant qu'elles
n'émergent sous une forme violente, et de manifester de
l'intérêt pour l'opinion de ceux qui restent les plus nombreux en
prison : les détenus.
Ces commissions ou comités peuvent, dans certains cas,
être une source de propositions pour améliorer les conditions de
détention et les activités sportives ou culturelles de
l'établissement. En France, la prison d'Avignon-Le Pontet associe depuis
quelques mois les détenus à la composition des menus des repas
qui vont leur être servis.
Bien sûr, de tels droits offerts aux détenus ne
sont pas sans intérêt pour l'administration pénitentiaire.
En permettant l'émergence de revendications et la concrétisation
des souhaits de détenus, les privilèges acquis peuvent devenir
des moyens de pression en cas de dérive dans les comportements des
populations carcérales. Les détenus créent ici d'une
certaine manière la carotte et le bâton qui vont rythmer leur
détention.
L'inconvénient de ces comités rappelé par
Monsieur BISHOP tient au fait que peuvent naître des rancoeurs dues aux
réunions de ces comités. Les demandes des détenus
étant parfois diamétralement opposées à celle des
personnels de surveillance, reconnaître aux premiers un droit pourrait
entraîner des réactions virulentes des seconds. Et connaissant le
poids des syndicats dans les personnels de surveillance des prisons, il
pourrait être mal venu de leur donner un prétexte à une
action collective qui mènerait au retrait dudit droit, entraînant
par là même un fort mécontentement des détenus qui
venaient de l'obtenir.
Pour ce qui est d'une hypothétique réforme en
France qui favoriserait la création de telles assemblées, le
Ministre de la Justice était interrogé récemment par
écrit par un sénateur, voici sa réponse.
- Question écrite n° 25414 de M. Richard Yung,
posée le 20/04/2006 portant sur la création de comités de
détenus au sein des prisons.
- Réponse du Ministère de la justice
publiée dans le JO Sénat du 22/02/2007 - page 403.
« Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait
connaître à l'honorable parlementaire l'intérêt qu'il
porte à l'application des règles pénitentiaires
européennes que les Etats membres du Conseil de l'Europe ont
adoptées au début de l'année 2006. Bien que ces
recommandations ne présentent aucune valeur contraignante pour les
Etats, elles constituent pour le ministère de la justice un outil de
référence, sur lequel l'administration pénitentiaire
entend désormais fonder son action. La France respecte
déjà largement les prescriptions de ces règles qui
incitent à l'amélioration des conditions de détention.
Néanmoins, certaines d'entre elles nécessiteraient, pour
être applicables, des réformes réglementaires. Il en est
ainsi de la règle n° 50 qui recommande que « sous
réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de
sécurité, les détenus doivent être autorisés
à discuter de questions relatives à leurs conditions
générales de détention et doivent être
encouragés à communiquer avec les autorités
pénitentiaires à ce sujet ». En l'état actuel de
notre réglementation, l'article D. 257-1 prévoit que le chef
d'établissement et les personnels doivent recueillir les observations et
les suggestions présentées par les détenus, mais il
n'existe pas de comité ou d'association de détenus
institutionnalisé. En revanche tout détenu a le droit
d'être membre d'une association extérieure à
l'établissement. L'application du droit d'expression collective dans les
établissements pénitentiaires pose un problème de principe
et ne peut se concevoir sans qu'un débat préalable soit
engagé sur les possibilités de concilier les impératifs de
sécurité des établissements, les exigences d'ordre public
interne et externe, avec le nécessaire respect de la dignité
humaine et des droits fondamentaux. A cet égard, il y a lieu de
souligner que les recommandations du Conseil de l'Europe dans ce domaine vont
au-delà des exigences internationales et notamment de la CEDH.
[...]. 115(*)».
Cette réponse peut nous laisser objectivement penser
que l'émergence de ces comités ne devrait pas se faire dans un
proche avenir, hormis le cas ou une nouvelle volonté politique
gouvernementale viendrait à émerger.
§ 2 Rendre leurs
droits aux détenus
Comment une société peut-elle prétendre
apprendre la norme sociale en prison, alors que le droit ne semble parfois pas,
ou mal, s'appliquer en prison ? L'exemple le plus symptomatique se
retrouve autour de la commission disciplinaire et de ses jugements. Cette
commission que nous avons déjà partiellement
étudiée plus haut, cristallise ce qui pourrait apparaître
comme plusieurs entorses aux principes du droit pénal.
Comme le fait justement remarquer Isabelle MANSUY116(*) : « En
vertu de l'article 34 de la Constitution française de 1958, la loi fixe
les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales
accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
Mais le législateur s'est contenté, en matière
pénitentiaire, de confier au pouvoir réglementaire, par le biais
de l'article 728 du Code de procédure pénale, la mission de
déterminer l'organisation et le régime intérieur des
établissements pénitentiaires ». Or, l'organe
légal chargé de faire respecter ces règlements et la
commission disciplinaire carcérale est un organe administratif qui va
pourtant prononcer des jugements portant atteintes aux libertés
individuelles, et aggravant les conditions de détentions pourtant
fixées par un Magistrat représentant la République.
En outre, le monde carcéral est bien en peine à
appliquer certaines réformes. Pour exemple, l'administration
pénitentiaire ne s'était pas sentie concernée lors de la
parution de la loi du 12 avril 2000 sur les rapports entre les citoyens et
l'administration pénitentiaire. Il a fallut un avis du Conseil d'Etat du
3 octobre 2000 rappelant cette même administration à ces devoirs
pour que celle-ci commence à appliquer ce texte. Mais l'application de
cette loi s'est fait dans un premier temps au détriment de droits
élémentaires des détenus à être
défendus devant une instance de jugement. Une circulaire de
l'administration pénitentiaire relative à la procédure
disciplinaire des détenus, datée du 31 octobre 2000,
étend les cas où la commission de discipline est
exonérée d'entendre l'avocat ou le mandataire du détenu.
De plus, elle impose un agrément aux avocats et mandataires souhaitant
assister une personne en commission de discipline et limite le nombre de
personnes susceptibles d'être mandataires (excluant en particulier les
détenus, anciens condamnés, titulaires du permis de visiter un
détenu,...). Il faudra une annulation partielle en Conseil d'Etat
(Arrêt Dieng Lobat 20 mars 2002) et un décret du 25
juillet 2002 pour revenir partiellement sur ces dispositions.
En France, le droit de vote constitue un élément
essentiel de la citoyenneté, de plus consacré par le Conseil
Constitutionnel. Pourtant, comme le soulignait en juin 2000 la commission
d'enquête sénatoriale, « [le droit de vote] est
quasiment inexistant en prison car aucune disposition n'est prévue pour
en faciliter l'exercice ». Les prévenus jouissent de la
totalité de leurs droits électoraux. Seules les personnes
condamnées antérieurement au 1er mars 1994 en sont
privées. Depuis cette date, la suppression du droit de vote n'est plus
automatique. La seule obligation qui pèse actuellement sur le chef
d'établissement est d'informer les personnes détenues
suffisamment longtemps à l'avance de leur possibilité de voter
par procuration. Comme le préconise la commission consultative des
Droits de l'Homme dans un rapport de mars 2004117(*) « Il pourrait
être proposé aux personnes détenues, notamment aux
condamnés, de s'inscrire sur les listes électorales du lieu de
leur incarcération. Les prévenus pourraient être
recensés et approchés par un agent public chargé de les
inscrire sur les listes de leur domicile (s'ils en possèdent un) ou de
leur lieu de détention. Pour les personnes détenues qui ne
peuvent quitter l'établissement, un bureau de vote pourrait être
ouvert dans l'enceinte de la détention afin que ceux qui le souhaitent
puissent s'exprimer personnellement (passage dans l'isoloir...). Pour tous les
autres, une permission de sortir pourrait leur être accordée le
jour des élections ».
La mission de réinsertion des prisons doit passer par
une réappropriation des droits et devoirs d'un citoyen. Mais pour
enseigner ces principes, notre République se doit d'être
exemplaire, et de faire des efforts pour considérer les détenus
(Français et communautaire pour le moins) comme des citoyens membres du
corps électoral, et jouissant pleinement de certains droits.
Les représentants des citoyens doivent être les
garants de ces droits, et les députés devraient être plus
impliqués dans les établissements pénitentiaires du
ressort de leur circonscription.
Et comme nous le suggérait Alexandre de TOCQUEVILLE il
y a presque 200 ans à propos du sort futur du condamné :
« Peut-être ne sera-t-il pas, pendant sa
détention, devenu un honnête homme ; mais il aura contracté
des habitudes honnêtes ; peut-être, au fond de son âme, ne
sentira-t-il pas un grand respect pour les lois de la morale ; mais il se
montrera obéissant aux lois de la société ; et c'est tout
ce que la justice peut lui demander. »118(*)
Titre 2 : Changer la
peine
Afin de transformer utilement notre conception des longues
peines appliquées aux criminels, outre les changements qui doivent
intervenir dans les structures des établissements pénitentiaires,
une grande partie du travail doit être effectué sur la peine
elle-même. Pour cela, il convient d'agir sur l'exécution des
peines (Chapitre 1), mais aussi d'avoir une réflexion sur le choix des
peines qui seront appliquées à nos criminels (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Changer le
cours des peines
Le temps passé en prison ne doit plus pouvoir
être du temps perdu. Si la prison devient utile au criminel, peut
être en sera reconnaissant à la société. Si au
contraire la prison participe à un processus inéluctable de
descente aux abysses de la condition humaine, le criminel gardera une rancune
envers ceux qui l'ont privé d'un temps de vie. Et de fait, probablement,
jamais il n'effectuera le travail d'amendement que lui réclame pourtant
la société.
