Ismaël BERNARD Mémoire de stage de master 2 Biologie
et Ecologie Marines
Enrichissement du milieu et persistance
des espèces dans les chaînes trophiques :
apport de la théorie DEB
UNIvERsITé DE LA MéDITERRANéE
(AIX-MARsEILLE II) CENTRE D'ocEANoLoGIE DE MARsEILLE LABoRAToIRE DE
MIcRoBIoLoGIE, GéocHIMIE ET EcoLoGIE MARINEs
Table des matières
Introduction 1
Modèles et méthodes 4
1 Le modèle de Rosenzweig - Mac Arthur 4
2 Le modèle de chalne trophique DEBf 6
3 Analyse des modèles 11
Résultats et discussion 13
4 Modèle de Rosenzweig MacArthur (R-M) 13
4.1 Dynamique en absence du superprédateur 13
4.2 Dynamique en présence du superprédateur
14
5 Modèle de chalne trophique DEBf 17
5.1 Dynamique en absence du superprédateur 17
5.2 Dynamique en présence du superprédateur
17
6 Étude comparée des deux modèles 19
6.1 Lien direct 19
6.2 Paradoxe de l'enrichissement 20
6.3 Persistance des chalnes trophiques a deux échelons
20
6.4 Temps de persistance des chalnes trophiques a trois
échelons 22
Conclusion 26
Bibliographie 27
A Glossaire des termes de modélisation
32
B Dynamiques temporelles 34
C La méthode semi-numérique 36
Un grand merci a l'équipe du LMGEM pour son acceuil
et plus particuliêrement a Jean-Cristophe Poggiale pour les discussions
écologiques lumineuses.
Thank you to all the "DEB coursers' and more particularly,
Bas Kooijman for his disponibility and his always clear explanations on DEB
theory.
Merci a Marie et Laura, pour les conseils DEB
éclairés et pour les footings endiablés.
Merci a Audrey pour les débats passionnés de
politicomodélisation.
Merci a Annette pour le bleu du rêve et de
l'aventure...
Merci a Andrea mi compañera de piso columbiana
preferida.
Merci a Philippe pour les visions écologiques
partagées.
Merci a mes parents dont le bon sens vaut tous les
raisonnements scientifiques du monde.
Merci enfin a tous ceux qui ont participés a ces
pénibles repas en terrasse ensoleillée de luminy...
Introduction
Un écosystème est un ensemble d'espèces
ayant développé des relations entre elles en interaction avec un
environnement physique particulier, on parle d'une biocénose en
interaction avec son biotope. Parmi les relations interspécifiques, la
prédation mérite particulièrement d'être
considérée puisqu'elle est le principal mécanisme de
transfert de l'énergie le long des échelons trophiques de
l'écosystème. D'autre part, le biotope influe fortement sur la
viabilité de la biocénose. Il convient donc d'étudier a la
fois l'aspect interspécifique et l'interdépendance vis a vis du
biotope. En ce sens, une chalne trophique constitue un écosystème
simplifié dans lequel la biocénose comporte deux a trois
espèces reliées par de la prédation et soumises a un
biotope représenté par la richesse du milieu. C'est pour mieux
comprendre les dynamiques engendrées dans cet écosystème
simplifié que des modèles de chalnes trophiques a deux
échelons ont été très tot développés
(Volterra, 1931). Ces modèles autorisent, grace a leur
dépouillement, une analyse théorique approfondie. L'idée
est ensuite de comprendre le comportement du réseau trophique dans sa
globalité en extrapolant les résultats obtenus sur ces briques de
base de l'écosystème (Englund & Moen, 2003).
Aujourd»hui, grace aux progrès de l'informatique, la
complexité des modèles a augmenté pour prendre en compte
un grand nombre de composantes des écosystèmes mais ne semble
toujours pas suffisante pour effectuer des prédictions (Boero et al.
, 2004). Entre ces deux extrémités se sont
développés des modèles de chalnes trophiques a trois
échelons qui rendent compte de la réalité d'un plus grand
nombre de situations tout en conservant la simplicité nécessaire
aux études analytiques (e.g. Cann & Yodzis, 1995). Le but est alors
de dégager et de comprendre les schémas généraux
que suivent les dynamiques.
Les modèles traditionnels, comme le modèle de
Rosenzweig - Mac Arthur, expliquent la dynamique des populations en s'appuyant
sur des hypothèses faites au niveau même de cette population et
sont construits par des formules mathématiques d'origine empirique. Il
est alors difficile de trouver une signification aux ajustements de ces
modèles a des données expérimentales. Depuis les
années 80, la modélisation des systèmes biologiques a
considérablement gagné en réalisme au
niveau de l'individu grace a la théorie de
modélisation DEB1 (Kooijman, 2000a). Par extrapolation au
niveau de la population, cette théorie est capable d'apporter une
approche différente de la modélisation écologique oü
la dynamique de plusieurs populations peut être décrite sur la
base d'hypothèses faites au niveau de l'individu. L'individu est en
effet un niveau d'organisation oü les bilans de masses et d'énergie
sont plus aisés a effectuer. Cette plus grande facilité a
paramètrer les modèles issus de la théorie DEB a conduit a
de multiples applications de cette théorie en physiologie (Kooijman,
2000b), en écotoxicologie (DEBtox), pour les espèces a valeur
commerciales (Pouvreau et al. , 2006) ou en dynamique des
populations.
La comparaison entre le modèle de Rosenzweig &
MacArthur (1963), noté R-M, et un modèle de chalne trophique issu
de la théorie DEB, nommé DEBf (Kooi & Kooijman, 1994a),
s'effectuera en suivant le fil du paradoxe de l'enrichissement. Ce
phénomène popularisé par Rosenzweig (1971) postule que
l'enrichissement peut avoir un impact négatif sur la stabilité de
l'écosystème. Mathématiquement, il a été
montré dans de nombreux modèles (e.g. Abrams & Roth, 1994)
mais aussi dans quelques expérimentations (Fussmann et al. ,
2000) que l'enrichissement du milieu transforme dans certains cas un
équilibre stable en des fluctuations périodiques.
Toutefois des mécanismes susceptibles de gommer ce
phénomène dans les milieux naturels, tels des changements
physiologiques ou la compétition d'algues non comestibles (McCauley
et al. , 1999) ont aussi été mis en évidence. La
présence du paradoxe de l'enrichissement sera vérifiée au
sein des deux modèles, dans leurs versions a deux et trois
espèces. Pour montrer l'effet dans les modèles de l'apparition de
ces fluctuations, il est nécessaire de définir une méthode
pour rendre compte du plus grand risque d'extinction encouru lorsque les
populations fluctuent. La notion de persistance, c'est a dire de survie dans le
temps d'une espèce par rapport a un seuil limite, sera utilisée a
cette fin. La comparaison entre les deux modèles sur ces points
permettra d'évaluer le gain apporté par le modèle issu de
la théorie DEB.
A peu près a la même période que le
paradoxe de l'enrichissement, les travaux précurseurs de May (1974) en
écologie ont mis en évidence de nouvelles formes de
régimes asymptotiques2 pour ces
modèles déterministes : c'est l'émergence du chaos
en écologie. Ces systèmes ont la propriété,
pour certaines gammes de valeur de paramètres, d'accentuer de
manière exponentielle les incertitudes sur les mesures : on parle de
sensibilité aux conditions initiales, ce qui constitue la
définition la plus commune de la dynamique chaotique. L'évolution
d'une variable au cours du temps a l'équilibre devient alors difficile a
caractériser car elle n'est ni constante, ni périodique,
ni quasipériodique. Depuis le chaos a
été identifié aussi lorsque la
1Dynamic Energy and Mass Budget
2Les mots en écriture penchée
sont définis dans l'annexe A
structuration en taille, dans l'espace (e.g. Petrovskii et
al. , 2004) ou génétique (e.g. Ferriére & Gatto,
1993) est prise en compte. La dynamique chaotique ne passe plus pour une
curiosité en écologie mais bien pour un état envisageable
de certains écosystèmes réel (Hastings et al. ,
1993). L'importance du chaos en écologie est appuyée par
plusieurs voies de recherche. Tout d'abord, des démonstrations
expérimentales récentes assurent qu'il ne s'agit pas uniquement
d'un phénomène propre aux modèles (Becks et al. ,
2005). Ensuite, l'analyse de séries temporelles de terrain cherche
a prouver l'existence de dynamiques chaotiques au sein même des
écosystèmes (Turchin & Ellner, 2000). Enfin, l'analyse d'un
nombre toujours plus grand de modèles renforce l'aspect ubiquiste du
phénomène (Hastings et al. , 1993).
L'étude du chaos présente deux
intérêts. Tout d'abord, s'il est évident qu'il constitue un
défi a la prévision du devenir des écosystèmes, le
chaos est aussi une barrière a l'explication de leurs dynamiques. C'est
réellement en tant que nouveau type de dynamique de régime
asymptotique, que son effet sur les populations doit être
étudié et compris. En ce sens, l'introduction d'un
troisième échelon trophique complexifie le schéma
général d'évolution des types de dynamiques en fonction de
l'enrichissement. La question sera alors de savoir quelle est la place de la
dynamique chaotique, selon le critère de persistance, dans ce
schéma général.
Trois questions seront donc mêlées dans les
développements qui suivent: "Quel est l'apport de la théorie DEB
pour la modélisation des chalne trophiques ?", "Quel est la robustesse
du paradoxe de l'enrichissement?" et "Comment la dynamique chaotique
influe-t-elle sur la persist ance des espèces ?".
Modèles et méthodes
1 Le modèle de Rosenzweig - Mac Arthur
Le modèle de Rosenzweig - Mac Arthur (R-M) est un
modèle initialement a deux équations décrivant les
interactions non spatialisées entre une proie et un prédateur
(Rosenzweig & MacArthur, 1963). Historiquement, ce modèle fût
utilisé pour mieux comprendre la dynamique induite par les relations de
prédations dans l'écosystème. Il a ensuite
été modiflé pour décrire les chalnes trophiques a
trois échelons observées dans le milieu. Ce type de modèle
très simple s'appuie sur de nombreuses hypothèses, dont entre
autres :
- milieu de richesse constante
- prédateur monospécifique
- pas d'interactions avec d'autres espèces
- mortalité des proies négligeable par rapport au
taux de prédation
- pas d'interaction des prédateurs entre eux (poursuite
de la même proie)
- facteur de conversion de biomasse de proie en biomasse de
prédateur constant Cette simplicité en permet une étude
mathématique poussée et le rend comparable aux milieux
expérimentaux contrôlés de type chemostat.
Dans la formulation mathématique de ce modèle
de chalne trophique (Fig. 1), X1 représente la
biomasse des proies, X2 celle des prédateurs et
X3 celle des superprédateurs. La croissance des proies
s'effectue selon la fonction logistique r X1 (1 - X1
K ) oü r et K
sont respectivement le taux de croissance et la capacité limite du
milieu pour la population de proies. La prédation du prédateur
(i = 2) comme celle du super-prédateur (i = 3) suit
une réponse fonctionnelle de Holling
type IIaiXi-1
bi+Xi-1 oü a et b sont respectivement
le taux maximum de prédation et la constante de demi-saturation en
proies. L'efficacité de la conversion d'un échelon trophique en
l'échelon supérieur est déterminée par le
coefficient e , supposé constant. La mortalité est
considérée comme un phénomène linéaire ou la
biomasse d'individus qui meurent est proportionnelle a la biomasse totale selon
un taux d (Tab. 1).
MOdèlES ET méThOdES
FIG. 1 - Correspondance entre les processus a l'oeuvre au
sein de la chalne trophique et leur formulation dans le modèle de R-M a
trois échelons.
TAB. 1 - Interprétation des variables d'e'tat
et des paramètres du modèle de Rosenzweig - Mac Arthur avec
comme dimension M pour les masses et T pour le temps et valeurs prises par ces
paramètres.
Notation
|
Interprétation
|
Dimension
|
Valeur i=(2,3)
|
r
|
taux de croissance des proies
|
T-1
|
i = 2
|
i = 3
|
K
|
capacité limite pour les proies
|
M
|
variable
|
X
|
biomasse de proie (i=1), de prédateur
|
M
|
-
|
-
|
|
(i=2) ou de superprédateur (i=3)
|
|
|
|
a
|
taux de prédation maximum du iième
échelon
|
M.T-1
|
5/3
|
0,05
|
b
|
constante de demi-saturation de la pré- dation de i sur
i-1
|
M
|
1/3
|
0,5
|
e
|
efficacité de la conversion entre l'éche- lon i-1
et l'échelon i
|
-
|
1
|
1
|
d
|
taux de mortalité du iième
échelon
|
T-1
|
0,4
|
0,01
|
|
Les variations de chaque compartiment du système
peuvent ensuite être traduites en termes d'e'quations
diffe'rentielles3 en faisant précéder
les apports d'un signe positif et les pertes d'un signe négatif. On doit
en outre remarquer que le terme qui est prélevé par la
prédation ne correspond pas a ce qui est intégré dans
l'échelon trophique supérieur du fait de l'introduction de
l'efficacité de conversion: il y a une possibilité de perte
d'énergie le long de la chalne trophique. Il en résulte le
système d'équations différentielles suivant :
dX1 dt
dX2 dt
dX3 dt
X1 a2 X1
=rX1(1-- K) --
X2 (1a) b2+X1
a2X1
a3 X2
= e2
= e3
X2--d2X2--
X3 (1b)
b2+X1
b3+X2
X3--d3X3
(1c)
3+X2
a3X2
b
L'étude du modèle a été
réalisée en considérant les paramètres
utilisés dans de nombreuses études antérieures (e.g.
Gragnani et al. , 1998). Ces paramètres ont la
particularité de faire l'hypothèse d'une chalne trophique sans
perte d'énergie, c'est a dire avec e = 1, i ? {2, 3}
(Tab. 1). Il a été démontré que cela n'affectait
pas la dynamique générale du modèle (Abrams & Roth,
1994).
2 Le modèle de chaîne trophique DEBf
La théorie DEB (Dynamic Energy and Mass Budgets) de
Kooijman (2000a), offre une nouvelle approche pour la modélisation de
nombreux processus du vivant. Le but de cette théorie est de
décrire les processus physiologiques indépendamment de
l'espèce considérée { 1 }4. L 'échelle
de référence utilisée pour cela est l'individu {10} et
plus précisément le niveau physiologique, pour éviter des
modèles trop complexes. Le niveau individuel est naturel car il est
facile de mesurer les masses et les énergies a cette échelle
d'organisation {19}. La théorie est aussi basée sur des
phénomènes actifs de niveau inférieur comme les
unités de synthèse {43} qui traitent de la cinétique
enzymatique ou la thermodynamique {3,35} qui traite du devenir de
l'énergie. Des phénomènes de niveau supérieur sont
aussi inclus comme les relations de forme entre aire et volume {23} ou la
température {53}. Cette approche prend en compte certaines
considérations importantes de modélisation sur l'utilisation des
dimensions {12} ou sur le lien entre la testabilité d'un modèle
et l'évaluation de paramètres {14}. Une autre idée clef
est que, dans le vivant, les
3Les mots en écriture penchée
sont définis dans l'annexe A
4Les nombres entre accolades renvoient pour ces deux
paragraphes au numéro de la page de l'ouvrage de référence
sur la théorie DEB : Kooijman, 2000
processus de production sont liés aux volumes tandis
que les processus d'échange sont liés aux surfaces.
Ces réflexions mènent a un petit nombre de
choix et d'hypothèses utilisées pour construire la théorie
DEB. Les variables d'état sont choisies pour leur
capacité a bien décrire le système {20}. La variable d'
age est rejetée parce qu'elle ne prend pas en compte l'impact de
l'environnement. Le volume, comme descripteur de la taille, est
préféré au poids a cause des multiples relations
impliquant des aires dans les processus physiologiques {22}. Les modèles
issus de la théorie DEB décrivent un individu grace a deux
variables d'état : la structure ou biomasse irréversible et les
réserves ou biomasse réversible. Une variable de réserve
de l'individu {20} est nécessaire pour pouvoir lisser l'influence des
fluctuations de nourriture sur la croissance et pour assurer une maintenance
continue de l'organisme. Une règle d'allocation
énergétique, la règle ê {65,86}, stipule
qu'il il y a une part ê de l'énergie dédiée
au développement pour les juvénile et a la reproduction pour les
adultes tandis qu'une part 1 - ê est allouée a la
croissance. Ceci est mis en oeuvre pour autoriser la continuité de la
croissance entre le stade juvénile et le stade adulte et pour autoriser
différentes dynamiques de croissance avec un même
mécanisme. Cette architecture est complétée par de la
maintenance {89} prélevée sur chacune de ces deux partie pour
respectivement l'entretien de maturité et l'entretien somatique. Les
hypothèses d'homéostasie {30} traduisent le fait que la
composition de la structure et de la réserve ne change pas au cours du
temps (homéostasie forte) et que la composition globale de l'organisme
ne change pas a ressource constante, c'est a dire sans fluctuation de
nourriture (homéostasie faible). Ces hypothèses permettent de
déterminer et de simplifier les équations dans le cadre de la
théorie.
