I / LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
A) DEFINITION :
Dans cette partie, nous nous intéresserons en premier
temps à la loi Aubry qui a motivé les RTT et nous nous centrons
un peu plus dans un deuxième temps sur les réalités
propres au milieu de l'hôtellerie restauration.
1) La loi
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de
nombreuses lois ont été adoptées en France afin de
réduire le temps hebdomadaire de travail, la plus importante d'entre
elles étant celle des 35 heures de Martine Aubry. Celle-ci a
été adoptée afin de pallier à la hausse du
chômage et contrer la politique de l'emploi. Le but des lois sur les RTT
est de déclencher une hausse de l'embauche au sein des entreprises, mais
la réduction du temps de travail suscite de nombreuses interrogations,
comme par exemple :
· les effets sur l'emploi, les salaires, la
productivité
· les impacts à long terme de la baisse du temps
de travail sur le niveau du chômage
· en ce qui concerne les entreprises : est ce que
les conditions de gains liés aux RTT sont supérieurs aux
coûts qu'elle a pu engendrer ?
· l'amélioration de la qualité de vie des
salariés compense t'elle d'éventuelles dégradations des
conditions de travail ? ....
La réduction du temps de travail touche 3 acteurs qui
ont des objectifs différents :
· L'Etat qui a pour objectif la diminution du
chômage et la relance de l'emploi
· Les entreprises qui recherchent la flexibilité
et la polyvalence de leurs salariés
· Les salariés qui ont une augmentation de leur
temps libre mais pas de leur pouvoir d'achat
Dans sa configuration, le projet Aubry avait prévu un
passage aux 35 heures au plus tard le 1er février 2000 pour les
entreprises de plus de 20 salariés (art.1). Le projet de loi
prévoyait que ce passage aux 35 heures serait négocié dans
le cadre des branches et des entreprises (art.2).
Le passage aux 35 heures a été facilité
par des aides de l'Etat dont la finalité était de favoriser
l'emploi (art.3).
Les conditions d'obtention par les entreprises de ces aides
étaient :
- appliquer une réduction de 10% de la durée du
travail
- embaucher 6% d'effectifs supplémentaires,
- maintenir les effectifs constants pendant une durée
minimale de 2 ans.
Le projet de loi Aubry offrait dans son article 4, la
possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous
forme de jours de repos pour toutes les heures effectuées au delà
du quota légal.
Cependant, l'industrie hôtelière considère
la loi inapplicable à son secteur d'activité ; la majorité
des patrons voient d'un assez mauvais oeil ces réductions du temps de
travail. Certains considèrent d'ailleurs ne pas être
concernés par ces nouvelles dispositions.
Ils reprochent à cette loi d'une part de ne pas avoir
de véritable corrélation entre la baisse du temps de travail et
la baisse du chômage, mais surtout de ne pas tenir compte des horaires
effectives actuelles de la profession. En effet, si comme le dit Alain Jacob,
patron du cabinet de recrutement AJ Conseil en 2001, " le nombre d'heures est
le facteur-clef d'enrichissement de l'entreprise et des employés de
l'hôtellerie restauration ", il en est pas moins que les salariés
travaillent en moyenne de 45 à 50 heures et qu'un passage aux 43 heures
voir 39 heures paraîtrait déjà plus raisonnable !
Aussi, ils considèrent lourd de conséquence le
remaniement du coût salarial : Gérard Fournier*, " nous
n'avons rien chiffré parce que l'abaissement du temps de travail
à 35 heures ne nous paraît pas viable dans nos professions.
D'ailleurs, rien qu'en passant de 43 à 39 heures, la compensation du
Smic augmenterait le taux horaire de 11.4%. Il nous faudrait alors trouver de
la productivité, mais aussi augmenter de manière sensible nos
prix affichés. Cela est impossible ! ".
Mais face à cet acharnement, on assiste à une
véritable dualité du milieu : de plus en plus d'entreprises
appliquent leurs propre conversions (souvent elles pratiquent les 39 ou 35
heures avec un système d'heures supplémentaires). Il s'agit le
plus souvent de l'hôtellerie haut de gamme et de grosses unités
parisiennes où les frais de personnel, on le sait, sont
particulièrement élevés. Ils ont garantis un maintien des
salaires et créé de nombreux postes. Ils représentent une
réussite concluante de la mise en place de la loi et prouvent par leur
expérience qu'une réorganisation partielle de la structure
s'avère possible.
* Gérard Fournier : directeur de la politique
social de chez ACCOR
2) Le problème de la diversité des entreprises
hôtelières :
L'industrie hôtelière reste un domaine
très vaste qui compte une multitude d'entreprises différentes,
aux fonctionnements différents, aux structures variées, proposant
des services multiples et divers... Selon son fonctionnement, chaque branche
attend une réorganisation du temps de travail spécifique et
propre à sa structure ainsi qu'a sa gestion : ceci débouche sur
des accords de branche relatifs à la loi Aubry.
On trouve 3 grands types d'établissements en
restauration :
- Les établissements gastronomiques
- Les établissements de collectivité
- Les établissements traditionnels
Les établissements gastronomiques ont pour
spécificité d'avoir un ratio employé/client identique. Ici
les heures ne se comptent pas et les semaines atteignent facilement 50 à
60 heures autant pour les cuisiniers que pour les serveurs. La
rémunération connaît des écarts très
importants : dans la même entreprise, un meilleur sommelier de France
sera payé environ 2500 à 4000 € alors qu'un commis
débarrasseur touchera juste le Smic. Cette disparité salariale et
professionnelle rentabilise à peine une entreprise.
Les établissements de collectivité ont quand a
eux une organisation méticuleuse des horaires s'apparentant aux
entreprises classiques. Un minimum d'employés doit servir un maximum de
couverts. Des salaires moyens sont repartis suivant la qualification de
l'employé. Ce sont sûrement les seuls pour qui la RTT ne risque
pas de poser de problèmes fondamentaux car elle dispose
déjà d'une organisation stricte de son temps de travail.
Les établissements traditionnels sont composés
en moyenne de 10 salariés. Basés sur une organisation classique
voir familiale, les employés travaillent un maximum d'heures pour a
peine rentabiliser l'entreprise. La polyvalence des employés est
fréquente et leurs salaires sont bas. C'est pour ces entreprises que
l'adaptation à la loi Aubry a été la plus dure et
paraît encore difficile à appliquer aujourd'hui vu la
diversité de ces établissements.
Toutes les modalités à négocier sont
toutes fois les mêmes pour tous : la durée du travail,
l'organisation du travail, la rémunération, les embauches, la
sauvegarde des emplois. Mais elles ne sont pas réglées pour tous
de la même manière.
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