Le premier Congrès des Nations Unies pour la
prévention du crime et le traitement des délinquants
réunit en 1955 à Genève relevait:
« Le but et la justification des peines et
mesures privatives de liberté sont, en définitive, de
protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera
atteint que si la période de privation de liberté est mise
à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible que le
délinquant une fois libéré soit non seulement
désireux mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir
à ses besoins. »
Pour arriver avec succès à ces objectifs,
faut-il encore lutter contre l'oisiveté du détenu (Section 1), et
tout faire pour que les liens affectifs et l'espoir qui aideront le criminel
à se reconstruire, pendant et après la prison, ne soient pas
détruit durant la période d'incarcération (Section 2).
Section 1 :
« L'oisiveté est mère de tous les vices »
Article 17 du code pénal de 1791 :
« Le produit de son travail sera employé
ainsi qu'il suit :
Un tiers sera appliqué à la dépense
commune de la maison ;
Sur une partie des deux autres tiers, il sera permis au
condamné de se procurer une meilleure nourriture ;
Le surplus sera réservé pour lui être
remis au moment de sa sortie, après que le temps de sa peine sera
expiré. »
Les institutions pénales sont aujourd'hui
majoritairement convaincues que le travail pénitentiaire peut être
utile au détenu. Le fait est, nous l'avons vu
précédemment, que le succès est loin d'être au
rendez-vous sur ce volet de la mission pénitentiaire. Nous verrons quel
sont les solutions trouvées à ce questionnement par nos voisins
européens (§1), puis les améliorations qui doivent
intervenir dans le cour des peines pour favoriser une activité
professionnelle en prison (§2)
§ 1 Les positions
européennes sur le travail pénitentiaire119(*)
Comme le rappelle une note de synthèse du Sénat
sur le travail des détenus en Europe120(*) : « depuis l'entrée en
vigueur de la loi du 22 juin 1987 relative au service public
pénitentiaire, le travail des détenus n'est plus obligatoire en
France, mais le code de procédure pénale dispose que
« toutes dispositions sont prises pour assurer une activité
professionnelle aux personnes incarcérées qui le
souhaitent ».
La commission chargée de cette étude s'est
intéressée au cas de l'Allemagne, de l'Angleterre et du Pays de
Galles, du Danemark, de l'Espagne, de l'Italie et des Pays-Bas. Nous nous
attarderons sur les éléments les plus marquant de cette
étude.
Tout d'abord, un examen transversal permet de conclure
que :
- à l'exception du Danemark et de l'Espagne, tous les
pays étudiés posent le principe du
travail obligatoire des personnes condamnées à une peine
privative de liberté ; Cependant, en
Espagne et au Danemark, les personnes condamnées ont une obligation
d'avoir une activité, qui n'est pas forcément un travail.
- dans tous les pays étudiés, le travail des
détenus qui sont employés à
l'intérieur des établissements pénitentiaires se
déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun.
Les pays étudiés, bien que disposant d'une
contrainte légale, ne satisfont pas au plein emploi des personnes
détenues. Le taux d'employés varie de 80 à 85% au Pays-Bas
jusqu'à 24% en Italie. Pour faciliter ce travail, tous les pays ont
choisi un régime dérogatoire du droit du travail applicable
à l'extérieur des murs de la prison. C'est en particulier le cas
s'agissant de la rémunération horaire qui est
généralement de l'ordre d'un euro. L'Angleterre et le Pays de
Galles, avec une rémunération hebdomadaire de l'ordre de
douze euros, font exception à cette règle. L'Italie fait
également exception à cette règle, puisque la loi pénitentiaire dispose que la
rémunération des détenus ne peut pas être
inférieure aux deux tiers de ce qui est prévu par les conventions
collectives correspondantes. Cependant, compte tenu des retenues
pratiquées sur les gains des détenus, on estime que leur
rémunération nette s'élève à 40 % de
celle des salariés libres.
Qui plus est, des règles particulières encadrent
les rapports professionnels pour ceux qui travaillent et ceux qui ne
travaillent pas. Ainsi, le Danemark et les Pays-Bas garantissent un revenu
minimum aux détenus qui ne travaillent pas, l'Italie comme nous venons
de le voir fixe la rémunération de ceux qui travaillent,
l'Allemagne leur accorde des congés payés, le Danemark organise
la répartition hebdomadaire du travail et
prévoit des pauses prises sur le temps de
travail, l'Allemagne et le Danemark octroient des compensations horaires
lorsque le travail a lieu en dehors des horaires
habituels.
Mais, c'est en Espagne que le droit du
travail des détenus est le plus complet. La loi-cadre portant sur le
statut général des salariés précise que les
détenus qui travaillent dans les
établissements pénitentiaires sont employés selon un
régime exorbitant du droit commun, mais qui doit tenir compte des droits
fondamentaux reconnus à chacun par la Constitution.
Ce
régime spécial a été défini par un
décret de juillet 2001, qui constitue en quelque sorte le droit du travail des détenus : il organise
la classification des postes de travail, prévoit
la publication des emplois vacants, établit les critères
d'attribution des postes, énumère les motifs de suspension et de
rupture de la relation spécifique qui existe entre les détenus et l'Office Autonome Pour le
Travail et les Prestations Pénitentiaires (OATPP). En effet, même
lorsque les activités de production sont concédées
à des entreprises privées, l'OATPP reste l'employeur des
détenus. Ces derniers signent cependant avec les entreprises un contrat
qui définit les principales
caractéristiques de l'emploi (nature du poste de travail,
rémunération, horaires, durée des congés...). Le
décret de juillet 2001 affirme aussi le droit
des détenus à la promotion et à la formation, à
participer à l'organisation et à la planification du travail et
à ne pas subir de discriminations dans le travail.
§ 2 Perspective de
réformes pour faciliter le travail pénitentiaire.
Certaines de ces bonnes pratiques sont tout à fait
transposables en France. La protestation des détenus qui se sentent
« exploités » dans les ateliers
pénitentiaires pourrait trouver une réponse dans un modèle
social à l'espagnole. Puisqu'il n'y est aucun retour sur les cotisations
sociales versées par les détenus, ne serait-il pas alors
préférable de l'ai en exonérer, ou bien de leur en
attribuer la compensation en se rapportant aux droits acquis par les luttes
salariales au cours des années (chômage en période
d'inactivité, congés payés, etc.).
De plus, les pays européens nous montrent la voie pour
assouplir notre obsession sécuritaire relative aux conditions de
travail. Comme le soulignent très justement Marc BAADER et Evelyne SHEA
dans l'étude dont nous avons déjà parlée121(*) : « Si
les télé-centres fonctionnent sans risque en Italie et les
services traiteurs en Allemagne et si, en Angleterre, les stagiaires en
nettoyage industriel obtiennent le "contrat" pour le nettoyage professionnel de
l'établissement, on comprend mal pourquoi ces activités
valorisantes, en demande à l'extérieur, devraient être
bloquées en France au nom de la sécurité. »
Toutes ces activités se passent à l'extérieur des murs de
la prison, nous pouvons faire au moins aussi bien que nos partenaires
européens.
Enfin, le Sénat a de nombreuses fois travaillé
sur cette question du développement des emplois pénitentiaires.
Parmi les divers rapports ou synthèses, la mission de contrôle sur
le compte de commerce 904-11 de la Régie Industrielle des Etablissements
Pénitentiaires (RIEP)122(*) est à souligner pour ses propositions
concrètes de réformes. Il s'attarde notamment sur les
réformes structurelles à accomplir et sur les moyens d'attirer
les acteurs du monde économique vers la population carcérale.
Voici quelques-unes des propositions de ce document :
« Mesure 1 : un programme quinquennal
portant sur 10.000 emplois supplémentaires en prison ;
Mesure 2 : un appel à projets en direction des
acteurs économiques ;
Mesure 3 : l'obligation, pour toute construction ou
rénovation de prison, de prévoir des espaces de travail
modulables et de dimension proche des standards du monde de
l'entreprise.
Mesure 4 : prendre en compte dans la notation des
directeurs d'établissements leurs efforts en matière de travail
pénitentiaire.
Les trois piliers d'une nouvelle politique du travail
pénitentiaire reposeraient sur :
- une incitation accrue des acteurs économiques
à entrer en prison ;
- une réforme de la R.I.E.P. pour en faire un
exemple à suivre ;
- une définition plus exigeante du travail
pénitentiaire.
Mesure 5 : solliciter les
fondations d'entreprise pour un appui financier sur certains
projets ;
Mesure 6 : susciter des parrainages d'ateliers par
des moyennes et grandes entreprises ;
Mesure 7 : proposer aux salariés d'entreprises
en préretraite des actions de tutorat auprès des
détenus ».
Bien entendu ces quelques mesures ne sont pas limitatives des
réformes à accomplir, cependant, elles peuvent constituer la
colonne vertébrale d'une véritable réforme de promotion du
travail pénitentiaire.
Section
2 : Protéger l'espoir
Le deuxième volet essentiel d'une réforme sur
l'usage du temps passé en prison repose sur les liens à
préserver avec le monde extérieur. Un lien le plus souvent
établit par la famille du détenu. En la matière, le Canada
a une politique volontariste et efficace (§1), qui pourrait être la
source de réformes de notre système français (§2).
§ 1 Le programme de
Visites Privées Familiales (VPF) au Canada 123(*)
L'objet de ce programme est de maintenir tous les types de
liens familiaux, c'est pourquoi il s'adresse sans distinction aux ascendants,
conjoints et descendants des détenus. Du point de vue des détenus
la quasi-totalité d'entre eux y a accès, hormis ceux
considérés comme particulièrement dangereux ou pouvant
être l'auteur de violences conjugales ou familiales. La restriction
à ce service peut être imposé par la commission
disciplinaire en sanction d'un comportement déplacé, mal venu, ou
dangereux, pendant la détention.
