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Procédures collectives et voies d'exécution

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par Guy Jules KOUNGA
Université de Yaoundé II - DEA en Droit des Affaires 2003
  

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UNIVERSITE DE YAOUNDE II FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES

UNIVERSITY OF YAOUNDE II ET POLITIQUES

FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

DEPARTEMENT DE DROIT DES AFFAIRES
DEPARTMENT OF BUSINESS LAW

Procédures collectives et voies

d'exécution

MEMOIRE SOUTENU EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLÔME
D'ETUDES APPROFONDIES (D.E.A.) OPTION DROIT DES
AFFAIRES

Par :

KOUNGA Guy Jules

Maîtrise en Droit des Affaires et de l'Entreprise

Sous la direction du :

Professeur PAUL GERARD POUGOUE
Agrégé des Facultés de Droit

Année académique 2003 - 2004

La Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

DEDICACE

A ma mère
Madame SOBNGWI née MAKAMTO Jacqueline

REMERCIEMENTS

- A mon Directeur de mémoire, le Professeur Paul-Gérard POUGOUE : avec beaucoup d'encouragements, d'affection et d'attention, Vous nous avez fait l'honneur de nous initier à la recherche en dirigeant ce travail malgré vos multiples occupations.

Recevez ici notre profonde gratitude.

- A Madame DIFFO Justine : vos conseils pratiques nous ont été d'une grande utilité pour la mise sur pied de ce travail.

- A tous les enseignants de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Yaoundé II et de l'Université de Dschang qui ont contribué à notre formation académique. Recevez ici notre marque de gratitude.

- A mon Grand Frère André Pascal KENGNE : tes conseils, ton soutien infatigable tant matériel que moral ont été d'une grande importance pour la rédaction de ce mémoire.

- A mes frères et soeurs : Jean-Pierre, Innocent, Georges, Lisette et Véronique pour vos conseils de proximité.

- A mes amis Alain, Anastasie, Emmanuel, Fabien, Thomas Eléonore, Rodrigue, Calvin, Sylvie Laure, Nicole, Stéphanie, Nadine, Diane.

- A toute la famille FOKOM et la famille TSOMDJO

PRINCIPALES ABREVIATIONS

Al. = alinéa.

Art. = article.

AUPCAP = Acte Uniforme OHADA portant Organisation des procédures collectives d'Apurement du Passif.

AUPSRVE = Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution.

Bull. Civ. = Bulletin des arrêts de la cour de cassation, chambre civile.

Cass. Com. = Cour de Cassation française, Chambre Commerciale.

Com. = Commercial.

C. A. = Cour d'Appel.

D. = Dalloz.

D. S. = Dalloz Sirey.

Ed. = édition.

Ibid. = ibidem.

Infra = au dessous.

IR = Information rapide.

JCP =Jurisclasseur périodique.

Jex. = Juge d'exécution.

J. P. = Juridis Périodique.

Obs. = Observation.

OHADA = Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Op. Cit. = opere citato.

Ord. = ordonnance.

PA = Petites Affiches.

PUA = Presse Universitaire d'Afrique. PUF = Presse Universitaire de France. Rép. Com. = Répertoire Commercial.

Rev. Proc. Coll. = Revue des Procédures collectives.

Supra = au dessus.

R.T.D.Com. = Revue Trimestrielle de droit commercial. T.G.I. = Tribunal de Grande Instance. T.P.I. = Tribunal de Première Instance.

UNIDA = Association pour l'Unification du Droit en Afrique. V. = Voir.

SOMMAIRE

Pages INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : LA PARALYSIE DE PRINCIPE DES VOIES

D'EXECUTION PAR L'OUVERTURE DES PROCEDURES COLLECTIVES 7

CHAPITRE 1 : FONDEMENT ET ETENDUE MATERIELLE DU BLOCAGE . 8

Section 1 : Le fondement de la suspension des voies d'exécution .. 8

Section 2 : L'étendue matérielle du blocage 19
CHAPITRE 2 : CHAMP D'APPLICATION DU BLOCAGE DES VOIES

D'EXECUTION 28

Section 1 : Champ d'application quant aux personnes . 28

Section 2 : Champ d'application quant aux juridictions 34

DEUXIEME PARTIE : L'ADMISSION D'EXCEPTION DES VOIES

D'EXECUTION DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES 47
CHAPITRE 1 : L'ADMISSION DIRECTE DES VOIES D'EXECUTION DANS LES

PROCEDURES COLLECTIVES . 48

Section 1 : Les voies d'exécution indifférentes aux procédures collectives . 48
Section 2 : La réalisation de l'actif de l'entreprise par l'utilisation des voies d'exécution... 60 CHAPITRE 2 : LA SUPPLEANCE DES VOIES D'EXECUTION PAR LES

PROCEDURES COLLECTIVES .. 68

Section 1 : La procédure collective, voie d'exécution collective 68

Section 2 : Les procédures collectives, voies d'exécution spécifiques .. 76

RESUME

La procédure des voies d'exécution qui a pour objet la satisfaction de l'intérêt individuel du créancier s'impose difficilement lorsque s'ouvre une procédure collective d'apurement du passif. Cette ouverture entraîne le blocage de principe des voies d'exécution. Ce blocage qui a un champ d'application assez large a un fondement précis. En effet l'interdiction des voies d'exécution est fondée sur le fait que la procédure collective dessaisit le débiteur de la gestion de ses biens et rend ceux-ci indisponibles entre ses mains. Encore faut-il mentionner qu'elle traite les créanciers du débiteur de manière collective et égalitaire. La paralysie des voies d'exécution concerne aussi bien les saisies mobilières que les saisies immobilières et constitue une mesure d'ordre public devant les autres ordres de juridiction.

Malgré cet arrêt ou cette suspension des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective, ses effets se ressentent d'une façon ou d'une autre dans l'exercice des procédures collectives. D'une part certaines voies d'exécution, sont directement admises dans les procédures collectives. Il en est ainsi des voies d'exécution non suspendues, des voies d'exécution exercées sur des créances postérieures, de la saisie conservatoire des créances et de la saisie attribution exercées pendant la période suspecte. Certaines voies d'exécution sont admises pour les besoins de la liquidation : c'est la saisie immobilière qui s'exerce avec une certaine déformation dans la liquidation des biens. D'autre part, les voies d'exécution sont indirectement admises en ce sens que les procédures collectives suppléent les voies d'exécution, la procédure collective étant une voie d'exécution collective et spécifique.

SUMMARY

The measures of execution which have for purpose the satisfaction of creditor's individual interest have difficulties to assert themselves when initiates the collective proceeding for wiping off debt. This initiating proceeding involves in principle the freeze of measures of execution. This freeze of measures of execution has a large scope and precise foundation. In fact, the forbidding of measures of execution is based on the fact that collective proceeding dispossesses the debtor of the management of his property and renders it inalienable. It is interesting to mention that the initiating proceeding treat debtor's creditors collectively and in an equal manner. The freeze of measures of execution concerns seizure of personal property and attachment of the real property and constitutes public order for jurisdictions.

Despite the freeze of measures of execution by the initiating proceedings, measures of execution affects one way or another the exercise of collective proceedings. On one hand, certain measures of execution are directly admitted in collective proceedings. These are: non suspended measures of execution, measures of execution exercised on the claims born after the decision to initiate collective proceedings, sequestration of debt and seizure-award exercised during the period of suspicion. Certain measures of execution are admitted with reasons of liquidation: it is the attachment of the real property with certain distortion in the liquidation of property. On the other hand, measures of execution are indirectly admitted because of the supply post of measures of execution by collective proceedings; consequently, collective proceedings are specific collective measures of execution.

INTRODUCTION

Le titulaire d'un droit de créance attend de son débiteur qu'il honore ses engagements selon les modalités qui affectent son obligation. Lorsque le débiteur le fait dans ces conditions, on dit qu'il exécute son obligation de façon volontaire. Ce mode d'exécution est d'ailleurs le souhait de tout créancier. Pourtant ce souhait n'est pas toujours exaucé, car très souvent, le débiteur résiste au paiement volontaire.

Face à cette résistance, le créancier va procéder à l'exécution forcée de son obligation. Le plus souvent, pour l'adoption de cette stratégie, il utilisera les voies d'exécution lorsque les circonstances le permettent. Ces voies d'exécution désignent « le moyen par lequel une personne peut avec le concours de l'autorité publique obtenir l'exécution des engagements pris envers lui, spécialement contraindre celui qui a été condamné ou s 'est engagé dans certaines formes à satisfaire à ses obligations »1. La procédure des voies d'exécution a connu une évolution avant d'adopter les contours qui lui reviennent dans l'espace juridique OHADA2.

Il existait, parallèlement aux procédés d'exécution forcée sur les biens, un mode d'exécution forcée sur la personne du débiteur, lequel permettait au créancier de saisir et de vendre son débiteur au marché aux esclaves afin de se payer sur le prix de vente obtenu. Cette forme radicale de l'exécution forcée sur la personne, connue des sociétés primitives a fait place de nos jours à la contrainte par corps3. Ce mode d'exécution forcée n'a pas été règlementé par l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

1 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT.

2 Organisation pour l 'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires adoptée par le Traité signé par les 16 Etats membres à Port-Louis le 17 octobre 1993. Les Etats membres de l 'OHADA sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, la République Fédérale Islamique des Comores, le Congo, la Côte-d 'Ivoire, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. 3 C 'est l 'incarcération du débiteur défaillant dans le but de le contraindre au paiement de sa dette.

recouvrement et des Voies d'exécution4. Seule a été règlementée l'exécution forcée sur les biens. Le créancier pour recouvrer sa créance pourra donc saisir les biens meubles ou immeubles de son débiteur.

Ce mode d'exécution forcée sur les biens n'est possible que lorsque l'entreprise du débiteur est saine. Si l'entreprise est en difficulté, le créancier va plutôt faire recours à une procédure collective afin de recouvrer sa créance. Celle-ci désigne toute procédure dans laquelle le règlement des dettes et la liquidation éventuelle des biens du débiteur ne sont pas abandonnés à l'initiative individuelle de chaque créancier, mais organisés de manière à ce que tous les créanciers puissent faire valoir leur droit5. L'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif6 distingue trois procédures collectives : le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens7. Contrairement à la procédure des voies d'exécution qui ne vise que le paiement des créanciers, les procédures collectives vont au-delà et visent aussi bien le redressement de l'entreprise que la punition du débiteur dont l'entreprise est en difficulté. Comme on le constate, si dans les voies d'exécution, on n'exécute que les biens du débiteur, les procédures collectives peuvent exercer une exécution sur sa personne afin de punir le débiteur qui a mal géré ses biens.

L'objectif de paiement des créanciers qui lie ces deux procédures paraît être le motif clé de notre sujet intitulé « procédures collectives et voies d 'exécution ». Mais à l'analyse, il n'est pas le seul. D'emblée, l'étude combinée de ces deux procédures qui constituent distinctement deux disciplines en droit laisse croire qu'il faille les comparer. Les comparer serait examiner leur point de différence et de ressemblance sur le plan du fond et de la forme ;

4 Cet Acte uniforme a été adopté le 10 avril 1998 et entré en vigueur le 1er janvier 1999.

5 Gérard CORNU précité.

6 Cet Acte uniforme a été adopté le 10 avril 1998 et entré en vigueur le 1er janvier 1999.

7 Cet avis n 'est pas partagé par SA WADOGO (F, M), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme, Bruylant, Juriscope, 2002. Celui-ci ne considère pas le règlement préventif comme une procédure collective.

on pourra par exemple comparer la date d'adoption des actes uniformes qui les instituent8, les personnes et les institutions concernées par ces procédures, leurs objectifs et leur efficacité. Si l'on prend seulement en compte les personnes qui sont concernées par ces deux procédures, on pourra grouper les personnes actives et celles passives. Du côté de celles-ci, on retrouve incontestablement le débiteur qui peut être une personne physique ou une personne morale. En ce qui concerne celles-là, si l'on exclut les personnes instituées pour la mise en oeuvre de ces procédures9, on parlera uniquement du créancier qui lui aussi peut être une personne morale ou physique.

Procéder ainsi serait un peu fastidieux dans le cadre de notre mémoire dans la mesure où, la lecture conjointe desdits actes uniformes permet de déceler le lien qui permet de mieux s'interroger sur la question. Ce lien résulte de l'exercice cumulé des procédures collectives et des voies d'exécution. Ceci étant, une voie d'exécution déclenchée par un créancier dans son intérêt personnel pourra être influencée par l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif contre le débiteur de ce créancier. Aussi est-il intéressant de se pencher sur l'influence de l'ouverture d'une procédure collective sur l'exercice d'une voie d'exécution. Envisager ce sujet sur l'angle de l'influence réciproque d'une procédure sur l'autre revient à s'interroger sur les rapports que peuvent entretenir ces deux procédures quand leur exercice se coïncide dans le temps.

Ces rapports qui sont présents dans les deux actes uniformes1° sont plus perceptibles dans l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif. Ainsi, il ressort de la lecture combinée des articles 9 et 7511 de l'AUPCAP que la décision d'ouverture d'une procédure collective suspend ou interdit l'exercice des voies d'exécution tendant à obtenir le paiement des droits et créances exercées par les créanciers antérieurs à cette décision

8 Les deux actes uniformes ont été adoptés le 10 avril 1998 et entrés en vigueur le 1er janvier 1999.

9 Comme personnes instituées, on peut citer par exemple l 'huissier de justice, le greffier, le syndic... AUPSRVE et AUPCAP.

11 Il aurait été préférable que ces articles ressortissent des dispositions générales ; voir infra.

d'ouverture. Pourquoi la décision d'ouverture d'une procédure collective suspend ou interditelle l'exercice d'une voie d'exécution ? Les voies d'exécution et les procédures collectives ne peuvent-elles pas cheminer ensemble ? Quelles voies d'exécution sont-elles suspendues ou interdites ?

La suspension des voies d'exécution concerne aussi bien les saisies mobilières que les saisies immobilières et a pour objectif le traitement collectif des créanciers du débiteur dont l'entreprise est en difficulté. Ce blocage des voies d'exécution s'entend aussi explicitement dans l'AUPSRVE. C'est le lieu d'examiner l'une des conditions essentielles d'une saisie qui est la disponibilité du bien objet de la saisie. Or l'ouverture d'une procédure collective contre un débiteur rend ses biens indisponibles, par conséquent lesdits biens ne peuvent pas faire l'objet d'une saisie. Cette mesure n'est propre qu'aux débiteurs pouvant subir une procédure collective. Ceci étant, la catégorie des débiteurs pouvant faire l'objet d'une saisie est d'un côté plus important que celle pouvant être soumise à une procédure collective12. Historiquement13, la procédure collective n'était applicable qu'aux commerçants, mais avec l'avènement de l'AUPCAP, on pourra appliquer la procédure à toute personne morale de droit privé14 excepté les personnes physiques non commerçantes. En ce qui concerne les voies d'exécution, elles s'appliquent indistinctement à toute personne physique et aux personnes morales de droit privé15.

Il faut aussi relever que l'ouverture d'une procédure collective dessaisit les juridictions devant lesquelles était pendante une voie d'exécution. Cette juridiction peut être civile, pénale ou même administrative.

12 On fait allusion ici aux personnes physiques non commerçant.

13 Jusqu 'à la réforme OHADA.

14 Et même aux personnes morales de droit public ayant la forme d'une personne morale de droit privé ; lire l 'article 2 de l 'acte uniforme sur les procédures collectives d 'apurement du passif.

15 L 'acte uniforme sur les voies d'exécutions laisse paraître que les personnes morales de droit public ne sont pas soumises à une telle procédure.

Des constats qui précèdent, on peut dégager la première hypothèse de notre étude qui établit les rapports conflictuels entre les procédures collectives et les voies d'exécution. La seconde hypothèse qui envisage les rapports de collaboration a ses constats propres. Comment rendre les procédures collectives efficaces en les laissant cheminer avec les voies d'exécution ?

La réponse à cette question est fort simple si l'on ne prend en compte que la procédure de la liquidation des biens. Cette procédure « qui a pour objet la réalisation de l'actif du débiteur pour apurer son passif »16 utilise les voies d'exécution dans l'accomplissement de son objet ; c'est ainsi que les biens immeubles du débiteur sont vendus par la voie des saisies immobilières. Par contre, lorsque l'on prend en compte toutes les procédures collectives, l'admission n'est pas aisée. C'est le lieu de méditer sur le terme employé par le législateur lorsqu'il affirme que l'ouverture d'une procédure collective « suspend » l'exercice de toutes voies d'exécution. Le verbe suspendre utilisé ici signifie interdire pour un temps, comme pour dire que les voies d'exécution suspendues17 pourront reprendre plus tard. Mais quand ? Comment ? Lesquelles ? N'y a-t-il pas des voies d'exécution qui ne sont pas soumises au régime de la suspension mais qui cheminent véritablement avec les procédures collectives ?

Parmi les voies d'exécution, il en est une dont l'effet immédiat peut l'empêcher d'être arrêtée par l'ouverture des procédures collectives18 : c'est la saisie-attribution. Cette saisie emporte « attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie»19. Cette propriété juridique dont jouit le créancier saisissant manifestera sans doute ses effets malgré l'ouverture d'une procédure collective. A côté de cette collaboration directe des voies

16 Article2 paragraphe 3 A UP CAP.

17 Cette suspension ne concerne que les créanciers dans la masse qui sont les créanciers antérieurs au jugement d 'ouverture de la procédure collective.

18 Voir infra.

19 Voir l'article 154 de l'A UPSRVE.

d'exécution dans l'exercice des procédures collectives, il existe une collaboration latente liée aux objectifs communs aux procédures collectives et aux voies d'exécution.

La suspension, l'interdiction ou l'arrêt des voies d'exécution se justifient parfois par le fait que les procédures collectives jouent à certains points le rôle des voies d'exécution. C'est pourquoi il faut rappeler que l'un des objectifs majeurs d'une procédure collective est le paiement des créanciers20. Ce paiement peut être total ou partiel selon la procédure ouverte. Il peut être total dans le règlement préventif et le redressement judiciaire et partiel dans la liquidation des biens. Cette deuxième série de constats conduit inévitablement à rappeler la deuxième hypothèse qui constitue les rapports de collaboration. Ces hypothèses ne sont pas sans intérêt.

Sur un plan purement juridique, il faut connaître les raisons qui sous-tendent les conflits entre les voies d'exécution et les procédures collectives. Sur un plan tout à fait pratique, il faut faire connaître aux juges et aux agents chargés de l'exécution des décisions de justice l'étendue de leur pouvoir lorsqu'ils sont surpris par l'ouverture d'une procédure collective ; et au créancier d'éviter d'engager les actions vaines.

Les procédures collectives dont l'exercice coïncide avec celui des voies d'exécution vont exercer une grande influence sur celles-ci. Il est de principe que les voies d'exécution soient paralysées pour le bon déroulement des procédures collectives (Première Partie). Mais il arrive que pour des raisons de procédure, qu'il y ait une admission d'exception des voies d'exécution dans les procédures collectives (Deuxième Partie).

20 Voir supra.

PREMIERE PARTIE
LA PARALYSIE DE PRINCIPE DES VOIES D'EXECUTION
PAR L'OUVERTURE DES PROCEDURES COLLECTIVES

L'efficacité d'une procédure collective est tributaire des effets de sa décision d'ouverture à l'égard des actions engagées. C'est ainsi que, d'après les dispositions de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif, le jugement d'ouverture d'une procédure collective emporte suspension ou interdiction des actions en cours y compris les voies d'exécution21. L'interdiction ou la suspension des voies d'exécution qui nous intéresse ici ne doivent pas se confondre. En effet, la suspension concerne l'interruption des voies d'exécution en cours. L'interdiction de son côté est relative aux voies d'exécution non encore engagées. L'interdiction et la suspension seront désignées sous le vocable de blocage ou de paralysie même si de temps en temps on emploiera plus le terme de suspension.

Cette paralysie des voies d'exécution qui consiste pour les créanciers à renoncer à agir de leur propre chef a son fondement dans les objectifs des procédures collectives (chapitre 1) et a un champ d'application précis (chapitre 2).

21 Lire les articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l 'A UP CAP.

CHAPITRE 1 : FONDEMENT ET ETENDUE MATERIELLE DU BLOCAGE DES VOIES D'EXECUTION

Le blocage des voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives est lié au caractère des procédures collectives ; parmi ces caractères, certains ont un aspect collectif, d'autres conflictuel. Le premier est collectif en ce sens que les créanciers sont regroupés et soumis à un ensemble de règles destinées à les discipliner afin que leur paiement se fasse dans l'égalité et la justice. Le deuxième est conflictuel en ce sens qu'il existe un conflit d'intérêt d'une part entre les créanciers et le débiteur ou l'entreprise, d'autre part à l'intérieur du groupe des créanciers. C'est ces caractères qui justifient le fondement de la paralysie des voies d'exécution (Section 1). Celles-ci sont précisément les saisies mobilières et immobilières qui constituent en quelque sorte l'étendue matérielle de la paralysie (Section 2).

Section 1 : Le fondement de la suspension des voies d'exécution

L'ouverture d'une procédure collective que ce soit le règlement préventif, le redressement judiciaire ou la liquidation des biens entraîne suspension ou interdiction des voies d'exécution ainsi que les mesures conservatoires. Cette suspension ou interdiction est liée au fait que l'ouverture d'une procédure collective rend impossible les conditions d'exercice d'une voie d'exécution. Le caractère collectif et égalitaire de ces procédures (paragraphe 2) rend indisponible les biens du débiteur qui lui-même se trouve dessaisi (paragraphe 1).

Paragraphe 1 : Le dessaisissement et l'indisponibilité

Lorsque le débiteur se trouve en état de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, cette situation entraîne son dessaisissement de la gestion de ses biens22 et la suspension des poursuites individuelles. Ce dessaisissement (A) a pour conséquence l'indisponibilité des biens meubles et immeubles du débiteur entre ses mains (B).

A- L'idée de dessaisissement

Le dessaisissement peut être admis différemment comme fondement de la suspension des voies d'exécution selon qu'on se trouve devant une procédure collective ouverte avant la cessation des paiements ou devant celle ouverte après la cessation des paiements. Il sera exclu dans le premier cas (1) et discuté dans le second (2).

1- L'exclusion du dessaisissement dans le règlement préventif

Le règlement préventif est une procédure collective ouverte contre un débiteur qui connaît une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise. Elle est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement du passif au moyen d'un concordat préventif. La possibilité de déclencher une telle procédure est réservée uniquement au débiteur qui reste à la tête de ses affaires.

22 Sauf dans le règlement préventif

Le déclenchement du règlement préventif par l'initiative personnel du débiteur doit être considéré comme une raison de rejet du dessaisissement comme fondement de la suspension des voies d'exécution. Contrairement au redressement judiciaire et à la liquidation des biens, qui peuvent aussi être déclenchés par les créanciers ou le tribunal, seul le débiteur peut le faire dans le cas du règlement préventif.

Lorsque le débiteur introduit une requête aux fins de règlement préventif, et que le juge ouvre la procédure, le débiteur reste à la tête de ses affaires pour la suite de la procédure (art. 18 al. 5 AUPCAP). Avant d'en arriver, les étapes suivies sont les suivantes : après l'introduction de la requête suivie du dépôt du concordat préventif, le juge de la juridiction compétente rend une décision de suspension des poursuites individuelles et désigne un expert. Cet expert a pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise, les perspectives de redressement compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l'être par les créanciers et toutes autres mesures contenues dans les propositions du concordat préventif (art. 8 al. 1erAUPCAP). Après le dépôt du rapport de l'expert, le tribunal pourra ou non homologuer le concordat préventif. Lorsqu'il homologue celui-ci, le règlement préventif va alors produire ses effets à l'égard du débiteur.

La situation du débiteur est alors très simple. Il recouvre la liberté d'administration de son entreprise et la libre disposition de ses biens dès que la décision de règlement préventif est passée en force de chose jugée, sous réserve cependant du respect de ses engagements concordataires auquel veillent les organes mis en place23.

Face à cet effet que produit le règlement préventif à l'égard du débiteur, on constate que le débiteur reste bien à la tête de ses affaires. Par conséquent, le dessaisissement doit être exclu comme étant l'un des fondements de la suspension des voies d'exécution par

23 On peut citer par exemple comme organe le juge commissaire, les contrôleurs, le syndic.

l'ouverture du règlement préventif. Ce dessaisissement devient un fondement incontestable lorsque l'ouverture de la procédure collective ne laisse pas le débiteur à la tête de ses affaires.

2- La validité du dessaisissement dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens

Il convient de préciser le domaine du dessaisissement (a) avant de s'interroger sur ses effets dans les procédures collectives de redressement judiciaire et de liquidation des biens (b).

a- Le domaine du dessaisissement

Pour administrer les biens du débiteur lorsqu'une procédure collective est ouverte après cessation des paiements, le débiteur est dessaisi de ses biens. Dans la liquidation des biens ou dans le redressement judiciaire, l'activité du débiteur touchant particulièrement son patrimoine, ne peut plus ignorer la situation nouvelle. Dans un cas, il ne peut plus agir : il est représenté par le syndic (liquidation des biens) ; dans l'autre, il doit se faire assister par le syndic c'est-à-dire obtenir son accord et sa participation à l'acte (redressement judiciaire). Il y a donc seulement une différence de degré à l'intérieur d'une même situation qui est le dessaisissement24. Quand y a-t-il alors dessaisissement ? Quelle est son étendue ? Comment se manifeste-t-il ?

24 SA WADOGO (F. M.), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002. N° 167.

Dans le temps, le dessaisissement s'applique à la situation du débiteur prise entre le jugement d'ouverture et la clôture de la procédure. Qu'en est-il de la période suspecte ?25 Le dessaisissement ne cadre pas avec cette période car pour qu'une personne soit dessaisie de ses biens, il faut que ce soit suite au prononcé d'un acte. Or tel n'est pas le cas pendant la période suspecte, seule l'inopposabilité est adaptée à cette situation.

Quant aux biens, la question essentielle est ici de déterminer si le dessaisissement a une portée générale ou s'il doit avoir un périmètre strictement limité aux biens professionnels du débiteur. L'absence de distinction du texte militerait en faveur de la première interprétation. En outre, la lettre elle-même de l'article 53 de l'AUPCAP semble en ce sens en visant « les biens qu 'il peut acquérir à quelque titre que ce soit ». Plus fondamentalement encore, l'objectif de la liquidation des biens doit conduire à une extension maximale de la portée du dessaisissement26. Le dessaisissement concerne donc les biens du débiteur qu'ils soient présents ou à venir. L'étendue du dessaisissement quant aux biens n'est pas vraiment dérogatoire. La règle en la matière n'est que la reprise de l'article 2092 du c. civ. édictant le droit de gage général du créancier sur les biens présents et à venir de son débiteur27. Ce dessaisissement qui fait des procédures collectives une voie d'exécution en droit commercial28 n'est pas sans effet.

b- Les effets du dessaisissement

A côté de l'effet négatif qui est l'inopposabilité à la masse, il existe des effets positifs qui consistent en l' « ensaisissement de la masse »29.

25 Il s 'agit de la période située entre la cessation des paiements et le jugement d 'ouverture. Voir infra.

26 LE CORRE (P. M.), Le créancier face au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaires des entreprises, P. U.A.M. t. 1, 2000 P. 176

27 SA WADOGO (F. M.) op. cit. n° 174.

28 V. infra

29 SA WADOGO (F.M.), op. cit. n° 186 et s.

L'inopposabilité pendant le dessaisissement a un caractère plus général que celle de la période suspecte puisqu'elle s'applique en principe à tous les actes et quelque soit la bonne ou mauvaise foi du créancier poursuivant.

L' « ensaisissement de la masse » consiste pour le syndic à représenter le débiteur dans la liquidation des biens. Celui-ci ne participe plus à la gestion de l'entreprise. L'entreprise est gérée par le syndic du moins s'il y a continuation de l'activité. Le syndic va alors recouvrer les créances du débiteur au fur et à mesure qu'elles arrivent à échéance. Il va également exercer des actions en justice ; en reconnaissance de droits, en paiement, en responsabilité civile engagée ou non. Ce qui permet de dire que dans la liquidation des biens, le dessaisissement est total. Qu'en est-il en cas de redressement judiciaire ?

Même s'il n'y aboutit pas dans tous les cas, le redressement judiciaire tend vers une reprise totale d'activité de l'entreprise. C'est pourquoi d'une part, la continuation d'activité de l'entreprise est automatique et ne nécessite aucune autorisation, d'autre part le débiteur continue d'agir. Mais, il faut la participation du syndic, ce qui veut dire qu'il faut l'accord du débiteur et du syndic. Chacun d'eux peut agir dans certains cas, dans d'autres, une autorisation du juge commissaire est nécessaire.

Face à tous ces constats, on peut dire que le dessaisissement dans le redressement judiciaire est tantôt partiel, tantôt total.

Le dessaisissement dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens est similaire au dessaisissement dans les voies d'exécution et s'apparente dès lors à une saisie. Les procédures collectives on le sait, sont des voies d'exécution propres au droit commercial30. Elles entraînent l'indisponibilité des biens composant le patrimoine du débiteur comme la saisie entraîne celle du ou des biens concernés. La saisie explique assez bien la

30 SA WADOGO (F., M.) op. cit. n°172. Nous ne partageons pas entièrement cet avis car les procédures collectives vont au delà du droit commercial et embrasse plusieurs disciplines du droit. V. infra ;

situation privilégiée des créanciers formant la masse par rapport aux créanciers hors la masse qui seront négligés tout au long de la procédure.

B- L'indisponibiité des biens du débiteur

Lorsqu'une procédure collective est ouverte contre un débiteur31, les biens concernés par cette procédure deviennent indisponibles entre les mains de celui-ci. Le bien indisponible ne peut plus être saisi par la voie d'une procédure d'exécution forcée, car l'une des conditions de saisie d'un bien est sa disponibilité.

Le bien objet de la saisie doit être disponible entre les mains du débiteur saisi ; cette disponibilité du bien, condition d'une saisie régulière fait défaut en cas de redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur32. Lorsque le débiteur est en état de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, ces deux situations entraînent le dessaisissement du débiteur de la gestion de ses biens et la suspension des poursuites individuelles. Par conséquent, ses biens meubles et immeubles n'étant pas disponibles entre ses mains, aucune saisie ne peut plus être effectuée sur ceux-ci33.

L'indisponibilité des biens du débiteur par l'ouverture des procédures collectives a pour conséquence d'interdire au débiteur d'accomplir les actes d'administration et de disposition comme les aliénations, les actions en justice34. Le débiteur en état de redressement judiciaire ou de liquidation des biens demeure cependant le propriétaire des biens soumis à la procédure collective puisque l'ouverture de la procédure n'a pas pour effet d'entraîner un transfert de propriété des biens du débiteur à la masse des créanciers ou de le déposséder

31 Cette idée n 'est vérifiable que dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens.

32 ASSI-ESSO (A-M.), NIA W DIOUF, OHADA, Recouvrement des créances, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002, n° 97.

33 Lire l 'art. 75 de l 'A UP CAP.

34 POUGOUE (P., G.) et KALIEU (Y), L 'organisation des procédures collectives d 'apurement du passif, OHADA, collection droit uniforme, PUA, n° 104.

desdits biens. Mais, tout en demeurant propriétaire, le débiteur ne peut ni les aliéner à titre gratuit ou onéreux, ni les constituer en gage ou les prêter.

Cette indisponibilité générale35 qui frappe les biens du débiteur empêche qu'une saisie soit pratiquée sur lesdits biens, car l'ensemble des créanciers devrait être traités collectivement au cours de la procédure et de façon égalitaire.

Paragraphe 2 : le caractère collectif et égalitaire des procédures collectives

Contrairement au dessaisissement et à l'indisponibilité qui ne sont pas communes à toutes les procédures collectives, l'autre fondement de la suspension des voies d'exécution est lié au caractère collectif et égalitaire de toutes les procédures collectives. A l'ouverture d'une procédure collective, les créanciers sont traités de manière collective et égalitaire (A). Ce traitement est l'objet d'une grande portée (B).

A- Le traitement collectif et égalitaire des créanciers

La décision de suspension ou d'interdiction des voies d'exécution fait l'objet d'une discrimination vis-à-vis des créanciers concernés. Ceux-ci vont subir collectivement les effets de la suspension. Ils devront produire leurs créances et contrôler le cas échéant l'exécution des mesures prises par l'ouverture de la procédure collective.

35 Nous pouvons dire que l 'indisponibilité est générale dans les procédures collectives parce qu 'elle concerne tous les biens présents et à venir du débiteur, alors que dans les voies d'exécution, elle ne frappe que le ou les biens objet de la saisie.

Le caractère collectif et égalitaire des créanciers dans les procédures collectives s'apprécie d'abord à travers la production des créances36. Mais avant, tous les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective ont une situation identique que ce soit dans le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens. La production des créances ne concerne que les créanciers dans la masse37. Pour qu'on puisse avoir une idée précise du passif, les créanciers doivent, aux termes de l'article 78 de l'AUPCAP produire leur créance auprès du syndic. Il s'agit d'une obligation qui leur est imposée et non d'une simple faculté38.

Le déroulement de la procédure collective suppose que soit évalué avec exactitude le passif du débiteur, ce qui revient à identifier les véritables créanciers39. Pour y parvenir, ceuxci sont astreints à justifier leurs prétentions. Ils doivent produire leur créance entre les mains du syndic qui les vérifie40. La production consiste donc en une remise de titre qui permet au syndic de vérifier le bien fondé des prétentions des créanciers. Rompant avec la solution antérieure qui n'imposait l'obligation de produire qu'aux créanciers chirographaires, l'Acte uniforme en son article 78 précité impose l'obligation de produire même aux créanciers titulaires de sûretés41. Cette soumission de tous les créanciers à l'obligation de production confirme à l'évidence le caractère collectif et égalitaire des procédures collectives.

Le caractère collectif des procédures collectives peut aussi s'apprécier par l'institution des créanciers contrôleurs. L'institution des créanciers contrôleurs telle que prévue par l'AUPCAP constitue une simple possibilité de leur désignation par le juge commissaire.

36 Dans le règlement pré ventif en particulier, la décision d 'ouverture ouvre droit à la constitution des mesures

d 'apurement du passif du débiteur. Pour le faire, les créanciers antérieurs peuvent soit faire des remises totales ou partielles de dettes, soit octroyer des délais de paiements à leur débiteur.

37 V. infra

38 Contrairement à l 'art. 491 du C. com., dont on pouvait déduire que la production était simplement facultative, l 'acte uniforme donne à la production un caractère obligatoire. A ce propos, lire Paul-Gérard POUGOUE et Yvette KALIEU, op. cit. n°123.

39 Alain GHOZY, Nature juridique de la production des créances dans les procédures de règlement du passif ; R.T.D. Com, 1978, P. 2.

40 Ripert et Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, T. II, n°2857.

41 Y compris bien évidemment les titulaires des privilèges généraux comme le trésor, le fisc, la douane, les organismes de sécurité sociale.

Cependant, il faut réserver le cas où leur désignation est demandée par des créanciers représentant au moins la moitié des créances même non vérifiées. Dans ce cas leur désignation devient obligatoire.

Les créanciers contrôleurs sont chargés d'une mission de surveillance et de contrôle assez vague. Ils ont toujours le droit entre autre de vérifier la comptabilité et l'état de situation présenté par le débiteur, de demander compte de l'état de la procédure, des actes accomplis par le syndic, ainsi que des recettes faites et des versements effectués. En conséquence, les contrôleurs contribuent, s'ils exercent efficacement leurs fonctions, au bon déroulement de la procédure et à la préservation des intérêts des créanciers42.

Ce traitement collectif et égalitaire des créanciers dans les procédures collectives conserve une certaine portée.

B- La portée du caractère collectif et égalitaire des procédures collectives

La portée du caractère collectif et égalitaire des procédures collectives se distingue selon qu'on se trouve dans une procédure sans cessation des paiements (1) ou dans une procédure avec cessation des paiements (2).

1- Dans le règlement préventif

Il faut rappeler que d'après l'art. 2 § 1 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif, le règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif. Ainsi défini, le règlement préventif dont la

42 SA WADOGO (F., M.), op. cit. n°160.

décision d'ouverture engendre suspension des voies d'exécution concerne une catégorie précise des créanciers. Ces créanciers seront traités au cours de la procédure de manière collective et égalitaire.

La requête de règlement préventif qui doit être adressée au président de la juridiction compétente doit indiquer les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles43. C'est donc dire que contrairement aux autres procédures collectives44, le blocage des voies d'exécution ne concerne que certains créanciers choisis par le débiteur. Ces créanciers qui seront traités de manière collective et égalitaire tout au long de la procédure sont incontestablement les créanciers antérieurs à la décision d'ouverture du règlement préventif.

Sous d'autres cieux, ces créanciers ne seront pas seulement antérieurs à la décision d'ouverture de la procédure mais ils seront en plus regroupés en une masse notamment dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens.

2- Dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens

Ce qui rapproche de manière apparente ces deux procédures dans l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif est la cessation des paiements. Car aux termes de l'art. 2 § 4, le redressement judiciaire et la liquidation des biens sont applicables à toute personne physique ou morale commerçante, à toute personne morale de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé « qui cesse ses paiements ». La cessation des paiements serait donc une des justifications du regroupement des créanciers antérieurs à la décision d'ouverture en une masse.

43 Lire l 'art. 5 A UP CAP.

44 V. infra

Sont considérés comme créanciers dans la masse, ceux dont les créances ont été produites dans les délais, ont été vérifiées. La masse est constituée aux termes de l'art. 72 de l'AUPCAP « par tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision d'ouverture ». Autrement dit, tous les créanciers dont les créances sont antérieures et régulières. Peu importe qu'ils soient chirographaires, titulaires de sûretés ou de privilèges45.

Aux créanciers dans la masse, on ajoute les créanciers de la masse c'est-à-dire ceux dont les créances sont nées postérieurement au jugement d'ouverture et d'une activité régulière du débiteur et les créanciers hors la masse dont les droits sont inopposables parce que leur créance est née d'une activité irrégulière du débiteur, peu importe qu'elle soit antérieure ou postérieure au jugement d'ouverture.

L'existence de la masse dans l'OHADA46 consacre véritablement le caractère collectif des procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens. Les inopposabilités de la période suspecte lui sont appliquées.

Les créanciers dans la masse dans les procédures avec cessation des paiements et les créanciers dont le débiteur sollicite la suspension des poursuites dans le règlement préventif verront l'ensemble de leurs voies d'exécution paralysé.

Section 2 : L'étendue matérielle du blocage

Aux termes des articles 9 al. 2 et 75 al.1er de l'AUPCAP, le jugement d'ouverture arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part des créanciers antérieurs tant sur les meubles que sur les immeubles (paragraphe 1). Cette paralysie des voies d'exécution s'étend sur une période déterminée (paragraphe 2).

45 POUGOUE (P., G.) et KALIEU (Y), op. cit. n°149

46 Il faut mentionnée que la masse a été supprimée en France par la loi du 25 janvier 1985 sur les procédures collectives.

Paragraphe 1 : Les voies d'exécution paralysées par les procédures

collectives

Il s'agit des voies d'exécution ayant une nature exécutoire (A) et de celle ayant une nature conservatoire (B).

A- Les voies d'exécution ayant une nature exécutoire

Il convient de faire une distinction entre la suspension qui concerne les saisies mobilières (1) et celle liée à la saisie immobilière (2).

1- Application de la suspension des poursuites à la saisie mobilière

Les articles 9 al.2 et 75 al.1er de l'Acte uniforme sur les procédures collectives s'appliquent à toutes les saisies mobilières, qu'il s'agisse de la saisie-vente, de la saisie des récoltes sur pied, de la saisie-revendication, de la saisie-appréhension, de la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières. Ils s'appliquent également aux procédures simplifiées de recouvrement telles les injonctions de payer47 par exemple.

Le fisc étant également concerné par l'arrêt des voies d'exécution, l'avis à tiers détenteur ne peut être délivré après le jugement d'ouverture, pour des créances antérieures.

La saisie-attribution qui a des caractères quelque peu spécifiques sera étudiée ultérieurement. Mais avant, il faut noter que la décision d'ouverture d'une procédure collective arrête aussi les saisies immobilières.

47 T.P.I de Libreville, Ord. De référé, répertoire n° 714/2002-2003 du 26 septembre 2003 : Ohadata J-04-145. Il faut relever ici que les procédures simplifiées de recouvrement ne sont pas expressément visées par les articles 9 al.2 et 75 al. 1 A UP CAP.

2- Application de la suspension à la saisie immobilière

L'arrêt des voies d'exécution s'applique à la saisie immobilière, l'art. 75 al.1er en particulier de l'AUPCAP visant les saisies sur les immeubles.

Avec cet Acte uniforme, la saisie immobilière commencée avant le jugement d'ouverture doit être interrompue par l'effet de ce jugement. Il en est de même de l'adjudication prononcée par suite de la conversion de la saisie en vente volontaire48. Cette règle s'applique même après adjudication, dès lors que la publication du jugement n'est pas intervenue avant le jugement d'ouverture49.

On remarquera cependant que la prorogation d'un commandement de saisie immobilière publié avant le jugement d'ouverture ne constitue qu'une mesure conservatoire échappant à l'interdiction des voies d'exécution50.

On ajoutera que la procédure d'ordre n'est pas une mesure d'exécution, mais une mesure de répartition, de sorte qu'elle n'est pas concernée par la règle de l'arrêt des voies d'exécution51.

Parallèlement à l'interdiction des saisies exécutoires par l'ouverture d'une procédure collective, cette mesure s'applique aussi aux saisies simplement conservatoires.

B- Les voies d'exécution ayant une nature conservatoire

Les saisies conservatoires règlementées par l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution sont soumises à la règle de l'arrêt ou de l'interdiction des voies d'exécution.

48 Com. 24 oct. 1995: Bull. civ. IV. N°247.

49 V. aussi pour un jugement d 'ouverture intervenu entre l 'adjudication et la surenchère : civ. 2è 24 mars 1993 : Bull. civ. II, n°128.

50 Civ. 2è 23 oct. 1991: Bull. civ. II, n) 283.

51 Nancy 1 7 janv. 1990 : Rev. Proc. Coll. 1991, 210, obs. C. Saint Alary HOUIN.

Il faut relever que d'après les dispositions dudit acte uniforme, ce n'est qu'après l'obtention d'un titre que la saisie conservatoire peut faire l'objet d'une conversion en saisie définitive. Si l'acte de conversion n'a pas été effectué au jour du jugement d'ouverture, c'està-dire signifié au tiers saisie, en cas d'intervention d'un tiers, dans les saisies de créances, ou dans le cas contraire, par exemple en matière de saisie conservatoire préalable à une saisievente, peut-il encore être effectué après le jugement d'ouverture ? La jurisprudence apporte à cette question une réponse négative52. Seule la demande de paiement contenue dans l'acte de conversion emporte attribution immédiate au profit du créancier de la créance saisie conservatoire et non la saisie conservatoire elle-même53. Cette règle, qui a essentiellement vocation à jouer en matière de saisie conservatoire de créance, joue à l'identique en matière de saisie conservatoire préalable à une vente54.

L'impossibilité de la conversion laisse-t-elle cependant subsister les effets attachés à la saisie conservatoire, à savoir d'une part l'affectation spéciale prévue à l'art. 2075 al. 1 du C.civ. et d'autre part le privilège du gagiste reconnu au créancier saisissant par l'art. 2073 du

C. civ.? Alors que les juridictions de fond étaient hésitantes sur la question55, la Cour de cassation française a clairement répondu par la négative. La saisie conservatoire doit faire l'objet d'une mainlevée faute de possibilité de conversion après le jugement d'ouverture et ses effets sont ainsi anéantis.

Pendant combien de temps une telle sanction pourra-t-elle être appliquée ?

52 Com. 19 juillet 1994 : D. 1995, 479, note J. PRE VA ULT.

53 T. G.I Lyon 26 septembre 1995 : Rev. Proc. Coll. 1996, 343, n°1, obs. P CANET.

54 Com. 2 février 1999 : D. 1999, I.R. 63.

55 V. pour la conservation de l 'affectation spéciale et du privilège gagiste : T. G.I. Lyon 20 fév. 1996 : D. 1996, I. R. 188.

Paragraphe 2 : La période de la paralysie des voies d'exécution

L'ouverture des procédures collectives entraîne la paralysie des voies d'exécution pendant une période déterminée. Cette période diffère selon qu'on a affaire à des voies d'exécution interdites (B) ou simplement suspendues (A).

A- La période de « la suspension » des voies d'exécution

L'esprit des articles 9 al.2 et 75 al. 1 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif révèle que la décision d'ouverture d'une procédure collective « suspend » l'exercice de toute voie d'exécution ainsi que les mesures conservatoires. Le verbe suspendre signifie interrompre pour un temps. On ne peut toutefois interrompre que ce qui a déjà été engagé. Pour bien comprendre le phénomène et la période de suspension, il faut faire une distinction entre le règlement préventif d'une part et le redressement judiciaire et la liquidation des biens d'autre part.

Dans le règlement préventif, la suspension concerne les voies d'exécution engagées par les créanciers antérieurs à la décision d'ouverture de la procédure collective. C'est dire que toute voie d'exécution qu'il s'agisse d'une saisie conservatoire ou exécutoire engagée avant la décision d'ouverture doit être interrompue. Mais une nuance apparaît cependant : estce que cette suspension concerne toutes les voies d'exécution entamées avant l'ouverture des procédures collectives ?

La réponse à cette question dépend de l'interprétation donnée à l'article 9 al. 1 et 2 de l'AUPCAP. Au terme de l'alinéa 1, « La décision prévue par l 'article 8 ci-dessus suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision ». Cet alinéa 1er doit être

rapproché de l'article 5 alinéa 2 d'après lequel la requête adressée par le débiteur au président de la juridiction compétente «indique les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles ». L'alinéa 2 précise « La suspension concerne aussi bien les voies d'exécution que les mesures conservatoires ». L'alinéa 1 de cet article parle de la suspension des poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des « créances désignées par le débiteur » ; ce qui laisse logiquement penser que la suspension ne concerne que les créances désignées par le débiteur. Cette analyse peut-elle a fortiori s'appliquer à l'alinéa 2 ? Il y a lieu d'y penser. Car les voies d'exécution ne s'exercent que sur les créances, et rien n'empêche que de telles créances ne soient pas désignées par le débiteur.

Dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens, la suspension s'analyse autrement. A ce propos, l'article 75 alinéa 1er énonce : « La décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d 'exécution tendant à en obtenir le paiement, exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et immeubles du débiteur. »

Contrairement à ce qui a été dit plus haut sur le règlement préventif, ici, la volonté du débiteur n'a aucune influence sur les poursuites suspendues. C'est donc à l'égard de toutes les créances que cette mesure s'applique. Elle s'applique à tous les créanciers composant la masse. Cette période de suspension s'étend généralement à toute la période suspecte56. La période suspecte est une notion qui constitue l'une des pierres angulaires du droit des procédures collectives57.

On peut noter qu'en général, la période de suspension des voies d'exécution est cette période là qui précède le jugement d'ouverture. Cette période est qualifiée de suspecte dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens. La période de l'interdiction des voies

56 C'est la période allant du jour de la cessation des paiements à la décision d'ouverture (art. 67 AUPCAP. Elle peut s 'étendre au maximum sur 18 mois.

57 Paul-Gérard POUGOUE et Yvette KALIEU, op. cit. n° 134.

d'exécution de son côté se situe plutôt après la décision d'ouverture de la procédure collective.

B- La période de l' « interdiction » des voies d'exécution

Les articles 9 al.2 et 75 al. 1er parlent aussi de l'interdiction des voies d'exécution. Dans ce cas, il s'agit des voies d'exécution non encore entamées avant l'ouverture des procédures collectives. Parler de l'interdiction en indexant les voies d'exécution commencées après l'ouverture de la procédure collective ne devrait pas créer de doute sur l'identité des destinataires de l'interdiction. Ces destinataires sont bel et bien les créanciers antérieurs à la décision d'ouverture. Comme dans le cas de la suspension, la période de l'interdiction doit s'apprécier selon que l'on se trouve dans le règlement préventif ou dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Dans tous ces cas la période de l'interdiction va du jugement d'ouverture au jugement de clôture de la procédure collective concernée.

Dans le règlement préventif, une fois de plus l'interdiction des voies d'exécution concerne les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture dont les créances ont été désignées par le débiteur. Ces créanciers peuvent être chirographaires, ou titulaires de sûretés. La décision de suspension des voies d'exécution dans le règlement préventif est suivie par la désignation d'un expert. Cet expert a pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière du débiteur et les perspectives de redressement proposées par celuici. En effet la suspension ayant un caractère provisoire, il faut que le tribunal qui décidera par la suite de confirmer ou d'annuler la décision ait suffisamment d'éléments pour se décider. Cette mesure provisoire s'applique pendant une période de deux mois au maximum, période impartie a l'expert pour le dépôt de son rapport. En cas d'homologation du concordat

préventif, la période de l'interdiction pourra aller jusqu'à trois ans58. Toutefois, lorsque le concordat comporte des délais n'excédant pas deux ans, le tribunal peut rendre la période d'interdiction opposable à tous les créanciers même à ceux qui ont refusé tout délai ou toute remise.

Dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens, l'interdiction concerne toujours les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, seulement dans ces cas, ils sont désignés sous le vocable de masse des créanciers. Il leur est interdit d'exercer aucune voie d'exécution jusqu'à la fermeture de la procédure. La période d'interdiction ici diffère selon qu'il s'agit du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens.

La fermeture du redressement judiciaire qui correspond à la fin de l'interdiction des voies d'exécution dépend de l'homologation ou non du concordat de redressement par le tribunal. Dès que les créanciers qui auront été préalablement informés des propositions concordataires procèdent au vote du concordat, il revient au tribunal de se prononcer. Le tribunal peut prendre une décision d'homologation ou de rejet. Lorsqu'il y a homologation celle-ci produit des effets dont celui qui nous intéresse est la cessation des effets du redressement judiciaire. Dès le jugement d'homologation, il n'y a plus interdiction des poursuites individuelles, et, la masse est dissoute. Seulement les voies d'exécution ne pourront être exercée que conformément à la décision prise par la masse concordataire59. Le concordat peut être rejeté soit parce qu'il n'est pas sérieux, soit parce que l'entreprise du débiteur n'éprouve aucune difficulté. Dans ce cas-ci les créanciers sont libres d'exercer leurs voies d'exécution. Dans ce cas là il s'agira plutôt pour le juge de prononcer la liquidation des

58 Pour le débat autour de la limitation de ce délai, V. P. G. POUGOUE et Y KALIEU, op.cit. n°193.

59 On imagine ici par exemple qu 'une créance que le débiteur s 'est engagé à payer dans 2 mois n 'ait pas été faite. Alors ce n 'est qu 'à bon droit que le créancier titulaire de la créance pourra exercer les poursuites à travers les voies d 'exécution.

biens qui a ses effets propres. Il y a également conversion en liquidation des biens en cas d'annulation ou de résolution du concordat60.

Dans la liquidation des biens enfin, la situation s'analyse autrement. Les saisies immobilières sont autorisées mais ne sont pas exercées individuellement par les créanciers mais par leur représentant qui est le syndic. Les autres saisies sont toujours interdites et ne pourront être reprises qu'en cas de clôture de la procédure pour insuffisance d'actif. Car en cas de clôture pour extinction du passif61, aucun créancier n'a plus rien à revendiquer, et par conséquent les voies d'exécution interdites sont simplement caduques.

Comme on le constate, le blocage des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective est fondé sur le fait que la procédure collective empêche l'exercice d'une saisie. Cet empêchement est dû au fait qu'elle dessaisit le débiteur de ses biens en les rendant indisponibles. Surtout faut-il relever que le traitement des créanciers doit être assuré collectivement. Les voies d'exécution paralysées sont diverses et leur suspension ou interdiction s'étendent sur une période précise. Cette paralysie des voies d'exécution a en outre un champ d'application bien précis.

60 Pour la distinction entre annulation et résolution du concordat, lire P.G POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n°240 et s.

61 C'est une hypothèse rare en pratique vu le nombre de liquidation judiciaire engagée depuis l'entrée en vigueur de l 'A UP CAP.

CHAPITRE 2 : CHAMP D'APPLICATION DU BLOCAGE DES VOIES D'EXECUTION

Les articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif énoncent clairement que l'ouverture d'une procédure collective (règlement préventif, redressement judiciaire et liquidation des biens) contre un débiteur entraîne l'interdiction ou la suspension des voies d'exécution ainsi que les mesures conservatoires. Pour apurer le passif du débiteur, ces dispositions décident que la décision d'ouverture d'une procédure collective empêche l'exercice de toute voie d'exécution. Cette suspension ou cette interdiction ne concerne que certaines personnes précises (Section 1). L'absence de voies de recours contre cette mesure consacre à cet empêchement un caractère d'ordre public donc aucune juridiction ne peut ignorer (section 2).

Section 1 : Champ d'application quant aux personnes

La décision de suspension ou d'interdiction des voies d'exécution est une règle classique dans les procédures de règlement du passif. Elle a pour but d'organiser collectivement ces procédures. La mesure s'applique en faveur du débiteur (Paragraphe 1) au profit collectif des créanciers et leur est individuellement préjudiciable (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'application de la mesure au bénéfice du débiteur

Il convient de déterminer le débiteur concerné par la mesure (A) car alors il faudra le distinguer de celui qui est extérieur à la suspension des voies d'exécution (B).

A- Le débiteur concerné par la mesure

Les personnes au bénéfice desquelles s'applique le blocage des voies d'exécution sont les débiteurs auxquels s'appliquent les mesures prises par l'ouverture d'une procédure collective. C'est le lieu de souligner que contrairement à l'opinion émise par certains auteurs notamment le Professeur SAWADOGO62, le règlement préventif doit être considéré comme une procédure collective comme le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Cette proposition est vraie pour au moins trois raisons : d'abord, la loi le considère expressément comme une procédure collective (art. 1er AUPCAP) ; ensuite, comme les autres procédures, le règlement préventif est une procédure judiciaire63 ; enfin, les créanciers concernés par cette procédure sont aussi traités collectivement64.

Après cette clarification, il faut noter que les procédures collectives sont destinées à soigner les difficultés des personnes mentionnées à l'article 2 de l'AUPCAP qui se trouvent dans la situation visée par le même article. Ces personnes peuvent être : toute personne physique ou morale commerçante, toute personne morale de droit privé non commerçante ainsi que toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé65. Les personnes non éligibles à la procédure collective qui ne peuvent pas payer leurs dettes sont en état de déconfiture, laquelle se caractérise par une inorganisation ; le paiement sera le prix de la course. Cette désignation des personnes pouvant faire l'objet d'une procédure collective et par voie de conséquence d'une suspension des voies d'exécution permet de les regrouper en deux grandes catégories à savoir les personnes physiques et les personnes morales.

62 Cet auteur pense que le règlement préventif ne doit pas être considéré comme une procédure collective dans la mesure oh il intervient avant la cessation des paiements, et est ouverte à l 'initiative exclusive du débiteur. V. SA WADOGO (F., M.), op. cit. n°3.

63 Contrairement au règlement amiable de la loi française n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises auquel l 'auteur semble comparer.

64 V. supra.

65 Relativement au droit comparé, il faut dire qu 'en France, la procédure collective est applicable même aux agriculteurs et aux artisans.

Dans la catégorie des personnes physiques, on peut citer les commerçants et les dirigeants des personnes morales. Ces derniers ne peuvent être condamnés que dans des cas précis : il en est par exemple en cas d'action en comblement du passif.

En ce qui concerne les personnes morales, l'OHADA fait une grande innovation dans cette catégorie66. A côté des personnes morales commerçantes traditionnellement admises, on ajoute désormais toute personne morale de droit privé et toute personne publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé67. Pour les personnes morales de droit privé les sociétés commerciales en particulier, la lecture des textes permet de déduire qu'une société fictive puisse faire l'objet d'une procédure collective68.

Seules ces personnes soumises à la procédure collective verront les voies d'exécution dirigées contre eux se suspendre. Autrement dit, leurs propres débiteurs n'y sont pas concernés.

B- Le débiteur extérieur à la mesure

Dans quelle mesure peut-on envisager un débiteur qui ressent les effets de l'ouverture d'une procédure collective alors que les voies d'exécution diligentées contre lui ne sont pas arrêtées ? La suspension peut-elle ne pas bénéficier à certains débiteurs ? La question mérite d'être posée car lorsque l'ouverture de la procédure collective entraîne le dessaisissement du débiteur69, il reviendra au syndic qui le représente (dans la liquidation des biens) de recouvrer ses créances envers ses propres débiteurs.

66 Avant l 'entrée en vigueur de l 'OHADA, seules les personnes morales commerçantes pouvaient subir une telle procédure au regard des dispositions du Code de commerce de 1808 qui était applicable dans la plupart des Etats membres de l'OHADA. V. Philippe TIGER, les procédures collectives après cessation des paiements : P.A., OHADA, Numéro spéciale, 13 oct. 2004, PP. 35 et s.

67 Pour l'application de la procédure collective aux personnes publiques, V. Venant TCHOKOMAKOUA, La réforme du cadre juridique des entreprises du secteur public et parapublic : J.P. n°26, Yaoundé, P. U.A, 1996, PP. 97 et s.