Le modèle de chalne trophique en chemostat issu de la
théorie DEB, nommé modèle DEBf, a été pour
la première fois présenté par Kooi & Kooijman (1994a).
Il s'agit de la transposition au niveau de la population des mécanismes
d'allocation énergétique de la théorie DEB. Ce
modèle se démarque donc des modèles
précédents dits de Monod (1942), de Droop (1973) et de Pirt
(1965) par une formulation basée sur des hypothèses sur la
gestion de l'énergie au niveau de l'individu. Selon ces
hypothèses, chaque espèce (i E {1, 2,
3}) y est composée de deux variables d'état, une
structure (Xi) et une réserve (ei). Ces variables
d'état sont accompagnées d'une variable décrivant le
substrat (X0). La dynamique des variables est régie par un
ensemble de processus : maintenance, croissance, ingestion, assimilation,
mobilisation et dilution (Fig. 2). La principale innovation de ce modèle
par rapport a ses prédécesseurs est l'instauration a la fois d'un
compartiment de réserve et d'une maintenance. Il est alors possible de
se ramener a chacun de ces modèles antérieurs en faisant des
hypothèses sur les paramètres du modèle DEBf (Tolla,
2006).
En plus des hypothèses incluses dans la théorie
DEB, les hypothèses spécifiques au modèle DEBf sont les
suivantes:
- Organismes dont la surface est proportionnelle a leur
volume
- Propagation des individus par mitose, division en deux parties
égales a une taille fixée
- Mélange homogène du chemostat
- Les réserves des proies ne sont pas
digérées
Dans ce modèle, l'interprétation de chacun des
paramètres du modèle est très précise (Tab. 2). Le
substrat, X0, arrive dans le chemostat selon un taux de h
ÿ Xr et en ressort selon un taux de h ÿ
X0. La proie prélève le substrat et subit une
prédation du prédateur selon des réponses fonctionnelles
f et un taux maximum de jXm , avec i le rang de
l'espèce prédatrice dans la chalne trophique. La réponse
fonctionnelle utilisée est là aussi de Holling, type II.
X _1
f = XK +X _1
Une fois la nourriture assimilée, celle-ci est
stockée dans un compartiment de réserve, e , avec une
efficacité v . Pour diminuer le nombre de paramètre du
modèle, les réserves utilisées sont normées par
leur taille maximale. Cette réserve est ensuite utilisée pour la
croissance selon un taux u qui dépend a la fois de la
maintenance (ÿkM ) et de la conductance
énergétique (ÿkE ).
ÿkE e - ÿkM
g
Les espèces subissent un taux de lessivage qui supprime
un biovolume ÿhX du chemostat.
TAB. 2 ~ Interprétation des variables et des
paramètres du modèle DEB en chemostat
Notation
|
Interprétation
|
X0
|
Concentration en glucose
|
X
|
Biovolume de la population i
|
Xr
|
Concentration en glucose dans le réservoir du
chemostat
|
h ÿ
|
Taux de dilution du chemostat
|
jXm
|
Taux maximum d'ingestion de l'espèce X sur X
_1
|
XK
|
Constante de demi-saturation de l'espèce X sur
X _1
|
ÿkE
|
Conductance énergétique de l'espèce
i
|
g
|
Ratio d'investissement énergétique de
l'espèce i
|
ÿkM
|
Ratio colits de maintenance et colits de croissance
|
|
L'ensemble de ces développements donne le système
(Eq. 2), dans le cas d'une chalne trophique a trois échelons.
dX0
dt
de1
dt
dX1
dt
de2
dt
dX2
dt de3
dt dX3
dt
|
=hÿ(Xr-X0)-jXm1I1X1
(2a)
= ÿkE1 (I1 -
e1) (2b)
=
(u1-ÿh)X1-jXm2I2X2
(2c)
= ÿkE2 (I2 -
e2) (2d)
= (u2 -
ÿh)X2 -
jXm3I3X3 (2e)
= ÿkE3 (I3 -
e3) (2f)
= (u3 - ÿh) X3
(2g)
|
|
La microbiologie fournit le pendant expérimental
idéal des modèles construits ainsi grace a la rapidité de
succession des générations, a la petite taille des individus et
au contrôle possible de tous les paramètres environnementaux
(Jessup et al. , 2005). Deux jeux de paramètres issus de telles
expérimentations ont été utilisés pour le
modèle DEB (Tab. 3). Les valeurs des paramètres correspondent au
meilleur ajustement possible du modèle sur des données
expérimentales. Le premier jeu de paramètres est issue de
l'étude de Kooi & Kooijman (1994b) des données d'un couple
prédateur-proie Bactérie-Fungi représenté
respectivement par Escherichia coli et Dictyostelium discoideum
(Dent et al. , 1976). Le volume du chemostat est de 200 mL. Le
taux de dilution du chemostat, ÿh, y est de 0, 064
h-1 et la concentration du substrat de 1
mg.mL-1. Le second est un paramétrage sur
les données d'une expérience sur un couple
Bactérie-Cillié (Cunningham & Nisbet, 1983) étendu de
manière théorique a un troisième échelon (Kooi
et al. , 1997). Ce second jeu de paramètres contient donc des
valeurs pour trois échelons trophiques.
A cause de problèmes numériques, le
modèle DEBf a trois échelons trophiques a été
simpliflé en posant e1 = I1. Ce qui
supprime la réserve de la proie et fait passer le nombre
d'équations différentielles de sept a six.
1Valeur tirée de Kooi & Kooijman (1994b)
2Valeur tirée de Kooi et al. (1997)
TAB. 3 - Valeur des deux jeux de paramètres
utilisés pour le modèle DEBf, le premier considère un
couple Bactérie-Fungi et le second un triplet
Bactérie-CiliéCarnivore.
Variable
|
Jeu de paramètre 11
|
Jeu de paramètre 22
|
|
i=1
|
i=2
|
Unité
|
i=1
|
i=2
|
i=3
|
Unité
|
jXm
|
0,65
|
0,26
|
mg.mm-3.h-1
,h-1
|
1,25
|
0,333
|
0,25
|
h-1
|
XK
|
0,0004
|
0,18
|
mg.mL-1
|
8
|
9
|
10
|
mg.L-1
|
|
|
|
,mm3 .mL-1
|
|
|
|
|
ÿkE
|
0,67
|
2,05
|
h-1
|
40,0
|
0,2
|
0,0756
|
h-1
|
g
|
0,86
|
4,43
|
-
|
80,0
|
1,0
|
0,504
|
-
|
ÿkM
|
0,0083
|
0,16
|
h-1
|
0,025
|
0,01
|
0,0075
|
h-1
|
|
3 Analyse des modèles
L'étude des modèles a été
effectuée en deux temps : tout d'abord une analyse classique des
équilibres et de leur stabilité puis une analyse de la
capacité des différents échelons trophiques a se maintenir
dans le temps, la persistance (Tab. 4). Toutes les analyses sont
réalisées en fonction des paramètres d'enrichissement du
système, nommés paramètres de bifurcation.
L'analyse classique a été menée soit de
manière analytique pour les cas les plus simples (modèle R-M a
deux équations), c'est a dire en calculant a la main la valeur des
différents équilibres et les valeurs des paramètres de
bifurcation pour lesquels il y a stabilité, soit de manière
semi-numérique, c'est a dire en testant, en fonction des
paramètres de bifurcation, le signe de la valeur propre
maximale de la matrice jacobienne (Annexe C). Dans les deux cas, les
domaines d'existence et de stabilité des différents
équilibres en fonction des paramètres de bifurcations sont
obtenus. Lorsque le modèle s'est avéré trop complexe pour
le calcul des valeurs d'équilibre, ces domaines ont été
tirés de la littérature scientifique lorsqu'il existent. Il est
donc possible de caractériser, en fonction des valeurs des
paramètres d'enrichissement, le type de la dynamique : stationnaire,
périodique ou chaotique. Des diagrammes de
bifurcations montrent ensuite les différents régimes
asymptotiques selon les valeurs des paramètres de
bifurcation.
Deux calculs différents de persistance ont
été utilisés en fonction de la diversité des
dynamiques rencontrées : la survie et le temps de persistance. Ces deux
approches sont a chaque fois calculées lorsque la chalne trophique est a
l'équilibre. Un calcul de survie a été effectué en
considérant la valeur de l'équilibre ou le minimum des valeurs
sur l'attracteur lorsque la dynamique du régime
asymptotique, n'est pas constante. Cette valeur a ensuite
été comparée a un seuil. Ce seuil a été
TAB. 4 - Méthodes d'analyses employées sur les
quatre versions des différents modèles étudiés
|
R-M a 2 espèces
|
R-M a 3 es- pèces
|
DEBf a 2 espèces
|
DEBf a 3 espèces
|
analyse des équilibres
|
analytique
|
Semi- numérique et littéra- ture
|
Semi-numérique
|
Littérature
|
analyse de persistance
|
Survie
|
Survie et
temps de persistance
|
Survie
|
Survie et
temps de persistance
|
|
déterminé comme le seuil le plus
représentatif du schéma général qui apparalt
lorsqu'on le fait varier. Le seuil utilisé pour le modèle R-M est
de 0,05 pour la proie, pour le prédateur comme pour le
superprédateur. Le seuil utilisé pour le modèle DEBf est
la biomasse qui correspond a 1 individu. Pour les proies, il est
évalué a 2, 8.10_12 mm3.mL_1 et
a 1, 1.10_9 mm3.mL_1 pour les
prédateurs, d'après les données de Dent et al.
(1976).
Pour les modèles possédant plusieurs types
d'attracteurs complexes, cycles limites et attracteurs
étranges, un calcul du temps moyen de persistance d'une
espèce est possible. Pour effectuer ce calcul, une condition
initiale aléatoire suivant une loi uniforme est prise au sein des
bornes de l'attracteur. Pour un grand nombre de simulations (100), on
calcule le temps avant que l'abondance d'un échelon ne devienne
inférieure au seuil. La moyenne sur l'ensemble des simulations est le
temps moyen de persistance de chaque échelon lorsque la chalne trophique
se trouve a l'état d'équilibre. Ce calcul est
répété en fonction des valeurs des paramètres
de bifurcations. Pour ce calcul, un seuil arbitraire correspondant a une
biomasse de 0, 5mm3.mL_1 a été
employé pour le modèle DEBf en remplacement du seuil a un
individu dans le chemostat. Par ailleurs, pour diminuer la complexité de
l'algorithme, le temps de persistance est limité par la durée de
la simulation. Celle-ci est attribuée a l'espèce lorsqu'elle n'a
pas franchie le seuil a la fin de la simulation.
Résultats et discussion
4 Modèle de Rosenzweig MacArthur (R-M)
4.1 Dynamique en absence du superprédateur
Ce modèle comporte trois points d'équilibres
différents dont l'existence et la stabilité sont régies
par la valeur de K, qui peut s'interpréter comme la richesse du
milieu. Il s'agit donc du paramètre de
bifurcation5 naturel du système (Fig. 3). Tout
d'abord l'équilibre sans proies ni prédateurs dans le
système, E1 = (0, 0), existe quelque soit la valeur de
K. Il s'agit d'un point selle, stable selon l'axe des
prédateurs et instable selon l'axe des proies. Le second
équilibre qui correspond a l'établissement d'une certaine
quantité de proies mais sans maintien du prédateur,
E2 = (K, 0), existe toujours lui
aussi. Il est stable si K < X 1 et se comporte en
point selle sinon. Enfin, le troisième point
d'équilibre, E3 = (X 1,
X 2) (Eq. 3) n'existe que si K > X
1.
d2 b2
E3 = (X 1,
X 2) = ,
e2 a2 - d2
|
)
rX
(1 - K )(b2 + X
1 1)(3)
a2
|
|
E3 est stable si K < b2
+ 2X 1 ou occupe le centre instable d'un cycle
limite sinon. On remarque donc que l'enrichissement du milieu, c'est a
dire l'augmentation de K, provoque des fluctuations de la biomasse des
proies et des prédateurs par l'intermédiaire de l'apparition
d'un cycle limite. La dynamique du modèle se
décompose donc en trois phases selon l'augmentation de K :
Si K < X 1 , seule la proie se
maintient a la capacité limite du milieu (E2).
Si x 1 < K < b2
+ 2X 1 , un équilibre stable entre proies et
prédateurs est atteint dont la position est donnée par
l'équilibre E3 (Eq. 3).
Si K> b2 + 2X
1 , un cycle limite correspondant a des fluctuations
périodique apparait. Ces fluctuations sont amplifiées par
l'augmentation de K.
5Les mots en écriture penchée
sont définis dans l'annexe A
FIG. 3 - Valeurs de bifurcation du modèle R-M,
existence, stabilité et survie des deux espèces.
L'apparition de ces fluctuations d'effectifs pour des valeurs
de K élevées rend les biomasses parfois très
faibles ce qui augmente le risque d'extinction de la population de proie ou de
prédateur. La définition d'un seuil en dessous duquel
l'espèce est considérée comme éteinte permet de
rendre compte de la baisse de la richesse spécifique. Les domaines
d'extinction ou de persistance de la proie et de son prédateur en
fonction de K et de r peuvent ensuite être
considérés (voir section 6.2).
4.2 Dynamique en présence du
superprédateur
Le modèle R-M a trois équations (Eq. 1)
possède les trois points d'équilibres précédents
sans superprédateur et deux équilibres propres autorisant le
maintien du superprédateur (Eq. 4).
Ei = (X 1,i,
X 2,i, X 3,i)
())
(e 2 a2 X
1,i
= X 1,i, d3 b3
,b3 +
X 2,i - d2
e3 a3 - d3a3
b2 + X 1,i
( )
r 1 - X 1,i
oü X 1,i est la solution de
(b2 +X 1,i)= 0 pour i E
{4, 5}
a2 K
|
(4)
|
|
L'ajout du superprédateur fait apparaitre de nouvelles
dynamiques d'équilibre plus complexes pour la chalne trophique (Fig. 4).
En effet, lorsque les conditions sont favorables a son maintien, pour une
capacité limite du milieu suffisamment importante et pour un taux de
croissance assez élevé, quatre type de dynamiques
peuvent être observées : constante (A),
périodique basse fréquence (B), chaotique (C)
et périodique haute fréquence (D).
FIG. 4 - Différents régimes rencontrés a
l'état d'équilibre pour le modèle R-M en présence
du superprédateur. Les lettres A a D et les points associés
situent les valeurs des paramètres choisis pour réaliser
les portraits de phase présentés sur la figure suivante,
d'après Gragnani et al. (1998)
Une manière simple de visualiser ces dynamiques au
cours du temps (Annexe B) est d'en construire une représentation
graphique oü chaque axe représente la biomasse d'un échelon
trophique, une variable d'état différente du
système. Dans un tel graphique, chaque point correspond a un état
différent de la chalne trophique. Une trajectoire dans ce graphique rend
donc compte de l'évolution du système puisqu'elle parcourt la
succession de ses états au cours du temps. Comme il s'agit de
modèles pour lesquels chaque état différents n'admet qu'un
unique avenir, modèles dits déterministes, les trajectoires ne
pourront se croiser. Ces trajectoires dépendent en outre du point de
départ choisi, c'est a dire des valeurs des variables d'état
au départ de la simulation, appelées conditions
initiales. L'ensemble des trajectoires obtenues pour toutes les
conditions initiales forme le portrait de phase tandis que
l'ensemble des axes portant les variables constitue l'espace des
phases.
Les différents portraits de phases obtenus selon un
gradient d'enrichissement sur K et pour r = 1, 5 montrent la
succession de quatre types de dynamique (Fig. 5). Le premier (A) correspond a
l'attraction de la trajectoire vers un équilibre ponctuel
constitué par le point noir. La trajectoire du système
avant d'atteindre cet équilibre correspond au régime
transitoire. Ce régime transitoire a été
supprimé des repré-
10
10
0.3
1
1
0.5
X1
C
0.1 X2
0.20.4 0.6
X1
K = 1
1
0.6 0.40 .2
X2
0
0
X2
8
X3 7
6 2
K = 0,5 A K = 0,8
B
X3
5
X3
8
X2
0
0
X1
K = 1,5
D
1
1
2
6
0.5
0
2
12
X310
8
6
0.5
X1
FIG. 5 - Portraits de phase présentant
différentes dynamiques en présence du superprédateur. Ces
dynamiques sont rencontrées de (A) a (D) selon un gradient
d'enrichissement sur K pour r = 1, 5. (A) équilibre
ponctuel, (B) cycle limite basse fréquence, (C) attracteur
étrange et (D) cycle limite haute fréquence.
sentation suivante pour mieux mettre en évidence la
complexité des attracteurs qui rend compte du régime a
l'équilibre du système, dit régime asymptotique.
Le second (B) correspond a un cycle limite qui se traduit par des
oscillations lentes périodiques des biomasses des différentes
espèces. Le troisième portrait de phase (C) est la
représentation dans l'espace des phases d'une dynamique chaotique.
L'attracteur est alors nommé attracteur
étrange. Le dernier portrait de phase (D) est un cycle
limite qui se traduit par des oscillations périodiques
rapides des biomasses des différentes espèces. Cette
séquence pour ce même modèle peut être plus
compliquée ou plus simple selon la valeur des différents
paramètres. Des états transitoires entre ces
différentes dynamiques peuvent apparaltre comme la coexistence de deux
attracteurs entre le chaos et le cycle limite a
haute fréquence. La disparition de la dynamique chaotique est
aussi possible avec un superprédateur qui ressemble au prédateur
pour les paramètres de prédation et de croissance
(Abrams & Roth,
1994).
RéSULTATS ET DISCUSSION
5 Modèle de chaîne trophique DEBf
5.1 Dynamique en absence du superprédateur
Ce modèle, dans sa version a deux échelons,
possède lui aussi trois équilibres. E0 1 (Eq.
5) correspond au cas oü ni la proie nile prédateur ne peuvent se
maintenir dans le chemostat tandis que E 2 (Eq. 6) est
l'équilibre oü seules les proies subsistent. E0 3
(Eq. 7) est l'équilibre qui permet la coexistence de la proie et
du prédateur.
()
Xr,Xr
E0 1 =
,0,0,0(5)
Xk1 +
Xr
E02 =(X*
0,2,e* 1,2,X*
1,2,e*
2,2,X*2,2)
=
|
Xk1
e*1 ,2
,
1 - e* 1,2
|
g1 (ÿkM1 +
ÿh)
ÿkE1-hÿ ,
|
h ÿ(Xr - X* 0,2)
(Xk1 + X* 0,2)
,
J Xm1 X*0,2
|
) (6)
X* 1,2, 0
Xk2 +
X*1,2
|
|
E0 3 =(X* 0,3,e*
1,3,X* 1,3,e*
2,3,X*2,3)
= X* 0,3,
|
X*0,3
, Xk1
+X*0,3
|
e*2,3
Xk2
|
g2(ÿh+
ÿkM2)
ÿkE2-hÿ ,
|
Xk2 + X*
1,3 JXm1
|
ÿkE1 e* 1,3 -
ÿkM1 g1
|
))hÿ
|
|
|
|
(7)
Le diagramme de bifurcation synthétise les
types de régime asymptotique atteints par le système
(Fig. 6) pour des gammes de valeur des paramètres d'enrichissement, les
paramètres de bifurcation. Il présente trois zones
différentes selon Xr et ÿh. Tout
d'abord une zone en arc de cercle pour des taux de dilution supérieurs a
0, 3 h-1 ou des concentrations en
glucose faibles (< 0, 2 mg.mL-1)
oü seule la proie peut se maintenir. Dans un autre arc de cercle atteint
lorsqu'on augmente Xr et que l'on diminue ÿh,
il y a coexistence de la proie et du prédateur autour d'un
équilibre ponctuel. La dernière zone est obtenue pour Xr >
1, 2 mg.mL-1 et pour des valeurs raisonnables
de ÿh, la proie et le prédateur y subissent des
fluctuations d'effectifpériodiques (Fig. 8).
Ces observations rejoignent des travaux antérieurs
(Kooi & Kooijman, 1994a) et peuvent être complétées par
une très petite zone de chaos située près du bord
supérieur de la zone de fluctuation des abondances de la proie et du
prédateur (Kooi & Hanegraaf, 2001).
5.2 Dynamique en présence du
superprédateur
Le modèle DEB a trois échelons possédant
six variables d'état, les véritables attracteurs
du système se déploient dans un espace des phases a
six dimensions. Les portraits de phase présentés ici
(Fig. 7) correspondent donc a une projection dans
0.5 1 1.5 2
0.2
0.15
0.1
0.05
Proie uniquement
Coexistence
stable de la proie et du prédateur
Fluctuations périodiques de la proie et du
prédateur
Concentration en glucose, Xr,
en mg.mL-1
FIG. 6 ~ Diagramme de stabilité des différents
équilibres en fonction des deux paramètres de bifurcation du
modèle DEBf, l'étoile signale les valeurs utilisées pour
l'expérimentation de calibrage de Dent et al. (1976)
un espace des phases réduit composé
uniquement des trois dimensions données par les biomasses des
différents échelons trophiques. Selon un gradient
d'enrichissement et avec un taux de dilution fixé a une valeur
suffisamment basse, ici h ÿ = 0,02, on retrouve un
équilibre ponctuel (A), des fluctuations pe'riodique de basse
fréquence (B), une dynamique chaotique (C) et des fluctuations
pe'riodiques de haute fréquence (D). Cette séquence de
types d'équilibre est rigoureusement la même que pour le
modèle R-M (Fig. 5). Elle a aussi été observée dans
des modèles différents comme le modèle de Canale ou un
modèle de métapopulation (Rinaldi & De Feo, 1999).
La dynamique en présence du superprédateur avec
deux réserves (e2 et e3) est
différente de ce qui se passe lorsque toutes les réserves sont
supprimées du modèle en posant e, = f, pour
i ? {1, 2, 3} (Kooi et al. , 1997). Le modèle
présente alors une dynamique chaotique pour des zones
différentes de l'espace des paramètres même si les
mêmes dynamiques sont retrouvées. Les réserves semblent
donc avoir une importance pour la description fine d'un système.
12 1
0
20
0
X2
0
X1
Xr = 170
Xr = 100 A B
4
2
0
4
X3
2
510 1520 25
2
10
8
5
10
X1
X3
64
X2
50
X1
0
0
Xr = 350
Xr = 240 CD
4
5
4
3
2
X3
20 4060
1
0 40
15
100
5
X1
X3
2
10
X2
20
X2
FIG. 7 - Portraits de phase présentant
différentes dynamiques en présence du superprédateur. Ces
dynamiques sont rencontrées de (A) a (D) selon un gradient
d'enrichissement sur Xr pour h ÿ = 0, 02. (A)
équilibre ponctuel, (B) cycle limite basse fréquence, (C)
attracteur étrange et (D) cycle limite haute fréquence.
6 Etude comparée des deux modèles
6.1 Lien direct
Il est tentant d'établir une relation directe entre
les paramètres de bifurcation du modèles R-M, r et
K, et ceux du modèle DEBf Xr et
ÿh. Toutefois, l'exercice s'avère
difficile et il n'est possible d'obtenir une équivalence entre les
paramètres que dans quelques cas très restreints pour lesquels la
réponse fonctionnelle est linéaire, de la forme
X°
Xk1 , et l'espèce est soumise a un
taux de mortalité de ÿh. Sous ces
conditions, il apparait que les deux paramètres du modèle R-M
sont liés entre eux et ne dépendent que de Xr (Kooi
et al. , 1998).
Ceci rejoint l'observation que la dynamique du modèle
R-M a deux échelons ne dépend que d'un seul paramètre
de bifurcation tandis que celle du modèle DEBf dépend a la
fois de Xr et de ÿh.
L'équation logistique rassemble donc deux paramètres, la
capacité limite du milieu K et le taux de croissance r,
que semble capable de remplacer un seul paramètre mesurant
directement la richesse nutritive du milieu (Kooi et al. , 1998).
Rappelons en outre que l'équation logistique a été
imaginée précisément dans l'hypothèse d'une
limitation par le milieu de la population totale
par une force assimilée a un frottement, mais qu'elle
n'explique pas le phénomène (Verhulst, 1838).
L'implémentation dans le modèle DEBf d'une équation pour
la concentration en nutriment abouti au même phénomène
d'autolimitation de la population de proie mais sans en faire
l'hypothèse. D'autre part le concept de capacité limite du milieu
est une quantité qui varie dans le temps, ce qui empêche un bon
paramétrage du modèle R-M et justifie son remplacement par une
variable d'e'tat.
6.2 Paradoxe de l'enrichissement
En prenant un seul paramètre d'enrichissement, il est
possible d'établir des diagrammes de bifurcations similaires pour chacun
des deux modèles dans leur version a deux échelons (Fig. 8). La
courbe tracée correspond a la biomasse de proie a l'équilibre.
Cette courbe se sépare en deux lorsque le cycle limite apparalt, a la
seconde valeur de bifurcation. Les deux valeurs de biomasse
données correspondent alors au minimum et au maximum atteint lors des
oscillations pe'riodiques sur le cycle limite.
Le diagramme de bifurcation obtenu pour le
modèle R-M est valable de manière qualitative quelque soit la
valeur des autres paramètres tandis que le diagramme de
bifurcation du modèle DEBf n'est valable que pour certaines valeurs
de ÿh. Le résultat est que le
schéma classique du paradoxe de l'enrichissement, de
déstabilisation d'un équilibre stable lorsqu'il y a
enrichissement du milieu, perd de sa généralité pour ce
second modèle.
D'autre part, dans les versions a trois échelons des
deux modèles, la déstabilisation de l'équilibre au fil de
l'enrichissement se traduit par la même séquence équilibre
ponctuel, dynamique pe'riodique basse fréquence, dynamique
chaotique et dynamique pe'riodique haute fréquence
(Fig. 4). La complexité de la dynamique est donc croissante
jusqu'à l'apparition du chaos puis décrolt vers un
cycle limite (Fig. 5)(Fig. 7). L'ajout d'un superprédateur
modifie donc la simple séquence de complexification de
l'équilibre stable en cycle limite du modèle a deux niveaux
trophiques. Ce schéma de complexification de l'attracteur d'une chalne
trophique a trois échelons semble vrai pour une large
variété de modèles (Rinaldi & De Feo, 1999) et
correspond a la croissance de la biomasse moyenne du dernier échelon
trophique.
6.3 Persistance des chaInes trophiques a deux
echelons
Pour le modèle R-M, le paramètre de croissance
r est intéressant en tant que facteur supplémentaire
d'enrichissement du milieu. Malgré l'indépendance des
bi-
RéSUlTaTS ET DISCUSSION
1
a
0.5
0 0.4
b
0.2
0
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9
Capacité limite du milieu (K)
4
c
2
0
2
d
1
0
0 0.5 1 1.5 2 2.5
Xr en mg.mL-1
FIG. 8 ~ Comparaison des diagrammes de bifurcation du
modèle de R-M : (a) et (b), avec r = 1, et du modèle
DEBf: (c) et (d) avec h ÿ = 0, 1
furcations de r, l'action de ce
paramètre se situe sur la quantité de biomasses a
l'équilibre et sur la vitesse d'ouverture du cycle limite
lorsque K augmente. En effet, dans le domaine d'apparition du
cycle limite, plus r sera petit plus le minimum de biomasse de
prédateurs sera faible pour une même valeur de K. Cette
démarche abouti a un découpage de l'espace des paramètres
en quatre zones suivant si : les deux espèces sont sous le seuil, seule
la proie est sous le seuil, seul le prédateur est sous le seuil ou
aucune des deux espèces n'est sous le seuil (Fig. 9).
Pour le modèle DEBf, il a été possible
d'utiliser des seuils naturels (Fig. 10). Le seuil correspond alors a la
biomasse représentée par un seul individu dans le chemostat.
Toutefois, pour observer l'effet d'éventuelles perturbations sur le
milieu, un seuil beaucoup plus important a été choisi
arbitrairement. Avec l'utilisation des seuils naturels, le modèle a deux
échelons trophiques présente une large zone de coexistence pour
une concentration en glucose supérieure a 0, 2
mg.mL-1 et pour un taux de dilution
inférieur a 0, 22 h-1. Dans la version a
trois échelons, on observe la même répartition
imbriquée :
- pour une concentration en glucose faible ou un fort taux de
dilution, seule la proie survie
- pour une concentration en glucose plus importante ou un taux
de dilution moyen il y aura coexistence de la proie et du prédateur
0.2 0.4 0.6 0.8 1
1 0.9 0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1
Survie de la proie uniquement
Survie de la proie et du prédateur
Survie ni de la proie, ni du prédateur
Disparition de la proie entraine celle du
prédateur
Capacité limite du milieu (K)
FIG. 9 - Diagramme de survie des espèces du modèle
R-M en fonction de K et de r pour un seuil de 0,05.
- pour une concentration en glucose suffisante ou un faible taux
de dilution la coexistence des trois espèces sera possible
Dans un premier temps, l'enrichissement permet bien
d'accroItre le nombre d'espèces de la chalne trophique mais cette
possibilité est fortement contrainte par le taux de dilution. Avec ce
seuil très bas, les oscillations ne provoquent pas de changement dans
les zones de survie.
6.4 Temps de persistance des chaînes trophiques
à trois échelons
Le temps de persistance (Fig. 11) pour chacun des
échelons pour le modèle R-M apporte des informations
supplémentaire car il permet de prendre en compte les différences
de dynamique des attracteurs complexes, ce qui est impossible avec de
simples portraits de phases. En ce sens, en les comparant a la figure
qui présente la répartition des différents type de
régimes asymptotiques (Fig. 4), il devient possible de classer
les différentes dynamiques complexes précédemment
rencontrées, a savoir fluctuations périodiques basse et
haute fréquence et chaos en terme de persistance des
espèces. Sans surprise, pour les trois échelons, les zones
d'équilibre stationnaires offrent un temps de persistance soit infini
soit nul.
Pour les proies, il apparalt peu de différences de temps
de persistance entre
Concentration du substrat Xr Concentration en glucose
Xr
Proie uniquement
Coexistence proie et prédateur
Coexistence de la proie, du prédateur et
du superprédateur
0.05
0.04
0.03
0.02
0.01
0
0.2
Survie de la proie
0.15
0.1
Survie de la proie et du prédateur
0.05
0.5 1 1.5 2
0 100 200 300 400
FIG. 10 - Zones de survie des espèces du modèle
DEBf en fonction de Xr et de hÿ avec
un seuil d'un individu dans le chemostat pour des chalnes trophiques a 2 (a
gauche) ou 3 (a droite) échelons.
les fluctuations périodiques basse
fréquence et le chaos. La plus forte perte de persistance
lorsqu'on enrichi le système selon K se trouve a la transition
entre chaos et fluctuations périodiques haute
fréquence. Le temps de parcours de l'attracteur est en effet plus faible
et amène le système plus rapidement dans les zones d'extinction.
Il est aussi remarquable que le chaos puisse localement augmenter le temps de
persistance en fonction de l'enrichissement.
Pour les prédateurs, la perte de persistance lorsqu'on
enrichi le système selon K apparait lors de deux changements de
dynamique : entre la coexistence a biomasses constantes et les fluctuations
périodiques basse fréquence et entre le chaos et les
fluctuations périodiques haute fréquence. Il n'y a
là aussi pas de différence importante de temps de persistance
entre les fluctuations périodiques basse fréquence et la
dynamique chaotique.
Pour le super-prédateur, la biomasse très
supérieure de ce dernier échelon le place au-dessus du seuil
d'extinction dans toute sa zone d'existence en régime asymptotique.
Ceci provient probablement de l'absence de calibrage des paramètres
du modèles sur des populations réelles. Une manière de le
corriger serait de donner un seuil d'extinction différent au
superprédateur, mais une telle démarche est difficile a justifier
écologiquement.
L'analyse du temps moyen de persistance pour le modèle
R-M renforce donc l'idée d'une persistance inversement proportionnelle a
l'enrichissement avec des baisses importantes lors de l'apparition de
fluctuations périodiques. Le chaos a une place a part dans ce
schéma car son apparition ne provoque pas de baisse importante de la
persistance avec l'enrichissement du milieu. La persistance est même plus
importante sur le bord de la zone délimitant la dynamique chaotique,
FIG. 11 - Temps moyen de persistance pour les trois
échelons du modèle R-M au sein de l'espace des paramètres
de bifurcation.
ce qui rejoint des observations sur le maximum de biomasse du
superprédateur (Rinaldi & De Feo, 1999). Pour ce qui est du taux de
croissance de la proie, r, il doit être suffisant pour permettre la
survie des échelons supérieurs, mais ne crée pas de
variations continues de leur persistance.
FIG. 12 - Temps moyen de persistance pour les trois
échelons du modèle DEBf au sein de l'espace des paramètres
de bifurcation.
La même analyse sur le temps de persistance a
été effectuée sur le modèle DEBf a trois
espèces (Fig. 12). L'ajustement du modèle DEBf a des
données expérimentales permet de donner une signification aux
temps de persistance. Il s'agit ici du nombre d'heure moyen avant que les
populations de proies, de prédateurs ou de superprédateurs qui
forment la chalne trophique expérimentale ne passent sous un seuil de
respectivement environ 1011, 109 et 107
individus. Ces seuils correspondent a une même biomasse de 0,
5mm3.mL-1. Même avec des seuils aussi
élevé et peu réaliste, les temps moyens de persistance
restent élevées : environ 1 jour dans la
zone la plus claire pour les proies, 1 a 2 jours pour les
prédateurs. Le superprédateur fait preuve d'une très
grande persistance sur toute sa zone de survie. Cette grande persistance du
dernier échelon, déjà remarquée pour le
modèle R-M, est associée pour le modèle DEB a des
biomasses inférieures a celle des échelons de niveaux
inférieurs. Cette robustesse peut être due a la
linéarité de la mortalité du superprédateur qui est
le terme de fermeture de la chalne trophique. ce terme semble avoir en effet
une importance particulière pour les modèles de chalne trophique
(Caswell & Neubert, 1998).
De tels temps de persistance dans des conditions
d'équilibres, permettent de fournir une hypothèse pour expliquer
la répartition très cosmopolite de nombreux micro-organismes. Les
environnements naturels sont en effet, au contraire des hypothèses
faites ici, fortement hétérogènes spatialement et
subissent des conditions d'enrichissement qui ne sont pas constantes. Ces deux
facteurs rendent d'autant plus difficile une extinction au niveau global. Ainsi
même si, lorsque le milieu est enrichi, une plus grande
instabilité est remarquée, cette instabilité paralt
insuffisante pour causer la disparition des espèces de la chalne
trophique étudiée ici.
Ces premiers résultats appellent plusieurs
développements logiques. Des améliorations sont a
apportées a la méthode de calcul de la persistance. Le choix
d'une distribution uniforme n'est pas satisfaisant pour décrire la
distribution des probabilités de biomasse sur l'attracteur.
L'invariabilité de cette distribution au cours du temps peut en
outre être utilisée pour identifier de manière
numérique le passage du régime transitoire au
régime asymptotique. Une optimisation de ce calcul permettrait
aussi d'augmenter le temps maximum de persistance du système et donc la
sensibilité de cette analyse. Ceci pourrait aussi se faire par le
développement d'une méthode de calcul analytique de la
persistance sur la base du travail de Mangel & Tier (1993).
Conclusion
L'apport de la théorie DEB réside dans la
synthèse de plusieurs échelles et disciplines autour de
l'individu. Comprendre l'individu permet ensuite de comprendre la population
comme somme d'individus (Kooi & Kooijman, 1994a). La signification des
paramètres des modèles issus d'une telle théorie est alors
plus précise. La formulation des équations est contraintes de
manière mécanique (thermodynamique, physiologie), ce qui semble
important au vu de la grande sensibilité des modèles aux
fonctions mathématiques employées (Fussmann & Blasius, 2005).
Les modèles issus de la théorie DEB gagnent en réalisme et
permettent de placer les modélisations dans un contexte
expérimental précis. Le modèle présenté ici
est donc pleinement opérationnel et possède un ancrage dans une
réalité expérimentale en plus de l'objectif de
généralité écologique auquel il prétend.
Concrètement, cela se traduit par des résultats qui sont
représentatifs : (i) quantitativement d'une réalité
particulière, un temps moyen de persistance exprimé en heures
pour les daphnies d'une chalne bactérie-cillié-carnivore et (ii)
qualitativement de phénomènes écologiques, maintien de la
persistance dans les modèles tritrophiques au fil de l'enrichissement
pour des dynamiques complexes. La théorie DEB fait donc figure
d'avancée vers une meilleur collaboration entre expérimentation
et modélisation (Nisbet et al. , 2000).
Le paradoxe de l'enrichissement a été
retrouvé dans les quatre cas de chalnes trophiques
étudiés. Malgré les dissimilitudes d'approches des deux
modèles, les résultats sont qualitativement similaires. Pour les
chalnes trophiques a deux échelons, la même bifurcation
d'un équilibre stable vers des fluctuations cycliques est
retrouvée (bifurcation de Hopf). Pour les chalnes trophiques a trois
échelons, la même séquence de types d'équilibre au
fil de l'enrichissement a été mise en évidence au sein des
deux modèles. Le premier équilibre permettant la coexistence est
un équilibre ponctuel, puis viennent des fluctuations périodiques
lentes, une dynamique chaotique et enfin des fluctuations périodiques
rapides. Le paradoxe de l'enrichissement se maintien donc dans les chalnes
tritrophiques mais il y suit un schéma plus complexe. Les analyses en
temps de persistance montrent que c'est le changement d'une dynamique
chaotique a une dynamique périodique rapide qui
CONCLUSION
est l'équivalent de la déstabilisation de
l'équilibre ponctuel en un cycle limite des modèles a
deux espèces. Toutefois, ces deux modèles utilisent la même
réponse fonctionnelle de Holling type II et des termes de fermeture de
la chalne trophique (mortalité du dernier échelon)
linéaires. Au vu de l'influence de ces deux éléments sur
la dynamique (Fussmann & Blasius, 2005; Caswell & Neubert, 1998), il
conviendrait donc d'étudier la stabilité de ce schéma de
complexification avec des réponses fonctionnelles et un terme de
fermeture différents.
Le chaos apparait dans de nombreux modèles
lorsque de nouveaux éléments sont pris en compte dans les
modèles explicatifs. Il en est de même ici lors de l'inclusion
d'un troisième échelon trophique. La complexification des
modèles semble donc provoquer l'apparition du chaos. D'autre
part, la dynamique chaotique demande bien une attention particulière
puisqu'elle est un régime qui permet un temps de persistance important
dans un milieu enrichi. L'hypothèse qui survient alors est que le chaos
serait un régime optimum au-delà duquel
l'écosystème perdrait en stabilité. Cette hypothèse
est soutenue par la maximisation de la biomasse de superprédateurs dans
de tels modèles pour des dynamiques chaotiques (Rinaldi & De Feo,
1999). Elle va a l'encontre de l'idée que le chaos est un
phénomène qui n'existe pas dans les écosystèmes. Si
le chaos tiens effectivement un role important dans les
écosystèmes, cela doit remettre en cause la possibilité
même de d'y réaliser des prédictions précises (Boero
et al. , 2004). Le chaos nous apprend en effet que seules les
tendances générales peuvent être prédites. Cela doit
amener les écologistes a réfléchir a la formulation des
questions posées pour que celles-ci restent solubles.
L'approche développée ici pour comprendre le
role du chaos dans les écosystèmes n'apporte qu'un
éclairage limité. Deux voies semblent particulièrement
prometteuses pour mieux comprendre les dynamiques complexes de populations. En
premier lieu, la spatialisation des modèles, même de
manière simple, renforce l'idée d'un chaos qui favorise la survie
des espèces (Allen et al. , 1993), ce qui peut même
être décrit de manière analytique (Solé &
Gamarra, 1998). En second lieu, la dynamique du régime transitoire,
non considérée ici, semble elle aussi avoir un impact sur la
persistance des espèces (Hastings, 2001).
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Annexe A
Glossaire des termes de
modélisation
Attracteur : objet de l'espace des phases qui
attire les trajectoires du système.
Attracteur étrange : objet complexe de
l'espace des phases qui attire les trajectoires. Il correspond a une dynamique
chaotique et est caractérisé par une dimension non
entière, signe d'une grande complexité.
Bifurcation : changement de type de
régime asymptotique du modèle selon la valeur de certains
paramètres, nommés paramètres de bifurcation.
Chaotique : caractérisation d'une
dynamique oü les différences entre les conditions initiales sont
amplifiées de manière exponentielle tout en restant
bornées. Cette dynamique correspond a un attracteur étrange dans
l'espace des phases.
Cycle limite : attracteur de l'espace des phases
ayant une forme de courbe fermée qui traduit une dynamique
périodique.
Conditions initiales : valeurs des variables
d'états au début de la simulation.
Diagramme de bifurcation : diagramme qui
présente l'évolution des valeurs prises par les équilibres
en fonctions de certains paramètres du modèle, les
paramètres de bifurcation.
Equations différentielles : Equations
régissant la variation des variables d'état, ici les variables
qui décrivent la chalne trophique, au cours du temps.
Espace des phases : espace dont les
dimensions correspondent aux différentes variables d'états qui
permettent la description de la chalne trophique (voir page 15 pour plus de
détails). Chaque point de l'espace des phases représente un
état possible du système, c'est a dire des variables
d'état qui composent la chalne trophique.
ANNEXE A. GLOSSAIRE DES TERMES DE MODÉLISATION
Matrice jacobienne : matrice qui
représente l'approximation linéaire du système. Elle
permet de calculer comment évoluent les variations du système au
voisinage d'un point de l'espace des phase, c'est a dire de savoir si un point
d'équilibre est stable pour certaines valeurs de paramètres.
Paramètre : grandeur constante au
cours du temps qui caractérise un processus ou une partie d'un processus
a l'oeuvre au sein du système étudié, ici la chalne
trophique.
Paramètre de bifurcation :
paramètre pour lequel le système change d'e régime
assymptotique.
Périodique : caractérisation
d'une dynamique qui se répète aubout d'un certain temps. Cette
dynamique correspond a un cycle limite dans l'espace des phases.
Point selle : équilibre stable dans
certaines directions de l'espace des phases et instables dans d'autres.
Portrait de phase : représentation de
la dynamique du système dans l'espace des phases.
Q uasipériodique :
caractérisation d'une dynamique périodique couplant plusieurs
périodes différentes.
Régime transitoire : dynamique
observée avant d'atteindre l'attracteur du système.
Régime asymptotique : dynamique
observée au bout d'un temps suffisament long, lorsque l'attracteur du
système est atteint.
Trajectoire : représentation dans
l'espace des phases de l'ensemble des états pris par le système
au cours du temps lors d'une simulation.
Variable d'état : grandeur variant au
cours du temps qui caractérise l'évolution du système,
dans cette étude il s'agit des biomasses des différentes
espèces, du nutriment ou des réserves. Sa variation est ici
définie par une équation différentielle.
Annexe B
Dynamiques temporelles
6
4
2
0
8
A
X1 X2 X3
12
B
10
8
6
4
2
0
0 200 400 600 800 1000 Temps
15
10
5
0
C
1700 1800 1900 2000 Temps
1700 1800 1900 2000 Temps
8
D
6
4
2
0
2700 2800 2900 3000
Temps
FIG. B.1 - Dynamiques temporelles rencontrées dans le
modèle R-M au fil de l'enrichissement du système de A a D. Ces
évolutions correspondent aux dynamiques dans l'espace des phases
présentées sur la figure (Fig. 5).
Ces graphiques permettent de mieux visualiser les temps de
parcours des attracteurs, c'est a dire les schémas
répétitifs de la dynamique, tant pour le modèle R-M que
pour le modèle DEB. Le régime transitoire est inclue
pour le premier cas (A) mais absent des autres.
ANNEXE B. DYNAMIQUES TEMPORELLES
A
X1
X2
X3
30
B
25
20
15
10
5
0
9000 9200 9400 9600 9800 10000
Temps
0 200 400 600 800 1000
Temps
80
C
60
40
20
0
7000 7200 7400 7600 7800 8000
100
D
80
60
40
20
0
9000 9200 9400 9600 9800 10000
Temps Temps
FIG. B.2 - Dynamiques temporelles rencontrées dans le
modèle R-M au fil de l'enrichissement du système de A a D. Ces
évolutions correspondent aux dynamiques dans l'espace des phases
présentées sur la figure (Fig. 7).
Annexe C
La méthode semi-numérique
Voici le détail de la méthode employée
pour calculer les valeurs des équilibres et tester leur stabilité
dans le cas du modèle DEB a 2 échelons. Cette méthode
présente la particularité d'allier des calculs analytiques
traditionnels a des algorithmes informatiques.
L'existence des équilibres est tout d'abord
testée numériquement pour les différentes valeurs des
paramètres de bifurcation en regardant si les valeurs des
variables d'état atteintes au point d'équilibre sont conformes
aux hypothèses biologiques:> 0 et pour les réserves < 1. Le
calcul de la matrice jacobienne permet de déterminer
numériquement la stabilité de ces points d'équilibre
suivant les paramètres de bifurcation. Cette matrice est
obtenue en dérivant sur chaque ligne une équation du
modèle en fonction de chacune des cinq variables en colonne.
?
? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
J=
)
_(ÿlb+JXm1X1Xk1
0
_JXm1X0
(Xk1+X0)2 Xk1+X0
ÿkE1 0
ÿkE1
Xk1
(Xk1+X0)2
0 g1( ÿkE1+
ÿkM1)
ÿkE1e1--
ÿkM1g1
(e1+g1)2 x1 e1+g1 _ lb ÿ _
JXm2X2Xk2
(Xk2+X1)2 . . .
0 0
ÿkE2
Xk2
(Xk2+X1 )2
0 0 0
?
? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
lbÿ
0 0
0 0
. . .
0
_JXm2X1
Xk2+X1
ÿkE2 0
ÿkE2
e2-- ÿkM2
g2 e2+g2
g2
(ÿkE2+ÿkM2)
(e2+g2)2 x2
Le calcul numérique des valeurs propres de cette
matrice pour les valeurs des points d'équilibre permet ensuite de tester
leur stabilité : si la plus grande partie réelle des valeurs
propres est négative, alors l'équilibre sera stable, sinon il
sera
ANNEXE C. LA MÉTHODE SEMI-NUMÉRIQUE
instable. La confrontation ensuite des zones d'existence, de
stabilité et d'instabilité pour différentes valeurs des
paramètres de bifurcation permet de produire des figures comme la figure
6.
Résumé
Deux modèles de chaînes trophiques, dans leur
version à deux et à trois échelons, sont comparés
dans cette étude. Le premier modèle est un modèle
traditionnel basé sur des hypothèses au niveau de la population.
Le second modèle repose quant à lui sur des hypothèses
d'allocation énergétique au niveau individuel, suivant la
théorie des budgets dynamiques d'énergie et de masses (DEB). Ces
deux modèles sont étudiés selon les paramètres qui
décrivent la richesse du milieu. Dans les chaînes trophiques
à deux échelons, il y a déstabilisation d'un
équilibre constant en fluctuations périodiques selon le paradoxe
de l'enrichissement. En revanche, dans les chaînes trophiques à
trois échelons, une succession de dynamiques complexes est
observée au fil de l'enrichissement : équilibre constant,
fluctuations périodiques basse fréquence, dynamique chaotique et
fluctuation périodique haute fréquence. Une analyse du temps de
persistance des espèces dans ces systèmes montre que la
réponse de ces différentes dynamiques à l'enrichissement
varie. Le chaos ne produit pas de perte importante de persistance,
contrairement à l'apparition de fluctuation périodiques. L'apport
quantitatif de la théorie DEB est finalement souligné pour les
chaînes trophiques de micro-organismes.
Mots clefs : Ecologie théorique,
modélisation, chaîne trophique, théorie DEB, paradoxe de
l'enrichissement, dynamique chaotique, persistance
Two kind of models are studied in their two or three trophic
level version. The first one is a traditionnal approach with hypothesis made on
the population. Le second one is based on energetic allocation at the
individual level, following the Dynamic Energy and Mass Budgets theory (DEB).
These two models are studied on the basis of enrichment parameters. In two
trophic levels food chain, there is a destabilisation of constant coexistence
state by periodic fluctuations acording to the paradox of enrichment. But, in
three trophic level food chains, a sequence of complex dynamics is observed
with enrichment: coexistence at constant value, low frequencies periodic
oscillations, chaotic dynamic and hight frequencies periodic oscillations. A
study ot the time of persistence, shows that persistence change with these
different kind of dynamics. Chaotic dynamic does not produce a loss of
persistence, contrary to periodic oscillations. The quantitave improvement of
DEB theory for microorganims food chain is fynaly underlined.
Keywords: theoretical ecology, modelisation, food chains,
DeB theory, enrichment paradox, chaotic dynamic, persistence
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