Comme le rappelle Marion VACHERET dans son étude de
2005, la question sécuritaire est omniprésente avant et
après ces VPF. Elle résume ainsi le dispositif :
« L'autorisation de visite est faite par le
directeur de l'établissement sur recommandation de l'agent de
libération conditionnelle en établissement responsable du dossier
du détenu. Avant toute visite familiale privée, une demande
d'admission doit être effectuée. Elle est alors suivie d'une
vérification sécuritaire qui par la suite sera renouvelée
tous les 2 ans. Parallèlement, le visiteur doit signer une
« déclaration de participation et consentement
volontaire», et est rencontré par l'agent responsable du
dossier afin que celui-ci puisse estimer si sa volonté de participer
à ce type de visite est pleine et entière et non soumise à
des pressions. Ce même agent doit évaluer « le bien
fondé, la stabilité et les bienfaits de la
relation ». Pour ce faire, il tient compte de toute
l'information possible, notamment à travers la réalisation
d'enquêtes communautaires, auprès de la famille, des voisins ou de
l'employeur du contrevenant comme de ses visiteurs. Enfin, après chaque
visite familiale privée, un membre du personnel rencontre les visiteurs
afin de contrôler le bon déroulement de la visite. »
Le fonctionnement de ces visites est assez simple : les
VFP sont d'une durée maximale de 3 jours, et peuvent être
accessibles tous les deux mois, selon la disponibilité des locaux.
Plusieurs études canadiennes ont montré les
bénéfices réels du maintien du lien familial.
Déjà en 1954, une de ces études démontrait que les
libérations conditionnelles étaient à 75% une
réussite lorsque le détenu avait pu préserver un lien
familial, alors qu'il n'était que de 34% pour ceux qui en était
privé. Lorsque l'on sait que les libérations conditionnelles sont
déjà en soit des facteurs luttant contre la récidive,
prévoir un vrai programme de maintien du lien familial est d'autant plus
crucial. En effet, il augmente de presque 200% l'efficacité des
libérations conditionnelles et permet d'asseoir durablement une
politique de réinsertion sociale par le maintien du lien familial.
§ 2 Les principes
d'une réforme nécessaire du modèle français
La répartition géographique des prisons
françaises et la mobilité demandée aux détenus
entre ces prisons pour des raisons de sécurité, ne facilitent pas
le maintien de liens familiaux. D'autant que c'est aux détenus
criminels, et plus particulièrement ceux considérés comme
dangereux, que s'adresse cette mobilité. C'est pourtant cette population
qui nécessite plus particulièrement une préservation des
quelques liens familiaux qu'ils peuvent avoir. Une création
d'établissement pénitentiaire liée aux infractions,
permettrait en partie de stabiliser ces populations migrantes, aidant d'autant
à la normalisation des rapports entre ceux de dedans et ceux de dehors.
Les frais occasionnés par les voyages, ceux du logement
que l'on doit prendre sur place et tous les autres « faux
frais », alourdissent les charges qui pèsent sur la famille du
détenu. Après quelques semaines ou quelques mois, les
économies fondent. L'argent nécessaire pour faire face aux
dépenses de plus en plus pressantes est de plus en plus difficile
à trouver. Les visites s'espacent graduellement. Les rapports se tendent
et le malaise s'installe. Maris et femmes découvrent qu'ils sont entrain
de devenir étrangers l'un pour l'autre. Puis, un jour, le conjoint ne
vient plus.
Outre le plan financier, les familles de détenus ont
à se confronter au regard de la société qui est bien
souvent pesant. Inévitablement un ressentiment à l'égard
du conjoint incarcéré va se développer. Si les
échanges entre les époux ne se font pas à ce moment
là, afin que la communication conjugale puisse désamorcer la
crise montante, les couples finissent par se déchirer faute de n'avoir
pu dialoguer sur leur situation familiale. Et ce d'autant que faire une visite
en milieu carcéral est souvent vécue comme une épreuve. En
effet, les membres des familles de détenus doivent se conformer aux
règles astreignantes de la sécurité, qui sont autant de
facteurs démobilisateurs de prochaines visites. La prison d'Avignon-Le
Pontet et son unité d'accueil des familles permet de réduire le
caractère disqualifiant de ces visites. La mise en place de telles
structures géographiquement extérieure à la prison, mais
toutefois directement reliées au service des visites, permettent souvent
de faire comprendre aux familles les impératifs auxquels sont soumis
leurs visites, et les droits auxquels elles peuvent prétendre. De petits
box pour les effets personnels et un espace de convivialité finissent
par créer un espace relativement accueillant.
Le développent des Unités de Vie Familiale
doivent être une priorité. Sans revenir sur
l'intérêts de ces structures, il est important de remarquer que le
projet d'ouverture de ces unités a pris du retard à cause d'une
mauvaise appréciation politique du Garde des Sceaux de l'époque,
Monsieur Dominique PERBEN. Il est donc nécessaire que désormais
le politique prenne conscience de l'urgence en la matière.
Chapitre 2 : Changer de
peine
Changer le cours des peines ne sera pas suffisant pour
garantir un succès d'une grande réforme pénitentiaire des
peines applicables aux criminels. Aujourd'hui des réformes sont à
entreprendre aux deux extrémités de l'appareil répressif.
Il s'agit d'une part, de développer les aménagements de peines
(Section 1) souvent garants d'une meilleure réussite de
réinsertion, et d'autre part, de trouver une solution qui prenne en
compte la dangerosité pour la société de détenus
prêts à être libérés, (Section 2).
La vision du quantum de la peine doit évoluer
vers une estimation du temps nécessaire à combler les manques du
criminel qui l'ont amené à commettre l'infraction124(*), et moins à punir
inexorablement la faute commise.
Section 1 : Les
aménagements de peines
Longtemps partagé entre l'exécutif et le
judiciaire, l'aménagement des peines devient, à partir de janvier
2001, de la seule responsabilité des magistrats. Sous réserve des
empêchements liés à l'accomplissement d'une période
de sûreté, tout condamnés peut en principe demander
à bénéficier d'un aménagement de peine. Les
délinquants sexuels constituent une catégorie à part
puisqu'ils ne bénéficient pas des mêmes règles
procédurales d'aménagement des peines. Pour apprécier la
pleine portée de ces aménagements, nous examinerons dans un
premier temps une typologie rapide de ces aménagements de peine
(§1), puis dans un second, les améliorations qui peuvent leur
être apportées (§2).
§ 1 Typologie des
aménagements de peine
Il existe deux catégories de réduction de
peine : la réduction de peine ordinaire, accordée aux
détenus faisant preuve d'une « bonne conduite », et
la réduction de peine supplémentaire, accordée aux
détenus qui fournissent des « efforts sérieux de
réadaptation sociale ».
Nous avons déjà précédemment
étudié le mode de calcul de la réduction de peine
ordinaire, nous détaillerons ici plus précisément son
régime d'exécution et les autres aménagements de peine.
Les personnes condamnées avant le 2 octobre 1986 sont
soumises à un régime de réduction de peine
supplémentaire différent. Elles peuvent obtenir une
réduction de peine de trois mois pour « gages exceptionnels de
réinsertion » ainsi qu'une réduction de peine
exceptionnelle de trois mois pour « succès à un
examen ». Ces détenus ne sont donc pas soumis au régime
actuel des réductions supplémentaires de peine. Mais en pratique,
les Juges d'Application des Peines (JAP) ont tendance à leur
égard à s'en tenir au maximum des réductions de peine
pouvant être accordées aux autres condamnés.
Plus généralement, ce sont les articles 721 et
721-1 du Code de procédure pénale qui régissent le
régime des exécutions de peines. Lorsque celles-ci sont
accordées elles ont pour effet de rapprocher la date de fin de peine.
Et, par conséquent, de déplacer aussi les échéances
pour avoir accès à certains aménagements de peine comme
les permissions de sortir, la libération conditionnelle, la
semi-liberté ou le placement à l'extérieur.
Concernant les permissions de sortie, il en existe trois
formes : celles en vue du maintien des liens familiaux ou de la
réinsertion sociale, les permissions pour accomplir une obligation
à l'extérieur, et les permissions pour circonstances familiales
graves. La particularité de ces permissions de sortie vient du fait que
le détenu doit pouvoir en assurer la pleine charge pécuniaire, y
compris pour son retour en prison. Toutefois, le Service Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation (SPIP) du lieu d'incarcération doit, lorsque
le motif de la permission apparaît sérieux et que le détenu
est démuni, lui accorder une aide et éventuellement un bon de
transport.
Par ailleurs, le juge de l'application des peines ou le
tribunal correctionnel a le pouvoir d'interrompre l'exécution d'une
peine d'emprisonnement. Pendant l'interruption de la peine, le condamné
est libre. Mais à son retour en prison, il devra reprendre
l'exécution de sa peine là où il l'avait interrompue en
sortant. Le fractionnement consiste à faire exécuter la peine par
fractions de temps dont chacune ne peut être inférieure à
deux jours. La suspension consiste à mettre entre parenthèse
l'exécution de la peine pendant une durée limitée. Ces
mesures ont pour but de permettre au condamné de faire face à des
problèmes familiaux, médicaux ou professionnels importants. Elles
interviennent sur une période qui ne peut excéder trois ans. Ce
qui signifie que la durée totale de l'exécution de la peine, avec
les périodes passées en prison et les interruptions, ne peut
dépasser trois ans.
L'inconvénient pour les détenus criminels, vient
du fait que les personnes condamnées par une Cour d'Assises, ne peuvent
pas, en principe, obtenir de suspension ou de fractionnement de sa peine,
même si la période à exécuter ne dépasse pas
un an. Seuls les motifs graves d'ordre médical, familial, professionnel
ou social peuvent justifier ces mesures.
Pour ce qui est de la semi-liberté, c'est un
régime qui permet au condamné de sortir de l'établissement
pénitentiaire sans surveillance pour exercer à l'extérieur
une activité déterminée ou pour suivre un stage, une
formation, se soumettre à un traitement médical, voire pour
participer à la vie de famille en cas de nécessité
particulière. Dans tous les cas, le juge de l'application des peines
(JAP) détermine les conditions dans lesquelles la semi-liberté va
s'effectuer. Il fixe les dates et les heures d'entrées et de sorties, en
fonction du temps nécessaire au condamné pour exercer son
activité à l'extérieur. Le détenu demeure soumis
à la discipline pénitentiaire.
La libération conditionnelle quant à elle est un
dispositif qui permet à un condamné de sortir de prison avant la
fin de sa peine. La personne en liberté conditionnelle doit respecter un
certain nombre d'obligations pendant une période de temps
déterminée (délai d'épreuve) et se soumettre
à des mesures d'aides et de contrôles. Si le condamné
respecte ses obligations, la peine sera considérée comme
définitivement terminée à la fin de la période
d'épreuve. Si au contraire il ne respecte pas ces obligations, il perd
le bénéfice de la libération conditionnelle et doit
retourner en prison pour terminer sa peine.
Ces aménagements de peines sont actuellement
sous-exploités, et mériteraient d'être
améliorés.
§ 2 Les
améliorations à apporter aux aménagements de peines
En 2005, les libérations conditionnelles
représentaient moins de 5 % des sorties de prison. Les placements
en semi-liberté ont baissé de 14,5 %. Mais le placement sous
surveillance électronique est en hausse constante : 1 857
détenus au mois de février 2005 contre 1.052 un an plus
tôt.
Dans son rapport de politique pénale, la direction des
affaires criminelles et des grâces note que « le placement
sous surveillance électronique est privilégié dans
certaines juridictions, au détriment de la
semi-liberté ». Au total, environ 6 % des personnes
placées sous écrous bénéficient
d'aménagements de peine.125(*)
Les permissions de sortie par exemple devraient être le
moyen le plus utilisé pour tous les condamnés afin de
préparer un retour à la vie sociale. Au lieu de cela, elles sont
accordées avec défiance, toujours aux mêmes détenus
et uniquement en fin de peine. Pourtant, afin de préserver le lien
familial, de rencontrer d'éventuels employeurs, de
bénéficier d'un suivi médical spécialisé, la
seule solution satisfaisante consiste en des sorties régulières
du monde carcéral. Et ce d'autant que le taux de non-retour suite
à une permission est dérisoire : soit 0,6% en 1999 (212
détenus), parmi lesquels des non-retours pour hospitalisation ou
décès.
Une permission de sortie est une autorisation d'absence
temporaire de la prison donnée à un condamné. Pendant la
permission, la peine d'emprisonnement n'est pas suspendue et continue de
s'écouler. La permission de sortie est accordée par le juge
d'application des peines, après avis de la commission d'application des
peines, sauf en cas d'urgence. La permission désigne le lieu,
obligatoirement situé sur le territoire français, où le
condamné est autorisé à séjourner. Et si par
précaution cette permission doit être complétée par
un dispositif de sécurité, il est envisageable de la combiner
avec la pose d'un bracelet électronique GPS.
Le fait d'exclure par principe les criminels jugés en
Cours d'Assise mériterai d'être réformé. En effet,
une telle mesure permettrait à ces populations de trouver matière
à espérer en l'avenir, comme en l'aménagement de leurs
peines, de la même manière que leurs codétenus.
La sous utilisation des peines alternatives est probablement
le révélateur d'une crainte chez les magistrats de voir l'opinion
publique se retourner contre de trop nombreuses décisions qui seraient
majoritairement comprises comme des remises en liberté
anticipées. Une fois de plus, c'est l'absence de démarche
pédagogique en direction de l'opinion qui nuit à la mise en
oeuvre de nouveaux dispositifs, alors même que ceux-ci auraient fait
leurs preuves.
Section 2 : Une
nouvelle neutralisation pour les réfractaires ou les victimes de la
prison
A l'autre extrémité de la population
carcérale, se situent les détenus libérables qui
présentent toujours de lourdes présomptions de
dangerosité. Là encore, nos voisins européens peuvent nous
montrer la voie d'une solution (§1) qu'il faudra savoir adapter au
modèle français (§2).
§ 1 Les options
étrangères pour neutraliser les détenus encore dangereux
en fin de peine.
Le Sénat, dans un rapport du 2 juin 2006126(*) s'intéressait au sort
des détenus dangereux et notamment à leur avenir
post-pénitentiaire. Deux exemples ont été mis en
avant : d'une part le cas néerlandais, et le cas allemand. Citons
le préambule du long développement de cette
étude :
« Le rapport de la commission santé-justice
présidée par M. Jean-François Burgelin avait mis en
exergue les exemples de l'Allemagne et des Pays-Bas. Les législations de
ces deux pays prévoient en effet des mesures d'enfermement
ordonnées à titre de mesure de sûreté par
l'autorité judiciaire afin de « contenir des individus qui, bien
qu'ayant purgé leur peine, demeurent dangereux pour autrui ». Votre
commission a donc estimé utile d'organiser des déplacements dans
ces deux pays afin de recueillir les éléments d'information
nécessaires sur les dispositions juridiques régissant ces mesures
de sûreté et de comprendre le fonctionnement des structures
destinées à accueillir les personnes dangereuses après
l'exécution de leur peine. Les systèmes allemands et
néerlandais, s'ils ont en effet pour point commun de prévoir la
possibilité de retenir dans un cadre fermé les personnes
considérées comme dangereuses après l'exécution de
leur peine, n'obéissent pas aux mêmes logiques. La mesure de
« détention-sûreté » allemande peut concerner
toutes les personnes supposées très dangereuses et cherche
à les neutraliser avec pour principale préoccupation la
sécurité de la société ; le dispositif
néerlandais vise les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux
et tente de concilier les objectifs de sécurité avec la prise en
charge sanitaire des personnes.
Les expériences allemandes et néerlandaises
constituent ainsi deux déclinaisons différentes des mesures de
sûreté applicables aux personnes dangereuses. 127(*)»
Ces deux perceptions sont à rapprocher des initiatives
Belges et Canadiennes en la matière. Le principe est assez simple, avant
terme, une, ou plusieurs, expertises psychiatriques sont effectuées sur
le détenu libérable. En cas de mise en danger
avérée de la société, le détenu en question
ne sera pas remis en liberté. Toute la problématique revient
à la définition de la dangerosité. Doit-on
considérer comme dangereux les seuls détenus atteints de troubles
mentaux sévères, alors que, comme nous avons pu le voir
précédemment, cette catégorie regroupe une
complexité de profils auxquels il faut être attentifs ?
Surtout à l'heure où le terrorisme international menace partout
dans le monde, peut-on considérer un poseur de bombe qui n'a pas
renié ses principes idéologiques comme dangereux alors qu'il
devient libérable prochainement ? Cette préoccupation est
d'autant plus forte qu'au Pays Bas, la mise en sûreté est
prononcée pour un temps indéterminé. En règle
générale, les Droits de l'Homme s'accommodent mal des peines qui
renvoient l'achèvement de leur exécution sine die. La
position allemande ouvre une subtilité en ce que le tribunal de
condamnation peut se réserver la possibilité d'ordonner
ultérieurement à sa décision le maintien en
détention du criminel toujours dangereux.
Les termes du débat sont bien posés par nos
voisins européens, mais le fait est que la France a quelques
subtilités qui s'accordent mal avec ces régimes de peine.
§ 2 Les innovations
légales nécessaires pour garantir la sécurité de
nos sociétés face aux détenus libérables et
pourtant toujours dangereux
L'hypocrisie française en matière de
détenus libérables toujours dangereux est totale. Aucune
disposition légale, comme il peut en exister dans les pays que nous
venons d'évoquer, ne permet le maintien en privation de liberté,
pourtant ceci arrive déjà bel et bien. En effet, il est
aujourd'hui relativement reconnu que les Directeurs de centres
pénitentiaires qui s'apprête à libérer un
condamné en fin de peine, mais qui est toujours fortement susceptible de
commettre des crimes, appellent les services préfectoraux
compétants pour que soit ordonnée une hospitalisation
d'office.
Ces pratiques tiennent plus d'un arrangement entre acteurs de
la sécurité de la société, plutôt que de
dispositifs démocratiquement choisis et susceptibles de faire l'objet
d'aménagements et d'évaluations.
Il temps de prendre une position légalement
encadrée sur cette question essentielle et d'importante. Plusieurs
possibilités s'offrent à nous :
- soit institutionnaliser les pratiques existantes, et leur
adjoindre des comités de surveillance et des commissions de
spécialistes,
- soit créer des adjuvants à l'existant pour le
stabiliser et le rendre plus respectueux des Droits de l'Homme,
- soit inventer un nouveau dispositif.
Au vu des expériences étrangères il est
probablement souhaitable de compléter le dispositif existant tout en lui
donnant des bases légales solides.
Il est par exemple nécessaire et important de
développer le suivi des personnes après leur libération
afin de garder une porte de sortie vers la liberté, mais une porte
accompagnée. Les rapporteurs de l'étude du sénat
préconisent sur cette question, et particulièrement pour les
détenus souffrants de troubles mentaux un accompagnement renforcé
de ceux-ci :
« Il pourrait donc être envisagé de
permettre au juge de l'application des peines de prononcer une injonction de
soins, même si un suivi socio-judicaire n'a pas été
décidé ab initio par la juridiction de jugement, pour
les personnes dont une double expertise concordante aurait dans les six mois
précédant la remise en liberté attesté la
permanence d'un trouble mental sans présenter une dangerosité
telle qu'elle justifierait le maintien ou le placement au sein d'une
unité hospitalière spécialement aménagée de
long séjour. Le manquement aux obligations fixées dans le cadre
de cette injonction de soins serait passible d'une peine de deux ans
d'emprisonnement. »128(*).
Là encore, beaucoup de choses ont été
dites, de nombreuses enquêtes ont été
réalisées mais les pouvoirs publics ne semblent pas encore
prêts à passer le pas d'une nouvelle légalisation pour
régler cette éternelle question de la libération de
criminels pourtant toujours dangereux.
Conclusion
Déjà en 1846, Christophe MOREAU, inspecteur
général des prisons, écrivait à propos de la prison
pour les criminels « qu'il n'y a pas de question, même d'ordre
politique qui ait engendré un si grand nombre de publications. Non
seulement tout le monde en parle et porte un intérêt profond
à la question, mais chacun y va de sa dissertation et publie un petit
quelque chose sur la question »129(*). Cette affirmation n'a jamais été
aussi vraie.
Puis, durant mes recherches au fil de mon travail, j'ai pris
connaissance d'un article de presse méritant retranscription :
« La répression criminelle est devenue
l'objet, depuis une dizaine d'années, des études les plus
profondes. On commence à considérer l'action sociale de la
justice sous son vrai jour. Déjà, la réforme introduite
dans l'instruction criminelle par le Sénat et la Chambre les
députés constitue une preuve du besoin que tous les esprits
éclairés et justes éprouvent de soustraire notre
législation pénale aux principes surannés, durs et parfois
barbares qui la régissent.
Une idée principale domine ce mouvement
rénovateur tout entier. C'est que tout délinquant, si
légère ou si atroce que paraisse sa faute, a en lui une part
d'irresponsabilité. Que cette irresponsabilité envahisse la
conscience toute entière, c'est une exagération dont on a trop
souvent abusé pour en déduire des arrêts
véritablement empreints d'une dangereuse indulgence. Mais que dans
chaque crime ou délit, même dans celui qu'a
précédé une préméditation intelligente et
froide, il y ait néanmoins une part à faire aux impulsions
natives, aux circonstances qui ont poussé le criminel à
mésuser si étrangement de ses facultés, c'est aujourd'hui
un principe admis par les écoles les plus opposées.
L'homme le plus sain, le mieux garanti par
l'éducation contre les surprises de l'instinct sanguinaire et bestial,
ne commet jamais une faute sans qu'on puisse invoquer en sa faveur une certaine
irresponsabilité, due aux tendances aveugles et irrésistibles qui
travaillent sourdement notre organisme. [...] »
Cet article intitulé « CRIMES ET
CRIMINELS » est paru dans les colonnes du Petit Journal, le 26
décembre 1897. Cent ans après, il semble que les mêmes
interrogations nous hantent encore. Toutes les théories pénales
connues en matière de gestion des peines criminelles ont trouvé
des applications concrètes. Les centaines, si ce n'est des milliers,
d'études effectuées sur ce sujet ont eu le loisir de constater ce
qui s'était rendu efficace, et ce qui au contraire pouvait se retourner
contre la société.
Ce travail vient s'adjoindre à tout ceux
déjà entrepris sur la question carcérale, qu'ils soient
français ou étrangers. Mais à travers cette étude,
ce sont des champs disciplinaires qui habituellement coexistes, et qui se sont
aujourd'hui croisés. La même question a fait appel à des
notions de psychologie et de psychiatrie criminelle, à de l'architecture
pénale, à de la sociologie criminelle, à de
l'évaluation des politiques publiques, sans oublier bien sûr
à de la criminologie. Or c'est par la rencontre de toutes ces
disciplines qu'à la question d'origine Les peines de prison
prononcées en France pour les infractions criminelles remplissent-elles
effectivement leurs rôles ? une réponse peut faire jour.
La prison remplit convenablement sa mission de neutralisation
du criminel, mais conserve une très grande marge de manoeuvre en ce qui
concerne la réinsertion des détenus. Les solutions pour
améliorer ces deux missions sont connues, et je n'ai fait, pour la
plupart, et hormis quelques nouvelles propositions, qu'aller questionner les
institutions, les acteurs, les auteurs qui gravitent autour du monde
pénitentiaire et comparer ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas.
Les réformes pénales annoncées envisagent
l'instauration de peines planchers pour les récidivistes. Quel pays,
quelle étude au monde a pu trouver une corrélation entre
l'instauration de peines planchers et la diminution du niveau de
récidive ? Il est temps maintenant de s'extraire des passions de
l'opinion publique, et d'envisager les futures politiques pénales et
carcérales sous le seul angle de l'efficacité.
Il est temps pour la prison de se réinventer. Elle doit
le faire car il est du devoir de l'Homme de progresser, et les institutions
humaines qui peuvent accompagner ce mouvement plusieurs fois millénaire
ont le devoir de s'y associer. La prison doit changer parce qu'il est dans
l'intérêt de l'Homme d'améliorer le sort de ses semblables,
afin que ceux-ci, un jour, soient en mesure de faire de même pour lui.
Et si la prison ne changeait pas ?
Elle resterait pourtant la solution la plus utilisée,
et serait malgré tout le pire des systèmes, à l'exception
de tous les autres.
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presse
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Le Nouvel Observateur, 05 janvier 2006
Le Figaro, 02 mars 2006
AFP dépêche du 05 Janvier 2007
AFP dépêche du 15 Février 2007
Le Monde, 2 mars 2007
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Ressources
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http://1019joursdedetention.blogs.nouvelobs.com/
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http://laurent-jacqua.blogs.nouvelobs.com ;
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Articles parus dans
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MANSUY Isabelle ; PRINCIPE DE LÉGALITÉ ET
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VACHERET Marion, « LES VISITES FAMILIALES
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ACCRU : PORTRAIT D'UN SYSTÈME (février 2005) »,
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Travaux
Universitaires
BONDUEL Aurore, LE DROIT DU TRAVAIL PENITENTIAIRE ;
mémoire de DEA de Droit Social, sous la direction de Bernard
Bossu ; Université Lille 2 ; 2001-2002
CADENEL Fabien; POUR UNE PRISON QUI EN VAILLE LA
PEINE, mémoire de Diplôme de l'école d'Architecture de
Marseille, 1999
GUILBAUD Fabrice ; LE TRAVAIL PÉNITENTIAIRE. UNE
ÉTUDE DE SOCIOLOGIE DU TRAVAIL. Sous la direction de Daniel
LINHART, Laboratoire CNRS Genre, Travail et Mobilité, Avril 2006
GOUBET Maud, Mémoire de DEA Droit et Justice sous la
direction de Nicolas DERASSE, La Sécurité en Prison, école
doctorale n°74, Lille 2, 2001-2002
MILLAUD Frédéric et DUBREUCQ Jean-Luc;
PRÉDICTION DES COMPORTEMENTS VIOLENTS DES MALADES MENTAUX.
SYNTHÈSE DE LA LITTÉRATURE INTERNATIONALE ; Institut
Universitaire Philippe Pinel de Montréal.
PECOUD Benjamin; EMERGENCE DE REVENDICATION ET GESTION
CARCERALE DES CONFLITS DANS L'ENFERMEMENT DEMOCRATIQUE ;
Mémoire de DEA Gouvernement option Institutions
politique ; sous la direction de Brigitte GAITI ; Université
PARIS 1 , 2004-2005
PETRUNIK Michael du département de criminologie de
l'Université d'Ottawa intitulé : LES MODÈLES DE
DANGEROSITÉ : ANALYSE DES LOIS ET PRATIQUES RELATIVES AUX
DÉLINQUANTS DANGEREUX DANS DIVERS PAYS de février 1994.
C'est ce travail qui fondera en grande partie notre présentation des
criminels dangereux.
Rapports ou publications
d'institutions nationales ou d'organisations internationales
Organisation Internationale des Prisons
GUIDE DU PRISONNIE
RAPPORT 2005 : LES CONDITIONS DE DÉTENTION EN
FRANCE -
Sénat
LA DÉLINQUANCE DES MINEURS : LA RÉPUBLIQUE EN
QUÊTE DE RESPECT
RAPPORT SUR LES MESURES DE SÛRETÉ POUR LES
PERSONNES DANGEREUSES ;
LE TRAVAIL DES DÉTENUS, ÉTUDE DE
LÉGISLATION COMPARÉE
Institutions de justice
Secrétariat général Direction de
l'Administration générale et de l'Équipement
Sous-direction de la Statistique, des Études et de la
Documentation ;
LES CHIFFRES CLEFS DE LA JUSTICE ; 2002 - 2003 -
2004 - 2005 - 2006.
CONAMNATIONS PENALES DE 1999 À 2003
Conseil National des Barreaux, Commission Liberté et
Droits de l'Homme
RAPPORT SUR LE PROJET DE RÉFORME DES RÈGLES
APPLICABLES EN MATIÈRE D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE DES
MALADES MENTAUX
Institution et organismes étrangers
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
GENDREAU Paul, GOGGIN Claire et CULLEN Francis T.
L'INCIDENCE DE L'EMPRISONNEMENT SUR LA
RÉCIDIVE ;
Ministère de la Justice du Canada, Division de la
recherche et de la statistique
NAYLOR R. Tom avec le concours de TAYLOR Deane et
BAHRAMITAH Roksana
UNE TYPOLOGIE DES CRIMES MOTIVÉS PAR L'APPÂT DU
GAIN
C.E.D.E.P. : Comité Européen : Droit,
Ethique et Psychiatrie ;
XIIème SEMINAIRE, LA PEINE DU FOU, LA
PRISON, LE SOIN
F. MACHERET-CHRISTE, B. GRAVIER ;
SCHIZOPHRÉNIE, PSYCHOSE ET PRISON ;
Philippe RAPPARD ;
PUNIR ET SOIGNER, LA QUESTION DE LA DÉLINQUANCE
RÉCIDIVANTE ET DE LA PSYCHOPATHIE FACE AU DROIT PÉNAL ET À
LA POLITIQUE PSYCHIATRIQUE DE SECTEUR
Autres
Bulletin Electronique numéro 19 du 8/11/2006
rédigé par l'Ambassade de France au Portugal,
www.bulletins-electroniques.com
Rapport d'information n° 330 (2001-2002) de
M. Paul LORIDANT, fait au nom de la commission des finances,
déposé le 19 juin 2002.
Commission nationale consultative des droits de l'Homme
ETUDE SUR LES DROITS DE L'HOMME DANS LA PRISON ; 11
mars 2004
Institut de sondage BVA
CONSULTATION EN VUE DES ETATS GÉNÉRAUX DE LA
CONDITION PÉNITENTIAIRE ; Paris ; octobre 2006
Annexe 1
Annexe 2
Conseil de l'Europe - Recommandation n° R (89)
12
1. Tous les détenus doivent avoir
accès à l'éducation, qui devrait englober l'instruction de
base, la formation professionnelle, les activités créatrices et
culturelles, l'éducation physique et les sports, l'éducation
sociale et la possibilité de fréquenter une
bibliothèque;
2. L'éducation en prison devrait être
analogue à celle dispensée dans le monde extérieur pour
des catégories d'âge correspondantes, et les possibilités
d'éducation devraient être les plus larges possibles;
3. L'éducation en prison doit viser à
développer l'ensemble de la personne en tenant compte de son contexte
social, économique et culturel;
4. Tous ceux qui sont appelés à
participer à l'administration du système pénitentiaire et
à la gestion des établissements de détention devraient
faciliter et encourager l'éducation dans toute la mesure du
possible;
5. L'éducation ne devrait pas être
considérée comme moins importante que le travail dans le
régime pénitentiaire et les détenus ne devraient pas subir
de préjudice financier ou autre en recevant cette
éducation;
6. Tous les efforts devraient être entrepris
pour encourager le détenu à participer activement à tous
les aspects de l'éducation;
7. Il faudrait mettre en place des programmes de
perfectionnement pour assurer que les éducateurs des prisons adoptent
des méthodes d'éducation appropriées aux adultes;
8. Une attention spécifique devrait
être accordée aux détenus ayant des difficultés
particulières et notamment ceux ayant des difficultés pour lire
et écrire;
9. La formation professionnelle devrait tendre au
développement plus large de la personne tout en tenant compte de
l'évolution du marché du travail;
10. Les détenus devraient avoir librement
accès à une bibliothèque bien approvisionnée au
moins une fois par semaine;
11. L'éducation physique et le sport devraient
être développés et encouragés;
12. Il faudrait donner un rôle important aux
activités créatrices et culturelles, car elles offrent aux
détenus des possibilités particulières
d'épanouissement et d'expression;
13. Il faudrait inclure dans l'éducation sociale
des éléments pratiques permettant au détenu de
gérer sa vie quotidienne dans la prison, afin de faciliter son retour
dans la société;
14. Les détenus devraient être
autorisés autant que possible à participer à
l'éducation dispensée à l'intérieur de la prison;La
communauté extérieure devrait être associée le plus
possible à l'éducation des détenus lorsque celle-ci doit
être dispensée à l'intérieur de la prison;
15. Des mesures devraient être prises pour permettre
aux détenus de poursuivre leur éducation après leur
libération;
16. Il faudrait mettre à la disposition des prisons
les crédits, l'équipement et le personnel enseignant
nécessaires pour permettre aux détenus de recevoir une
éducation appropriée.
Annexe 3
Annexe 4
Welcome to PSO 1700 - Segregation
This documents replaces the paper versions of:
1. Prison Service Order 1700 `Management of Segregation Units and
Management of Prisoners Under Rule 45 (YOI Rule 49)'
2. Prison Service Order 1701
Use of overt CCTV in cells
Establishments may wish to consider installing CCTV in
some cells within the segregation unit eg. Safer Cells.
The observation of prisoners by means of an overt closed circuit
television system is detailed in Prison Rule 50A (YOI Rule 54).
50A - (1) Without prejudice to his other powers to supervise the
prison, prisoners and other persons in the prison, whether by use of an overt
closed circuit television system or otherwise, the governor may make
arrangements for any prisoner to be placed under constant observation by means
of an overt closed circuit television system while the prisoner is in a cell or
other place in the prison if he considers that-
a. such supervision is necessary for-
1. the health and safety of the prisoner or any other person
2. the prevention, detection, investigation or prosecution of
crime or
3. securing or maintaining prison security or good order and
discipline in the prison and
b. it is proportionate to what is sought to be achieved.
(2) If an overt closed circuit television system is used for the
purpose of this rule, the provisions of rules 35C and 35D shall apply to any
material obtained. (Disclosure and retention of material).
Advice from Safer Custody Group is that CCTV is a good idea in
some Safer Cells, but not all of them. CCTV can be useful in cases where
prisoners are moving off constant observation. A decision whether to locate
someone in a cell with overt CCTV should take into account the following:
a. CCTV is an aid to staff supervision, not an alternative (it
doesn't allow the proper interaction that should occur during constant
observation).
b. b. It can be useful to have some
accommodation available without CCTV as there may be cases where a care plan
indicates that the prisoner would find this so disturbing as to increase the
risk.
There must be local protocols in place to ensure someone is
actually watching the monitor (prisoners have `played-up to the camera' and if
there's no one at the other end the results could be fatal).
* 1 Michel FOUCAULT,
SURVEILLER ET PUNIR, 1975, ed. Gallimard, p°308 à 312.
* 2 : EN GUISE DE
CONCLUSION: UN NoeUD GORDIEN AUTOUR DU DROIT DE PUNIR, Histoire des
savoirs sur le crime et la peine. Tome II : La rationalité
pénale et la naissance de la criminologie, Conclusion, pp. 207-219. Les
Presses de l'Université de Montréal, Les Presses de
l'Université d'Ottawa, De Boeck Université, 1998, 518 pp.
Collection : Perspectives criminologiques.
* 3 Maurice CUSSON ;
POURQUOI PUNIR ? ; Paris: Librairie DALLOZ, 1987, 203 pp.
Collection Criminologie et droits de l'homme ; p.141
* 4 Pour approfondir ce sujet
voir le Mémoire de DEA Droit et Justice de Maud GOUBET, sous la
direction de Nicolas DERASSE, La Sécurité en Prison,
école doctorale n°74, Lille 2, 2001-2002
* 5 M. FAVARD, Prison, 1994,
p°85, Flamarion
* 6 Rapport dit CHAUVET sur
La sécurité des établissements
pénitentiaires, la documentation française, 2001
* 7 idem - Première
Partie, 4 - L'introduction des téléphones portables
* 8 Journal officiel de la
République Française du 17/01/2006 et du 23/05/2006
* 9 Maud GOUBET, LA
SÉCURITÉ EN PRISON ; Mémoire de DEA Droit et
Justice, sous la direction de Nicolas DERASSE, école doctorale
n°74, Lille 2, 2001-2002, p°40
* 10 Le Parisien, mardi 25
novembre 2003
* 11 Rapport dit CHAUVET sur
LA SÉCURITÉ DES ÉTABLISSEMENTS
PÉNITENTIAIRES, la documentation française, 2001, p°47
« 2c - de la question de la spécialisation à la
professionnalisation »
* 12 Martine HERZOG-EVANS ,
LA GESTION DU COMPORTEMENT DU DÉTENU, Essai de droit
pénitentiaire,
édition
l'Harmattan, collection
Logiques
Juridiques, p°273
* 13 Organisation
Internationale des Prisons, GUIDE DU PRISONNIER, § 176
* 14 E. GOFFMAN dans
ASILES, ÉTUDES SUR LA CONDITION SOCIALE DES MALADES MENTAUX ET
AUTRES RECLUS ; les éditions de minuit ; p. 41
* 15 C'est volontairement que
ce participe « totalisant » est
préféré à l'adjectif
« totalitaire » qui semble aujourd'hui trop
connoté.
* 16 Cesare Bonesana Beccaria
[1738-1794], marquis ; TRAITÉ DES DÉLITS ET DES
PEINES ; Traduction de l'italien par M. Chaillou de Lisy,
bibliothécaire, publiée à Paris en 1773 par J. Fr.
Bastien. Paris: Librairie de la Bibliothèque nationale, 1877,
Collection: Bibliothèque nationale. Collection des meilleurs auteurs
anciens et modernes ; chapitre XII : But des châtiments
* 17 Françoise
DOLTO ; L'IMAGE INCONSCIENTE DU CORPS ; Seuil ; 1984
* 18 Etienne De Greeff,
ARTICLE : BILAN D'UNE EXPÉRIENCE. TRENTE ANS COMME
MÉDECIN ANTHROPOLOQUE DES PRISONS EN BELGIQUE, REVUE L'ESPRIT,
1955, n° 65.
* 19 Secrétariat
général Direction de l'Administration générale et
de l'Équipement Sous-direction de la Statistique, des Études et
de la Documentation ; LES CHIFFRES CLEFS DE LA JUSTICE ;
2002 - 2003 - 2004 - 2005 - 2006.
* 20 Secrétariat
général Direction de l'Administration générale et
de l'Équipement Sous-direction de la Statistique, des Études et
de la Documentation ; LES CHIFFRES CLEFS DE LA JUSTICE ;
2002 - 2003 - 2004 - 2005 - 2006.et LES CONDAMNATIONS DE 1999 À
2003
* 21 Frédéric
ROUILLON, Anne DUBURCQ Francis FAGNANI, Bruno
FALISSARD ; L'ETUDE ÉPIDÉMIOLOGIQUE SUR LA SANTÉ
MENTALE DES PERSONNES DÉTENUES EN PRISON, 2002
* 22 Article :
PRISONS
: PASCAL CLÉMENT S'ENGAGE ; Le Nouvel Observateur -
2006/01/05
* 23 Les lois Bérenger
(lois du 14 août 1885 et du 26 mars 1891) avaient pour philosophie
d'aménager les peines de prison afin de limiter au maximum un effet
criminogène.
* 24 Paul GENDREAU, Claire
GOGGIN et Francis T. CULLEN ; L'INCIDENCE DE L'EMPRISONNEMENT SUR LA
RÉCIDIVE ; Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Numéro de cat. : JS42-87/1999F ISBN : 0-662-84222-7
* 25
http://ww2.ps-sp.gc.ca/publications/corrections/199911_f.asp
* 26 L. BUKSTEL. & P.
KILMANN ; PSYCHOLOGICAL EFFECTS OF IMPRISONMENT ON CONFINED INDIVIDUALS.
PSYCHOLOGICAL BULLETIN ;(1980) cité dans Paul GENDREAU, Claire
GOGGIN et Francis T. CULLEN ; L'INCIDENCE DE L'EMPRISONNEMENT SUR LA
RÉCIDIVE ; p°10 voir supra
* 27 le Council on Service
and Civic Participation lui a décerné un prix spécial
pour son action civique, et un parlementaire Suisse a proposé son nom
pour le Prix Nobel de la Paix
Source :
http://web.amnesty.org/library/index/fraAMR511872005?open&of=fra-392
* 28 Voir sur cette question
les auditions et le rapport du sénat sur LA DÉLINQUANCE DES
MINEURS : LA RÉPUBLIQUE EN QUÊTE DE RESPECT
* 29 Chiffres au 1er mai 2007
de l'administration pénitentiaire repris dans une dépêche
AFP du 9 Mai 2007
* 30 R. Tom NAYLOR avec le
concours de Deane TAYLOR and Roksana BAHRAMITAH ; UNE TYPOLOGIE DES
CRIMES MOTIVÉS PAR L'APPÂT DU GAIN ; Ministère de
la Justice du Canada, Division de la recherche et de la statistique ;
Octobre 2002
* 31 Secrétariat
général Direction de l'Administration générale et
de l'Équipement Sous-direction de la Statistique, des Études et
de la Documentation ; LES CHIFFRES CLEFS DE LA JUSTICE ;
2006 ; p°19
* 32 source :
http://www.mediasnews.com/history01.php
* 33 source :
http://www.carcorsica.com/PATRIOTTI_CORSI.htm
* 34 source :
http://www.uribombu.com/confcar072005.htm
* 35
http://www.unita-naziunale.org/portail/index.htm
* 36 source :
dépêche Agence France Presse datée du 15/02/07
* 37 le Figaro, 02 mars 2006
* 38 Source : ESISC,
European Strategic Intelligence and Security Center ;
http://www.esisc.org/page.asp?ID=45
* 39 idem
* 40 La travail qui semble le
plus abouti sur cette question est aujourd'hui le rapport de Michael PETRUNIK
du département de criminologie de l'Université d'Ottawa
intitulé : LES MODÈLES DE DANGEROSITÉ : ANALYSE
DES LOIS ET PRATIQUES RELATIVES AUX DÉLINQUANTS DANGEREUX DANS DIVERS
PAYS de février 1994. C'est ce travail qui fondera en grande partie
notre présentation des criminels dangereux.
* 41 Cité in
Marc RENNEVILLE, CRIME ET FOLIE. DEUX SIÈCLES D'ENQUÊTES
MÉDICALES ET JUDICIAIRES, Paris, Fayard, 2003, 528 pages.
* 42 Catherine HERSZBERG,
FRENES, HISTOIRE DE FOU, édition du Seuil ; octobre
2006 ; quatrième de couverture.
* 43 Véronique
LESUEUR-CHALMET ; FEMMES ET CRIMINELLES ; DE SOEURS PAPIN A SIMONE
WEBER ; UNE HISTOIRE SANGLANTE DES FAITS DIVERS ; Editions
Pre
Aux Clercs ; Collection :
Romans Essais Documents - 2002
* 44 Conseil National des
Barreaux, Commission Liberté et Droits de l'Homme ; RAPPORT SUR
LE PROJET DE RÉFORME DES RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE
D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE DES MALADES MENTAUX ; 19 juin
2004 ; p°10
* 45 Sénateurs Par MM.
Philippe GOUJON et Charles GAUTIER, RAPPORT SUR LES MESURES DE
SÛRETÉ POUR LES PERSONNES DANGEREUSES ; 22 juin
2006 ; p°18
* 46 Sénateurs Par MM.
Philippe GOUJON et Charles GAUTIER, RAPPORT SUR LES MESURES DE
SÛRETÉ POUR LES PERSONNES DANGEREUSES ; 22 juin
2006 ; p°33
* 47 Sources :
http://scenedecrime.blogs.com/scenedecrime/2007/04/laffaire_pierre_1.html#more
http://www.tueursenserie.org
* 48 dépêche Afp
du 05/01/07
* 49 Enrico FERRI, LA
SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels,
Paris 1893
* 50 Cité in
Véronique VASSEUR ; MEDECIN CHEF DE LA SANTE ; ed Livre
de poche ; 2006
* 51 Jean PINATEL ;
HISTOIRE DES SCIENCES DE L'HOMME ET DE LA
CRIMINOLOGIE édition l'Harmattan
Sciences
criminelles - Traité de sciences criminelles ; 2001
* 52 Chiffres tirés de
l'étude Frédéric ROUILLON, Anne DUBURCQ
Francis FAGNANI, Bruno FALISSARD ; L'ETUDE
ÉPIDÉMIOLOGIQUE SUR LA SANTÉ MENTALE DES PERSONNES
DÉTENUES EN PRISON, 2002 cité in Catherine
HERSZBERG, FRENES, HISTOIRE DE FOU, édition du Seuil ;
octobre 2006 ; p°65
* 53 Enrico FERRI, LA
SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels,
Paris 1893
* 54 Source : Bulletin
Electronique numéro 19 du 8/11/2006 rédigé par l'Ambassade
de France au Portugal, www.bulletins-electroniques.com
* 55 Frédéric
MILLAUD et Jean-Luc DUBREUCQ ; PRÉDICTION DES COMPORTEMENTS
VIOLENTS DES MALADES MENTAUX. SYNTHÈSE DE LA LITTÉRATURE
INTERNATIONALE ; Institut Philippe Pinel de Montréal.
* 56 Idem
* 57 Enrico FERRI, LA
SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels,
Paris 1893
* 58 Idem
* 59 Idem
* 60 Idem
* 61 Sur les conditions de vie
carcérale le livre de Véronique Vasseur est devenu une
référence ; Véronique VASSEUR ; MEDECIN CHEF DE
LA SANTE ; ed Livre de Poche ; 2006
* 62 Institut de sondage
BVA ; CONSULTATION EN VUE DES ETATS GÉNÉRAUX DE LA
CONDITION PÉNITENTIAIRE ; Paris ; octobre 2006
* 63 Véronique
VASSEUR ; MEDECIN CHEF DE LA SANTE ; ed Livre de Poche ;
2006 ; p°49
* 64 Non encore publié,
disponible sur http://1019joursdedetention.blogs.nouvelobs.com/
* 65 Texte tiré du blog
du détenu Laurent JACQUA condamné à 30 ans de prison:
http://laurent-jacqua.blogs.nouvelobs.com/
* 66 Institut de sondage
BVA ; CONSULTATION EN VUE DES ETATS GÉNÉRAUX DE LA
CONDITION PÉNITENTIAIRE ; Paris ; octobre 2006
* 67 Idem
* 68 Pour approfondir cette
question précise il faut lire l'étude de Henri de La Motte Rouge
qui date du 17 novembre 2006 et qui est disponible sur le site Internet du
CREDOF (Centre de Recherche et d'Etude sur les Droits Fondamentaux) :
http://credof.u-paris10.fr/spip.php?article111
* 69 Rapport 2005 : les
conditions de détention en France - Chapitre Formation
générale et activités socioculturelles, OIP/La
découverte, 2005, 288p.
* 70 www.oip.org
* 71 Philippe MAURICE ;
DE LA HAINE À LA VIE ; édition le cherche midi
éditeur ; mars 2001
* 72 Sur cette question voir les actes
préparatoires au Séminaire du C.E.D.E.P. : Comité
Européen : Droit, Ethique et Psychiatrie ;
XIIème SEMINAIRE, LA PEINE DU FOU, LA PRISON, LE
SOIN ; Juin 2003
* 73 F. MACHERET-CHRISTE, B.
GRAVIER ; SCHIZOPHRÉNIE, PSYCHOSE ET
PRISON ; C.E.D.E.P. : Comité Européen :
Droit, Ethique et Psychiatrie ; XIIème SEMINAIRE, LA
PEINE DU FOU, LA PRISON, LE SOIN ; Juin 2003
* 74 Philippe RAPPARD ;
PUNIR ET SOIGNER, LA QUESTION DE LA DÉLINQUANCE RÉCIDIVANTE
ET DE LA PSYCHOPATHIE FACE AU DROIT PÉNAL ET À LA POLITIQUE
PSYCHIATRIQUE DE SECTEUR ; C.E.D.E.P. : Comité
Européen : Droit, Ethique et Psychiatrie ;
XIIème SEMINAIRE, LA PEINE DU FOU, LA PRISON, LE
SOIN ; Juin 2003
* 75 Modèle de Goffman
que nous avons vu précédemment
* 76 Philippe RAPPARD ;
PUNIR ET SOIGNER, LA QUESTION DE LA DÉLINQUANCE RÉCIDIVANTE
ET DE LA PSYCHOPATHIE FACE AU DROIT PÉNAL ET À LA POLITIQUE
PSYCHIATRIQUE DE SECTEUR ; C.E.D.E.P. : Comité
Européen : Droit, Ethique et Psychiatrie ;
XIIème SEMINAIRE, LA PEINE DU FOU, LA PRISON, LE
SOIN ; Juin 2003
* 77 C. PAULET,
Réflexions de l'Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu
Pénitentiaire, document de travail, 22/07/1997
* 78 SENON J.L., MERY B., LAFAY
N., INCIDENTS COLLECTIFS ET INDIVIDUELS EN DÉTENTION :
ÉTUDE DES RELATIONS AVEC LES PSYCHOPATHOLOGIES
PÉNITENTIAIRES, http ://www.medecine-penitentiaire.com/,
* 79 F. MACHERET-CHRISTE, B.
GRAVIER ; SCHIZOPHRÉNIE, PSYCHOSE ET PRISON ;
C.E.D.E.P. : Comité Européen : Droit, Ethique et
Psychiatrie ; XIIème SEMINAIRE, LA PEINE DU FOU, LA
PRISON, LE SOIN ; Juin 2003
* 80 Cité in
Marc BAADER et Evelyne SHEA, « Le travail pénitentiaire,
un outil efficace de lutte contre la récidive ? », Champ
pénal / Penal Field, [En ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL :
http://champpenal.revues.org/document684.html.
* 81 Idem
* 82 pour approfondir la
question de la vocation resocialisant du travail voir l'ouvrage : LE
TRAVAIL PÉNITENTIAIRE. UNE ÉTUDE DE SOCIOLOGIE DU TRAVAIL.
Par Fabrice GUILBAUD sous la direction de Danièl LINHART, Laboratoire
CNRS Genre, Travail et Mobilité, Avril 2006
* 83 Idem
* 84 Cité in
Marc BAADER et Evelyne SHEA, « Le travail pénitentiaire,
un outil efficace de lutte contre la récidive ? », Champ
pénal / Penal Field, [En ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL :
http://champpenal.revues.org/document684.html.
* 85 Président de la
section française de l'OIP
* 86 LES CHIFFRES CLEFS DE
L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 2006 ; Ministère de la
Justice ; 01 janvier 2006
* 87 idem, p°10
* 88 Cité in
Cité in Marc BAADER et Evelyne SHEA, « Le travail
pénitentiaire, un outil efficace de lutte contre la
récidive ? », Champ pénal / Penal Field, [En
ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL :
http://champpenal.revues.org/document684.html.
* 89 Sur cette question, voir
les pertinents travaux de synthèse de la documentation française
LE TRAVAIL PENITENTIAIRE EN QUESTION, sous la direction de Philippe AUVERGNON
et Caroline GUILLEMAIN ; Juin 2006
* 90 Sénat ; Le
travail des détenus, Étude de législation comparée
No 104
* 91 Si l'on peut dire mais
avec beaucoup d'ironie.
* 92 Aurore BONDUEL, LE
DROIT DU TRAVAIL PENITENTIAIRE ; mémoire de DEA de Droit
Social, sous la direction de Bernard Bossu ; Université Lille
2 ; 2001-2002
* 93 La documentation
française LE TRAVAIL PENITENTIAIRE EN QUESTION, sous la direction de
Philippe AUVERGNON et Caroline GUILLEMAIN ; Juin 2006, p°94
* 94 Emile DURKHEIM, LA
DIVISION DU TRAVAIL SOCIAL, édition Quadrige PUF, 1990.
* 95 Cité in
Fabien CADENEL ; POUR UNE PRISON QUI EN VAILLE LA PEINE,
mémoire de Diplôme de l'école d'Architecture de Marseille,
1999
* 96 John HOWARD ; THE
STATE OF PRISONS IN ENGLAND AND WALES ; Réédition par
Patterson Smith 1973, première édition 1777.
* 97 A. de Tocqueville - G. de
Beaumont, lettre au Garde des Sceaux du 10 novembre 1831. faisant office de
pré-rapport,
http://www.tocqueville.culture.fr/fr/oeuvre/popup/html/t_demo12.html
* 98 Cette classification est
tirée dans sa grande majorité in extenso du travail de
Fabien CADENEL ; POUR UNE PRISON QUI EN VAILLE LA PEINE,
mémoire de Diplôme de l'école d'Architecture de Marseille,
1999.
* 99
http://laurent-jacqua.blogs.nouvelobs.com/
* 100 Fabien CADENEL ;
POUR UNE PRISON QUI EN VAILLE LA PEINE, mémoire de
Diplôme de l'école d'Architecture de Marseille, 1999.
* 101 Marion VACHERET,
« Les visites familiales privées au Canada, entre
réinsertion et contrôle accru : portrait d'un système
(février 2005) », Champ pénal, Champ
pénal Champ pénal, [En ligne], mis en ligne le 13 septembre
2005. URL : http://champpenal.revues.org/document81.html.
* 102 Source : Idem
* 103 La question du suicide
fait régulièrement intervenir les associations de défense
des détenus qui accusent l'administration de cacher certains suicides,
ou de « trafiquer » les chiffres en n'incorporant pas les
morts survenus après plusieurs jours d'une hospitalisation
consécutive à la tentative de suicide.
* 104 Source :
administration pénitentiaire :
http://www.annuaires.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10113&ssrubrique=10126&article=10802
* 105 Bien que n'ayant pas de
chiffres à me fournir depuis la création de la prison, la
direction de Casabianda n'a pas pu me signaler de cas pour lesquels une
récidive avait été signalée.
* 106 Voir le §1 les
différent type de prison.
* 107 Pour plus de
précision sur ces unités spécialisées, voir le
centre de PLOEMEUR :
http://www.ch-charcot56.fr/intrsect/upsm.htm
* 108 Encore que cela puisse
être considéré comme relatif.
* 109 La prison de Sing Sing
est connue aujourd'hui pour être une des plus sûres en terme
d'évasion, mais une des plus mal classée pour le nombre de
suicide.
* 110 A. de Tocqueville - G.
de Beaumont, lettre au Garde des Sceaux du 10 novembre 1831. faisant office de
pré-rapport,
http://www.tocqueville.culture.fr/fr/oeuvre/popup/html/t_demo12.html
* 111 Erwin GOFFMAN ;
ASILES. ÉTUDES SUR LA CONDITION SOCIALE DES MALADES MENTAUX ET
AUTRES RECLUS ; 1961, traduction de Liliane et Claude
Lainé ; présentation, index et notes de Robert
Castel. ; Collection Le Sens Commun, Éditions de Minuit, Paris
(1979).
* 112 Propos repris par le
journal Libération daté du 8 Mai 1985, cité in
Fabien CADENEL ; POUR UNE PRISON QUI EN VAILLE LA PEINE,
mémoire de Diplôme de l'école d'Architecture de Marseille,
1999.
* 113 Une étude de cas
va nous guider dans cette partie. Benjamin PECOUD ; EMERGENCE DE
REVENDICATION ET GESTION CARCERALE DES CONFLITS DANS L'ENFERMEMENT
DEMOCRATIQUE ; Mémoire de DEA Gouvernement option
Institutions politique ; sous la direction de Brigitte GAITI ;
Université PARIS 1 , 2004-2005
* 114 Norman BISHOP, LA
PARTICIPATION DES PERSONNES DÉTENUES À L'ORGANISATION DE LA VIE
EN DÉTENTION ; avril 2006 ; Champ pénal, Champ
Pénal / Penal Field mis en ligne le 18 avril 2006. URL :
http://champpenal.revues.org/document485.html.
* 115 source :
www.senat.fr
* 116 Docteur en droit de
l'Université de Paris I ; article, PRINCIPE DE
LÉGALITÉ ET EXÉCUTION DES PEINES EN FRANCE ET ALLEMAGNE,
DROIT = DROITS ?; septembre 2005, Champ pénal, Champ
pénal mis en ligne le 13 septembre 2005. URL :
http://champpenal.revues.org/document397.html.
* 117 Commission nationale
consultative des droits de l'Homme ; ETUDE SUR LES DROITS DE L'HOMME
DANS LA PRISON ; 11 mars 2004
* 118 A. de Tocqueville - G.
de Beaumont, lettre au Garde des Sceaux du 10 novembre 1831. faisant office de
pré-rapport,
http://www.tocqueville.culture.fr/fr/oeuvre/popup/html/t_demo12.html
* 119 Ce travail s'appuie sur
une note de synthèse du Sénat de 2002 concernant le travail
pénitentiaire en Europe :
http://www.senat.fr/lc/lc104/lc1040.html
* 120 Idem
* 121 Cité in
Marc BAADER et Evelyne SHEA, « LE TRAVAIL
PÉNITENTIAIRE, UN OUTIL EFFICACE DE LUTTE CONTRE LA
RÉCIDIVE ? », Champ pénal / Penal Field, [En
ligne], mis en ligne le 31 mai 2007. URL :
http://champpenal.revues.org/document684.html
* 122 Rapport d'information
n° 330 (2001-2002) de M.
Paul
LORIDANT, fait au nom de la commission des finances, déposé
le 19 juin 2002.
* 123 L'etude la plus
exhaustive sur cette question est l'oeuvre de Marion VACHERET, « Les
visites familiales privées au Canada, entre réinsertion et
contrôle accru : portrait d'un système (février
2005) », Champ pénal, Champ pénal Champ
pénal, [En ligne], mis en ligne le 13 septembre 2005. URL :
http://champpenal.revues.org/document81.html.
* 124 Théorie de
l'orthopédie morale.
* 125 Source : article du
monde du 2 mars 2007 ; LA COMMISSION CONSULTATIVE DES DROITS DE
L'HOMME DÉNONCE LES ENTRAVES POSÉES AUX ALTERNATIVES À
L'EMPRISONNEMENT.
* 126 Rapport de Messieurs
Philippe GOUJON et Charles GAUTIER, 22 Juin 2006
* 127 Idem ;
p°40
* 128 Idem, p° 69-70
* 129 Cité in
Alain LOEB, L'ENSEIGNEMENT EN PRISON, QUELQUES REPERES
CHRONOLOGIQUES ;
www.justice.gouv.fr/minister/DAP/enseigne/Intervention.
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