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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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I.2. Le problème d'ordonnancement du corpus.

Il existe différentes façons d'ordonner les traités. Après avoir étudié celles proposées par W.H.S. Jones et Jacques Jouanna, il semble que cette dernière soit plus accessible. En effet, W.H.S. Jones distingue différents groupes :

- les traités polémiques,

- les traités à dominante scientifique,

- les traités à dominante philosophique,

- les traités plus hippocratiques17(*).

Jacques Jouanna, pour sa part, distingue :

- les traités rattachés à l'école de Cos,

- les traités rattachés à l'école de Cnide,

- les traités indépendants18(*).

Il est difficile, même impossible19(*) de trouver le découpage adéquat pour cette compilation de traités. Toutefois, sans préjuger de la validité de l'ordre donné par W.H.S. Jones, on préférera la décomposition de Jacques Jouanna, qui a le mérite de nous renseigner sur les auteurs du corpus.

Examinons maintenant le problème de l'auteur du Corpus.

I.3. La question de l'auteur du corpus

On verra d'abord pourquoi le Corpus ne peut être l'oeuvre d'un seul auteur, puis, les traités qui doivent être attribués à l'école de Cnide, de Cos pour finir avec les traités indépendants.

I.3.1. Un auteur unique ?

Il est désormais communément admis qu'Hippocrate n'a pu écrire seul ces traités car plus d'une vie aurait été nécessaire pour l'établissement de cette oeuvre20(*). De plus, les théories proposées présentent d'importantes divergences et les différences de vocabulaire ne peuvent s'expliquer par l'évolution du style de l'auteur. Les quelques témoignages anciens encore disponibles valident la thèse d'auteurs multiples.21(*) Ainsi, Aristote22(*) attribue une description des vaisseaux sanguins à Polybe, gendre d'Hippocrate23(*).On connaît cette description grâce au traité Nature de l'homme dans lequel on retrouve la théorie des humeurs, qui selon Galien, est l'un des principaux enseignement d'Hippocrate24(*). Selon Aristote, le traité Nature des os est attribué à Syennésis de Chypre25(*). Au fil du temps, la tradition a attribué à Hippocrate, plus célèbre, la paternité de traités de médecins plus obscurs alors qu'Aristote connaissait encore le nom des auteurs des traités26(*). Les savant de l'Antiquité ont tenté de déterminer les traités pouvant être attribués à Hippocrate, suivit en cela par les modernes. Toutefois, en l'absence de résultat et malgré l'hétérogénéité de la Collection, il se dégage une unité de pensée tant dans l'approche rationnelle de la maladie que dans la réflexion sur l'art médical et la déontologie. On peut donc parler d'une unité de médecine ou de pensée hippocratique27(*).

Afin d'étudier les auteurs des traités, on reprendra la division effectuée par Jacques Jouanna.

On n'étudiera pas ici les écoles de Cos et de Cnide dans le détail, cette étude étant réservée pour une autre partie de ce travail. On s'attachera à faire ressortir quelques traits marquants permettant d'attribuer à telle ou telle école chacun des traités.

I.3.2. Les traités rattachés à l'Ecole de Cnide28(*)

La plus ancienne attestation d'une littérature médicale cnidienne se trouve dans la collection hippocratique elle-même29(*). C'est dans le préambule du « Régimes dans les maladies aiguës » que l'on entend parler pour la première fois d'un ouvrage cnidien. Selon Galien30(*), « Régimes dans les maladies aiguës » aurait été écrit par Hippocrate lui-même. Il y voyait une polémique de ce dernier contre ses parents, les Asclépiades de Cnide31(*). Littré s'est rangé également à cet avis. Nous n'avons toujours pas la preuve que ce traité fut bien écrit par Hippocrate. On sait toutefois qu'il fait partie des traités les plus anciens de la Collection car il est déjà connu par Bacchéios.

On trouve dans ces traités, une tradition médicale close, non orientée par l'expérience du médecin voyageur comme c'est le cas dans les « Epidémies »32(*). Les auteurs s'intéressent moins aux malades individuels qu'aux maladies codifiées et subdivisées en variété très subtiles. Ces maladies sont décrites comme des entités généralement indépendante du lieu, du moment, et même assez souvent de la nature du malade. Ces traités ne comportent pas non plus de réflexions générales sur la méthode et l'art médical. Mais la description des symptômes y est minutieuse et on y trouve, pour la première fois, dans l'histoire de la médecine, la description de l'auscultation. Ce groupe de traité représente une médecine plus traditionnelle que celle de Cos33(*).

Cette position entraîne des reproches par l'auteur de « régime dans les maladies aiguës ». Il conteste :

- l' insuffisance de l'observation des signes pour établir un véritable pronostic,

- un dénombrement trop précis des maladies au point qu'à chaque symptôme différent correspond une nouvelle maladie34(*),

- une thérapeutique sommaire privilégiant une médication à base d'évacuants, de lait ou de petit-lait et négligeant le régime35(*).

Or plusieurs traités de la collection présentent des ressemblances avec ces caractéristiques. Par conséquent, il est possible d'y voir des traités cnidiens.

C'est, par exemple, le cas de « Maladies » II et III ainsi qu' « Affections internes ». Comme les cnidiens, l'auteur discerne quatre ictères36(*), quatre maladies des reins, trois tétanos, trois phtisies37(*).

On peut rattacher à ce groupe les traités gynécologiques qui présentent entre eux des rédactions parallèles : « Nature de la femme », « Maladies des femmes » I,II et des « Femmes stériles ». En effet, ils sont constitués d'une succession de plusieurs notices sur les différentes maladies. Ils sont rédigés suivant le même schéma comprenant trois parties fondamentales : la description des symptômes, le pronostic et la thérapeutique. Parfois s'y ajoutent des listes de remèdes38(*).

I.3.3. Les traités rattachés à l'Ecole de Cos

Le groupe des traités chirurgicaux sont traditionnellement rattachés à l'école de Cos39(*). Ils décrivent avec minutie les différentes plaies à la tête, les méthodes pour réduire les luxations. Ces oeuvres étaient destinées à la publication. A côté, on trouve des oeuvres telles que Officine du médecin qui devaient servir d'aide mémoire40(*).

Par ce qu'ils sont issus de l'expérience des médecins qui ont voyagé et exercé dans différentes cités éloignées de leur pays d'origine, on verra dans la troisième partie de ce travail pourquoi cette caractéristique est typique de l'école de Cos, il est possible de rattacher le groupe des Epidémies dans lequel est noté, années après années, les maladies dominantes mises en relation avec le climat dans les différentes cités. De même, l'évolution des maladies est noté avec soin en mentionnant les jours pendant lesquels elles ont été observées. On y trouve également des propositions générales tirées de l'observation.

L'étude de la terminologie permet de rattacher plusieurs autres traités, notamment celui des humeurs qui a des liens étroits avec ce groupe, et plus particulièrement avec le sous-groupe des « Epidémies II, IV, et VI » à l'école de Cos41(*).

Le même raisonnement permet de rattacher « Airs, Eaux, Lieux » à ce groupe car le traité est destiné au médecin qui s'installe dans une ville nouvelle. Y est expliqué comment les différents climats peuvent avoir un impact sur les différents peuples :

« Dans la cité qui est située face aux vents chauds - ce sont les vents qui soufflent entre le lever hivernal au soleil et son coucher hivernal- et qui reçoit habituellement ces vents, tandis qu'elle est à l'abri des vents venant des Ourses, dans cette cité il est nécessaire qu'il en soit ainsi : les eaux son abondantes, légèrement salées et proches de surface, chaudes en été mais froides en hiver ; les habitants ont la tête humide et phlegmatique, leurs cavités se dérangent souvent du fait que le phlegme descendant de la tête flue sur elles, leur constitution physique est généralement plutôt relâchée et ils ne sont pas capable de bien manger ni de bien boire ; car ceux qui ont la tête faible ne sauraient être capables de bien boire : l'ivresse les accable plus que les autres. Et quant aux maladies, voici celles qui sont locales : »

En suivant le raisonnement de l'auteur de ce traité, on s'aperçoit que les croyances divines ne sont plus considérées comme étant la cause des maladies. Par conséquent, on peut intégrer dans ce groupe le traité « Maladie Sacrée », attaque virulente contre le charlatanisme où l'auteur soutient qu'il n'y a rien de plus sacrée dans les causes de cette maladie que dans celles des autres42(*).

Restant dans le principe de l'aide aux médecins itinérants qui doit, quelles que soit les circonstances, savoir interpréter les signes pour connaître la maladie dont souffre le malade, on trouve le traité « Pronostic » qui traite des signes favorables ou défavorables dans le cas des maladies aiguës. Pour ce qui est de la thérapeutique à mettre en oeuvre, elle est l'objet de « régime dans les maladies aiguës »43(*).

A l'ensemble des traités de Cos peuvent s'adjoindre des oeuvres dont la forme aphoristique a assuré une large diffusion du savoir hippocratique. Les Aphorismes dont le début contient la fameuse maxime « la vie est courte, l'art est long », est le traité qui fut le plus lu, cité, édité et commenté. Les « prénotions coaques », peuvent également y être rattachée44(*).

Le Serment était vraisemblablement prêté, au sein de l'école médicale de Cos par les disciples liés par un contrat d'association et recevant l'enseignement moyennant salaire, à une époque où l'école médicale s'ouvrit aux membres extérieurs à la familles des Asclépiades45(*).

I.3.4. Les traités indépendants

Des traités indépendants de Cos ou de Cnide sont venus grossir la collection. Les plus important sont les traités à tendance philosophique46(*). Ils affirment, comme un préalable à la médecine, la nécessité d'une connaissance des éléments constitutifs de la nature humaine. Ces éléments premiers se confondent avec ceux de l'univers. Les deux grands traités à tendance philosophique non attestés dans la liste d'Erotien47(*) sont les « Chairs » et le « Régime ». Leur méthode est comparable mais leurs conceptions de l'homme et de l'univers sont différentes. Les « Chairs » part d'une cosmologie à trois éléments alors que « Régime » n'en retient que deux. Ces deux traités sont contemporains d'Hippocrate48(*).

Plus récent est un autre traité à tendance philosophique, les traités « Semaines ». Il établit une correspondance entre l'homme microcosme et l'univers macrocosme et prétend vouloir tout expliquer par le nombre sept49(*).

Contre cette médecine philosophique, des réactions avaient déjà été recensées. Un traité attribué à l'école de Cos, « Nature de l'homme » critique les philosophes qui considèrent que la nature humaine est constituée d'un élément unique que ce soit le feu ou l'eau.. Le suivant est « Ancienne médecine ». Son auteur dénonce les médecins qui veulent innover en expliquant les maladies par des postulats simplificateurs tels que le chaud, le froid, l'humide ou le sec. Il renverse les exigences de la médecine philosophique en affirmant que toute connaissance positive sur la nature humaine doit découler d'elle-même.

Ces deux traités font apparaître la médecine comme science autonome dégagée de toute influence philosophique50(*).

Certains traités, par leur connaissance anatomique sont postérieurs à Hippocrate51(*). C'est le cas du traité Coeur qui témoigne d'une connaissance inconnue à Hippocrate. Trois traités déontologiques, Bienséance, Préceptes, et Médecin prônent une éthique médicale dans le droit fil de l'idéal hippocratique : respect du malade et condamnation des charlatans52(*).

Même si aucun classement ne peut rendre compte du corpus, celui-ci permet de voir sa formation dont le noyau le plus ancien est issu d'Hippocrate et de ses disciples. Si le derniers est hétérogène, les deux premiers sont plus homogènes même si on ne peut pas dire avec certitude que tel ou tel traité provient bien de Cos ou de Cnide.53(*)

Après avoir examiné le problème de la constitution du corpus, de l'auteur, il est nécessaire d'étudier les principales théories de cette Collection afin de comprendre pourquoi elle a marqué durablement la médecine occidentale.

* 17 WHS Jones, Hippocrate, Tome I, London, The Loeb Classical Library, 1952.

* 18 Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard,1992, p 97-98.

* 19 Ibid., p 104.

* 20 Jacques Jouanna, op. cit., p 85.

* 21 Jacques Jouanna, l'Art de la médecine, Paris, Flammarion, 1999, p 16.

* 22 Aristote : (384-322). Philosophe grec, fils du médecin Nicomaque, disciple de Platon, précepteur d'Alexandre le Grand.

* 23 Aristote, Histoire des animaux, III, 3, 512b12-513a7.

* 24 Jacques Jouanna, op. cit. p 17.

* 25 Aristote, Histoire des animaux, III, 3, 512b12-513a7.

* 26Jacques Jouanna, op. cit., p 17.

* 27 Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard 1992, p 105.

* 28 Cnide : ville d'Asie Mineure située en face de l'île de Cos.

* 29 Jacques Jouanna, op. cit., p 100.

* 30 Ibid. p 101.

* 31 La famille des Asclépiades se scinda en trois branches: la branche de Cos, de Cnide, et de Rhodes qui s'éteint très vite.

* 32 Jacques Jouanna, op. cit., p 102.

* 33 Ibid.

* 34 W.H.S. Jones, op. cit. tome 4.

* 35 Jacques Jouanna, op cit., p 102.

* 36 Ictère : coloration jaune de la peau et des muqueuses.

* 37 Phtisies : tuberculose pulmonaire.

* 38 Jacques Jouanna, op cit., p 102.

* 39 Ibid. p 98.

* 40 Ibid.

* 41 Ibid, p 99.

* 42 Jacques Jouanna, op. cit., p 100.

* 43 Ibid.

* 44 Ibid., p 101.

* 45 Ibid.

* 46 Ibid., p 103.

* 47 Erotien vécut au 1er siècle après Jésus-Christ.

* 48 Jacques Jouanna, op. cit., p 103.

* 49 Jacques Jouanna, op. cit., p 104.

* 50 Ibid.

* 51 Ibid.

* 52 Ibid.

* 53 Ibid.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe