La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque( Télécharger le fichier original )par Virginie TORDEUX Université Rennes 2 - Master 2006 |
II. LE TRAITE MALADIES DES JEUNES FILLESII.1. L'auteur : hypothèseSelon Emile Littré, dans les arguments qui précèdent chaque traduction des traités d'Hippocrate, l'auteur de Des maladies des jeunes filles, serait le même que celui de Maladies des femmes. En effet, ce traité est cité deux fois dans le premier livre Maladies des femmes. « Il est certain que l'auteur des livres sur les Maladies des femmes avait composé un traité sur les maladies des jeunes filles ; car il cite deux fois ce traité dans le premier livre.[...] Mais de ce traité nous n'avons qu'un très court fragment134(*) » On a vu plus haut que, selon Jacques Jouanna, différentes écoles avaient apporté leurs contributions au corpus hippocratique. Je me suis donc demandée de qui pouvait provenir ce traité, au regard de la classification établie par Jacques Jouanna et ce que la connaissance de son identité pouvait nous apporter pour la compréhension du texte. Jacques Jouanna fait une distinction entre l'Ecole de Cos et l'Ecole de Cnide. Avec celle-ci, on resterait, dit-il, dans le corridor de la science135(*). On sait que, dans Maladies des femmes, le thèse d'un utérus vagabond est défendue. Par conséquent, ne serait-il pas possible de rattacher Des maladies des jeunes filles à l'école de Cnide ? Il ne s'agit ici que d'une supposition. Toutefois, sachant que Maladies des femmes y est rattaché, cette hypothèse n'est pas trop fantaisiste. Une phrase, qui pourrait nous renseigner sur l'auteur, m'interpelle. L'auteur explique ce que les femmes font quand, suite à une attaque de la maladie sacrée, elles retrouvent la raison : « Elles consacrent à Diane beaucoup d'objets136(*) » Il n'est pas possible de considérer que ce traité date de l'époque romaine pour les raisons que l'on a déjà exposé. Toutefois, on sait que les écoles de médecine se sont, à une période de leur histoire, ouvertes aux étrangers. On sait également que, de part leur prestige des étrangers de Grande Grèce y ont suivi les enseignements proposés137(*). Deux possibilités peuvent expliquer l'utilisation de Diane et non d'Artémis, son équivalent grec : soit, Emile Littré a fait une erreur dans la traduction, soit l'auteur venait de Grande Grèce. Je penche bien évidemment pour la seconde hypothèse. II.2. ContenuUn problème se pose lors de l'étude de ce traité : il est nécessaire de savoir que nous n'en n'avons qu'un fragment. Voici ce qu'il nous en reste ; Dans un premier temps, l'auteur explique ce qu'il entend par la médecine. « Car il n'est pas possible de connaître la nature des maladies, objet des recherches de l'art, si l'on ne connaît pas la nature à son indivision, à ce début d'où elle se développe138(*). » On retrouve ici la vision hippocratique : toute chose à une cause naturelle. L'auteur n'aurait certainement pas éprouvé le besoin de rappeler ce postulat si nous n'étions pas en pleine période de découverte de cette médecine. Il n'est donc pas possible de dater ce texte de l'époque romaine. On peut plutôt le situer aux alentours du Vème siècle, moment où la médecine s'érige en science. Puis, il expose les conséquences de la maladie dite sacrée et explique pourquoi les femmes y sont plus exposées que les hommes. Si elles sont plus touchées, c'est, dit-il à cause de leur naturel moins fort qui, ne leur permettant pas de lutter contre les visions d'horreur qu'engendrent la maladie, les pousse à se pendre. On abordera ce rapport étroit qu'entretient la femme avec la pendaison dans le titre trois de ce travail. Parmi les femmes, les jeunes filles non mariées y sont plus sensibles. « Quand vient l'époque du mariage, ne se mariant pas, éprouvent de préférence, à la première éruption des règles,c es accidents auxquels, auparavant elles n'étaient guère exposées139(*). » En effet, lors des premières règles, le sang s'écoule vers l'utérus pour atteindre l'orifice de sortie. Or si celui-ci est fermé, du fait de la présence, encore intact, de l'hymen, le sang remonte. La parthenos n'a pas les mêmes conditions de vie que les garçons, (pas d'activités physiques demandeuses d'énergie) le sang arrive en abondance causé par un trop plein de nourriture non utilisé. Ceci implique, pour les médecins hippocratiques, que la jeune fille a atteint sa taille d'adulte et est prête à tenir ce rôle. C'est certainement cette vision qui a fait dire aux Hippocratiques que la puberté se terminait au moment où la parthenos voyait l'apparition de ses règles. L'auteur explique ensuite pourquoi ces symptômes sont développés par les femmes : « la femme a le transport à cause de l'inflammation aïgue, l'envie de tuer à cause de la putridité, des craintes et des frayeurs à cause des ténèbres, le désir de s'étrangler à cause de la pression autour du coeur140(*) » critique le fait de consacrer des offrandes à Diane et recommande aux jeunes filles de se marier le plus tôt possible car les premiers rapports sexuels déchireront la membrane qui obstrue le passage. « Parmi les femmes mariées les femmes stériles y sont plus exposées141(*). » Ce qui revient à dire que, outre le sang, l'utérus à quelque rapport avec la maladie dite sacrée. Nous reviendrons sur ce point plus loin. * 134 Emile Littré, Traduction du corpus hippocratique, Livre VIII, p 464. source disponible sur le site internet de la Bibliothèque inter universitaire de médecine. * 135 Jacques Jouanna, Hippocrate, Paris, Fayard, p 101-102. * 136 Hippocrate, Maladies des jeunes filles, Livre VIII, p 469, traduction d'Emile Littré. * 137 Jacques Jouanna, op. cit., p 75. * 138 Hippocrate, op. cit., Livre VIII, p 467. * 139 Ibid., p 467. * 140 Ibid., p 469. * 141 Ibid., p 471. |
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