68 V. P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n° 26.

69 V. supra.

On en déduit que les débiteurs du débiteur soumis à la procédure collective, précisément les personnes tenues envers lui, avec lui ou pour lui sont extérieurs à la suspension des voies d'exécution. Il en est ainsi, de ses propres débiteurs, de ses codébiteurs solidaires, de ses codébiteurs tenus in solidum, de ses cautions.

Cet ensemble de personnes ne bénéficient pas des effets positifs de la suspension des voies d'exécution. Celles-ci pourront être exercées envers eux toutes les fois que les conditions d'exercice sont remplies. Il ne sera autrement que si eux-mêmes se trouvent dans les situations similaires à celle du débiteur c'est-à-dire, soit dans une situation financière et économique difficile mais non irrémédiablement compromise, soit en état de cessation des paiements. Dans de pareils cas, leurs propres créanciers subiront eux aussi les préjudices de la suspension des poursuites.

Paragraphe 2 : L'application de la mesure au préjudice du créancier

La législation OHADA, tendue vers la recherche du redressement de l'entreprise et faisant passer au second plan l'intérêt des créanciers, il était logique qu'elle réduise sensiblement les droits individuels des créanciers (A). Mais tous les créanciers du débiteur ne sont pas concernés par le blocage des voies d'exécution (B).

A- Les créanciers soumis à la suspension des voies d'exécution

Les articles 9 al.2 et 75 al. 1er de l'acte uniforme sur les voies d'exécution suspendent ou interdisent toute voie d'exécution de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture. Désormais, la procédure assure l'organisation des poursuites. Le « gel » qu'engendrent ces articles ne peut être nié et est donc patent. Postérieurement au

jugement d'ouverture, les voies d'exécution sont suspendues, car la procédure fige le passif. Le jugement d'ouverture «arrête ou interdit toute voie d'exécution de la part de ces créanciers (les créanciers antérieurs) tant sur les meubles que sur les immeubles », dispose les articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'Acte uniforme précité. En effet, la procédure entraîne une saisie collective des créanciers70. Corrélativement, elle fige l'élément passif du patrimoine du débiteur.

Mais surtout, la procédure collective nie les voies d'exécution ; voire les détruit purement et simplement. C'est ainsi que les dispositions de l'acte uniforme précité suspendent ou interdisent les poursuites individuelles des créanciers antérieurs. Cependant, la procédure collective " ne supprime pas les poursuites des créanciers ; elle les canalise dans un moule unique et collectif "71. Les créanciers sont désormais placés sur un pied d'égalité et ils devront même être replacés sur ce pied d'égalité si un créancier, pressentant des difficultés financières, avait agi après la cessation des paiements72. Les procédures collectives organisent un règlement collectif des dettes de l'entreprise en difficulté et imposent, pour un certain temps, l'arrêt des poursuites individuelles et interdit les paiements volontaires des créanciers antérieurs. Ces atteintes aux droits des créanciers sont nécessaires pour que soit mis en place le processus de désintéressement collectif.

Seules les voies d'exécution exercées par des créanciers antérieurs au jugement sont arrêtées ; les créanciers postérieurs n'auront pas à subir la suspension des poursuites individuelles ; ils disposent des voies d'exécution de droit commun73.

70 Sur cette notion ; voir LE CANNU et ALII, Droit des Entreprises en difficulté, ed GLN Joly, 1994, cité par David DEFRANCE, Procédure collective et voies d'exécution, mémoire de D.E.A, Université de LIILE II, 1997- 1998 in www2.univ-lille2.fr.

71 Voir Le Cannu, Pitron, Sénéchal ; Droit des entreprises en difficulté, édition GLN Joly, 1994, n°1163.

72 Cf POLLAND - DULIAN, Le principe d'égalité dans les procédures collectives, JCP ed G 1998, I, 138, n°6 et n°12, cité par David DAFRANCE, op. cit.

73 Elles sont appelées voies d'exécution de droit commun par opposition aux procédures collectives qui sont des voies d'exécution spéciales. V. infra.

B- Les créanciers non soumis à la suspension des voies d'exécution

Il est question ici d'envisager les créanciers antérieurs qui ne sont pas concernés par la décision de la suspension et surtout les créanciers postérieurs au jugement d'ouverture encore appelés créanciers de la masse ou créanciers contre la masse74. D'abord, en ce qui concerne les créanciers antérieurs et extérieurs à la mesure, on retrouve implicitement les créanciers de salaires dont les poursuites ne sont pas suspendues et surtout les créanciers qui n'ont pas été désignés par le débiteur dans le règlement préventif.

Les créanciers postérieurs n'auront pas à subir la suspension des poursuites individuelles ; ils disposent des voies d'exécution de droit commun. Toutefois, ce droit de poursuite individuelle n'est reconnu qu'aux créanciers dont la créance est née régulièrement après le jugement d'ouverture. La date de naissance de la créance constitue alors le critère permettant de déterminer si le créancier est soumis aux interdictions des articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'acte uniforme sur les procédures collectives ou non. Les choses sont donc parfaitement claires et simples.

Le paiement préférentiel de certains créanciers, en dehors du processus de désintéressement, s'explique par la volonté affichée de maintenir l'emploi et l'activité. Mais quelle serait l'utilité de la reconnaissance d'un droit sans sanction ? Les créanciers, qui assurent le maintien de l'activité, bénéficient de la faculté d'exercer des voies d'exécution afin d'assurer une sanction et une garantie de leur paiement à l'échéance75.

Ainsi, les créanciers postérieurs (c'est à dire ceux dont la créance est née postérieurement au jugement d'ouverture) échappent au principe de l'interdiction des paiements énoncés par les articles 9 et 75 de l'AUPCAP. Le créancier postérieur est traditionnellement présenté comme bénéficiant d'une situation particulièrement avantageuse

74 V. supra.

75 V. infra.

au sein de la procédure collective. Cette situation crée un privilège de procédure au profit des créanciers postérieurs, qui se manifeste de deux façons. Tout d'abord, ce créancier a un droit au paiement à l'échéance ; ensuite, s'il n'obtient pas ce paiement à l'échéance, il participera aux répartitions dans le cadre collectif, mais à un rang préférentiel. Le créancier postérieur, non réglé à l'échéance, bénéficie d'un droit de priorité par rapport aux créanciers antérieurs.

Comme on le constate, il y a d'un côté des débiteurs et créanciers concernés par le blocage des voies d'exécution et de l'autre des débiteurs et créanciers dont la mesure ne les atteint pas. Par conséquent ceux-ci ne sont pas concernés par le caractère d'ordre public de la mesure.

Section 2 : Champ d'application quant aux juridictions

La décision d'ouverture d'une procédure collective interdit ou suspend l'exercice de toute voie d'exécution ainsi que les mesures conservatoires (art. 9 et 75 AUPCAP). Cette décision a incontestablement des effets sur les voies d'exécution qui étaient pendantes76 devant le juge des voies d'exécution (paragraphe 1). Cette mesure de suspension a un caractère d'ordre public aussi bien interne qu'international (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les juridictions soumises à la suspension

La décision de suspension ou d'interdiction des voies d'exécution dessaisit par la même occasion le juge de l'exécution de sa compétence (A). Reste posée la question des autres juridictions (B).

76 V. 1ère Partie, chapitre 1, section 2, paragraphe 1 supra.

A- La soumission non équivoque des juridictions civiles

Parler de la soumission des juridictions civiles à la décision de suspension des voies d'exécution revient à s'interroger sur le problème devant le juge des voies d'exécution. Quel est le juge compétent pour dessaisir le juge des voies d'exécution ? (1) Quel est le sort de la décision de suspension auprès dudit juge ? (2).

1- Le juge compétent pour ordonner la suspension

Aux termes de l'article 3 de l'AUPCAP, le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens relèvent de la juridiction compétente en matière commerciale77. L'alinéa 2 poursuit en disant « Cette juridiction est également compétente pour connaître de toutes les contestations nées de la procédure collective, de celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique, ainsi que de celles concernant la faillite personnelle et les autres sanctions... »

L'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution OHADA en son article 49 énonce : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d 'urgence ou le magistrat délégué par lui ».

Il ressort de la lecture combinée de ces deux dispositions que la juridiction compétente en matière commerciale est la juridiction des procédures collectives et des difficultés liées auxdites procédures d'une part, et que le président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui est le juge des voies d'exécution et des difficultés

77 Au Cameroun cette juridiction est soit le T.P.I, soit le T.G.I selon le montant de la demande.

d'exécution d'autre part78. Ces dispositions posent quelques problèmes : la procédure collective qui survient lorsque le débiteur subit une voie d'exécution peut-elle être considérée comme une difficulté d'exécution ? Inversement, la poursuite d'une voie d'exécution suspendue par la procédure collective peut-elle être considérée comme une contestation née de la procédure collective ? A qui revient la compétence de résoudre de telles difficultés ?

La réponse à ces questions diffère selon qu'elle est envisagée du côté de la loi ou du côté des tribunaux. Du côté de la loi les articles 9 et 75 AUPCAP énonce que la décision d'ouverture d'une procédure collective suspend ou interdit l'exercice de toute voie d'exécution ainsi que les mesures conservatoires. La loi uniforme donne ainsi compétence au juge des procédures collectives de se prononcer sur la suspension des voies d'exécution79. Mais qu'adviendra-t-il si cette décision de suspension n'est pas respectée ? Autrement dit, le non respect de la décision de suspension par le juge de l'exécution doit-il être considéré comme une contestation née de la procédure collective ?

Le juge des voies d'exécution appelé à se prononcer sur la question se déclare compétent et ne tarde pas à prononcer « la discontinuation des poursuites »80.

A titre de droit comparé, le juge français reconnaît compétence au tribunal de la procédure collective pour connaître de l'action en nullité du paiement résultant d'une saisie attribution appliquée en période suspecte81.

La compétence de la discontinuation revendiquée par le juge de l'exécution ne saurait confondre l'ouverture d'une procédure collective à une difficulté d'exécution. Car la procédure collective s'analyse plus comme une voie d'exécution collective. Toutefois il n'y a

78 Sur la controverse sur l 'identité du juge compétent en matière des voies d 'exécution, lire Henri TCHANTCHOU, Le contentieux de l 'exécution et des saisies dans le nouveau droit OHADA (article 49 AUPSRVE) ; J.P, N° 46, Yaoundé, P. U.A. 2001, pp. 98 à 105.

79 Ces dispositions sont bien appliquées par les juges dans la pratique. Voir par exemple T. G.I de Ouagadougou, jugement N° 234 du 29 mars 2000 : ohadata J-04-180 ; Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement N° 1538 du 8 août 2000 : ohadata J-04-342.

80 Voir à ce sujet, Tribunal de travail hors classe de Dakar, Ord. de référé n° 81/465 du 4 mars 2003, Affaire MOUSTAPHA KEBE contre Papa SAMBA KAMA et 149 autres: Site lexinter.net/jurafrique.

81 C.A. Limoges, 20 février 1996, Rev. Proc. Coll. 1997, P. 49, Obs. CANET

pas de mal à ce que le juge de l'exécution se déclare compétent pour la circonstance. Malgré l'ouverture de la procédure collective, il est le juge de droit commun des voies d'exécution, et est compétent pour prononcer la mainlevée d'une saisie.

Le juge des voies d'exécution à notre avis ne saurait être le juge exclusif en la matière ; la procédure collective étant une voie d'exécution collective, le juge des procédures collectives ne devrait pas décliner sa compétence lorsqu'il est face à une telle situation. On en déduit qu'il y a une sorte de compétence partagée en la matière entre le juge de l'exécution et le juge des procédures collectives.

2- Le sort de la décision de suspension devant le juge de l'exécution

Comme il a été dit plus haut, le juge des procédures collectives est aussi compétent « pour connaître les contestations nées de la procédure collective ». Jointe aux dispositions relatives à la paralysie des voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives, cette disposition de l'AUPCAP signifie que la décision du juge des procédures collectives dessaisit le juge des voies d'exécution. Comment comprendre alors la discontinuation des poursuites prononcées par le juge de l'exécution de Dakar au sujet d'un débiteur en « liquidation des

biens »82 ?

Disons tout simplement qu'au regard du droit OHADA cette compétence n'est pas expressément attribuée au juge de l'exécution. Cependant, en tant que juge de droit commun des voies d'exécution on ne saurait lui refuser une telle compétence. Seulement le juge des procédures collectives au regard du droit OHADA ne saurait non plus se déclarer incompétent. Le raisonnement qui attribue la compétence aussi au juge des procédures collectives a une démarche logique car la procédure collective s'analyse comme une voie

82 Tribunal hors classe de Dakar, op. Cit. Il faut relever que ledit jugement parle de « liquidation judiciaire » au lieu de redressement des biens.

d'exécution collective. Mais cette compétence partagée entre le juge de l'exécution et le juge des procédures collectives ne devrait se comprendre que par rapport à l'interprétation des textes énoncés plus haut83.

En somme, il faut retenir que le juge compétent pour ordonner la suspension des poursuites est incontestablement le juge des procédures collectives. Lorsque malgré cette décision de suspension un créancier continue à exercer les voies d'exécution, la jurisprudence reconnaît que le juge de l'exécution puisse ordonner la discontinuation des poursuites84. Mais rien ne s'oppose à ce que la demande en vu d'obtenir la discontinuation soit adressée plutôt au juge des procédures collectives. En attendant que la haute juridiction85 puisse attribuer exclusivement la compétence à l'une quelconque de ces juridictions, il faut admettre que la compétence est partagée entre le juge des voies d'exécution et le juge des procédures collectives. Un tel raisonnement ne saurait tenir lorsqu'on a affaire aux juges administratif et pénal.

B- La question de la suspension devant les juridictions autres que civiles

Parler de la suspension des voies d'exécution devant les autres juridictions autres que civiles revient à s'interroger sur l'origine des titres exécutoires et des voies d'exécution menées par les juges pénal (2) et administratif (1).

1- Le problème de la suspension devant le juge administratif

L'article 33 AUPSRVE cite parmi les titres exécutoires « les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ».

83 V. l'art.3 AUPCAP et art. 49 AUPSRVE.

84 V. Tribunal Hors classe de Dakar, op. cit.

85 La haute cour fait référence à la Cour commune de justice et d 'arbitrage.

L'article 30 al. 1er de son côté déclare que l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution. L'alinéa 2 ajoute que « les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques quelle qu 'en soit la forme et la mission donne lieu à compensation »86.

De son côté, l'acte uniforme sur les procédures collectives énonce que les procédures collectives « sont applicables à toute entreprise publique ayant la forme d 'une personne morale de droit privé qui cesse ses paiements ».

A la lecture attentive de ces diverses dispositions, il apparaît que les voies d'exécution sont réticentes en ce qui concerne les personnes publiques et que les procédures collectives s'appliquent plus ou moins à ces personnes. C'est ainsi que l'entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé peut faire l'objet d'une procédure collective mais non d'une voie d'exécution. Par conséquent la suspension des voies d'exécution n'est pas envisageable.

Cette suspension est-elle envisageable à l'égard des autres personnes morales de droit public ? La réponse négative nous vient de l'exécution des décisions de justice administrative. A ce propos, il faut relever que l'exécution des décisions des juridictions administratives à la différence de celles rendues par le juge judiciaire, ne comporte pas de formule exécutoire à l'égard des personnes publiques enjoignant aux agents publics de prêter main forte à l'exécution87. Pourtant l'une des conditions d'exercice d'une voie d'exécution est l'obtention d'un titre exécutoire qui peut être une décision juridictionnelle revêtue de la formule exécutoire (art. 33 AUPSRVE).

Le raisonnement devant le juge pénal s'analyse différemment.

86 V. aussi les commentaires de Philippe TIGER, Le droit des affaires en Afrique, Que sais-je ? PUF 1999, P. 100.

87 Charles DEBBASCH et Jean-Claude RICCI, Contentieux administratif, 4è édition ; D. 1985, n° 627.

2- Le problème de la suspension devant le juge pénal

L'acte uniforme OHADA sur les voies d'exécution ne règlemente que les saisies sur les biens. Or le juge pénal est le juge des peines d'emprisonnement et d'amendes. Si l'on met de côté la peine d'emprisonnement qui ne relève pas des voies d'exécution de l'OHADA, on peut s'interroger sur la question de savoir si l'on peut recourir à une voie d'exécution pour recouvrer une peine d'amende.

Si l'on s'en tient à la logique de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution, rien n'empêche à ce qu'on recouvre une peine d'amende par l'exercice des voies d'exécution du moment où elle s'analyse comme << une créance certaine, liquide et exigible » (art. 31). Dans un tel cas, l'Etat qui est le titulaire de la créance doit-il suspendre où arrêter l'exercice de ses voies d'exécution en cas de survenance d'une procédure collective ouverte contre le condamné ?

La réponse à cette question est sans nul doute affirmative, car la décision d'ouverture suspend ou interdit << aussi bien les voies d'exécution que les mesures conservatoires ». Les créanciers dont les voies d'exécution sont bloquées sont aussi bien les créanciers chirographaires, les créanciers titulaires de sûretés que ceux titulaires de privilèges généraux ; et l'Etat fait partie de cette dernière catégorie.

Donc la décision d'ouverture des procédures collectives a une influence sur la décision rendue par le juge pénal dans tous les cas où cette décision fait l'objet de mesures d'exécution forcée telle que règlementées par l'OHADA. Cette influence qui est l'interdiction des voies d'exécution constitue une mesure d'ordre public dans les procédures collectives.

Paragraphe 2 : Le caractère d'ordre public de la suspension des voies d'exécution

La paralysie des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective telle qu'énoncée par les articles 9 et 75 de l'acte uniforme sur les procédures collectives est une mesure d'ordre public aussi bien sur le plan interne qu'international (A). Toute contravention à cette mesure doit faire l'objet d'une sanction (B).

A- La suspension des voies d'exécution, une mesure d'ordre public

La suspension des voies d'exécution est une mesure d'ordre public aussi bien sur le plan interne (1) qu'international (2).

1- L'ordre public interne

La décision de suspension des poursuites individuelles qui inclut la suspension des voies d'exécution ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours. Cette absence de voies de recours explique le caractère d'ordre public de la suspension et est justifiée par le fait qu'il s'agit d'une mesure temporaire et urgente88.

Le principe de l'arrêt des voies d'exécution qui est un principe d'ordre public est confirmé par la jurisprudence89. Il ne s'applique selon les articles 9 al. 2 et 75 al.1 qu'aux créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture90. Ces textes

88 V. P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n° 54.

89 Cass. Com. 6 décembre 1994, Quot. Jur. 12 janvier 1995, p. 4. 90 Cass. Com. 28 février 1995, Bull. Civ. IV, n°59.

utilisent donc le clivage reposant sur le caractère antérieur ou postérieur de la créance afin de déterminer son régime91

Le caractère d'ordre public de la suspension doit être respecté par toutes les juridictions de l'Etat dans lequel est ouverte une procédure collective. Cet ordre public s'applique différemment dans un cadre international.

2- L'ordre public international

Avant de parler de la suspension des voies d'exécution comme une mesure d'ordre public international, il importe au préalable de définir ce qu'on entend par procédure collective internationale. Au regard de la diversité des systèmes juridiques en présence sur le plan international, il faut considérer comme relevant des procédures collectives internationales les faillites et autres insolvabilités internationales pouvant conduire au redressement ou à la liquidation de l'entreprise et comportant un certain redressement du débiteur au profit d'un syndic ou d'un organe équivalent dès lors que le débiteur n'est plus en mesure de payer ses dettes92. Toutefois il y a lieu de souligner qu'il n'y a de procédure collective internationale que si les activités ou les biens du débiteur se localisent dans au moins deux Etats différents.

Sans vouloir verser dans la controverse doctrinale sur l'unité ou la pluralité des procédures collectives internationales93, il importe de se consacrer sur la position de l'OHADA.

D'abord, l'OHADA légifère sur les effets à l'étranger d'une procédure ouverte dans un Etat. Aux termes de l'article 247 AUPCAP, les décisions d'ouverture et de clôture des

91 Marie Hélène MONSERIE, Entreprises en difficulté-Redressement judiciaire (Période d'observation), Rep. Com. Dalloz, Mars 1997.

92 F. M. SAWADOGO, op. cit. n°387.

93 Pour le développement de ces théories, V. SA WADOGO précité, n° 389 et s.

procédures collectives ainsi que celles relatives aux contestations acquièrent l'autorité de la chose jugée dans les autres Etats parties. Cette disposition laisse logiquement penser que la décision qui arrête les voies d'exécution produit ses effets dans tous les Etats membres de l'OHADA.

Ensuite, l'OHADA émet l'hypothèse d'ouverture de plusieurs procédures collectives. Nonobstant le principe de l'unité de procédure, il est possible que plusieurs procédures collectives soient ouvertes contre un même débiteur lorsque par exemple celui-ci a des établissements situés dans des territoires différents. A ce propos, l'article 251 AUPCAP dispose que la procédure ouverte sur le territoire où le débiteur a son principal établissement est appelée « procédure principale » et que celle ouverte sur le territoire où le débiteur n'a pas son principal établissement est appelée « procédure secondaire ». Les créanciers pourront dans ce cas produire dans toutes les procédures. En conséquence, leurs voies d'exécution seront suspendues ou interdites dans toutes ces procédures.

Il convient de relever que le caractère d'ordre public international de la suspension ne s'étend que dans les Etats membres de l'OHADA, ce qui laisse un doute sur les voies d'exécution menées en dehors de ce cadre. Lesdites voies d'exécution seront alors à l'abri des sanctions de l'Acte uniforme sur les procédures collectives.

B- La sanction de la violation de la suspension

La suspension ou l'interdiction des voies d'exécution par la décision d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif est une mesure d'ordre public dont la violation entraîne une sanction. Cette sanction est principalement l'inopposabilité à la masse des créanciers (1). Le juge appelé à se prononcer doit prononcer la mainlevée des voies d'exécution ou la discontinuité (2).

1- La nature de la sanction : l'inopposabilité et la nullité

La procédure collective ne se contente pas de figer le passif, de bloquer l'exercice des voies d'exécution. Parfois, elle les terrasse, notamment par le jeu des inopposabilités de la période suspecte ou les nullités des voies d'exécutions exercées postérieurement à la décision d'ouverture. Il s'agit pour les inopposabilités d'éviter qu'un créancier ne se taille «la part du lion», au moyen d'une voie d'exécution pratiquée antérieurement à la procédure ; pour les nullités qu'aucune mesure d'exécution ne soit prise au mépris de la décision de suspension des poursuites individuelles.

2- Les effets de la sanction

La sanction du mépris de la suspension entraîne soit la main levée de la saisie (a), soit la discontinuité de celle-ci (b).

a- La mainlevée de la saisie

En vertu de la règle saisie sur saisie ne vaut, le débiteur soumis à une procédure collective ne devrait plus faire l'objet d'une voie d'exécution. Etant dessaisi de ses biens qui sont rendus indisponibles, tout créancier qui exercerait une saisie sur ces biens fera l'objet d'une poursuite. Cette poursuite doit aboutir à la mainlevée de la saisie. Cette mainlevée qui n'est pas règlementée par l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif doit se faire selon les règles de droit commun ; c'est-à-dire selon les dispositions de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution. Il est alors logique que la

mainlevée ressortisse de la compétence du juge de l'exécution. C'est d'ailleurs lui qui s'est déclaré compétent pour prononcer la discontinuation des poursuites.

b- La discontinuité de la poursuite

La discontinuation des poursuites en parlant des voies d'exécution n'est qu'une application raffinée de la mainlevée. C'est du moins ce que l'on peut déduire du jugement rendu par le Tribunal du Travail Hors Classe de Dakar en date du 4 mars 2003 dans l'espèce Moustapha KEBE contre Papa Samba KAMA et 149 autres94. Dans son raisonnement, le juge pour ordonner la discontinuation des poursuites déclare « Qu 'il s'y ajoute au demeurant, qu 'il n 'est pas contesté que ladite société est en liquidation judiciaire ; Qu 'or, aux termes de l 'article 75 de l 'Acte Uniforme sur le redressement et la liquidation judiciaire, « la décision d 'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles... >>. >>.

Comme on peut le comprendre la décision de discontinuation des poursuites n'est qu'une autre façade de la demande de mainlevée sur les saisies pratiquées.

94 V. supra.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

A l'issue de cette première partie, on ne peut que constater l'effet perturbateur, parfois même ravageur de la procédure collective ; tant il est vrai que procédure collective et voies d'exécution répondent de deux logiques opposées : l'une, l'égalité des créanciers ; les autres le privilège du premier saisissant. Mais faut-il en déduire que dans ce bras de fer entre procédures collectives et voies d'exécution, ce sont celles là qui partent absolument gagnantes ? La complexité du droit des procédures collectives ne permet pas de donner une réponse positive à cette interrogation. Car s'il est incontestable que la procédure collective paralyse les voies d'exécution, il n'en demeure pas moins vrai que les voies d'exécution puissent gagner leur point dans le jeu. Car tout au long de la procédure collective, on assiste de plus en plus à une sorte d'admission des voies d'exécution dans les procédures collectives.

DEUXIEME PARTIE
L'ADMISSION D'EXCEPTION DES VOIES D'EXECUTION
DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES

Les voies d'exécution peuvent-elles faire bon ménage avec les procédures collectives ? Si l'on ne tient compte que des mesures édictées par les articles 9 al. 2 et 75 al. 1, on risque de répondre par la négative. Pourtant, une analyse approfondie de l'exercice des procédures collectives permet d'approcher la solution contraire. D'abord, comme il a été dit dans la première partie95, malgré la décision de suspension des poursuites, certains créanciers sont admis à exercer leurs voies d'exécution ; il en est par exemple des créanciers postérieurs et des créanciers de salaire. Ensuite l'effet de l'attribution immédiate de certaines saisies s'oppose à ce qu'elles soient soumises à la décision de suspension des voies d'exécution. Enfin il faut noter que d'une certaine manière l'arrêt des voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives n'est pas sans solution, car les procédures collectives s'observent comme des voies d'exécution collectives (Chapitre 2). A côté de cette admission indirecte des voies d'exécution dans les procédures collectives, on observe de plus en plus une admission directe, soit pour les besoins de procédures, soit par la force de certaines voies d'exécution (Chapitre 1).

95 V. chapitre 2, section 1, paragraphe 2, B.

CHAPITRE 1 : L'ADMISSION DIRECTE DES VOIES D'EXECUTION DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES

Il est de principe que les procédures collectives arrêtent les voies d'exécution. Cette perturbation des voies d'exécution ne les anéantit pas totalement. L'Acte uniforme96 le dit clairement lorsqu'elle énonce à l'article 75 al. 6 que « Les actions et les voies d'exécution non atteintes par la suspension ne peuvent plus être exercées ou poursuivies au cours de la procédure collective qu 'à l'encontre du débiteur assisté du syndic en cas de redressement judiciaire ou représenté par le syndic en cas de liquidation des biens». Ces voies d'exécution peuvent notamment cohabiter avec les procédures collectives pour les besoins de la liquidation. C'est le cas dans la procédure de liquidation des biens avec la réalisation de l'actif de l'entreprise (Section 2). D'autres voies d'exécution peuvent jouer dans toutes les procédures collectives : nous pouvons les qualifier de voies d'exécution indifférentes à l'ouverture d'une procédure collective (Section 1).

Section 1 : Les voies d'exécution indifférentes aux procédures collectives

L'ouverture d'une procédure collective ne place pas tous les créanciers dans une même situation. C'est ainsi que pendant que d'aucuns trouvent leurs voies d'exécution arrêtées, d'autres voient les leurs simplement admises (Paragraphe 1). Certaines voies d'exécution comme la saisie conservatoire des créances et la saisie-attribution ont des effets qui les rendent aussi indifférentes à l'ouverture des procédures collectives, on peut dire que celles-ci sont spécialement admises (Paragraphe 2).

96 Il s 'agit de l 'A UP CAP.

Paragraphe 1 : Les voies d'exécutions simplement admises

Parmi les voies d'exécution simplement admises, certaines sont celles qui ne sont pas suspendues par l'ouverture de la procédure collective d'apurement du passif (A), d'autres celles exercées sur des créances postérieures (B).

A- Les voies d'exécution non suspendues

L'ouverture d'une procédure collective qui impose une discipline collective notamment la suspension des voies d'exécution n'atteint pas tous les créanciers antérieurs. Il apparaît que malgré l'ouverture de la procédure collective, certains créanciers subissent un traitement particulier. Il en est par exemple des salariés et des créanciers dont le débiteur n'a pas demandé la suspension des poursuites dans le règlement préventif.

C'est le lieu de noter que le concordat préventif comme le concordat de redressement a une nature « contractuelle » et n'a d'effet qu'entre les parties. Autrement dit, tout créancier qui n'est pas visé par ce concordat peut exercer librement ses voies d'exécution. C'est ce que confirme un arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan en date du 8 Novembre 200297. En l'espèce, le juge de l'exécution avait ordonné la mainlevée d'une saisie-attribution pratiquée par le créancier sur les créances de son débiteur en règlement préventif. Le juge de l'appel avait jugé que cette décision de mainlevée « était une mauvaise application de la loi de sorte qu'il convient d'infirmer l'ordonnance attaquée et statuant à nouveau de débouter la Sté GOMP-CI de sa demande de mainlevée et en conséquence de dire que la saisie attribution de créances du 1 8/1 2/2001 produira tous ses effets ».

97 Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt N°1129 du 8 Novembre 2002, Affaire Jean MAZUET contre GOMP- CI : Ohadata J-03-291.

La poursuite des créances salariales se fait aussi sans préjudice de l'ouverture des procédures collective. C'est ce que déclare en effet l'Acte uniforme sur les procédures collectives98. La jurisprudence applique positivement cette règle de droit en jugeant que les poursuites individuelles pour le recouvrement des créances salariales ne peuvent être suspendues par un jugement prononçant le règlement préventif, quelle que soit la date de naissance de telles créances par rapport à celle dudit jugement99.

Si l'on admet que les créanciers dont les créances ne sont pas suspendues par l'ouverture du règlement préventif en vertu du caractère contractuel du concordat préventif sont admis à exercer leur voie d'exécution, l'admission des créances salariales se justifie par le caractère alimentaire du salaire. Cette admission des voies d'exécution ne cause pas en principe de préjudice à la procédure collective, ce qui n'est toujours pas le cas en ce qui concerne les créanciers postérieurs.

B- Les voies d'exécution exercées sur des créances postérieures

Il est important de mentionner que les créanciers postérieurs sont libres d'exercer leurs poursuites à travers l'exercice des voies d'exécution (1). Quelle est la portée de cette liberté de poursuite (2).

1- la liberté de poursuite des créanciers postérieurs

L'ouverture d'une procédure collective impose, pour un certain temps, l'arrêt des poursuites individuelles et interdit les paiements volontaires des créanciers antérieurs. Ces

98 V. art.9 al. 3 dudit acte uniforme.

99 Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 89 du 16 janvier 2001, Affaire: Société WORLD CITY contre GRODJI DJOKOUEHI Jean : ohadata J-02-80

atteintes aux droits des créanciers sont nécessaires pour que soit mis en place le processus de désintéressement collectif. Les créanciers postérieurs sont alors soumis à la procédure de vérification des créances et seront payés dans le cadre d'un règlement collectif global consécutif à un concordat de redressement ou à une liquidation des biens. Le paiement préférentiel de certains créanciers, en dehors du processus de désintéressement, s'explique par la volonté affichée de maintenir l'emploi et l'activité.

En effet, les créanciers postérieurs échappent à la règle de l'interdiction des voies d'exécution et le droit d'être payé à l'échéance a pour corollaire le droit d'exercer des poursuites individuelles. Le créancier postérieur impayé peut agir immédiatement en paiement de sa créance en usant des voies d'exécution sans que puisse lui être opposé le respect de l'ordre. Il résulte de ce principe que le créancier postérieur dispose des voies d'exécution de droit commun. La faculté d'exercer librement des poursuites constitue le corollaire du droit au paiement à l'échéance.

Au-delà de ce paiement à l'échéance, la liberté de poursuite des créanciers postérieurs se justifie aussi par le fait qu'il faut assurer la sauvegarde de l'activité. La priorité accordée aux créanciers postérieurs a une finalité précise : il s'agit de rassurer les partenaires pendant la période de l'exécution du concordat. L'entreprise doit se procurer du crédit. La survie de l'entreprise en difficulté serait gravement compromise si les partenaires (fournisseurs - banque accordant des facultés de paiement) savaient que, venant en concours avec les créanciers antérieurs, ils ne seraient qu'incomplètement payés.

Cette liberté des poursuites accordée aux créanciers postérieurs est reconnue par la jurisprudence française. Ainsi, par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 20 Juin 1989100, la haute juridiction a fermement rejeté le moyen tiré du classement des créanciers établi par l'article 40 de la loi de 1985 pour faire échec à une

100 Cass, Com, 20 juin 1989, Bull. Civ. , IV, n°196 ; JCP éd. E, II, 15658, obs Cabrillac et Petel.

mesure de contrainte exercée par le comptable du Trésor. La Cour de cassation balaya le moyen par un attendu lapidaire : «attendu que s 'agissant de créances fiscales nées après le jugement d 'ouverture, l 'usage d 'un avis à tiers détenteur n 'était pas interdit ».

Comme on peut le constater, il y a une liberté d'exercice des voies d'exécution sur toutes les créances nées régulièrement, après la décision d'ouverture, de la continuation de l'activité et de toute activité régulière du débiteur ou du syndic101. Mais cette liberté de poursuite n'est pas sans portée.

2- La portée de la liberté de poursuite des créanciers postérieurs

Quelles voies d'exécution vont pratiquer les créanciers postérieurs ? Qui doit être saisi ? La solution à ces deux questions diffère selon qu'on est en présence du règlement préventif ou du redressement judiciaire et de la liquidation des biens. Avant d'y arriver, rappelons que malgré l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif, le débiteur n'est pas exproprié de ses biens102.

Dans la procédure du règlement préventif, le débiteur, après homologation du concordat reste à la tête de ses affaires. Par conséquent toute saisie qui peut être faite entre les mains de ce dernier le sera sans difficulté. On en déduit que les créanciers postérieurs pourront pratiquer une saisie conservatoire ou une saisie exécutoire en cas d'inexécution de ses obligations. Ces saisies sont-elles possibles dans les autres procédures ?

Dans les procédures de redressement judiciaire et de liquidation des biens, le débiteur est assisté ou représenté. Ce qui veut dire que seules les voies d'exécution qui ne nécessitent pas son intervention directe peuvent être exercées. On fait ainsi allusion à la saisie conservatoire des créances et à la saisie-attribution. Ces saisies constituent une variété qui

101 Ces créances qui sont appelées créances contre la masse sont déterminées par l 'article 117 A UP CAP.

102 V. Première partie, chapitre 1, Section 1, paragraphe 1.

permet au créancier de saisir entre les mains d'un tiers la créance qu'il détient contre son débiteur. Seulement, au regard de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, le syndic qui assiste ou représente le débiteur peut-il être considéré comme un tiers ?

Il est de commun accord que le tiers doit être le débiteur du débiteur ; autrement dit, le débiteur saisi doit détenir une créance envers ce tiers. Pourtant, dans la saisie des comptes bancaires, le banquier n'est pas nécessairement le débiteur du débiteur. On en déduit que le tiers doit être toute personne qui détient une créance du débiteur. Dans cette dernière hypothèse, on peut facilement admettre la saisie conservatoire des créances ou la saisieattribution.

La liberté de poursuite des créanciers postérieurs se justifie par le fait que ceux-ci joue un double rôle dans l'entreprise en difficulté : assurer la sauvegarde de l'activité et procurer le crédit à l'entreprise. Devront-ils exercer leur poursuite au risque de contrarier ces objectifs ? Autrement dit, la liberté de poursuite des créanciers postérieurs ne risque-elle pas d'occasionner certaines difficultés supplémentaires à l'entreprise ?

Même si la liberté de poursuite des créanciers postérieurs peut occasionner des difficultés supplémentaires à l'entreprise en difficulté, on ne saurait refuser l'exercice de telle poursuite. Tout d'abord parce que la possibilité pour les créanciers postérieurs d'exercer les voies d'exécution103 est la seule garantie pour ceux-ci de faire confiance à l'entreprise en difficulté. Ensuite dans l'espoir de pouvoir recouvrer leurs dus, les créanciers dans la masse ne sauraient faire obstacle à de telles poursuites au risque de voir leur créance diminuée.

La justification des voies d'exécution spécialement admises contient des justifications plutôt liées à la nature même de ces voies d'exécution.

103 En effet, il s 'agit des poursuites individuelles en général.

Paragraphe 2 : Les voies d'exécution spécialement admises

Il est des voies d'exécution dont l'exercice peut ne pas être perturbé par la procédure collective, notamment si elles sont exercées pendant la période suspecte. Il en est ainsi de la saisie conservatoire des créances (A) et de la saisie-attribution (B).

A- La saisie conservatoire des créances

Une saisie conservatoire est une procédure dont l'objectif est de placer sous main de justice des biens du débiteur, afin que celui-ci n'en dispose pas ou ne les fasse pas disparaître. Cette saisie peut aux termes de l'article 54 AUPSRVE être exercée par toute personne dont la créance paraît fondée en son principe si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement. Cette saisie peut être pratiquée sur des biens meubles corporels ou incorporels du débiteur. Sur les biens meubles incorporels, il peut s'agir soit de la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières, soit de la saisie des créances. La saisie des créances qui nous intéresse ici se déroule en plusieurs phases, principalement la phase conservatoire et la phase exécutoire. Schématiquement la procédure est l'acte de saisie, la dénonciation de la saisie et la conversion en saisie-attribution. La question qui se pose est celle de savoir si une saisie conservatoire des créances pratiquée pendant la période suspecte et convertie pendant la même période peut être perturbée par l'ouverture des procédures collectives.

Aux termes de l'article 82 AUPSRVE, « Muni d'un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion ». Le même article 82 in fine dispose que l'acte informe le tiers que, dans cette limite, « la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier ». L'article 84

ajoute que Les dispositions des articles 158 et 159, 165 à 168, des 2e et 3e alinéas de l'article 170, des articles 171 et 172 ci-après sont applicables. Ces dispositions renvoient à l'acte de la saisie-attribution, au paiement par le tiers saisi et aux contestations relatives à la saisieattribution. A l'analyse de ces dispositions, on déduit qu'après la conversion, la saisie produit les effets d'une saisie-attribution.

Cette réflexion devrait valider que la saisie conservatoire des créances convertie pendant la période suspecte est indifférente aux inopposabilités de la période suspecte. La jurisprudence française104 n'adhère pas à cette position en décidant que si la saisie conservatoire portant sur une créance faite pendant la période suspecte est nulle, le paiement obtenu par le créancier saisissant, doit lui-même être annulé. Cette solution donnée par la Cour de cassation est faite en réponse à un moyen de cassation qui soutenait que la conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution transformait une mesure conservatoire en mesure d'exécution, à l'abri des nullités de la période suspecte. Nous ne soutenons pas cette position de la cour de cassation car si on l'applique à l'Acte uniforme elle risque d'anéantir l'effet attributif immédiat de la saisie conservatoire des créances convertie en saisieattribution. Cet effet attributif immédiat qui caractérise aussi la saisie-attribution s'impose d'ailleurs malgré l'ouverture d'une procédure collective.

B- La saisie-attribution

La saisie-attribution est la voie d'exécution forcée qui permet à un créancier de saisir entre les mains d'un tiers, appelé tiers saisi, les créances portant sur une somme d'argent autres que les créances de rémunération du travail et de se faire attribuer lesdites sommes dès

104 Cass. Com., 12 octobre 1999, Bull. n° 166.

l'exploit de saisie105. La saisie-attribution, selon l'article 154 AUPSRVE, emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers. A la lecture de cette disposition, il importe de faire une analyse textuelle (1) avant de se pencher sur ses différentes applications (2).

1- L'effet immédiat de la saisie attribution, cause de son admission législative dans les procédures collectives

L'acte de saisie de la saisie-attribution emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie. Cette règle de l'article 154 AUPSRVE permet d'envisager la force de la saisie-attribution face à l'ouverture d'une procédure collective. Il s'agit bien évidemment d'une saisie-attribution pratiquée pendant la période suspecte.

Il y a plus, la procédure collective s'analysant en une saisie, l'Acte uniforme sur les voies d'exécution envisage l'hypothèse de la pluralité des saisies. A ce propos, l'article 155 alinéa 1er dispose que les actes de saisie signifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours. Que se passe t- il alors lorsque une voie d'exécution, spécialement une saisie-attribution, est effectuée le jour même du prononcé du jugement d'ouverture. Il s'agit ici de deux saisies faites simultanément ; doit-on pourtant en conclure que les créanciers de la procédure et le ou les créancier(s) saisissant(s) viendront en concours ? Evidemment non. Dans ce cas, la décision d'ouverture de la procédure collective doit primer et, par voie de conséquence suspendre la saisie-attribution exercée.

105 Cf. ASSI-ESSO (A-M.), NIA W DIOUF, OHADA, Recouvrement des créances, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002, n° 367

L'alinéa 2 de l'article 155 AUPSRVE mentionne un autre problème. Il dispose en effet que La signification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ne remettent pas en cause cette attribution, « sans préjudice des dispositions organisant les procédures collectives ». Malgré une position doctrinale qui semble tranchée106, l'expression « sans préjudice des dispositions organisant les procédures collectives » devrait être interprétée de deux façons. D'abord, elle doit s'entendre comme le notent ASSI-ESSO et NIAW DIOUF que l'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif est une limite au privilège du premier saisissant et par conséquent anéantit l'attribution immédiate de la créance saisie attribuée. Nous ne sommes pas allié à cette interprétation.

Ensuite, elle doit s'entendre que le privilège du premier saisissant conserve sa portée en cas d'ouverture des procédures collectives. Cette expression devrait s'orienter dans ce sens pour au moins deux raisons : d'abord parce que la décision de suspension des voies d'exécution ne spécifie pas les voies d'exécution concernées ; or cette disposition de l'article 155 in fine est l'unique règle de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution qui mentionne expressément le terme procédure collective, une façon de préciser la résistance de la saisieattribution face aux effets de l'ouverture de la procédure collective. Ensuite, à titre de droit comparé notamment le droit français dont le droit OHADA est l'émanation, l'expression devrait être comprise au sens de l'article 43 de la loi française sur les procédures civiles d'exécution qui énonce que « la survenance ultérieure d 'un jugement portant ouverture d 'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ne remet pas en cause cette attribution «. En plus il faut relever que soumettre cette expression à la première interprétation serait anéantir

106 ASSI-ESSO et NIA W DIOUF en particulier énoncent que la seule limite au privilège du premier saisissant est l 'existence d 'une procédure collective survenue postérieurement contre le débiteur saisi en citant l 'art. 155 al. 2 : lire leur ouvrage précité, n° 369.

totalement les voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives au lieu de les déformer simplement lorsqu'elles sont admises107.

L'admission des saisies-attributions dans les procédures collectives fait l'objet de plusieurs applications.

2- Les différentes applications

L'admission des saisies-attributions dans les procédures collectives a fait l'objet de plusieurs applications dans la jurisprudence. La jurisprudence française s'en démarque particulièrement. Elle applique cette admission différemment suivant la période d'intervention de la procédure collective.

Elle adopte une position contraire par rapport à ce que prévoit l'Acte uniforme lorsqu'une voie d'exécution, spécialement une saisie-attribution, est effectuée le jour même du prononcé du jugement d'ouverture. Ainsi, la Cour d'appel de Caen a statué sur cette hypothèse dans un arrêt du 10 octobre 1995108. En l'espèce, une saisie-attribution du compte bancaire du débiteur avait été pratiquée le 11 mars 1993 à 10 heure 10 (l'article 56 du décret de 1992 imposant d'indiquer l'heure de la saisie). Le même jour, dans l'après midi, une procédure collective a été ouverte à l'encontre de ce même débiteur. La banque, tiers saisi, soutenait que la saisie fut nulle car effectuée en cours de procédure ; l'effet du jugement d'ouverture devant être reporté au jour du prononcé à 0 heure 00. Par une interprétation littérale de l'article 43 alinéa 2 de la loi de 1991109 et spécialement de la notion de « survenance », la Cour d'appel fait prévaloir l'effet attributif de la saisie en considérant que celui ci fait exception à la prise d'effet rétroactif du jugement d'ouverture. Cette interprétation

107 V. Section 2 de ce chapitre.

108 CA CAEN, 10 Oct 1995 , Rev. Proc. Coll. 1998 , p 91, obs CANET .

109 Il s 'agit ici de la loi fran çaise sur les procédures civiles d 'exécution. Cet article est l 'équivalent de l 'article 155 al. 2. AUPSRVE.

des textes ne peut qu'être regrettée ; la doctrine soulignant unanimement que la saisieattribution doit être exercée au plus tard la veille du jugement d'ouverture110.

Il faut surtout relever que les articles 169 à 172 AUPSRVE organisent une procédure de contestation mais celle-ci n'a pas de caractère suspensif. L'ouverture d'une procédure collective pendant le délai de contestation ne remet pas en cause l'effet attributif ; les organes ne peuvent demander la suspension de la saisie. C'est en ce sens qu'a statué un arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 8 février 1995111.

La situation est donc parfaitement claire. Dès lors que la saisie-attribution est signifiée la veille du jugement d'ouverture au plus tard ; elle sera achevée et ne pourra être remise en cause. En tout état de cause, la saisie-attribution, contrairement à l'ancienne saisie arrêt, ne peut être inachevée : soit elle a produit son effet légal ; soit elle ne peut plus intervenir.

La saisie-attribution produit bien ses effets pendant la période suspecte. En effet la survenance d'une procédure ne remet pas en cause l'effet attributif de la saisie-attribution nous indique l'article 155 AUPSRVE. Le juge de l'exécution de Lyon a statué précisément en

ce sens 112

; précédé déjà par d'autres décisions113. La Cour d'appel de Rennes dans un arrêt du

3 mars 1994114, puis la Cour d'appel d'Amiens dans un arrêt du 4 avril 1997115 , ont cependant successivement refusé l'annulation sur ce fondement car le paiement est forcé et n'est pas effectué par le débiteur, soulignent ces arrêts.

Il est donc louable que le législateur intervienne à défaut d'une prise de position par la jurisprudence Ohada, pour donner l'efficacité souhaitée à la saisie-attribution pratiquée pendant la période suspecte.

110 obs CANET, sous arrêt précité.

111 C.A. Lyon, 8 février 1995, Rev. Proc. Coll. 1998, p 89, obs. CANET.

112 JEX Lyon, 2 Avril 1996 et 23 Avril 1996, D. 1997, JP p. 43, note Prévault.

113 JEX Clermont Ferrand, 27 janvier 1994, Rev. Huis. 1994 p. 954 ; JEX Dijon, 1er Février 1994, ibid, p. 954 ; JEX Quimper, 3 février 1994, ibid, p. 703, note Dahan ; C. A. Rennes 3 Mars 1994, ibid, p. 946.

114 C. A. Rennes, 3 Mars 1994, Juris data n° 046238 ; JCP ed E 1995, pana 10 ; JCP ed E 1995, I, 457 n° 10, obs. Cabrillac.

115 C. A. Amiens, 4 Avril 1997, BRDA 1997, N° 12 p. 12.

Les voies d'exécutions indifférentes à l'ouverture des procédures collectives sont admises soit selon la qualité des créanciers qui les exercent, soit selon les effets attachés auxdites voies d'exécution. Ces voies d'exécution indifférentes aux procédures collectives produisent en principe les effets que leur attache le droit commun des voies d'exécution. Ces effets et même la procédure de droit commun se trouvent modifiés lorsqu'elles servent à la réalisation de l'actif de l'entreprise.

Section 2 : La réalisation de l'actif de l'entreprise par l'utilisation des voies d'exécution

L'augmentation du nombre de liquidation des biens, due aux problèmes économiques actuels, a entraîné un accroissement des cessions de biens immobiliers appartenant à des personnes et des entreprises en difficultés financières. Toutefois, pour éviter d'éventuelles malversations permettant aux acquéreurs de réaliser de bonnes affaires au détriment des créanciers, le législateur a mis en place un ensemble de règles destinées à protéger leurs droits. Ainsi, la procédure utilise les voies d'exécution notamment, la saisie immobilière, pour procéder aux réalisations de l'actif immobilier et offrir des garanties de probité116.

Cependant, cette voie d'exécution du fait de sa lourdeur a été adaptée aux particularités de la procédure collective. Cette dernière centralise la saisie immobilière car les poursuites sont désormais collectives. La saisie immobilière apparaît comme absorbée par la procédure (paragraphe 1). Mais, plus encore, elle altère la lourdeur de la saisie immobilière afin d'assurer une plus grande rapidité. La cohérence interne de cette voie d'exécution se trouve

116 Cette procédure constitue une voie à explorer pour rassurer l'opinion publique suite aux malversations constatées au sein des Tribunaux de commerce ; Cf GA UDINO A., La mafia des Tribunaux de Commerce, Albin Michel, 1998, cité par David DEFRANCE précité.

profondément perturbée. Dès lors, la saisie immobilière est déformée par la procédure (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une saisie immobilière absorbée par la procédure collective

L'étude de la saisie immobilière exercée dans la liquidation des biens dénote une prépondérance des organes de la procédure collective au sein de cette voie d'exécution. De cette prépondérance découle une protection juridique plus diffuse du débiteur (A) mais également une dérogation au régime traditionnel de la saisie immobilière (B).

A- la protection du débiteur dans le cadre de la procédure collective

Le jugement prononçant la liquidation des biens emporte de plein droit dessaisissement du débiteur. Dès lors, exceptions faites des actions purement personnelles, les droits et actions du débiteur sont exercés durant toute la durée de la procédure par le syndic.

La question se pose donc de connaître la portée de la règle du dessaisissement du débiteur lorsque celui-ci fera l'objet d'une saisie immobilière dans le cadre de réalisation de l'actif par le syndic. En effet, le droit commun des saisies immobilières reconnaît un rôle actif au saisi : il est informé à toutes les étapes de la procédure ; il peut formuler des observations par l'intermédiaire de dires qui seront examinés lors d'une audience particulière dite audience éventuelle. Le débiteur dessaisi pourra-t-il faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ? La question est fondamentale car il s'agit de la protection juridique du débiteur. En effet, un auteur a souligné qu'il fallait laisser au débiteur les moyens

juridiques de se faire entendre et de faire sanctionner une illégalité commise à son détriment117.

La jurisprudence a tiré toutes les conséquences du dessaisissement. Relativement au droit comparé deux arrêts de la cour de cassation française permettent de les présenter. D'abord, la chambre commerciale de la cour de cassation, dans un arrêt du 11 avril 1995118, précise qu'en vertu de l'art. 152 de la loi, le liquidateur119 qui exerce le pouvoir exclusif d'agir au nom du débiteur dans la procédure de saisie immobilière, se trouve dispensé de délivrer au débiteur saisi la sommation prévue à l'article 689 du Code de Procédure Civile. Ensuite, tirant les conséquences de cette jurisprudence, la chambre commerciale dans un arrêt du 6 avril 1996 indique que le liquidateur représente le débiteur dessaisi dans cette procédure et que celui-ci n'est pas recevable à formuler des dires.

Ces deux arrêts s'expliquent par le recours dont dispose le débiteur, à l'égard de l'ordonnance du juge commissaire, devant le Tribunal de la procédure. Cette jurisprudence ne reconnaît pas la saisie immobilière comme une procédure autonome ; les droits du débiteur étant suffisamment garantis dans le cadre de la procédure collective. La chambre Mixte a été saisie de la difficulté. Dans son arrêt du 5 décembre 1997, la chambre Mixte reprend la solution de la chambre commerciale120. Elle estime que lorsque « l 'ordonnance du juge commissaire est passée en force de chose jugée à l 'égard du débiteur qui dispose à son encontre d'un recours autonome devant le tribunal de la procédure ; le liquidateur, qui en vertu de l 'art. 152 de la loi est investi du droit de représenter le débiteur, est dispensé de lui délivrer la sommation prévue à l 'art. 689 du Code de Procédure Civile. »

117 SENECHAL dans note sous Cass., Com, 11 avril 1995, Rep Def 1995, art 36139.

118 Cass, Com, 11 avril 1995, Rep Def 1995, art 36139, note SENECHAL.

119 Sous la législation OHADA, ce terme est l 'équivalent de syndic. Ce dernier étant remplacé par trois professions dans la législation française sur les entreprises en difficulté à savoir les administrateurs judiciaires, les mandataires-liquidataires et les experts en diagnotic.

120 Mixte, 7 Décembre 1997, D. A. 1998 p 29.

La doctrine approuve cette position de la haute juridiction : « c 'est dans le cadre de la procédure collective que la loi assure la protection du débiteur ; il ne l 'a pas à l 'être une seconde fois dans la saisie immobilière ». Elle estime qu'il serait « inutile et inopportun de donner au débiteur la possibilité de contester les modalités de la vente lors de l 'audience éventuelle devant le tribunal de grande instance «121 . En effet, cela retarderait la vente mais aussi cela pourrait conduire à une contrariété de décisions.

La saisie immobilière est donc perturbée lorsqu'elle se trouve utilisée en procédure collective. Cet effet perturbateur se ressent encore à l'aune de son régime.

B - Un régime dérogatoire au droit commun

L'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif renvoie à certaines dispositions de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution pour les ventes ayant lieu sous la forme des saisies immobilières «sauf celles auxquelles il est dérogé par le présent Acte uniforme »122.

Le problème s'est posé de savoir si le créancier privilégié, reprenant les poursuites, pouvait être déclaré adjudicataire pour la mise à prix, s'il n'est pas intervenu d'enchères. Un arrêt de la chambre commerciale du 6 janvier 1998 admet cette possibilité sur le fondement de l'article 129 du décret de 1985 ; l'article 706 alinéa 2 du code de procédure civile (permettant de déclarer adjudicataire le poursuivant) étant applicable123. En outre, la Cour de Cassation fonde sa décision sur l'article 161 en précisant que la mise à prix est déterminée non par le juge commissaire seul mais par celui-ci en accord avec le créancier poursuivant. Dès lors, l'article 706 du Code de procédure civile s'applique en cas de procédure collective sauf, et

121 SENECHAL dans note précitée.

122 V. art 154 § 1.

123 Cass. Com. 8 janvier 1998, Quot. Jur. du 10 Février 1998, p. 4.

l'exception est de taille, lorsque le poursuivant est le liquidateur puisque le liquidateur ne peut être déclaré adjudicataire.

Le droit commun des saisies immobilières est donc profondément modifié. Les incidents de la saisie sont purement et simplement ignorés, parce que la procédure collective utilise la saisie immobilière comme modalité de réalisation de l'actif. Or, l'actif doit être réalisé rapidement pour éviter qu'il ne se dépérisse. Toutes les voies de contestations offertes par les incidents de la saisie immobilière sont ignorées afin d'accélérer la réalisation de l'actif. C'est ce même esprit de rapidité qui explique la déformation de la procédure de saisie immobilière.

Paragraphe 2 : Une saisie immobilière déformée par la procédure collective

La saisie immobilière de l'article 150 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives n'obéit pas au même régime que le droit commun124. La procédure ne s'ouvre pas par un commandement aux fins de saisie immobilière mais par une décision du juge commissaire (A) ; le prix n'est pas réparti comme en droit commun, par le juge des saisies immobilières, mais par le syndic (B).

A- La nécessité de l'ordonnance du juge commissaire.

Contrairement au droit commun, la notification d'un commandement n'est pas nécessaire ; l'article 150 de la l'acte uniforme impose l'intervention du juge commissaire. L'ordonnance du juge commissaire sera publiée à la conservation foncière. Elle se substitue

124 Ici, il s 'agit des dispositions de l 'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.

au commandement comme le prévoit l'article 152 alinéa 1 de l'acte. Dès lors, comme en droit commun, l'ordonnance emporte indisponibilité du ou des immeubles visés par celle-ci. L'immeuble saisi ne pourra donc plus faire l'objet d'aliénation. Cependant, la saisie immobilière se trouve déformée en l'absence de commandement.

La vente faite sans l'autorisation du juge commissaire est nulle 125 car la compétence d'attribution du juge commissaire est d'ordre public. De même, toute saisie immobilière engagée sans l'intervention du juge commissaire est nulle. Le principe a été rappelé par un arrêt de la chambre commerciale du 19 mars 1991 à propos d'une saisie engagée par un créancier hypothécaire ayant recouvré son droit de poursuite126. En l'espèce, le cahier des charges fixant les conditions de la vente avait été déposé sans l'intervention du juge commissaire, ce qui enlevait toute validité à la procédure de saisie immobilière. Dès lors, la procédure engagée par le créancier était irrégulière et la radiation du commandement était justifiée car le créancier reprenant les poursuites doit préalablement demander l'autorisation du juge commissaire. Cet arrêt résout implicitement le point de savoir quelle procédure doit suivre le créancier hypothécaire.

Le créancier qui reprend les poursuites, est soumis au même régime que le syndic, il devra donc présenter par une requête au juge commissaire. On constate alors que la procédure a été considérablement accélérée et simplifiée. C'est ce même esprit de rapidité qui préside dans les dispositions relatives au prix.

125 Com 28 mars 1995, cité par SOINNE B , n° 2412.

126 Com 19 mars 1991, D 1991, JP 360, note Honorat.

B - La répartition du prix par le syndic

En droit commun, l'ordre est fixé par un magistrat spécialisé127 du Tribunal de grande instance. L'article 150 alinéa 6 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif dispose que « le syndic répartit le produit des ventes et règle l 'ordre entre les créanciers ».

Dès la publication de la vente, le syndic requiert du conservateur foncier, l'état des inscriptions. Puis il dressera l'état de collocation, au vu de ces inscriptions, des créances admises et des créances des créanciers postérieurs. L'état de collocation est ensuite déposé au greffe du tribunal de la procédure qui le fera publier.

S'il ne s'élève aucune contestation, le syndic procédera à la clôture de l'ordre par le dépôt d'un procès verbal de clôture d'ordre au greffe du tribunal de la procédure. Les contestations éventuelles devront être formées dans un délai de 30 jours à compter de la publication. Les contestations devront être dénoncées, à peine d'irrecevabilité, aux créanciers inscrits et au syndic. Elles seront tranchées par le tribunal de la procédure. Dans les 8 jours suivant le règlement définitif des contestations, le syndic règle définitivement l'ordre entre les créanciers par le procès verbal de clôture d'ordre. Il fera procéder enfin à la radiation des inscriptions en saisissant le juge aux ordres128 par voie de requête.

Ces dispositions relatives à l'ordre s'appliquent à l'exclusion de toutes autres nous indique une jurisprudence constante de la cour de cassation. En droit commun, un décret de 1852 prévoit un mécanisme d'avance sur collocation au profit du Crédit Foncier lors de l'adjudication d'un immeuble grevé à son profit d'une hypothèque. A ce titre, le crédit foncier demandait au notaire lors de la cession amiable ou à l'adjudicataire lors d'une vente à la barre du tribunal de lui remettre les fonds sur le fondement de ce texte. Par trois arrêts successifs du

127 Ce magistrat est le président de la juridiction compétente ou le magistrat délégué par lui, art. 326 A UPSRVE.

128 Il s 'agit ici du juge de l 'art.326 A UPSR VE.

9 juin 1992129, 19 octobre 1993130 et 28 juin 1994131 ; la chambre commerciale de la cour de cassation affirme « l 'inapplicabilité » de ce mécanisme en cas de procédure collective sur le fondement des dispositions de l'AUPCAP qui prévoient que le prix d'adjudication doit être versé au compte ouvert à la caisse des dépôts et consignation.

L'admission directe des voies d'exécution dans les procédures collectives est soit fonction des créanciers qui les exercent, soit fonction de la nature même de ces voies d'exécution. En fonction des créanciers qui les exercent, les voies d'exécution peuvent collaborer avec les procédures collectives pour le recouvrement des créances postérieures et des créances non suspendues par la décision d'ouverture des procédures collectives. En fonction de la nature des voies d'exécution, l'admission des voies d'exécution accompagne l'efficacité de certaines voies d'exécution. Au-delà de ces considérations, l'exercice des voies d'exécution dans les procédures collectives peut se justifier par la réalisation de l'actif de l'entreprise. A côté de cette admission directe, il existe une admission indirecte qui se justifie par le fait que les procédures collectives sont des voies d'exécution collective.

129 Cass. Com. 9 juin 1992, D. 1992, JP 388, note Honorat.

130 Cass. Com. 19 Octobre 1993, D. 1994, som. com. 179, obs. Honorat. 131 Cass, Com, 28 juin 1994, D ; 1994, JP 477, note Honorat.

CHAPITRE 2 : LA SUPPLEANCE DES VOIES D'EXECUTION PAR LES PROCEDURES COLLECTIVES

L'effet perturbateur qu'exerce l'ouverture d'une procédure collective sur les voies d'exécution n'est pas sans remède. En effet si les procédures collectives neutralisent ou paralysent les voies d'exécution, c'est parce qu'elles s'analysent en une voie d'exécution collective (Section 1). Comme les voies d'exécution, elles ont pour finalité la recherche de l'intérêt des créanciers. Mais pendant que les voies d'exécution les traitent individuellement, les procédures collectives les considèrent collectivement. Il y a plus, la procédure collective sanctionne également le débiteur saisi en le protégeant pareillement. Elle se présente sous cet angle comme une voie d'exécution spécifique (Section 2).

Section 1 : La procédure collective, voie d'exécution collective

Il a été dit plus haut132que l'interdiction d'exercice des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective était justifiée par le fait qu'elle entraînait le dessaisissement du débiteur et l'indisponibilité de ses biens133. Ce sont là certains traits qui caractérisent les voies d'exécution et que nous ne reprendront pas dans ce chapitre. Il faut plutôt noter que, comme les voies d'exécution, la procédure collective est une mesure forcée de désintéressement car elle contribue au paiement des créanciers (Paragraphe 1). Elle a aussi pour finalité la recherche de l'intérêt des créanciers pris collectivement (Paragraphe 2).

132 Cf. Première partie, chapitre 1, section 1.

133 Ibid.

Paragraphe 1 : Traits communs quant aux finalités des procédures collectives et des voies d'exécution

A côté du redressement de l'entreprise du débiteur134 qui caractérise les procédures collectives, elles s'occupent aussi du paiement des créanciers (A) comme les voies d'exécution et est par conséquent une mesure forcée de désintéressement (B).

A- Paiement des créanciers

A côté de la recherche de l'intérêt du débiteur, la procédure collective s'occupe du paiement des créanciers même si ce paiement n'est pas toujours prioritaire. En privilégiant le terme apurement dès le titre de l'Acte uniforme sur les procédures collectives, le législateur OHADA a entendu souligner qu'il se préoccupait tout autant sinon plus de l'extinction du passif que de son règlement. Le paiement des créances demeure cependant l'un des modes d'extinction du passif utilisé par l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Mais il s'effectuera selon les modalités qui sacrifient les droits des créanciers à la sauvegarde de l'entreprise sans méconnaître le principe d'un traitement égalitaire de ces créanciers compte tenu de la catégorie à laquelle ils appartiennent135.

Avant le paiement proprement dit des créanciers on passe d'abord par la détermination du passif. Cette détermination du passif se réalise par la production et la vérification des créances136.

134 V. infra.

135 V. Yves GUYON et Jean DERRUPE, Entreprises en difficulté - redressement judiciaire (phase de traitement - les créanciers), Rép. Com. Dalloz, septembre 1996, n° 630.

136 V. supra.

En ce qui concerne les modalités de paiements des créanciers, il faut relever qu'en vue de favoriser le redressement de l'entreprise, un traitement privilégié a été réservé aux créanciers postérieurs à l'ouverture de la procédure137. Les créanciers liés à la poursuite de l'entreprise sont payés à leur échéance, sinon ils bénéficient d'un paiement prioritaire.

Sous réserve du cas des créanciers rétenteurs, le règlement des créanciers antérieurs ne peut avoir lieu qu'après la solution du redressement judiciaire et ses modalités varient selon le choix retenu : continuation de l'entreprise, cession de l'entreprise et liquidation des biens. Pendant l'assemblée concordataire, des propositions de règlement du passif sont élaborées. Elles contiennent habituellement des délais et des remises. Ces délais et remises qui constituent des restrictions au paiement des créanciers aboutissent au paiement en fonction du délai ou de la remise accordé par chacun. Pour les créanciers qui ont refusés tous délais et remises, le tribunal impose des délais et remises uniformes de paiements. Par cette réaction, le législateur a eu le souci d'établir un traitement égalitaire des créanciers. La mesure concerne toutes les catégories des créanciers, chirographaires ou titulaires de sûretés, dont la créance est antérieure au jugement de redressement judiciaire ; tous devront subir le moratoire décidé et être payés à l'issue de ces échéances.

Tout paiement avant l'échéance est sévèrement sanctionné. A l'inverse, le défaut de paiement aux échéances prévues par le concordat de redressement permet aux créanciers de recourir aux voies d'exécution s'ils disposent d'un titre exécutoire ou après en avoir obtenu un ; c'est aussi une cause de résolution du concordat.

Le paiement des créanciers en cas de cession de l'entreprise s'analyse selon qu'elle est partielle ou totale. En cas de cession partielle, d'actifs, liée au plan de continuation, le prix est versé à l'entreprise. Le règlement des créanciers s'effectue donc sans changement selon les modalités d'apurement arrêtées par le concordat de redressement. En cas de cession totale, le

137 C'est ce qui justifie par ailleurs l'admission de leurs voies d'exécution dans les procédures collectives.

règlement des créanciers est immédiat. Il sera effectué avec le prix de cession et le prix de vente des autres éléments du patrimoine non compris dans la cession de l'entreprise138.

En cas de liquidation des biens, le paiement des créanciers devient la seule finalité de la procédure. Les déchéances du terme facilitent le règlement global. Qu'il ait reçu un paiement complet ou partiel, le créancier perd en principe ses droits à l'égard du débiteur dès lors qu'il n'y a plus d'actif à répartir. Le créancier serait alors totalement ou partiellement payé selon qu'il y a suffisamment d'actif ou pas. Ce paiement qui ne satisfait pas toujours le créancier est une mesure de désintéressement forcé commune à la procédure collective et aux voies d'exécution.

B- Mesures forcées de désintéressement

La procédure collective se conçoit comme une mesure forcée de désintéressement dans la mesure où le paiement des créanciers n'émane pas de la volonté du débiteur dont l'entreprise connaît des difficultés. L'application contemporaine de cette mesure forcée de désintéressement a une origine historique.

La faillite139 trouve son origine dans les statuts des villes italiennes, à la fin du XVe siècle, notamment à Gênes, Florence et Venise. Ces procédures avaient essentiellement un caractère pénal. Elles étaient limitées aux commerçants. Ceux-ci bénéficiaient de nombreux avantages en matière de crédit. S'ils en abusaient, c'est-à-dire s'ils ne pouvaient pas payer leurs créanciers à l'échéance, le droit les traitait comme des délinquants. Celui qui avait failli à ses engagements était présumé être un fraudeur (faillitus, ergo fraudator). Il pouvait donc être emprisonné. Ces sanctions déjà sévères étaient aggravées lorsque les faillis avaient

138 Yves GUYON et Jean DERRUPE, op. cit. n° 734.

139 C'est sous cette appellation qu 'on désignait la procédure de concours.

commis des malhonnêtetés caractérisées140. On brisait solennellement leur banc à l'assemblée des marchands, d'où l'expression encore en vigueur de banqueroute (« banca rotta »). En même temps on liquidait leurs biens en suivant une procédure respectueuse de l'égalité des créanciers et aboutissant si possible au vote d'un concordat.

Même si le caractère pénal de la procédure collective a sensiblement diminué, il n'en demeure pas moins qu'elle demeure une mesure forcée de désintéressement par son ouverture et par sa gestion. Comme dans les voies d'exécution, dans les procédures collectives après cessation des paiements, le créancier qui trouve le recouvrement de sa créance menacé peut déclencher la procédure collective. Cette initiative du créancier doit aboutir normalement à la prise des mesures forcées pour favoriser le paiement collectif des créanciers. C'est ainsi que par exemple dans la liquidation des biens, la loi uniforme donne le pouvoir au syndic de gérer les biens du débiteur. Le syndic pourra prendre des mesures forcées afin de pouvoir apurer le passif. Dans l'action en comblement du passif, l'article 185 AUPCAP énonce que La juridiction compétente peut enjoindre aux dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du passif de la personne morale de céder leurs actions ou parts sociales de celle-ci ou ordonner leur cession forcée par les soins du syndic, au besoin après expertise. On peut aussi citer l'exemple de la vente sur saisie immobilière qui est une mesure forcée pour désintéresser les créanciers.

Ces mesures forcées de désintéressement convergent inévitablement à la recherche de l'intérêt du créancier.

140 V. Yves GUYON, Entreprise en difficulté (Avant-propos), Répertoire commercial Dalloz, mars 1996, n° 9.

Paragraphe 2 : La recherche de l'intérêt du créancier

Le rôle actif du créancier dans les différentes procédures collectives d'apurement du passif se justifie par le fait que les mesures prises dans ces procédures ont pour but de satisfaire l'intérêt des créanciers, qu'ils soient titulaires de sûretés ou simplement chirographaires. La recherche de cet intérêt peut être principal (A) ou secondaire (B) selon la procédure envisagée.

A- La recherche principale de l'intérêt du créancier dans la liquidation des biens

Il faut d'abord mentionner que contrairement aux voies d'exécution dont l'exercice n'a pour principe que de satisfaire l'intérêt du créancier, la recherche de cet intérêt n'occupe une place principale que dans la liquidation des biens. Le but principal de la procédure de liquidation des biens est de réaliser l'actif du débiteur pour apurer son passif. La recherche de l'intérêt du créancier dans la liquidation des biens se vérifie sur plusieurs points.

D'abord, parce que ses intérêts sont menacés, l'acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif lui offre la faculté de déclencher la procédure de liquidation des biens. C'est ce que prévoit l'article 28. L'assignation suppose une créance certaine, liquide et exigible dont le créancier doit préciser le montant, la nature et le titre sur lequel il se fonde. En demandant l'ouverture d'une procédure collective contre son débiteur, le créancier ne fait qu'exercer un droit141. Cette demande s'apparente pour certains142 à l'exercice d'une action oblique.

Ensuite, les inopposabilités de la période suspecte qui sont communes à la liquidation des biens et au redressement judiciaire constituent un effet garant de la protection de l'intérêt

141 Paul Gérard POUGOUE et Yvette KALIEU, op. cit. n°66.

142 M. POCANAM, Réflexions sur quelques aspects du droit de la faillite au Togo, Penant, note, P. 204.

des créanciers. Ainsi, un certain nombre d'actes pouvant être accomplis par le débiteur est déclaré inopposable à la masse des créanciers143. Cette masse est aussi une marque de la recherche de l'intérêt du créancier dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens. En effet, La décision d'ouverture constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif et peut l'engager144. La recherche de l'intérêt des créanciers occupe une place tellement importante que cette décision d'ouverture emporte, au profit de la masse, hypothèque que le greffier est tenu de faire inscrire immédiatement sur les biens immeubles du débiteur et sur ceux qu'il acquerra par la suite au fur et à mesure des acquisitions145.

Enfin la recherche de l'intérêt du créancier est marquée par le fait que la liquidation des biens qui emporte réalisation des biens du débiteur se fait au profit des créanciers. Il s'agit pour le syndic avec l'actif réellement réalisé ou recouvré, de payer tout ou partie des créanciers. Aux principes généraux qui régissent l'apurement du passif, l'Acte uniforme sur les procédures collectives a ajouté l'ordre de répartition des deniers suivant qu'ils proviennent de la vente des immeubles ou des meubles.

En ce qui concerne les principes généraux, il faut dire que les sommes provenant des différentes ventes sont remises dans un compte postal, bancaire ou au trésor (art. 45). Les paiements sont autorisés par le juge commissaire qui fixe en même temps la part revenant à chacun. Les créanciers doivent être informés du paiement. La répartition peut alors être faite entre les créanciers dont les créances ont été vérifiées et admises. Les modalités sont diverses suivant les procédures. Les paiements peuvent être faits partiellement au long de la procédure ou en une seule fois à la fin de la procédure. L'ordre de répartition est prévu aux articles 166 et 167 de l'acte uniforme sur les procédures collectives. Ce paiement qui fait partie de la

143 Lire les articles 67 et suivants A UP CAP.

144 Article 72 A UP CAP. 145 Article 74 A UP CAP.

recherche de l'intérêt du créancier est fonction des délais et remises dans le règlement préventif et le redressement judiciaire.

B- La place secondaire de l'intérêt du créancier dans le règlement préventif et le redressement judiciaire

Le règlement préventif et le redressement judiciaire sont des procédures collectives qui prennent plus en compte l'intérêt de l'entreprise. La sauvegarde de l'entreprise du débiteur y occupe une place importante146. La place de l'intérêt du créancier arrive en second lieu. Sans revenir sur les inopposabilités de la période suspecte et la masse des créanciers qui caractérisent le redressement judiciaire et la liquidation des biens, la recherche de l'intérêt du créancier se vérifiera sur les points communs au redressement judiciaire et au règlement préventif et sur des points qui sont propres à ce dernier.

Le règlement préventif et le redressement judiciaire sont caractérisés par l'octroi des remises de dettes et des délais de paiement que les créanciers accordent à leur débiteur dont l'entreprise est en difficulté. Ces délais et remises qui restreignent leurs droits orientent en quelque sorte leurs intérêts. Ainsi, ils seront payés au fur et à mesure que ces échéances arriveront.

Dans le règlement préventif, bien que la priorité soit accordée au redressement de l'entreprise, certains créanciers peuvent ne pas subir l'ouverture de la procédure, et leur intérêt est totalement préservé.

Les procédures collectives d'apurement du passif sont, on l'a vu des voies d'exécution collectives en ce sens qu'elles réservent une place importante aux intérêts des créanciers pris

146 V. infra.

collectivement. Ces voies d'exécution collectives s'éloignent des voies d'exécution classiques car elles détiennent une certaine spécificité.

Section 2 : La procédures collective, voies d'exécution spécifiques

Les procédures collectives sont des voies d'exécution collectives. Elles utilisent la méthode des voies d'exécution en les déformant quelque peu. Surtout elles mettent l'accent sur la protection du débiteur (Paragraphe 2) pour bien gérer l'entreprise en difficulté. Elles sanctionnent aussi certains débiteurs défaillants, car, ils peuvent être à l'origine de certains incidents (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : La spécificité à travers les incidents et les sanctions

Il importe d'étudier d'abord les incidents (A) avant de nous interroger sur les sanctions de la procédure collective (B).

A- Les incidents de la procédure collective

Relativement à son exécution et à ses rapports avec les voies d'exécution, on peut relever deux incidents de la procédure collective : la périodicité pour subir une autre procédure collective (2) et les cas d'ouverture d'une seconde procédure collective (1).

1- Les cas d'ouverture d'une seconde procédure collective

Sous le chapitre 5 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives, intitulé solution du redressement et de la liquidation des biens, la section 5 est consacrée à la survenance d'une seconde procédure collective. Cette survenance d'une seconde procédure collective est liée au fait que le concordat de redressement ait été remis en cause. Cette remise en cause du concordat est tributaire de certains agissements qu'aurait causés le débiteur. Ces actes du débiteur pourront entraîner soit l'annulation, soit la résolution du concordat147 ou l'ouverture simple d'une seconde procédure collective.

Par rapport à l'avenir l'effet commun de la résolution et de l'annulation du concordat est la conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens. Cette conversion entraîne elle-même des conséquences. Une nouvelle procédure va s'ouvrir alors que les effets de l'ancienne ne vont pas disparaître totalement. Les nouveaux créanciers sont invités à produire et leurs créances seront vérifiées sans délai. Quant aux créanciers antérieurement admis, ils sont d'office reportés sur le nouvel état des créances sous déduction des dividendes qu'ils auraient éventuellement reçus dans la première procédure.

Sous la section 5 du chapitre 5 précité, la survenance d'une seconde procédure collective n'est pas la suite d'une annulation ou d'une résolution148.

L'ouverture d'une seconde procédure collective s'écarte des voies d'exécution au sens classique en ce qu'ici, tout est mis en oeuvre pour vendre le bien ou pour se faire attribuer au cas où le débiteur ne le fait pas dans le délai qui lui est imparti. Il en est de même de la périodicité.

147 Pour l 'annulation et la résolution du concordat, lire P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n° 241 et s.

148 V. art.144 AUP CAP.

2- La périodicité pour subir une procédure collective

Après avoir été l'objet d'une procédure collective qui s'est bien soldé, le débiteur dispose d'une certaine période pour se voir encore accorder une telle mesure de redressement. C'est le cas en matière de règlement préventif. L'article 5 alinéa 3 de l'acte uniforme sur les procédures collectives énonce qu'« Aucune requête en règlement pré ventif ne peut être présentée par le débiteur avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant une précédente requête ayant abouti à une décision de règlement préventif ». Seulement cette disposition n'a pas précisé ce qu'il y a lieu de faire dans un tel cas.

Dans les procédures civiles d'exécution la saisie d'un débiteur n'est pas limité, il suffit que le bien possédé par le débiteur soit un bien saisissable et que le créancier remplisse les conditions requises pour pratiquer une saisie. Ici, la sanction que peut subir le débiteur est généralement civile alors que la procédure collective se rebelle par une pléthore de sanctions pénales.

B- Les sanctions de la procédure collective

Les sanctions de la procédure collective ont trait tantôt au patrimoine du débiteur (1), tantôt à sa personne (2).

1- Les sanctions patrimoniales

Les sanctions patrimoniales des procédures collectives concernent les dirigeants et dans certains cas les membres ou associés des personnes morales. Elles consistent en l'extension du passif social aux dirigeants et à l'extension de la procédure collective aux

dirigeants. Rappelons que ces sanctions font partie de l'objet des procédures collectives. C'est du moins ce qu'énonce l'article 1er AUPCAP : « Le présent Acte uniforme a pour objet : - de définir les sanctions patrimoniales relatives à la défaillance du débiteur et des dirigeants de l'entreprise débitrice ».

Il ne fait donc aucun doute que les procédures collectives s'occupent des sanctions patrimoniales. Elles le font d'ailleurs comme les voies d'exécution. Mais à la différence de celles-là, celles-ci ne parlent que des dommages et intérêts, et n'intègre pas les sanctions dans leur objet. Ceci est vérifiable même lorsqu'il s'agit des sanctions extrapatrimoniales.

2- Les sanctions extrapatrimoniales

Comme les sanctions patrimoniales, les sanctions extrapatrimoniales, au terme de l'article 1er AUPCAP font partie de l'objet des procédures collectives. Ces sanctions sont les sanctions civiles et les sanctions pénales. La sanction civile qui est la faillite personnelle correspond à un ensemble de déchéances civiques et surtout professionnelles que va subir le failli dans sa personne et dans ses biens. Le failli perd les droits rattachés à la qualité de commerçant, est exclu des fonctions administratives, ne peut plus être éligible ou électeur aux fonctions publiques.

Les sanctions pénales de leurs côtés sont constituées de la banqueroute et des sanctions assimilées. Le règlement préventif, le redressement judiciaire, la liquidation des biens n'entraînent pas par eux-mêmes la condamnation pénale du débiteur. Il n'en va autrement que lorsque des fautes précises ont été commises.149

Rien de tel n'existe dans les voies d'exécution. Les voies d'exécution prévoient certes des sanctions civiles, professionnelles et pénales mais qui jouent un rôle subsidiaire dans

149 Pour l'énumération de ces différentes fautes, lire P.G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n°321 et s.

l'exercice des voies d'exécution. Il en est de même de la protection du débiteur qui est moins accentuée dans les voies d'exécution.

Paragraphe 2 : La spécificité par le souci accentué de la protection du débiteur

S'il est incontestable que les voies d'exécution s'occupent de la protection et de l'intérêt du débiteur, il n'en demeure pas moins que cette protection soit limitée. Contrairement aux voies d'exécution, les procédures collectives consacrent une protection accentuée du débiteur. Cette protection est élevée dans le règlement préventif et le redressement judiciaire (A) et moins élevée dans la liquidation des biens (B).

A- Dans le règlement préventif et le redressement judiciaire

Le règlement préventif et le redressement judiciaire sont des procédures collectives destinées en priorité au redressement de l'entreprise à travers le concordat. Le débiteur est protégé à travers son entreprise. Et, on voit nettement la distinction opérée entre le sort de l'homme et le sort de l'entreprise.

Dans le règlement préventif, la possibilité est accordée au débiteur dont l'entreprise connaît une situation difficile mais non irrémédiablement compromise de s'adresser au tribunal pour voir son entreprise redressée. C'est ainsi que l'Acte uniforme lui permet de choisir les créanciers qu'il veut voir les poursuites suspendre afin de préparer un concordat préventif.

Dans le redressement judiciaire, on laisse la possibilité au débiteur dont l'entreprise est en état de cessation des paiements de pouvoir redresser son entreprise à travers le concordat de redressement.

Comme on peut le constater, la sauvegarde de l'entreprise qui sous-entend la protection de l'intérêt du débiteur est capitale dans le règlement préventif et le redressement judiciaire. La protection du débiteur est justifiée par le fait qu'au-delà de sa protection individuelle, c'est celle de l'emploi qu'on préserve et même de l'économie nationale toute entière.

Dans la liquidation judiciaire par contre, l'accent est mis sur l'intérêt des créanciers.

B- Dans la liquidation des biens

Il convient de rappeler que la liquidation des biens est une procédure qui a pour objet la réalisation des biens du débiteur pour apurer son passif. Comme le redressement judiciaire, elle s'applique au débiteur qui a cessé ses paiements.

C'est dans cette procédure de liquidation des biens que la protection du débiteur est sacrifiée au profit de l'intérêt des créanciers. Retenons tout simplement que dans cette procédure, il y a possibilité pour le débiteur d'être relevé de ses sanctions. Ce relèvement de la faillite personnelle encore appelé réhabilitation signifie que le failli est relevé des différentes déchéances avant l'expiration de la durée normale. Elle est prévue et organisée par les articles 204 à 215 de l'AUPCAP qui prévoient les cas de réhabilitation et la procédure de réhabilitation elle-même150.

150 Pour le relèvement de la sanction, lire P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n° 314 et s.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Interrogé sur la question de savoir si procédures collectives et voies d'exécution, malgré le caractère quasi-absolue de l'interdiction de celles-ci par l'ouverture de celles-là pouvaient cohabiter, nous avons répondu à travers une analyse qui prend en compte toutes les étapes de l'exécution des mesures prises dans les procédures collectives, et les méthodes qu'utilisent les voies d'exécution. De là, on aboutit à une admission non contestée des voies d'exécution dans les procédures collectives. Cette admission peut être directe ou indirecte. Directe, on voit le jeu des voies d'exécution exercées sur des créances postérieures et celles utilisées par ceux dont les poursuites n'ont pas été suspendues : nous avons retenues ici que celles-ci étaient simplement admises. A côté de celles simplement admises, on a aussi noté l'admission spéciale de la saisie conservatoire des créances et de la saisie-attribution. Les voies d'exécution trouvent également leur admission directe dans les procédures collectives par la réalisation de l'actif du débiteur dans la liquidation des biens.

Le remède de l'anéantissement des voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives est l'organisation de ces procédures collectives elles-mêmes. Car les procédures collectives constituent en quelque sorte des voies d'exécution collectives dotées d'une spécificité propre.

CONCLUSION GENERALE

A l'analyse, on ne peut que constater les interférences réciproques entre procédures collectives et voies d'exécution. Ces interférences sont les conséquences des rapports que ces deux procédures entretiennent entres elles. Leurs rapports sont tantôt des rapports de conflit, tantôt ceux de substitution. A la vérité, les rapports de conflits sont hiérarchisés et présente en amont les rapports de suprématie et en aval les rapports de collaboration.

Les rapports de suprématie ou de supériorité de la procédure collective sur les voies d'exécution sont une consécration de l'acte uniforme OHADA sur les procédures collectives. Cet Acte uniforme énonce en ses articles 9 al. 2 et 75 al. 1 la paralysie des voies d'exécution par l'ouverture des procédures collectives. Cette paralysie qui a un caractère d'ordre public s'applique aussi bien à la saisie mobilière qu'à la saisie immobilière. Derrière le caractère d'ordre public de cette mesure se cache la qualité du juge compétent pour résoudre les difficultés résultant de la suspension ou de l'arrêt des voies d'exécution. Même si la jurisprudence semble considérer la suspension uniquement comme une difficulté d'exécution en attribuant la compétence au juge de l'exécution, il y a lieu de constater que la loi n'a pas tranché le problème et son interprétation laisse croire que les problèmes liés à la suspension sont à la fois les difficultés d'exécution et les contestations liées à l'exécution des procédures collectives. Le caractère ravageur des procédures collectives peut justifier cette double compétence.

La paralysie des voies d'exécution se justifie nettement par le fait que les effets de la décision d'une procédure collective l'apparente à une voie d'exécution, mais une voie d'exécution collective qui peut collaborer de façon exceptionnelle avec les voies d'exécution. Mais comment concilier deux procédures qui doivent être constamment en conflit. Les actes uniformes sur les voies d'exécution et sur les procédures collectives donnent un large champ

d'activité à la jurisprudence chargée de les appliquer en conciliant l'intérêt individuel du créancier cherchant à contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations et l'intérêt collectif des créanciers soumis à une procédure collective qui en outre, dans la phase de redressement, poursuit d'autres buts que l'exécution des biens du débiteur. Ces intérêts sont antagonistes lorsqu'il faut déterminer le moment où prend effet l'arrêt des poursuites individuelles et la portée des saisies sur des créances à terme ou en germe et la saisieattribution. Ils le sont également au sein de la procédure collective lorsque les créanciers de la procédure s'emparent de ces voies d'exécution. Ils ne le sont pas lorsque des mesures sont adoptées pour améliorer l'efficacité de la réalisation forcée des immeubles du débiteur en liquidation des biens.

Quoi qu'il en soit, le dessaisissement du débiteur et l'indisponibilité de ses biens par l'ouverture d'une procédure collective, le caractère collectif et égalitaire des procédures collectives, les modalités d'exécution des mesures prises dans les procédures collectives font de la procédure collective une voie d'exécution collective.

BIBLIOGRAPHIE

I- Textes législatifs

1- Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

2- Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.

II- Jurisprudence

1- T.G.I de Ouagadougou, jugement N° 234 du 29 mars 2000 : ohadata J-04-180.

2- Tribunal Régional hors classe de Dakar, jugement N° 1538 du 8 août 2000 : ohadata J-04- 342.

3- Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 89 du 16 janvier 2001, ohadata J-02-80

4- Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt N° 1129 du 8 novembre 2002 : ohadata J-03-291.

5- Tribunal de Travail hors classe de Dakar, Ordonnance de référé N° 8 1/465 du 4 mars 2003 : Site internet lexinter.net/jurafrique.

6- T.P.I de Libreville, Ordonnance de référé, répertoire N° 7 14/2002-2003 du 26 septembre 2003 : ohadata J-04-145.

III- Ouvrages généraux

1- ANOUKAHA (F), TJOUEN (A, D), Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution en OHADA, collection droit uniforme, PUA, 1999.

2- ASSI-ESSO (A-M), NIAW DIOUF, OHADA, Recouvrement des créances, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002

3- DEBBASCH (C) et RICCI (J-C), Contentieux administratif, 4ème éd. Précis Dalloz, Paris CEDEX, 1985.

4- LE CORRE (P,M), Le créancier face au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaires des entreprises, P.U.A.M. T. 1, 2000.

5- LE CORRE (P,M), Le créancier face au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaires des entreprises, P.U.A.M. T. 2, 2000.

6- POUGOUE (P-G) et KALIEU (Y), L'organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA, PUA, Collection droit uniforme, 1999, 232 pages.

7- SAWADOGO (F, M), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002.

8- TIGER (P), le droit des affaires en Afrique, QSJ, PUF, 1999.

IV- Articles de doctrine

1- CAMPANA (M,J), L'amélioration du droit des créanciers, Petites Affiches, N°147, 8 décembre 1993

2- COUDERT (J-L), Dans les procédures collectives l'égalité des créanciers est-elle un mythe ou une réalité ?, Petites Affiches, N° 103, 26 août 1992

3- GHOZY (A), Nature juridique de la production des créances dans les procédures de règlement du passif, R.T.D.Com, 1978.

4- GUYON (Y), Entreprise en difficulté (Avant-propos), Répertoire commercial Dalloz, mars 1996.

5- GUYON (Y) et DERRUPE (J), Entreprises en difficulté -redressement judiciaire (phase de traitement)- les créanciers, Rép. Com. Dalloz, septembre 1996.

6- MONSERE, Entreprises en difficulté -redressement judiciaire (période d'observation, Rép. Com. Dalloz, mars 1997.

7- TCHANTCHOU (H), Le contentieux de l'exécution et des saisies dans le nouveau droit OHADA (art. 49 AUPSRVE), J.P. N° 46, Yaoundé, PUA, 2001, PP. 98 à 105. 8- TCHOKOMAKOUA (V), La réforme du cadre juridique des entreprises du secteur public et parapublic, J.P. N° 26, Yaoundé, PUA, avril-mai-juin 1996, PP.97 à 102.

V- Sites Internet

1- lexinter.net/jurafrique

2- www.juris.freesurf.fr

3- www.ohada.com

4- www.ohada.org

5- www2.univ-lille2.fr

TABLES DES MATIERES

Pages

Dédicace .. iii

Remerciements iv

Principales abréviation .. v

SOMMAIRE .. vii

RESUME viii

SUMMARY ix

INTRODUCTION .. 1

PREMIERE PARTIE : LA PARALYSIE DE PRINCIPE DES VOIES D'EXECUTION PAR L'OUVERTURE DES PROCEDURES COLLECTIVES 7

CHAPITRE 1 : FONDEMENT ET ETENDUE MATERIELLE DU BLOCAGE 8

Section 1 : Le fondement de la suspension des voies d'exécution 8

Paragraphe 1 : Le dessaisissement et l'indisponibilité 9

A- L'idée du dessaisissement . 9

1- L'exclusion du dessaisissement dans le règlement préventif 9

2- La validité du dessaisissement dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens .. 11

a- Le domaine du dessaisissement 11

b- Les effets du dessaisissement 12

B- L'indisponibilité des biens du débiteur 14

Paragraphe 2 : le caractère collectif et égalitaire des procédures collectives 15

Pages

A- Le traitement collectif et égalitaire des créanciers 15

B- La portée du caractère collectif et égalitaire des procédures collectives .. 17

1- Dans le règlement préventif .. 17

2- Dans le redressement judiciaire et la liquidation des biens . 18

Section 2 : L'étendue matérielle du blocage . 19

Paragraphe 1 : Les voies d'exécution paralysées par les procédures collectives 20

A- Les voies d'exécution ayant une nature exécutoire 20

1- Application de la suspension des poursuites à la saisie mobilière 20

2- Application de la suspension des poursuites à la saisie immobilière 21

B- Les voies d'exécution ayant une nature conservatoire . 21

Paragraphe 2 : La période de la suspension des voies d'exécution 23

A- La période de << la suspension >> des voies d'exécution 23

B- La période de l' << interdiction >> des voies d'exécution 25

CHAPITRE 2 : CHAMP D'APPLICATION DU BLOCAGE DES VOIES D'EXECUTION . 28

Section 1 : Champ d'application quant aux personnes . 28

Paragraphe 1 : L'application de la mesure au bénéfice du débiteur .. 28

A- Le débiteur concerné par la mesure 29

B- Le débiteur extérieur à la mesure 30

Paragraphe 2 : L'application de la mesure au préjudice du créancier 31

A- Les créanciers soumis à la suspension des voies d'exécution 31

B- Les créanciers non soumis à la suspension des voies d'exécution . 33

Section 2 : Champ d'application quant aux juridictions . 34

Paragraphe 1 : Les juridictions soumises à la suspension 34

A- La soumission non équivoque des juridictions civiles . 35

1- Le juge compétent pour ordonner la suspension . 35

2- Le sort de la décision de suspension devant le juge de l'exécution 37

B- La question de la suspension devant les juridictions autres que civiles 38

1- Le problème de la suspension devant le juge administratif 38

2- Le problème de la suspension devant le juge pénal 40

Paragraphe 2 : Le caractère d'ordre public de la suspension des voies d'exécution 41

A- La suspension des voies d'exécution, une mesure d'ordre public 41

1- L'ordre public interne 41

2- L'ordre public international .. 42

B- La sanction de la violation de la suspension . 43

1- La nature de la sanction : l'inopposabilité . 44

2- Les effets de la sanction . 44

a- La mainlevée de la saisie . 44

b- La discontinuité de la poursuite 45

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 46

DEUXIEME PARTIE : L'ADMISSION D'EXCEPTION DES VOIES D'EXECUTION DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES 47

CHAPITRE 1 : L'ADMISSION DIRECTE DES VOIES D'EXECUTION

DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES 48

Section 1 : Les voies d'exécution indifférentes aux procédures collectives 48

Paragraphe 1 : Les voies d'exécutions simplement admises . 49

A- Les voies d'exécution non suspendues 49

B- Les voies d'exécution exercées sur des créances postérieures 50

1- La liberté de poursuite des créanciers postérieurs .. 50

2- La portée de la liberté de poursuite des créanciers postérieurs .. 52

Paragraphe 2 : Les voies d'exécution spécialement admises 54

C- La saisie conservatoire des créances .. 54

B- La saisie-attribution 55

1- L'effet immédiat de la saisie attribution, cause de son admission

législative dans les procédures collectives 56

2- Les différentes applications . 58

Section 2 : La réalisation de l'actif de l'entreprise par l'utilisation

des voies d'exécution . 60

Paragraphe 1 : Une saisie immobilière absorbée par la procédure collective . 61

A- La protection du débiteur dans le cadre de la procédure collective 61

B- Un régime dérogatoire au droit commun . 63

Paragraphe 2 : Une saisie immobilière déformée par la procédure collective . 64

A- La nécessité de l'ordonnance du juge commissaire 64

B- La répartition du prix par le syndic 66

CHAPITRE 2 : LA SUPPLEANCE DES VOIES D'EXECUTION PAR LES PROCEDURES COLLECTIVES 68

Section 1 : La procédure collective, voie d'exécution collective 68
Paragraphe 1 : Traits communs quant aux finalités des procédures collectives

et des voies d'exécution 69

A- Paiement des créanciers . 69

B- Mesures forcées de désintéressement . 71

Paragraphe 2 : La recherche de l'intérêt du créancier 73

A- La recherche principale de l'intérêt du créancier dans la liquidation des biens 73

B- La place secondaire de l'intérêt du créancier dans le règlement préventif et le redressement judiciaire 75

Section 2 : Les procédures collectives, voies d'exécution spécifiques 76

Paragraphe 1 : La spécificité à travers les incidents et les sanctions 76

A- Les incidents de la procédure collective . 76

1- Les cas d'ouverture d'une seconde procédure collective 77

2- La périodicité pour subir une procédure collective 78

 

Pages

B- Les sanctions de la procédure collective

 

78

1- Les sanctions patrimoniales ..

78

 

2- Les sanctions extrapatrimoniales

79

 

Paragraphe 2 : La spécificité par le souci accentué de la protection du débiteur

 

80

A- Dans le règlement préventif et le redressement judiciaire

 

80

B- Dans la liquidation des biens

 

81

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

 

82

CONCLUSION GENERALE

 

83

BIBLIOGRAPHIE

 

85

TABLE DES MATIERES

 

88






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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille