UNIVERSITE INTERNATIONALE DE LANGUE FRANCAISE AU
SERVICE DU
DEVELOPPEMENT AFRICAIN A ALEXANDRIE D'EGYPTE
Departement gestion du patrimoine
culturel
La gestion des sites du patrimoine mondial au
Maroc :
Le cas du Ksar Aït Ben Haddou
(province de Ouarzazate)
Mémoire en vue de l'obtention du
DIPLOME
D'ETUDES PROFESSIONNELLES
APPROFONDIES
(DEPA)
Présenté et soutenu
par:
Hassan ZAKRITI
Dédicaces
A ma femme,
Mme Samira Harfacha,
A mon
fils,
Mohieddine
A ceux qui attendent mon retour,
mes parents
Remerciements
Je tiens à exprimer mes remerciements à toutes les
personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à la
réalisation de ce mémoire, et particulièrement :
A Madame Caroline Gaultier-Kurhan, Directrice
du Département Gestion du patrimoine
culturel de l'Université Senghor qui, au-delà de
ses occupations administratives et de ses préoccupations scientifiques
et pédagogiques à notre égard, s'est prêtée
à notre écoute et n'a ménagé aucun effort à
nous conseiller et nous orienter.
A Mr. Mohammed Boussalh, Directeur du CERKAS
à Ouarzazate, pour m'avoir accueilli
pendant trois mois, pour avoir supervisé mon stage, et
mis tous les moyens nécessaires à ma recherche, et pour avoir
veillé à ce que mon séjour professionnel se soit
déroulé dans les meilleures conditions.
A mon ami et collègue Mr. Moulay Driss
Alaoui (conservateur-adjoint au CERKAS et chef
d'unité d'enquête) qui m'a initié aux
techniques d'inventaire informatisé, et n'a pas manqué durant le
stage de m'orienter et de m'accompagner dans mon enquête malgré
ses engagements professionnels.
A tout le personnel du CERKAS pour son assistance et son
aimable collaboration.
A mes amis et collègues MM. Zouhaïr
Daoudani (adjoint du conservateur du Palais El
Bahia à Marrakech), Abderrahim El Bertai
(Délégué du Ministère de la Culture à
Essaouira), Azzeddine Karra et Wahid Krarssi (respectivement directeur
du Centre du patrimoine maroco-lusitanien à El Jadida et
conservateur-adjoint au sein du même centre), et Youcef
Belouz (l'infatigable et le talentueux auditeur du Département
Administration-Gestion de l'Université Senghor), dont l'aide me fut d'un
grand apport.
Avant-propos
Le choix du thème du patrimoine mondial au Maroc est
dû à mon séj our professionnel
au sein du Centre de Sauvegarde et de
Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones Atlasiques et
Subatlasiques (CERKAS). D'ailleurs, le choix de cette institution fut un
concours de circonstances.
Mon séjour à Ouarzazate, fut pour moi
l'occasion de découvrir de près un patrimoine
architectural tant convoité : celui des vallées
du sud marocain. Un patrimoine aussi rayonnant et célèbre au
Maroc qu'à l'étranger ; l'occasion de découvrir surtout,
un site du patrimoine universel : le Ksar Aït Ben Haddou. Ce fut
l'occasion pour moi également de revoir des collègues et des
camarades de longue date dont certains sont déjà passés
par l'Université Senghor. Mais ce fut surtout une opportunité de
côtoyer des spécialistes hors pairs dans le domaine du patrimoine,
une équipe qui travaille sans relâche au sein d'une institution
jeune, ambitieuse, unique et exemplaire dans le paysage institutionnel
patrimonial du Maroc.
Mon expérience au sein du CERKAS, aussi courte
parait-elle, est chargée de souvenirs
agréables, d'apport scientifique et technique, et de
perspective professionnelle en tant que conservateur des sites patrimoniaux et
acteur de la gestion du patrimoine dans mon pays.
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ACRONYMES I
LISTE DES ILLUSTRATIONS II
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE :
LE PATRIMOINE MONDIAL
AU MAROC
Chap itre 1. Le cadre conceptuel 5
1.1. Le patrimoine mondial 5
1.2. L'authenticité 7
1.3. La Stratégie global 9
1.4. La Liste indicative 9
1.5. Le patrimoine en péril 10
Chapitre 2. La gestion du Patrimoine mondial
12
2.1. Le cadre normatif 12
2.1.1. Les normes internationales : 12
a. la Convention de 1972 12
b. Les Orientations 14
c. les Recommandations 15
d. les Déclarations 16
e. les Chartes 16
2.1.2. Les réglementations nationales 17
2.2. Le cadre institutionnel : 17
2.2.1. Les collectivités nationales ou Etats parties 17
2.2.2. L'UNESCO : 18
a. L'Assemblée générale 18
b. Le Comité du patrimoine mondial 18
c. Le Centre du patrimoine mondial à l'UNESCO 18
2.2.3. Les organes consultatifs : 19
a. L'ICOMOS 19
b. L'IUCN 19
c. L'ICCROM 20
2.3. Le cadre méthodologique : 20
2.3.1. Planification : Plan de gestion 20
2.3.2. Mise en oeuvre 21
2.3.3. Suivi et évaluation 21
2.4. Les capacités en ressources de financement 23
2.4.1. Les crédits publics : l'Etat, les
collectivités locales 23
2.4.2. Le Fonds du patrimoine mondial 24
2.4.3. Les fonds privés 24
2.4.4. La coopération internationale : 25
a. les programmes thématiques de l'ONU : le cas du PNUD
25
b. la Banque Mondiale 25
c. La coopération régionale : l'exemple du
Programme MEDA 26
d. la coopération technico-scientifique : L' ICCROM 26
Chap itre 3. Le patrimoine mondial au Maroc : Etat
des lieux 27
3.1. L'adhésion 27
3.2. La liste indicative 27
3.3. Les biens inscrits sur la Liste de l'UNESCO 29
3.4. Les effets de l'inscription sur la Liste 30
DEUXIEME PARTIE :
LE VILLAGE
COMMUNAUTAIRE DES AÏT BEN HADDOU
DIT KSAR AÏT BEN
HADDOU
Chapitre introductif : l'architecture en terre
36
1. les repères de l'espace et du temps : 36
- dans le monde 36
- au Maroc 36
2. les éléments de l'architecture vernaculaire
présaharienne au Maroc 38
2.1. Les techniques: 38
2.2. Les expressions architecturales 38
2.3. L'organisation socio-spatiale 39
2.4. La décadence 40
3. universalité du matériau : universalité
des enjeux 41
Chap itre 1. Présentation du site
43
1.1. Le contexte naturel : éléments de
géographie du site
|
43
|
1.2. Eléments de l'histoire :
|
.45
|
1.2.1. La fondation
|
45
|
1.2.2. La toponymie
|
46
|
1.3. Le site aujourd'hui :
|
47
|
1.3.1. Le paysage
|
47
|
1.3.2. Eléments du patrimoine architectural du ksar :
Architecture, organisation spatiale
|
47
|
1.4. L'inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial : un
nouvel essor ?
|
52
|
1.4.1. Les fondements
|
52
|
1.4.2. Les justifications d'inscription
|
54
|
Chap itre 2 : l'organisme en charge de la
conservation : le CERKAS
|
56
|
2.1. La mission du CERKAS
|
56
|
2.2. La création
|
56
|
2.3. Le statut
|
57
|
2.4. Les principales actions :
|
58
|
a. Réhabilitation de la Kasbah de Taourirt
|
58
|
b. Sauvegarde du Ksar Aït Ben Haddou
|
58
|
c. Restauration du grenier collectif Ighrem n 'Ougdal
|
61
|
d. Réhabilitation du Ksar Tamnougalt
|
61
|
|
e. Action en cours
|
61
|
2.5. Les programmes du CERKAS
|
61
|
2.6. Perspectives :
|
62
|
a. Expertise
|
62
|
b. Etudes
|
62
|
c. Formation
|
63
|
d. Analyse des matériaux
|
63
|
|
e. Publications
|
63
|
Chap itre 3 : Eléments du diagnostic
64
3.1. Le contexte socio-économique 64
3.1.1. L'abandon du ksar 64
3.1.2. Une base économique précaire 64
a. L'agriculture : secteur fragile 65
b. une activité touristique peu organisée 66
c. une activité cinématographique non
réglementée 67
d. prolifération des commerces sur le site 68
e. l'artisanat : activité peu encadrée 68
3.2. Le déficit en infrastructures de base et en
équipement collectifs 68
3.2.1. Le sous-équipement : 69
a. éducation limitée au primaire 69
b. une sous médicalisation aigue 69
3.2.2. Carence en infrastructures de base 69
a. le problème d'accès à l'eau potable
69
b. L'électrification du ksar 70
c. Le pont 70
d. Assainissement liquide et solide 70
e. Les voiries de desserte 70
3.3. Le contexte institutionnel : 70
3.4. Un patrimoine mondial fortement menacé 72
3.4.1. L'état de conservation : 72
3.4.2. La situation foncière : 74
3.4.3. Les facteurs affectant le site 76
TROISIÈME PARTIE :
PRESPECTIVES
DE SAUVEGARDE, DE RÉHABILITATION
ET DE GESTION DU KSAR AÏT BEN
HADDOU
Chap itre 1. Dynamique de Sauvegarde
78
1.1. Reconsidération des valeurs du ksar 79
a. Le site du ksar en tant que site proto-archéologique
79
b. le site du ksar : paysage culturel 82
1.2. La démarche du CERKAS 84
1.3. L'inscription du Ksar sur la liste du patrimoine mondial en
péril 87
1.4. Le renforcement des capacités des acteurs locaux
88
1.5. Les atouts du programme Réserve de Biosphère des Oasis
du Sud Marocain
(RBOSM) 89
1.6. L'approche participative : Les promesses de l'Agenda 21
local (le Pacte de
sauvegarde) 90
1.7. Les perspectives du programme PACT de l'UNESCO 92
1.7. La mise en oeuvre des mesures de protection : le classement
94
Chap itre 2. La démarche de
réhabilitation 97
2.1. La valorisation du site 97
2.1.1. Sensibilisation et promotion : 97
2.1.2. Les vecteurs in situ de communication 100
a. écomusée ou musée communautaire ? 100
b. les maisons thématiques 101
c. le centre d'interprétation 102
d. la dynamique scientifique 102
2.2. L'approche du CERKAS : la consultation de la population
103
2.3. Infrastructures et équipements collectifs de base
105
2.3.1. La protection des terres agricoles et des berges de
l'Oued el-maleh 105
2.3.2. La gestion de l'eau et l'optimisation de son usage 106
2.3.3. La mise en place d'infrastructures et de service de base
106
a. l'eau/l'assainissement 106
b. l'électricité 107
c. la liaison par le pont 107
2.2.4. L'installation d'équipements d'accueil et
l'aménagement d'itinéraires 109
2.2.5. La réhabilitation de l'école 109
2.4.
Développement des systèmes productifs locaux et des
activités génératrices de
revenus 110
Chap itre 3. Les Modèles potentiels de gestion
114
3.1. Gestion planifiée : 114
3.1.1. La structure de gestion 115
3.1.2. Le groupe de travail 117
3.1.3. Le plan de gestion 118
3.2. Gestion intégrée: 120
3.2.1. Approche des paysages culturels 121
3.2.2. Gestion de proximité : l'antenne locale du
CERKAS 123
3.2.3. Approche préventive : la gestion du risque 124
3.2.4. Approche cartographique de gestion : l'apport du SIG
128
a. Le contexte international : le SIG appliqué
au patrimoine mondial 128
b.L'application du SIG au patrimoine
architectural des vallées
présahariennes : l'expérience du CERKAS
(2000-2005) 130
CONCLUSION 136
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE RESUME
LISTE DES ACRONYMES
CERKAS :(appellation usuelle du)
Centre de Conservation et de Réhabilitation du Patrimoine Architectural
des zones Atlasiques et Subatlasiques
CCM : Centre
Cinématographique Marocain
ENA : Ecole Nationale
d'Architecture (Maroc)
FEC: Fonds d'Equipement
communal
FNAC:Fonds National d'action
Culturelle
ICORP (angl.) : Conseil
International pour la Préparation aux Risques
INAU : Institut National de
l'Aménagement et de l'Urbanisme (Maroc)
INSAP : Institut des Sciences de
l'Archéologie et du Patrimoine (Maroc)
ITUC (angl.): Conservation
Territoriale et Urbaine Intégrée
JIKA (angl.) : Agence Japonaise de
coopération Internationale
LPEE : Laboratoire Public d'Essais
et d'Etudes
ONE : Office National de
l'Electricité
ONEP : Office National de l'Eau
Potable
ORMVAO:Office Régional de
Mise en Valeur Agricole d'Ouarzazate
PAC : Plan d'Aménagement
Communal
PACT (angl.): Initiative de
Partenariats pour la Conservation
PAGER : Programme
d'approvisionnement groupé en eau potable des populations
rurales
PAS : Plan d'Aménagement
Spécifique
PDAR : Plan de Développement
des Agglomérations Rurales
PDR : Plan Directeur de
Reboisement
PERG : Programme d' Electrification
Rurale Générale
RBOSM (Programme) : Réserve
de Biosphère des Oasis du Sud Marocain SDAU :
Schéma Directeur d'Aménagement Urbain
SEGMA:Service Géré
d'une Manière Autonome
SIG : Système d'Information
géographique
LISTE DES ILLUSTRATIONS
Les figures :
Fig.1 - Cycle des six ans pour la soumission de rapports
périodiques
Fig.2 - La liste indicative du Maroc
Fig.3 - Sites du patrimoine culturel du Maroc inscrits sur la
Liste du patrimoine mondial Fig.4 - Sites du patrimoine mondial au Maroc :
Régime de protection et éléments de plan
ification.
Fig.5- Carte du Maroc
Fig.6 - Situation du ksar dans la Région
Sous-Massa-Draa
Fig.7- Plan du Ksar des Aït Ben Haddou
Fig.8 - Tableau ré cap itulatif des actions du CERKAS
sur le Ksar Ben Haddou Fig.9 - Etat de conservation des structures
Fig.10- mode et périodes d'acquisition
Fig.11-: périodes d'acquisition
Fig.12-: état d'occupation du ksar
Fig.13 -Grille des valeurs associées au Ksar Aït
Ben Haddou
Fig.14-identification de projets pour la sauve garde et la
mise en valeur du site de Aït Ben Haddou
Fig.15 - exemple de carte téléphonique
illustrant un paysage ksourien de la vallée du Draa
Fig.16- Fonctions éventuelles des biens aux yeux des
propriétaires
Fig.17- Proposition de réhabilitation :
partenariat
Fig.18- Typologie des risques sur les sites du patrimoine
mondial
Fig.19 - Carte de la vallée du Draa
Fig.20- Modèle d'une orthophoto (la Qasba de
Taourirt)
Fig.21 : Digitalisation des différents niveaux de
dessin à l'aide de MicroStation (la Qasba de Taourirt)
Fig.22 - Requête indiquant les bâtiments
alimentés par le réseau public en eau potable à la Qasba
de Taourirt
Fig.23 - Requête illustrant le schéma de voirie
d'un ksar
Les photo graphies :
Photo. 1 - Vue sur le ksar des Aït Ben Haddou
Photo. 2 -L'une des entrées du ksar
Photo. 3 - Détail d'un décor sur une
façade
Photo. 4 - Vue du ksar sur le village issiwid
Photo. 5- Vue sur les kasbahs restaurées par le CERKAS
et en bas les gabions de protection des berges mis en place
Photo. 6-Détail d'une kasbah restaurées par le
CERKAS
Photo. 7- l'un des aspects de la folklorisation du site
à des fins touristiques
Photo. 8- reliquat d'un décor de tournage
laissé à l'entrée du ksar
Photo. 9 - l'un des aspects de la prolifération
anarchique des bazars dans le site Photo.10 - exemple d'aménagement
privé à des fins touristiques alté rant
l'intégrité visuelle du ksar
Photo.11 - les vestiges des remparts du ksar
Photo. 12- l'un des rares panneaux d'indication du Ksar
Aït Ben Haddou
INTRODUCTION
L 'idée de la création d'un mouvement
international de protection des sites dans
d'autres pays est née après la Première
guerre mondiale.
Ce n'est qu'en 1972, lors de la Conférence
générale de l'UNESCO à sa 17ème session tenue
à Paris, que les Etats membres de l'organisation ont adopté une
Convention concernant la protection du patrimoine culturel et naturel. Elle
entra en vigueur lorsque
20 pays l'eurent ratifiée en 19751.
La dite Convention était le
résultat d'un long processus, et la fusion de deux courants distincts :
le premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels,
et le
second, axé sur la préservation de la
nature2 .
Les nations ou Etats parties qui adhèrent à la
Convention (177 pays signataires en mars 2004) constituent une
communauté internationale, unie par une mission commune : celle
d'identifier et de préserver pour les générations futures
des témoignages de la nature et la culture ayant une valeur universelle
exceptionnelle. Toute en respectant le principe de la souveraineté
nationale et sans remettre en cause le droit de propriété
institué par les législations nationales, les Etats partie
à la convention reconnaissent que la responsabilité de la
protection du patrimoine mondial incombe à la communauté
internationale toute entière : le patrimoine mondial appartient
à tous.
Mais la question qui se pose est de savoir si : les
populations qui détiennent ce patrimoine sont-elles consenties à
partager leur patrimoine avec autrui ? Et dans l'affirmative, ce partage est-il
réel ou symbolique ? Dans la réalité, les
collectivités nationales se substituent aux collectivités locales
pour revendiquer l'universalité de certains de leurs sites culturels ou
naturels et sollicite de ce fait le concours de l'Unesco.
Celle-ci a développé son action en faveur du
patrimoine mondial, et qui consiste à :
· encourager les pays à adhérer à la
Convention de 1972 et à assurer la protection de leur patrimoine naturel
et culturel ;
· encourager les Etats parties à la Convention
à proposer des sites sur leur territoire national pour inscription sur
la Liste du patrimoine mondial ;
· encourager les Etats parties à mettre en place des
systèmes de suivi de l'état de conservation des sites du
patrimoine mondial situés sur leurs territoires;
1 Cf. Léon Pressouyre, La Convention, vingt ans
après, Editions UNESCO, 1993 (p.9)
2 Cf. Kit d'information du Patrimoine Mondial (Bref
historique),Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2000.
· aider les Etats parties à sauvegarder les sites
du patrimoine mondial en leur fournissant une assistance technique et une
formation professionnelle ;
· fournir une assistance d'urgence aux sites du patrimoine
mondial en cas de danger immédiat ;
· appuyer les activités menées par les Etats
parties pour sensibiliser le public à la préservation du
patrimoine mondial ;
· encourager la participation des populations locales
à la préservation de leur patrimoine culturel et naturel ;
· encourager la coopération internationale dans le
domaine de la conservation du
patrimoine culturel et naturel1.
Plus que jamais, les gouvernements, les organisations, les
associations et les
particuliers se sentent impliqués et deviennent
engagés dans le processus de sauvegarde de l'ensemble des sites du
monde.
Le Maroc, à, l'instar de nombreux membres de l'UNESCO,
fut l'un des premiers pays à ratifier la Convention, en 1975. Il affirme
de ce fait, son attachement aux préoccupations de la communauté
internationale bien avant, à travers la Convention de LaHaye de
1954 relative à la protection des biens culturels en cas de conflit
armé ; et perpétuée peu après en ratifiant celle de
Ramsar de 1980 relative aux zones humides.
Au-delà de cet attachement et ce dévouement aux
valeurs de la communauté internationale, assure -t-il une gestion de son
patrimoine inscrit sur la Liste de l'Unesco, conformément aux normes
internationales ? Comment traite -t-il son patrimoine avec toute la
diversité qu'il présente, à l'image des ses villes
historiques, ses sites archéologiques et ses ensembles architecturaux,
ou ses espaces culturels ?
Comment procède- t-il pour concilier les principes
éthiques de sauvegarde avec les impératifs de
développement et ce qui en résulte comme menace sur les biens
inscrits : tourisme de masse, développement anarchique
d'activités humaines préjudiciables aux biens culturels,
urbanisation galopante, etc.
Comment affronte-t-il le développement de certains
phénomènes sociaux tels l'abandon des tissus anciens ou la
gentrification de certaines de ses villes historiques à l'image
de Marrakech et Essaouira ?
Tant de questions et de problématiques auxquelles sont
confrontés et le chercheur et le gestionnaire du patrimoine culturel, et
que ce travail se propose de traiter à travers les biens situés
en territoire marocain et inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial.
Néanmoins, ce mémoire présente quelques
restrictions : d'abord, l'étude est limitée au patrimoine
culturel pour la simple raison que le patrimoine naturel échappe
à
1 Kit d'information du Patrimoine Mondial (Objectif de la
mission).
notre champs de compétence, et que le Maroc ne dispose
sur la Liste de l'Unesco que des biens culturels ; la seconde restriction
relève de la contrainte de choisir un site classé patrimoine
mondial qui présente les problématiques majeures au sein du
contexte dans lequel il est situé, sauvegardé et
géré : à savoir la village communautaire des Alt Ben
Haddou dit Ksar Alt Ben Haddou.
Avant de se pencher sur la situation du village en question
(Deuxième Partie) par rapport à son contexte physique, social et
économique (chapitre 1) et établir un constat sur la situation en
diagnostiquant les dysfonctionnements en matière de gestion du site
(chapitre 3), il sera question d'abord de mettre la lumière sur le
contexte international et national au niveau du Maroc, dans lequel ce
patrimoine s`inscrit (Première Partie), pour aboutir enfin
(Troisième Partie) sur ce qui pourrait être comme solutions
optimales en matière de sauvegarde (chapitre 1), de
réhabilitation (chapitre 2) et de gestion du ksar (chapitre 3) qui vit
une réalité particulière dont les facettes sont encore
très problématiques.
PREMIERE PAR TIE
LE PATRIMOINE MONDIAL AU MAROC
Avant de cerner la réalité du patrimoine mondial
au Maroc (sect.3) et les
cadres de référence dans lesquels leur gestion
s'inscrit (sect.2), il convient d'abord d'appréhender certains concepts
dans lesquels le patrimoine mondial tire toute sa signification (sect.1).
Cha itre 1. Le cadre conceptuel
1.1. Le patrimoine mondial
Il serait réducteur ou même idéal de
considérer le patrimoine mondial comme étant un ensemble de biens
culturels ou de sites naturels qui << appartiennent à tous les
peuples du monde, sans tenir compte du territoire sur lequel il
sont situés >>1
Comme il serait facile de considérer le patrimoine
mondial selon les termes de la Convention de 1972, alors que le concept
même du patrimoine est en cours de formation et en
perpétuelle évolution.
Souvent lié à l'identité, la notion du
patrimoine est perçue en tant que << possession collective -
maté rielle ou symbolique - d'un groupe transmise depuis un
passé proche
ou lointain >>2.
La tendance actuelle est d'appréhender le patrimoine
culturel dans son sens le plus large, c'est-à-dire avec tous les signes
qui témoignent des activités et des réalisations
des êtres humains au cours du
temps3.
La notion du patrimoine est le plus souvent réduite
à l'héritage culturel, alors que dans son acceptation mondiale,
elle concerne aussi bien le culturel que la naturel et parfois même les
deux à la fois (biens mixtes).
Quoiqu'il en soit, la définition du Patrimoine Mondial
qui est retenue est celle de la Convention de l'Unesco en 1972 :
D'abord, elle s'annonce dans le Préambule de la Convention
pour désigner des biens du patrimoine culturel et naturel ayant <<
une valeur universelle ».
Ensuite, elle se retrouve dans les articles 1 et 2 pour
développer la signification du patrimoine culturel et du
patrimoine naturel :
Ainsi, aux fins de cette Convention, sont
désignés par patrimoine culturel (art.1):
- les monuments : oeuvres architecturales, de sculpture ou de
peinture monumentales, éléments ou structures de caractère
archéologique, inscriptions
1 Kit d'information sur le patrimoine mondial.
2 Pierre De Maret (dir.), Plan de sauvegarde du patrimoine
de l'Afrique francophone, ULB, 1997 ( p.66). 3 Léon
Pressouyre, la Convention du patrimoine mondial : vingt ans après,
Ed. UNESCO, 1993 (p.11)
grottes et groupes d'éléments, qui ont une
valeur universelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la
science,
- les ensembles : groupes de constructions isolées
ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité ou
de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle
exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la
science,
- les sites : oeuvres de l'homme ou oeuvres
conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les
sites archéologiques qui ont une valeur universelle
exceptionnelle.
Et considérés comme patrimoine naturel (art.2)
:
- les monuments naturels constitués par des
formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui
ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou
scientifique,
- les formations géologiques et physiographiques
et les zones strictement délimitées constituant l'habitat
d'espèce animale et végétale menacées, qui ont une
valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la
conservation,
- les sites naturels ou le zones naturelle strictement
délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du
point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté
naturelle.
Selon les termes de la Convention, le Patrimoine Mondial est
constitué de biens (culturels et naturels) ; terme à
connotation juridique qui relève du Droit de propriété
(Droits réels), mais lié surtout dans ce sens au patrimoine
culturel. Il a été employé
pour la première fois, dans la Convention de l'Unesco
de LaHaye en 19541, puis dans la Convention sur le trafic
illicite des biens culturels en 1970. On la retrouve également dans
l'appellation officielle - en langue française- de l'ICCROM fondé
en 1959, désignant le Centre International d'études pour la
Conservation et la Restauration des biens culturels.
Cependant, la Convention prévoit l'inscription d'une
catégorie de biens qui sont des « oeuvres conjuguées de
l'homme et de la nature » et les classe parmi les sites culturels. Sur la
Liste su patrimoine Mondial, il s'agit clairement des biens mixtes.
Ces biens mixtes sont perçus comme une combinaison des
valeurs naturelles et culturelles. Depuis 1992, des interactions significatives
entre les peuples et leur
environnement naturel sont reconnues en tant que paysages
culturels2.
L'inscription d'un bien sur la Liste du patrimoine Mondial est
subordonnée à l'existence d'un certain nombre de critères
: ceux-ci sont développés en détail dans un
1 Cf. ICCROM Chroniques, n 29, juin 2003, éditorial
(p.2)
2 Cf. Kit d'information du Patrimoine Mondial (la
Convention). La notion du paysage culturel est définie par les
Orientations devant guide la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine
mondial ; elle sera développée plus loin dans la
troisième partie de ce mémoire.
document spécial : les Orientations devant
guider la mise en oeuvre de la Convention du Patrimoine Mondial.
Il s'agit, à côté du texte de la Convention
de 1972, du principal document du Comité du Patrimoine Mondial et
l'outil de base en
matière de méthodologie de
travail1.
Ces critères sont régulièrement
améliorés par le Comité pour s'adapter à
l'évolution du concept même du patrimoine du
Patrimoine Mondial2.
Mais deux critères fondamentaux sont incontournables et
demeurent toujours d'actualité : l'authenticité pour les
biens culturels et l'intégrité pour les biens naturels.
Seul le critère d'authenticité sera retenu ici.
1.2. L'authenticité
Le critère d'authenticité des biens culturels
semble avoir été défini au départ par
référence à un concept européen, lui-même
évolutif et extrêmement variable selon
les pays qui le mettent en pratique3. Le
plus souvent confondu avec l'originalité : car un bien est reconnu comme
authentique s'il est matériellement original, ce concept paraissait trop
rigide dans la mesure où de nombreux biens sont taxés
d'inauthenticité à cause d'entretiens réguliers, des
restaurations répétitives et des modifications morphologiques
(extension, adjonction d'éléments nouveaux, etc.) qu'ils ont
dû subir
au cours de leur histoire4.
Les contraintes du critère d'authenticité sont
manifestement très pesantes dans
plusieurs régions du monde5
où l'emploi des structures périssables comme le bois, ou
précaires telle la terre ou l'adobe est largement répandu pour
différentes raisons. La conservation de ces structures passe
forcément par une restauration qui, de ce fait,
« altère » le concept strict de
l'authenticité du patrimoine dans ces
régions6.
Dans quelques cas précis, comme celui du Fort Bahla au
Sultanat d'Oman inscrit en 1987, le Comité a considéré que
l'authenticité était liée à un savoir-faire et non
à pérennisation du matériau. Cette décision a
profité à de nombreux sites et pourrait faire jurisprudence dans
le cas d'un grand nombre de structures
1 Sur ce document voir plus loin.
2 ibid.
3 Léon Pressouyre, loc. cit.
4 le critère d'authenticité, au sens
où l'entend la Charte de Venise de 1964, a été
appliqué dans toute sa rigueur lors de l'examen de la cité de
Carcassonne en France (bien ajourné en 1985), mais non dans le cas de la
Ville médiévale de Rhodes, inscrite en 1988. Cf. Léon
Pressouyre, op. cit. p12.
5 Au Japon, les temples les plus anciens sont
périodiquement reconstitués à l'identique,
l'authenticité s'attachant à la fonction essentiellement,
à la forme accessoirement, mais nullement au matériau. Cf.
Léon Pressouyre, loc. cit.
6 La question a été soulevée à
propos des constructions en bois des pays scandinaves, sans que le
remplacement, même massif, de pièces de charpenterie ait
été considéré comme déterminant une perte
d'authenticité. Cf. Léon Pressouyre, op. cit. p.14
traditionnelles caractérisées par l'emploi de la
terre, du bois ou d'autres matériaux d'origine végétale et
dont l'inscription sur la Liste du patrimoine Mondial serait exclue
par un respect strictement littéral du critère
d'authenticité1.
La question de l'authenticité commençait
dès lors à occuper une place prépondérante dans le
discours et la réflexion des professionnels du patrimoine, tant au
niveau de la conservation qu'au niveau de l'inscription sur la liste du
patrimoine mondial.
La diversité du patrimoine et ce qui en
découlent comme méthodes de traitement et de conservation a
conduit à définir des normes variables pour une
conservation authentique2.
Le document de Nara sur l'authenticité (adopté
en 1994 et fondé sur la Charte de Venise de 1964) s'est
proposé d'étudier le sens et l'applicabilité du concept
dans les différentes cultures, et s'est attaché à la
diversité et à la spécificité des biens du
patrimoine, ainsi qu'à la diversité des valeurs qui
leur sont associées3.
Depuis lors, le concept d'authenticité a
évolué et la dernière version des Orientations
considère l'authenticité sous quatre aspects :
1. l'authenticité des matériaux : décrite
parfois comme « la fidélité de l'objet »,
cette notion met l'accent sur la nature de la substance physique du bien.
2. l'authenticité de l'exécution : elle
correspond à la substance et les signes de la technologie
utilisée lors de la construction et des techniques originelles de
traitement des matériaux et structures;
3. l'authenticité de la conception : elle renvoie aux
valeurs qui résident dans les intentions initiales de l'architecte,
l'artiste, l'artisan ou de l'ingénieur ;
4. l'authenticité de l'environnement (la
fidélité du contexte) : dans l'esprit de la Convention du
patrimoine Mondial, l'authenticité de l'environnement souligne
les relations entre le bien culturel et le contexte
physique4.
Pour être inscrit sur la Liste du patrimoine Mondial, le
bien doit conserver son
intégrité au regard de ces quatre facettes de
l'authenticité5.
1 Léon Pressouyre, loc. cit.
2 Jean-louis Luxen, « la dimension
immatérielle des monuments et des sites avec les
références de la liste du patrimoine mondial », in
Authenticité et intégrité dans le contexte africain,
Réunion d'experts, Zimbabwe,2000 (p.20)
3 J. Jokilehto & J. King, « l'authenticité et
l'intégrité», in Authenticité et
intégrité dans le contexte africai , p. 31.
4 Dawson Munjeri, « les notions
d'intégrité et d'authenticité : les modèles
émergents en Afrique, in Authenticité et
intégrité dans le contexte africain, pp.14-15
5 Bernard M.Feilden et Jukka Jukilehto, Guide de gestion
des sites du patrimoine culturel mondial, iccrom, 1996 (p.17).
1.3. La Stratégie globale
Pour établir une Liste représentative et
équilibrée des biens du patrimoine mondial,
une Stratégie Globale a été
adoptée par le Comité du patrimoine mondial en 1994. Son objectif
est d'assurer que la Liste reflète bien la diversité culturelle
et naturelle des sites de valeur universelle exceptionnelle.
Ce processus stratégique repose sur trois phases :
l'identification des ressources du patrimoine ; l'évaluation des
propositions d'inscription sur la Liste du Patrimoine
Mondial ; la gestion de la conservation des sites du
Patrimoine Mondial1.
Dans le cadre de cette stratégie globale, des
études, des conférences et des séminaires régionaux
ont eu lieu en Afrique, dans la région du Pacifique, des pays arabes,
dans la région des Andes, les Caraïbes, l'Asie Centrale et l'Asie
du Sud-Est, dans le but de permettre aux professionnels de mieux cerner la
notion de patrimoine , d'identifier ses caractéristiques et de stimuler
les préparations des listes indicatives et de propositions
d'inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial.
1.4. La Liste indicative
La convention stipule que "Chacun des Etats parties à
la Convention du
patrimoine mondial soumet, dans toute la mesure du
possible, au Comité du patrimoine mondial un inventaire des biens du
patrimoine culturel et naturel situés sur son territoire et susceptibles
d'être inscrits sur la liste [du patrimoine mondial] (...). Cet
inventaire, qui n'est pas considéré comme exhaustif, doit
comporter une documentation sur le lieu des biens en question et sur
l'intérêt qu'ils présentent" (Art. 11.1 de la
Convention du patrimoine mondial).
Cet "inventaire des biens", décrit dans la Convention
et dénommé liste indicative, permet de prévoir
les biens qu'un Etat partie peut soumettre pour inscription au cours des cinq
à dix années à venir. Les listes indicatives peuvent
être mises à jour à tout moment. Le Comité invite
les Etats parties à soumettre des listes indicatives conformément
aux Orientations devant guider la mise en oeuvre de la Convention du
patrimoine mondial, étant entendu qu'une assistance
préparatoire est disponible sur demande.
En 1988, le Comité du patrimoine mondial a
décidé qu'il n'étudierait des propositions d'inscription
culturelles sur la Liste du patrimoine mondial que si les biens
concernés figuraient déjà sur la liste indicative de
l'Etat partie. Cette condition ne s'applique pas aux sites naturels mais de
nombreux Etats ont néanmoins fait figurer des sites naturels sur leur
liste indicative, dans le cadre de l'effort pour parvenir à un
1 J. Jokilehto & J. King « l'Authenticité et
l'intégrité», in Authenticité et
intégrité dans le contexte africain (p.30).
meilleur équilibre entre les sites naturels et culturels
sur la Liste du patrimoine
mondial1.
Les listes indicatives doivent être
considérées comme de précieux outils de planification pour
les Etats parties car elles servent d'inventaires des ressources culturelles et
naturelles qui inspireront les propositions d'inscription, tout en gardant
à
l'esprit les exigences d'unicité, de
représentativité et d'équilibre
général2.
Les listes indicatives fournissent également un
mécanisme idéal de mise en oeuvre de la Stratégie globale
du Comité du patrimoine mondial pour une Liste du patrimoine mondial
représentative. Le processus de soumission de listes indicatives est
décrit dans les Orientations devant guider la mise en oeuvre de la
Convention du patrimoine mondial (sections 7 et 8).
1.5. Le patrimoine en péril
Divers dangers dus à des causes naturelles ou à
l'intervention humaine menacent
constamment des sites inscrits sur la Liste du patrimoine
mondial : conflits armés et guerres, séismes et autres
catastrophes naturelles, pollution, constructions non planifiées...
ainsi 35 biens parmi les 788 sites du patrimoine mondial sont actuellement
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril sur
décision du Comité du patrimoine mondial (28 ème session
du Comité, juillet 2004) et bénéficient par
conséquent d'une attention particulière et de mesures de
conservation d'urgence.
Pour reprendre les termes de la Convention du patrimoine
mondial, "Le Comité [du patrimoine mondial] établit (...),
sous le nom de « liste du patrimoine mondial en péril » une
liste des biens figurant sur la Liste du patrimoine mondial pour la sauve garde
desquels de grands travaux sont nécessaires et pour lesquels une
assistance a été demandée aux termes de la présente
convention. (...) Le Comité peut, à tout moment, en cas
d'urgence, procéder à une nouvelle inscription sur la Liste du
patrimoine mondial en péril et donner à cette inscription une
diffusion immédiate" (Article 11 §4).
La Liste du patrimoine mondial en péril est
conçue non seulement pour informer la communauté internationale
sur les dangers subis par les biens du patrimoine mondial, mais
également sur les conditions menaçant les caractéristiques
qui ont permis
1 Cf. Kit d'information du
Patrimoine Mondial (la liste indicative).
2 ibid.
l'inscription d'un site sur la Liste du patrimoine mondial et
pour aider à prendre des
mesures correctives de
préservation1.
Les dangers peuvent être "prouvés", en cas de
menaces imminentes spécifiques, ou "potentiels" lorsqu'un bien est
confronté à des menaces qui pourraient avoir des effets nuisibles
sur ses valeurs de patrimoine mondial. L'inscription de tout site sur la Liste
du patrimoine mondial en péril exige que le Comité
établisse et adopte, en consultation avec l'Etat partie concerné,
un programme de mesures correctives, et qu'il surveille ensuite l'état
de conservation du site. Tous les efforts devront être faits pour
restaurer les valeurs du site afin de permettre son retrait de la Liste du
patrimoine
mondial en péril dès que
possible2.
Si un site perd les caractéristiques qui avaient
déterminé son inscription sur la Liste du patrimoine mondial, le
Comité peut décider de retirer ce bien de la Liste du patrimoine
mondial en péril comme de la Liste du patrimoine mondial. Cette
disposition des Orientations devant guider la mise en oeuvre de la
Convention du patrimoine mondial n'a toutefois pas été
appliquée à ce jour.
D'autre part, les particuliers, les organisations non
gouvernementales ou d'autres groupes peuvent également attirer
l'attention du Comité sur des menaces existantes. Si l'alerte est
justifiée et le problème suffisamment sérieux, le
Comité peut envisager d'inclure le site sur la Liste du patrimoine
mondial en péril.
1 Le cas des Palais royaux d'Abomey au
Bénin est révélateur. Ils ont été inscrits
simultanément sur la Liste du patrimoine mondial et sur la Liste du
patrimoine mondial en péril en 1985, à la demande du gouvernement
béninois lui-même, après qu'une tornade ait frappé
le site, y causant de graves dommages. Depuis, sa restauration s'est poursuivie
dans le cadre d'un projet unissant des experts et des institutions de divers
pays du monde. Et tout récemment juillet 2004 la cité iranienne
de Bam et son paysage culturel, où 26000 personnes ont perdu la vie lors
du tremblement de terre du 26 décembre 2003, a été
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
2 L'inscription sur la Liste du patrimoine mondial en
péril n'est pas perçue de la même manière par toutes
les parties concernées. Certains pays demandent l'inscription d'un site
pour focaliser l'attention internationale sur ses problèmes et obtenir
une assistance compétente pour les résoudre. D'autres, cependant,
souhaitent éviter une inscription qu'ils perçoivent comme un
déshonneur.
Chapitre 2. La gestion du Patrimoine mondial
|
2.1. Le cadre normatif
Le cadre normatif fait référence à deux
sources majeures : la première est
internationale où se regroupent d'une part la
Convention de 1972 et son corollaire (les Orientations), et d'autre part les
Recommandations, les Déclarations et les Chartes qui en découlent
; la seconde est nationale, où on retrouve les réglementations
qui régissent le patrimoine culturel.
2.1.1. Les normes internationales
a. la Convention de 1972
Cet instrument international repose sur le postulat que certains
sites sur la terre
ont une valeur universelle exceptionnelle et mérite, en
tant que tels, de faire partie du patrimoine commun de l'Humanité.
Aperçu historique1
La Convention concernant la protection du patrimoine mondial
culturel et naturel
procède de la fusion de deux courants distincts : le
premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels, et
le second, axé sur la préservation de la nature.
L'événement qui a suscité une prise de
conscience internationale particulière a été la
décision de construire le grand barrage d'Assouan en Egypte, ce qui
aurait inondé la vallée ou se trouvaient les temples d'Abou
Simbel, trésors de la civilisation de l'Egypte ancienne. En 1959,
l'UNESCO a décidé de lancer une campagne internationale à
la suite d'un appel des Gouvernements égyptien et soudanais. La
recherche archéologique dans les zones qui allaient être
inondées a été accélérée ; enfin, les
temples d'Abou Simbel et de Philae ont été
démontés, déplacés et réassemblés.
La campagne a coûté environ 80 millions de
dollars des Etats-Unis, la moitié provenant de dons d'une cinquantaine
de pays, ce qui a démontré l'importance d'un partage de
responsabilité des pays pour préserver les sites culturels
exceptionnels.
Ce succès a été suivi d'autres campagnes
de sauvegarde, notamment en Italie (à Venise), au Pakistan (Mohenjo
Daro) et en Indonésie (Borobudur) , etc..
Par conséquent, l'UNESCO, avec l'aide du Conseil
international des monuments et des sites (ICOMOS), a amorcé la
préparation d'un projet de convention sur la protection du patrimoine
culturel.
1 Kit d'information du patrimoine mondial (la
Convention).
En 1968, l'Union mondiale pour la nature (UICN) a
présenté des propositions analogues à ses membres. Ces
propositions furent présentées à la Conférence
des
Nations Unies sur l'Environnement humain à Stockholm en
19721.
Finalement, toutes les parties concernées se sont mises
d'accord sur un texte unique. La Convention concernant la protection du
patrimoine mondial, culturel et naturel a été adoptée
par la Conférence générale de l'UNESCO le 16 novembre
1972.
En considérant le patrimoine sous ses aspects culturels
aussi bien que naturels, la Convention nous rappelle l'interaction de
l'être humain et de la nature et la nécessité fondamentale
de préserver l'équilibre entre les deux.
L'originalité de la Convention réside dans le
fait de réunir dans un même document les notions de protection de
la nature et de préservation des sites culturels. Nature et culture sont
complémentaires et l'identité culturelle est profondément
liée à l'environnement naturel dans lequel elle se
développe.
Le contenu de la Convention
Le texte de la Convention de 1972 est constitué de 8
sections et 38 articles, et
publiée en 5 langues : l'anglais, l'arabe, l'espagnol,
le français, et le russe.
La Convention définit le genre de sites naturels ou
culturels dont on peut considérer l'inscription sur la Liste du
patrimoine mondial (articles 1 et 2), et elle fixe les devoirs des Etats
parties dans l'identification de sites potentiels (art.3), ainsi que leur
rôle dans la protection et la préservation des sites (art.4). En
signant la Convention, chaque pays s'engage non seulement à assurer la
bonne conservation des sites se trouvant sur son territoire, mais aussi
à protéger son patrimoine national.
La Convention encourage l'Etat partie à intégrer
la protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes de
planification régionaux et à adopter des mesures attribuant une
fonction à ce patrimoine dans la vie quotidienne (art.5, a).
La Convention décrit également la fonction du
Comité du patrimoine mondial, le mode d'élection de ses membres
et leur mandat, et elle indique précisément les organismes
consultatifs professionnels à qui il peut demander conseil pour la
sélection des sites à inscrire sur la Liste (section III).
1 L'idée de concilier la conservation des sites
culturels avec ceux de la nature vient des Etats-Unis. Une conférence
à la Maison Blanche à Washington D.C., en 1965 a demandé
la création d'une "Fondation du patrimoine mondial" qui stimulerait la
coopération internationale afin de protéger "les lieux et
paysages les plus superbes du monde, ainsi que les sites historiques, pour le
présent et l'avenir de toute l 'humanité". Cf. Kit d'informations
du patrimoine mondial (la Convention).
La Convention explique l'utilisation et la gestion du
Fonds du patrimoine mondial (section IV) et les conditions et
modalités de l'assistance financière internationale (section
V).
Fonctionnement la Convention
La proposition d'inscription d'un site sur la Liste du
patrimoine mondial doit
émaner du pays lui-même. L'UNESCO ne fait pas de
recommandations pour l'inscription. La proposition doit inclure un plan
exposant en détail la gestion et la protection.
Le Comité du patrimoine mondial se réunit une
fois par an et étudie les propositions d'inscription à partir
d'évaluations techniques. Ces évaluations, indépendantes
des sites culturels et naturels proposés, sont réalisées
par deux organismes consultatifs, le Conseil international des monuments et des
sites (ICOMOS) et l'Union mondiale pour la nature (UICN) respectivement. Le
Centre international d'études pour la conservation et la restauration
des biens culturels (ICCROM) est également sollicité pour fournir
un avis.
Une fois qu'un site a été
sélectionné, son nom, son emplacement et la date de son
inscription figurent sur la Liste du patrimoine mondial. Des informations
concernant les biens inscrits figurent sur des documents annexes :
coordonnées, critères d'inscription, description du bien, et les
justifications d'inscription. La Liste du patrimoine mondial compte
désormais 788 biens inscrits avec 611 biens culturels, 154 biens
naturels, et 23 biens mixtes, situés dans 134 Etats parties.
Cette Liste, classée par ordre alphabétique des
pays ayant des sites inscrits, est actualisée et arrêtée
à chaque session du Comité (la dernière Liste date de
juillet 2004).
b. Les Orientations
Les Orientation devant guider la mise en oeuvre de la
Convention du patrimoine
mondial (ci-après dénommées les
Orientations), est le principal instrument normatif qui découle
de la Convention. Rédigé en 1977 et plusieurs fois
révisé pour intégrer de nouveaux concepts
(authenticité, paysages culturels entre autres), et de
nouvelles orientations, il a été préparé pour
informer les Etats parties à la Convention sur la procédure de
préparation des dossiers d'inscription sur la Liste, et d'autre part sur
les principes qui guident les travaux du Comité dans
l'établissement de la Liste du Patrimoine Mondial et de la liste du
patrimoine mondial en péril, ainsi que sur l'octroi d'une
assistance internationale au titre du Fonds du Patrimoine Mondial. Ce
document peut être révisé à tout moment par le
Comité.
Les Orientations sont considérées comme
un outil de travail ; elles ont dû être à maintes reprises
révisées par le Comité du patrimoine Mondial pour
être adaptées en
fonction des besoins locaux, et être en conformité
avec les politiques de la Convention
définies par le Comité. La dernière
version est celle de 20051.
Le principal apport des Orientations se situe au
niveau des critères sur lesquels est décidé l'inscription
d'un bien sur la Liste du Patrimoine Mondial par le Comité du patrimoine
Mondial. Ces critères sont au nombre de six pour les biens culturels, et
quatre pour les biens naturels.
Ainsi, les biens culturels doivent :
i. soit représenter un chef-d'oeuvre du
génie créateur humain ;
ii. soit témoigner d'un échange
d'influences considérable pendant une période donnée ou
dans une aire culturelle déterminée, sur le développement
de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la plan
ification des villes ou de la création de paysages ;
iii. soit apporter un témoignage unique ou du moins
exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou
disparue ;
iv. soit offrir un exemple éminent d'un type de
construction ou d'ensemble architectural ou de paysage illustrant une ou des
période(s) significative(s) de l'histoire humaine ;
v. soit constituer un exemple éminent
d'établissement humain ou d'occupation du territoire qui soit
traditionnel et représentatif d'une culture (ou de cultures), surtout
quand il devient vulnérable sous l'effet de mutations
irréversibles ;
vi. soit être directement ou maté riellement
associé à des événements ou des traditions
vivantes, des idées, des croyances ou des oeuvres artistiques et
littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle
(critère utilisé uniquement dans des circonstances
exceptionnelles ou appliqué concurremment avec d'autres
critères).
c. les Recommandations :
Les Recommandations émanent des Conférences
générales de l'Unesco, pour
inspirer les Etats en matière de protection et de
sauvegarde de leur patrimoine. Elles n'ont pas la même force juridique
que les Conventions qui engagent les Etats signataires, mais en constituent le
prolongement et servent également d'outil de référence
pour ces Etats afin de développer leur politique de gestion de leur
patrimoine. Dans cette catégorie, une série de Recommandations
méritent d'être citées :
1 Cette version des Orientation (WHC.05/2) vient
d'être adoptée par le Comité du patrimoine mondial lors de
la 7 ème session extraordinaire. Elle est entrée en vigueur
depuis le 2 février 2005. Cette version a dû intégrer des
éléments nouveaux ; elle a l'avantage d'être plus
détaillé avec ses 10 chapitres et ses 290 paragraphes (plus 8
annexes, une bibliographie et un index). Malheureusement, ma découverte
de ce document a été assez tardive et, vu le délai qui m'a
été imparti, je n'ai pas pu l'exploiter à fond. Par
conséquent mon examen s'est limité à la version de 1999
(désigné par la référence WHC.99/2)
- Recommandation concernant la sauve garde de la
beauté et du caractère des paysages et des sites (11
décembre 1962) ;
- Recommandation concernant la préservation des biens
culturels mis en péril par les travaux publics ou privés (19
novembre 1968) ;
- Recommandation concernant la protection sur le plan
national du patrimoine culturel et naturel (16 novembre 1972) ;
-Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles
historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (26
novembre 1976) ;
- Recommandation sur la sauvegarde de la culture
traditionnelle et populaire (15 novembre 1989).
|
d. les Déclarations
Les Déclarations s'inscrivent généralement
dans le même registre que les
Recommandations, dans le sens où elles émanent
également des Conférences générales de l'Unesco et
traduisent le consensualisme de la communauté internationale, mais
à la différence des Recommandations, elles ont un
caractère plus engageant du moins sur le plan moral. Deux
Déclarations relatives au patrimoine mondial s'inscrivent dans cette
nomenclature :
-Déclaration universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle
(2 novembre 2001) ;
-Déclaration de l'UNESCO concernant la destruction
intentionnelle du patrimoine culturel (17 octobre 2003).
e. les Chartes
Les Chartes émanent généralement des
professionnels du patrimoine et
constituent jusqu'à présent des
éléments normatifs de référence en matière
de sauvegarde pour les professionnels aussi bien nationaux qu'internationaux.
Dans ce registre, dont le contenu est dominé largement par le patrimoine
architectural et urbain, s'inscrivent deux chartes :
-La Charte d'Athènes pour la Restauration des
Monuments Historiques Adoptée lors du premier con grès
international des architectes et techniciens des monuments historiques,
Athènes 1931 ;
-La Charte Internationale Sur la Conservation et la
Restauration
des Monuments et des Sites dite Charte de Venise (II
ème Con grès international des architectes et des techniciens des
monuments historiques, Venise, 1964. Adoptée par l'ICOMOS en
1965).
2.1.2. Les réglementations nationales:
La plupart des Etats parties à la Convention sont
dotés de réglementation en
matière de patrimoine culturel. Mais dans quelle mesure
se sont-ils inspirés de la Convention ou du Droit international en la
matière et l'ont-ils intégrés dans leur législation
nationales ? Seule une étude approfondie sur le droit comparé du
patrimoine culturel dans ces pays pourrait nous éclairer sur la
question.
Par ailleurs, une série de textes normatifs sont
préparés pour renforcer l'appareil juridique en matière de
protection du patrimoine culturel : les textes de classement des biens en tant
que patrimoine national. Contrairement aux premiers qui ont une portée
générale, ces textes n'ont d'effets que sur les biens pour
lesquels ils sont conçus.
Au niveau local, d'autres documents sont conçus pour
consolider le dispositif normatifs en matière de patrimoine culturel,
notamment les documents urbains qui sont préparés par les
autorités communales ou par les départements chargés de
l'urbanisme, de l'environnement et de l'aménagement du territoire :
Plans d'aménagement urbain (PA U), Plans de développement
rural (PDR), Schémas Directeurs d'Aménagement Urbain
(SDAU).
2.2. Le cadre institutionnel :
2.2.1. Les collectivités nationales ou Etats
parties
Ce sont les pays qui ont ratifié la Convention du
patrimoine mondial. Ils
acceptent ainsi d'identifier et de proposer des sites se
trouvant sur leur territoire national et susceptibles d'être inscrits sur
la Liste du patrimoine mondial. Quand un Etat partie propose un site pour
inscription, il doit donner des détails sur la manière dont le
site est protégé sur le plan juridique et fournir un plan de
gestion concernant son entretien. Les Etats parties doivent
protéger les valeurs pour lesquelles leurs sites ont été
inscrits sur la Liste ; ils sont également encouragés à
présenter à l'UNESCO des rapports sur l'état de
conservation de ces sites (art.29 de la Convention).
La gestion au niveau national est assurée en principe
par des services qui relèvent de l'autorité gouvernementale
chargée du patrimoine culturel. Cette autorité intervient
localement par ses structures déconcentrées : inspections
régionales, conservations de sites archéologiques, agences
régionales etc. Dans les systèmes à forte teneur en
capacités de décentralisation, les conseils élus
contribuent également à la gestion des sites situés sur
leur territoire. D'autres structures sont amenées le plus souvent
à participer à la gestion directe des biens inscrits sur la
Liste, soit parce qu'ils sont crées à cette fin (à l'image
- au Maroc -de l'ADER à Fès et du CERKAS pour
le Ksar des Aït Ben Haddou à Ouarzazate) soit
qu'elles détiennent la propriété du bien (la
cas des biens habous ou waqf dans les pays
musulmans). L'association des propriétaires à la gestion dans le
cas des biens communautaires est encore à l'état embryonnaire.
Dans le meilleur des cas, ces populations sont consultées en
matière d'étude d'impact environnemental, lorsqu'un projet est
envisagé.
2.2.2. L'UNESCO :
L'Unesco n'agit pas directement sur la gestion des biens
inscrits sur la Liste, mais
constitue un cadre institutionnel dans lequel s'inscrit et
évolue la gestion des ces biens. L'action de l'Unesco se fait par le
biais de :
a. L'Assemblée
générale
Elle comprend tous les Etats parties à la Convention et
se réunit une fois tous
les deux ans durant la session ordinaire de la
Conférence générale de l'UNESCO pour élire le
Comité du patrimoine mondial, examiner la situation budgétaire du
Fonds du patrimoine mondial et décider des grandes questions de
politique générale.
b. Le Comité du patrimoine
mondial
Il est responsable de la mise en oeuvre de la Convention du
patrimoine mondial
et c'est à lui de décider si un site est
accepté pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. De
même, il examine les rapports sur l'état de conservation des sites
inscrits et demande aux Etats parties de prendre des mesures lorsque des sites
ne sont pas correctement gérés. Le Comité est
également responsable de l'octroi de subventions du Fonds du patrimoine
mondial à des sites qui nécessitent des réparations ou une
restauration, de l'assistance d'urgence en cas de danger immédiat, de la
fourniture d'assistance et de formation, ainsi que des activités
promotionnelles et éducatives. Le Comité du patrimoine mondial,
qui se réunit une fois par an, comprend des représentants de 21
des Etats parties à la Convention. Les membres sont élus au cours
de la Conférence générale de l'UNESCO pour un mandat de
six ans. Sept membres du Comité font partie du Bureau du patrimoine
mondial, organe exécutif chargé de la préparation du
travail du Comite.
c. Le Centre du patrimoine mondial à
l'UNESCO
Il a été créé en 1992 par le
Directeur général pour assurer la gestion quotidienne
relative à la Convention. Il organise les
réunions annuelles du Bureau et du Comité du patrimoine mondial,
conseille les Etats parties sur la préparation de leurs propositions
d'inscription, organise sur demande l'assistance technique, et coordonne
à la fois la soumission de rapports sur l'état des sites et les
mesures d'urgence prises lorsqu'un site est menacé. Il est
également responsable de l'administration du Fonds du patrimoine
mondial. Les autres tâches du Centre consistent à
organiser des séminaires et ateliers techniques, mettre à jour la
Liste du patrimoine mondial et la base de données sur ce sujet,
concevoir des matériels pédagogiques pour sensibiliser l'opinion
à la notion de patrimoine mondial, et tenir les médias
informés des questions concernant le patrimoine mondial. Il
coopère avec d'autres groupes travaillant sur des questions liées
à la conservation, à la fois au sein de l'UNESCO - notamment avec
la Division du patrimoine physique au Secteur de la culture, et la Division des
sciences écologiques au
Secteur des sciences1 -, et à
l'extérieur, particulièrement avec trois organismes consultatifs,
l'ICOMOS, l'UICN et l'ICCROM, ainsi qu'avec d'autres organisations
internationales comme l'Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) et
le
Conseil international des musées
(ICOM)2.
2.2.3. Les organes consultatifs:
L'Unesco, dans son action en faveur du patrimoine mondial,
s'appuie sur des organismes qui sont souvent sollicités pour leur
expertise :
a. L'ICOMOS
Le Conseil international des monuments et des sites fournit au
Comité du
patrimoine mondial des évaluations des sites culturels
proposés pour inscription sur la Liste du patrimoine mondial. C'est une
organisation internationale non gouvernementale fondée en 1965, dont le
secrétariat international se trouve à Paris. L'ICOMOS est l'un
des principaux participants au Réseau d'information sur le patrimoine
mondial.
b. L'IUCN
L'Union Mondiale pour la Nature (UICN) est une organisation
internationale
non gouvernementale. Elle conseille le Comité du
patrimoine mondial pour la sélection des sites naturels du patrimoine
et, grâce à son réseau mondial de spécialistes,
présente des rapports sur l'état de conservation des sites
inscrits. L'UICN, qui compte actuellement plus de 650 membres, a
été créée en 1948 et son siège est à
Gland, en Suisse.
1 La Division du patrimoine physique à l'UNESCO,
dépendant du Secteur de la culture et qui a la responsabilité
principale de la gestion des campagnes internationales, dont certaines
concernent des biens du patrimoine mondial. Elle exécute
également des projets opérationnels en coopération avec le
Centre du patrimoine mondial, l'ICCROM et l'ICOMOS.
2 D'autres organismes non gouvernementaux sont
sollicités par l'Unesco à travers le Centre du patrimoine
mondial, à savoir : L'ICOM (le Conseil international des musées),
Le NWHO (Le Bureau nordique du patrimoine mondial à Oslo), L'OVPM
(L'Organisation des villes du patrimoine mondial) et le WCMC (Le Centre mondial
de surveillance continue de la conservation de la nature).
c. L'ICCROM
Le Centre international d'études pour la conservation et
la restauration des
biens culturels est un organisme intergouvernemental qui
fournit un avis sur la conservation des sites inscrits ainsi que sur la
formation des spécialistes en matière de techniques de
restauration. L'ICCROM a été créé en 1956 et son
siège est à Rome. C'est un partenaire actif dans le Réseau
d'information sur le patrimoine mondial.
2.3. Le cadre méthodologique :
Il est demandé à tous les États parties
à la Convention du patrimoine mondial
de 1972 d'assurer la conservation dans le meilleur état
possible des biens du patrimoine mondial situés sur leur territoire. Les
sites du patrimoine mondial sont ainsi appelés à devenir des
modèles de bonne pratique en matière de protection et de gestion
du patrimoine.
Une gestion efficace des sites du patrimoine mondial passe par
un cycle programmé de mesures quotidiennes et visant à long terme
à protéger les biens, à les conserver et à les
mettre en valeur pour les générations présentes et
futures. Toute stratégie de gestion doit comporter les phases suivantes
: planification, mise en oeuvre,
suivi et évaluation1.
2.3.1. Planification : Plan de
gestion
La planification est une démarche de plus en plus
réclamée par l'Unesco pour
qu'un site proposé soit inscrit (paragraphes 6 (v), 21
et 24 (b/ii) des Orientations ; WHC.99/2). Elle est sollicitée
également - à titre incitatif - dans la soumission des rapports
périodiques sur l'état des sites inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial (voir tableau ci-après).
La planification consiste à mettre au point un
mécanisme de gestion durable propre à chaque site, en termes
d'objectifs, d'actions de conservation, de budgétisation, de recherches
et de documentation. Elle doit être une activité
pluridisciplinaire menée
par l'apport de spécialistes dans les matières
relatives à la signification du site2.
Elle passe par l'élaboration d'un Plan de gestion
échelonné sur le court terme (annuel ; dit plan de travail),
le moyen terme (moins de 5 ans) et le long terme (de 5 à
30 ans et plus)3.
1 Cf. « Suivi de la gestion des sites inscrits sur la
liste du Patrimoine mondial », Portail de l'Unesco (diffusé sur
internet).
2 B. M. Feilden et J. Jukilehto, op. cit. , p.23. 3
id. p. 2
La préparation d'un plan de gestion d'un site implique
l'examen de tous ses éléments (un élément constitue
l'unité identifiable d'un site). Certains sites peuvent se composer d'un
seul élément (site de gravures rupestres), alors que d'autres
peuvent en
associer plusieurs1.
Force est de dire que le plus simple des plans de gestion est
d'une complexité qui justifie : d'une part, le recours à des
compétences diverses (architectes, archéologues, historiens,
ingénieurs, urbanistes...) ; d'autre part, la recherche d'une
acceptation locale
par la consultation de la population2.
Le plan de gestion doit tenir compte également des
plans nationaux et locaux, des prévisions de l'évolution
démographique (en hausse ou en baisse), des facteurs économiques,
des projections relatives à l'urbanisation et l'implantation des zones
industrielles.
2.3.2. Mise en oeuvre
Elle dépend de la capacité des
collectivités nationales et/ou locales à assimiler
les termes de la Convention et des Orientations,
à moduler et mettre à jour leur système
juridico-administratif et normatif, à impliquer et développer les
compétences nationales et locales en matière de sauvegarde et de
gestion, et mobiliser les fonds nécessaires (crédits publics,
investissement privés, mécénat, coopération
internationale..).
A ce titre, les Orientations reste touj ours un outil
de référence pour la mise en marche des mécanismes de
sauvegarde et de gestion des biens du patrimoine mondial, vu sa mise à
jour permanente et sa capacité d'évoluer par rapport au contexte
patrimonial international.
2.3.3. Suivi et évaluation :
Il est demandé aux Etats parties à la Convention
de 1972 d'établir une fois tous
les six ans, des rapports périodiques
sur l'application de la Convention du patrimoine mondial
, ainsi que sur l'état de leurs biens inscrits sur la Liste
(article 29).
Mais cette disposition n'a été mise en oeuvre
qu'après que la Comité du patrimoine mondial, à sa
vingt-deuxième session tenue en décembre 1998, ait adopté
un certain nombre de décisions concernant la soumission de rapports
périodiques. Le Comité a convenu de la périodicité
de la présentation de rapports, et a opté pour une approche
régionale de ces rapports (comme moyen de promouvoir une collaboration
régionale et de pouvoir répondre aux caractéristiques
spécifiques de chaque région). La
1 id. p. 35
2 id. p.36
fréquence de la soumission des rapports périodiques
est rythmée de la manière suivante :
Année d'étude
par le Comité
du
rapport régional
sur l'état
du
patrimoine
mondial
2000 2001
2002
2004
2005
2006
Afrique
Asie et Pacifique
Amérique Latine et Caraïbes
Europe et Amérique du Nord
Etats arabes
Région
Nombre
d'Etats
parties
(en
décembre
1998)
29 1995 62
50 1998
16
31 1993 40
31 1994
Soumission de rapports
périodiques sur
des
biens du patrimoine
mondial inscrits jusqu 'à
la fin de
l'année ci-
dessous
Année
1992 46
Nombre
297
96
Fig.1 - Cycle des six ans pour la soumission de rapports
périodiques
(Réf. Centre du Patrimoine Mondial)
Le Comité a adopté un format standard (en deux
sections : I et II) pour la soumission de rapports périodiques ainsi que
des notes explicatives détaillées. Ils doivent fournir des
données mises à jour sur la gestion des sites, les facteurs qui
ont une incidence sur les biens et les dispositions prises pour assurer le
suivi.
Outre la soumission tous les six ans d'un rapport
périodique, les États parties ont également pour
obligation de communiquer au Comité du patrimoine mondial, par
l'intermédiaire du Centre du patrimoine mondial de l'UNESCO, toute
information nouvelle concernant l'état de conservation des biens du
patrimoine mondial situés sur leur territoire, surtout lorsqu'ils
envisagent entreprendre ou autoriser une activité ou un projet
d'aménagement risquant d'avoir des conséquences néfastes
sur un site du patrimoine mondial.
La soumission périodique des rapports découle
d'une action de suivi de l'état des sites inscrits sur la Liste.
N'étant pas une fin en soi, il s'agit d'une étape essentielle de
la gestion d'un site du patrimoine mondial et d'un outil important dans le
processus de gestion et la planification de la conservation.
L'idée de suivi s'imposait depuis le début des
années 1990. On s'inquiétait pour la première fois des
conséquences des inscriptions sur la liste du patrimoine mondial et
le Comité du patrimoine mondial a commencé à
examiner l'état de conservation de
sites déjà inscrits, grâce aux travaux de
ses organes consultatifs1.
Fondamentalement, le suivi est une activité de
mesure et d'évaluation du changement. En matière de patrimoine,
à l'instar d'autres domaines, on fait appel aux techniques du
monitorage afin d'obtenir des renseignements qui
permettent d'orienter les décisions des gestionnaires.
Souvent, les actions de monitorage sont influencées par
la fascination qu'exercent certains systèmes de surveillance à
l'image du Système d'Information Géographique (SIG).
D'où, l'importance de choisir des outils et des
indicateurs qui, dans le cadre des ressources disponibles et des
contraintes existantes, correspondent le mieux au but de l'activité de
suivi tel qu'il a été défini.
L'activité du monitorage devrait inciter les
gestionnaires à accroître les mesures d'entretien et de
prévention, allégeant ainsi le recours à des interventions
curatives et de restauration qui ont un coût assez
élevé.
Le suivi réactif est la
soumission par le Centre du patrimoine mondial, d'autres secteurs de l'UNESCO
et les organismes consultatifs, au Bureau et au Comité, de rapports sur
l'état de conservation de biens particuliers du patrimoine mondial qui
sont menacés. A cet effet, les Etats parties soumettront au
Comité, à travers le Centre du patrimoine mondial, des rapports
spécifiques et des études d'impact chaque fois que des
circonstances exceptionnelles se produisent ou que des travaux sont entrepris
qui pourraient avoir un effet sur l'état de conservation du bien. Le
suivi réactif est prévu dans la procédure relative
à la radiation éventuelle de biens de la Liste du patrimoine
mondial comme stipulé aux paragraphes 48-56. Il est aussi prévu
concernant des biens inscrits, ou devant être inscrits, sur la liste du
patrimoine mondial en péril comme stipulé aux paragraphes
86-93.
2.4. Les capacités en ressources de financement
:
2.4.1. Les crédits publics : l'Etat, les
collectivités locales
Il revient aux Etats parties de gérer leurs biens
inscrits sur la Liste de l'Unesco, et
leur fournir les ressources nécessaires pour garantir
leur durabilité. Les contributions nationales du Budget de l'Etat sont
généralement assurées par l'intermédiaires des
ministères chargées des Affaires culturelles ou du patrimoine
culturel ; elles sont complétées par celles des autorités
provinciales et des collectivités locales, en
1 Cf. iccrom chronique, n° 28, septembre 2002 (p.
17).
particulier pour les biens situés dans des zones à
forte population et/ou à domination urbaine.
2.4.2. Le Fonds du patrimoine
mondial
Il a été créé en 1972 par la
Convention et ses revenus proviennent
essentiellement des contributions obligatoires des Etats
Parties - qui s'élèvent à 1% de leurs contributions au
budget de l'UNESCO -, ainsi que de contributions volontaires. Il est
également alimenté par les fonds en dépôt
alloués par les pays pour des besoins spécifiques et par les
recettes de ventes de publications sur le patrimoine mondial. Il incombe au
Comité du patrimoine mondial d'allouer des fonds suivant l'urgence des
demandes, c'est pourquoi la priorité est accordée aux sites les
plus menacés, y compris ceux qui sont classés comme patrimoine
mondial en péril.
Le Fonds du Patrimoine Mondial assiste les Etats parties dans
l'identification et la préservation des sites du patrimoine mondial. Le
travail de l'identification, de conservation et de préservation relatif
au patrimoine mondial est très coûteux et le Fonds du patrimoine
mondial ne peut satisfaire toutes les demandes d'assistance internationale. Le
Comité du patrimoine mondial applique des conditions strictes et les
demandes doivent rentrer dans des catégories précises :
assistance préparatoire, coopération technique, assistance
d'urgence, formation et assistance d'éducation et de
promotion1.
2.4.3. Les fonds privés
L'inscription sur la Liste du patrimoine mondial constitue une
sorte de
labellisation des biens culturels nationaux comme étant
des sites exceptionnels, ayant des potentialités énormes,
disposant d'atouts importants , offrant une rentabilité sociale et
économique et constituent à priori de bons modèles de
gestion. Néanmoins, le label Patrimoine Mondial mobilise peu de
fonds privés, encore moins dans les pays en développement. Dans
la plupart de ces pays, les biens ne portent même pas l'emblème du
Patrimoine Mondial, alors qu'il s'agit d'un élément
recommandé par l'Unesco et permet une certaine reconnaissance aux yeux
de la collectivité et des visiteurs.
L'initiative privée dans la dynamique de sauvegarde et
de valorisation du patrimoine mondial reste jusqu'à maintenant marginale
et les contributions attestées restent sporadiques et
irrégulières.
1 Sur ces catégories voir également le Kit
d'information du Patrimoine Mondial, (financement et soutien).
La participation financière privée à la
protection et la conservation est primordiale parce que tout d'abord une grande
partie du patrimoine appartient à des propriétaires privés
surtout quand il s'agit de villes historique ou des ensembles architecturaux,
et d'autre part parce que généralement l'Etat n'est pas en mesure
de mobiliser des ressources adéquates aux enjeux que représente
l'inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial.
La réalisation de cet objectif dépend du
développement de systèmes appropriés d'information, de
coordination et d'incitation.
L'investissement privé dans la sauvegarde des
structures patrimoniales dépend de l'investissement public dans la
stimulation des économies et la modernisation de l'infrastructure des
zones urbaines historiques et les ensembles architecturaux du milieu rural.
2.4.4. La coopération internationale
:
a. les programmes thématiques de l'ONU : le cas du
PNUD
La coopération internationale constitue une source
importante de financement pour
les programmes de sauvegarde des sites du patrimoine mondial.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD) est à ce titre très significatif. Il intervient par le
biais de différents programmes liés essentiellement à la
lutte contre la pauvreté, au développement du secteur d'habitat
(UN-Habitat), à l'assistance technique en matière de
développement social, à la tenue d'ateliers régionaux et
nationaux visant le développement des capacités locales et des
mécanismes de la gestion participative (l'exemple de l'Agenda 21).
b. la Banque Mondiale
La Banque Mondiale, elle aussi, est devenue de plus en plus
présente dans des
programmes de revitalisation, de viabilisation et de promotion
du Patrimoine Mondial situé dans les pays en développement.
Depuis 2001, elle a organisé trois réunions avec le Centre du
Patrimoine Mondial pour discuter de la coopération en matière de
culture et de développement et améliorer la conservation des
sites du patrimoine mondial dans le cadre de ses programmes et projets.
L'institution de Bretton-Woods s'est même dotée d'une structure
compétente en la matière : le Groupe
du patrimoine culturel de la Banque
Mondiale1.
1 Cf. « la Banque Mondiale et le patrimoine mondial
», in La Lette du patrimoine Mondial, N°44, marsavril, 2004 (
p.3)
c. La coopération régionale : l'exemple du
Programme
MEDA
La Conférence euro-mediterrannéenne des ministres
des Affaires étrangères
qui s'est tenue à Barcelone en novembre 1995, a
marqué le début du partenariat entre les pays européens et
méditerranéens (le Processus de Barcelone) et a
donné naissance au Programme MEDA qui en est l'instrument
financier. Le cadre s'est élargi depuis, pour englober le secteur de la
culture et sa composante patrimoniale.
Lors de la conférence ministérielle de Bologne
(Italie) sur le patrimoine culturel euro-méditérrannéen,
les ministres ont déclaré que le patrimoine était un
champs d'action hautement prioritaire, étant donné la richesse de
ce domaine et les besoins existants, sa visibilité pour le grand public
et son impact sur le tourisme culturel et sur la création d'emplois.
Dans ce contexte, le programme Euromed Heritage a été
lancé en 1997, afin de préserver et de promouvoir le patrimoine
culturel euro-méditerranéen
(phase I ; étalée sur 6
ans)1.
La part des sites du patrimoine mondial dans ce programme
n'est pas déterminée, car il s'agit d'une série de
programmes thématiques à l'image des projets CORPUS, IPAMED
et PISA (relatifs respectivement à la Conservation de
l'architecture traditionnelle méditerranéenne, à la
Cartographie informatique du patrimoine historique, et à la
Programmation intégrée des sites archéologiques).
Néanmoins, ces sites trouvent forcément leur lot dans ces
programmes qui en sont à leur seconde phase depuis 2001 (phase II ;
étalée sur 7 ans).
d. la coopération technico-scientifique : L'
ICCROM
L'action de l' ICCROM - organe scientifique et
technique de l'Unesco - est menée
en collaboration avec des institutions scientifiques du monde
entier, par le biais de programmes thématiques mis à la
disposition des pays signataires de la Convention. Les programmes ITUC
(Conservation Urbaine et Territoriale Intégrée) et Terra
(relatif à la conservation de l'architecture en terre) constituent
des opportunités pour les pays concernés pour développer
leurs capacités en matière de conservation, de gestion, et de
suivi de leurs sites inscrits sur la Liste de l'Unesco.
1 Le partenariat Euro-mediterranéen et les
activités régionales MEDA, Union Européenne,
Délégation de la Commission Européenne au Royaume du
Maroc, Notes d'information Euromed , Mai 2003 ( p.50)
Chapitre 3. Le patrimoine mondial au Maroc : Etat des
lieux
3.1. L'adhésion
Le Maroc a ratifié la convention le 28 octobre 1975. Il a
été élu membre du
comité du patrimoine mondial en 1995 et membre du
Bureau du patrimoine mondial en 1996. Du 29 novembre au 4 décembre 1999,
Marrakech (ville impériale du Maroc inscrite sur la Liste) a
été élue siège au Comité du Patrimoine
Mondial pour sa 23 ème session.
En 30 années d'adhésion, Il a réussi
à faire inscrire 8 biens sur la Liste du Patrimoine Mondial (voir
section 3.3).
3.2. La liste indicative
Pour être en phase avec la Stratégie Globale
amorcée en 1994, le Maroc propose
une liste indicative en insérant des sites
naturels. Cette liste est loin d'être équilibrée en termes
de nature des biens à inscrire sur la Liste du Patrimoine Mondial (v.
tableau ci-dessous). Cinq sites seulement parmi les quatorze sites de la liste
sont proposés en tant que biens naturels potentiels, alors que La notion
des biens mixtes ou paysages culturels ne semble toujours pas
intégrer cette liste. A dire que la liste est préparée
exclusivement par l'autorité chargée des affaires culturelles.
Cette liste a été proposée pour la première fois en
1995, et sa dernière mise à jour date de 1998. Pourtant les sites
qui ont eu, après cette date, la satisfaction du Comité sont tous
des biens culturels : la médina d'Essaouira en 2001 et la cité
portugaise de Mazagan (El-Jadida) en 2004.
Néanmoins, il a introduit des monuments dans cette
liste, à l'image de la Tour Hassan, la Grande
mosquée de Taza, et la mosquée de Tinmel. Il
convient de signaler dans ce sens que Rabat, la capitale du pays, se taille la
grande part des sites avec trois biens potentiels. Ils sont situés dans
le périmètre urbain de la capitale, alors que pour les autres
biens, ils sont réparties sur des zones plus étendues : Provinces
ou Wilayas.
Le cas de Taza et sa Grande mosquée se prête
à confusion, car la mosquée fait partie intégrante de la
ville ancienne, et toute distinction entre les deux entités serait
factice.
Tandis que le cas de Moulay Idriss Zerhoun
mérite une attention particulière. Situé dans le
territoire de la Wilaya de Meknès (dont la ville historique est inscrite
sur la Liste) et à quelques trois kilomètres du site antique de
volubilis, lui-même classé patrimoine mondial, il est
proposé d'être classé comme étant l'extension de la
cité
volubilitaine, et de faire de l'ensemble un site
mixte ou un paysage culturel 1.
1 Rapport de la 3ème session de
formation sur la mise en oeuvre de la Convention du patrimoine mondial, Rabat,
2 décembre 2003, établit par Ahmed Skounti, encadrant de la
session.
Désignation du bien
|
Situation /localisation
|
Nature Du bien
|
Régime de protection
|
Plan de gestion
|
1. Aghbar
|
Versant de Nfiss :Haut-
|
N
|
|
----
|
|
Atlas
|
|
|
|
|
(wilaya de Marrakech)
|
|
|
|
|
|
|
|
----
|
2. Aire du
|
Province de Tafraout
|
N
|
|
|
Dragonnier Ajgal 3. El Gour
|
(Anti Atlas) Wilaya de Meknès
|
C
|
|
néant
|
4. Grotte de Taforalt
|
Province de Berkane
|
C
|
Classement (1952)
|
néant
|
|
|
|
|
----
|
|
Tarfaya (Province de Tan
|
N
|
|
|
5. Lagune de Khnifiss
|
Tan)
|
|
|
|
6. Mosquée de Tinmel
|
Wilaya de Marrakech
|
C
|
Classement (1924)
|
néant
|
7. Moulay Idriss
|
Wilaya de Meknès
|
C
|
|
néant
|
Zerhoun
|
|
|
|
|
8. Parc National de
|
Province de Dakhla
|
N
|
|
|
Dakhla
|
|
|
|
|
9. Parc naturel de
|
Province de Chefchaouen
|
N
|
|
----
|
|
Talassemtane
|
|
|
|
néant
|
10. Site de Chellah
|
Rabat
|
C
|
Classement (1920)
|
|
11. Taza et la Grande Mosquée
|
Médina de Taza
|
C
|
Classement (1916) + sa zone de protection
|
néant
|
|
|
|
(1922)
|
néant
|
12. Tour Hassan
|
Rabat
|
C
|
Classement (1936) + sa zone de
protection (1917)
|
néant
|
13. Ville antique de
|
Rabat
|
C
|
Classement (1954)
|
|
Sala
14. ville antique de
|
|
|
|
néant
|
|
Lixus
|
Province de Larache
|
C
|
Classement (2001)
|
|
Fig.2 - La liste indicative du Maroc (Centre du Patrimoine
Mondial)
3.3. Les biens inscrits sur la Liste de l'UNESCO
Tous les biens inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial
sont des biens culturels. Les villes historiques - quelque soit leur
désignation dans la Liste- dominent de loin le répertoire
marocain avec 6 sites. Les autres catégories sont illustrées par
un village communautaire (Ksar Aït Ben Haddou) et un site
archéologique (Volubilis).
Le tableau ci-dessous illustre les catégories de biens,
leur chronologie de classement et les critères de leur inscription.
Bien classé
|
Catégorie
|
Date d'inscription
|
N°
|
Critères
|
1. Médina de Fès
|
C
|
30/10/1981
|
170
|
(ii) (v)
|
2. Médina de Marrakech
|
C
|
06/12/1985
|
311
|
(i) (ii) (iv) (v)
|
3. Ksar Aït Ben Haddou
|
C
|
11/12/1 987
|
444
|
(iv) (v)
|
4. Ville historique de Meknès
|
C
|
1996
|
693
|
(iv)
|
5. Site archéologique de
|
C
|
01/12/1997
|
863
|
(ii) (iii) (iv)
|
Volubilis
|
|
|
|
|
6. Médina de Tétouan
|
C
|
01/12/1997
|
837
|
(ii) (v)
|
7. Médina d'Essaouira-
|
C
|
Dec.2001
|
999
|
(i) (ii) (iv)
|
|
Mogador
|
|
|
|
|
8. La cité portugaise de
|
C
|
Juillet 2004
|
1 058
|
(ii) (iv)
|
Mazagan (El-jadida)
|
|
|
|
|
Fig.3 - Sites du patrimoine culturel du Maroc
inscrits
sur la Liste du patrimoine mondial (Ministère de la Culture)
3.4. Les effets de l'inscription sur la Liste : tendances
positives, tendances négatives.
A la différence du classement des biens au
niveau national, ce qui leur confère
une protection juridique (en vertu de la loi
22-80)1 , les effets de l'inscription (sur la Liste de
l'Unesco) ne sont pas les mêmes et varient selon les sites, leur
typologie et leur chronologie de classement.
Au-delà de la reconnaissance de l'universalité
exceptionnelle de ces sites, les effets liés directement à leur
inscription ne sont pas aussi claires, d'autant plus que le Droit marocain
n'attribue aucune protection juridique particulière à ces biens
sauf si - cela va de soi - ils sont classés au niveau national.
Il est à noter à ce titre, que tous les sites
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial - à l'exception de la
médina de Tétouan - sont classés patrimoine national,
ce qui « occulte » l'effet de leur classement patrimoine
mondial ou du moins fausse son appréciation.
Néanmoins, l'un des effets notables - en termes de
protection- de l'inscription est le classement du ksar des Aït Ben
Haddou dans la Province de Ouarzazate. Il est vrai que le classement est
très récent (janvier 2004), mais la prise de conscience a
été sentie et la volonté des autorités marocaines
s'est manifestée juste après son inscription sur la Liste en
1987. C'est à cause de la lenteur de la procédure et la
complexité du régime
foncier du site que la démarche de classement a pris
autant de temps (17 années)2.
En tout cas, les effets de l'inscription sur la Liste ne sont
pas immédiats, et leur manifestation dépend largement de la
capacité de l'Etat marocain et des collectivités locales
où sont situés les biens, à leur accorder une attention
particulière et leur attribuer une valeur certaine, en termes de
sauvegarde, de réhabilitation et d'intégration dans le processus
de développement, et non à la recherche simple d'une
reconnaissance mondiale de leur valeur exceptionnelle.
C'est dire que le Maroc cherche une notoriété
internationale de ses sites remarquables plutôt que des mécanismes
de bonne gestion offerts par les structures de l'Unesco. Par contre, la
recherche d'une reconnaissance au sein de la population locale est quasiment
absente : peu de gens - en dehors de l'élite - savent que les sites
sur
1 Cf. Dahir n°1-80-341 du 17 safar 1401 (25
décembre 1980) portant promulgation de la loi n° 22-80 relative
à la conservation des monuments historiques et des sites, des
inscriptions, des objets d'art et d'antiquités.
2 Néanmoins, la vallée où est
situé le ksar en question a fait l'objet d'un classement en 1953, mais
n'avait aucun effet direct sur le ksar. Cf. Arrêté viziriel du 29
juin 1953 portant classement des vallées des oasis (territoire de
Ouarzazate, B.O. N° 2125 du 7 juillet 1953 - P .983)
lesquels ils vivent font partie du patrimoine de
l'humanité. Ainsi, l'inscription du ksar des Aït Ben Haddou
par exemple, n'a pas empêché ses habitants de
l'abandonner.
De même, la démarche de labellisation est assez
défaillante : en dehors des brochures touristiques, l'emblème du
patrimoine mondial - fortement recommandé par le Centre - est absent de
tous les sites.
Il semblerait que l'inscription sur la Liste est
considérée comme une contrainte entraînant des
dépenses supplémentaires plus qu'une source de
développement et de
création d'emplois1.
Néanmoins, le Maroc a su convaincre des bailleurs de
fonds pour financer des opérations de sauvegarde de certains de ses
sites illustres à l'image de Fès, Marrakech et le ksar des
Aït Ben Haddou - les premiers sites inscrits - qui ont
bénéficié de l'apport financier de la Banque Mondiale, de
l'Unesco et du PNUD.
L'un des effets favorables au patrimoine mondial au Maroc est
la prise en compte de la valeur du patrimoine culturel comme
élément identitaire et levier de développement dans
l'élaboration des documents urbains selon qu'il s'agisse des SDAU,
des PA ou des PDAR (voir tableau ci-dessous). Les
concepteurs de ces documents se sont inspirés de la consultation des
services chargés du patrimoine culturel (sollicités
systématiquement) et des potentialités et enjeux des sites
classés, pour développer une vision intégrée dans
l'aménagement du territoire géographique.
Toutefois, il existe des documents urbains dits Plans
d'aménagement spécifiques (PAS) conçus pour
les sites présentant des particularités ou des
spécificités, mais ils ne sont pas encore à l'ordre du
jour des travaux des aménagistes. Les sites du patrimoine mondial au
Maroc gagneraient beaucoup - grâce à ces documents- à
être approchés et
gérés de la manière la plus
appropriée2.
En matière de planification, les gestionnaires des
sites sont touj ours à la quête d'un plan de gestion.
Certains sont apparentés à des plans de sauvegarde (le cas
de Fès), ou à des plans d'aménagement (le cas de
Marrakech), alors que d'autres sites en sont dépourvus ou en cours
d'élaboration (voir Tableau ci-dessous). Le site archéologique de
Volubilis semble le plus avancé dans cette démarche.
En matière de coopération, le Maroc est devenu
un modèle dans l'espace arabomusulman du fait de son apport en
matière de restauration-conservation en faveur du Sultanat d'Oman.
Depuis plusieurs années, une coopération fructueuse entre les
deux pays a permis de restaurer plusieurs monuments omanais, dont le Fort
de Bahla (classé
1 Cf. Rapport périodique du patrimoine mondial :
Région arabe (2000-2003)
2 l'appellation « site à vocation
spécifique » concerne : les tissus historiques, les médinas,
les casbas, les zones d'intérêt touristique ou écologique
particulier, les zones du littoral, les réserves stratégiques,
les secteurs à vocation industrielle ou minière, les secteurs
à fort potentiel de développement économique.
patrimoine mondial depuis 1987). Une démarche de jumelage
a été effectuée entre le
site archéologique de Volubilis et le Parc du
Cilento en Italie1.
Sur le plan institutionnel, force est de constater que la
Direction du Patrimoine Culturel ne dispose touj ours pas d'une unité
technique et/ou administrative chargée du patrimoine mondial pour
assurer la coordination. Néanmoins, certains sites se sont vus
développer des structures de sauvegarde et de gestion crées
à cet effet grâce à l'appui de l'Unesco et le PNUD. Le cas
de la Médina de Fès et celui du Ksar Aït Ben Haddou
sont très éloquents. Fès - cité
millénaire - s'est dotée en 1989 d'une institution modèle
: l'Agence de Dédensification et de Réhabilitation de la
médina de Fès (ADER-Fès), qui s'est substituée
à la Délégation de Sauvegarde de la Ville de Fès
(DSVF), et s'est
renforcée par l'Agence Urbaine et de Sauvegarde de la
médina de Fès (AUSF)2. Tandis que pour le
ksar des Aït Ben Haddou, on a créé en 1989
une structure qui est à la fois
technique et scientifique : le CERKAS
3.
Mais, l'effet majeur de l'inscription sur la Liste est de loin
l'attraction touristique. Il est vrai que les sites du patrimoine mondial
attirent de plus en plus de touristes de partout dans le monde, mais on manque
d'indicateurs fiables quant à l'effet de l'inscription sur la
fréquentation des touristes, d'autant plus que le Maroc a
développé sa politique économique générale
en tablant sur le tourisme, ce qui rend l'analyse du phénomène
par rapport au patrimoine mondial plus complexe. En fait, c'est souvent les
atouts touristiques de ces sites qui ont entraîné leur proposition
pour inscription sur la Liste.
Par contre, l'impact du tourisme sur ces sites est
évident. A la lecture des rapports périodiques (Région
Arabe), les gestionnaires des sites s'accordent à dire que le tourisme
est plus un facteur de dégradation qu'une source de
bénéfices pour ces sites. Et là encore, on manque
d'indicateurs pour évaluer l'impact de la fréquentation des
touristes sur l'état de conservation des sites.
Ces dernières années, on assiste à un
phénomène nouveau qui suscite l'attention et des gestionnaires du
patrimoine et des professionnels du tourisme : la « gentrification
» de deux villes historiques : Marrakech et Essaouira. Des gens venus
d'Europe surtout pour acquérir des anciennes demeures à titre de
résidence secondaire ou pour investir dans des maisons d'hôtes. Le
phénomène, bien qu'il présente la même ampleur dans
les deux villes, n'a pas les mêmes origines. A Marrakech, la
notoriété de
1 Cf. Exercice de suivi périodique sur l'application
de la Convention du patrimoine mondial au Maroc, section I.
2 Alexandre ARBY, (( Habitat et intégration
patrimoniale dans la médina de Fès : quelles politiques, quels
enjeux », Actes de l'université européenne
d'été (( Habiter le patrimoine », Saumur, 13-16 octobre 2003
(diffusé sur Internet).
3 Sur le CERKAS, voir deuxième partie de ce
mémoire.
la cité (ville impériale, site touristique,
espace culturel, site du patrimoine mondial, etc.) a fait qu'elle attire plus
de monde faisant d'elle la première attraction touristique du Maroc.
Quant à Essaouira, le phénomène s'est
déclenché avant son inscription sur la Liste (2001) grâce
à la promotion de la ville par sa diaspora juive venue investir dans sa
cité d'antan.
Bien que le phénomène a entraîné la
restauration des vieilles maisons et une revitalisation des métiers
liés à l'architecture (menuiserie, marqueterie, ferronnerie...)
créant ainsi une nouvelle dynamique socio-économique, il comporte
le risque de perte
des valeurs sociales qui avaient fait figurer ces cités
sur la Liste de l'Unesco 1.
1 Le recensement actuel de la médina de Marrakech
dénombre près de 1.000 demeures restaurées dont le tiers
au moins est dédié à des maisons d'hôtes. Cf. «
Italiens et Anglais se mettent aux riads », in l' économiste,
édition électronique du 24 déc. 2004).
Fig.4 - Sites du patrimoine mondial au Maroc
:
Régime de protection et éléments de plan
ification.
Bien classé PM
|
Date de classement Patrimoine National*
|
Structure de sauvegarde
|
Documents urbains**
|
Plan de gestion***
|
|
1914-1915-1916-1920-
|
Inspection provinciale à Fès
|
S.D.A. U de Fès
|
Plan de
|
Médina de Fès
|
1922-1923-1924-1933-
|
ADER-Fès
|
(1995-2010) + P.A
|
sauvegarde
|
|
1954
|
Agence Urbaine et de
|
(1997)
|
|
|
|
Sauvegarde de Fès
|
|
|
Médina de
|
1914-1916-1920-1921-
|
Inspection provinciale à
|
S.D.A. U de
|
Plan
|
Marrakech
|
1922-1923-1924-1931
|
Marrakech
|
Marrakech (1995 - 2010) +
P.A
|
d'aménage- ment
|
|
|
|
S.D.A.U du Grand
|
|
Ksar Aït Ben
|
1953- 2004
|
CERKAS à Ouarzazate
|
Ouarzazate (2001-
|
Non
|
Haddou
|
|
|
2020) + P.D.A.R (2001)
|
(travaux suspendus)
|
Ville historique de
|
1914-1920-1921-1922-
|
Inspection provinciale à Meknes
|
S.D.A. U de Meknès
|
Plan de
|
Meknès
|
1 923-1 930-1 955
|
|
(2001-2020) + P.A
|
sauvegarde
|
Site
|
|
Conservation du site de Volubilis
|
|
en cours
|
archéologique de
|
1921
|
|
P.A de la commune
|
(stade final)
|
Volubilis
|
|
|
My Driss Zerhoune
|
|
Médina de
|
N.C
|
Inspection provinciale de
|
S.D.A. U de Tétouan
|
non
|
Tétouan
|
|
Tétouan
|
(1999-2020) + P.A
|
|
Médina d'Essaouira-
|
1924
|
Inspection provinciale à Safi
|
S.D.A.U d'Essaouira
|
non
|
Mogador
|
|
|
(2015) + P.A (1988)
|
|
Ville portugaise
|
1918-1 91 9-1
923-1 924-
|
Le Centre du patrimoine maroco-
|
|
|
de Mazagan
|
1942-1952
|
lusithanien
|
S.D.A.U d'El Jadida
|
en cours
|
(El Jadida)
|
|
Inspection provinciale à Safi
|
(2020) + P.A (1993)
|
|
- N.C : site non classé
* Les dates en caractère gras désignent un
classement qui a une portée générale sur le site, alors
que les autres dates désignent des classements de quelques monuments ou
biens précis. Source : Ministère de la culture.
** SDAU : Schéma Directeur d'Aménagement
Urbain ; PA : Plan d'Aménagement ; PDAR : Plan de Développement
des Agglomérations Rurales. Les mots en gras désignent des
documents urbains homologués, les autres sont en cours de visa. Les
dates correspondent respectivement à la date d'homologation et à
l'horizon des différents schémas. Source : Ministère
délégué chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme
(Direction de l'Urbanisme).
*** les plans de sauvegarde ou d'aménagement sont
désignés comme tels par les auteurs du rapport périodique
sur l'état de conservation des sites du patrimoine mondial au
Maroc.
DEUXIEME PARTIE
LE VILLAGE COMM UNA UTAIRE
DES AÏT BEN
HADDOU
DIT KSAR AÏT BEN HADDOU
(Cliché : Luc Fougere)
Chapitre introductif : l'architecture en terre
1. Les repères de l'espace et du temps
- dans le monde
La construction en terre est l'une des plus anciennes du monde.
Ses premières
manifestations furent au Proche Orient1
à l'époque protohistorique (il y a environ 10 000 ans) : en
Turquie, en Mésopotamie, en Egypte, au Yémen.. Elle s'est
perpétuée et s'est développée durant des
millénaires grâce au génie de l'Homme qui a su puiser dans
les lois géophysiques de la nature et a excellé dans l'adaptation
de cette matière plastique à des conditions écologiques,
économiques et socioculturelles particulières.
Etant le matériel le plus commode, le plus abondant, le
plus économique et le plus proche de l'homme, il a toujours
été l'un des matériaux le plus utilisé dans le
monde et dans presque toutes les civilisations anciennes.
Aujourd'hui encore, la terre est utilisé en
architecture dans des aires géographiques assez étendues : de
l'Asie centrale jusqu'en Amérique du Sud en passant par la
péninsule arabique, l'Afrique du Nord, le Grand Sahara, le Sahel, et
même en Europe où quelques constructions en terre; ce qui
témoigne de son utilisation à grande
échelle2.
Cependant, l'usage de la terre crue dans l'architecture a
fortement régressé durant ces dernières décennies,
au profit de l'architecture en béton, considérée plus
adaptée au temps présent : durabilité des matériaux
modernes, recherche d'éléments de confort
(électricité, eau courante, etc.) jugés moins
adaptés aux structures en terre.
- au Maroc
Le Maroc est l'un des pays qui illustre ce
phénomène tant au niveau de la tradition
séculaire de l'usage de la terre crue qu'au niveau de son
abandon accéléré3.
Selon André Jodin, « le premier
témoignage - archéologique parait-il- d'architecture de terre a
été découvert dans l'île de Mogador (l'actuelle
Essaouira) » à
l'époque mauritanienne (IV ème siècle av.
J.C)4. De l'Antiquité jusqu'aux temps
1 Francesca DeMicheli, Sauvegarde et réhabilitation
du ksar Aït Ben Haddou au Maroc, mémoire de DEA de
l'Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UFR d'histoire de l'art
et d'archéologie, 2002 ( p.10).
2 id. p.11.
3 De l'Antiquité à l'époque moderne
en passant par le Mo yen Age, plusieurs auteurs font référence
à l'architecture en terre crue au Maroc, notamment : Pline l'Ancien
(Pline, Naturalis Historia, XXXV, 48), Ibn Hawqal (kitab al-massalik wa
l-mamalik), André Jodin, entre autres.
4 A. Jodin cité par M. Boussalh, Patrimoine
architectural en terre au maroc : proposition de création d'un
équipement culturel intégré dans la kasba de Taourirt
à ouarzazate, mémoire DEPA, Université Senghor, 1999
(p. 16)
modernes, les constructions en terre ont été
perpétuées dans les formes architecturales du Maroc aussi en
milieu urbain qu'en milieu rural, autant dans les petites bourgades que dans
les grandes métropoles (Marrakech, Fès, Meknès,
Salé, etc.).
Les dernières manifestations de ce mode architectural -
où l'usage de la terre crue est presque exclusif - sont encore visibles
en forte proportion surtout dans les zones présahariennes du Maroc
(situées au sud). Il s'agit d'un vaste espace où les montagnes
s'associent à des plaines, à des bas plateaux et à des
vallées, et où émergent des oasis. Ces zones n'offrent pas
de richesse en bois ou en pierre mais une forte abondance en terre argileuse.
En outre, le recours au palmier dattier, aux tiges de roseaux et au laurier
rose était une alternative que les populations présahariennes du
Maroc ont su adopter et développer. Il est vrai que l'usage de la terre
crue est connu également au Moyen Atlas et le Rif mais ce sont les
vallées présahariennes qui se sont affirmées comme le
terroir, par excellence, de l'architecture vernaculaire en terre du maroc. Elle
s'étend sur un territoire (en forme de croissant) allant du Sud-Ouest
(le Souss) au Nord-Est (l'Oasis de Figuig), enclavé
entre les chaînes montagneuses (Haut-Atlas et Anti-Atlas) et le vaste
désert. Il s'agit des vallées du Draa, du
Dadès, du Toudgha, et du Ziz et la plaine de
Tafilalet. Elles relèvent de quatre provinces :
Ouarzazate, Zagora, Errachidia, et Figuig (voir Carte du Maroc ;
fig.5) 1.
La concentration des construction en terre dans ces zones
s'explique par :
- la nature géologique; l'environnement naturel du milieu
et le climat sont des facteurs
favorisant ce mode d'habitat
vernaculaire2.
- l'héritage historique dans le sens où ces
régions ont reçu une longue tradition dans le domaine de la
construction en terre ;
- les facteurs socio-économiques ont favorisé
ce mode d'habitat qui s'harmonise le mieux avec le genre de vie des habitants.
Le choix de la terre crue comme matériau de construction est
dictée par son coût peu onéreux et par des raisons
d'adaptations avec
l'environnement, l'organisation communautaire, etc.
3
L'architecture vernaculaire des vallées est
restée pendant de longs siècles l'apanage
des populations locales à majorité
amazighophones (berbérophones)4. Il aurait
fallu
1 Ouarzazate est la province où les édifices
en terre sont le plus nombreux et les mieux conservés. Cf. F. DeMicheli,
op. cit. p.24.
2 Les vallées subissent des influences sahariennes
à cause de leur position continentale. Les chaînes de l'Atlas
constituent une barrière devant les influences océaniques,
d'où l'aridité du climat. Cf. M. Boussalh, op. cit.
p.18
3 M. Boussalh, loc. cit.
4 Les autres groupes culturels (arabes, juifs notamment) se
sont associés à cette culture et ont certainement amenés
un apport à ces modèles architecturaux.
qu'en 1938 paraisse l'ouvrage de Henri Terrasse sur
les Kasbas berbères de l'Atlas et des oasis pour que les
grandes architectures du Sud marocain soient connues et aient
livré leurs secrets1. Cet ouvrage,
bien documenté et illustré, reste une source irremplaçable
pour la connaissance de ces constructions.
Cette architecture appartient à ce qu'on pourrait appeler
une famille particulière de l'architecture présaharienne commune
à tous les pays du Maghreb, et
présente quelques similitudes frappantes avec
l'architecture typique du Yémen2.
2. les éléments de l'architecture
vernaculaire présaharienne au Maroc.
2.1. Les techniques
L'architecture en terre crue repose sur une technique, le
pisé banché, qui sert à la
construction des murs extérieurs. La terre,
légèrement humidifiée, est battue au pilon par assises
successives à l'intérieur de la banche (coffrage en bois long de
2 mètres, larges de 50 à 60 cm et haut de 80 à 90 cm).
Une seconde technique dite l'adobe fait intervenir
la brique crue. Associées au pisé, les briques en terre crue
mélangées à la paille, tassées dans des moules et
séchées au soleil servent à l'édification des
parties hautes des tours et à celle des cloisons intérieures,
ainsi qu'à orner les façades par des dessins en relief.
La maîtrise de ces techniques a donné naissance
à d'imposants édifices où sont associées
étendue et grandeur, et où la configuration des édifices
épousent parfaitement la topographie du terrain. D'autre part, leur
hauteur est frappante : les constructions sont généralement
érigées en étages et le nombre de niveaux varient de 3
à 4 selon les cas. Les parties hautes sont ornées de motifs
géométriques, réalisés par un appareillage de
briques crues disposées en saillie ou en retrait.
2.2. Les expressions architecturales
L'architecture en terre dans les vallées
présahariennes incarnent un esprit
communautaire, un savoir faire ancestral, et une recherche - le
plus souvent réussie - d'équilibre entre le culturel et le
naturel.
Il s'agit d'une expression culturelle de tout un ensemble de
populations hétérogènes qui parta gent un espace commun,
une destinée commune, des valeurs
entrecroisées, des traditions locales et des apports
étrangers3.
1 Henri Terrasse, Kasbas berbères de l'Atlas et des
oasis - les grandes architectures du Sud marocain, Horizons de France, Paris
1938.
2 F. DiMicheli, op. cit., p.17
3 Mustapha Jlok, Habitat et patrimoine au Maroc
présaharien: état des lieux, évolution et perspectives,
mémoire de DEPA, Université Senghor, 2001 (p.11).
Les paysages architecturaux qui en résultent sont d'un
esthétique remarquable. On ne peut qu'être captivé par
l'harmonie des constructions et la qualité de leur intégration au
paysage environnant.
Les villages communautaires (ksar, ksour/ ighrem),
les demeures seigneuriales (kasbas/ tighrem't) et les greniers
collectifs (ighrem ou agadir) représentent les traits
originaux du paysage architectural des vallées
présahariennes du Maroc1.
C'est autour des ksour (sing. Ksar), que
s'organisaient la vie communautaire et les activités économiques
(production, échange..), que se créaient les enjeux politiques.
Ces ighrems jalonnaient un espace de brassage et marquaient une aire
d'échanges commerciaux où transitaient et les hommes et les
biens, faisant office de relais entre les villes marocaines (Marrakech,
Fès, Ceuta..) et les célèbres cités du Soudan :
Gao, Tombouctou, Djenné..
Le ksar se présente touj ours comme une place
fortifié. Situé généralement sur un site
imprenable, assurant le maximum de sécurité, entouré de
remparts bastionnés et possédant ses propres greniers et ses
puits protégés et ne disposant dans la plupart des cas, que d'une
seule entrée fortifiée. Le ksar reflète
l'insécurité dans laquelle vivaient les populations oasiennes
avant la mise en place des autorités administratives modernes.
2.3. L'organisation socio-spatiale
Amina Fadli, architecte et ancienne directrice du CERKAS,
constate que « le
ksar révèle une forte urbanité dont
il se distingue par rapport aux autres modes d'habitat rural. De part sa
morphologie spatiale et structurelle, il obéit à une trame
géométrique à partir de laquelle l'ensemble de ses
composantes se développent et s'articulent sur une grille
quadrillée dans laquelle s'inscrivent toutes les formes d'espace. Le
maillage s'explique par la portée de 2 à 3 mètres de la
poutraison mise en réseau.
Cette trame n'est pas uniquement bidimensionnelle, mais
se poursuit dans l'espace où s'inscrivent tous les volumes dans un
enchevêtrement complexe, et ce en raison de la hauteur identique des
maisons et leur imbrication les unes aux autres par le systèmes de
« sabas » (passages couverts).
La forme du village est généralement
régulière, avec des angles droits, correspondant à un
système plan ifié, calculé qui va jusqu'à
même optimiser la taille
de la communauté. »1
1 M. Boussalh, op. cit. p.21
L'espace du ksar qui est divisé en une partie
collective et une autre privée, répondant à la fois
à une organisation politique d'autodéfense et à une
organisation sociale respectant la segmentation sociale et ethnique. Le
rôle de la communauté dite jmaa est primordial quant
à l'organisation de la vie communautaire au sein des ksour.
Les affaires du ksar étaient gérées par
un conseil du village élu par les chefs de familles. Ce conseil veille
au respect du droit coutumier, établit un calendrier pour l'irrigation
des terrains agricoles. A l'intérieur des ksour, des puits
étaient creusés et des réservoirs d'eau (khettara)
sont gérés d'une manière collective. Ce mode de
gestion était dicté par la rigueur du climat et
l'instabilité des précipitations2.
L'habitat traditionnel des ksour est l'oeuvre
collective d'une société harmonieuse mais assez segmentée.
Il doit sa pérennité et sa survie dans un environnement aussi
hostile, à la cohésion sociale et communautaire de ces occupants
: les ksouriens3.
Au XIX ème siècle, cette aire a connu
l'émergence de nouvelles formes architecturales: les kasbas ou
tighrem't. Des grandes demeures qui avaient pour principale fonction
de magnifier l'image des nouveaux seigneurs ou qaïds, au
moment
où le pouvoir central était en
crise4.
2.4. La décadence
Ces dernières décennies, les
éléments de l'architecture vernaculaire
présaharienne ont subi un éclatement à
cause de multiples facteurs :
- bouleversement des structures socio-économiques
traditionnelles ;
- émergence d'un habitat moderne plus attrayant ;
- fluctuations climatiques : sécheresse;
- Exode et abandon.
Les greniers collectifs se voient de plus en plus rares, les
kasbas ont perdu leur fonction originelle et les villages sont devenus
synonymes de pauvreté pour les ksouriens qui y résident
encore.
1 Amina Fadli, « Cultures constructives dans la
Maroc présaharien. Quel avenir ? », in Patrimoine culturel
marocain ; Publication de l'Université Senghor (sous la direction de
Caroline Gaultier-Kurhan), Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003
(p.312).
2 Mohammed Boussalh, «L'habitat vernaculaire en
terre des vallées présahariennes du Maroc : cas des vallée
du Drâa » in Le patrimoine culturel africain, Publication de
l'Université Senghor (sous la direction de Caroline Gaultier-Kurhan),
Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2001 (p.223).
3 Le mot ksourien néologisme désignant un
habitant d'un ksar est de plus en plus employé dans la
littérature relative à l'habitat traditionnel du Sud
Marocain.
4 M. Boussalh, Patrimoine architectural en terre au
maroc : proposition de création d'un équipement culturel
intégré dans la kasba de Taourirt à Ouarzazate,
mémoire DEPA, Université Senghor, 1999 (p. 17)
Le phénomène d'éclatement varie d'une
zone à l'autre. Ainsi, dans la vallée du Draa, on
observe un phénomène d'éclatement et d'abandon massif vers
les nouveaux axes d'intérêt que sont devenus les routes et les
centres urbains au détriment des vallées. Seuls les ksour
les plus enclavés au milieu des palmeraies encore abondantes et
productives ont échappé relativement à ce
phénomène. Paradoxalement, les ksour du
Tafilalet sont encore habités avec une densité
plus ou moins importante1.
Le patrimoine architectural en terre dans les vallées
présahariennes parait donc comme un produit de l'histoire au même
titre qu'il est un produit d'une culture, des
pratiques individuelles et collectives2.
3. universalité du matériau :
universalité des enjeux
Les structures en terre vont de simples formes à des
vastes ensembles
architecturaux d'une extrême complexité.
Nombreux sont les sites menacés dans le monde : mentionnons entre autre
la cité historique de Tarim (Yémen), la Porte Canaanite de Tel
Dan (Palestine) et Cuzco (Pérou). Les sites en terre représentent
10 % des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, mais 57 % de ceux
du patrimoine en danger. 16 des 100 monuments figurant sur la Liste des sites
du Patrimoine mondial
les plus à risque sont faits en
terre3.
Les avancées respectives dans les domaines de la
conservation et de la construction de structures en terre sont
interdépendantes. Ainsi, les méthodes traditionnelles influencent
la pratique de la conservation tandis que la préservation de
cet héritage architectural façonne ses usages
potentiels4. Et pourtant, la conservation de l'architecture
en terre ne constitue touj ours pas une discipline à part
entière. En ce sens que, la recherche scientifique relative à
l'architecture de terre et à sa conservation est assez limitée
par rapport à celle de la pierre, la brique ou le bois. On ne dispose
à ce sujet que d'un ensemble de connaissances assez fragmenté et
lacunaire.
Néanmoins, l'architecture occupe de plus en plus
d'importance chez les professionnels du patrimoine (architectes, conservateurs,
archéologues, etc.). L'iccrom s'est même investi à fond
dans le domaine de l'architecture en terre en lançant le projet TERRA
dans l'espoir de faire progresser l'étude et la conservation du
patrimoine architectural en terre dans le monde entier par des activités
dans les domaines de la recherche, de l'éducation, de la planification
et mise en oeuvre, et de la diffusion. Et
1 A. Fadli, op. cit. , p.320
2 M. Jlok, op. cit. , p.13
3 Cf. iccrom chroniques, n° 27, 2001, p.13
4 ibid.
depuis, la prestigieuse institution scientifique de l'Unesco
a trouvé dans l'institut CRATerre-EAG de Grenoble et le Getty
Conservation Institute (GCI) des agents d'un partenariat fructueux et
prometteur. Grâce à l'apport de l'iccrom, durant les années
90 déjà, de nombreuses initiatives locales et régionales
ont permis à la « cause » de l'architecture en terre de
progresser d'une façon marquée. A l'heure actuelle, le projet
Terra sert de cadre institutionnel au Consortium Terra ainsi
qu'à plusieurs activités de
recherche en cours1.
Toutefois, il y a du chemin à faire dans le domaine,
mais malheureusement le
devenir des structures en terre est incertain. Seul un
engagement ferme de la part des professionnels nationaux en faveur de la
conservation de leur patrimoine architectural en terre et la promotion de ses
valeurs est un gage pour obtenir une reconnaissance universelle de ce domaine
d'étude et de pratique professionnelle.
1 ibid.
Chapitre 1. Présentation du site
1.1. Le contexte naturel : éléments de
géographie du site :
Le village communautaire des Aït Ben Haddou est
situé à 30 km au Nord-Ouest
de la ville de Ouarzazate (coordonnées Lambert : X =
335 ; Y = 451), au pied du Haut-Atlas, sur l'ancienne route des caravanes qui
reliait jadis, la vallée de Draa, la plaine de Tafilalet et
Marrakech par le col de Telouet ( Tizi n'Télouet). le ksar des
Aït Ben Haddou surplombe la vallée d'Ounila (1
260 m) qui est parcourue par l'Oued Maleh, sujet à des crues
qui rendent le ksar inaccessible. La position du site sur le piémont du
versant sud du Haut Atlas et son éloignement de la mer font que le
climat y est très rigoureux avec un hiver glacial et un
été très chaud, ensoleillé et sec (Voir Carte du
Maroc).
L'écran que forme la chaîne de l'Atlas ne laisse
pénétrer vers cette zone sud que de rares précipitations.
Les premiers névés coiffent les sommets des montagnes, à
partir de novembre et ne fondent qu'à partir du mois de mai. Par contre,
sur les piémonts, les rares pluies qui se manifestent tombent sous forme
d'averses. La force des ces averses nuit beaucoup aux cultures et aggrave les
problèmes d'érosion.
De ce fait, la précarité des pratiques agricoles
est devenu une constante. En hiver, les gelées sont redoutables, et en
été l'intense évaporation entraîne un déficit
en eau.
Le ksar est situé sur le territoire de la commune
rurale de Aït Zineb, Cercle de Amrezgane dans la
Province de Ouarzazate (Région du Souss-Massa-Draa). La population de la
petite agglomération est estimée à 3 000 habitants dont la
majorité peuple le nouveau village (Issiwid) alors que dans le
ksar il ne reste que quelques 50
personnes qui l'occupent1.
1 Rapport du suivi périodique sur l'état des
sites du patrimoine mondial au Maroc (2000), p.14
Fig.5- Carte du Maroc
Fig.6 - Situation du ksar dans la Région
Sous-Massa-Draa
1.2.Eléments de l'histoire1
1.2.1. La fondation
Selon la tradition orale, la première construction
serait Ighrem n'iqqdarn élevée au
dessus de la colline. Une princesse juive aurait
gouverné les lieux avant l'avènement de l'Islam. A
l'arrivée des musulmans, cette princesse s'est enfuie après avoir
combattu et brûlé les récoltes. Certains trouvent dans
cette légende des similitudes avec le personnage de Kahena,
reine chrétienne qui exerçait un pouvoir dans les
Aurès (en Algérie) et s'opposa à la progression de l'islam
au Maghreb.
D'autres sources attribuent la fondation à un homme
venu du désert, nommé Aïssa, d'où le nom de
ses habitants : les Aït Aïssa (les descendants de
Aïssa), et pendant longtemps le village était nommé
Ksar Aït Aïssa ou Ighrem n' Aït Aïssa.
L'appellation actuelle - ksar Aït Ben Haddou- est
relativement récente.
D'après les monographies faites sur le ksar des
Aït Ben Haddou, sa fondation remonterait au début du
XVIIIème siècle. Un document laissé par le
notaire du village - hérité par son fils - nous rapporte que le
premier noyau du ksar aurait été fondé par les
Aït Aissa Ou H'mad au XIème
siècle. En voici un extrait traduit de l'arabe
2:
Louange à Dieu,
L'ensemble des kasbahs du Ksar Aït Ben Haddou a
été construit au XI ème siècle dit-on. Ses premiers
habitants appartiennent à la fraction Aït Aïssa Ou H'mad
à laquelle appartiennent les Aït Ben Haddou (...) Les armées
de Youssouf Ibn Tachafine quand il passa par la région venant du Sahara
vers Marrakech, Comme nous l'avons dit auparavant, nomma à cette
occasion Ben Haddou Cheikh de cette tribu. Celui-ci prit comme résidence
ce village qui porta son nom.
Jamal Eddine Mohamed Ben Mohamed 3
Certains auteurs y trouvent des affinités architecturales
avec plusieurs forteresses érigées par les Almoravides (1062 -
1147) le long de la route des caravanes
1 L'apercu historique du site est tiré en grande
partie de : Mohammed Aït Hamza, Projet de réhabilitation du Ksar
Aït Ben Haddou (document inédit), PNUD, Rabat, 1992.
2 L'enquête a été faite par une
équipe du CERKAS. J'ai dû rectifier quelques passages du texte
traduit; je n'ai pas eu l'occasion d'examiner le texte authentique.
3 Voici le texte arabe tel que je l'ai trouvé dans le
rapport de l'enquête :
qui s'étend d'Est en Ouest en direction du Souss.
Notamment les vestiges d'une
citadelle similaire, située non
loin du site, au dessus du village de Tadoula1.
Vraisemblablement, le ksar des Aït Ben Haddou avait servi de
relais sur cette route de commerce, ainsi que celles des caravanes venues du
Tafilelt pour gagner Marrakech (le
Haouz) par la vallée de l'Ounila et
le col du Tichka2.
En tous cas, la fondation du noyau de l'ensemble est
intimement liée à la tribu Aït Aïssa Ou H'mad,
une fraction de la grande tribu Aït Zineb issue de la
confédération des Aït Ouaouzguite.
A en croire la source dont on dispose, les Aït
Aïssa furent « destitués » de leur pouvoir sur le
contrôle du trafic, par le sultan Almoravide Youssouf Ibn Tachafine
qui ordonna à l'Amghar Ben Haddou de s'y installer pour
gouverner le lieu. Toutefois, le ksar est resté lié pendant
longtemps aux Aït Aïssa, mais à une époque
tardive, marquée par le pouvoir des Glaoua sur la
région, il est devenu le fief des Aït Ben Haddou.
La rareté de sources historiques - encore moins celles
des indices archéologiques - imprégnée de légendes,
ainsi que les confusions au niveau de la toponymie rendent assez difficile, la
tâche de dresser un historique du site.
1.2.2. La toponymie
L'appellation actuelle du village - Ighrem n' Aït Ben
Haddou en dialecte
amazighe - est relativement récente par rapport
à sa date fondation. En 1855, l'amghar Mohammed Ibibd du clan
des Glaoua (sing. Glaoui) exerçant dans la
vallée de l'Ounila le commerce du sel, devient chef
suprême de la région. Il commençait à percevoir des
impôts sur le commerce dans le Draa et au sud de Sirwa.
Son fils El-Madani, très ambitieux, développa une
politique d'extension vers le Sud par une habile politique d'alliance et de
mariage. Il s'établit à Ouarzazate (la qasba de Taourirt).
Le Sultan El-Hassan Ier, lors de son passage dans l'Atlas, en
revenant de Tafilalet le nomma officiellement Khalifa
(gouverneur) sur Todgha, Tafilalet et Feija. L'amghar Ali Ben
Mohammed n'Aït Ben Haddou de Tamaddakht lui a opposé
une résistance acharnée avant de se soumettre. Par la suite, les
deux clans se rallient par mariage ; les frères Glaoui : Madani,
T'hami et Hassi se marièrent avec trois filles
Aït Ben Haddou et de ce
fait le Sud était ouvert aux
Glaouis3.
Le clan des Aït Ben Haddou, se ralliant aux
Glaouis et à l'administration du Protectorat, s'accapare des
pouvoirs à nouveau. L'éponyme d'Aït Aïssa Ou H'mad
devenu un simple symbole fut remplacé par celui d' Aït Ben
Haddou. Néanmoins, le
1 Jean- Louis Michon, « un ksar à flanc de
colline dans l'Atlas », in Sciences&Vie, n° n°201, 1997
(p.50)
2 id., p. 51
3 Paul Pascon, Le Haouz de Marrakech, T.1, p.313,
cité par Mohammed Aït Hamza, op. cit., p.10
nom d'Aït Aïssa est encore vivant dans la
mémoire collective des habitants. En 1936, le recensement
général parle de la fraction des Aït Aïssa, et
depuis plus de 10 ans (1989), une association portant ce nom a
été fondée.
Après l'indépendance, le dernier des
cheikhs des Aït Ben Haddou (Amghar Brahim) a
perdu ses fonctions. Le déclin du village est devenu prévisible
à la suite du déclin des pouvoirs du clan, et ce qui en suit
comme éclatement de structures sociales et communautaires. En 1987, le
ksar eut une nouvelle destinée et commença à vivre un
nouvel épisode de son histoire en devenant patrimoine de
l'humanité, l'éponyme de Aït Ben Haddou est
entré dans les annales de l'Unesco.
1.3. Le site aujourd'hui :
1.3.1. Le paysage :
Dans son ouvrage publié en 1938, Henri Terrasse
dresse une esquisse de
typologie des villages fortifiés (ksour ; sing. Ksar) et
décrit << le village des Aït Ben Haddou (qui)
échelonne sur une pente de roches rouges, au bord d'un oued, une
cascade de maisons et de tighremts
»1.
Mais avant lui en 1930, le célèbre peintre
français Jacques Majorelle achève le tirage des <<
kasbahs de l'Atlas » et s'impose à la fois comme le Peintre de
Marrakech et le Peintre du Sud. Grâce à ses oeuvres,
les ksour et kasbahs du Sud Marocain, commencent à se faire
connaître.
Le même paysage, à peu près s'offre au
visiteur d'aujourd'hui. Ayant perdu sa fonction d'antan, il est devenu l'un des
sites préférés des touristes et depuis les années
1960, lieu de tournage pour de grandes productions cinématographiques :
Laurence d'Arabie (1961), Sodome et Gomorrhe (1962), l'homme qui voulait
être roi (1975), le diamant du Nil (1986), mille et une nuit (1989)
Jésus de Nazareth, Cléopâtre, et tout récemment
Gladiator (2001)..
1.3.2. Eléments du patrimoine
architectural du ksar : Architecture, organisation spatiale.
Le ksar des Aït Ben Haddou se présente
comme un ensemble d'habitat compact et fermé, accolé au versant
sud d'une colline (voir photo.1). Cet emplacement laisse supposer que
les bâtisseurs du village ont essayé à la fois
d'éviter les vents glacials de montagnes et de s'exposer au soleil. Le
choix du site est vraisemblablement était
1 H. Terrasse, op. cit. (p.93) cité par J-L
Michon, op. cit., p.48
gouverné par plusieurs facteurs :
nécessité de surveiller les routes, avoir une emprise directe sur
les points d'eau et les cultures, et se défendre contre des ennemis
potentiels. Au sommet existent encore des vestiges d'un grenier collectif et
les traces d'une fortification. A la périphérie du ksar se
trouvent deux cimetières ; l'un était réservé aux
juifs et l'autre pour les musulmans ainsi que les aires de battage.
Photo. 1 - Vue sur le ksar des Aït Ben Haddou
(cliché :Didier Forray)
Les murs extérieurs sont aveugles ou percés de
petites ouvertures, et le ksar dispose de deux portes pour contrôler les
entrées et les sorties.
Photo. 2 -L'une des entrées du ksar (cliché :
D. Forray)
Photo. 3 - Détail d'un décor sur une
façade (cliché: Mohammed Barjali- Cerkas)
L'organisation spatiale du ksar est fondée sur deux
éléments majeurs : le
collectif et le privé. Le premier est un espace public
où l'on retrouve la place publique (destinée aux réunions
de la jmaa et aux festivités) ainsi que la mosquée et
l'école coranique. Les voiries - assez étroites et parfois
couvertes - constituent le prolongement de cet espace. Le second espace est
constitué d'un agrégat de maisons. Celles-ci sont de deux types
:
- Les premières - une cinquantaine à peu
près - sont souvent à un seul niveau, sans décoration et
épouse la topographie du terrain ; elles étaient l'habitat de la
masse de la population, et ne présentent pas un grand esthétique
au niveau architectural.
- Les secondes sont formées d'un ensemble de 6 kasbahs
(tighremt = maisons de notables) flanquées de tours et
richement décorées. Elles sont situées
généralement au contrebas du village.
Cette organisation donne au ksar une structure
étagée et une allure particulière, et suscite des
interrogations sur l'utilisation de l'espace par la population en fonction du
statut sociopolitique : est-elle due au fait que les familles puissantes
choisissaient le meilleur terrain en laissant la « plèbe »
s'organiser comme elle pouvait avec le reste du terrain en pente? Ou bien
est-elle due simplement au fait que les derniers installés
étaient les nouveaux seigneurs : le clan des Aït Ben Haddou
en l'occurrence ?
Les techniques de construction sont parmi les plus courantes
dans la région
(voir chapitre précèdent). Les murs sont en
pisé, technique qui consiste à damer de la terre
humidifiée à l'intérieur d'un coffrage en bois. Quant aux
parties supérieures, elles sont construites en adobe, brique de terre
crue mélangée à la paille et séchée au
soleil. Les planchers sont en bois de palmiers, ou de peuplier, le remplissage
des entrevous en lits de roseaux ou de baguettes de laurier rose.
Med Aït Hamza rapporte - selon des informations
recueillies sur le site en 1991- que les constructeurs qualifiés ont
fait touj ours défaut au ksar. Les grands maâlems
(maîtres ma çons) étaient recherchés du
côté de Tissint (Iflillisn) et de Tikert (Ben Alach), mais surtout
du côté de Skoura et Maghrane. Le travail était
exécuté par des corvées imposées par les amghars
(chefs de clans). De même, la plupart des matériaux de toiture,
à part les tamaris, étaient importés. Le roseau, le
laurier rose est transporté par les hommes, à dos d'ânes et
de mulets, à partir de Tghzout Aït Touaya (route de Taznakht) ou
d'Assermou d'Id Boukhatri. Les poutres et poutrelles, elles aussi,
étaient importées d'ailleurs. Seul le pisé était
prélevé sur place après l'avoir
imbibé d'eau1.
1 M. Aït Hamza, op. cit., p.13
Fig.7 - PLAN DU KSAR DES AïT BEN HADDOU
(CERKAS)
A l'autre rive de l'oued est construit un nouveau
village dénommé Issiwid. Les
premiers habitants ayant quitté le ksar se sont
installés généralement dans le prolongement de leurs
champs irrigués. L'espace irrigué est côtoyé par
l'espace habité. Une seconde phase d'installation s'est
manifestée à la suite de demandes de construction
formulées par la population. Une nouvelle organisation socio-spatiale
assez proche de l'ancienne allait s'opérer : les familles d'un
même lignage s'organisaient autour d'une place. Les familles du
même clan agençaient leurs maisons les unes à
côté des autres. Les étrangers, derniers arrivés, et
ceux qui avaient déménagés tardivement se sont
installés à l'écart, parfois même de l'autre
côté de la route. Le nouvel espace d'habitat, sous la double
contrainte de la route et du lit de fleuve a pris depuis, une forme
longitudinale (Voir photo. 4). Les habitations occupent des parcelles
plus importantes que celles du ksar et se constituent
généralement d'un seul niveau.
Photo. 4 - Vue du ksar sur le village issiwid (cliché
: M.Barjali- Cerkas)
De l'extérieur, toutes le constructions
présentent à peu près le même aspect. Les
façades sont assez sobres. Aucune décoration et aucune
percée sur l'extérieur ne vient briser la monotonie des
façades, sauf les maisons qui profitent d'un emplacement dominant.
Quant aux matériaux de construction, le pisé
reste l'élément de base, mais le ciment est utilisé
surtout pour le soutènement des murs et pour fixer les grandes portes en
métal forgé(e). Une forte pénétration du
béton est enregistrée au niveau de certains établissement
publics (école, dispensaire, mosquée) et privé
(restaurants, auberges).
1.4. L'inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial : un
nouvel essor ?
1.4.1. Les fondements
Le ksar des Aït Ben Haddou est situé dans
une zone protégée, en vertu de l'
Arrêté viziriel du 29 juin 1953 portant
classement des Vallées des Oasis ( B.O. N° 2125 du 7
juillet 1953 - P .983). Mais cette mesure de protection n'a jamais
été appliquée. D'où la dégradation des
structures du bâti dans la plupart des ksour de cette
vallée, sans que les pouvoirs publics interviennent. Un
phénomène qui est dû à plusieurs facteurs dont les
plus marquants sont : l'éclatement des structures communautaires et
l'abandon des villages par ses occupants à la recherche d'un nouveau
mode de vie meilleur à leur sens. La situation de la population ne
faisait qu'empirer.
Face à cette situation alarmante, les autorités
marocaines ont entrepris à partir des années 1970 des actions
ponctuelles susceptibles d'atténuer ce processus de dislocation. Parmi
les actions menées dans ce cadre, il y a lieu de citer :
- Le Programme d'Assistance aux populations pour la
rénovation des « ksour» réalisé par le
Ministère de l'Habitat et de l'Intérieur avec l'assistance du
Programme Alimentaire Mondial (PAM) entre 1969 et 1974 ;
- le Pré-inventaire des ksour et des kasbahs du Sud,
réalisé par le Ministère des
Affaires culturelles (Centre de l'inventaire) conjointement
avec l'Unesco (19 75)1;
- Etablissement d'un Programme d'aménagement touristique
concernant les régions de Ouarzazate et d'Errachidia
réalisé par le Ministère du Tourisme.
En outre, Le ksar des Aït Ben Haddou fût
à plusieurs reprises visité par des spécialistes et des
experts de l'Unesco entre 1974 et 1977 : deux rapports sont devenus des
références en la matière et font état du même
constat : architecture remarquable dont l'existence est fortement
menacée. Ces rapports, notamment celui de André
Stevens2 et de Jean
Vérité3, ont attiré l'attention des
autorités marocaines et de l'Unesco sur la nécessité
d'agir en faveur du village. A. Stevens avait même mené -
à titre d'incitation- en 1977 des interventions légères
sur des biens collectifs : dallage de ruelles, reconstitution d'escaliers,
réparation de fontaines et bassins d'eau, entretien de
banquettes et abris publics4.
C'est dans cette mouvance, associée à
l'émergence d'un mouvement international en faveur du patrimoine
culturel exceptionnel parrainé par l'Unesco, que le Maroc a
proposé en 1986 le site ksourien des Aït Ben Haddou pour
qu'il soit inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Chose qui a
été entérinée par l'Unesco le 11 décembre
1987.
Mais paradoxalement, le site ne jouissait à cette date
d'aucune mesure de protection juridique au niveau national, car il
n'était pas classé en tant que patrimoine national pour
différentes raisons : procédure de classement très longue,
tutelle peu claire, statut foncier assez complexe.
Néanmoins, un plan de développement des
agglomérations rurales (PDAR) pour la commune de Aït Zineb fut
adopté en 2001 et la procédure de classement a finalement abouti
en janvier 2004.
1 Projet PNUD-Unesco MOR 74/005. 300 ksars sur un total de
1000 environ ont fait l'objet d'une première sélection. Cf. F.
DeMicheli, op. cit., p.49.
2 André Stevens, Réhabilitation des kasbas
du Sud, Paris, 1977.
3 Jean Vérité, Inventaire, protection et mis
en valeur des architectures traditionnelles du Sud Marocain, Paris,
1977.
4 F. DeMicheli, op. cit., p.40
1.4.2. Les justifications
d'inscription
Les justifications qui ont amené le Comité du
patrimoine mondial à approuver le
classement sont multiples. On lit dans le rapport de suivi
périodique fourni par le Maroc (2000) les justifications suivantes :
<< (...) Aït Ben Haddou, à 31 Km au nord
de Ouarzazate, est le plus célèbre des Ksour de la vallée
de l'Ounila, qui fait l'objet d'une protection globale depuis 1953, avec toutes
les vallées des oasis. C'est un extraordinaire ensemble de
bâtiments offrant un panorama complet des techniques de construction
présahariennes (pisé appareillé en panneresses et
boutisses, terre banchée ordinaire, brique crue, etc.) et un raccourci
saisissant de la typologie architecturale du sud marocain. Un étonnant
grenier forteresse domine la montagne à laquelle s'adosse le Ksar ; ces
greniers appelés Agadir ou Ighrem ne sont pas rares au Maroc mais leur
caractère défensif n 'est pas toujours affirmé de
manière aussi évidente par le choix d'un site de hauteur et le
système de fortifications qui unit au village le grenier, conçu
comme le dernier bastion de la résistance en cas de siège.
» (p.2)
Et dans le dossier de << Proposition d'inscription sur
la Liste du patrimoine mondial soumise par le Maroc, que l'état de
dégradation de l'ensemble était avancé :
intempéries, ruissellement et infiltration des eaux, abandon.. Et plus
loin : «..la conscience de l'originalité de cet
établissement qui représente une construction humaine unique dans
son genre et qui apporte des enseignements toujours actuels à
tous ses visiteurs. » 1
Outre les rapports d'experts, l'examen de l'icomos a
été à l'avantage du site : il a estimé que le Ksar
Aït Ben Haddou comportant encore de nombreuses constructions en assez bon
état, pourrait servir de banc d'essai à une politique de
conservation fondée sur le retour aux techniques traditionnelles de
travail de la terre et accessoirement du bois.
L'icomos a suggéré que la protection - qui
implique de sévères mesures non aedificandi aux abords
du ksar Aït Ben Haddou - ne doit pas rester ponctuelle mais doit
s'étendre à l'ensemble cohérent et limité de la
vallée de l'Ounila.
L'icomos, sous réserve d'un accord du gouvernement
marocain à ces recommandations, donna son avis favorable à
l'inscription d'Aït Ben Haddou sur la
Liste du patrimoine mondial au titre des critères IV et V
2 :
1 F. DeMicheli, op. cit., p.50
2 Rapport du suivi périodique sur l'état des
sites du patrimoine mondial au Maroc (2000), p.3
Critère IV: Aït Ben Haddou est un
exemple éminent des ksars du sud marocain illustrant les principaux
types de constructions que l'on observe dans les vallées du Draa, du
Todgha, du Dadès et du Souss.
Critère V : cet habitat traditionnel,
représentatif d'une culture, est devenu vulnérable sous l'effet
de mutations irréversibles.
Par rapport a l'authenticité du ksar et
l'intégrité du site, le rapport de suivi susmentionné
déclare qu'au moment de l'inscription : le ksar Aït Ben Haddou
représente une meilleure synthèse de l'organisation de l'espace
dans les vallées présahariennes. Cette organisation est
illustrée par un type d'habitat rural vernaculaire adapté au
climat et aux conditions de vie sociale et utilisant des matériaux
fournis par l'environnement (pp.4-5).
Et même après des années de l'inscription
(2000) le document rapporte que : malgré l'abandon et le
dépeuplement du ksar, les conditions d'authenticité et
d'intégrité sont maintenues. Les espaces ont gardé leur
morphologie ; néanmoins, certaines maisonnées ont
été aménagées à des fins économiques
(p.5).
Quant aux traits qui confèrent au ksar une valeur
exceptionnelle, le rapport résume ses valeurs ainsi :
? adaptation aux conditions climatiques ;
? fusion et intégration au paysage naturel ;
? simplicité et ancienneté des
procédés architectoniques ;
? harmonie des proportions et des volumes ;
? sobriété et beauté de décors ;
etc. (p.18)
Chapitre 2 : l'organisme en charge de la conservation :
le CERKAS 1
Dans le souci de préserver le patrimoine bâti en
terre en général et le ksar des Aït
Ben Haddou en particulier, le Ministère
chargé des affaires culturelles a procédé à la
création du Centre de Conservation et de Réhabilitation du
Patrimoine Architectural des zones atlasiques et subatlasiques, connu sous
le nom usuel du CERKAS, en 1989 dans la partie Sud-est de la kasbah de
Taourirt (à Ouarzazate) qui a été restaurée et
aménagée à cette
fin2.
2.1. La mission du CERKAS
La mission du centre en question - selon son appellation
officielle - consiste à
la conservation et la réhabilitation du patrimoine
architectural des zones atlasiques et subatlasiques, c'est-à-dire la
zone s'étendant du Souss (Anti Atlas) jusqu' à la
Province de Figuig en passant par les grandes vallées
présahariennes et le Tafilalet.
A cet effet, ce centre est chargé de différents
volets, à savoir : la réhabilitation et la mise en valeur du
patrimoine architectural, la sauvegarde des éléments
révélateurs de ce patrimoine, l'entreprise d'études
tendant à développer la connaissance des architectures
traditionnelles de la région, la publication et la diffusion
d'informations, la collaboration à des études comparatives sur
les architectures en terre, l'établissement et l'entretien de relations
avec les institutions nationales et internationales qui s'intéressent au
même thème.
2.2. La creation
La création et le développement du Centre ont pu
s'effectuer en très grande partie grâce à une
étroite collaboration avec des organismes internationaux dont
l'apport financier a été substantiel notamment
le PNUD et l'UNESCO3. Les accords conclus avec ces
organismes sont arrivés à leur terme en 1996. Les inondations qui
avaient envahi le site du Ksar Aït Ben Haddou en 1989 en causant
d'importants dégâts au ksar ont accéléré le
processus de création du Cerkas.
Le centre occupe un vase espace dans la Qasba restaurée
de Taourirt qui est une propriété de la municipalité de
Ouarzazate. Il regroupe actuellement 25 personnes dont
1 Le Cerkas m'a accueilli et hébergé pendant 3
mois (mai-juin-juillet) dans le cadre d'un stage de formation professionnelle
assuré par l'Université Senghor.
2 Arrêté du ministre des Affaires culturelles du
3 janvier 1990 (B.O n° 4062 du 5 septembre 1990 p. 470) portant
création du Centre.
3 Projet MOR/87/016 « Appui à la création
du Centre de Conservation et de Réhabilitation des Kasbas du Sud »
exécuté de 1987 à 1989.
dix agents journaliers ; le reste étant
constitué de personnel à compétence administrative (une
secrétaire et un régisseur économe) et technique : des
conservateurs, une architecte, un topographe géodésiste, des
adjoints techniques, un photographe, et un coopérant japonais
(architecte) de la JICA. La structure est gérée par un
conservateur (anthropologue). Elle dispose d'un budget de fonctionnement
réduit, auquel s'ajoute une défaillance en moyen de transport. Le
parc automobile existant (une Renault 4 et une Land-Rover, issues d'une
dotation du PNUD) est assez vétuste en raison des missions
effectuées depuis 1991.
Sur le plan logistique, le Centre dispose d'un unité
informatique importante, fourni dans le cadre d'une coopération avec les
Suisses (voir plus loin) sur l'inventaire du patrimoine architectural dans la
vallée de Draa.
2.3. Le statut
Le CERKAS a un statut assez limité- en termes
d'attributions et de compétences -
par rapport à la mission qui lui a été
assignée (article 3). Son fonctionnement est assimilé à
celui d'une division de la Direction du Patrimoine Culturel ; ce qui le
rattache directement aux service centraux.
Le projet de création du CERKAS
prévoyait de doter ce centre d'un effectif de 29 personnes (Voir
Organigramme à l'Annexe). Le statut actuel qui, originellement avait
été conçu, sur le modèle du Centre national de
documentation (CND), comme établissement culturel et technique lui
confère des missions importantes mais ne le dote pas d'une autonomie
financière. Le centre dispose d'une autonomie de gestion interne et
notamment une liberté de programmation, mais faute d'une autonomie
financière, il reste tributaire des décisions de l'administration
centrale, ce qui limite et freine considérablement son pouvoir
d'intervention. En outre, il a l'obligation de soumettre son programme annuel
devant un comité consultatif présidé par le ministre
chargé des affaires culturelles (art. 6 du statut).
Dans la perspective de développer ses capacités,
le ministère des Affaires culturelles envisage depuis quelques
années d'accorder au CERKAS une autonomie financière. Ainsi, deux
solutions étaient envisageables : le doter d'un statut
d'établissement public ou d'un statut de Service Géré
d'une Manière Autonome (SEGMA).
La formule qui a été retenue est celle du
SEGMA, qui sans avoir la personnalité morale permettra au
Centre de jouir d'une autonomie financière et d'échapper ainsi
à la lourdeur administrative imposée par la structure
d'établissement public.
Or, il s'est avéré que même ce statut qui
est d'apparence très simple et d'une procédure rapide exige
certaines conditions ; il faut que le Centre génère
suffisamment de recettes pour prouver sa capacité de
devenir autonome. Cette procédure exige la signature de quatre textes
:
1. un décret ministériel l'autorisant à
percevoir des recettes ;
2. un arrêté conjoint du Ministère des
Finances et du Ministère de la Culture fixant les tarifs de ses
prestations de service ;
3. un arrêté conjoint du Ministère des
Finances et du Ministère de la Culture le désignant comme service
géré de manière autonome ;
4. un arrêté du Ministère des Finances
fixant l'organisation financière et comptable.
A présent, seul le premier texte
est signé. Le Centre est désormais autorisé à
recevoir des recettes mais il ne sera habilité à le faire
effectivement qu'après la
signature du deuxième1.
2.4. Les principales actions
a. Réhabilitation de la Kasbah de
Taourirt
En 1989, le Centre a ouvert ses portes dans la partie sud-est de
la Kasbah. Les travaux de restauration ont concerné surtout :
L'aménagement des locaux administratifs,
l'aménagement d'une salle d'animation et d'exposition
;
l'aménagement d'un théâtre en plein air de
300 places ;
l'aménagement d'un atelier de formation.
Ces travaux se sont étalés entre 1989 et 1995 et
ont engendré un coût total approximatif de 6.400.000 dh
financé par le PNUD et le ministère des Affaires culturelles (10
dh équivalait en moyenne à 1 dollar US).
b.
Sauvegarde du Ksar Aït Ben
Haddou
Dès sa création et grâce au soutien des
organisations internationales telles que
le PNUD et L'UNESCO, le Centre s'est fixé comme
priorité la sauvegarde du site de Aït Ben Haddou.
En premier lieu, le Centre s'est chargé de
l'élaboration des plans topographiques et les relevés
architecturaux nécessaires. Par la suite, des experts et consultants
nationaux et internationaux ont mené diverses études
architecturales, photogrammétriques, sociologiques, juridiques..., et
formulé des recommandations,
1 Celui-ci est actuellement soumis au Ministère des
Finances pour visa.
quant à la nécessité d'effectuer des travaux
de restauration d'urgence. Ceux-ci ont été
exécutées et supervisées par l'équipe du CERKAS
:
- L'évacuation des éboulements ;
- la restauration de la mosquée et ses
dépendances;
- le pavage des ruelles principales (450 mètres
linéaires);
- la restauration des passages couverts ;
- la restauration des tours et des façades des cinq
kasbahs principales ;
- la construction d'un gabion pour la protection des berges et
la préservation des terres arables.
Il a entrepris également de nombreuses études en
vue de la réhabilitation du Ksar en projetant d'aménager des
espaces d'animation, et des structures socioculturelles, et de lier le village
à l'autre rive par un pont ou une passerelle.
Les travaux ont coûté un peu plus d'un million de
dirhams financé par le PNUD et le ministère des Affaires
culturelles (voir Tableau ci-dessus)
Intitulé du projet
|
Année de réalisation
|
Propriété
|
Maître D'ouvrage
|
Maître d'oeuvre
|
Source de financement
|
Restauration de la mosquée
et ses dépendances
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1991 -1992
|
Bien collectif
|
CERKAS
|
Entrep rise Amzil
|
Ministère de la Culture (228
000.00 dhs)
|
Pavage des ruelles et protection
des terrains agricoles
|
1992-1993
|
Bien collectif
|
CERKAS
|
Entrep rise Barjali
|
PNUD (337 314.60 Dhs)
|
Remise en état des façades et tours de
Cinq Kasbahs
|
1994-1995
|
Bien Privé
|
CERKAS
|
Main d'oeuvre locale
|
PNUD (105 375.72 dhs)
|
Fig.8 - Tableau ré capitulatif des actions du CERKAS
sur le Ksar Aït Ben Haddou (Source : CERKAS)
Photo. 5 - Vue sur les kasbahs restaurées par le
CERKAS et en bas les gabions de protection des berges mis en place
(cliché : M. Barjali- Cerkas)
Photo. 6 -Détail d'une kasbah restaurées par le
CERKAS (cliché : M. Barjali- Cerkas)
c. Restauration du grenier collectif Ighrem n'Ougdal
:
Les travaux de restauration du grenier avaient pour but la
remise en état d'un
édifice fonctionnel et l'encouragement du tourisme
culturel. Ils ont été réalisés en deux
étapes, l'une en 1995 et l'autre en 1999, et concernaient les ouvrages
suivants :
Reconstruction de la façade ouest ;
Reconstruction des tours- Enduit des façades
extérieures- Aménagement d'un accès ; Restauration de la
menuiserie.
Les travaux ont engendré un coût total de 80.000
dh pour la 1ère phase et 450.000 dh dans la 2ème phase
financé totalement par le ministère des Affaires culturelles.
d. Réhabilitation du Ksar Tamnougalt
:
Le projet de réhabilitation du Ksar s'inscrit dans
l'objectif principal d'améliorer
les conditions de vie de la population en y assurant une
certaine salubrité par l'introduction d'équipement
d'infrastructure de base. L'objectif à long terme étant de
renforcer les structures sociales du Ksar et affirmer son identité
culturelle. Le projet est étalée sur deux phases dont la
première est déjà réalisée en collaboration
avec une ONG espagnole << architecture et compromis social
» et qui consistait à :
La restauration du marabout Sidi Abdellah Ben Ali ;
La construction d'un hammam (bain public) ;
La restauration de la mosquée ;
L'aménagement de la place publique, <<
assarag » financé par la Junta Andalucia
(Espagne). Cette première phase a
été réalisée en douze mois et a
nécessité un coût de travaux de 630.000 dh.
e. Action en cours :
Le CERKAS entreprend actuellement à la kasba de Taourirt
(siège du centre)
des travaux d'aménagement du pavillon Sud qui
s'élèvent à 600.000 dh, financé par le
ministère de la Culture et la municipalité de Ouarzazate. Ce
pavillon abritera le futur musée de l'architecture en terre.
2.5. Les programmes du Cerkas
Le Centre participe en tant que partenaire à un programme
maroco-suisse (avec
l' Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne),
étalé sur 6 ans (2000 - 2005) sur l'inventaire
systématique du patrimoine architectural dans la vallée du Draa
à l'aide d'un Système d'information géographique (SIG).
En parallèle, l'équipe du Centre travaille
conjointement avec une équipe scientifique belge sur un programme
financé par la Région Wallonne pour la réhabilitation des
greniers collectifs (agadir /ighrem) à l'échelle de la
Province.
Pour l'année en cours (2004), le Centre élabore
des études architecturales concernant divers projets de restauration et
de réhabilitation d'un montant global de 1.000.000 dh. Pour les cinq
prochaines années, il est prévu que le CERKAS se charge de la
réalisation d'un vaste programme de restauration des ksour et kasbas du
sud d'un budget moyen de 3.000.000 dh par an.
2.6. Perspectives
Une fois doté de l'autonomie financière, le CERKAS
sera habilité à mener des
opérations de restauration et de réhabilitation
pour le compte de l'Etat, d'organismes publics ou privés, nationaux ou
internationaux, des collectivités locales,... etc. L'essentiel de ses
recettes proviendra de la rémunération de ses prestations de
services que l'on peut résumer ainsi : Assistance technique au montage
et à la réalisation de projets (de restauration ou de
réhabilitation) de la manière suivante :
Vérification des plans ou assistance à la
conception architecturale ; Recommandations sur les techniques de construction
;
Suivi et contrôle des travaux ;
Conseil en montage de projets.
D'autre part, le CERKAS a une vocation Régionale
à l'échelle du Maghreb. Une démarche qui a
été adoptée par les instances gouvernementales des pays
concernés à Tunis le 8 juin 1993 lors de la réunion du
Conseil des ministres de la Culture et de l'Information. Sur la base de cette
résolution une réunion d'experts maghrébins a
été prévue pour fixer un programme régional
d'échange et de coopération pour la mise en place d'un
réseau de spécialistes. La réunion a été
reportée à plusieurs reprises pour des raisons dues à des
défections imprévues de certaines délégations.
a. Expertise
Equipé d'un laboratoire et constitué d'une
équipe pluridisciplinaire (architecte,
conservateurs, archéologues, topographe,
anthropologue, techniciens et coopérants étrangers) ayant par
ailleurs une expérience dans le domaine de la conservation du
patrimoine, le centre interviendra également dans le cas d'expertises
diverses pour la stabilité des bâtiments, le renforcement des
structures, l'étude des matériaux et ce, dans le but de la
certification des ouvrages construits en matériaux locaux.
b. Etudes
Le centre aura pour mission l'élaboration d'études
pour son propre compte ou pour le compte de différents organismes :
Inventaire du patrimoine ;
Études architecturales ;
Etudes urbanistiques ;
Etudes sociologiques et ethnologiques.
c. Formation
Le centre peut dispenser des cours de formation au profit
d'étudiants,
architectes, ingénieurs, techniciens, maâlems
(maître maçons) et maçons..., sous forme de
séminaire, d'ateliers ou de stage pratique. Dans ce cas, il
établira éventuellement des conventions de partenariat avec les
instituts de formation spécialisés en vue d'une initiation des
étudiants aux métiers de la conservation, ainsi qu'avec les
différents organismes dans le cadre de la formation continue.
d. Analyse des matériaux
Une fois équipé, le centre peut offrir
également des services en matière
d'analyse et essais sur les matériaux :
granulométrie, sédimentométrie, limites d'Atterberg, essai
Proctor...
e. Publications:
Dans le cadre de la diffusion de la connaissance en
matière de construction en
terre et de conservation du patrimoine, le centre sera
amené à procéder à la publication de ses travaux
sous forme de guides, manuels, ouvrages spécialisés, revues.
Au terme de ce tour d'horizon sur les actions du CERKAS, il
s'est révélé que le
centre en question a des champs d'intérêt assez
diversifiés mais ses actions restent assez limitées, faute de
moyens (logistique et compétences) et d'autonomie, au regard de
l'étendue de son champ d'action en terme d'espace.
Au niveau du Ksar Aït Ben Haddou, l'intervention
du CERKAS a cessé depuis 1995. Sa mission se trouve réduite
à l'accueil des experts et à l'établissement de constats
des infractions transmis à l'autorité.
Le projet de création d'une antenne du CERKAS sur le
site du Ksar Aït Ben Haddou témoigne à priori, d'une
volonté de proximité, mais il comporte le risque de disperser
davantage les moyens réduits dont dispose le Centre. D'autre part, le
programme d'inventaire du patrimoine architectural des vallées
présahariennes au moyen du SIG (2000-2005) n' intègre
pas le ksar, alors que ce procédé sera d'un apport
considérable pour le site en terme de gestion future.
Chapitre 3 : Eléments du diagnostic 1
|
Aucune indication ne fait référence, pour le
visiteur, au classement du site sur
la Liste du patrimoine mondial alors que le logo a
été conçu et fortement recommandé par l'Unesco.
Mais les éléments du diagnostic dépassent cet aspect
d'identification. Ils sont liés essentiellement au contexte
socioéconomique, au déficit structurel, à l'état de
conservation du ksar, à l'intégrité du site et à
son statut foncier.
3.1. Le contexte socio-économique
3.1.1. L'abandon du ksar
La population du site s'élève à 3000
habitants, essentiellement implantée dans
le village situé dans l'autre rive du fleuve (Oued
el Maleh) à proximité de la route. 7 ménages avec
à peu près 50 personnes peuplent encore le ksar et seule une
famille au complet occupe sa demeure ancestrale.
Les inondations de 1989 ont précipité le
départ de la population vers la rive droite de l'Oued el-maleh,
qui compte une centaine de foyers contre 7 pour le ksar. Ce mouvement de
la population d'une rive à l'autre - amorcée déjà
depuis le début des années 1970 - a formé le nouveau
village, à cause du déficit en équipements au niveau du
ksar ; l'absence d'un pont par exemple constitue l'un des principaux handicaps,
en période de crues surtout. Un sentiment d'isolement et de
marginalisation régnait chez les ksouriens du site.
Mais le phénomène d'abandon - attesté
dans la plupart des ksour du sud marocain- s'inscrit dans un mouvement social
d'urbanisation de la population marocaine stimulé par la recherche d'un
mode de vie meilleur qu'on arrive plus à trouver dans les ksars :
ceux-ci - avec leur fonction défensive d'antan - sont devenus
obsolètes à leur sens. Chez les ksouriens de
Aït Ben Haddou, ce phénomène est plus
accentué car il s'agit d'un abandon quasi total.
3.1.2. Une base économique
précaire
Les activités de base dans l'environnement immédiat
du ksar sont dominées par l'agriculture, l'élevage et l'artisanat
(tissage de tapis). Le tourisme et la production
1 Les éléments du diagnostic sont
établis à la suite des visites que j'ai effectuées au
site, et de la lecture de 3 documents : le rapport de suivi périodique
des sites marocains (Région arabe) soumis à l'Unesco (2000), le
rapport sur le profil environnemental du ksar Aït Ben Haddou,
établi par FathAllah Debbi (2003), et l'enquête sur la situation
foncière du ksar Aït Ben Haddou (CERKAS, 2001).
cinématographique constituent actuellement les principaux
pôles d'attraction de la région.
a. L'agriculture : un secteur d'activité
fragile
Elle constitue l'activité majeure de la population. Il
s'agit d'une production
locale de subsistance, pratiquée sur des petites
parcelles irriguées le long du fleuve et à faible rendement.
L'usage de la technologie moderne est assez faible. L'instabilité des
précipitations rend la pratique agricole difficile et non pérenne
; s'ajoute à ceci le degré de salinité du fleuve Oued
el maleh dont l'appellation évoque ce phénomène (le
fleuve salé).
L'espace cultivable est divisé en quatre quartiers
d'irrigation alimentés chacun par une seguia. Chaque seguia
possède un tour d'eau (tawala) celui-ci est graduée
en tranches horaires (talguim't) correspondant à 6 heures, et
chaque lignage possède,
dans chaque seguia un certain nombre de telguimin
(sing. talguim't)1.
Les cultures sont dominées par les
céréales (blé, orge en hiver et maïs en
été) ; celles-ci occupent environ les 2/3 des terres cultivables.
Les cultures fourragères n'en occupent que 23% environ (la luzerne est
la plus représentée). Le reste du terrain est occupé par
les légumineuse (fèves) ou les cultures maraîchères
(oignons, navets, carottes). L'arboriculture occupait auparavant, une place
importante dans la production du site, mais les vagues de sécheresse de
la fin des années 1970 et début des années 1980 avaient
précipité leur déclin. On assiste néanmoins une
renaissance de cette activité au début des années 1990 :
amandiers, oliviers, pommiers, et même des
palmiers2.
L'élevage, associé à l'agriculture, est
une composante très importante du système agricole du site du
ksar. Il s'agit d'un élément de sécurité contre les
aléas climatiques. La possession du cheptel était un signe de
prestige et un moyen d'accès aux parcours collectifs, d'où
l'importance que lui accorde l'ensemble des habitants du ksar.
Le système d'élevage était basé
sur une transhumance entre les sommets des monts qui dominent Oued Ounila,
Tizi n'Telouet en été, et la région de Tefernine
et
Tammassine en hiver. Cette transhumance est
aujourd'hui en déclin3.
En conséquence, l'agriculture sur le site du Ksar
Aït Ben Haddou est handicapée par
des éléments de son environnement physique,
écologique et humain : les longues gelées d'hiver, les chaleurs
torrides d'été, la longue saison sèche, la
brutalité des averses et de crues, la salinité de l'eau et du sol
et l'altération du couvert végétal sont autant
1 M. Aït Hamza, op. cit., p.27
2 id., p. 28
3 ibid.
d'éléments physiques qui agissent pour la
décadence de cette activité. En outre, le sentiment de
mépris et de dédain que l'ouverture a engendré chez les
jeunes envers les travaux agricoles et l'intérêt accru pour le
tourisme ont contribué largement au déclin de ce secteur
d'activités.
b. une activité touristique peu
organisée
L'infrastructure d'accueil du site, d'une capacité de 64
lits, comporte : 7
auberges restaurants, 4 maisons d'hôtes, 2 hôtels
classés, 2 restaurants, 2 auberges en cours de construction. Ces
équipements sont localisés dans le nouveau village, alors que le
ksar est dépourvu de toute structure d'accueil.
Le site est visité - selon des estimations - par
130.000 personnes par an soit la moitié des visiteurs de la
région. Le rythme quotidien varie de 700 à 1200 visiteurs par
jour. La haute saison s'étale sur les mois de mars, avril et mai, tandis
que la basse saison caractérise les mois de novembre, décembre et
janvier.
La situation du ksar à 30km de la ville d'Ouarzazate et
à une demie heure de la Route Nationale route ne favorise pas les
séjours sur place. D'ailleurs, la province enregistre un nombre de
nuitée assez bas (1,7 nuitée en moyenne) du fait qu'elle
constitue un lieu de passage entre Marrakech et Agadir.
Le développement de ce secteur au niveau du site est
entravé par : des difficultés d'organisation, d'accueil et de
séj our ; le manque d'hygiène et d'aménagement
approprié ; manque d'encadrement des guides.
L'activité touristique sur le site génère
des revenus mais sans effet de retour sur la sauvegarde du ksar qui constitue
la véritable attraction des touristes.
Photo. 7- l'un des aspects de la folklorisation du site
à des fins touristiques
(cliché: M. Barjali- Cerkas)
c. une activité cinématographique non
réglementée
Cette activité constitue, avec le tourisme,
l'activité phare de la région, développée
grâce à la beauté des paysages naturels et
architectural qu'offre les ksour à l'image de celui des
Aït Ben Haddou. Plusieurs facteurs ont favorisé cette
activité : intégrité du paysage ; luminosité assez
importante ; diversité ethnique de la population pour les besoins de
figuration ; une infrastructure de qualité (aéroport,
hôtels, studio, moyens de transport et de communication divers) ;
facilités administratives de la part des autorités provinciales
et du Centre Cinématographique Marocain (CCM), assistances diverses
voire même celle de l'armée (pour les grandes productions).
La production cinématographique semble être un
secteur générateur d'emplois. Il a également
contribué au développement de certains métiers :
décoration, travail du plâtre et du bois, et l'habillement.
Cependant, il engendre des effets négatifs sur la communauté et
place la population dans une position d'attente permanente de tournage. Un
phénomène qui engendre à son tour des spéculations
et des surenchères entre les propriétaires ce qui risque de
décourager ou détourner les producteurs.
En outre, cette pratique est préjudiciable à
l'intégrité physique du site et les enjeux qui en
résultent mettent le ksar en péril, à cause de son
utilisation abusive, alors que le patrimoine est dans son ensemble assez
fragile. Il a été même rapporté que des
dégâts ont été faits sur les structures anciennes
lors du tournage d'un film.
Photo. 8 - reliquat d'un décor de tournage
laissé à l'entrée du ksar (cliché :
l'auteur)
d. prolifération des commerces sur le site
59 vendeurs en bazar se sont installés sur le
site, dont 24 dans le ksar. Beaucoup
sont étrangers à la région (Taroudant). Au
sein du ksar, ils occupent la rue commerçante et s'installent dans les
rues adjacentes.
Photo. 9 - l'un des aspects de la prolifération
anarchique des bazars dans le site
(cliché : M. Barjali -
Cerkas)
e. l'artisanat : activité peu encadrée
L'artisanat dans l'environnement du ksar est essentiellement
basé sur le tissage du tapis, pratiqué par les femmes. La
commercialisation, liée à la production familiale, s'effectue au
rythme du marché hebdomadaire par les hommes. Le secteur n'est pas
organisé en coopérative, ce qui limite les possibilités
d'accès aux services fournis par la délégation provinciale
de l'Artisanat.
3.2. Le déficit en infrastructures de base et en
équipement collectifs
Il faut dire que le ksar, vue sa topographie
et la nature des ses structures
fragilisées par l'abandon, n'offre pas beaucoup
d'opportunités en matière d'équipements et
d'infrastructures.
3.2.1. Le sous-équipement
Le site est confronté à un déficit en
équipements collectifs qui freine tout
processus de développement intégré. Les
principaux équipements collectifs sont situés sur le nouveau
village:
a. éducation limitée au primaire
Une seule école - située dans le nouveau village-
est entrain d'assurer
l'éducation, mais reste limitée au cycle
primaire. Le ksar est doté d'une école coranique
dépendante de la mosquée. Elle est non opérationnelle
à l'heure actuelle. On ne dispose pas de chiffres quand au taux de
scolarisation des enfants qui habitent encore le ksar. Ils sont
confrontés au problème de crue du fleuve qui rompt tout contact
avec l'autre rive où est située l'école.
Il est à noter également une absence
d'équipements sociaux et sportifs, en particulier en faveur des femmes
et des jeunes.
b. une sous médicalisation aigue
Le site est équipé d'un dispensaire rural
géré par un infirmier qui assure une
fonction de soins très élémentaires.
L'accès aux consultations médicales est à Timsline
(10 km du village), doté d'un centre de santé encadré
par un médecin, et équipé d'une structure pour
l'accouchement et d'un service de planification familiale.
Une unité mobile de soins dirigée par un
médecin assure également un encadrement sanitaire trimestriel et
la région est couverte depuis 1985 par le Programme National
d'immunisation.
Le dispensaire n'est pas en mesure d'assurer des actions
médicales pour un site qui connaît une affluence de visiteurs. Des
accidents sont fréquemment relevés surtout en été,
en particulier chez les personnes âgées.
3.2.2. Carence en infrastructures de
base
Le déficit enregistré en matière
d'infrastructures basiques représente un handicap majeur à
l'amélioration des conditions de vie de la population et limite les
effets de la sauvegarde du ksar.
a. le problème d'accès à l'eau
potable
Le potentiel en ressources hydriques est faible et la nappe
alluviale de l'Oued el-
maleh enregistre un degré de salinité
assez élevé. La seule nappe disponible est située dans la
plaine de Tikirt, à 15 km, encore est-elle d'une
capacité limitée et déjà très
sollicitée par l'irrigation des terrains agricoles.
La question de l'accès à l'eau potable est
soulevée souvent par des revendications de la population depuis 6 ans.
Un projet d'adduction en eau potable est en cours d'achèvement, mais ne
concerne actuellement que le nouveau village Issiwid. En attendant, la
population aussi bien du village issiwid que celle du ksar reste
privée d'eau courante et s'approvisionne par des citernes à un
coût relativement élevé (2,5 dh pour 30 litres).
b. L'électrification du ksar
Le ksar est privé d'électricité alors que
le nouveau village est électrifié et même doté
d'un éclairage public. Pourtant,
l'électrification du ksar ne pose pas de réels problèmes
techniques même par rapport à la nature des structures
bâties. On a envisagé des options quant à
l'électrification du ksar mais celles-ci restent subordonnée
à la résolution du problème de franchissement de
l'Oued el-maleh.
c. Le pont
Le site du ksar est isolé de la route par l'oued
el-maleh ou Ass if n' marghane dont la
traversée se fait a pied sur des sacs de sable, quand le
débit d'eau est faible, ou à dos de mulets. Le ksar est
complètement isolé et inaccessible en période de crue.
Une étude de faisabilité d'une passerelle
franchissant le fleuve a été réalisée, mais n'a pas
encore abouti à cause du débat qui a été
soulevé quant à la longueur du pont et d'autre part à la
nature des matériaux.
d. Assainissement liquide et solide
La question de l'assainissement devient cruciale dès lors
que l'on envisage
l'alimentation du site en eau potable. Mais l'urgence porte
actuellement sur l'évacuation des eaux pluviales, dont le ruissellement
menace en permanence les structures en terre et leurs fondations, faute
d'entretien régulier à cause de l'abandon des maisons.
e. Les voiries de desserte
Le ksar est desservi par un réseau de ruelles et de
passages couverts (saba) dont
une partie (450 m) a été pavée par le
Cerkas, ce qui a relativement facilité la desserte et la circulation,
mais fait accélérer le ruissellement des eaux de pluies, ce qui
menace les soubassements des constructions par les remontées capillaires
de l'eau.
3.3. Le contexte institutionnel
Le contexte institutionnel dans lequel s'inscrit le ksar - en
termes de gestion- est
marqué d'une part, par :
- le déclin de l'organisation communautaire ;
- la faible présence de la société
civile, malgré la présence d'une association (Aït
Aïssa, fondée en 1989) dont l'organisation est assez
critiquée par apport à la gestion du ksar ;
- la diversité des acteurs et le manque de
coordination entre les services administratifs dont dépend le devenir du
ksar : Equipements, Eaux et Forêts, Office régional de mise en
valeur agricole (ORMVAO), Office national de l'électricité (ONE),
Office national de l'eau potable (ONEP), Santé publique, Education et
Jeunesse, Habitat, Urbanisme et Aménagement du territoire, Artisanat,
Tourisme et la Culture. Celle ci représentée par une
délégation provinciale et par le CERKAS exerce une tutelle
symbolique. Le classement du ksar au niveau national (janvier 2004) et la
diffusion du texte de classement lui conféreraient des attributions
effectives en matière de sauvegarde et de gestion.
- le faible engagement des collectivités territoriales
: la Région de Sous-MassaDraa (dont le siège est à
Agadir), la province de Ourazazate (celle-ci manifeste un intérêt
pour le site et commence à mobiliser des ressources pour son
électrification), et la commune rurale d'Aït Zineb (dotée de
faibles moyens)
- la faible mobilisation du secteur privé,
malgré les potentialités du site. L'activité touristique
est assez anarchique. D'où la création assez récente du
Comite provincial du tourisme (2003) qui regroupe les professionnels du
tourisme. Cette structure n'a pas porté encore ses fruits.
Et d'autre part par:
- l'absence d'une stratégie globale de sauvegarde qui
est due davantage à une difficulté de conception quant à
la mise en place d'outils opérationnels, qu'à une pénurie
de moyens ou de ressources souvent invoqués. Le contexte institutionnel
local relatif à la sauvegarde du ksar, est marqué par
l'émergence diachronique de comités créés à
cette fin. Les gestionnaires du site se perdent entre le Comité
local de sauve garde, le Comité de gestion locale, et le
Comité de contrôle du site. Ce dernier institué
par le Gouverneur de la Province de Ouarzazate avait pour mission
d'établir des constats des lieux régulièrement (une fois
tous les 15 jours), mais il n'a pas empêché les infractions de se
produire. Le Comité de gestion locale, quant à lui, mis en place
également par l'autorité locale et regroupant plusieurs
administrations, est un cadre trop large pour être efficace.
Cette diversité de comités n'a fait que
disperser les efforts et rendu la tâche de sauvegarde moins claire et
trébuchante. En outre, le CERKAS, acteur principal de sauvegarde, s'est
retiré des travaux de comité en raison du manque de concertation
et d'autre part, il s'est retrouvé absorbé par des programmes
dans lesquels il est engagé (voir chapitre précédent).
- des processus de protection non aboutis:
l'effectivité du Plan de développement et d'aménagement
rural (PDAR) approuvé en 2000 est assez relative, faussée par des
infractions en matière de constructions. Tandis que
l'opérationnalité du classement annoncé récemment
(publié en février 2004) est subordonnée à sa
diffusion et à son acceptation locale.
- des potentialités sous exploitées: à
ce titre le Cerkas est assez révélateur. Lui même est
confronté à une étendue géographique très
importante, à des moyens assez limités et un statut
bloqué. Au niveau de la coopération, le statut actuel offre peu
d'opportunités de partenariat dont les manifestations se sont
révélées porteuses d'espoir pour le site, mais restent
à l'heure actuelle insuffisantes.
3.4. Un patrimoine mondial fortement menacé
Il semble que l'inscription du ksar sur la Liste du patrimoine
mondial est devenu
une charge qui pèse sur le site vus les enjeux
auxquels sont confrontés et la population et les décideurs, et
qui donnent matière à spéculations et d'infractions
urbanistiques nourries par la volonté du gain chez certains
investisseurs.
Le ksar illustre bien les problématiques auxquelles
est confronté l'ensemble des établissements humains des
vallées présahariennes : abandon du ksar; dégradation du
bâti faute d'entretien et d'investissement; attraction exercée par
la route qui a favorise l'implantation de nouveaux établissements
relativement mieux dotés en équipements, mais moins
adaptés - en termes de matériau- aux conditions climatiques.
Le mode de construction en terre, plus adapté aux
conditions bioclimatiques, n'est pas réglementé, de moins en
moins maîtrisé et reste dans la plupart des cas onéreux :
difficulté d'accès au crédit bancaire, difficulté
d'établir des réglementations techniques en la matière,
déperdition du savoir-faire, etc.
Notre examen de la situation du ksar est axé sur deux
volets : l'état de conservation et la situation foncière du ksar.
Ces deux éléments du diagnostic sont des handicaps
récurrents à toute action visant la conservation globale, la
réhabilitation et la revitalisation du ksar.
3.4.1. L'état de
conservation
Malgré les efforts déployés dans le sens
de préserver l'essentiel du Ksar des Alt
Ben Haddou, la situation est celle d'un site dans un
état d'abandon quasi-total et fortement dégradé.
L'ensemble des conditions et des moyens devant être mis à sa
disposition pour sa mise en valeur en tant que patrimoine mondial est à
ce jour insuffisant. Le diagnostic de l'état du ksar se résume
ainsi :
-
détérioration des soubassements (remontées
capillaires de l'eau)
- détérioration des toitures
(étanchéité défaillante)
- introduction de formes architecturales exogènes qui
altèrent l'intégrité visuelle du ksar (voir photo.
10)
- reliquat de décors du cinéma sur l'une des
entrées du ksar.
|
|
Actuellement, plusieurs maisons risquent d'être
réduites à néant, alors que d'autres évoluent dans
ce sens en raison de leur abandon. Quelques rares maisons sont encore
préservées et sont situées surtout dans la partie basse du
ksar. Le diagramme ci dessous (fig.9) illustre bien ce phénomène
et nous renseigne sur les différents états de conservation.
60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00%
bon moyen en ruine
Fig.9 - Etat de conservation des structures (source :
CERKAS)
Photo.10 - exemple d'aménagement privé
à des fins touristiques alté rant l'intégrité
visuelle du ksar (cliché : M. Barjali - Cerkas)
3.4.2. La situation
foncière
Une enquête a été menée par le
CERKAS en septembre 2001 pour faire un
constat sur la situation foncière du ksar. Cette
démarche s'avérait nécessaire afin d'éclaircir la
situation et collecter les informations qui peuvent constituer une base de
données sur laquelle peut se fonder toute étude ou action dans
l'avenir. Il était également important de connaître l'avis
des propriétaires car avant toute action de mise en valeur du ksar, leur
opinion était essentielle.
L'enquête en question s'est articulée autour de
4 volets : situation foncière, fonction du bien, état de
conservation et propositions de réhabilitation.
Différents constats on été
dégagés de cette enquête, qui se résument ainsi :
une situation foncière assez complexe qui entrave toute action de
réhabilitation du ksar, néanmoins, les propriétaires sont
prêts à participer à cette action si certaines conditions
sont réunies (voir en détail dans le volet consacré
à la dynamique de réhabilitation à la Troisième
Partie de ce mémoire).
Le ksar des Aït Ben Haddou reflète
à lui seul, à une échelle réduite, toute la
complexité du régime foncier marocain, qui - faute
d'interlocuteur unique - freine à la fois toute dynamique de sauvegarde
et du coup toute initiative d'investissement (aussi
bien publique que privé)1.
Les abords du ksar sont caractérisés par le
statut de propriété collective des
terrains2. Au sein du ksar, les
propriétés privées représentent la majorité
absolue. A l'exception de l'enceint qui est un bien collectif et de la
mosquée qui dépend des Habous tous les autres locaux
appartiennent aux particuliers avec un pourcentage supérieur à
98%.
L'héritage constitue le principal mode d'acquisition
des biens au ksar avec 74,67%. Cependant ce mode avait posé beaucoup de
difficultés surtout le surpeuplement dû aux multiples divisions
entre les héritiers. On peut le considérer comme une des causes
majeures de l'exode vers le nouveau village puisque les maisons ne peuvent plus
abriter plusieurs familles (voir fig. 10). Il s'agit également
d'un problème lors des actions de restauration et de
réhabilitation car il est touj ours difficile voire impossible d'avoir
l'accord de tous les héritiers concernés.
1 Cf. Lahcen Larbaoui, « La question foncière et
l'investissement », in Urba, n°5 (bulletin électronique
du Ministère chargé de l'urbanisme et de l'aménagement du
Territoire).
2 Les terres collectives - à vocation agricole
notamment- qui appartiennent aux collectivités ethniques (ou locales),
sont placées sous la tutelle du Ministère de l'Intérieur.
Elles sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles, en vertu de
l'art.4 du Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des
collectivités ethniques et réglementant la gestion et
l'aliénation des biens collectifs. Sur ce sujet voir Ahmed Daoudi,
« le statut foncier des terres relevant de la réforme agraire et du
collectif », in Urba, n°5
L'achat est le deuxième mode d'acquisition au ksar ;
il représente 25,22%. On note que la majorité de ces transactions
se font essentiellement entre les copropriétaires et que les acheteurs -
à quelques rares exceptions près - sont originaires du ksar. Donc
on peut déduire l'existence d'un système isolé et
«protectionniste» puisqu'il est clair qu'on préfère ne
pas vendre aux personnes étrangères au ksar.
50% 40% 30% 20% 10% 0%
mode et date d'acquisition
héritage achat
Fig.10 : mode et périodes d'acquisition (source :
CERKAS)
Pour les périodes d'acquisition, on a constaté
que la plupart de ces acquisitions remontent aux années 1960 et 1970
(fig.11). Donc la majorité des transactions ont
été réalisées avant les années 70 (plus de
63%), et peu d'opérations ont eu lieu après cette
décennie, ce qui est expliqué par l'exode surtout suite à
la création du nouveau village issiwid. Par ailleurs, il
ressort de l'enquête que les gens sont presque à
l'unanimité contre la vente de leurs biens. Toutefois, ils se
déclarent en majorité pour l'exploitation à des fins
personnels avec 87,71%. Mais, pour des raisons économiques, on constate
qu'une tranche de 7, 01 % des habitants sont favorables à la location.
Cependant, chez la plupart, on a noté une certaine réticence
quant à un partenariat particulièrement avec les organismes
privés et les associations.
entre1 960-70
entre1 980-90
avant 1960
après1 990
0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00%
Fig.11 : périodes d'acquisition (source :
CERKAS)
Quant a l'état d'occupation du ksar, l'enquête a
révélé que 35% des locaux sont occupés d'une
façon permanente, 3,50% le sont provisoirement alors que plus de 61% des
biens sont abandonnés (fig.12). Ces chiffres reflètent
parfaitement un problème aussi pesant sur le devenir du ksar qu'est
l'abandon. En effet, les locaux sont vidés des habitants et le ksar
risque de devenir totalement déserté ce qui engendre un autre
problème : le mauvais état de conservation dû
essentiellement à l'absence d'entretien réguliers et permanents.
Force est de signaler que sur les locaux occupés, dix maisons seulement
sont actuellement habitées, et le reste sert de locaux de commerce
(bazars).
70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%
permanent provisoire néant
Fig.12 : état d'occupation du ksar (source :
CERKAS)
3.4.2. Les facteurs affectant le
site
Les facteurs affectant le site est une formulation du Centre du
Patrimoine
Mondial qui emploie ces termes dans les rapports de suivi
périodique sur l'état des sites du patrimoine mondial.
Ils font référence aux facteurs ayant un impact
négatif sur l'état des sites du patrimoine mondial. Dans le cas
du ksar des Alt Ben Haddou, on ne dispose pas
d'indicateurs-clés fiables. Mais d'après le dernier rapport
établi par le Cerkas et soumis au Centre du Patrimoine Mondial (2000),
il ressort que les facteurs affectant le ksar et son environnement
immédiat sont de deux ordres:
- naturel : sécheresse; chute de bloc de pierres de la
falaise surplombant le ksar, glissement du terrain ;
- humain (liés au développement) :
développement du tourisme (à ce titre on ne dispose pas de
chiffres à défaut d'indicateurs fiables sur le nombre de
visiteurs puisque le site est non payant); Constructions anarchiques au nouveau
village et au voisinage du ksar altérant son intégrité
visuelle.
En définitive, la détermination de ces facteurs
reste assez sommaire et
simpliste, et seule une expertise poussée avec l'emploi
d'indicateurs sera porteuse d'informations explicites pour une bonne
lisibilité du site.
TROISIÈME PARTIE :
PRESPECTIVES DE SA
UVEGARDE,
DE RÉHABILITATION
ET DE GESTION DU KSAR AÏT BEN
HADDOU
Face à un devenir incertain du ksar des Aït Ben
Haddou, à la précarité de ses
structures (sociales, économiques,
culturelles/architecturales..), à la fragilité de son contexte
écologique et économique, les perspectives de durabilité
du site s'inscrivent dans une dynamique de sauvegarde rationnelle et
maîtrisée (chapitre 1), et dans une démarche de
réhabilitation répondant aux attentes de la population
(chapitre 2), assurées par des mécanismes de gestion
planifiée et intégrée (chapitre 3)
Chapitre 1. La dynamique de Sauvegarde
La réflexion à la question de sauvegarde
du Ksar Aït Ben Haddou nous amène à
se poser la question suivante : Que doit-on protéger dans
ce ksar ?
A priori, l'objectif de la sauvegarde est de protéger
le bien et d'en assurer l'intégrité pour les
générations futures.
Rappelons que la Recommandation de l'Unesco concernant la
sauvegarde des ensembles architecturaux ou traditionnels et leur rôle
dans la vie contemporaine (formulée à Naïrobi en 1976)
précise que « chaque ensemble historique ou traditionnel et son
environnement devraient être considérés dans leur
globalité comme un tout cohérent dont l'équilibre et le
caractère spécifique, dépendent de la synthèse des
éléments qui le composent et qui comprennent les activités
humaines autant que les bâtiments, la structure spatiale et les zones
d'environnement. Ainsi, tous les éléments valables, y compris les
activités humaines même les plus modestes par rapport à
l'ensemble, une signification qu'il importe de respecter » (Principes
généraux, II, 2).
Ainsi, la sauvegarde doit se fonder sur une définition
claire du bien patrimonial et de ses rapports avec son environnement. Elle tend
de plus en plus à aller au-delà de la substance physique et
s'attache à la qualité du bien (valeurs intrinsèques) et
ses valeurs associées (extrinsèques).
Celles-ci ont nombreuses et en général
extrinsèques au bien1. Celles jugées
importantes gouvernent sa protection et sa conservation. Elles peuvent
être aussi bien à caractère historique qu'économique
et même être de nature contradictoire dans le même bien, ce
qui rend les décisions de sauvegarde et de gestion
particulièrement
délicates, d'autant plus que les jugements de valeur
peuvent varier avec le temps2.
1 Bernard M. Feilden & Jukka Jokilehto, Guide de
gestion des sites du patrimoine mondial, icomos, 1996 (p.17)
2 ibid.
De ce fait, les valeurs associées se retrouvent au
coeur de la décision de sauvegarde. Dans le cas de Ksar Aït Ben
Haddou, ces valeurs constituent de véritables enjeux ; c'est sur
elles qu'il faut d'abord se pencher avant d'examiner les éléments
qui animent la dynamique de sauvegarde.
1.1. Reconsidération des valeurs du ksar :
Rappelons que les valeurs associées à un site ou
un bien culturel du patrimoine
mondial sont en perpétuelle évolution.
D'où, il y a lieu d'accompagner cette évolution en
reconsidérant les valeurs associées du Ksar Aït Ben
Haddou.
La démarche consiste à élaborer une
nouvelle grille d'analyse, qui s'inscrirait dans le prolongement de la
déclaration des valeurs émanant du Maroc et de l'icomos (voir la
section 1.4.2. du chapitre Ier de la Deuxième Partie).
Bernard M. Feilden et Jukka Jokilehto proposent une approche
analytique pour les sites du patrimoine mondial qui examinent à la fois
: les valeurs culturelles, leur
nature, leur fondement, et leur impact1.
Pour le ksar des Aït Ben Haddou, la trame d'analyse est
illustrée par le tableau ci-dessous (fig.13):
Deux nouvelles notions peuvent se dégager de l'analyse
des valeurs associées au ksar des Aït Ben Haddou ; elles peuvent
influencer le traitement et engendrer de nouveaux enjeux favorables au site.
a. Le site du ksar en tant que site
proto-archéologique
Le ksar en question est situé au pied d'une colline, qui
recèle des vestiges
archéologiques (grenier collectif, remparts,
nécropole) ; lesquels vestiges pourraient renseigner
l'archéologie sur les anciens établissements humains dans les
vallées présahariennes, d'autant plus qu'une approche
archéologique sur le site n'a pas été menée
jusqu'à présent.
Par ailleurs, le ksar est en train de devenir un village
déserté abandonnée par ses habitants, et perdre de ce fait
sa fonction originelle : celle de l'habitat. Si le processus persiste, le ksar
a de fortes chances de devenir un site proto-archéologique de
l'habitat des vallées présahariennes.
Le ksar gagnerait en notoriété certes, mais
engendrerait de nouveaux enjeux qu'il serait difficile de maîtriser. Il
ne s'agit pas ici d'une recherche d'une notoriété
supplémentaire, mais plutôt d'une approche d'intégration
dans un processus de recherche scientifique en matière
d'archéologie, à laquelle les ksour échappent
encore.
1 id., pp. 16-21.
D'autant plus que certains éléments obscurs
demeurent sans réponse quant à la fondation de cet ensemble, sa
chaîne chronologique, les systèmes de croyances et de production
des ksouriens, et que seule une approche archéologique assez
poussée pourraient apporter des éléments de réponse
à de nombreuses problématiques.
Valeurs associées au ksar des Aït Ben
Haddou
|
Composantes
|
Fondements
|
nature
|
Impact
|
Valeurs culturelles
|
Valeurs d'identité
|
La reconnaissance
|
Liens émotionnels : Sentiment d'appartenance au
site, d'appropriation de l'espace (en régression)
|
Abandon quasi-total (installation sur un site
très proche)
|
|
La recherche
|
Valeur architecturale ; adaptation à la
topographie du terrain.
|
Inscription sur la liste du patrimoine mondial (1987)
; Classement au niveau national (2004).
|
|
Approche comparative : Représentabilité,
rareté, etc.
|
Architecture vernaculaire typique des vallées
présahariennes ; Caractère exceptionnel
|
Préoccupation avancée de la part
des autorités de l'Unesco ; inscription sur la liste du patrimoine
mondial.
|
Valeurs
socio- économiques contemporaines
|
Valeurs économiques
|
Etablissement humain ; interaction avec l'espace
; Potentiel touristique et paysager
|
Commerce, agriculture, élevage, tourisme,
artisanat, production cinématographique
|
Impact négatif sur le ksar dû à
la domination du tourisme, à la spéculation, au
commerce anarchique, etc
|
|
Occupation de l'espace
|
Habitat (en déclin)
|
Abandon du ksar ; dégradation des structures du
bâti
|
|
Potentialités en écotourisme et tourisme
culturel
|
Potentiel touristique ; signification culturelle et
historique
|
Dégradation du tissu original et perte de
témoignages archéologiques dues à la prévalence
d'un tourisme mal géré.
|
|
Vie en communauté
|
Valeurs communautaires : solidarité,
cohésion, gestion communautaire des ressources
(en déclin)
|
Régression accélérée de la
sauvegarde du ksar
|
|
Histoire politique basée sur la
recherche (historiographie, archéologie)
|
Nomination de l'amghar Ben Haddou chef du village
(XIème s.)- alliance des Aït Ben Haddou avec le clan des
Glaouis(fin XIX ème s.)
|
Faible impact sur la sauvegarde du ksar (histoire
mineure aux yeux des pouvoirs politiques)
|
|
Fig.13 -Grille des valeurs associées au Ksar
Aït Ben Haddou (inspirée du modèle de B.M. Feilden &
J.Jokilehto, Guide de gestion des sites du patrimoine mondial,
1996)
Photo.11 - les vestiges des remparts du ksar (cliché
: M. Barjali - Cerkas)
b. le site du ksar : paysage culturel
Le ksar des Aït Ben Haddou obéit à
la fois à deux notions définies par l'article 1 de la
Convention de 1972, celle des ensembles et celle des sites (voir
section 1.1. du chapitre Ier de la Première Partie) :
Les sites, selon les termes de la Convention, correspondent
à ce qu'on appelle les Paysages culturels. Ceux-ci se situent
au coeur d'une réflexion aussi bien des experts de l'Unesco, des
professionnels du patrimoine que des gestionnaires du patrimoine mondial.
La notion de paysage culturel n'est pas récente. Le
géographe américain Carl Sauer en proposa une
définition en 1929 : « le paysage culturel est
façonné à partir du paysage naturel par un groupe
culturel. La culture est l'agent, la nature le moyen, et
le paysage culturel est le résultat
»1.
Ce qui est récent néanmoins, c'est la
reconnaissance des paysages culturels comme entités patrimoniales ayant
des mécanismes qui requièrent protection, conservation et
gestion. Le concept de paysage s'éloigne donc de l'instrument de
géographe visant à mieux apprécier la mécanique de
transformation de
1 Cf. Iccrom chronique, n°29, juin 2003, édition
fran çaise (p.12)
l'environnement ; il est perçu comme pouvant offrir un
ensemble d'instruments
opérationnels pour améliorer la
définition et la protection du patrimoine1.
On ne sauvegarde pas les paysages culturels avec les
instruments conventionnels de la conservation, mais par la reconnaissance des
forces qui gouvernent la dynamique des changements.
La Convention de 1972 désigne cette catégorie
par << des oeuvres conjuguées de l'homme et la nature ».
La perception des auteurs de cette convention englobaient les paysages de
tous les genres : urbain, rural, industriel, etc. toutefois, dans la pratique,
la
définition a surtout été
appliquée aux paysages ruraux2.
Les paysages culturels procurent un sentiment
d'identité : ils donnent aux groupes sociaux et aux individus le
sentiment d'appartenir à un lieu. Ils fournissent des exemples
classiques d'utilisation durable des terres. Par les cultures pratiquées
et l'élevage dans le cadre des systèmes traditionnels
d'utilisation du sol, beaucoup de paysages culturels recèlent en outre
d'importants réservoirs de biodiversité. Pris ensemble, ces
paysages offrent Une grande diversité culturelle, tandis que chacun
d'eux peut apporter la preuve des interactions avec l'environnement naturel
dans un lieu
particulier3.
Dans les Orientations (§36-§42), <<
le terme Paysage culturel recouvre une grande variété de
manifestations interactives entre l'homme et son environnement naturel.
(...) ils reflètent souvent des techniques
spécifiques d'utilisation viables des terres, prenant en
considération les caractéristiques et les limites de
l'environnement naturel dans lequel ils sont établis ainsi qu'une
relation spirituelle spécifique avec la nature. La protection des
paysages culturels peut contribuer aux techniques modernes d'utilisation viable
et de développement des terres tout en conservant ou en
améliorant les valeurs naturelles du paysages ».
Il est clair que le village communautaire des Aït
Ben Haddou présente tous les aspects d'un paysage culturel :
structures en terre extraite de l'environnement immédiat, et
modelée à partir de modèles géométriques
d'une sobriété remarquable ; intégration de l'ensemble
dans son paysage naturel (colline, terrains agricoles irrigués,
fleuve..) .
Rappelons que Henri Terrasse avait décrit le ksar au
début des années 1930 en termes d'éléments
paysagers : << (il) échelonne sur une pente de roches rouges,
au bord
1 ibid.
2 ibid.
3 Cf. Paysages culturels : les défis de la
conservation (en anglais), actes d'ateliers tenus à Ferrara (Italie)
les 11-12 novembre 2002 (Conclusion et recommandations publiés en
français), p.173
d'un oued, une cascade de maisons et de tighremts ».
Il reste à savoir à quelle catégorie de paysage
culturel appartiendrait le ksar en question.
Les Orientations proposent une classification des
paysages culturels en 3 catégories (§39) : le ksar des Aït Ben
Haddou balance entre les deux dernières catégories ; à
savoir : les paysages essentiellement évolutifs/ paysages vivants
(§39. ii/b) et les paysages associatifs (§39. iii).
Quoiqu'il en soit, le Ksar Aït Ben Haddou est la
manifestation d'un long processus d'interaction équilibrée entre
les ksouriens du site et leur milieu naturel, et la conséquence
d'une parfaite adaptation entre l'élément humain et les
conditions de son espace vital.
La dynamique de sauvegarde consisterait à mener ce
processus sans rupture tout en cherchant à assurer l'équilibre de
l'interaction entre l'élément humain/culturel et naturel. Ce qui
fait la force qui anime le souci de sauvegarde des paysages culturels.
Toutefois, il est difficile d'atteindre ce stade de
traitement tant que les structures de sauvegarde (le Cerkas en l'occurrence)
réfute toute idée de reconsidérer les valeurs du ksar
(intrinsèques) et les valeurs qui lui sont associées
(extrinsèques) à la lecture du dernier rapport de suivi
périodique (2000 ; p.4).
1.2. La démarche du CERKAS
L'action du CERKAS en faveur du ksar s'est manifestée
depuis la création de
cette structure en 1989, et s'est concrétisée
à partir de 1991 par les travaux de restauration et d'aménagement
qui ont cessé en 1995, faute de soutien financier permanent (la
coopération avec le PNUD et l'Unesco avait atteint son terme). Cette
intervention a touché principalement les équipements collectifs
(la mosquée et ses dépendances) et les espaces collectifs
(voiries, place, abords des terrains agricoles) et accessoirement certains
biens privés (les façades des cinq qasbas), témoignant
d'une concertation et d'un esprit de coopération qui venait de
renaître.
Néanmoins, l'action du Centre en faveur du ksar n'a
pas cessé depuis 1995. Elle consiste à développer les axes
porteurs d'éléments de protection, de conservation et de
réhabilitation. Ces axes portent essentiellement sur :
- la sensibilisation : auprès de la population,
des autorités locales et des
institutions, à l'importance culturelle et
socio-économique du ksar1.
1 Dans le but de faciliter une meilleure organisation de
l'action de sensibilisation, une étude intitulée « Marketing
et Communication » a été réalisée par un
bureau d'études spécialisé dans le domaine de
communication. Elle avait pour but contribuer à faire ressortir les
paramètres et les axes essentiels qui permettraient au Cerkas de mieux
conceptualiser et orienter sa communication et son marketing.
- la mise en place de mécanismes de gestion et de
sauvegarde du ksar, notamment la création d'une commission de
gestion du site (à partir de 2001), qui aurait pour mission la
conservation et la gestion du site ; elle ferait office de « gardienne
du site ». Cette structure devrait disposer d'un règlement
intérieur et d'un budget régulier.
- la plan ification de la gestion grâce
à un plan de gestion conformément aux recommandations du
Comité du Patrimoine Mondial qui insiste de plus en plus sur ce volet.
Le plan de gestion du Ksar Aït Ben Haddou est en cours
d'élaboration par un groupe de travail, mais il n'est pas prêt
d'être finalisé à cause de l'irrégularité des
travaux du groupe en question et des difficultés liées à
la budgétisation du plan.
- la recherche, l'étude et l'expertise
grâce à l'accueil systématique des experts, et
l'hébergement (souvent) des chercheurs dont les travaux profitent
largement au site en termes de techniques de sauvegarde, de moyens de
réhabilitation et de gestion. Le CERKAS, lui-même, a
développé seul ou en partenariat des recherches dont la plus
récente est celle qui porte sur la situation foncière du ksar, et
qui demeure l'un des volets épineux de toute démarche de
sauvegarde et de réhabilitation.
- le développement du statut du CERKAS et le
renforcement de ses capacités en le dotant d'un statut légal
approprié à sa fonction, c'est-à-dire le statut de
SEGMA (voir section 2.3. du chapitre 2 de la Deuxième
Partie).
- la mise en oeuvre des mesures de protection à
l'image du Plan de Développement et d'Aménagement Rural
de la commune rurale d'Aït Zineb (PDAR) et du texte de classement du
site dont la procédure avait été entamée en 1994 et
relancée en 2001 par le CERKAS et qui a abouti en 2004.
La synthèse de la démarche future à
entreprendre vis-à-vis du ksar est illustrée par un tableau
synthétique ci-après (fig. 14), préparé
par le CERKAS.
Tout compte fait, le CERKAS semble en phase avec les
nouvelles
recommandations du Comité du patrimoine mondial
formulées à la suite d'une mission d'expertise menée par
Jean-Louis Michon en juillet 2000, sauf sur un point auquel le Maroc n'est pas
favorable : l'inscription du Ksar Aït Ben Haddou sur la Liste du
Patrimoine Mondial en péril.
Fig.14
1.3. L'inscription du Ksar sur la liste du patrimoine
mondial en péril
La mission d'expertise effectuée par Jean-Louis
Michon (du 17 au 30 juillet) fut
d'un apport considérable, étant donné que
celle-ci a été menée par un expert qui connaît bien
la région (compte tenu des ses missions antérieures) et
parfaitement le site
(il lui revient le mérite d'inscrire le ksar sur la
liste du patrimoine mondial)1. Il a mené une
opération similaire sur le Fort Bahla au Sultanat d'Oman (inscrit sur la
Liste en 1987 et sur la liste du patrimoine en péril en 1988 et
retiré de cette liste en 2004).
La 24ème session du Comité du
Patrimoine Mondial tenue à Cairns en Australie (29 novembre-2
décembre 2000) avait tenu compte des recommandations de l'expert et
formulé son souhait que le ksar soit inscrit sur la liste du patrimoine
en péril. Et depuis, le Comité ne cesse de réitérer
cette recommandation lors des sessions ultérieures, et envisage
l'inscription d'office sur la liste en question si le Maroc n'assure pas la
sauvegarde de ce site dans les délais impartis.
La position du Maroc est défavorable à cette
initiative, malgré les bénéfices qui pourraient être
tirés de cette mesure, grâce à la mobilisation
internationale des fonds nécessaires et l'assistance technique fournie
par l'UNESCO, conformément aux Orientations (WHC.99/2 ;
Chapitre III/ §§. 80-93).
Depuis 2000, le Maroc maintient sa position alors que la
dégradation du ksar continue et s'accentue, et aucune mesure
sérieuse ou concrète n'a été entreprise.
Il semble que le Maroc craint soit la perte de la
notoriété du ksar et les potentialités touristiques qu'il
détient, soit la remise en cause de son système de gestion de son
patrimoine culturel et notamment les sites proposés pour inscription sur
la Liste du patrimoine mondial (liste indicative).
En fait, cette mesure ne comporte aucun préjudice
moral au Maroc quant à sa gestion de la chose patrimoniale ; au
contraire, elle semble porteuse d'espoir pour le ksar des Aït Ben
Haddou.
Au-delà du soutien financier et l'assistance fournie
par l'Unesco, qui découlent de l'inscription sur la liste du patrimoine
en péril, le ksar attirerait l'attention de la communauté
internationale, et une sensibilisation de grande envergure serait
enclenchée auprès de la population et les pouvoirs publics.
Les annales de l'Unesco témoignent d'une série
d'expériences réussies où, grâce à
l'inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril, des sites ont
été sauvés et
1 Architecte, titulaire d'un Doctorat en Etudes
islamiques, ancien conseiller technique principal des projets : «
Préservation des Arts traditionnels » (MOR/71/009) et «
Inventorisation du patrimoine culturel » (MOR 74/005)
réalisées de 1972 à 1977 dans le cadre d'une
coopération PNUD/UNESCO /Ministère des Affaires Culturelles du
Maroc. Consultant du PNUD/Unesco en déc. 1986 pour la création du
CERKAS à Ouarzazate, puis en déc. 1989 et mars 1990 pour le
lancement de premières opérations de sauvegarde des kasbas du
Sud, dont le ksar des Aït Ben Haddou.
préservés à l'image de la vieille
Ville de Dubrovnik en Croatie (la perle de l'Adriatique)
et les
Mines de sel de Wieliszka en Pologne entre
autres1. Plusieurs sites sont systématiquement
retirés de cette liste après que les facteurs de
dégradation soient
neutralisés, et les gestionnaires aient fait preuve de
bonne gestion2.
Le Maroc est entrain de manquer l'occasion de préserver
le site du Ksar Aït
Ben Haddou qui risque, faute d'une telle
mobilisation et d'une politique sérieuse, de perdre les valeurs pour
lesquelles il a été classé patrimoine mondial, et de se
faire retirer de la Liste de l'Unesco.
1.4. Le renforcement des capacités des acteurs
bocaux
Une approche intégrée de sauvegarde du ksar des
Aït Ben Haddou fait appel
nécessairement à un renforcement des
capacités des acteurs locaux dont dépend la gestion et le devenir
du ksar. Cette démarche consisterait à développer
plusieurs axes d'intervention, au regard du déficit constaté et
des besoins de la population :
- le travail de proximité à travers des formations
qualifiantes en faveur des associations locales ;
- une mise à niveau des cadres techniques des services
concernés ;
- des formations cycliques appliquées à
l'attention des élus locaux pour une meilleure gestion de leur
territoire communal ;
- un encadrement et un accompagnement techniques dans la
formation, la mise en oeuvre et le suivi des actions de sauvegarde.
Le CERKAS, compte tenu de ses missions, est appelé
à jouer un rôle actif dans cette dynamique, en matière
d'encadrement et d'accompagnement, si les moyens, les ressources humaines et
les capacités de financement et de coopération requis
étaient engagés.
Il se trouve que le CERKAS est confronté lui-même
à cette situation, en ce sens qu'il est appelé également
à développer ses propres capacités en matière de
:
- Recrutement du personnel en termes d'effectifs et de
qualité ;
- Formation des ses cadres sur les techniques de conservation
intégrée et de gestion des sites du patrimoine mondial. Elle est
assurée par l'UNESCO (Centre du
1 Parfois, la simple perspective de classement d'un site
s'avère souvent efficace et peut inciter à des mesures de
conservation rapides. L'exemple des îles Galápagos en Equateur est
devenu un modèle à suivre.
2 Curieusement, certains sites figurent toujours sur la
liste du patrimoine mondial en péril et ce, depuis les années
1980, à l'image de la ville Sainte de Jérusalem (1982) , la zone
archéologique de Chan Chan au Pérou (1986) et les Palais Royaux
d'Abomey au Bénin (1985).
Patrimoine Mondial), l'ICCROM (programme ITUC) et
l'institut CRATerre-EAG de Grenoble ;
- coopération avec les organismes gouvernementaux
(UNESCO, PNUD, UE) et les ONG (ICOMOS) ; ainsi que les
organismes nationaux tels que le LPEE (Laboratoire public d'essai et
d'études), l'INSAP (Institut national des sciences de
l'archéologie et du patrimoine) et l'Institut terre de Marrakech.
- intégration aux programmes mondiaux (MAB, PACT
de l'UNESCO) et/ou régionaux (MEDA/ Euromed Haritage, NAMEC,
ITUC).
1.5. Les atouts du programmes Réserve de
Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM)
En 1995, l'Unesco avait lancé un programme scientifique
sur l'Homme et la
Biosphère (Man and Biosphere/ MAB-UNESCO) tel
que libellé par la Stratégie de Séville.
Le Maroc a intégré cette stratégie en
développant son propre programme : la Réserve de
Biosphère des Oasis du Sud Marocain (RBOSM). Celui-ci
jugé en phase avec les principes du MAB a été
agréé par l'UNESCO en novembre 2000.
L'octroi du label de l'UNESCO aux oasis du sud marocain est
une reconnaissance non seulement des valeurs de biodiversité et
géodiversité qu'elles recèlent, mais également des
valeurs d'une « une civilisation millénaire de l'aride qui
possède encore un savoir-faire parfaitement en phase avec les normes
(dites aujourd'hui), de
développement durable »1.
Les systèmes de production oasiens ont permis aux
populations locales de se
maintenir, voire de s'épanouir, dans des milieux
naturels extrêmement fragiles2.
Les systèmes de gestion traditionnelle des ressources
vont de pair avec les structures sociales et culturelles fondées sur une
solidarité communautaire qui a su développer une exploitation
rationnelle des ressources notamment en eau (Khettaras).
C'est dans cet esprit que le programme RBOSM vise - outre le
maintien de l'équilibre entre la population et leur cadre de vie -
à assister les populations à se prendre en charge, à
veiller à ce que les décisions soient consensuelles et les
responsabilités de gestion impliquent la participation de tous les
acteurs concernés et à
tous les niveaux3.
1 S.M. « La Réserve de Biosphère des
Oasis du Sud Marocain : un label de sérieux », in Maroc Hebdo
International, N°481- du 12 au 18 octobre 2001 (p.24)
2 ibid.
3 ibid.
Le Programme RBOSM s'étend sur une aire
géographique qui englobe 3 provinces : Errachidia, Zagora et Ouarzazate.
Celle-ci est amenée à tirer profit de ce programme qui
présente également des préoccupations convergeant avec
celles de la sauvegarde du patrimoine bâti. Malheureusement, ces
préoccupations n'intègrent pas, pour le moment, le site du
Ksar Aït Ben Haddou.
Ce ksar ainsi que son environnement (la vallée de
l'Ounila) gagnerait énormément à
être intégré et approché par le
programme RBOSM dont les perspectives et les atouts se
révèlent très prometteuses.
1.6. L'approche participative : Les promesses de l'Agenda
21 local (le Pacte de sauve garde)
L'approche Agenda 21 local est issue du document «Agenda
21», un plan
d'action adopté lors de la conférence des
Nations unies sur l'Environnement et le Développement (Sommet de la
terre de Rio, 1992).
Il s'agit d'un programme d'actions, définissant les
objectifs et les moyens de mise en oeuvre du développement durable du
territoire. Il est élaboré par la mise en cohérence des
objectifs de la collectivité, en concertation avec l'ensemble des
acteurs socio-économiques. C'est un processus basé sur un
diagnostic, qui va permettre d'établir un programme,
évalué périodiquement et réorienté en
fonction de l'évolution
du contexte1.
Au Maroc, les agendas 21 ont été lancés
en 2001, avec le soutien financier du Département chargé de
l'aménagement du Territoire, de l'Eau et de l'Environnement et le PNUD,
à travers trois expériences pilotes dans les villes d'Agadir, de
Marrakech, et de Meknès.
Il s'agissait dans une première phase d'évaluer
les impacts pour ensuite les généraliser. La mise en place de ces
agendas 21 pilotes est née de la volonté de l'administration
marocaine de développer de nouveaux outils de développement
fondés sur une démarche transversale et sur une concertation des
acteurs sociaux, économiques et politiques : administrations,
universités, opérateurs économiques, élus et
société civile, etc.
Des ateliers Agenda 21 locaux ont été tenus
avec les principales parties prenantes. Ces ateliers ont permis un
étalage public des problèmes que doivent
1 Hassan Alaoui, « Agenda 21 : Maroc aux villes propres
ou le pari du futur », in Le Matin du Sahara (édition
électronique du 14 janvier 2003).
affronter les villes d'Agadir, Marrakech et Meknès et
ont permis d'identifier des axes de développement prioritaires.
Le cas de Marrakech fut particulièrement
éloquent. Cité millénaire, inscrite sur la liste du
patrimoine mondial (au même titre que Meknès), à forte
attraction touristique (la première à l'échelle
marocaine), elle a donné naissance - dans la dynamique de son agenda 21-
à un Pacte urbain. Celui-ci a permis d'établir un plan
d'action concerté et coordonné avec les parties prenantes qui
porte sur 3 axes prioritaires : la gestion durable des ressources en eau, la
sauvegarde du patrimoine et la promotion du tourisme, et l'accès aux
services urbains et d'intégration sociale.
Des programmes de formation des élus et des corps
techniques des municipalités ont été lancés au
niveau de Meknès et Marrakech. Ils se focalisent en outre sur les
particularités des approches partenariales et sur les
caractéristiques du montage et de la gestion de projets.
Le succès des trois premières expériences
a inspiré d'autres administrations régionales et locales dont la
Région de Tensift-Haouz, la ville d'Essaouira (inscrite sur la liste du
patrimoine mondial également) et plus particulièrement le site du
Ksar Aït Ben Haddou.
C'est sous l'égide du PNUD, l'UNESCO, le
Ministère de la Culture, du Ministère de l'Aménagement du
Territoire et l'autorité provinciale de Ouarzazate que se sont tenus les
29 et 30 novembre 2003 (à Ouarzazate) les ateliers de consultations
locales pour la sauvegarde et la réhabilitation du Ksar Aït Ben
Haddou. Le but de ces ateliers était d'inscrire le ksar dans une
dynamique économique et sociale locale qui soit gouvernée par la
nécessité de mener une nouvelle démarche de sauvegarde et
de réhabilitation fondée sur la consultation et la concertation
des acteurs locaux (aussi bien effectifs que potentiels).
Ces consultations étaient fondées sur un
diagnostic établi par un Bureau
d'études1, qui a servi de document
de base aux différents ateliers consacrés à « La
promotion du tourisme au service de la sauvegarde du patrimoine » et
à « L'accès aux services de base et intégration
sociale ».
Le but recherché est de dégager les tendances
prioritaires de développement local rapportées au patrimoine,
tout en clarifiant le lien entre culture et développement durable.
L'objectif visé est de déboucher sur un cadre d'intervention
consensuel responsabilisant l'ensemble des acteurs locaux.
1 Profil environnemental du ksar Aït ben Haddou,
Rapport inédit établi par Fath Allah Debbi, Rabat
(2003)
L'organisation des débats était conduite de
manière interactive, dans l'esprit du brainstorming. Plusieurs
thématiques se sont dégagées de ces consultations et
devaient aboutir à des actions fructueuses : notamment en matière
de sauvegarde (Pacte de sauve garde) de gestion planifiée
(Plan de gestion), de classement du site sur le plan national, et
d'intégration aux Programmes en cours (le RBOSM notamment), etc.
1.7. Les perspectives du programme PACT de l'UNESCO
Le programme PACT (Partnership for Conservation Initiative)
ou Initiative de
partenariats pour la conservation lancé par
l'UNESCO à la fin de 2002 (la Déclaration de Budapest) est une
approche fondée sur l'identification de solutions de conservation d'une
façon durable. Il a été conçu spécialement
pour les sites du patrimoine mondial.
Il consiste à constituer et animer un réseau
d'entreprises, de fondations, d'institutions de recherche et de conservation,
et de structures médiatiques, ayant la volonté de contribuer
à la mise en oeuvre de la Convention de l'Unesco de 1972. Il revient au
Comité du Patrimoine Mondial d'identifier les sites prioritaires qui
devraient bénéficier de ce programme.
Le PACT a un double objectif :
- développer la sensibilité des populations au
patrimoine mondial et mieux faire connaître les sites;
- mobiliser les ressources durables pour une conservation
du patrimoine mondial à long terme, en accord avec les besoins et les
problématiques identifiés par le Comité du patrimoine
mondial.
Reconnaissant que les partenariats sont des instruments qui
doivent être créés entre des membres à la poursuite
d'objectifs communs. Le PACT du patrimoine mondial s'articule autour
de principes clé :
- Objectifs communs et partagés ;
- la transparence ;
- Le traitement équitable de chaque partenaire
;
- des avantages pour tous et un respect réciproque
;
- la responsabilité des parties;
- une représentation équilibrée des
partenaires issus des pays développés, en développement,
et dont l'économie est en transition;
- maintien de l'indépendance et de la
neutralité des systèmes des Nations Unies.
|
La Déclaration de Budapest relative au PACT du patrimoine
mondial (2002) a mis en place un cadre stratégique pour le
développement des partenaires, et a invité tous
les partenaires pouvant contribuer à préserver le
patrimoine mondial et promouvoir les objectifs suivants :
a. renforcer la crédibilité de la Liste du
patrimoine mondial ;
b. assurer la conservation efficace des biens du patrimoine
mondial ;
c. promouvoir la mise en place des mesures assurant le
développement des capacités, pour favoriser la
compréhension et la mise en oeuvre de la Convention de 1972 et les
instruments associés ;
d. accroître la sensibilité et
développer la communication avec le public et encourager son engagement
en faveur du patrimoine mondial.
|
Les champs d'action du PACT sont divers. Outre la
priorité accordée aux sites déjà inscrits sur la
liste du patrimoine en péril, une série d'initiatives
thématiques et régionales a été
développée pour mettre en oeuvre les actions prioritaires.
Celles-ci portent sur : le tourisme durable, les forêts, les villes,
l'architecture en terre, et les sites marins.
En parallèle, l'UNESCO a procédé grâce
à une diffusion -via Internet- par présenter le programme
PACT à travers 6 cas pratiques jugés réussis :
1. Parc marin du récif de Tubbataha (Philippines ;
1993)
2. Littoral du Dorset et de l'est du Devon (Royaume Uni ;
2001)
3. Parc national de Tongariro (Nouvelle Zélande ;
1990-1993)
4. Sian Ka'an (Mexique ; 1987)
5. Les îles Galápagos (Equateur ; 1
978-2001)
6. Le Park National de Ujung Kulon (Indonésie ;
1991)1
Ces cas sont présentés selon un schéma
standard (en 5 volets) et ne concernent que des sites naturels.
Néanmoins ces modèles pourraient servir d'outils
méthodologiques, pour les sites culturels. Il revient aux gestionnaires
d'adapter ces démarches à leur contexte et aux
spécificités de leurs sites, à l'image du Ksar
Aït Ben Haddou qui est l'un des sites les plus menacés et les
plus fragiles du patrimoine mondial.
Il semble qu'il est temps pour les gestionnaires du ksar de
s'inspirer de ces modèles
et d'intégrer le site dans le programme en question, du
fait que le ksar est concerné directement par les objectifs
stratégiques du PACT et par l'une de ses thématiques
majeures (l'architecture en terre).
1 La diffusion de ces modèles de PACT est en langue
anglaise, ce qui limite sa portée d'information.
Le partenariat est devenu un outil incontournable, pour la
sauvegarde du village communautaire des Aït Ben Haddou, d'autant
plus que cet axe s'inscrit dans le prolongement des valeurs communautaires
fondées sur la solidarité ; une valeur consacrée depuis de
longs siècles.
1.7. La mise en oeuvre des mesures de protection : le
classement
La protection juridique du site du Ksar Aït Ben Haddou
est une composante de
première importance pour la sauvegarde du village.
Le texte de classement est venu enfin en 2004 de se greffer au
système de protection du patrimoine national (loi n°22-80) et au
processus de sauvegarde du site enclenché depuis 1953 en vertu de
l'arrêté viziriel portant classement des
vallées des Oasis (B.O. n°2125 du 7 juillet 1953- p. 983).
Cependant, ce texte de classement n'a pratiquement jamais été
appliqué en faveur du ksar, et tendait à tomber en
désuétude, d'autant plus qu'il avait une portée
géographique assez importante.
En 2001, deux documents urbains ont été
approuvés et homologués par l'autorité chargée de
l'urbanisme et l'aménagement du Territoire : le Schéma Directeur
du Grand Ouarzazate (SDAU) et le Plan de développement et
d'aménagement de la Commune rurale d'A ït Zineb
(PDAR).
Bien que ces deux documents tiennent compte respectivement du
patrimoine architectural à l'échelle de la Province, et du ksar
des Aït Ben Haddou à l'échelle de la commune, ils
se sont révélés sans effet réel sur la sauvegarde
du site, étant donné que le premier a une portée
générale et le second a une portée limitée. Il est
vrai qu'il s'agit d'instruments de planification en matière
d'aménagement et de l'occupation du sol, mais qui sont dépourvus
d'éléments contraignants. Plusieurs infractions au PDAR
ont été constatées, et l'intégrité du
site risquait d'être altérée irréversiblement.
La procédure de classement avait été
entamée en 1994, mais n'a pu aboutir à cause de la lenteur de la
procédure et de la complexité du statut foncier du ksar.
Conformément à la réglementation en vigueur, la demande de
classement doit émaner du propriétaire du bien, de
l'autorité de tutelle, ou d'une association reconnue d'utilité
publique. Le classement du ksar était confronté à la
diversité des propriétaires donc à une
variété de régimes de propriété.
La procédure fut relancée en 2001 grâce
à l'effort du CERKAS et la volonté sérieuse des
collectivités locales et l'autorité de tutelle (Ministère
de l'Intérieur).
En conséquence, le Ministère de la Culture est
de droit engagé dans l'action de protection du site du ksar (avant, le
ministère était en situation de fait). Tout aménagement,
modification, construction nouvelle ou installation est en vertu du texte de
classement, subordonné à l'avis favorable de l'inspection
régionale des sites et
monuments (Marrakech), et éventuellement du CERKAS.
Et toute infraction à l'arrêté de classement sera
passible de sanction prévue par la loi n°22-80 relative à la
conservation du patrimoine mobilier et immobilier (Titre VIII, sections 1 et
2), et la loi 12-90 relative à l'urbanisme.
Le texte de classement prévoit non seulement la
protection du ksar mais également ses abords et fixe un zone tampon,
ainsi que des servitudes (non aedificandi et non altius tolendi).
Celles-ci ont été déjà fixées dans le
PDAR (document graphique), et les auteurs du texte de classement ont
dû les maintenir pour leur pertinence et leur
adéquation avec le contexte (voir plan
ci-dessous)1
Cependant, le classement n'offre pas beaucoup de garanties en
faveur du ksar. Il s'agit d'un instrument de protection juridique dont le
détenteur (ministère de la culture en l'occurrence) n'exerce
aucun pouvoir de police sur les sites classés. Il s'agit à la
limite d'un instrument normatif auquel les autorités et la population
sont censées s'y référer le cas échéant.
Par ailleurs, ce classement risque de figer la dynamique
économique du ksar, dont les propriétaires vont se retrouver
devant la contrainte de respecter les normes de construction (modèles et
matériaux) et en face d'un instrument juridique contraignant dont les
effets échappent à leur perception. D'autant plus que la
réglementation en matière de classement n'offre aucune mesure
d'incitation pour les propriétaires désireux d'effectuer des
travaux d'amélioration de leur cadre bâti (exonération ou
allégement fiscal). L'administration de tutelle détient
même le droit d'exécuter d'office des travaux qu'elle juge utiles
à la sauvegarde des bâtisses (loi n°22-80 ; art. 25).
D'autre part, associé à la réglementation
en vigueur (loi n°22-80 ; art.26), le classement du ksar en question
consacre la règle du Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle
administrative des collectivités ethniques et réglementant la
gestion et l'aliénation des biens collectifs qui dispose que les
biens collectifs sont inaliénables et imprescriptibles.
Il est évident que le texte ne classement ne garantit
pas pleinement le respect de la réglementation en vigueur. Il y a un
effort énorme à fournir auprès de la population et les
acteurs locaux dont dépend l'avenir du ksar. A ce titre, le CERKAS
est surtout appelé à mener une action de diffusion de ce
texte à tous les niveaux en soulignant les enjeux de sa mise en oeuvre
et en gardant le sens de l'écoute auprès de la population. Sans
cette approche, toute action de sauvegarde et surtout de réhabilitation
serait vaine et inconséquente.
1 Le texte de classement existe actuellement en arabe. La
version française n'est pas encore publiée.
Chapitre 2. La démarche de réhabilitation
|
La réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou
consiste à repérer les pistes et la mise
en oeuvre des mécanismes de sa mise en valeur, et
à inscrire l'ensemble dans une perspective de rentabilité sociale
et économique en essayant de concilier d'une part les valeurs
internationales (Convention de 1972, Charte de Venise, etc.) avec les
attentes de la population locale, et d'autre part l'éthique de
sauvegarde avec les impératifs de développement local.
La réhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou
se veut d'abord une vocation sociale, et passe forcément par
l'élément de reconnaissance en tant que patrimoine mondial. La
reconnaissance du patrimoine s'effectue à deux niveau : d'une part au
sein des détenteurs du bien patrimonial et des gens qui en exerce le
droit de jouissance (population, usagers, touristes, etc.) ; d'autre part, au
sein des autorités et des organisations.
Il est évident que les propriétaires
légitimes du ksar se reconnaissent dans leur village (sentiment
d'appartenance, d'appropriation et d'héritage). Mais il n'est pas
certain qu'ils sachent tous que leurs biens font partie d'un patrimoine
universel. Car même le logo du patrimoine mondial ne figure pas sur le
site. Ce qui rend la reconnaissance du bien en tant que patrimoine mondial
moins évidente également par les visiteurs.
La réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou
est une démarche assez compliquée, dans la mesure où
il y a d'abord une approche à adopter auprès de la population
(qui a abandonné son village), avant de procéder à la mise
en valeur du ksar par l'amélioration des conditions de vie, et la
création d'une nouvelle dynamique au sein de l'ensemble.
2.1. La valorisation du site
2.1.1. Sensibilisation et promotion
La valorisation - élément de transition à
la réhabilitation - s'inscrit dans la
continuité du thème de la conservation. Lorsque
les gens accordent un intérêt à un élément
patrimoine, ils développent généralement des comportements
respectant son
existence1. D'où, la
nécessité de mener une politique de vulgarisation à tous
les niveaux dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou afin que toute
action dans le site soit soutenue et
1 Pierre De Maret (dir.), Plan de sauvegarde du patrimoine
de l'Afrique francophone, ULB, 1997, (p.96)
permanente et moins onéreuse. La valorisation dans
notre cas doit s'adresser à deux publics :
Le premier est la population locale. Partant du fait que
l'intérêt est porté par les gens à leur patrimoine
local plutôt qu'à un patrimoine lointain ou qu'il ne connaissent
pas. La population du site du Ksar Ben Haddou s'identifient par
rapport à leur village ancien : il constitue non seulement leur
héritage, mais également leur identité. Ce sentiment est
très remarqué chez les adultes ; c'est donc au niveau du jeune
public qu'il faut mener l'action de valorisation. Sensibiliser les personnes en
âge de scolarité est une action prioritaire car il s'agit de la
meilleure manière d'assurer la préservation du ksar à long
terme et renforcer l'intérêt des générations futures
pour sa gestion au niveau local.
Malheureusement, il y a une seule école sur le site
(situé dans le village issiwid) ; elle sera amenée à
devenir une interface entre les jeunes écoliers et leur patrimoine, qui
risque d'échapper à leur appréhension du fait que la jeune
génération n'a pas vécu dans le ksar. Les locaux de
l'école sont susceptibles d'être des supports pédagogiques
: il convient ici d'enrichir ces locaux par des photographies et des peintures
sur mur, pour illustrer le capital culturel du ksar et de son environnement.
Les acteurs culturels sont amenés à jouer le rôle
d'animateur ou de médiateur au sein de l'école. En
parallèle, il y a un travail similaire à fournir au niveau des
établissements scolaires (collèges, collèges) dans
lesquels les enfants du village poursuivent leur scolarité. Les acteurs
culturels (l'administration chargée des affaires culturelles notamment)
sont invités à travailler dans ce sens conjointement avec
l'administration provinciale chargée de l'éducation et la
jeunesse.
Quant au second public, il s'agit des gens étrangers au
site : qu'ils soient des nationaux de proximité, originaires d'autres
localités ou de visiteurs étrangers au pays ; et d'autre part,
des acteurs institutionnels (à l'échelle provinciale,
régionale ou nationale). Il y a tout un effort à fournir en
matière de valorisation et de promotion à ce niveau. Il est
paradoxal que le site du ksar soit valorisé par les instances
internationales (à l'image de l'Unesco et du PNUD) et ne le soit pas au
niveau national. Il est à rappeler que l'inscription sur la liste du
patrimoine mondial engage l'Etat marocain et non seulement un
département ministériel (le ministère de la Culture en
l'occurrence).
Le label Patrimoine Mondial et son logo doivent tout
au moins figurer sur le site (par exemple par le biais d'une bannière ou
d'une enseigne appropriée ; un concours entre artistes devrait
être lancé à ce titre), ainsi que sur les panneaux de
signalisation ou de balisage qui indiquent le chemin du ksar pour assurer une
meilleure lisibilité et visibilité du site. Des slogans peuvent
également figurer sur le site et sur tous les supports
pédagogiques ou d'informations et de promotion concernant le site. Le
message doit avoir une forte teneur en sensibilisation à
un patrimoine fragile. Un slogan du genre : Héritage
partagé, responsabilité commune revient souvent
dans la littérature de l'Unesco1.
Par ailleurs, il y a plusieurs pistes potentielles à
exploiter, notamment les médias (les chaînes de
télévision, les stations de radiodiffusion, la presse
écrite, etc.) l'administration postale (émission de timbres
poste), les télécommunications (émission de cartes
téléphonique illustrant les potentialités culturelles,
architecturales et
paysagères du site)2.
Photo. 10- l'un des rares panneaux d'indication du Ksar
Aït Ben Haddou (cliché: Luc Fougere)
1 Ce slogan fut, à l'occasion de la
célébration du 30 ème anniversaire de la Convention de
1972, l'intitulé du Congrès international organisé par le
Centre du Patrimoine Mondial et le Bureau régional pour la Science en
Europe ( Venise, du14 au 16 novembre 2002).
2 La Deuxième chaîne marocaine 2M -
émise sur satellite- lance souvent un spot de promotion d'un paysage
architectural d'une vallée verdoyante et d'un ensemble architectural en
terre filmé en plongée très réussie.
L'opérateur marocain des télécommunications Maroc Telecom
avait émis récemment une carte téléphonique
illustrant la ville d'Essaouira, Marrakech, et un paysage ksourien de la
vallée du Draa, il convient également que le ksar des Aït
ben Haddou soit représenté dans une carte similaire à un
prix abordable (10 dhs=1Euro ou 18 dhs) ou étendre l'émission
à toute la gamme tarifaire pour assurer une large diffusion.
L'administration postale marocaine Barid Al-maghrib émet souvent des
timbres en série limitée des monuments connus du Maroc et de
certains paysages, il est peut-être temps qu'elle s'intéresse au
paysage ksourien des vallées à l'image du Ksar Aït Ben
Haddou et procéder à de larges émissions de
timbre.
Fig. 15 - exemple de carte téléphonique
illustrant
un paysage ksourien de la vallée du Draa
2.1.2. Les vecteurs in situ de
médiation
La promotion des potentialités du site du Ksar
Aït Ben Haddou est susceptible de
drainer davantage de visiteurs pour lesquels il faut non
seulement assurer l'accueil dans de bonnes conditions, mais également
une bonne communication des valeurs du site.
a. écomusée ou musée communautaire
?
Certains y voient la pertinence de créer un
écomusée au niveau du ksar1. A ce titre,
la structure muséale parait la formule la plus
sollicitée, pour créer une dynamique de communication, car elle
revient souvent dans la littérature relative à la valorisation
des sites culturels. Entre musée classique (archéologique,
muséographique, thématique, etc.) et musée de
reconstitution, l'écomusée est le modèle qui a plus de
notoriété, car le plus théorisé et le plus
adapté à des contextes socioculturels, géographiques,
et
écologiques extrêmement
variés2.
Inspirés des musées communautaires, ou une
simple dérivée de ceux-ci, l'écomusée a acquit ses
titres de noblesse grâce à l'apport de Georges-Henri
Rivière (premier directeur de l'ICOM en 1946), et à la
dimension sociale qu'il se veut porteur pour la communauté
détentrice des valeurs patrimoniales, à travers les
expériences menées dans différentes régions du
monde.
L'écomusée, selon les termes de G-H.
Rivière, est « un instrument qu'un pouvoir et une
population con çoivent, fabriquent et exploitent ensemble. Ce pouvoir,
avec les experts, les facilités, les ressources qu'il fournit. Cette
population, selon ses aspirations, ses savoirs, ses facultés
d'approche.
Un miroir où cette population se regarde, pour s'y
reconnaître, où elle recherche l'explication du territoire auquel
elle est attachée, jointe à celle des populations qui l'ont
précédée, dans la discontinuité ou la
continuité des générations. Un miroir que
1 F. DeMicheli, op. cit., p.
2 André Desvallées, «Novelle
muséologie», in Encyclopaedia Universalis, ed. 1998
(p.922)
cette population tend à ses hôtes, pour s'en
faire mieux comprendre, dans le respect de
son travail, de ses comportements, de son intimité
»1.
Il serait à la fois une interprétation de
l'espace, un laboratoire de recherches
pluridisciplinaires, un conservatoire, et une
école2.
Ce type de << musée » devrait être
dirigé par un conseil d'administration comprenant des
représentants de trois collèges : celui des usagers, celui des
scientifique et celui des gestionnaires. Il revient à cette structure
d'établir un statut adapté au contexte du site et à ses
occupants, soulignant son mode de fonctionnement.
Dans une telle démarche, il ne s'agit pas de <<
délivrer un message universel à un public
indéterminé, mais de mettre la population en contact avec ses
propres
valeurs »3.
Il faut reconnaître que cette démarche n'est pas
du tout facile, vu les enjeux importants qui pèsent sur l'environnement
du ksar des Aït Ben Haddou sur le plan social, culturel et
économique. En outre, l'expérience des écomusées ou
des musées communautaires au Maroc est assez récente, et n'a pas
encore révélé ses éléments de
réussite ou d'échec.
Les premiers sont liés surtout à des sites
naturels ou à des aires protégées et se prêtent
à confusion avec les musées de plein air. Quant aux seconds, les
musées communautaires, on ne dispose à l'heure actuelle qu'une
seule expérience : celle du village des Aït Iktel dans le
Haut-Atlas menée par l'anthropologue marocain: Ali
Amahan4.
b. les maisons thématiques
Dans cette dynamique, la population est appelée à
créer en concertation, des
structures révélatrices des valeurs
(intrinsèques et extrinsèques) du site en rappelant la fonction
majeure et originelle du ksar : l'habitat. Ainsi, des structures d'animation
devraient se décliner en plusieurs formes de désignations selon
qu'il s'agisse d'habitat (Maison des Aït Ben Haddou, des Aït
Aïssa, des Aït Bahaddou, des Aït Lahçaïne, des
Aït Ou Gourram, des Aït Ali Ou H'mad, des Aït Saïd,
entre autres),
1 (( Images de l'écomusée », in
Muséum, n°148, 1985, cité par J-P Laurent.
2 ibid
3 Marc Alain Maure (1976), cité par A.
Desvallées, op. cit., p. 922
4 Mr. Amahan est vice-président de l'ICOM-Maroc et
inspecteur au Ministère de la Culture ; son expérience est
décrite dans : Ali Amahan, (( Développement : un modèle de
musée communautaire dans un village du Haut-Atlas », in Les
musées : construire les communautés, Acte de la
Journée internationale des musées (18 avril 2001) et
également A. Amahan, La face humaine de la pauvreté, Document
présenté dans le Mediterranean Development Forum, 3-6 Sept. 1998.
(les deux documents sont diffusés sur Internet).
d'ateliers de tissage (Maison de tissage), ou de salle
d'exposition filmographique du site (Maison de Cinéma), etc.
c.
le centre d'interprétation1
Il s'agit d'une structure destinée à «
fournir au public l'information qu'il désire sur le site qu'il visite,
à lui donner des points de repère et des clés de lecture
lui
permettant de restituer par la pensée les
fonctions disparues »2.
Les centres d'interprétation sont nés en
Amérique du Nord, dans le but de pallier le manque d'objets originaux ou
d'animer des parcours de parc naturels. Par la suite, ces centres se sont
retrouvés liés directement aux sites archéologiques
notamment en France, et assimilés souvent à des musées de
site (en Espagne où ceux-ci s'intitulent eux même des «
Centres d'interprétation ») où des ensembles
archéologiques et monumentaux qui se rapprochent de la définition
des parc archéologiques (dans les pays scandinaves).
Une panoplie d'outils pédagogiques et d'information est
mise à la disposition des visiteurs : panneaux, photographies,
maquettes, audiovisuels, etc.
Le vocable désignant le centre d'interprétation
-terme générique parait-il- peut se décliner en plusieurs
formes, selon le contexte où l'on se situe, et selon la finalité
de l'action.
Dans le cas du village communautaire des Aït Ben
Haddou, une telle structure semble pertinente dans la mesure où
elle fait défaut et le visiteur se retrouve dans le site sans aucune
information, devant une population en phase de rupture latente avec son
passé, avec ses traditions et avec ses valeurs.
Le choix de l'emplacement de cette entité dépend
du circuit de visite à aménager sur le site. Sa
désignation varierait selon qu'elle va se situer dans la rive
opposée au ksar (Centre d'information) ou dans le ksar lui-même
(Maison d'information). Il convient au CERKAS d'assurer cette tâche par
le biais de l'antenne qu'il envisage installer dans le site, vue
l'expérience qu'il a cumulée dans ce domaine (le cas de la
Qasba de Taourirt à Ouarzazate).
d.
la dynamique scientifique
Dans un chapitre précédent (chapitre 1/ 1.1.a) il
était question de reconsidérer les
valeurs du ksar et d'accompagner l'évolution de ses
valeurs. Il en est ressorti que le ksar, avec les vestiges
révélés à proximité, l'abandon quasi-total
de la fonction
1 Le cours de Mme Myriam Morel-Deledale - lors de son
passage à l'Université Senghor- m'a inspiré ce
modèle de structure de médiation dans le site du Ksar Aït
Ben Haddou, à partir des exemples rencontrés dans le monde (cours
également diffusé sur Internet).
2 Michel Colardelle, « les musées de site :
Recherche, reconstitution, préservation du patrimoine,
aménagement du territoire », Acte de la Rencontre ICMAH,
Thessalonique, 1997 (p.176).
d'habitat, la phase de rupture avec le passé, est dans
un stade assez proche d'un site archéologique de l'habitat
présaharien. D'où, le choix de l'appellation : Site
protoarchéologique.
Les autorités de tutelle sur la recherche
archéologique (Direction du Patrimoine culturel et l'INSAP) sont en
mesure d'établir un programme de recherche étalé sur dix
années à raison d'une mission d'un mois ou plus par année,
ou de deux missions le cas échéant (en Septembre et/ou en
Mai).
Les étudiants de l'INSAP devraient être
intégrés à ce programme étant donné que
chaque année, une mission de fouille est programmée pour eux
(pendant le mois de
mai de chaque année)1.
Ces missions pourraient être cofinancées par des
organismes universitaires nationaux ou étrangers à l'instar des
missions qui sont menées dans différentes régions du
Royaume. Les PROTARSCE financés intégralement par le
Département chargé de la recherche scientifique, offre une
opportunité de financement pour de tels programmes.
Ces missions seront susceptibles d'animer le site et
d'engendrer une dynamique sociale et économique tout autour
(restauration, des centaines de journées de travail, etc.), à
l'image de nombreux villages où des missions similaires sont
menées systématiquement. La population du site est amenée
à découvrir une nouvelle facette des valeurs de leur site, et qui
échappent encore à leur conscience.
2.2. L'approche du CERKAS : la consultation de la
population
Le CERKAS, en effectuant son enquête sur la
situation foncière du ksar en 2001, a
procédé également par la consultation des
propriétaires du ksar pour sonder leur conception et leur position quant
à la réhabilitation de leur village.
Il est ressorti de cette enquête que 64,9 %
d'habitants souhaitent retourner à leur ksar si les conditions de
vie étaient améliorées, alors que les projets à
caractère économique occupent pour eux la deuxième place.
La conversion des maisons en équipements socioculturel ou en lieux
d'hébergement et d'accueil pour les touristes ne les motive pas
tellement (fig. 16).
1 Les étudiants de l'ENA (Ecole nationale
d'architecture) et ceux de l'INAU (Institut National d'aménagement et de
l'urbanisme) peuvent être éventuellement associés à
cette dynamique scientifique.
proposition de réhabilitation
80,00% 60,00% 40,00% 20,00% 0,00%
|
|
habitat équip.socio équipement
culturel touristique
Fig. 16- Fonctions éventuelles des biens aux yeux
des propriétaires (Source : CERKAS)
La vente des biens immobiliers à une catégorie
ethnique étrangère aux lignages originaires du ksar est
considérée, selon leur tradition, comme un péché.
L'importance de la terre comme élément de base dans
l'organisation socio-économique est très manifeste. Il ressort de
l'enquête que les gens sont presque à l'unanimité contre la
vente de leurs biens, et seulement 1,55% y sont favorables. Néanmoins,
ils se déclarent en majorité pour l'exploitation à des
fins personnels (87,71%).
Mais, pour des raisons économiques, on a constaté
qu'une tranche de 7, 01 % des
habitants sont favorables à la location. Cependant,
chez la plupart des personnes consultées, on a noté une certaine
réticence quant à un partenariat particulièrement avec les
organismes privés et les associations (respectivement 7,88% et 18,42%).
En revanche, l'enquête a montré aussi que 31,57% des
propriétaires ne sont pas tout à fait fermés au
partenariat avec l'Etat (fig.17).
50.00% 40.00% 30.00% 20.00% 10.00% 0.00%
Fig. 17- Proposition de réhabilitation : partenariat
(Source : CERKAS)
Toutefois, il convient de signaler qu'une enquête
similaire a été menée en 1991 par Mohamed Aït Hamza
(dans le cadre d'une étude du PNUD - Projet Mor/90/003
2ème
phase)1 ; la position de la population -
à quelques exceptions près - est resté presque la
même : on est contre la vente, et pour l'exploitation directe de son
bien. Par contre, on note une légère évolution par rapport
à la location des locaux : on était largement
1 M. Aït Hamza, op. cit.
contre, au moment de la première enquête. Quant
aux projets d'activités, les gens étaient favorables à un
commerce lié au tourisme, à des activités artisanales. En
outre, on était favorable à l'intervention de l'Etat en
matière de réhabilitation, à la participation des
propriétaires ainsi que l'association locale (Association Aït
Aïssa) dans cette action. Par ailleurs, on était contre
l'intervention des étrangers sauf en qualité
d'associés.
Cependant, force est de signaler également que chez les
propriétaires consultés en 1991, les activités
liées au tourisme (commerce, artisanat, restauration, auberges, loisirs)
étaient de loin les plus dominantes (64,2%). Les équipements
collectifs (four, hammam, école, dispensaire, club) n'étaient
évoqués que par 13,2% des personnes interviewées (il
s'agissait surtout de jeunes hommes instruits et de femmes), et curieusement la
fonction d'habitat n'a été évoquée que par 10,5%.
L'auteur de l'enquête - précisant d'abord que la population
favorable à cette fonction est constituée de ménages
dépassant 12 personnes - avance que le ksar serait un habitat annexe
pour ces ménages qui vivaient dans des maisons en manque d'espace
d'extension.
Tout compte fait, les ksouriens légitimes
envisagent leur retour au ksar à condition
que les problèmes de l'eau, de
l'électricité, du pont soient résolus, et que les
conditions de vie soient améliorées par la promotion des
activités viables.
2.3. Infrastructures et équipements collectifs de
base :
L'amélioration des conditions de vie des habitants
constitue un axe prioritaire dans
la stratégie de sauvegarde et de réhabilitation
du site. Elle repose sur une démarche transversale et multisectorielle
qui doit placer la réhabilitation du ksar dans son environnement le plus
large. Parmi les actions majeures à mener il convient de citer :
2.3.1. La protection des terres agricoles et des berges de
l'Oued el-maleh
Le Cerkas avait mené une action exemplaire mais
qui n'a pas eu de suite.
L'administration des Eaux et Forêts est maintenant
disposée à contribuer au reboisement des abords du ksar (une
centaine d'hectares) si la commune rurale d'Aït Zineb s'engage
à mobiliser les terrains collectifs nécessaires. Cette action
s'inscrit dans le Plan directeur de reboisement (PDR) dont l'objectif porte sur
6 000 ha en 10 ans. Dans ce sens, il y a également lieu de traiter les
bassins versants autour du site : travaux anti-érosion et traitement des
ravins ; le concours de la population est envisagé en compensation
d'insuffisance de fonds.
2.3.2. La gestion de l'eau et l'optimisation de son
usage
Cette action s'opère à deux niveau : l'irrigation
et l'eau potable. La population
est en mesure de participer largement à la gestion de
leur ressource hydrique. En attendant l'alimentation en eau des ménages
par l'ONEP, la population est disposé à s'organiser pour
la gestion de l'eau potable et celle de l'irrigation en s'inspirant des
modèles de gestion communautaires. Cette démarche est d'autant
plus bénéfique qu'il convient d'encourager pour maîtriser
la consommation et la gestion dans le souci optimiser le rapport
coût-consommation dans un environnement où l'eau n'est pas
abondante.
2.3.3. La mise en place d'infrastructures et de service de
base
Elle constitue la démarche la plus problématique
en raison de la diversité des
acteurs et l'interdépendance de certains
éléments d'action. Elle s'articule autour de trois thèmes
majeurs : l'eau/l'assainissement, l'électricité, et le pont sur
fleuve.
a. l'eau/l'assainissement
Dans le cadre du Programme d'approvisionnement groupé
en eau potable des
populations rurales (PAGER), L'O.N.E.P s'est
engagé à élaborer une étude technique pour
l'adduction d'eau potable. Cette étude porte sur l'installation de trois
ou quatre bornes fontaines dans le ksar comme première phase.
Les bornes fontaines sont disposées le long de la rue
principale. Celle-ci présente l'avantage d'une plus grande concentration
des utilisateurs potentiels et correspond aux points les plus bas du ksar.
Inspirée d'un puit traditionnel, chaque fontaine prend une forme
déterminée en fonction de son emplacement et s'intègre
dans son environnement immédiat.
A long terme et en fonction du développement futur du
site l'équipement pourra être généralisé
à l'ensemble des propriétés. Vue la sensibilité des
constructions en terre aux problèmes de l'eau, la conception des
détails techniques et l'étude d'un système
d'assainissement adapté au site doivent être
élaborées par des spécialistes.
Le financement sera assuré par le conseil communal dans
le cadre du projet d'adduction d'eau potable au nouveau village
déjà en cours.
L'assainissement liquide est intimement lié à
l'adduction en eau potable.
Cependant, la pertinence de ce procédé est assez
problématique étant donné le risque que cela comporte pour
les structures fragiles en terre. D'autre part, la réalisation du
réseau d'assainissement relève de la compétence de la
commune, or celle-ci n'est pas équipée pour réaliser ce
projet et assurer la maintenance du réseau.
Dans l'attente de l'élaboration d'une étude
spécifique au site, la réalisation de fosses sceptiques
collectives sera la solution adoptée. Les études techniques
relatives à
cette opération ainsi qu'à celle de
l'évacuation des eaux de pluies seront établies par l'O.N.E.P.
Celles-ci nécessitent des levés topographiques et l'analyse des
débits.
b. l'électricité
L'électrification du ksar ne pose pas de réels
problèmes techniques même par
rapport à la nature des structures bâties. Le
recours au réseau enterré s'est avéré
onéreux et peut être remplacé par un réseau de
câbles protégés et fixés en façades, une
solution largement utilisée dans la restauration des structures
anciennes. Toutefois, cette solution reste cependant subordonnée au
problème du franchissement de l'Oued el-Maleh. On avait
envisagé le recours à l'énergie solaire par l'installation
d'une centrale solaire ou des plaques solaires vu la durée de
solarisation dont profite le site. Cette solution a été
écarté en raison du coût d'investissement (matériel
onéreux) et d'autre part, les panneaux allaient créer un paysage
inadéquat. Il fallait donc intégrer le site dans le Programme
d'électrification rurale généralisé (PERG). En
attendant, Il a été décidé dans un premier temps
qu'un câble électrique aérien relie les deux rives en amont
de l'oued el-Maleh à environ deux cent mètre du site. Le
financement des travaux sera assuré par le conseil provincial. Des
modèles ont été conçus pour la mise en place de
coffrets, de niches pour l'éclairage des ruelles, de luminaires pour
l'éclairage des sabas (passages couverts), de niches pour
projeteurs creusées dans le sol (pour l'éclairage du ksar d'en
bas), ainsi qu'un plan de répartition des points lumineux.
Le réseau électrique - une fois établi -
servira de support auquel va se greffer le réseau de câbles
téléphoniques, pour que le ksar soit en liaison avec le reste du
pays en terme de communication. Ainsi, grâce au branchement aux deux
réseaux, des outils du multimédia peuvent trouver place dans
l'ancien village si des structures d'animations seront éventuellement
mises en place.
c. la liaison par le pont
Il s'agit de la pierre angulaire du projet de
réhabilitation et le thème le plus
débattu de tous. Ainsi, la dimension de l'ouvrage, ses
matériaux, son emplacement, et sa morphologie sont autant
d'éléments d'une extrême importance, auxquels il faut
accorder une grande réflexion et une consultation à tous les
niveaux.
Jusqu'à maintenant, une étude de
faisabilité d'une passerelle franchissant le fleuve a déjà
été réalisée, mais n'a pas encore abouti à
cause du débat.
La dimension du pont dépendra du choix de
l'accessibilité ou non au site par les véhicules. Si on envisage
installer des structures à caractère socioéconomique
(auberges, restaurants, ateliers..) et y stimuler une dynamique
socioéconomique, la réalisation d'un pont carrossable s'impose
d'elle-même. Mais ceci comporte le risque de
dénaturer le site, étant donné qu'on aura
certainement besoin d'une aire de stationnement à proximité du
ksar.
La longueur du pont pose également problème dans
la mesure où on ne s'est pas encore fixé sur l'emplacement de
l'ouvrage, et par ailleurs, cela dépend de la nature de
l'aménagement du site du ksar. Sur ce volet, deux options se sont
présentées:
- un pont de 150 m de long, qui déboucherait sur une des
entrées du ksar, dans le prolongement de la rue commerçante des
vendeurs en bazars du nouveau village;
- une passerelle située vers l'amont, de 70m de long
qui déboucherait à l'arrière du ksar (moins
fréquenté). L'accès au pont est facilité par une
rue verticale à la grande route.
On a tendance à retenir cette dernière option,
en raison de son coût inférieur à la première.
Quant à la nature du pont en termes de conception et de
matériaux, deux options ont opposé deux experts internationaux :
André Stevens (PNUD) et Jean-Louis Michon (UNESCO) :
le premier avait préconisé (1993) une passerelle en
matériaux légers qui « relèverait d'une
création originale en milieu historique, et renforcerait le
caractère
permanent des lieux, en associant
légèreté et technologie du XXIème
siècle1. Le second a proposé que « soit
construit un pont en maçonnerie traditionnelle, inspiré des
ouvrages construits autour de Marrakech par les Almohades, dont le pont sur
le
Tens ift toujours utilisé dans le circuit de la
palmeraie »2
C'est la proposition de Jean-Louis Michon qui a
été retenue, et le pont sera conçu uniquement pour
piétons, montures, et éventuellement pour charrettes
tirées. La réalisation ultérieure d'un pont à
plusieurs kilomètres du site (probablement à Tameddakht)
assurera malgré tout, une liaison commode pour des engins plus
lourds. La conception de l'ouvrage selon les termes retenus a été
confiée à un bureau d'études spécialisé.
Suite à cette décision, deux variantes ont
été dégagées de cette étude :
- la première - élaborée sur la base de
la proposition de l'expert de l'UNESCO- pour une simplicité
d'exécution, propose une ossature qui sera réalisée en
béton armé avec un habillage en pierre.
- La seconde suggère que les éléments
porteurs seront constitués de murs parallèles placés en
retrait par rapport à la dalle pour ne laisser apparaître que le
plan horizontal reliant les deux rives. Les éléments horizontaux
recevront un revêtement en bois, les éléments verticaux un
parement en pierre. Les dalles seront munies des réservations
1 Rapport FMR/CLT/CH/93/202 (PNUD)
2Jean-louis Michon, Rapport de mission, 2000 ( p.8)
nécessaires au passage des câbles
électriques et de téléphone ainsi que les conduites
d'eau.
Le PDAR de la commune d'Aït Zineb (dont fait
partie le site) prévoit l'aménagement d'un radier situé
à l'est du village au débouché de << l'allée
des bazars » par laquelle les visiteurs arrivant de Ouarzazate descendent
vers l'oued pour effectuer << la traversée ». la
présence d'un radier à l'emplacement indiqué a
été fortement déconseillé, car il risque d'amener
des véhicules sur la berge opposée de l'oued, où ils
stationneraient dans un espace qu'on envisage protéger pour
l'intégrité visuelle du ksar.
La question du pont est d'autant plus cruciale qu'il faut la
traiter dans une vision d'ensemble du site où il y a lieu
d'intégrer dans la réhabilitation non seulement le ksar mais
également le nouveau village. A long terme, c'est le pont de
Tameddakht qu'il faut réaliser.
2.3.4. L'installation d'équipement d'accueil et
l'aménagement d'itinéraires
Vu l'attrait touristique dont bénéficie la
région de Ouarzazate et le ksar des Aït
Ben Haddou en particulier, il serait judicieux
d'équiper le site en structures d'accueil : Bureau d'information pour
les visiteurs, une structure assurant les services sanitaires adéquats
(infirmerie, toilettes publiques), unité mobile de soins, publiphones,
maisons d'hôtes, gîtes, aires de repos, etc.
Le Département chargé du Tourisme a
exprimé son engagement dans cette dynamique ; il prendra en charge la
réalisation des panneaux signalétiques ainsi que le balisage des
circuits.
2.3.5. la réhabilitation de l'école
L'Education nationale a engagé un programme en
partenariat avec le Fonds
d'équipement communal (FEC) qui vise la
réhabilitation des locaux des écoles de la localité, dans
le cadre du Programme de lutte contre la sécheresse.
L'Unicef est également partenaire du
Département de l'Education Nationale dans 34 établissements
scolaires de la Province dans les domaines de l'amélioration des
activités pédagogique et des équipements des
écoles. Le site du Ksar Aït Ben Haddou pourrait
bénéficier d'actions similaires, dans le cadre des partenariats
déjà engagés.
Les transformations à venir en matière
d'infrastructures et d'équipements, bien
qu'elles soient porteuses d'une qualité de vie
meilleure, comporte néanmoins le risque d'une accélération
des mutations communautaires et architecturales, et pourraient menacer
l'équilibre précaire de la sauvegarde du site.
2.4. Développement des systèmes productifs
locaux et des activités génératrices de revenus
Il est de toute évidence que la réhabilitation
des tissus traditionnels est porteuse
non seulement d'éléments d'amélioration
des structures patrimoniales et du cadre de vie (restauration,
aménagement, équipement, etc.), mais également
d'éléments d'épanouissement de la population à
travers le développement des systèmes productifs locaux en crise
ou en déclin, et d'activités génératrices de
revenus ayant un effet de retour sur la sauvegarde des entités
patrimoniales.
Les premiers secteurs d'activité à
réhabiliter sont bien entendu : l'agriculture et l'artisanat.
Par rapport au premier secteur, il y a plusieurs actions
à entreprendre dont on cite entre autres :
- la protection des terres cultivables qui occupent les
terrasses fluviales par la mise en place de gabions longeant de part et d'autre
les berges. Celle-ci est une mesure à entreprendre d'urgence ;
- la réhabilitation des seguias, et la redynamisation des
systèmes de gestion communautaire des canaux d'irrigation ;
- l'amélioration de la productivité par
l'introduction de techniques appropriées ;
- l'organisation des groupements de producteurs et leur
encadrement technique ;
- le développement de l'arboriculture et l'apiculture.
Il faudrait procéder à l'introduction d'espèces (arbres
fruitiers et autres) pouvant s'acclimater au milieu, et/ou susceptibles de
freiner la désertification. Il serait également judicieux
d'entreprendre des recherches agronomiques dans le but de mettre au point des
cultures adaptées à la salinité et la
sécheresse.
En matière d'élevage, il serait opportun
d'intégrer le programme RBOSM en vue de renforcer la biodiversité
par l'introduction d'espèces adaptées au milieu (la chèvre
laitière notamment). Il y aurait lieu également de :
- améliorer les parcours pastoraux ;
- procéder à la reconstitution du cheptel ;
- le développement de la production
laitière.
Il faut souligner à ce titre qu'il y a un avantage
à tirer du soutien du L'ORMVAO (Office régional de mise
en valeur agricole de Ouarzazate) et des mesures incitatives dans le domaine,
surtout en matière d'exonération fiscale dont
bénéficient jusqu'à maintenant les agriculteurs
marocains.
Quant à l'artisanat, les ksouriens du site
n'ont visiblement pas préservé un savoir-faire varié.
C'est surtout le tissage des tapis qui revient dans les monographies
effectuées sur le site. Il est urgent que les organismes en charge du
secteur (Délégation
du ministère de l'Artisanat et de l'Economie Sociale
et la Chambre de l'Artisanat de Ouarzazate) prennent en charge le
développement de cette activité avec les artisans qui sont
presque exclusivement des femmes. Des mesures d'incitation sont à
entreprendre pour améliorer la production, relancer la promotion, et
développer les structures de corporation.
Le développement de ce secteur d'activité est
tributaire du contrôle de plusieurs facteurs qui entravent son
épanouissement : absence de corporation, absence d'une promotion du
produit de la part des organismes de tutelle, et surtout le non accès
aux services bancaires selon qu'il s'agisse de banques commerciales ou
d'organismes de micro-crédit. L'organisation des artisans en
coopératives dans l'environnement du ksar est une condition pour
bénéficier de l'assistance prévue dans le secteur :
formation, mise en place d'ateliers collectifs de production, financement
à la production, identification des points de vente.
Les artisanes du village pourront toutefois s'inspirer du
modèle de production du tapis de Taznakht ( situé non
loin du site), qui a bénéficié de cette assistance et ce
tapis est commercialisé à l'étranger sous un label
<< qualité >. Le label Ksar Aït Ben Haddou -
Patrimoine Mondial, associé à un label <<
qualité > attribué par les autorités de labellisation
marocaines serait une valeur ajoutée d'un apport précieux et
considérable.
D'autre part, une analyse économique des secteurs
d'activités pourrait faire ressortir celles qui engendreraient des
revenus pour la population qui en est dépourvue ou qui n'en a pas assez
pour assurer son quotidien. L'initiative sera laissée à la
population de s'investir dans les activités qu'elle juge compatible avec
ses aspirations. Il revient aux autorités territoriales et aux acteurs
sociaux d'orienter les choix des habitants vers une dynamique de
durabilité socioéconomique et non vers des secteurs porteurs
à court terme.
Il est fort probable qu'on va assister à un engouement
vers les métiers liés essentiellement au tourisme - et
accessoirement au cinéma- donc au secteur tertiaire. Ceci risque
d'engendrer des effets défavorables au site et particulièrement
au ksar, de développer chez la population un comportement <<
mercantilisé > occasionné par les effets pervers du tourisme,
et de mettre cette population dans une situation d'attente surtout que le
secteur du tourisme est volatile et connaît parfois des fluctuations
liées à plusieurs facteurs : climat, sécurité,
infrastructures défaillantes, réputation altérée,
situation géopolitique défavorable, etc.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le tourisme a
un coût financier (en terme d'investissement public en infrastructures)
et environnemental du à la consommation dommageable
irréversiblement à l'environnement et le patrimoine.
D'autre part, il faut prévoir que le site pourrait
subir le phénomène du Cycle d'épuisement (d'un site),
engendré par la fréquentation excessive des visiteurs
(ceux-ci auraient tendance à chercher d'autres sites touristiques).
D'autant plus que le tourisme (source de création d'emploi et
d'entrées de devises) ne profite pas uniformément à
toute la population, et contribue parfois à creuser les
écarts sociaux1.
Toutefois, l'initiative prise par de jeunes habitants pour
réaliser, à l'intérieur du ksar, un projet de maison
d'hôtes (le premier du genre) et un atelier de peinture traduit une prise
de conscience perceptible chez la jeune génération, ainsi qu'une
dynamique d'ancrage qu'il faudra encadrer pour mieux en maîtriser les
effets.
Il y aura tout un travail à mener en amant et en aval
de ce processus, en matière de stimulation, d'incitation,
d'accompagnement, de suivi et d'intégration sociale et économique
au niveau de la Province (Ouarzazate) et la Région
(Souss-Massa-Draa). Les acteurs locaux sont amenés à
contribuer à une refonte de l'assiette foncière qui - en raison
de sa complexité - bloque toute initiative sérieuse
d'investissement ; l'incitation à l'immatriculation des biens fonciers
aura certainement un grand apport.
Il faudrait par ailleurs que la population soit
impliquée dans ce processus. Plus ses apports en capitaux seront
importants, plus elle se sentira impliquée et plus performante serait sa
contribution. La population sera amenée à développer un
esprit entrepreneurial - et non celui de personnes assistées -
qui s'inscrirait dans le prolongement de l'esprit communautaire. Il ne faut
surtout pas perdre de vue que le développement de cette bourgade doit
être synonyme de sauvegarde des valeurs grâce auxquelles le site a
gagné sa notoriété.
La réhabilitation du site, bien qu'elle soit porteuse
d'une nouvelle dynamique
sociale, économique, culturelle et scientifique, elle
risque par ailleurs - si elle est mal contrôlée - de
déboucher sur une structure bipolaire du site : un village dortoir
(issiwid) et un village actif (le ksar). Néanmoins, elle aura
l'avantage de réanimer l'ancienne structure, sans pour autant
dévitaliser le nouveau noyau qui est apte à accueillir de
nouvelles structures plus adaptées à son environnement (terrain
plat, bordure sur la route, extensibilité). Les initiatives de
développement doivent être destinées non seulement aux
familles qui s'approprient le ksar mais à l'ensemble de la
localité.
En conséquence, quelque soient les démarches
entamées, il faut que cela aient
un effet d'incitation, car les autorités locales ne
peuvent se substituer à la population. Celle-ci est en mesure de mener
ses projets, et de gérer ses affaires. Il revient aux
1 Cf. Partenariat pour les villes du patrimoine mondial :
la culture comme vecteur de développement
urbain durable, in Cahiers du patrimoine mondial
n°9, Ateliers 11-12 novembre 2002 tenus à Pesaro (Italie),
Centre du Patrimoine Mondial-Unesco (p.91).
acteurs institutionnels de structurer les activités
porteuses (à moyen et à long terme), d'en amplifier les effets
sur le développement local, et de faciliter les actions de la population
pour le bon devenir du site.
Chapitre 3. Les mécanismes potentiels de
gestion
Il est de toute évidence que les potentialités du
ksar des Aït Ben Haddou, ses
impératifs de sauvegarde et de réhabilitation
appellent à être gérés de la manière la plus
adéquate. La durabilité de sauvegarde et de réhabilitation
doit être assurée par les mécanismes de gestion des plus
appropriées.
En fait, la gestion d'un site du patrimoine mondial tel que
le ksar des Aït Ben Haddou se fonde sur une analyse
détaillée de son intérêt, tel qu'il a
été identifié au cours de la procédure
d'inscription. D'après B.M. Feilden et J. Jokilehto,
la gestion des sites du patrimoine mondial comprend les
éléments suivants :
- faire comprendre à tout le personnel du site les
valeurs culturelles à préserver sur ce site ;
- élaborer des directives spécifiques en
fonction de la définition de l'intérêt du site ;
- établir un inventaire complet de toutes les
ressources culturelles du site ;
- organiser des inspections régulières
conduites par des professionnels qualifiés et
expérimentés, qui rédigeront un rapport officiel ;
- élaborer un plan stratégique de
maintenance débouchant sur la formulation de projets sur divers
éléments qui s'inscrivent dans un programme annuel de travail en
fonction de leur priorité ; et
- respecter, dans toute intervention, les principes
éthiques de la conservation, les
recommandations de l'Unesco et les directives contenues dans
la charte de Venise1.
La gestion au niveau du site en question est la
capacité d'assemblage de ces éléments. De ceux-ci se
dégagent deux tendances qui se recoupent à plusieurs niveaux : il
s'agit de la gestion planifiée et la gestion intégrée.
3.1. La gestion planifiée
La gestion planifiée d'un site du patrimoine mondial
fait référence à un outil fondamental : le
plan de gestion. Il s'agit d'un instrument de gestion
destiné à organiser la conservation et à appuyer les
actions de développement par rapport à
l'environnement du site2.
Depuis 2000, le Comité du Patrimoine Mondial ne cesse de
réitérer sa recommandation d'élaborer un plan de gestion
pour le Ksar des Aït Ben Haddou sous
1 Bernard M. feilden et Jukka Jokilehto, Guide de gestion
, p.1-2
2 ibid.
peine d'être inscrit sur la liste du patrimoine mondial
en péril. En 2001, les acteurs locaux se sont réunis à
maintes reprises pour élaborer un plan conforme aux normes de l'Unesco
pour qu'il soit finalisé en 2002. Mais cette action n'a pas abouti
jusqu'à présent. Ainsi, le Maroc s'est retrouvé
confronté à une dernière échéance
formulée par le Comité du Patrimoine Mondial (la session de
2004). En dépit de cette sommation, le
Maroc a réussi encore à repousser
l'échéance1.
Dans cette démarche de planification, trois
composantes sont à mettre en place : une structure de gestion du
Ksar Aït Ben Haddou, un groupe de travail pour
l'élaboration du Plan de gestion, et enfin le Plan de gestion proprement
dit.
3.1.1. La structure de gestion
C'est la structure qui sera chargée de la gestion du
site. La commission de gestion du site aura pour rôle de gérer le
site, d'assurer son entretien et sa mise en valeur et de conserver les valeurs
pour lesquelles il a été inscrit au patrimoine mondial. Elle
veillera ainsi à l'application de la Convention du patrimoine
mondial.
Cette entité potentielle ne comportera au début
que les membres désignés à participer au groupe de travail
qui sera chargé d'établir le plan de gestion du site;
Après il sera constitué une structure plus large qui veillera
à l'exécution et au suivi du programme de conservation et de mise
en valeur du site conformément au plan de gestion.
Indépendamment de la commission qui existait
déjà au niveau local et qui avait
pour mission d'exercer une surveillance
régulière sur le site2, il a
été recommandé de créer une structure
désignée par Commission de gestion ou
Commission du site du ksar de Alt Ben Haddou
composé d'administrateurs et de spécialistes en
divers domaines : architecture, patrimoine, droit, géographie,
agronomie, urbanisme,
1 En fait, la planification de la gestion du site remonte
à 1990 où une Commission du plan-cadre pour la
réhabilitation du ksar des Aït Ben Haddou instituée à
l'échelle de la Province pour examiner un document de travail
élaboré par le consultant de l'Unesco Jean-Louis Michon en
concertation avec le CERKAS. Ce document, qui dressait une première
liste des divers éléments devant entrer dans le Plan-cadre de
réhabilitation du ksar, comportait 3 grands volets portant sur :
- l'aménagement du site et ses accès (pont,
voiries..) ;
- les infrastructures et les équipements de base
(eau potable, électricité, télécommunication..)
;
- la réhabilitation architecturale.
Jean-Louis Michon rapporte qu' un consensus semblait
atteint sur la démarche à suivre pour permettre à chaque
intervenant de préciser la tâche qui lui reviendrait dans l'
action commune, d' établir des prévisions de dépenses et
un calendrier d'opérations, le tout devant être
intégré dans un plan global lorsque, pour des « raisons
inconnues », le Directeur du CERKAS a cessé de participer au
travail de ladite commission, mettant un terme à l'élaboration du
Plan-cadre. Cf. Sauve garde et réhabilitation du ksar Aït Ben
Haddou, rapport de mission établi par J-L. Michon pour le Centre du
Patrimoine Mondial, Août 2000.
2 Durant mon séjour scientifique de trois mois au
CERKAS, aucune commission de surveillance régulière, n'a
été sur place, ce qui explique un relâchement au niveau de
cette action qui, de toute façon, manquait d'efficience et de moyens
assurant sa continuité. Cette entité ne pourrait s'occuper de la
gestion proprement dite vu qu'elle ne dispose pas d'un statut légal lui
permettant de bénéficier de ressources
financières.
économie, etc. Ces compétences techniques et
scientifiques émaneront des départements concernés, des
collectivités locales, des structures scientifiques et de la
société civile.
La tâche première de cette commission sera de
conserver et de gérer le site. Son rôle consistera notamment
à orienter les décisions concernant des points qui peuvent
influer sur l'authenticité et la valeur culturelle du site et à
déterminer les formes d'entretien, d'action et d'utilisation les mieux
adaptés à la nature du site et les plus acceptables pour la
population locale.
La commission devra se conformer aux chartes et conventions
internationales et les appliquer tout en tenant compte des règlements et
usages locaux et elle se tiendra en contact avec le Centre et le Comité
du patrimoine mondial duquel, en cas de besoin, elle pourra obtenir aide et
conseil.
La commission de gestion doit être régi par une
réglementation appropriée (le cas échéant
complété par un règlement intérieur) et d'un budget
régulier financé par l'Etat et/ou les collectivités
locales (Conseil de la Région, Conseil Provincial, la Commune), et
eventuellement par des recettes des droits d'entrée.
Les ressources financières reposent
sur la capacité des collectivités concernées à
fournir le cadre favorable qui garantirait la pérennité de la
gestion en termes de crédits de fonctionnement. Une structure autonome
vis-à-vis de ces collectivités nécessite un cadre
légal et un statut juridique particuliers tel celui d'un
établissement public, ou d'une association reconnue
d'utilité publique (telle qu'elle a été
proposée par le Gouverneur). Dans les deux cas, la procédure de
la mise en place est assez compliquée.
Néanmoins, les autorités locales sont favorables
à ce que le rôle de la commission de gestion du site telle qu'il
est proposé par l'expert de l'Unesco soit assumé par deux organes
distincts. La formule proposée était la suivante:
- un Comité technique provincial ou
Conseil de gestion chargé d'élaborer les directives et
les orientations de base pour la sauvegarde et la mise en valeur du site. Ce
comité aura également le pouvoir de statuer sur toutes les
décisions concernant l'avenir du site. Ce sera l'organe consultatif.
- une association chargée de la mise en application de
ces orientations. Elle jouera également un rôle important au
niveau de la sensibilisation et de communication.
Suite à ces décisions, une commission technique
provinciale a été mise en place pour la préparation du
dossier de création de cette association qui aspire accéder au
statut d'utilité publique.
Certains ont proposé que la gestion du site soit
confiée au conseil communal. D'autres ont suggéré que
l'association existante Alt Alssa assume cette responsabilité.
Il a été soulevé que celle-ci ne représente qu'une
fraction ethnique et qu'elle vit des problèmes avec le reste de la
population. Le Gouverneur de la Province a proposé alors la
création d'une association reconnue d'utilité publique qui
s'occuperait de la sauvegarde et la sa mise en valeur du site du ksar Alt
Ben Haddou en particulier et de l'ensemble du patrimoine architectural de
la province, en impliquant des personnalités influentes. La proposition
était ambitieuse mais n'a pas fait l'unanimité de la population.
Aux yeux de certains habitants, l'hypothèse d'une telle association
animée par des personnes influentes mais étrangères au
site (voire même à la région) risque de modifier la nature
des préoccupations de la population locale, essentiellement
exprimée en termes d'amélioration de conditions de vie et de leur
environnement immédiat.
Il conviendrait de laisser la gestion proprement dite du site
a la commune d'Alt Zineb toute en gardant la première structure
qui fera office d'organe consultatif et d'orientation, et doter cette commune
de ressources nécessaires à la mise en oeuvre des orientations de
la première entité (en termes de financements et de
compétences techniques). L'action de la population se situera à
deux niveaux : au niveau de la commune par le biais de leurs élus, et au
niveau du comité provincial, du fait que les représentants des
familles du site soient de droit représentés au sein de cette
structure.
Dans tous les cas, il faut que la structure de gestion
proprement dite du site soit doté de ressources permanentes (budget,
personnel, etc.) et conforme à un cadre juridique et institutionnel qui
assure sa pérennité et qui favorise pleinement l'association de
la population locale à cette gestion. Les autorités locales sont
amenées à trouver la formule qui répond à ces deux
impératifs.
3.2.2. Le groupe de travail
Le groupe de travail est crée au sein de la commission
de gestion du site et sera
chargé spécialement de l'élaboration du
plan de gestion, instrument indispensable pour la conservation des valeurs du
site et de sa mise en valeur. Il sera composé d'un bureau et de membres
associés. Il serait préférable qu'il soit dirige par un
architecte ou amenagiste urbaniste familiarisé avec les problèmes
de conservation, de réhabilitation et de gestion des biens patrimoniaux
et, si possible, de l'architecture en terre.
Une fois le groupe désigné, Une première
réunion sera organisée pour informer l'ensemble des membres les
objectifs de ce plan et la stratégie adoptée pour son
accomplissement. Les différents intervenants seront invités
à proposer des projets pour la mise en valeur du site avec estimations
des dépenses et de la durée d'exécution.
Les rédacteurs se chargeront, avec consultation des
autres membres du groupe, d'esquisser une première version du plan de
gestion qui sera soumise à la Commission de gestion et
éventuellement au Centre du Patrimoine Mondial.
Il est envisagé que la préparation du plan de
gestion soit confiée à un expert ou un bureau d'études
spécialisé, mais cette démarche est en mesure de mobiliser
des crédits et engendrer des dépenses (lancement d'un
marché) et risque de ne pas impliquer les acteurs pertinents (population
locale, élus, universitaires, compétences techniques
locales..).
3.2.3. Le plan de gestion
|
|
|
Le plan de gestion vise à organiser les activités
sur le site et à maintenir
l'équilibre des fonctions. Il s'agit d'un document par
lequel les collectivités locales (régionales, provinciales, et
communales) et les autorités déconcentrées
(administratives, techniques et scientifiques), s'engagent à mettre en
oeuvre des projets identifiés ; ce qui suppose un diagnostic
précis, une identification des actions, des financements garantis et des
responsabilités bien déterminées, ainsi que l'existence
d'un mécanisme de sauvegarde approprié.
Dans le cadre de la préparation de ce document, le
CERKAS a procédé à l'inventaire de toute la documentation
relative au site, en prospectant les documents et les archives disponibles. Il
était question d'entamer les étapes suivantes :
- Relevé du site (topographique, architectural,
photogrammétrique) ;
-Description du site et définition de ses limites
;
-Identification et estimation des valeurs du site
(historiques, architecturales, communautaires, économique, culturelles,
etc.) ;
- évaluation de la dynamique démographique et
économique;
- description des modes de production et de gestion des
terres ;
- description des régimes fonciers ;
- identification des facteurs affectant le site ;
Les étapes majeures
d'élaboration du plan de gestion proprement dit se
présentent selon un calendrier tel qu'il a été
proposé en 2000 par le consultant de l' Unesco J-L.Michon:
- le groupe de travail, en examinant les plans d'actions
sectorielles, procèdera aux ajustements nécessaires pour
réunir dans un Avant-projet de plan de gestion.
- L'avant-projet est adressé au président de la
Commission de gestion et au Centre du Patrimoine Mondial pour observations et
suggestions éventuelles.
- les dernières rectifications sont effectuées,
à la lumière des observations formulées, pour la
rédaction finale du Plan de gestion.
- la version finale est achevée sous forme de maquette,
assortie des illustrations nécessaires. Elle doit être
imprimée et diffusée à travers les canaux de
communication. Les exigences de forme du Plan de gestion
feront référence à:
- la formulation d'objectifs et évaluations des
contraintes ;
- la définition de projets ;
- la désignation des sources sûres de
financements ;
- la désignation des maîtres d'ouvrages
;
- l'établissement du plan annuel (plan de travail :
gestion, entretien régulier, etc.);
- le programme d'action à moyen terme (dans 5
ans)
- le programme d'action à long terme (le cas
échéant de 5 ans à 30 ans)
- les modalités d'exécution des travaux
;
- l'évaluation des besoins en compétences et
de personnel ;
- les modalités d'établissement de rapport,
d'examen de résultats et d'évaluation de l'impact des projets
réalisés;
- les modalités de révision des plans
(annuels, à moyen terme et à long terme)
- la description du procédé de stockage des
informations et des données ;
- le mode de gestion des visiteurs;
- l'identification des interventions minimes;
- la désignation de la structure de gestion;
- la pro grammation de la recherche sur le site;
- le mode de promotion et de valorisation culturelle du site
;
- la révision de la description du site et
réévaluation ;
- la modalité de participation de la population
locale dans la gestion.
Elles doivent être classées en section thematiques
et le cas échéant en sous-sections. Quant à celles du
fond, elles doivent mettre en évidence:
- la méthodologie adoptée dans
l'élaboration du Plan;
- le niveau de faisabilité par rapport au contexte
social, economique, juridique et institutionnel;
- l'adaptabilité et la conformité avec les
plans urbains, notamment: le SDAU du Grand Ouarzazate, le PDAR de la Commune
d'Aït Zineb, ainsi que le Plan d' Aménagement de la Commune Rurale
d'Aït Zineb (en cours de préparation par les services de l'Agence
Urbaine d'Agadir).
|
Il s'agit en fin de compte d'un document où tous ses
éléments sont réunis. D'un autre côté, le
plan de gestion devra permettre de faire ressortir une méthode de
travail qui consiste à programmer les actions à entreprendre
annuellement ; à moyen et à long
terme : respectivement dans 5 ans, et jusqu'à 2020 ;
date qui correspond à l'horizon du SDAU du Grand Ouarzazate. En
outre, il prendra en considération les documents urbains en vigueur et
se conformera aux chartes et aux conventions internationales en matière
de conservation de patrimoine. Par ailleurs, et au vu de l'évolution des
différents paramètres, le plan de gestion doit être
périodiquement réactualisé et
réévalué. Malheureusement, au stade où nous en
sommes, le plan de gestion est encore en gestation et affronte de nombreuses
difficultés. Il est loin d'être prêt avant la prochaine
session (2005), voire même pas avant celle de la session d'après
(2006).
Néanmoins, la planification de la gestion du site du
Ksar Aït Ben Haddou - en termes de sauvegarde, protection et
réhabilitation- soulèvent des questions récurrentes
relatives notamment : au financement de la gestion, au rôle du CERKAS,
à la participation de la population du site.
Vu la fréquentation du site par un nombre important de
visiteurs, le ksar est amené à engendrer des recettes de visite
à l'instar de nombreux biens patrimoniaux dont l'accès est payant
à l'image - non loin du site - de la Qasba de Taourirt située
dans la ville de Ouarzazate. Il est vrai que ce bien est la
propriété de la municipalité de la ville, mais cela
n'empêche pas le ksar - avec les statuts fonciers qui le
régissent- de bénéficier de recettes de visites. Il reste
à trouver un consensus au niveau des propriétaires fonciers, sur
la formule de collecte qui convient, sur la structure qui sera chargée
de la collete (la Commune ou le Fond national de l'action culturelle/FNAC) et
sur le régime de distribution adéquat de cette ressource. A ce
titre, Le prix du billet de rentrée doit être étudié
et abordable aussi bien pour les visiteurs nationaux qu'étrangers.
D'autre part, le plan doit faire mention des interventions
régulières que la structure de gestion doit envisager. Il s'agit
de repérer d'abord les points-clés (une tâche qui revient
à la structure de sauvegarde) sur lesquels il faudra des interventions
légères et régulières, sans avoir à recourir
à des opérations de restauration qui engendrerait des
dépenses importantes (voir section sur l'approche préventive
de la gestion).
Il est, par ailleurs, essentiel de veiller à ce que le
site soit documenté systématiquement avant, pendant et
après toute intervention. Une fois qu'une intervention a eu lieu, ce qui
a été modifié est perdu pour touj ours si la documentation
n'a pas été convenablement réalisée. La
documentation est une activité permanente pendant tout le processus de
la gestion du site.
3.2. La gestion intégrée
La gestion intégrée des sites patrimoniaux fait
souvent référence à la conservation
intégrée ; une notion qui revient souvent dans la
littérature relative aux méthodes contemporaines de conservation
des biens patrimoniaux situés dans des contextes
aussi bien urbains que ruraux. Les biens ne sont plus
considérés individuellement ou indépendamment du contexte
où ils se situent et évoluent. Tous les éléments de
du contexte (physique, naturel, économique, social, etc.) sont pris en
compte dans les actions rapportées aux biens patrimoniaux.
Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, la gestion
intégrée aura tendance à privilégier cette
approche, celle de la conservation intégrée :
3.2.1. Approche des paysages
culturels
Cette approche a tendance à être
privilégiée dans la gestion des sites patrimoniaux.
Elle favorise une conception du patrimoine comme
système intégré où la relation entre les parties a
plus d'importance que les parties elles-mêmes. L'approche conventionnelle
du patrimoine s'attache à l'état de conservation de
caractéristiques et d'éléments particuliers des biens. Une
approche du paysage culturel privilégie les processus essentiels qui ont
modelé - et continuent de modeler - le caractère du paysage.
Nombreux sont les paysages culturels qui continuent à
évoluer : la difficulté, pour les gestionnaires, est alors de
guider le processus de telle sorte que les qualités
essentielles du lieu perdurent1.
Dans un chapitre précédent, il a
été question de reconsidérer les valeurs du ksar des
Aït Ben Haddou s'il est perçu dans sa double dimension :
matérielle et immatérielle. Le paysage culturel parait à
ce titre le qualificatif adéquat.
L'approche des paysages culturels soulève une question
majeure par rapport à la gestion des sites patrimoniaux : quel est
l'intérêt de cette approche dans la gestion d'un site tel que le
Ksar Aït Ben Haddou ?
La gestion des paysages culturels met en valeur les techniques
traditionnelles de gestion en matière de ressources naturelles et
d'utilisation des terres. Des mécanismes qui ont su préserver
l'équilibre écologique des sites, ainsi que l'interaction entre
l'homme et son environnement. La qualification des sites patrimoniaux de
paysages culturels offre de nouvelles opportunités devant les
gestionnaires de réhabiliter ces modes de gestion et de restaurer
l'équilibre qui a tendance à s'effondre.
La gestion d'un paysage culturel passe forcément par la
participation de la population qui est concernée en premier lieu. C'est
ce qui a marqué justement l'histoire du ksar et le processus de sa
survie dans un environnement aussi fragile.
1 Cf. Paysages culturels : les défis de la
conservation (en anglais seulement), Centre du Patrimoine Mondial, 2003
(p.173). Sur le sujet, voir également Gérard CHOUQUER,
Patrimoine et paysages culturels. Actes du colloque international de
Saint-émilion (30 mai-1er juin 2001). Coll. Renaissance des cités
d'Europe Éditions Confluences, octobre 2001 (synthèse des
interventions diffusée sur Internet).
Les processus de conservation et de gestion des paysages
culturels réunissent des individus soucieux de leur identité et
de leur patrimoine collectif, créant dans un contexte communautaire une
vision partagée de responsabilité, de solidarité et de
gestion commune. C'est le cas, entre autres, des communautés issues du
Ksar Aït Ben Haddou.
L'approche des paysages culturels dans la gestion du site en
question profite largement au ksar et son environnement, dans la mesure
où la population locale aura un regain de confiance de la part des
pouvoirs locaux. Elle doit par conséquent s'impliquer dans tous les
aspects de l'identification, de la planification et de la gestion de ce
lieu.
D'autre part, La formation et le renforcement des
capacités sont des éléments-clés pour une gestion
et un suivi efficaces de ce site. De nouvelles approches de la formation
à la gestion du territoire et des paysages, comme celles de l'ICCROM,
sont recommandées pour les gestionnaires du site du Ksar Aït
Ben Haddou. L'ICCROM met à la disposition des gestionnaires un
programme de formation intitulé ITUC
(Conservation territoriale et urbaine
intégrée), lancé en 1995. L'ITUC est
précisément centré sur l'intégration du patrimoine
culturel dans la gestion durable des établissements urbains et ruraux.
Le volet territorial du programme aborde une large série de sujets, dont
des stratégies pour le développement des paysages vivants, et la
gestion des sites dans les paysages conçus intentionnellement et les
paysages reliques. L'accent est mis sur la gestion durable des valeurs
patrimoniales des paysages dans le contexte de la diversité des cultures
et des pratiques traditionnelles existantes dans le monde.
En novembre 2002, l'ICCROM a commencé un cours de
formation d'un mois destiné à 18 experts internationaux en la
matière, première activité de formation de l'ICCROM
exclusivement consacrée aux paysages culturels. L'ICCROM espère
pouvoir mettre à la disposition de toutes les institutions et agences de
formation les leçons d'aménagement du programme apprises durant
le cours, après expérimentation et
finalisation1.
Le Maroc aura intérêt à intégrer le
programme en question pour en assurer une large diffusion au niveau national,
au sein des gestionnaires des sites ayant des similitudes avec les paysages
culturels conventionnels.
A défaut, il faut envisager le recours aux services du
Centre international pour les paysages culturels qui
propose un programme de formation pour les
1 id., p.177.
gestionnaires de sites de la région arabe, mis en place au
Parc national du Cilento (jumelé au site archéologique de
Volubilis)1.
3.2.2. Gestion de proximité : l'antenne locale
du CERKAS
La création d'une antenne du CERKAS sur le site de
Alt Ben Haddou a pour
objectifs :
- la participation à la réhabilitation du ksar
;
- la mise en valeur culturelle du site ;
- la mise en application des recommandations du Centre du
Patrimoine Mondial ;
- le contrôle de proximité du site ;
- assistance de la population locale à la restauration
des constructions en terre ;
- la sensibilisation du public à l'intérêt
patrimonial du site ;
- une meilleure information des visiteurs.
Cette idée a été évoquée
par un certain nombre d'experts auparavant. Mais le statut foncier des
propriétés a bloqué toute possibilité
d'intervention dans les bâtiments en vue de leur réutilisation. Il
est à rappeler que les dernières enquêtes
réalisées sur le site et les différents contacts avec la
population locale montrent que la plupart des propriétaires refusent
toute sorte de transaction ou même de partenariat.
En 2001, un des habitants s'est montré favorable
à la vente de sa propriété et a proposé une offre
de prix. Un dossier détaillé a déjà
été transmis au Ministère pour étude (plans,
reportage photographique et acte de propriété). A noter qu'une
seule maison a été déjà été vendue
jusqu'ici dans le vieux ksar et concerne un projet de création d'une
coopérative de tissage.
Le projet de création d'une antenne du CERKAS sur le
site du Ksar Alt Ben
Haddou présente à priori, une
volonté de proximité, mais il comporte le risque de disperser
davantage les moyens réduits dont dispose le Centre, à moins que
le personnel du centre soit renforcé par le ministère ( ce qui
lui permet une disponibilité sur le site), ou bien dans une perspective
d'autonomie du CERKAS, il soit en mesure de recruter du personnel ayant le
profil adéquat et l'affecter sur place, ou du moins accueillir des
agents de la commune ou de la société civile désireux de
travailler au service de cette structure.
1 id., p.180.
3.2.3. Approche préventive : la gestion du
risque
L'approche préventive de la gestion
du patrimoine consiste à effectuer des actions de prévention,
régulières et ponctuelles sur des points précis (dits
points clés). Ces interventions sont assez minimes, mais sont
susceptibles d'assurer durablement la conservation de biens fragiles. Ces
interventions sont pertinentes dans la mesure où elles ont fait preuve
de succès dans de nombreux cas ; elles sont peu coûteuses
comparées aux opérations de restaurations de grande envergure
(où l'intervention est curative), car elles sont
échelonnées dans le temps, donc supportables en termes de
dépenses.
Le CERKAS, vu l'expérience qu'il a pu cumuler depuis
sa création, est en mesure d'intégrer cette composante dans sa
démarche de sauvegarde du ksar en repérant les points clés
(jugés extrêmement vulnérables et/ou potentiellement
porteurs d'élément de consolidation) afin de mener des
opérations d'entretien régulier avec le concours de la population
et l'autorité locale.
D'autre part, cette approche fait référence
à la notion du risque sur les biens patrimoniaux. La gestion du risque -
expression empruntée du langage des affaires - est devenue de plus en
plus sollicitée dans la gestion des sites du patrimoine mondial en
raison d'une part, de leur complexité (les centres urbains), la
vulnérabilité de leurs composantes (structures en terre ou en
bois) et la fragilité de leur équilibre (les paysages culturels)
; et d'autre part, en raison de leurs enjeux pour l'humanité. Les sites
du patrimoine, de ce fait sont jugés - à des nuances près
- des zones à risque.
Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, le risque
relève de deux facteurs majeurs : naturel et humains (voir la sous
section : 3.4.2. Les facteurs affectant le site, à la Deuxième
Partie).
Le risque est classiquement défini comme
l'événement aléatoire pouvant entraîner des dommages
; sa réalisation est ainsi génératrice de pertes pour les
organisations et
les collectivités1. Il est
défini également comme étant un évènement
prévisible ou imprévisible à fréquence plus ou
moins faible mais de grande gravité2. Le risque est
dit
majeur lorsqu'il s'agit d'un événement
déstabilisant pour une collectivité
donnée3.
La notion du risque est fondée
sur trois composantes essentielles :
1. l'aléa : la probabilité d'un
événement qui peut affecter les collectivités et les
systèmes qui les régissent ;
1 C. Marmuse & X. Montaigne, Management du risque,
coll. Vuibert Entreprise, Paris, 1989 (p.45)
2 Le risque majeur, coll. Le livre
général, Secrétariat d'Etat chargé de
l'Environnement et de la Prévention des Risques technologique et
naturels majeurs, s.d. (p.7)
3 id. p.8
2. les enjeux : il s'agit des personnes, des biens,
et l'environnement menacés par le risque majeur, susceptibles de subir
des dommages ou des préjudices. Ils sont donc de quatre ordres :
humains, sociaux, économiques et écologiques ;
3. la vulnérabilité : c'est la mesure
des conséquences dommageables de
l'événement, sur les enjeux en
présence1.
L'aléa associé à la
vulnérabilité des enjeux (personnes, biens ou autres) est un
risque, et la probabilité de se réaliser suppose une
prédisposition à réagir et en détermine la nature.
La connaissance du risque suppose à priori la connaissance des
phénomènes dont découle l'aléa, et d'autre part, la
connaissance des enjeux pour évaluer l'impact du risque et
établir des priorités d'intervention.
Quel que soit le domaine dans lequel elle se réalise,
la gestion du risque comporte fondamentalement deux dimensions
complémentaires. La première concerne ce que l'on pourrait
qualifier de gravité ou de conséquence préjudiciable
associée au risque (quantifiée socialement, économiquement
et financièrement). La seconde est relative à la décision
prise face au risque et le coût associé à cette
décision.
En matière de patrimoine mondial, cette approche
devient de plus en plus sollicitée. A ce titre, l'ICORP (Conseil
International pour la Préparation aux Risques) offre un cadre
institutionnel de réflexion et d'intervention dont les professionnels du
patrimoine (national ou mondial) doivent s'inspirer. L'ICCROM - de son
côté- propose des programmes de formation périodique
en matière de gestion du risque dans le cadre de son programme
ITUC.
Dans le contexte marocain, la gestion du risque est
liée le plus souvent à la gestion des entreprises. En
matière d'urbanisme et d'aménagement de l'espace, elle commence
à intégrer la conception des urbanistes et des
aménagistes, alors que chez les conservateurs du patrimoine, elle n'est
pas encore à l'ordre du jour de leur démarche bien que le risque
fait partie de leur quotidien.
A titre d'exemple, le Département gouvernemental
chargé de l'Urbanisme et de l'Aménagement du Territoire -
doté d'une Direction de la Surveillance et de la Prévoyance des
Risques - emploie désormais le terme des zones sensibles au
lieu des zones à risque pour désigner l'ensemble des
espaces soumis à des aléas naturels et/ou technologiques,
à fort enjeux humains et économiques, et aussi les secteurs qui
méritent d'être individualisés et valorisés de part
leurs intérêts économique,
1 id., p. 24
patrimonial et environnemental, et leur sensibilité
face à l'action humaine1. Cette définition
évoque les sites à vocation spécifique (voir la
section 3.4. de la Première Partie ) dont le site du
Ksar Aït Ben Haddou fait partie.
La gestion du risque au niveau du Ksar Aït Ben Haddou
repose essentiellement sur l'identification des facteurs de risque et sa
localisation, la détermination de leur impact une fois le risque
réalisé, la probabilité de sa réalisation, et la
démarche à suivre au cas où il devient réel.
L'identification des points vulnérables au risque est une étape
fondamentale dans la gestion du risque. Ces éléments peuvent
s'apparenter souvent aux points clé (signalés plus haut) qui
peuvent servir d'indicateurs clés sur l'état de conservation du
ksar. Les indicateurs clés sont des témoins
(généralement en matière plastique tel le plâtre)
utilisés pour mesurer l'évolution des fissures sur les
structures, ou bien fondées sur des observations visuelles directes des
fissures, des glissements de
terrain, des affaissements de rochers, de la salinité
des sols et de l'érosion2.
Il faut tenir compte également des risques
comportementaux émanant des visiteurs ou dus à des mutations
sociales dont l'abandon constitue un risque majeur.
Il ne faut surtout pas perdre de vue que, si la
fréquentation des visiteurs présente une opportunité pour
l'économie de la localité, il n'en demeure pas moins un facteur
de risque pour le ksar, et qu'il faut savoir prendre en compte. A ce titre,
l'institution des droits de visite du ksar (billetterie) serait en mesure de
quantifier la fréquentation et d'en évaluer le risque.
Mais il faut avant tout, établir une grille d'analyse
des risques (inspirée des facteurs affectant le bien) qui sera la
référence en matière de détermination des
coûts de gestion, de la capacité d'intervenir, et des actions
prioritaires. Le tableau ci-dessous illustre les facteurs affectant les sites
du patrimoine mondial, et sur lequel peut se fonder la grille d'analyse des
risques relative au Ksar Aït Ben Haddou (fig.18).
Globalement, la gestion des deux typologies de risques (naturel
et humain) doit
être conçue sous deux angles : celui du risque
majeur, et celui lié à la fréquentation des visiteurs.
Les gestionnaires du site auront un intérêt
à intégrer dans un premier temps cette composante, et la
développer par la suite. Ceci développera certes la
sensibilité par rapport au devenir du ksar, ce qui va minimiser les
pertes et du coup, réduire les coûts de gestion (en termes
d'intervention).
1 Aïcha Benkirane et Abdelghani Tayyibi,«
Stratégie du département de l'urbanisme en matière de
gestion de risques », intervention aux Ateliers nationaux sur les
risques majeurs organisé à Rabat les 26 et 27
février2003 (diffusée sur Internet).
2 Rapports périodiques et programmes
régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine
Mondial-Unesco, 2004 (p.47).
Origine des facteurs de risque
|
Nature des risques
|
|
Intégrité visuelle
|
|
-Pressions urbaines et constructions illicites
|
|
-Déforestation
|
|
-Terrains en friche devenant décharges
|
|
-Régression des jardins (à l'intérieur
et/ou autour du site
|
|
Intégrité structurelle
|
|
-Infrastructure mal intégrée
|
Pressions du développement
|
-Incendies
|
|
-Déplacement de populations ou refus
d'intégration
|
|
Intégrité
fonctionnelle
|
|
-Activités industrielles polluantes
|
|
-Soukisation (envahissement des activités artisanales,
commerciales et autres..)
|
|
-Abandon des cultures sèches
|
|
-Pâturage dans le site
|
|
- Pollution de l'air
|
|
-effets éoliens
|
Contraintes d'environnement
|
-Vents de sable
|
|
-Avancée de dunes
|
|
-Tarissement des sources
|
|
-Perte d'espèces animales
|
|
- Séismes
|
|
- Pluies violents et inondations*
|
Catastrophes naturelles
|
- Erosion et corrosion par eau de mer
|
|
- Vagues intempestives sur falaise
|
|
- Glissement de terrain*
|
|
- Sécheresse*
|
|
- Chutes de pierre de la falaise. *
|
Pressions visiteurs ou tourisme :
|
- Piétinement des vestiges
|
- Fréquentation
|
-Déchets et ordures
|
-Accessibilité dans le site
|
-Vandalisme, pillage, vols
|
-Pressions par le tourisme
|
-Augmentation de l'insécurité
|
-Equipements touristes
|
-Manque d'infrastructures touristiques*
|
Fig. 18- Typologie des risques sur les sites du patrimoine
mondial
(inspirée des facteurs affectant les sites du
patrimoine mondial, in Rapports périodiques et programmes
régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine
Mondial-Unesco, 2004.
3.2.4. Approche cartographique de gestion : l'apport du
SIG
Les nouvelles technologies de l'information sont devenues
très sollicitées par les
gestionnaires du patrimoine. Le recours à ces outils de
gestion est impératif dans la mesure où il permet un meilleur
stockage de l'information, sa diffusion à une grande échelle,
l'accès à l'information de n'importe quel endroit, et le travail
en réseau (basé sur l'échange des informations).
L'exploitation de ces outils de travail dépend de la capacité des
gestionnaires (décideurs et acteurs directs en matière de
gestion) à investir dans les outils informatiques et à en tirer
le meilleur profit.
L'une des dernières avancées dans le domaine du
patrimoine est l'application de systèmes informatiques liés
à l'espace. Ils sont désignés par le terme de
Système d'Information Géographique ou SIG.
Le SIG consiste à associer des données
informatisées (de tout genre) à des données
cartographiques ou spatiales. Les systèmes d'information
géographique peuvent être constitués pour répondre
à des demandes spécifiques et assez variées ; à
titre d'exemple, l'étude des phénomènes statiques ou
dynamiques dans une aire spatiale donnée. Le SIG est le plus souvent
appliqué à l'urbanisme et à l'aménagement du
territoire. La mise en oeuvre du SIG fait appel à trois niveaux
d'information. Dont le premier est touj ours de nature cartographique, les
autres niveaux dépendent de la nature des données à
gérer.
Comme le système standard n'existe pas, il faut les
adapter selon les objectifs fixés. Ainsi, l'application du SIG dans le
patrimoine peut s'adapter à des domaine variés selon qu'il
s'agisse de la gestion de centres historiques, de la gestion du patrimoine
architectural spécifique dans une aire géographique
étendue, de la gestion des musées à l'échelle
nationale, de la gestion des bibliothèque ou des fonds d'archives
à une échelle régionale donnée, etc. Toutefois, les
systèmes du SIG ont en commun des fonctionnalités que l'on
retrouve dans chaque système ; elles sont regroupées en 5
familles sous le terme des « 5A », à savoir : Abstraction,
Acquisition, Archivage,
Affichage et Analyse1.
a. Le contexte international : le SIG appliqué au
patrimoine mondial
On assiste aujourd'hui à la diffusion des outils
informatiques gérant l'information
géographique pour l'analyse et la gestion des territoires
et des sites patrimoniaux. L'utilisation de ces outils est en plein essor aussi
bien dans les collectivités territoriales,
1 Patrick Marmonier, L'information géographique,
document de l'Ecole Nationale des Sciences Géographiques, ENSG
(France), 2002 (diffusé sur Internet).
que dans les organismes qui s'intéressent à des
problématiques de gestion du territoire et sa composante patrimoniale
(patrimoine architectural, urbain, paysager, et archéologique). Le
recours au SIG est en vogue actuellement.
En 2002, la Convention pour la protection du patrimoine
mondial, fêtait son trentième anniversaire. C'était
l'occasion de dresser un bilan en matière de conservation et de gestion.
Un cycle de conférences virtuelles a été organisé
par l'Unesco dans sept villes différentes qui ont formé un
Congrès virtuel sur le thème << Le patrimoine mondial
à l'ère numérique ». Entre la mi-octobre et la
mi-novembre 2003, à Alexandrie, Beijing, Dakar, Mexico, Paris,
Strasbourg et Tours, des centaines de participants venus d'univers
géographiques et professionnels différents tenteront de
définir ensemble comment tirer le meilleur parti des nouvelles
technologies de l'information et de la communication pour mieux gérer
les sites du patrimoine mondial. Deux conférences ont porté sur
le thème du SIG : Alexandrie (<< Cartographie de la gestion du
patrimoine : système d'information géographique (SIG) et
multimédia »), et Mexico (<< La gestion du
patrimoine des centres historiques : plan ification pour l'usage mixte et
l'équité sociale »). Elles s'articulaient autour de
l'application du SIG à la gestion des sites, et les moyens de pouvoir en
tirer le meilleur parti, en matière d'aménagement des espaces
géographiques, de gestion des facteurs dynamiques affectant les sites
(immigration, urbanisation, croissance démographique, risques, etc.).
Au niveau de la Région des pays arabes, un atelier
s'est tenu en Egypte (Le Caire, 18 février-4 mars). Il s'inscrivait dans
le cadre du projet de « Développement des capacités de
gestion de l'information sur les sites du patrimoine mondial dans la
région des Etats arabes » conçus en collaboration avec
les autorités flamandes et le Fonds en dépôt
Unesco-Flandres de soutien aux activités de l'Unesco. Il était
organisé avec le Centre de documentation du patrimoine culturel et
naturel (CULTNAT) et le Conseil Suprême des Antiquités. 13
participants - dont le Maroc, représenté par un conservateur issu
du CERKAS - ont été formés à l'utilisation des
technologies de l'information (SIG, GPS, photogrammétrie, stations
totales..) pour recueillir des données et des informations, produire des
modèles et des cartes en 3D et mettre en place des systèmes de
surveillance dans le but d'améliorer la préservation et la
gestion
des sites du patrimoine mondial dans la Région des Etats
arabes1.
1 Cf. Rapports périodiques et programmes
régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco,
2004 (p.54)
b. L'application du SIG au patrimoine architectural des
vallées présahariennes : l'expérience du CERKAS
(2000-2005)
Depuis 2000, le CERKAS mène un programme intitulé
: « Inventaire par
photographie aériennes du patrimoine culturel de la
Vallée du Draa » en collaboration avec l'institut de
Photogrammétrie de l'Ecole Polytechnique Fédérale de
Lausanne (Suisse) et le Bureau d'Architecture et d'Urbanisme Hans Hostettler de
Berne (Suisse). Il est financé par le Ministère marocain de la
Culture et la Direction du développement et de coopération du
Département Fédéral des Affaires Etrangères de la
Confédération Helvétique. C'est un programme unique en son
genre à l'échelle nationale au niveau des services du
Ministère de la Culture. Il s'agit d'un programme scientifique
fondé sur un système d'information géographique (SIG).
Le programme a été défini en termes de
champs d'intervention (vallée du Draa),
de durée et de calendrier d'exécution
(2000-2005)1.
Fig. 19 - Carte de la vallée du Draa
(extrait de
la Carte Michelin, 1:1.000.000)
1 Le descriptif du système d'information
géographique (SIG) appliqué à l'inventaire du patrimoine
culturel de la vallée du Dràa, est publié par : Mohamed
Boussalh, « Conception d'un système d'information
géographique pour l'inventaire du patrimoine culturel de la
vallée du Dràa », in Patrimoine culturel marocain,
Publication de l'Université Senghor sous la direction de Caroline
GaultierKurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (pp.411-42 9). Pour
des raisons d'éthique professionnelle, les détails de ce
programme ne seront pas développés dans ce volet.
Il est à signaler qu'un projet pilote a
déjà été réalisé dans le courant des
années 1999 et 2000 et a permis d'inventorier 58 villages communautaires
(Ksour) répartis entre Ouarzazate, Agdz et Zagora
sur la base des photographies aériennes.
L'objectif général du programme est non
seulement la saisie systématique des monuments historiques de la
vallée du Draa mais également une contribution à la
conservation et à la réhabilitation d'un certain nombre de ces
monuments. Cet inventaire devrait aussi servir comme modèle pour un
inventaire global du patrimoine architecturel du sud marocain.
Cette démarche s'inscrit dans une perspective globale
qui permettra l'accès à l'information dans le but de faciliter la
prise de la décision, en matière d'aménagement
géographique, de développement du tourisme, de
développement des activités économiques porteuses,
d'identification des ensembles en péril nécessitant des
interventions d'urgence, et d'identification des facteurs de risque.
En outre, cet inventaire permettra au CERKAS de disposer d'une
banque de données qui favorisera la recherche scientifique et
historique.
La méthodologie adoptée est la collecte sur le
terrain des données historiques, sociales, ethnographiques ; ce travail
de terrain est complété par des relevés architecturaux
(plans croquis, etc.) et photographiques.
Ensuite, on procède par la digitalisation des
données recueillies sur le terrain à l'aide de
MicroStation (logiciel de dessin assisté par
ordinateur/DAO). Les données graphiques sont transposées sur une
photographie aérienne du site restituée et
numérisée (Orthophoto) à l'aide du MGE
(Modular GIS Environnement). Il convient de signaler que les
photographies aériennes sur lesquelles est fondée la
numérisation des données graphiques datent de 1977, ce qui rend
évident les missions de terrain pour constater les altérations
des tissus et des structures et les modifications de l'occupation de l'espace
réalisées depuis cette date.
Les autres types de données sont organisés sous
forme de bases de données constituées de tables (à base
d'un catalogue de critère approprié).
Fig.20- Modèle d'une orthophoto (la Qasba de Taourirt/
CERKAS)
Digitalisation du périmètre Digitalisation des
voiries
Fig.21 : Digitalisation des
différents niveaux de dessin à l'aide de
MicroStation
(la Qasba de Taourirt/CERKAS )
Le lien entre les donnés graphiques (cartographiques et
architecturales) et la base de donnée est assuré par l'outil
Engineering Links qui permet de stocker une
quantité importante d'informations (texte, plans, photos, etc.) et les
visualiser en mode HTML. La recherche de l'information est
formulée sous forme de requête (fig. 31 et 32).
Fig.22 - Requête indiquant les bâtiments
alimentés par le réseau public en eau
potable à la
Qasba de Taourirt (CERKAS)
Fig.23 - Requête illustrant le schéma de voirie
d'un ksar (CERKAS)
Le choix du logiciel MGE parait judicieux dans ce sens, qu'il
répond aux exigences de modélisation notamment en 2D et 3D.
Néanmoins, il présente un aspect relativement complexe. Il est
vrai qu'il offre beaucoup de possibilité et une grande
flexibilité dans l'introduction et la gestion de
l'information1, mais il soulève le problème
d'harmonisation avec les logiciels appliqués dans les SIG au Maroc :
notamment l' ArcView qui est fortement
recommandé par les utilisateurs. Ce logiciel est même
utilisé dans le SDAU du Grand Ouarzazate faisant de cet outil de
planification l'un des rares documents urbains où est utilisé le
SIG à l'échelle nationale.
Etant donné que le programme en question n'intervient
actuellement que sur la vallée du Draa, le Ksar Aït Ben Haddou
n'est pas concerné par cet inventaire. Il appartient à
l'équipe du CERKAS dans un futur proche d'intégrer le ksar en
question dans sa démarche même s'il ne fait pas partie du
programme, ni du champs spatial où
1 Cf. Mohamed Boussalh, « Conception d'un
système d'information géographique pour l'inventaire du
patrimoine culturel de la vallée du Dràa », in Patrimoine
culturel marocain, Publication de l'Université Senghor sous la
direction de Caroline Gaultier-Kurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris,
2003 (p.419)
s'inscrit ce programme. Le site du Ksar Alt Ben Haddou
gagnerait énormément à être approché
grâce à l'application du SIG dans la démarche transversale
et intégrée de sauvegarde, de réhabilitation et de
gestion.
Ayant acquis un savoir-faire en la matière, le CERKAS est
en mesure de mener
une approche si pertinente pour le site, afin de servir
d'outil de planification et de gestion en matière de prise de
décision et de monitorage par rapport au ksar et son environnement, et
de servir éventuellement de modèle pour les gestionnaires des 7
autres sites du patrimoine mondial existant au Maroc.
CONCLUSION
Jacques Majorelle (1930)
Depuis son adoption en 1972 par la Conférence
générale de l'UNESCO, la
Convention concernant la protection du patrimoine mondial
culturel et naturel exerce touj ours une influence
prépondérante dans la préservation du patrimoine culturel
et naturel de notre planète, et ce dans toute sa diversité.
Dans cette dynamique internationale, il ne s'agit pas
simplement de préserver les témoins du passé, mais
plutôt de faire en sorte que la protection du patrimoine s'accompagne
d'un développement qui respecte, au lieu d'anéantir, les
ressources de l'humanité et de la nature.
Néanmoins, la Convention qui est le fondement du
patrimoine mondial est toujours à la quête de nouveaux
adhérents (Le Sierra Leone est le dernier en date à avoir
ratifier la Convention en mars 2005) et cherche encore à être bien
assimilée par de nombreux pays. L'Unesco cherche également
à rendre la Liste plus crédible car celle-ci dénote de
loin une répartition non équilibré au profit des pays du
Nord (l'Europe notamment).
La Convention présente toutefois, des limites majeures
qui se constatent à deux niveaux :
Au niveau du concept même du patrimoine mondial dont la
qualification sur un bien n'est effective que si celui-ci figure sur la Liste.
C'est dire que le patrimoine mondial est un concept plus reductuer et moins
fédérateur, qui reste subordonné à l'inscription.
Laquelle inscription émane à priori des Etats signataires
plutôt que des détenteurs réels du patrimoine en question,
qui se retrouvent le plus souvent en position de
«copropriétaires» sans le savoir. L'appropriation
(élément de définition du patrimoine souvent
évoqué) d'un site ou d'un bien à une échelle
universelle est de ce fait artificielle.
Au niveau de biens ayant un caractère exceptionnel mais
ne figurant pas sur la Liste car l'action de la Convention est
confrontée à la souveraineté des Etats. L'inscription sur
la Liste demeure foncièrement tributaire du bon vouloir des
collectivités nationales. Elle se heurte d'autre part, à la
résistance de certains pays à vouloir inscrire des biens sur la
Liste : le cas de la Syrie ici - par rapport au Crac des Chevaliers-
est assez éloquent. Néanmoins, elle a fait preuve d'une
grande souplesse quant à l'inscription de Jérusalem,
alors que la souveraineté sur le lieu est un objet de conflit
historique.
Force est de dire que l'Unesco ne cesse d'encourager les pays
à proposer des biens en vue de les classer dans le patrimoine mondial.
Jusqu'à présent, la Convention profite aux pays qui ont su en
faire bon usage.
Cependant, par rapport aux contraintes qui entravent l'action
de l'Unesco, les avancées de la Convention depuis 1972 sont plus
importantes. Elle a d'abord anticipé
d'au moins deux décennies des réflexions
actuelles qui s'articulent autour des thèmes tels l'authenticité
(Document de Nara en 1994), et les liens indissociables entre le
culturel et le naturel, entre l'humain et l'environnemental ; ce qui a
révélé les prémisses de deux concepts
d'actualité qui ont marqué la paysage patrimonial de cette
dernière décennie ; à savoir le concept des paysages
culturels (les Orientations) et celui du patrimoine immatériel
(Convention de 2003 sur le patrimoine immatériel).
Ces Avancées ne pouvaient être
réalisées sans un instrument normatif qui a su accompagner
l'évolution de ces concepts. La Convention de 1972 a trouvé dans
les Orientations la solution qui répond aux aspirations de ses
auteurs.
Lesquels auteurs ont su consacrer des valeurs
d'universalité sans pour autant s'apparenter à la mondialisation.
Les valeurs du patrimoine mondial sont devenues le refuge des
sociétés moins avancées mais riches sur le plan culturel :
la solidarité des nations au lieu de la concurrence, l'entraide à
la place de la défense d'intérêts, la diversité au
lieu du modèle unique.
La Convention de 1972 - au même titre que les
Recommandations et les Chartes qui découlent de l'Unesco - n'est pas une
fin en soi, mais un modèle de bonne gestion des sites qui appartiennent
aux collectivités nationales, qu'elles soient signataires ou pas de la
Convention. Elle encourage non seulement l'adhésion à ses
principes, mais également le développement de deux domaines
inhérents à la bonne gestion : la formation et la
législation.
La gestion des sites du patrimoine mondial est devenue une
affaire de tous les acteurs : sociaux, politiques, et économiques. Le
Maroc est l'un des pays qui a tendance à s'investir dans cette synergie
(le cas de Fès, de Marrakech, de Meknès, et d'Essaouira), mais
malheureusement certains de ses biens inscrits sur la Liste du patrimoine
mondial sont loin d'être inscrits dans cette dynamique, à l'image
surtout du Ksar Aït Ben Haddou.
Le Ksar des Aït Ben Haddou - à la
différence des autres sites - tire sa révérence de son
inscription sur la Liste, alors qu'il ne s'agit pas du modèle type de
l'architecture vernaculaire des vallées présahariennes du Maroc.
Il est sorti de l'anonymat - même au niveau national - grâce
justement à cette inscription.
Néanmoins, Ce bien est confronté à une
réalité à la fois désolante et paradoxale. Entre
l'éclatement et la dégradation dues à l'abandon du site
par ses occupants légitimes, le ksar est entrain de perdre à
jamais sa fonction originelle : celle de l'habitat ; mais il engendre de
nouveaux enjeux socioéconomiques liés à son classement
dans le patrimoine mondial. En tant que village communautaire
authentique, il ne vit que dans la mémoire des générations
qui y avaient vécu, et dans les rapports de mission
des experts sollicités par l'Unesco ou le PNUD, et qui
font tous office d'un constat alarmant.
Alors que le ksar est sujet à un processus de
dégradation avancé et irréversible, les missions et les
recommandations se multiplient en vain. Une dynamique communautaire commence
à ressurgir sur le site mais elle demeure limitée devant le
manque de confiance de la part des pouvoirs locaux.
Donc, il y a lieu renforcer à la fois l'action
communautaire et associative, de façon à ce que l'une nourrit
l'autre sans que l'une n'exclut l'autre. L'approche associative et/ou communale
dans la gestion des affaires du site ne doit pas se substituer brutalement
à la gestion communautaire, mais elle devrait s'inscrire dans son
prolongement.
Entre des ateliers de consultation tenus fin 2003 (agenda 21
local) et peu prometteurs, et un Plan de gestion qui n'arrive pas
à voir le jour d'une part, et la résistance de l'autorité
marocaine chargé de la Culture à l'inscription du bien sur la
liste du patrimoine en péril (sachant par définition que la perte
d'un patrimoine est un sacrifice, mais sa sauvegarde suppose également
un sacrifice) d'autre part, le prestigieux ksar continue à se
dégrader.
En outre, les programmes à vocation internationale
et/ou régionale qui s'articulent autour du thème du
développement (PNUD, ONU-Habitat, RBOSM, Euromed, PACT, ITUC, etc.)
semblent être ignorés ou du moins négligés par
les gestionnaires du site. Il est vrai qu'on risquerait de se « perdre
» dans la multitude des programmes, mais il suffit juste d'opter pour les
plus favorables au site et sa population, et ceux qui présentent plus de
convergences et plus d'atouts pour le site sans pour autant engendrer des
conflits de compétences.
Et s'il y a vraiment des axes à développer en
faveur du site et sa population, ce sera bien la sensibilisation de la
population et des usagers, l'éducation de la jeune
génération, et la formation des gestionnaires. Une
démarche qui doit être menée en amont, et devrait
être accompagnée d'une délégation de certains
aspects de la gestion à la population, pour un regain de sa confiance.
La recherche d'un consensus au niveau des partenaires sociaux est capitale afin
que toute intervention ait une légitimité et une acceptation
locale.
Un autre axe est amené à être
développé, au niveau de la gestion de la sauvegarde proprement
dite du ksar. Il s'agit de la recherche de la meilleure manière de
mettre en oeuvre le texte de classement du site et les documents urbains en
vigueur. C'est au niveau de la diffusion et la sensibilisation chez la
population que cela devrait être possible. Et l'idéal serait la
recherche d'optimisation du classement, en ce sens qu'il
soit en mesure de préserver le ksar et son
environnement sans que la dynamique sociale et économique ne soit
figée.
Au-delà de l'inscription sur la liste du patrimoine
mondial en péril - tant recommandé par le Comité du
patrimoine mondial et porteuse d'espoir pour le ksar - le Maroc est
appelé à développer d'autres créneaux :
Renforcement des capacités du Cerkas (Statut, formation
continue, etc.), la gestion de proximité (création d'une antenne
sur le site) et les partenariats.
En matière de réhabilitation, les
autorités locales hésitent à investir sur le site et
paraissent plus soucieux de la recherche d'une rentabilité sociale de
leur investissement. La population - quant à elle - se déclare
prête à occuper le ksar si les investissements publics sont
réalisés à court terme. Ce climat dénote une crise
de confiance entre ces deux acteurs. Les promesses de la population
reflètent plus un attachement à leur patrimoine immobilier
qu'à une volonté sérieuse de loger à nouveau dans
leur village ancestral. Par contre, leur volonté de s'investir dans une
dynamique touristique prend le dessus.
L'idéal serait de développer les
activités économiques porteuses et génératrices de
revenus et qui seraient en permanence rapportées au patrimoine culturel
du site et ayant un effet de retour sur le ksar, ou du moins sans effet
négatif sur son intégrité ; chose qui n'est pas du tout
facile, faut-il le reconnaître. Dans cette dynamique, il convient de
développer l'agriculture, qui doit rester l'activité majeure du
site, ainsi que l'artisanat, et d'autre part, il est impératif de
développer les valeurs éthiques du tourisme
(équité, engagement, transparence, partenariat..) afin de
préserver l'intégrité culturelle de la communauté
et celle du ksar, et de prévenir contre le risque des effets pervers du
tourisme dont la distorsion de l'image culturelle et communautaire du site en
serait l'émanation.
Ce cycle économique devrait déboucher sur
l'amélioration des conditions de vie de la population qui sera en mesure
d'entretenir elle-même son village ancestral dans un esprit communautaire
qui est appelé à être restauré.
Les avancées conceptuelles des instruments normatifs de
l'Unesco surtout en matière de Paysages culturels ouvrent des
nouvelles perspectives dans la reconsidération des valeurs du patrimoine
mondial ainsi que leur gestion. Le ksar des Aït Ben Haddou est le
plus apte parmi les huit sites du patrimoine mondial au Maroc à adopter
cette tendance et à en tirer le meilleur parti.
Par ailleurs, les gestionnaires du site - le CERKAS
en particulier- sont appelés à travailler en réseau
avec ceux des sites du patrimoine mondial situés en territoire marocain,
et éventuellement avec des sites similaires situés ailleurs. Il
est aberrant que
des réseaux thématiques se tissent au sein des
professionnels à l'échelle internationale, alors qu'aucune
structure de coordination n'existe à l'heure actuelle au niveau
national.
A ce titre, le recours aux nouvelles technologies
d'information en matière de gestion d'éléments de
sauvegarde et de facteurs de réhabilitation devient incontournable, et
fournit aux gestionnaires des capacités sérieuses en la
matière. Le SIG se distingue dans cette tendance en tant qu'outil de
gestion approprié que les gestionnaires devraient exploiter ensemble et
à tous les niveaux de la gestion.
La gestion durable des ressources patrimoniales dans
l'environnement du
ksar est amenée - si les conditions
d'épanouissement sont réunies- à devenir un modèle
pour la gestion et le développement des villages communautaires qui
balisent formidablement le paysage patrimonial des vallées
présahariennes du Maroc.
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in L'économiste (édition électronique du 24
déc. 2004).
<< Suivi de la gestion des sites inscrits sur la liste du
Patrimoine mondial >>, in Portail de l'Unesco (diffusé
sur Internet).
<< La Banque Mondiale et le patrimoine mondial >>, in
La Lettre du patrimoine mondial, N°44, mars-avril, 2004, p.3
(diffusé sur Internet).
3. Rapports & documents
inédits
Aït Hamza, Mohammed. Projet de
réhabilitation du Ksar Aït Ben Haddou; Document inédit,
PNUD (Mor/90/003), Rabat, 1992.
CERKAS, Pour la sauve garde du site de
Aït Ben Haddou (inédit), nov. 2001.
CERKAS, Enquête sur la situation
foncière du Ksar Aït Ben Haddou (inédit), sept. 2001.
CERKAS, l'architecture de terre dans le sud marocain,
octobre 2000.
Debbi, FathAllah. Profil environnemental du
Ksar Aït Ben Haddou (document inédit), Unesco-PNUD, novembre
2003.
Dkhissi, Driss. Réhabilitation des
kasbas du Sud : résultats et recommandations du projet; rapport
final du projet PNUD/MOR/90/003, Unesco, 1997.
El-Assal,Kh.&El-Basri,J.&Malti,H.
Etude architecturale des qasbas et qsour de Ouarzazate,
Document de synthèse du rapport d'analyse et de diagnostic et du
programme d'action, Ministère de l'Aménagement du Territoire de
l'Environnement, de l'Urbanisme et de l'Habitat, Direction de l'Architecture,
2002.
Ghorafi, Jamal-Eddine. Sauvegarde de la
kasba de Taourirt et du Ksar Aït Ben Haddou, Rapport technique
PNUD/MOR90/003, 1993.
Gomez, Alain. Etude Marketing et
Communication, Rapport d'évaluation et préconisation
(inédit), CERKAS, 1994.
Michon, Jean-louis. Sauvegarde et
réhabilitation du ksar Aït Ben Haddou, rapport de mission
établi pour le Centre du Patrimoine Mondial (inédit), Août
2000.
Skounti, Ahmed. Rapport de la
3ème session de formation sur la mise en oeuvre de la
Convention du patrimoine mondial (inédit), Rabat, 2 décembre
2003.
Stevens, André. Aménagement
de la kasbah de Taourirt et sauve garde de Ksar Aït Ben Haddou :
évaluation et recommandation et projet de l'inventaire d'urgence du
patrimoine atlasique et subatlasique, PNUD-Unesco, Paris, 1992.
Terrasse, H. Rénovation de l'habitat
traditionnel des vallées présahariennes. Rapport P.A.M.
Marrakech 1968.
Vérité, Jean. Maroc :
inventaire, protection et mise en valeur de l'habitat rural traditionnel ;
octobre-décembre 1975- mars-avril 1976 (inédit).
Rapport périodique du patrimoine mondial :
Région arabe (2000-2003)
Exercice de suivi périodique sur l'application de la
Convention du patrimoine mondial au Maroc, section I.
Exercice de suivi périodique sur l'application de la
Convention du patrimoine mondial en Région Arabe.
Banque Mondiale, Mettre les ressources du patrimoine
culturel au service du développement national (Document de
politique générale), Rapport de la Banque Mondiale (Région
Moyen-Orient et Afrique du Nord- Dpt Infrastructures, Finances et Secteur
privé), mai 2003.
Projet MOR/87/016 : Appui à la création du
Centre de Conservation et de Réhabilitation des Kasbas du Sud.
Rapport du suivi périodique sur l'état des sites du
patrimoine mondial au Maroc (2000)
Rapports périodiques et programmes régional : Etats
arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco, 2004.
4. Actes de colloques et
d'ateliers
Paysages culturels : les défis de la conservation
(en anglais) ; Actes d'ateliers tenus à Ferrara
(Italie) les
11-12 novembre 2002 (Conclusion et recommandations publiées en
français), Centre du Patrimoine Mondial, 2003.
Partenariat pour les villes du patrimoine mondial : la
culture comme vecteur de
développement urbain durable, in
Cahiers du patrimoine mondial n°9, Actes d'Ateliers 11-12
novembre 2002 tenus à Pesaro (Italie), Centre du Patrimoine
Mondial-Unesco.
Authenticité et intégrité dans le
contexte africain; Réunion d'experts à Zimbabwe, 26-29 mai
2000, Unesco.
La Convention du patrimoine mondial et les paysages culturels
en Afrique, Réunion d'experts, Tiwi- Kenya (9-14 mars 1999),
Unesco, 2000.
Habiter le patrimoine, Actes de l'université
européenne d'été, Saumur, 13-16 octobre 2003
(diffusé sur Internet).
Les musées : construire les communautés,
Acte de la Journée internationale des musées, 18 avril
2001.
Actes du Colloque international de Saint-Émilion sur
les paysages culturels en Europe
(30 mai-1er juin 2001) ; Coll. Renaissance des cités
d'Europe, Éditions Confluences, octobre 2001.
Actes d'Ateliers nationaux sur les risques majeurs
organisés à Rabat les 26 et 27 février2003
(diffusée sur Internet)
Boussalh, Mohammed. Patrimoine
architectural en terre au Maroc : proposition de création d'un
équipement culturel intégré dans la kasba de Taourirt
à Ouarzazate, mémoire de DEPA, Université Senghor,
Alexandrie, 1999.
Charki, S. Architecture en
évolution: cas du village Aït Ben Haddou, E.N.A, Rabat, 1990.
DeMicheli, Francesca. Sauve garde et réhabilitation
du ksar Aït Ben Haddou au Maroc, mémoire de DEA,
Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, UFR d'histoire de l'art et
d'archéologie, 2002.
Jlok, Mustapha. Habitat et patrimoine au
Maroc présaharien: état des lieux, évolution et
perspectives; mémoire de DEPA, Université Senghor,
Alexandrie, 2001 (diffusé sur Internet).
Ouahidi, AbdelHaq. Ecole des
métiers du patrimoine en développement : Réutilisation
de
la kasba de Taourirt à Ouarzazate,
Mémoire de fin d'études, Ecole d'architecture de Paris, La
Villette UP6, 2004.
ICCROM Chroniques (édition française), nos 28,
29 (septembre 2002/ juin 2003)
Le Courrier de l'UNESCO (juin 1993) Cahiers du patrimoine
mondial (n°9) La lettre du patrimoine mondial
7. Outils d'information
Kit d'information sur le patrimoine mondial, Centre du
Patrimoine Mondial-Unesco, 2000 (diffusé sur Internet).
Brèves descriptions des biens inscrits sur la liste du
patrimoine mondial, Centre du patrimoine Mondial-Unesco, 2003
(diffusé sur Internet).
ANNEXE
Annexe 1- Les textes normatifs
internationaux liés au patrimoine.
Annexe 2 - Les sites du patrimoine
mondial au Maroc.
Ann exe3 -Répertoire de
textes régissant le patrimoine culturel au Maroc, le patrimoine de la
Province de Ouarzazate, le CERKAS, et le Ksar Aït Ben Haddou. Ann
exe4 -Dispositions de Classement en vertu de la loi 22-80 relative
à la conservation du patrimoine culturel au Maroc.
Annexe 5 -Arrêté du
Ministre des Affaires Culturelles Portant création et organisation du
CERKAS.
Annexe 6- Proposition
d'organigramme pour le CERKAS.
Annexe 1
Les textes normatifs internationaux liés au
patrimoine
Charte d'Athènes pour la Restauration des
Monuments Historiques (1931).
Recommandation concernant la sauvegarde de la
beauté et du caractère des paysages et des sites (11
décembre 1962).
Charte Internationale Sur la Conservation et la
Restauration des Monuments et des Sites dite Charte de Venise (1964).
Recommandation concernant la préservation des
biens culturels mis en péril par les travaux publics ou privés
(19 novembre 1968).
Convention concernant la protection du patrimoine
mondial, culturel et naturel (16 novembre 1972).
Recommandation concernant la protection sur le plan
national du patrimoine culturel et naturel (16 novembre 1972).
Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles
historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (26
novembre 1976).
Recommandation sur la sauvegarde de la culture
traditionnelle et populaire (15 novembre 1989).
Déclaration universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle (2 novembre 2001).
Déclaration de l'UNESCO concernant la destruction
intentionnelle du patrimoine culturel (17 octobre 2003).
Orientations devant guider la mise oeuvre de la
convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel
(2 février 2005).
MEDINA DE FES
N345 W50 ref: 170
Description
Fondée au IXe siècle et abritant la plus vieille
université du monde, Fès a connu sa période faste aux
XIIIe et XIVe siècles, sous la dynastie mérinide, quand elle
supplanta Marrakech comme capitale du royaume. Le tissu urbain et les monuments
essentiels de la médina remontent à cette période :
médersa, fondouks, palais et demeures, mosquées, fontaines, etc.
En dépit du transfert du siège de la capitale à Rabat, en
1912, elle garde son statut de capitale culturelle et spirituelle du pays.
MEDINA DE MARRAKECH
|
N31 49 W8 0 ref: 331
|
|
|
Date d'inscription: 1985 Critère:
C (i) (ii) (iv) (v)
|
Description
Fondée en 1070-1072 par les Almoravides (1056-1147),
Marrakech fut longtemps un centre politique, économique et culturel
majeur de l'Occident musulman, régnant sur l'Afrique du Nord et
l'Andalousie. Des monuments grandioses remontent à cette période
: la mosquée de la Koutoubiya, la Casbah, les remparts, les portes
monumentales, les jardins, etc. Plus tard, la ville accueillera d'autres
merveilles, tels le palais Badiâ, la medersa Ben Youssef, les tombeaux
saâdiens, de grandes demeures, etc. La place Jamaâ El Fna,
véritable théâtre en plein air, émerveille toujours
les visiteurs.
Justification d'inscription
a : La ville ancienne de Marrakech a été
fondée en 1070 par les Almoravides. Elle connut successivement le
règne des dynasties almoravide (1062-1147), almohade (1147-1269),
mérinide (1269- 1525), saâdienne (1525-1659) et alaouite (1666
à nos jours) qui contribuèrent à son épanouissement
culturel, spirituel et architectural. Sur le plan architectural et
urbanistique, la médina de Marrakech abrite de très belles
demeures, des marchés animés où les artisans continuent
encore de nos jours à exceller dans l'exécution des arts et des
techniques traditionnels, en plus des prestigieux et imposants monuments qui
s'articulent d'une façon harmonieuse dans l'ensemble de la cité.
e: Nouvelle déclaration de valeur: La médina de Marrakech a
été fondée par les Almoravides en 1070 J.-C. pour y
établir la capitale du premier empire de l'Occident musulman. Leur
génie créateur et celui des dynasties qui leur ont
succédé ont doté la cité d'une enceinte
percée de plusieurs portes monumentales, de quartiers
résidentiels et de commerce, de monuments civils et religieux, de
jardins et d'un système ingénieux d'approvisionnement en eau
(Khettaras).. La médina s'est développée tout au long de
huit siècles. Elle vit et éclore et se perfectionner divers
styles et courants architecturaux et urbains qui ont eu une influence sur
l'urbanisme médiéval. Quelques-uns de ces monuments ont eu une
influence considérable sur d'autres en Occident musulman: ainsi la
Koutoubiya avec son minaret haut de 77 m a directement influencé la
Giralda de Séville. Elle a été construites sous le
règne du
Sultan almohade Abdel Moumen Ben Ali et son lanternon à
probablement été élevé par son fils et successeur
Yaâcoub el-Mansour (1184-1199). Marrakech est également riche par
sa palmeraie qui remonte à l'époque de sa fondation ainsi que
plusieurs jardins dont les plus importants sont le jardin de l'Agdal, celui de
la Menara et le jardin de Majorelle. La médina possède aussi un
artisanat encore vivace de nos jours et d'une extraordinaire
créativité. Aussi, est-elle l'une des premières
destinations du tourisme international au Maroc. Elle abrite, enfin, la
célèbre Place Jamaâ el Fna, foyer séculaire d'un
patrimoine oral qui reflète une multitude d'influences. La place a
d'ailleurs donné naissance depuis quelques années à une
réflexion sur l'établissement d'une liste du patrimoine oral de
l'humanité à laquelle l'UNESCO participe activement.
KSAR D'AÏT-BEN-HADDOU
Province de Ouarzazate N30 57 W6 50
ref: 444
Date d'inscription: 1987 Critère:
C (iv) (v)
Brève description
Ensemble de bâtiments de terre entourés de
murailles, le ksar est un type d'habitat traditionnel
présaharien. Les maisons se regroupent à l'intérieur de
ses murs défensifs renforcés par des tours d'angle.
Aït-Ben-Haddou, situé dans la province de Ouarzazate, est un
exemple frappant de l'architecture du Sud marocain
VILLE HISTORIQUE DE MEKNES
Région centre sud, Wilaya de Meknès N33 50
W5 30
ref: 793
Date d'inscription: 1996 Critère:
C (iv)
Description
Fondée au XIe siècle par les
Almoravides en tant qu'établissement militaire, Meknès devint
capitale sous le règne de Moulay Ismaïl (l672-1727), fondateur de
la dynastie alaouite. Il en fit une impressionnante cité de style
hispano?mauresque ceinte de hautes murailles percées de portes
monumentales qui montre aujourd'hui l'alliance harmonieuse des styles islamique
et européen dans le Maghreb du XVIIe siècle.
Justification d'inscription
Le Comité a décidé d'inscrire le bien
proposé au titre du critère culturel (iv) en tant que bien
représentant de façon remarquablement complète et
satisfaisante, la structure urbaine et architecturale d'une capitale du Maghreb
du 17e siècle alliant de façon harmonieuse des
éléments de conception et de planification islamique et
européenne.
SITE ARCHEOLOGIQUE DE VOLUBILIS
Wilaya de Meknès - Province Meknès El
Menzeh- Moulay-Idriss Zerhoun N34 5 26 W5 33 17
ref: 836
Date d'inscription: 1997 Critère:
C (ii) (iii) (iv) (vi)
Description
La capitale de la Maurétanie, fondée au
IIIe siècle av. J.-C., fut un avant-poste important de
l'Empire romain et a été ornée de nombreux beaux
monuments. Il en subsiste d'importants vestiges dans le site
archéologique, situé dans une région agricole fertile. La
ville devait devenir plus tard, pendant une brève période, la
capitale d'Idriss Ier, fondateur de la dynastie des
Idrissides, enterré non loin de là, à Moulay Idriss.
Justification d'inscription
Le Comité a décidé d'inscrire le site
archéologique de Volubilis sur la base des critères (ii), (iii),
(iv) et (vi), considérant que ce site constitue un exemple
exceptionnellement bien préservé d'une grande ville coloniale
romaine, située à la limite de l'Empire.
MEDINA DE TETOUAN (ANCIENNE TITAWIN)
Région Nord-Ouest, Wilaya de Tétouan,
Province of Tétouan, Médina de Tétouan N35 35 W5
23
ref: 837
Date d'inscription: 1997 Critère:
C (ii) (iv) (v)
Description
Tétouan a eu une importance particulière durant
la période islamique, à partir du VIIIe siècle,
comme principal point de jonction entre le Maroc et l'Andalousie. Après
la Reconquête, la ville a été reconstruite par des
réfugiés revenus dans cette région après avoir
été chassés par les Espagnols. Cela est visible dans
l'architecture et l'art qui témoignent de fortes influences andalouses.
C'est l'une des plus petites médinas marocaines, mais sans aucun doute
la plus complète, dont, ultérieurement, la majorité des
bâtiments sont restés à l'écart des influences
extérieures.
Justification d'inscription
Le Comité a décidé d'inscrire la
Médina de Tétouan (ancienne Titawin) sur la base des
critères (ii), (iv) et (v), considérant qu'elle est un exemple
complet et exceptionnellement bien préservé de ce type de
cité historique, présentant toutes les caractéristiques de
la haute culture andalouse.
MEDINA D'ESSAOUIRA (ANCIENNE MOGADOR)
Province d'Essaouira, Région de Tensift N31 30 0
W9 48 0
ref: 753rev
Date d'inscription: 2001 Critère:
C (ii) (iv)
Brève description
Essaouira est un exemple exceptionnel de ville fortifiée
de la fin du XVIIIe siècle, construite en Afrique du Nord
selon les principes de l'architecture militaire européenne de
l'époque. Depuis sa fondation, elle est restée un port de
commerce international de premier plan reliant le Maroc et
l'arrière-pays saharien à l'Europe et au reste du monde.
Justification d'inscription
Critère ii Essaouira est un exemple remarquable et bien
préservé de ville portuaire fortifiée européenne de
la fin du XVIIIe siècle transposée dans un contexte
nord-africain. Critère iv Avec l'ouverture du Maroc sur le reste du
monde à la fin du XVIIe siècle, Essaouira a été
conçue par un architecte français profondément
influencé par le travail de Vauban à Saint-Malo. Elle a
très largement conservé son aspect européen.
VILLE PORTUGAISE DE MAZAGAN (EL JADIDA)
Région de Doukkala-Abda, Province d'El Jadida N33
15 W8 30
ref: 1058rev
Date d'inscription: 2004 Critère:
C (ii) (iv)
Brève description
Les fortifications portugaises de Mazagan, qui font
aujourd'hui partie de la ville d'El Jadida, à 90 km au sud-ouest de
Casablanca, furent édifiées comme colonie fortifiée sur la
côte atlantique au début du XVIe siècle. La
colonie fut reprise par les Marocains en 1769. Les fortifications, avec leurs
bastions et remparts, constituent un exemple précoce de l'architecture
militaire de la Renaissance. Les édifices portugais encore visibles sont
la citerne et l'église de l'Assomption, construite dans le style
manuélin (gothique tardif). La ville portugaise de Mazagan, l'un des
premiers établissements en Afrique occidentale des explorateurs
portugais qui faisaient route vers l'Inde, offre un témoignage
exceptionnel des influences croisées entre les cultures
européenne et marocaine, qui apparaissent clairement dans
l'architecture, la technologie et l'urbanisme.
Justification d'inscription
Critère (ii) : La ville portugaise de Mazagan
est un exemple exceptionnel de l'échange d'influences entre les cultures
européennes et la culture marocaine, et l'un des tout premiers
peuplements des explorateurs portugais en Afrique de l'Ouest, sur la route de
l'Inde. Ces influences se reflètent clairement dans l'architecture, la
technologie et l'urbanisme de la ville.
Critère (iv) : La ville fortifiée
portugaise de Mazagan est un exemple exceptionnel et l'un des premiers de la
réalisation des idéaux de la Renaissance, intégrés
aux techniques de construction portugaises. Parmi les constructions les plus
remarquables de la période portugaise figurent la citerne et
l'église de l'Assomption, bâtie dans le style manuélin du
début du XVIe siècle.
Les textes normatifs régissant
:
Le patrimoine culturel au Maroc
Dahir n° 1-80-341 du 17 Safar 1401 (25 décembre 1980)
portant promulgation de la loi n° 22-
80 relative à la
conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des
objets d'art et d'antiquités.
Le patrimoine architectural de la Province de
Ouarzazate
Arrêté visiriel Du 29 juin 1953 (17 Choual 1372)
portant classement des Vallées des Oasis (Territoire de Ouarzazate);
B.O.N° 2125 du 7 juillet 1953 - P .983
Arrêté visiriel du 17 Février 1954 (13
Joumada II 1373) portant classement des sites et des Kasbahs de Taourirt et de
Tifoultoute (Territoire de Ouarzazate); B.O.N° 2159 du 12 Mars 1954 - P
.379).
Dahir du 27 février 1943 portant classement des Gorges de
Dades; B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 - P .282)
Dahir du 1er Mars 1943 portant classement du Massif du Bou-Gafer;
B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 - P .283).
Dahir du 1er Mars 1943 portant classement Vallée de l'Oued
M'Goun; B.O. N° 1588 du 2 Avril 1943 - P .283).
Dahir du 3 Mars 1943 portant classement Vallée de l'Oued
Todra; B.O. N° 1588 du 2 avril 1943 - P .283.)
Le CERKAS
Arrêté du Ministre des Affaires Culturelles
N°861-90 du 5 Joumada II 1410 (3 Janvie1990)
portant création et
organisation du Centre de Restauration et de Réhabilitation du
Patrimoine Architectural des Zones Atlasiques et Subatlasiques.
Décret N° 2.99.1248 Du 1er Safar 1421 (5 Mai 2000)
fixant Les Prestations de services par le
Centre de Conservation et de
Réhabilitation du Patrimoine Architectural des Zones atlasiques et
subatlasiques.
Le ksar des Aït Ben Haddou
Arrêté n° 2.04.10 du 14 janvier 2004 portant
classement du site du Ksar Alt Ben Haddou à Ouarzazate; B.O.
n° 5187 - 16 fev.2004.
Dispositions de Classement en vertu du:
Dahir n°
1-80-341 du 17 Safar 1401 (25 décembre 1980) portant promulgation
de
la loi n° 22-80 relative à la conservation des monuments
historiques et des sites,
des inscriptions, des objets d'art et
d'antiquités
TITRE III : DU CLASSEMENT DES MEUBLES ET IMMEUBLES
CHAPITRE I - DISPOSITIONS GENERALES
Article 10 - Le classement des immeubles et des objets mobiliers
est prononcé conformément à la règle en vigueur.
Article 11 - Est assimilé à un immeuble ou
meuble classé, l'immeuble ou l'objet mobilier qui a fait l'objet d'une
enquête en vue de son classement pendant la durée d'un an à
compter de la date de publication au Bulletin officiel de l'acte administratif
pourtant ouverture de l'enquête. Si, au terme de ce délai l'acte
administratif prononçant le classement n'est pas publié,
l'enquête est considérée comme caduque
Le classement ne peut alors être prononcé
qu'après une nouvelle enquête effectée dans les mêmes
formes que la première. Toutefois, dans ce cas, l'immeuble ou le meuble
n'est plus soumis à l'assimilation prévue à
l'alinéa précédent.
Article 12 - Le Conseil communal du lieu de la situation de
l'immeuble doit donner son avis sur le projet de classement pendant la
durée de l'enquête. Faute d'avoir été exprimé
dans ce délai, il est réputé favorable.
L'administration peut demander que son représentant soit
appelé à la réunion du conseil communal
intéressé avant que celui-ci ne donne son avis.
Article 13 - Le classement des immeubles constitués par
des monuments naturels, des sites naturels ou urbains ayant un caractère
artistique, historique, légendaire ou pittoresque intéressant les
sciences du passé et les sciences humaines en général et
des zones entourant les monuments historiques comporte, s'il y a lieu,
l'établissement de servitudes qui sont définies par l'acte
administratif de classement, ainsi que, éventuellement, l'interdiction
des installations visées à l'article 23, dernier aliéna,
en vue d'assurer la protection, soit du style des constructions particulier
à une région ou à une localité
déterminée, soit du caractère de la
végétation ou du sol.
Article 14 - Les plans d'aménagement, de
développement et autres documents d'urbanisme ou d'aménagement de
territoire, peuvent modifier les servitudes imposées en application de
l'article 13, dans les conditions fixées par la réglementation en
vigueur.
Article 15- N'ouvre droit à indemnité que
l'établissement de servitudes qui changent la destination, l'usage et
l'état des lieux à la date de publication de l'acte administratif
prononçant le classement.
Il ne peut être accordé d'indemnité que pour
le dommage direct, matériel certain et actuel résultant de
l'établissement des servitudes visées au premier
aliéna;
Article 16 - Ne peuvent demander une indemnité que les
particuliers qui ont fait des observations au cours de l'enquête
préalable au classement.
La demande en indemnité doit être
formulée, sous peine de forclusion, dans un délai de six mois
à partir de la publication au Bulletin officiel de l'acte administratif
prononçant le classement, dans les conditions fixées par la
réglementation en vigueur.
La demande en indemnité ne suspend pas l'exécution
de l'acte administratif prononçant le classement. Il en est de
même, le cas échéant, de l'action ultérieurement
intentée devant les tribunaux.
Article 17 - Le montant de l'indemnité est fixé
soit par accord amiable, soit par le tribunal.
L'accord qui intervient après que la demande ait
été portée en justice dessaisit le tribunal.
Article 18 - Les servitudes d'alignement et, d'une
manière générale, servitudes établies par la loi et
énumérées dans le Dahir du 19 rejeb 1333 (2 juin 1915),
fixant la législation applicable aux immeubles immatriculés, qui
pourraient entraîner la dégradation des immeubles classés,
ne sont pas applicables à ces derniers.
Article 19 - L'acte administratif prononçant le classement
est inscrit sur le titre foncier, si l'immeuble est immatriculé ou s'il
fait ultérieurement l'objet d'une immatriculation.
Cette inscription est effectuée soit d'office, soit
à la demande de l'administration ou à celle de
propriétaire de l'immeuble.
Elle est exempte de tous droits.
CHAPITRE II - EFFETS DE CLASSEMENT
SECTION 1 - Immeubles
SOUS-SECTION 1 - Effets quant aux immeubles
classés
Article 20 - Un immeuble classé ne peut être
démoli, même partiellement, sans avoir été
préalablement déclassé conformément aux
dispositions de l'article 36.
Article 21 - Un immeuble classé ne peut être
restauré ou modifié qu'après autorisation
administrative.
Article 22 - Aucune construction nouvelle ne peut être
entreprise sur un immeuble classé sauf autorisation accordée
conformément à la réglementation en vigueur.
La délivrance, par l'autorité communale
compétente du permis de construire éventuellement
nécessaire, est subordonnée à l'autorisation visée
à l'aliéna précédent.
Article 23 - Il ne peut être apporté de
modification, quelle qu'elle soit, notamment par lotissement ou morcellement,
à l'aspect des lieux compris à l'intérieure du
périmètre de classement, qu'après autorisation
administrative.
La délivrance de l'autorisation de bâtir, de lotir
ou de morceler, par l'autorité communale compétente, est
subordonnée à l'autorisation l'aliéna
précédent.
Dans les sites et zones grevés de servitudes non
aedificandi, les constructions existant antérieurement au classement
peuvent seulement faire l'objet de travaux d'entretien, après
autorisation. Il ne peut être élevé de nouvelles
constructions au lieu et place de celles qui sont démolies.
En outre, toute installation de lignes électriques ou
de télécommunications extérieures ou apparentes, est
soumise à autorisation si elle n'est pas interdite expressément
par l'acte administratif prononçant le classement.
Article 24 - L'apposition des affiches dites
panneaux-réclames, affiches-écrans ou affiches sur portatif
spécial et, d'une manière générale, de toutes
affiches ou enseignes quels qu'en soient la nature et le caractère,
imprimés, peintes ou constituées au moyen de tout autre
procédé, est interdite sur les immeubles cassés, sauf
autorisation.
Article 25 - L'administration peut faire exécuter
d'office, aux frais de l'Etat et après en avoir visé le
propriétaire, tous travaux qu'elle juge utile à la conservation
ou à la sauvegarde de l'immeuble classé.
A cette fin l'administration peut autoriser l'occupation
temporaire dudit immeuble ou des immeubles voisins. L'autorisation d'occupation
est notifiée aux propriétaires intéressés.
L'occupation ne peut excéder un an.
L'indemnité éventuellement due aux
propriétaires est fixée soit par accord amiable, soit, à
défaut, par les tribunaux.
Article 26 - Les immeubles classés, domaniaux, habous
ou appartenant aux collectivités locales ou aux collectivités
régies par le Dahir du 26 rejeb 1337 (27 avril 1919) organisant la
tutelle administrative des collectivités ethniques et
réglementant la gestion et l'aliénation des biens collectifs,
sont inaliénables et imprescriptibles.
Article 27 - Les immeubles classés appartenant à
des particuliers peuvent être cédés. Toutefois cette
cession est soumise aux conditions prévues par le titre V relatif au
droit de préemption de l'Etat.
SOUS-SECTION 2 - Effets quant aux immeubles
riverains
Article 28 - Aucune construction nouvelle ne peut être
adossée à un immeuble classé.
Les constructions existant avant le classement ne doivent
plus, lorsqu'elles font l'objet de travaux autres que de travaux d'entretien,
s'appuyer directement contre ledit immeuble. Dans la partie mitoyenne de ce
dernier, les propriétaires devront édifier, sur leur propre
terrain, un contremur pour supporter les constructions.
Une indemnité représentative de la servitude
d'appui pourra être allouée dans ce cas aux
intéressés. Elle sera fixée ainsi qu'il est prévu
au dernier aliéna de l'article 25.
Lorsque des travaux sont effectués sur leurs immeubles,
les propriétaires riverains sont tenus de prendre toutes mesures
nécessaires pour préserver l'immeuble classé de toute
dégradation pouvant résulter des travaux.
Ces mesures peuvent, le cas échéant, leurs
être prescrites par l'administration. SECTION 2 -
Meubles
Article 29 - Sont applicables aux objets mobiles classés
appartenant aux catégories énumérées à
l'article 26, les dispositions dudit article.
Article 30 - les objets mobiliers classés appartenant
à des particuliers peuvent être cédés. Toutefois
cette cession est soumise aux conditions prévues par le titre V relatif
au droit de préemption de l'Etat.
Article 31 - Un objet mobilier classé ne peut
être détruit, modifié ou exporté. Toutefois, des
autorisations d'exportation temporaire peuvent être accordées,
notamment à l'occasion des expositions ou aux fins d'études
à l'étranger.
Article 32 - L'administration peut exécuter d'office,
aux frais de l'Etat et après en avoir avisé le
propriétaire, tous travaux d'entretien qu'elle juge utiles à la
conservation de l'objet mobilier classé. A cette fin elle peut
procéder, par décision notifiée au propriétaire,
à la saisie temporaire de l'objet pour une période qui ne peut
excéder six mois.
SECTION 3 - Immeubles et meubles
assimilés
Article 33 - Sont applicable aux immeubles et meubles
assimilés à des immeubles ou meubles classés en
application de l'article 11 pendant la durée de l'assimilation, les
dispositions des articles 13, 15 à 17 et des sections I et II du
présent chapitre, à l'exclusion de l'article 20 et sous
réserve des dispositions ci-après.
Article 34 - L'immeuble assimilé ne peut être
démoli même partiellement sans autorisation.
Article 35 - La durée de l'occupation temporaire
prévue par l'article 25, 2è aliéna ne peut excéder
la durée de l'assimilation.
Royaume du Maroc
Ministère des Affaires Culturelles Service
juridique
ARRETE DU MINISTERE DES AFFARES CULTURELLES
N°861-90 DU 5 JO UMADA II 1401 (03 JANVIER 1990) PORTANT CREATION
ET ORGANISATION DU CENTRE DE RESTAURATION ET DE REHABILITATION
DU PATRIMOINE ARCHITETCURAL DES ZONES ATLASIQUES
ET SUBATLASIQUES
LE MINISTRE DES AFFAIRES CULTURELLES,
Vu le décret n° 2-75-443 du 17 Chaabane 1395 (25
août 1975) fixant les attributions et l'organisation du ministre
chargé des affaires culturelles, tel qu'il a été
modifié et complété, ARRETE :
ARTICLE PREMIER : Il est créé sous la
dénomination de « Centre de restauration et de
réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et
subatlasiques », un établissement culturel et technique relevant de
l'autorité gouvernementale chargée des affaires culturelles dont
le siège est à Ouarzazate.
Il peut être créé, selon les besoins, des
annexes opérationnelles dans d'autres localités. ARTICLE 2 : Au
sens du présent arrêté, le patrimoine architectural des
zones atlasiques et subatlasiques désigne l'ensemble des architectures
traditionnelles de l'Atlas et de la zone subsaharienne et saharienne, qu'il
s'agisse de bâtiments en pierre et ou en terre, comportant ou non des
éléments défensifs, qu'il s'agisse de bâtiments
isolés tels que kasbas de commandement, châtelets ou tighremt,
greniers collectifs ou Agadirs, édifices religieux, militaires ou
civils, ouvrages d'art ou groupés en communautés tels que
villages ou ksour
ARTICLE 3 : Le centre a pour mission la protection, la
restauration et la réhabilitation du patrimoine architectural des zones
atlasiques et subatlasiques.
A cet effet, il est chargé de :
- réhabiliter et mettre en valeur le patrimoine
architectural des zones atlasiques et subatlasiques à des fins
socioculturelles en collaboration avec les organismes et autorités
concernées ;
- établir des programmes de sauvegarde des
édifices et ensembles architecturaux considérés comme des
biens culturels du pays ;
- procéder à des études techniques,
sociologiques, ethnologiques ou autres susceptibles de faire progresser la
connaissance des architectures traditionnelles des zones atlasiques et
présahariennes ;
- publier et diffuser des informations sur le patrimoine
architectural sud marocain sous forme de documents imprimés ou
audiovisuels ;
- collaborer à des études comparative sur les
architecture en terre, notamment dans les régions atlasiques et
présahariennes ;
- établir et entretenir des relations avec des
institutions nationales ou internationales ayant une vocation similaire en
collaboration avec les autorités compétentes.
ARTICLE 4 : Le Centre de restauration et de
réhabilitation du patrimoine architectural des zones atlasiques et
subatlasiques est administré par un directeur nommé par un
arrêté de l'autorité gouvernementale chargée des
affaires culturelles, parmi les titulaires du diplôme de Doctorat d'Etat
dans le domaine des sciences du patrimoine ou d'un diplôme
équivalent, ou à défaut, parmi les titulaires du
diplôme d'études supérieures dans le domaine des sciences
du patrimoine ou un diplôme équivalent.
Le directeur assure la gestion du centre conformément aux
décisions de l'autorité gouvernementale chargée des
affaires culturelles.
|
|
ARTICLE 5 le directeur du centre a rang de chef de division de
l'administration centrale.
ARTICLE 6 : Le comité consultatif comprend :
- le ministre des affaires culturelles ou son
représentant, président ;
- les gouverneurs des provinces de la région du sud ;
- le gouverneur de la province d'Er-Rachidia ;
- le directeur des musées, des sites, de
l'archéologie et des monuments historiques ;
- les délégués du ministère des
affaires culturelles dans les provinces du sud et la province d'Er-rachidia
;
- les délégués du ministère de
l'habitat dans les provinces du sud et la province d'erRachidia ;
- les délégués du ministère du
tourisme dans les provinces du sud et la province d'er-Rachidia ;
- les délégués du ministère de
l'agriculture et de la réforme agraire dans les provinces du sud et la
province d'er-Rachidia ;
- les délégués du ministère de
l'artisanat et des affaires sociales dans les provinces du sud et la province
d'er-Rachidia ;
- les délégués de l'autorité
gouvernementale chargée des travaux publics dans les provinces du sud et
la province d'er-Rachidia ;
- le délégué régional du Plan
Le ministre des affaires culturelles peut inviter à
participer aux réunions du comité consultatif toute personne
qualifiée, susceptible d'éclairer le débat.
Le comité consultatif étudie et émet son
avis sur le programme d'activité annuel proposé par le centre.
Il se réunit une fois par an, sur convocation de son
président et aussi souvent que les besoins du centre l'exigent.
ARTICLE 8 : le centre comprend les services administratifs
et techniques suivants :
- le service des études et recherches ;
- le service de restauration et réhabilitation ;
- le service de gestion et de documentation.
ARTICLE 9 : les attributions et l'organisation internes des
services du centre sont fixées par arrêté du ministre
chargé des affaires culturelles.
ARTICLE 10 : le ministre des affaires culturelles est
chargé de l'exécution du présent arrêté qui
prend effet à compter de sa date de publication au Bulletin Officiel.
Il veille au fonctionnement de l'ensemble des services du
centre.
Il établit, à la fin de chaque année, un
rapport sur les activités du centre de l'année
écoulée.
B.O. N° 4062 - 14 Safar 1411 (05 sept.1990) page 470
Rabat, le 5 joumada II 1410 (3 janvier 1990)
Le ministre des
affaires culturelles,
Mohamed Benaissa.
1 Dessinateur
1 Adjoint technique
1 Equipe de
chantier
CONSOLIDATION
DU CENTRE
EXTENSION
1 SOCIOLOGUE (Porte parole auprès de la
population)
1 Adjoint technique 1 Consultant
juriste
SCHEMA D'AMENAGEMENT PROJET DE
RESTAURATION
AIT BEN HADDOU
1 Architecte
2 Topographes 2 Dessinateurs
2 Adjoints techniques
1 Consultant photogrammétrie
1 Consultant architecte terre
1 Urbaniste 1 Géographe 1 Sociologue 1
Ethnologue
1 Consultant juriste
1 Consultant tourisme
KAS BAH DU SUD
SCHEMA DIRECTEUR
ET INVENTAIRE
PROPOSITION D'ORGANIGRAMME DU CERKAS
NE CESSAIRE
DES L 'ANNEE 1991 (Réf. CERKAS)
DIRECTEUR
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SECRETAIREE 1Secretaire inform atique
biingue 3 Secretaires
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1 ADMINISTRATEUR ADJOINT 1
COMPTABLE
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FORMATION CONSULTANT
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Résumé du mémoire
L'histoire du Maroc avec le patrimoine mondial a
commencé depuis 1975, date à laquelle il
a adhéré à la Convention concernant la
protection du patrimoine mondial naturel et culturel de 1972. Mais, le premier
site marocain à être classé remonte à 1981 (la
médina de Fès), et depuis, le pays a enchaîné sa
démarche de proposition d'inscription pour d'autres sites. A ce jour,
huit sites sont inscrits sur la Liste.
Le Ksar Aït Ben Haddou, situé à 30
Km d'Ouarzazate est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco
depuis 1987. A cause de multiples dommages subis ces quinze dernières
années, le Ksar se trouve exposé à un processus de
dégradation accélérée : manque d'entretien à
cause de l'abandon du village par ses habitants, tourisme mal organisé,
absence d'organisation d'accueil et de droits d'accès, problèmes
d'encadrement des activités de tournage cinématographique, et
manque de vision concertée de sauvegarde chez les acteurs locaux.
Le ministère de la Culture à travers le Centre
de Conservation du Patrimoine Architectural des zones Atlasiques et
subatlasiques (CERKAS) avait entrepris depuis l'année 1991
jusqu'à 1995, des travaux de restauration grâce au soutien
financier du PNUD, et depuis, le ksar est livré à
lui-même.
Dans la dynamique de réhabilitation de ce site qui
risque le déclassement (à cause de la perte continuelle des
valeurs pour lesquelles il a été inscrit sur al Liste de
l'UNESCO), une nouvelle approche en matière de gestion du site s'annonce
nécessaire. Elle sera axée sur les démarches suivantes
:
- Installation des infrastructures de base qui répond aux
attentes de la population sans endommager les structures bâties et sans
pour autant accélérer le processus d'acculturation;
- Veiller au respect des dispositions de l'arrêté
de classement du site patrimoine national (récemment prononcé)
;
- Développement des systèmes productifs locaux et
les activités génératrices de revenus;
- Renforcement des capacités locales et des
compétences du CERKAS ;
- Institution d'une gestion de proximité par la
création d'une antenne locale du CERKAS ;
- Instaurer une dynamique de gestion participative par
l'application des termes de l'Agenda 21 local ;
- Inscription du site sur la Liste du patrimoine en péril
pour bénéficier du soutien financier du Fonds du Patrimoine
Mondial ;
- Emploi d'un Système d'information Géographique
(SIG) adéquat dans la gestion du site en termes de monitorage (suivi) et
de gestion du risque.
Mots-clés: Patrimoine
mondial, la Convention de 1972, les Orientations, Gestion, Paysage
culturel,
Patrimoine mondial en péril, Ksar Aït Ben Haddou,
Réhabilitation, Agenda 21 local, partenariat., risques, SIG.