La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque( Télécharger le fichier original )par Virginie TORDEUX Université Rennes 2 - Master 2006 |
III. La médecine des templesIl existe une grande différence entre la médecine des temples et la médecine magico-religieuse ; la première est infaillible251(*). La médecine rationnelle ne s'y est pas trompée ; en décrivant ses pratiques, les médecins hippocratiques employaient parfois les termes même qui avaient une utilisation analogue dans un contexte religieux. Le développement qui suit reprend les idées développées par Jacques Jouanna dans son ouvrage Hippocrate précédemment cité. III.1. La médecine des sanctuaires d'Asclépios.Bien que les médecins hippocratiques puissent entrer en conflit avec certains devins à cause de la concurrence pouvant s'installer entre eux, ils n'ont jamais couru le risque de remettre en cause la religion des sanctuaires. Si ce fait est souligné, c'est parce qu'à la période où les médecins hippocratiques exerçaient, la médecine religieuse des sanctuaires d'Asclépios connaissait un essor sans précédent grâce aux guérisons miraculeuses où se manifestait la présence du dieu. Le culte d'Asclépios, bien qu'on trouve le plus ancien temple à Tricca en Thessalie, s'étend sur la Grèce continentale à partir du sanctuaire d'Epidaure. Les guérisons miraculeuses sont attestées par deux témoignages du IVème siècle. Le premier est l'oeuvre d'Aristophane, « Il s'assit auprès de Ploutos et commença par lui palper la tête ; ensuite, prenant une compresse propre, il lui essuya les paupières tout autour. Quant à Panacée, elle étendit sur sa tête et sur tout son visage un voile pourpre. Puis le dieu se mit à siffler. Du temples s'élancèrent alors deux serpent d'une taille prodigieuse... Eux deux, se glissant doucement sous le voile de pourpre, lui léchèrent les paupières tout autour, à ce qu'il me semblait. Et, en moins de temps qu'il ne faut pour boire dix cotyles de vin, Ploutos était debout et voyait clair. Moi je me mis à applaudir de joie et je réveillai mon maître. Quant au dieu, il s'éclipsa dans le temples avec les serpents252(*). » le second, des inscriptions sur des stèles trouvées à Epidaure qui livrent soixante dix récits de guérisons miraculeuses.Y était inscrit le nom du malade, la cité d'origine et la maladie. Le malade vient au sanctuaire en suppliant le dieu, se couche dans le portique d'incubation et se relève guéri le lendemain. Plusieurs cas de guérison d'aveugle confirme le Ploutos d'Aristophane : « Ambrosia d'Athènes était aveugle d'un oeil. Celle-ci vint en suppliante vers le dieu. Faisant le tour du sanctuaire, elle se moquait de certaines guérisons qu'elle jugeait incroyables et impossibles, à savoir que des boiteux et des aveugles guérissent par le seul fait d'avoir une vision en dormant. S'étant couché dans, [le portique d'incubation] elle eut une vision. A ce qu'il lui semblait, le dieu se tenant au-dessus d'elle lui disait qu'il la guérirait, mais qu'elle devait déposer en salaire dans le sanctuaire une truie d'argent pour commémorer sa sottise ; après ces mots, il incisa l'oeil malade et y versa un remède. Quand le jour vint, elle s'en alla guérie. » Une intervention du dieu lors d'un rêve était donc à l'origine des guérisons quelle que soit la maladie. Asclépios guérissait sans distinction les hommes et les femmes, les adultes et les enfants et toutes sortes de maladies, de la paralysie à la stérilité des femmes. L'origine géographique des malades montre la même diversité : les régions proches d'Epidaure telle que Argos, ou Trézène mais aussi des régions plus éloignées comme l'Achaïe, l'Arcadie, la Messénie, la Laconie, la Thessalie. La variété des maladies et la diversité de provenance des malades attestent du caractère florissant de la médecine religieuse des grands sanctuaires au IVème siècle et probablement dans le dernier quart du Vème siècle. * 251 G.E.R. Lloyd, loc. cit. * 252 Aristophane, Ploutos, v727 à 741. |
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