SOMMAIRE
INTRODUCTION p.5
I / LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL p.6
A/ DEFINITION p.6
1) La loi p.6
2) Le problème de la diversité des entreprises
hôtelières p.6
3) Contraintes et possibilités des RTT pour
différentes entreprises p.9
B/ HISTORIQUE DES LOIS ET ACCORDS DE REDUCTION
DU TEMPS DE TRAVAIL p.10
C/ LES CONDITIONS PARTICULIERES D'APPLICATION DES RTT DANS LE
SECTEUR DE L'HOTELLERIE RESTAURATION p.13
1) Le contenu de l'accord sur les RTT des Hôtels
Cafés Restaurants (HCR)
du 15 Juin 2001 p.14
2) Les conditions juridiques de l'application
de l'accord p.15
3) Le Plan d'accompagnement de l'accord HCR p.17
II/ LES EFFETS POTENTIELS DES REDUCTIONS DU TEMPS
DE TRAVAIL p.18
A) UN BOULEVERSEMENT POUR LES ENTREPRISES p.19
1) Les RTT : une relance du dialogue social dans l'entreprise
? p.19
2) les coûts induits par les RTT et les problèmes
de compétitivité des entreprises p.20
B) DEUX APPROCHES DIFFERENTES DE LA MISE EN PLACE
DES RTT p.21
1) Pour les grandes entreprises hôtelières : la
transformation d'une contrainte en moteur de changement (ACCOR, ENVERGURE,
HILTON .....) p.21
2) Les 39 heures comme contrainte supplémentaire
d'organisation : l'exemple des petites et moyennes entreprises
d'hôtellerie restauration p.24
III / LES CONSÉQUENCES SOCIALES DES RTT :
UNE FRANCE À PLUSIEURS VITESSES p.27
A) LES 35 HEURES IMPRÈGNENT LA SOCIÉTÉ
FRANÇAISE : LA FRANCE RYTHMÉE PAR LES RTT
p.27
B) LES 35 HEURES ONT-ELLES ACCENTUÉ LES TRAITS DE LA
SOCIÉTÉ DE LOISIRS ? p.28
1) Développement de la société des
loisirs : un phénomène ancien p.28
2) Les 35 heures ont accentué les
inégalités p.29
C) LES RTT ONT RENFORCÉ LES LIGNES DE FRACTURE AU SEIN
DU MONDE DU TRAVAIL p.33
1) L'accentuation du clivage entre les salariés des PME
et des grandes entreprises p.33
2) Le renforcement des clivages entre les salariés au
sein même de l'entreprise p.34
3) Un problème important : l'évolution des
rémunérations a été freinée p.36
4) Les 35 heure : une aubaine pour les femmes ? p.37
D) LES 35 HEURES GENERATRICE D'EXCLUSION ET DE REDUCTION DU
LIEN SOCIAL p.39
1) Les RTT facteur d'exclusion des salariés les moins
performants p.39
2) Les RTT facteur d'accroissement des clivages entre secteur
public et secteur privé et entre bénéficiaires ou non
bénéficiaires des RTT p.39
IV/ REMISE EN CAUSES DES RTT p.40
A) LE DESASTRE ECONOMIQUE DES RTT p.40
1) Dans de nombreux pays la durée de travail
remonte p.41
2) Doutes à l'origine, réflexes dirigistes
ensuite p.41
3) L'appréciation des chefs d'entreprise reste
globalement négative p.42
B) LES CONSEQUENCES SUR LES SALARIÉS p.44
1) Le ralentissement ou le gèle des hausses de
salaires p.46
2) Les RTT sont égales à une montée du
stress des salariés p.47
3) Les Français les moins qualifiés pas
satisfaits du passage aux RTT p.47
4) Le constat d'une démotivation croissante
p.48
C) CONSEQUENCES SUR L'ECONOMIE DU PAYS p.48
1) L'attractivité du territoire remise en cause
p.49
2) Des coûts exorbitants et des résultats
faibles p.50
3) Les RTT synonyme de régression sociale ?
p.52
CONCLUSION p.55
ANNEXE 1 p.57
ANNEXE 2 p.61
ANNEXE 3 p.64
ANNEXE 4 p.66
BIBLIOGRAPHIE p.67
Remerciements
Tout d'abord, je tiens à remercier Madame Florence
FERNANDEZ d'avoir accepté d'être ma Directrice de mémoire.
Je la remercie tout particulièrement pour son aide, sa
disponibilité ainsi que pour son écoute durant toute la
durée de préparation de ce mémoire.
De plus, je tenais également à remercier
Monsieur SCHEOU, pour le temps qu'il a su nous consacrer, afin de nous
expliquer comment rédiger un mémoire. Et je le remercie aussi
pour tous ses précieux conseils.
INTRODUCTION
Les RTT sont apparues à la fin du
20ème siècle remettre en question le temps de travail
dans les sociétés modernes. Les réductions du temps de
travail sont venues bouleverser une norme temporelle figée depuis 1936
sur un modèle issu de la société industrielle. Une
nouvelle norme basée sur l'arythmie au moins autant que sur la
quantité d'heures passées sur son lieu de travail, émerge
et affaiblit le contrôle social du temps individuel par le poids de la
norme collective. De ce point de vue, il est légitime de rapprocher les
lois sur les RTT de celle de 1936 qui légalise les congés
payés. Dans les deux cas, la législation vient organiser et
généraliser une évolution des modes de vie. Elle donne des
droits et restreint les inégalités. Elle induit de nouvelles
égalités entre ceux qui avaient déjà
accédé à des arrangements et ceux qui n'en
bénéficiaient pas. Dans les 2 cas, même si aujourd'hui les
nouvelles lois ont d'abord été votées pour aider à
lutter contre le chômage, ceux qui en avaient eu l'idée, eux,
partaient d'une vision très sociétale de la réforme.
Si la France est le seul pays où une telle loi a
été votée, ce n'est pas le seul pays à se poser
cette question. Chaque pays ayant sa propre culture, une loi européenne
n'est toujours pas apparue. En France, les différentes lois
votées pour parvenir aux réductions du temps de travail ont faits
l'objet de nombreux débats, discussions tant pour leurs mise en oeuvres,
leurs applications échelonnées que pour leurs effets sur le
chômage....
Les RTT accélèrent et révèlent une
mutation radicale de la société et de la place du travail dans
notre vie et dans notre organisation sociale. En effets les loisirs, les
vacances, la retraite le développement massif des transports en tout
genre se sont révélés comme de puissant transformateurs de
notre société, modifiant ainsi les pratiques sociale, les normes,
les valeurs....
En outre, en matière de RTT, il n'existe pas de
règles. Quelques heures de temps libre par semaine, une
demi-journée, une journée tout les 15 jours ou une semaine de
congès en plus, plusieurs systèmes cohabitent, parfois dans la
même entreprise. Cependant, une constante fût
observée : le gèle des salaires durant quelques
années.
L'intérêt de ce mémoire est de
s'intéresser, d'étudier et d'analyser les effets et les remises
en causes des différentes lois sur la RTT et tout
particulièrement dans le monde de l'hôtellerie restauration.
Comme nous avons pu le constater les lois sur les RTT ont
fait et font encore beaucoup parler d'elles. En effet l'application de ses lois
a commencé en 1997 et n'est pas encore tout à fait
terminée aujourd'hui. Cette application a été
préparée et appliquée non sans problème ;
depuis le début certaines lois sont remise en cause, et de nouvelles
apparaissent. Nous nous intéresserons tout particulièrement aux
effets de la RTT ainsi qu'à sa remise en cause de plus en plus vive.
I / LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
A) DEFINITION :
Dans cette partie, nous nous intéresserons en premier
temps à la loi Aubry qui a motivé les RTT et nous nous centrons
un peu plus dans un deuxième temps sur les réalités
propres au milieu de l'hôtellerie restauration.
1) La loi
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, de
nombreuses lois ont été adoptées en France afin de
réduire le temps hebdomadaire de travail, la plus importante d'entre
elles étant celle des 35 heures de Martine Aubry. Celle-ci a
été adoptée afin de pallier à la hausse du
chômage et contrer la politique de l'emploi. Le but des lois sur les RTT
est de déclencher une hausse de l'embauche au sein des entreprises, mais
la réduction du temps de travail suscite de nombreuses interrogations,
comme par exemple :
· les effets sur l'emploi, les salaires, la
productivité
· les impacts à long terme de la baisse du temps
de travail sur le niveau du chômage
· en ce qui concerne les entreprises : est ce que
les conditions de gains liés aux RTT sont supérieurs aux
coûts qu'elle a pu engendrer ?
· l'amélioration de la qualité de vie des
salariés compense t'elle d'éventuelles dégradations des
conditions de travail ? ....
La réduction du temps de travail touche 3 acteurs qui
ont des objectifs différents :
· L'Etat qui a pour objectif la diminution du
chômage et la relance de l'emploi
· Les entreprises qui recherchent la flexibilité
et la polyvalence de leurs salariés
· Les salariés qui ont une augmentation de leur
temps libre mais pas de leur pouvoir d'achat
Dans sa configuration, le projet Aubry avait prévu un
passage aux 35 heures au plus tard le 1er février 2000 pour les
entreprises de plus de 20 salariés (art.1). Le projet de loi
prévoyait que ce passage aux 35 heures serait négocié dans
le cadre des branches et des entreprises (art.2).
Le passage aux 35 heures a été facilité
par des aides de l'Etat dont la finalité était de favoriser
l'emploi (art.3).
Les conditions d'obtention par les entreprises de ces aides
étaient :
- appliquer une réduction de 10% de la durée du
travail
- embaucher 6% d'effectifs supplémentaires,
- maintenir les effectifs constants pendant une durée
minimale de 2 ans.
Le projet de loi Aubry offrait dans son article 4, la
possibilité d'organiser la réduction du temps de travail sous
forme de jours de repos pour toutes les heures effectuées au delà
du quota légal.
Cependant, l'industrie hôtelière considère
la loi inapplicable à son secteur d'activité ; la majorité
des patrons voient d'un assez mauvais oeil ces réductions du temps de
travail. Certains considèrent d'ailleurs ne pas être
concernés par ces nouvelles dispositions.
Ils reprochent à cette loi d'une part de ne pas avoir
de véritable corrélation entre la baisse du temps de travail et
la baisse du chômage, mais surtout de ne pas tenir compte des horaires
effectives actuelles de la profession. En effet, si comme le dit Alain Jacob,
patron du cabinet de recrutement AJ Conseil en 2001, " le nombre d'heures est
le facteur-clef d'enrichissement de l'entreprise et des employés de
l'hôtellerie restauration ", il en est pas moins que les salariés
travaillent en moyenne de 45 à 50 heures et qu'un passage aux 43 heures
voir 39 heures paraîtrait déjà plus raisonnable !
Aussi, ils considèrent lourd de conséquence le
remaniement du coût salarial : Gérard Fournier*, " nous
n'avons rien chiffré parce que l'abaissement du temps de travail
à 35 heures ne nous paraît pas viable dans nos professions.
D'ailleurs, rien qu'en passant de 43 à 39 heures, la compensation du
Smic augmenterait le taux horaire de 11.4%. Il nous faudrait alors trouver de
la productivité, mais aussi augmenter de manière sensible nos
prix affichés. Cela est impossible ! ".
Mais face à cet acharnement, on assiste à une
véritable dualité du milieu : de plus en plus d'entreprises
appliquent leurs propre conversions (souvent elles pratiquent les 39 ou 35
heures avec un système d'heures supplémentaires). Il s'agit le
plus souvent de l'hôtellerie haut de gamme et de grosses unités
parisiennes où les frais de personnel, on le sait, sont
particulièrement élevés. Ils ont garantis un maintien des
salaires et créé de nombreux postes. Ils représentent une
réussite concluante de la mise en place de la loi et prouvent par leur
expérience qu'une réorganisation partielle de la structure
s'avère possible.
* Gérard Fournier : directeur de la politique
social de chez ACCOR
2) Le problème de la diversité des entreprises
hôtelières :
L'industrie hôtelière reste un domaine
très vaste qui compte une multitude d'entreprises différentes,
aux fonctionnements différents, aux structures variées, proposant
des services multiples et divers... Selon son fonctionnement, chaque branche
attend une réorganisation du temps de travail spécifique et
propre à sa structure ainsi qu'a sa gestion : ceci débouche sur
des accords de branche relatifs à la loi Aubry.
On trouve 3 grands types d'établissements en
restauration :
- Les établissements gastronomiques
- Les établissements de collectivité
- Les établissements traditionnels
Les établissements gastronomiques ont pour
spécificité d'avoir un ratio employé/client identique. Ici
les heures ne se comptent pas et les semaines atteignent facilement 50 à
60 heures autant pour les cuisiniers que pour les serveurs. La
rémunération connaît des écarts très
importants : dans la même entreprise, un meilleur sommelier de France
sera payé environ 2500 à 4000 € alors qu'un commis
débarrasseur touchera juste le Smic. Cette disparité salariale et
professionnelle rentabilise à peine une entreprise.
Les établissements de collectivité ont quand a
eux une organisation méticuleuse des horaires s'apparentant aux
entreprises classiques. Un minimum d'employés doit servir un maximum de
couverts. Des salaires moyens sont repartis suivant la qualification de
l'employé. Ce sont sûrement les seuls pour qui la RTT ne risque
pas de poser de problèmes fondamentaux car elle dispose
déjà d'une organisation stricte de son temps de travail.
Les établissements traditionnels sont composés
en moyenne de 10 salariés. Basés sur une organisation classique
voir familiale, les employés travaillent un maximum d'heures pour a
peine rentabiliser l'entreprise. La polyvalence des employés est
fréquente et leurs salaires sont bas. C'est pour ces entreprises que
l'adaptation à la loi Aubry a été la plus dure et
paraît encore difficile à appliquer aujourd'hui vu la
diversité de ces établissements.
Toutes les modalités à négocier sont
toutes fois les mêmes pour tous : la durée du travail,
l'organisation du travail, la rémunération, les embauches, la
sauvegarde des emplois. Mais elles ne sont pas réglées pour tous
de la même manière.
3) Contraintes et possibilités des RTT dans le cadre
des différentes entreprises :
Face à la diminution de la durée du travail, il
est proposé 3 modes d'organisation :
· au quotidien, le passage de 39 à 35 heures
correspond à une réduction de 48 minutes par jour (4h /
5j).
· hebdomadaire : réduction de 4 heures par
semaine.
· annuel : le calcul de la réduction est
réparti sur l'année. L'organisation au quotidien ou de
façon hebdomadaire se justifie davantage pour des entreprises au
régime régulier, de moyenne voir grande envergure où le
roulement du personnel est plus aisé par leur nombre important.
Cependant, l'annualisation du temps de travail apparaît
comme un réel changement et parfois une réponse pour des
entreprises au régime saisonnier. L'annualisation ou la
saisonnalité a pour objet de permettre à l'employeur de faire
face aux variations de l'activité sans recourir aux heures
supplémentaires en période de pointe ni au chômage partiel,
lors des baisses d'activité. L'annualisation permet, en effet, une
répartition irrégulière du temps de travail sur toute ou
une partie de l'année. Dans les établissements saisonniers, elle
se fera pendant la durée d'ouverture de l'établissement, si
celle-ci est bien évidemment inférieure à 9 mois. Cette
méthode permettra à l'employeur de ne pas payer d'heure
supplémentaire en période de forte activité et de ne pas
avoir en période creuse, recours au chômage partiel.
Concernent la rémunération, le sujet reste
toujours épineux et en cours de négociation : se forçant
de maintenir les salaires à valeur égale, quelques solutions ont
été proposées. La meilleure solution serait une
augmentation du taux horaire et non une indemnité compensatoire qui peut
à terme disparaître et dont seraient exclus les nouveaux
embauchés. On peut pense que ces derniers doivent être
recrutés aux mêmes conditions que les salariés en place.
Certains employeurs essaieront d'obtenir un gel total ou partiel des salaires
pour les années à venir. D'une manière
générale, il faut essayer d'obtenir le maintien du pouvoir
d'achat, sachant que les aides de l'Etat à l'entreprise et les gains de
productivité vont très vite amortir les coûts pour
l'entreprise. Cette condition peut convenir à des entreprises moyennes
mais elle reste trop risquée pour des établissements de prestige
compte tenu du niveau déjà élevé des qualifications
de ses employés et des charges salariales importantes. Dans ce cas la
compensation du salaire peut se faire par le biais d'heures
supplémentaires ou encore de congés augmentés.
Face aux problèmes de recrutement, Martine Aubry
préconisa de faire 6% d'embauches pour 10% de RTT et 9% pour 15% de RTT.
Cependant ce n'est pas évident dans la réalité :
malgré l'aide de l'Etat, l'employeur essayera sûrement de
réorganiser les différents postes de manière à
éviter les lourdes charges d'un nouvel employé.
Malgré la loi Aubry, pour certains
établissements, la réalité n'exclu donc pas la
possibilité de licenciement ou de non recrutement...selon les
possibilité de l'entreprise.
D'apparence simple et adaptable, la loi Aubry sur la RTT, ne
l'est pas et promet beaucoup de complexité dans sa mise en oeuvre
concrète. Comme nous le prouve certains établissements
avant-gardistes sur ces nouvelles dispositions, la loi peut déboucher
sur des fins positives et concluantes, mais pas sans leurre. Une adaptation
spécifique et individuelle à chaque branche voir à chacun
des établissements est nécessaire et incontournable pour mener
à bien sa réalisation dans les règles de l'art.
Séduisante par les valeurs sociales et économiques qu'elle
soutient, la RTT ne pourra faire ses preuves dans le milieu hôtelier que
si elle sait répondre à toutes ses contraintes. C'est à
cet effort, que ce secteur d'activité, qui n'avait auparavant pas eut
à subir les réductions antérieures au monde professionnel,
doit se plier pour assurer la pérennité sociale et
économique de ses hôteliers.
On pourra également se confronter à des nouveaux
contrats précaires qui ne déboucheront jamais sur des CDI.
Là encore, l'adaptation des lois sur le terrain est indispensable avec
la prise en compte des aides financières. Si certains
établissements en bonne santé peuvent recruter plus facilement,
les petites structures devront réaménager les directives de
chaque poste afin de les rendre plus productives pour un minimum de temps. La
sauvegarde des employés est en général certaine, mais la
structure hôtelière peut justement faire la demande de
qualifications différentes qu'auparavant. Elle peut désormais
avoir recours à un personnel plus spécialisé et plus
efficace afin de rentabiliser cette réduction du temps de travail ou
alors au contraire faire la demande d'un personnel plus polyvalent, sachant
s'adapter plus rapidement à un certain nombre de tâches
différentes. Cette proposition est envisageable dans les
établissements dit traditionnels ou à petites structures qui ne
disposent pas d'un régime régulier et- avantageux.
B/ HISTORIQUE DES LOIS ET ACCORDS DE REDUCTION DU TEMPS
DE TRAVAIL :
Trois lois ont encadré la réduction du temps de
travail jusqu'à 35 heures hebdomadaires, dans les entreprises, tout
types d'activités confondues.
Si les deux premières lois, la loi du 11 juin 1996,
dite Robien et la loi du 13 janvier 1998, dite Aubry I, n'étaient
qu'incitatives, la loi du 19 janvier 2000, dite Aubry II, réduit la
durée légale du travail dans tous les établissements de
plus de 20 salariés. Les conditions de réduction du temps de
travail dans le cadre de ces deux dernières lois sont
détaillées ci-dessous.
Dans cette partie, nous ne parlerons pas de
la loi Robien car elle a été abrogée par les lois
Aubry.
La Loi du 13 juin 1998, dite Aubry I
La loi Aubry I incite les établissements à
réduire leur temps de travail en créant ou préservant des
emplois en contrepartie d'aides importantes.
Pour obtenir les aides, l'entreprise doit effectivement
réduire son temps de travail d'au moins 10 %, ce qui lui permet
d'atteindre une durée collective hebdomadaire de 35 heures. La loi Aubry
I contenait deux volets : un offensif et un défensif.
Dans le cas du volet offensif, les entreprises s'engagent
à créer des emplois, au moins 6 % (10 % dans le cadre de la loi
Robien).
Le volet défensif, dans le cas où la
réduction du temps de travail permet d'éviter un plan social et
des licenciements économiques, donne accès également
à ces aides.
L'aide est attribuée pour chacun des employés
auquel s'applique la réduction du temps de travail ainsi que pour ceux
nouvellement embauchés. Elle consiste en des avantages, sous forme de
réductions de cotisations sociales patronales, forfaitaires et
dégressives pendant cinq ans à compter de la date d'entrée
en vigueur de la réduction du temps de travail. L'aide est
dégressive dans le temps pour inciter aux réductions du temps de
travail rapides.
La sortie de ce système d'aides, dites
incitatives, est assurée par la loi Aubry II.
La Loi du 19 janvier 2000, dite Aubry II
Pour les établissements de plus de 20 salariés,
la seconde loi a mis en place de nouveaux allègements de cotisations
patronales comprenant deux composantes :
· une aide pérenne et forfaitaire pour les
entreprises aux 35 heures de 610 € par an et par salarié. (de 1998
au 1er janvier 2002).
· des allégements de charges sur les bas et
moyens salaires de 2 670 € par an et par salarié au Smic,
dégressifs pour des salaires plus élevés jusqu'à
1,8 fois le Smic.
Ces aides, dites structurelles, s'appliquent aux entreprises
ne bénéficiant pas d'autres aides à la réduction du
temps de travail, si l'entreprise a signé un accord majoritaire fixant
la durée du travail à 35 heures sur la semaine ou à 1 600
heures sur l'année et comportant un certain nombre de clauses
(durée du travail, nombre d'embauches prévues ou d'emplois
préservés).
Par ailleurs, certaines entreprises sont non éligibles
aux aides : c'est le cas des grandes entreprises publiques par exemple.
Les entreprises, bénéficiant déjà
des aides incitatives, pouvaient bénéficier des
allègements de charges sur les bas et moyens salaires, puis de l'aide
pérenne quand les aides incitatives cessent.
Les différentes catégories d'entreprise
passées à 35 heures
On distingue fin 2000, six types d'entreprises, parmi
les entreprises de plus de 20 salariés, dont cinq réunissent des
entreprises passées à 35 heures :
· Certaines entreprises sont restées à
39 heures malgré la réduction de la durée légale du
travail et payent à leurs salariés des heures
supplémentaires.
· Les entreprises « Robien »sont
passées à 35 h avant juillet 1998 dans le cadre d'une convention
Robien.
· Les entreprises « Aubry I »
aidées (volet offensif) : elles sont passées aux 35 heures
entre juillet 1998 et janvier 2000. En plus d'allégements de charges,
elles bénéficient d'abord d'aides incitatives, puis des aides
structurelles. Elles sont contraintes légalement à réduire
effectivement leur temps de travail de 10 % et à augmenter l'emploi de 6
%, dans un délai d'au plus un an après la réduction du
temps de travail.
· Les entreprises « Aubry
II » précurseurs : elles sont passées aux 35
heures avant janvier 2000 mais n'ont pas demandé les aides incitatives.
Elles ne sont pas, à ce titre, soumises aux obligations de
créations d'emploi des entreprises Aubry I aidées, ni à
une réduction effective de la durée du travail de 10 %. Elles ont
bénéficié également des aides structurelles
à partir de janvier 2000.
· Les entreprises « Aubry II » :
elles sont passées aux 35 heures après janvier 2000. Elles
bénéficient d'aides structurelles et ne sont pas non plus
soumises aux obligations légales de créations d'emploi et de
réduction du temps de travail.
· Certaines entreprises réduisent leur temps
de travail sans recevoir d'aides, soit parce qu'elles ne sont pas
éligibles aux aides, soit parce qu'elles ne le demandent pas.
Un accord est majoritaire s'il est signé par une ou
plusieurs organisations syndicales ayant recueilli, lors des dernières
élections au comité d'entreprise ou des
délégués du personnel, la majorité des voix ou s'il
est approuvé par la majorité du personnel. Les entreprises de
moins de 50 salariés peuvent appliquer par ailleurs un accord de branche
étendu ou agréé.
Ce passage à 35 heures était suffisant pour
recevoir les aides sans conditions supplémentaires sur la
réduction effective du temps de travail à 10 %. Des entreprises
ont pu ainsi afficher une durée hebdomadaire de 35 heures sans baisser
effectivement leur temps de travail de 10 %. Pour cela, elles ont
redéfini leur temps de travail en en excluant des pauses ou une
sixième semaine de congés payés, auparavant comprises dans
le calcul de leur durée du travail.
C/ LES CONDITIONS PARTICULIERES D'APPLICATION DES RTT
DANS LE SECTEUR DE L'HOTELLERIE RESTAURATION :
Dans ce point, nous traiterons des conditions
particulières qui s'appliquent à l'hôtellerie restauration
en ce qui concerne les réductions du temps de travail.
Les organisations syndicales signataires de cet accord de
branche et de la Convention collective des HCR de 1997 ont sollicitées
son extension dès 1998 afin de rendre obligatoire son application
à l'ensemble des entreprises de ce secteur.
Cet accord fût décisif pour la modernisation
économique et sociale de ce secteur de toute première importance
qui emploie plus de 600 000 salariés dans près de 200 000
entreprises dont la plupart ont moins de 20 salariés.
Cette activité est marquée par des contraintes
d'horaires très fortes, avec actuellement une réglementation qui
lui est propre de 39heures.
Le passage aux 39 heures dans les hôtels,
cafés et restaurants s'est fait par étapes :
depuis la date d'application de l'accord et jusqu'au
31 décembre 2003 ou au 31 décembre 2006 selon la taille de
l'entreprise et en fonction de la durée du travail
pratiquée.
En raison des particularités de ce secteur, le
gouvernement a décidé d'aider ces entreprises :
· par une exonération totale
des charges sociales sur les avantages en nature dont bénéficient
les salariés du secteur. Cette mesure concerne l'ensemble de ces
entreprises avec un effet rétroactif au 1er Janvier 2001
· en s'engageant à aider ces entreprises
à supprimer le régime dérogatoire actuel de durée
du travail spécifique à ce secteur - selon des modalités
en cours de discussion - lorsqu'elles passeront de 43 h à 39 h.
· en prenant un décret dès l'extension
de l'accord qui permettra l'accès aux aides prévues par la loi du
19 Janvier 2000
· en mettant en place dès à
présent un plan d'accompagnement de cet accord. Celui-ci sera
élaboré avec les organisations professionnelles signataires et
associera les organisations syndicales
· des moyens vont être dégagés
pour faire connaître l'accord et aider les entreprises à
l'appliquer.
Tous les professionnels constatent que les durées de
travail excessives, les conditions de travail insatisfaisantes, les
rémunérations souvent peu encourageantes, font obstacle au
recrutement et au maintien des salariés, notamment des jeunes, dans les
entreprises de cette branche.
Il est indispensable que la branche de
l'hôtellerie-restauration organise un dialogue social de qualité
pour réussir sa modernisation.
1) Le contenu de l'accord sur les RTT des Hôtels
Cafés Restaurants (HCR) du 15 Juin 2001 :
Cet accord s'est présenté comme
l'avenant n°1 à la convention collective des HCR. Il entra en
vigueur le premier jour du mois suivant son extension. Les principales mesures
de l'accord sont regroupées en cinq titres liés à la
réduction du temps de travail ainsi qu'un préambule important qui
affirme la nécessité de prévoir une réduction du
temps de travail dans le secteur, même si cette dernière doit
s'effectuer par étape.
LE TITRE PREMIER de l'avenant établit un calendrier de
réduction du temps de travail prévoyant différentes
échéances suivant l'effectif des entreprises et la durée
du travail appliquée à la date de signature de l'avenant.
· Entreprises appliquant une durée de 43 heures
à la date d'application du présent avenant ou ayant réduit
le temps de travail depuis le 13 juin 1998.
- Entreprise de plus de 20 salariés : à compter
de la date d'application de l'avenant réduction à 41 heures puis
réduction d'une heure par an du 1er janvier 2002 jusqu'au 31
décembre 2004, à terme des 39 heures.
- Entreprise de 20 salariés et moins : à compter
du 1er janvier 2002 réduction à 41 heures puis réduction
de deux heures tous les deux ans du 1er janvier 2004 jusqu'au 31
décembre 2006, à terme des 35 heures.
· Entreprises appliquant une durée de 39 heures
à la date d'application de l'avenant à l'exception de celles
ayant réduit le temps de travail depuis le 13 juin 1998.
- Entreprises de plus de 20 salariés :
à compter de la date d'application de l'avenant réduction
à 38 heures puis réduction d'une heure par an du 1er janvier 2002
jusqu'au du 31 décembre 2003, à terme des 35 heures.
- Entreprise de 20 salariés et moins : à compter
du 1er janvier 2004 réduction à 37 heures puis à 35 heures
au 31 décembre 2005.
LE DEUXIEME TITRE prévoit l'aménagement du temps
de travail consécutif à sa réduction, sur une base
annuelle ou saisonnière. Des modalités différentes sont
prévues suivant que l'aménagement s'applique dans les entreprises
de plus de 20 salariés ou dans les entreprises d'au plus 20
salariés. Ce titre traite également de la mise en place du cycle
et de la réduction du temps de travail par l'octroi de jours ou de
demi-journées de repos. Enfin un dispositif de compte épargne
temps est instauré.
LE TROISIEME TITRE traite du temps de travail des cadres avec
une définition pour chaque catégorie : cadres dirigeants, cadres
intégrés et autres cadres. Ce titre prévoit
également la définition et la mise en oeuvre de conventions de
forfait. Le forfait jour est prévu pour un maximum de 213 jours.
LE QUATRIEME TITRE convient du principe de maintien de la
rémunération à l'occasion de la RTT avec la mise en place
d'un complément différentiel de salaire intégré
dans le salaire de base. Il prévoit également la suppression des
modalités de calcul du salaire spécifiques au HCR dès lors
que les entreprises entreront dans le processus de réduction du temps de
travail de droit commun. Enfin une grille de rémunération horaire
brute pour chacun des cinq niveaux et trois échelons de la
classification des emplois est proposée dans le cadre de l'avenant
RTT.
LE CINQUIEME TITRE organise la commission paritaire de suivi
conformément aux lois Aubry. Elle aura en charge d'étudier et
d'évaluer sur le plan national l'impact économique et social de
la réduction du temps de travail
LE SIXIEME TITRE définit le temps partiel
et ses modalités d'application dans la profession, sont
notamment précisés les points relatifs aux heures
complémentaires, supplémentaires ainsi que le régime des
coupures.
2) Les conditions juridiques de l'application de
l'accord :
Elément essentiel du passage du secteur des HCR aux
39h, l'accord nécessite toutefois, un certain nombre de
procédures administratives.
· l'extension :
L'extension consiste à rendre obligatoire, par
arrêté ministériel, une convention ou un accord collectif
de branche aux employeurs entrant dans son champ d'application professionnel et
territorial mais non adhérents à l'une des organisations
patronales signataires (articles L.133-8 à L.134-1 du code du
travail)
L'extension présente un double intérêt
:
- elle permet à tous les salariés d'un
même secteur professionnel de pouvoir bénéficier des
dispositions conventionnelles en matière de garanties sociales. La
convention ou l'accord collectif ne s'applique en effet, avant l'extension
qu'aux salariés dont l'employeur est adhérent au syndicat
employeur signataire.
- elle unifie les conditions d'emploi et égalise les
conditions de la concurrence entre les employeurs d'une même branche
d'activité.
Certaines conditions doivent être réunies pour
permettre l'extension : les organisations syndicales et patronales
représentatives dans le champ d'application professionnel et territorial
visé doivent avoir été convoquées aux
réunions de négociation.
Le texte est transmis aux membres de la sous-commission des
conventions et accords collectifs de travail de la Commission Nationale de la
Négociation Collective. Il fait l'objet d'un avis préalable au
Journal Officiel, d'une instruction administrative et d'une transmission des
observations de l'administration aux membres de la sous commission avant
l'examen en séance.
Cette sous-commission composée de représentants
des salariés (CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC), de représentants des
employeurs (MEDEF, CGPME, UPA, UNAPL, FNSEA) et de représentants de
l'administration se réunit environ tous les deux mois et rend un avis
fondé sur les observations transmises par l'administration.
L'administration peut éventuellement proposer des
observations qui visent à exclure de l'extension certaines clauses en
contradiction avec les textes législatifs. En l'absence d'opposition des
organisations syndicales ou patronales, l'arrêté d'extension est
signé et comporte éventuellement les exclusions et
réserves proposées par l'administration.
Lorsque le texte fait l'objet de deux oppositions
motivées soit du côté des salariés, soit du
côté des employeurs, le ministère doit consulter la
sous-commission à la séance suivante sur la base d'un rapport
détaillé, établi en réponse aux oppositions
formulées. Le ministre décide alors, si les oppositions
persistent, de maintenir ou non la décision d'extension, dès lors
qu'elles sont suffisamment fondées, pour ne pas étendre le
texte.
· le décret durée du
travail :
La fixation des durées du travail prévues par
l'accord nécessite un décret simple.
Le décret a repris l'échéancier
prévu par l'accord RTT. Il prévoit une réduction
progressive puis une suppression des durées dérogatoires dans le
secteur. Il permet à tous les salariés d'être à 39h
au plus tard au premier janvier 2007.
· le décret aides :
Le système d'aide public étant prévu pour
des entreprises travaillant à 35h sans équivalence, il convient
de prendre en compte la spécificité des HCR, les 39h et du nouvel
accord conclu conformément à la loi de financement de la
Sécurité sociale.
· Le décret SMIC hôtelier :
Le passage des entreprises à 39h nécessite
également un aménagement du dispositif spécifique qui
organise le système de Salaire minimum de croissance dans le domaine des
HCR.
De plus, suite à un article paru dans le
journal L'Hôtellerie, dans sa rubrique Juridique, du 6 janvier 2005,
nous pouvons constater que les 2 arrêtés en date du 3 novembre
publiés au JO du 1er janvier 2005 étendent et, par
conséquent ont rendu obligatoires à toutes les entreprises des
HCR l'accord du 13 juillet 2004 sur le temps de travail et l'accord du 2
novembre sur la prévoyance. Ces textes constituent des avenants à
la convention collective. (cf. annexe 1)
Ces dispositions sont applicables depuis le
1er janvier 2005. La profession peut continuer à travailler
sur la base de 39 h pour les petites entreprises et 37 heures pour les plus
grandes qui sont passées aux 37 heures en 2002 selon le décret du
28 décembre 2001; mais en contrepartie, elle supprime le SMIC
hôtelier (cf. annexe 2), accorde une semaine de congés
supplémentaire et 2 jours fériés, réglemente le
travail de nuit et met en place un régime de prévoyance.
3) Le Plan d'accompagnement de l'accord HCR :
Afin d'aider les entreprises à réussir le
passage progressif à 39 heures selon les modalités fixées
par l'accord collectif, un plan d'accompagnement a été mis en
oeuvre, il comprend 3 volets :
· Une action de communication sur la réduction
du temps de travail a eu lieu au cours du 2ème semestre 2001. Cette
action a eu le soutien du secrétariat d'Etat au Tourisme.
· Une campagne d'information
menée par les organisations signataires sur l'accord RTT et les
mesures d'accompagnement dans les régions et les départements.
Cette campagne a pri la forme de réunions d'informations, de remise de
documents, de mise en place d'un service personnalisé (numéro
vert, suivi des entreprises), de formation spécifique pour employeur et
salarié. Le suivi de cette campagne comporte la collecte, l'analyse et
la rediffusion des expériences d'aménagement et de
réduction du temps de travail.
Elle a débutée juste après l'extension de
l'accord. Les services de l'Etat ont apporté leur appui à sa
réalisation.
· Des actions plus larges en faveur de la
modernisation de la profession des HCR, s'appuyant sur la
promotion d'initiatives régionales et locales.
Les organisations signataires et l'Etat ont renforcé
leur coopération aux niveaux régional et départemental
pour répondre aux difficultés de recrutement et essayer de les
pallier, fidéliser le personnel, développer les
compétences de la profession, améliorer les conditions de
travail..... Un groupe de travail fut constitué au niveau national pour
échanger sur les expériences locales déjà
engagées (diagnostics des besoins, plans d'actions, engagements de
développement de la formation...), inciter et accompagner la mise en
place de nouvelles actions.
Le Secrétariat au Tourisme a demandé aux
délégués régionaux au Tourisme de prêter leur
concours à la mise en oeuvre de ce plan.
II/ LES EFFETS POTENTIELS DES REDUCTIONS DU TEMPS DE
TRAVAIL
Peu soucieuse des spécificités sectorielles, les
réductions du temps de travail sont venues perturber les
équilibres financiers et organisationnels, parfois fragiles, des
entreprises. Le paysage économique a ainsi été
profondément modifié par la mise en oeuvre des 35 heures,
qui a obligé les entreprises à trouver des modes d'adaptation
à la contrainte externe qu'a représentée la
réduction du temps de travail. Malheureusement, toutes les entreprises
n'étaient pas, de par leur taille et leur situation économique,
dans la capacité d'absorber correctement le bouleversement des RTT.
Si certaines, bénéficiant le plus souvent de la
taille critique nécessaire, ont su tirer profit d'une modification qui
leur était imposée, d'autres ne sont toujours pas parvenues
à résoudre la difficile équation entre réduction du
temps de travail et maintien de leur compétitivité et de leurs
résultats.
De la même façon, la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail dans le secteur de l'hôtellerie
restauration a engendré de réelles difficultés
d'organisation, et là encore, l'éclatement prédomine.
Toutes les entreprises n'étaient pas égales face au passage aux
39 heures, certaines profitant de l'occasion pour procéder à
des restructurations, d'autre subissant la réforme.
A) UN BOULEVERSEMENT POUR LES ENTREPRISES :
1) Les RTT : une relance du
dialogue social dans l'entreprise ?
Au moment de la mise en place des RTT, les partisans de cette
réforme avaient mis en avant, parmi d'autres, l'idée que
celles-ci seraient un moyen de mettre fin à la situation de blocage du
dialogue social qui perdurait à l'époque.
Quel bilan peut-on tirer à cet égard ?
Certes, la période de mise en place des RTT , ayant
été marquée par une augmentation forte du nombre d'accords
signés, une approche numérique pourrait faire croire en effet
à une relance du dialogue social.
Mais en fait, les entreprises n'ont pas
bénéficié du temps suffisant pour la signature d'un
accord, alors que le temps requis était important puisqu'il convenait
d'étudier au préalable les spécificités de toutes
les catégories de salariés, de remettre à plat tous les
processus de l'entreprise, et d'élaborer une vision stratégique
et prospective des modifications.
Il apparaît donc, et contrairement à
l'idée souvent invoquée, que les RTT n'ont qu'artificiellement
relancé le dialogue social dans l'entreprise, puisque entreprises et
partenaires sociaux ont été contraints de négocier.
L'augmentation numérique des signatures d'accord n'est ainsi pas en
elle-même le signe d'une relance du dialogue social dans l'entreprise,
mais bien le résultat mécanique des négociations qui ont
eu lieu, lesquelles, dans la quasi-totalité des cas, ont
été très difficiles, que ce soit dans les grands groupes
ou dans les PME.
En outre, il n'y a pas eu par la suite de capitalisation de la
relance du dialogue social, du fait d'un certain nombre de freins, tenant
notamment à la complexification considérable du code du travail
ou à la division syndicale. A l'inverse, il semble même que les
RTT aient joué un rôle dans le regain des conflits sociaux. Le
nombre de jours de grève dans les entreprises a ainsi augmenté de
41% en 2000, les conflits ayant été en outre plus longs et mieux
suivis.
Les bilans des conflits du travail, établis par la
direction des relations du travail du ministère de l'emploi et de la
solidarité, montrent que la réduction du temps de travail a pris
une place grandissante dans les motifs de conflits, passant de 12% des motifs
de conflits de 1996 à 1998, à 25 % en 1999 et 28,7 % en 2000. Au
cours du deuxième semestre 1999 et du premier semestre 2001, la
réduction du temps de travail est même devenue la première
motivation aux conflits, avant même les revendications salariales.
Nous ne pouvons que nous faire l'écho des propos de
M. Ernest-Antoine Sellière*, qui a déclaré que
« la mise en place des 35 heures a été une
épreuve. Elle a créé de la tension et de la
complexité sociales dans les entreprises »
2) les coûts induits par
les RTT et les problèmes de compétitivité des
entreprises :
Les coûts induits par les RTT sur les entreprises sont
très importants, et d'autant plus problématiques qu'ils se
maintiennent pour la plupart avec le temps.
Les surcoûts salariaux, en premier lieu, ont eu un poids
certain, bien que différent en fonction de la taille de
l'entreprise. Ainsi, M. Jean-François Roubaud*, a
indiqué que « pour les grandes entreprises, le coût
salarial n'a pas été extrêmement important, un peu plus de
1 %, en raison de l'effet d'aubaine dont n'ont pas profité les
petites entreprises. Elles supportent, pour leur part, une augmentation de
salaire de quelque 15 %, ne serait-ce qu'en raison du réalignement
des SMIC et des augmentations mathématiques auxquelles il a bien fallu
procéder, dès lors que les 35 heures ont été
payées 39. Certes, un allègement des charges a été
prévu par M. Fillon, mais il n'a compensé que partiellement
le coût de l'alignement des SMIC pour les petites entreprises. Tout ceci
me conduit à dire que nous sommes vraiment le seul pays au monde
à consacrer autant d'argent à empêcher les gens de
travailler !
En outre, l'abaissement de la durée légale du
travail, cumulé au plafonnement des heures supplémentaires, a eu
pour conséquence de rationner l'offre de travail, ainsi que, du
même coup, les capacités de production des entreprises qui se
trouvaient en période de croissance de leur activité. De plus,
les négociations, mobilisant pendant de longs mois une partie
conséquente de l'encadrement pour les grandes structures, le chef
d'entreprise lui-même dans les petites structures, ont eu des coûts
certes difficiles à quantifier, mais incontestables et relevés,
d'ailleurs, par l'ensemble des personnes interrogées par la mission. Les
RTT ont de plus entraîné pour les entreprises des surcoûts
organisationnels en deçà de la négociation, du fait de la
complexification de la gestion de leur personnel (gestion des absences et non
plus des présences, allongement du traitement de la paye du fait des RTT
et surtout de la multiplicité des SMIC) et de la désorganisation
de certaines entreprises.
Lorsque les entreprises étaient suffisamment solides,
les surcoûts engendrés par les RTT ont pu être
absorbés, par l'augmentation de la productivité, une
réelle modération salariale, voire plus rarement par une
augmentation des tarifs consécutive à une innovation ou à
une image de marque particulièrement forte.
De plus, si dans l'ensemble les grandes entreprises ont mieux
réussi à tirer partie des RTT , elles se sont au total simplement
contentées de « limiter les dégâts ».
M. Ernest-Antoine Sellière* :
Président du Mouvement des Entreprises De France
M. Jean-François Roubaud* : le
président de la Confédération Générale des
PME
Mais, malheureusement, les surcoûts induits par les RTT
n'ont pas toujours pu être compensés par une augmentation des
tarifs ou par la modération salariale, ce qui a mis beaucoup
d'entreprises en péril, comme cela a été attesté
lors des différentes auditions ou déplacements, notamment
à la CCI de Reims, où un responsable d'une PME
Hôtelière en situation de redressement judiciaire a exposé
longuement les difficultés supplémentaires qu'avaient
créées pour lui les RTT.
B) DEUX APPROCHES DIFFERENTES DE LA MISE EN PLACE DES
RTT :
Comme l'indique un rapport de commission, « du
point de vue des entreprises, les RTT a été un exercice
imposé dans la grande majorité des cas et ne
relève donc pas d'un choix délibéré pour un grand
nombre ». Conscients des conséquences de cette mesure sur
le tissu économique français, les pouvoirs publics avaient
toutefois mis en place des dispositifs d'aides ; ceux-ci ne se sont
cependant pas révélés suffisants pour compenser la lourde
contrainte imposée aux entreprises dans leur gestion financière
et organisationnelle. Conscients aussi des risques pesant spécifiquement
sur les PME et les TPE, les pouvoirs publics avaient de plus mis en place un
dispositif spécifique à ces entreprises, qui ne leur a
malheureusement pas toujours permis de faire face et n'a pas
empêché l'accroissement des inégalités entre grandes
et petites entreprises.
Ce n'est pas une surprise ; dès la mise en oeuvre
de la réduction du temps de travail, de nombreux observateurs avaient
alerté le Gouvernement sur les dangers qu'il y avait à imposer
une réduction du temps de travail de manière uniforme et
impérative.
Ainsi dans un rapport publié dès 1999, le Centre
des jeunes dirigeants estimait que « la loi, centrée sur
la réduction obligatoire du temps de travail, ne fait que changer une
norme et ne tient pas compte de la diversité qui existe entre les
entreprises et qui ne fait que s'accroître ».
Quelque années plus tard, il est malheureux de
constater que ces analyses étaient fondées. Si les
stratégies de gestion du choc externe qu'ont représenté
les RTT ont été diverses et étalées dans le temps,
selon que les entreprises ont ou non choisi de bénéficier des
dispositifs incitatifs de la loi Aubry I, il n'en demeure pas moins que la
réduction du temps de travail a eu de lourdes conséquences pour
l'organisation et la gestion des entreprises, quels que soient leur taille et
leurs secteurs d'activités.
Globalement, il apparaît que si les grandes entreprises
ont été à même de profiter du passage aux
39 heures pour négocier une meilleure organisation du travail et
ainsi augmenter leur productivité, les petites et moyennes entreprises
ont, à l'inverse, le plus souvent été dans
l'incapacité de tirer partie de la négociation sur la
réduction du temps de travail, qui s'est ainsi
révélée pour elles une lourde contrainte
supplémentaire, parfois même un handicap.
Par ailleurs, quelle que soit la réussite ou non du
passage aux 39 heures pour les entreprises, la RTT a dans tous les cas
induits des coûts de gestion et des pertes de compétitivité
pour l'ensemble des entreprises.
Des stratégies diverses
de gestion des RTT :
Comme l'a indiqué un rapport (M. Rouilleault*),
« vis-à-vis de la réduction du temps de travail, la
diversité est la règle ». En effet, ce rapport
recense les multiples cas de figure qui peuvent se présenter au regard
de la situation des entreprises face au passage aux RTT.
Alors qu'un tout petit nombre d'entreprises avaient
réduit le temps de travail à 35 heures ou moins avant 1996,
certaines se sont inscrites dans le cadre de la loi de Robien, dans sa version
offensive ou défensive, d'autres l'ont fait à partir du second
semestre 1998 dans celui de la loi Aubry I, de façon offensive ou
défensive ou même sans bénéficier des aides qu'elle
prévoyait, ou à partir de début 2000 dans le cadre de la
loi Aubry II. D'autres enfin ont procédé à
l'application directe d'un accord de branche.
Une fois passées aux 35 heures, les entreprises
avaient à leur disposition la possibilité de jouer sur trois
paramètres pour préserver leur propre équation
économique : les allègements de charges conditionnés
à la réduction du temps de travail, l'amélioration de leur
organisation et la modération salariale.
Suivant qu'elles ont ou non été dans la
capacité de jouer sur un ou plusieurs de ces paramètres, les
entreprises ont anticipé ou non le passage aux 35 heures et plus ou
moins bien réussi à absorber le choc qu'elles ont
constitué pour elles.
1) Pour les grandes entreprises
hôtelières : la transformation d'une contrainte en moteur de
changement (ACCOR, ENVERGURE, HILTON, BARRIERE.....) :
Bien que les responsables des grandes entreprises aient
été, dans l'ensemble, hostiles au passage aux 39 heures,
ceux-ci, faisant preuve de pragmatisme, ont pour la plupart cherché
à tirer le meilleur parti des dispositifs législatifs, du point
de vue des aides incitatives et de celui des possibilités de
flexibiliser le travail.
Contrairement aux PME, les grandes entreprises ont eu les
moyens financiers de bénéficier des conseils nécessaires
tant pour comprendre une législation, on l'a vu, particulièrement
complexe, que pour trouver les solutions à mettre en oeuvre pour
permettre une nouvelle organisation du travail.
M. Rouilleault* : Directeur général de
l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail
En outre, elles ont bénéficiées de par
l'importance de leurs effectifs, d'une taille suffisante pour envisager des
réorganisations de travail, par la modulation du temps de travail et
l'augmentation de l'utilisation de la durée des équipements. En
permettant de jouer sur la suppression des temps morts, la réduction du
temps de travail a été pour les grandes entreprises l'occasion de
flexibiliser la production, que ce soit pour des raisons de variations
saisonnières d'activité ou d'urgence, et ainsi permis de mettre
en oeuvre un mode d'organisation plus compétitif. En mettant fin au
modèle traditionnel de l'horaire collectif, les négociations ont
abouti à l'invention de formes diverses d'aménagement du temps de
travail : horaires variables, travail en équipe, travail par roulement,
modulation du temps de travail, ou encore raccourcissement de la journée
de travail, octroi de journées ou demi-journées de RTT, compte
épargne temps....
Pour la plupart des grandes entreprises, la mise en place des
39 heures a ainsi eu de réels impacts en termes de
flexibilité. Comme l'indique le rapport Rouilleault, les grands groupes,
qui ont soit négocié un accord-cadre, soit dans chaque
établissement, ont tous lié la question de la réduction du
temps de travail à celle de son aménagement.
Il convient, toutefois, de ne pas surestimer le
bénéfice de l'apport des 39 heures aux grandes
entreprises. Si celles-ci ont été en mesure de
tirer le meilleur parti de cette législation, il n'en demeure pas moins
que la réduction du temps de travail a été vécue
comme une entrave supplémentaire à leur bonne marche.
En effet, il demeure un domaine où les RTT semblent
avoir laissé une trace profonde dans les grandes entreprises. Il
apparaît que les RTT ont initiées une déstabilisation
néfaste de l'encadrement. Les chefs d'entreprise, à leur grand
étonnement, se sont trouvés confrontés à une
démobilisation de leurs cadres dans l'hôtellerie restauration, qui
ont souhaité bénéficier des 39 heures au même
titre que l'ensemble des salariés. La situation a été
d'autant plus délicate que, dans la mesure où l'encadrement
était soumis au champ d'application de la loi, les entreprises n'ont eu
d'autre choix que de négocier sur la durée de travail des
cadres.
Ainsi, l'on est passé, en quelques années,
d'une situation où les cadres étaient parfois soumis à une
durée du travail communément jugée excessive, à une
situation où ils cumulent désormais cinq, voire six ou sept
semaines de congés payés, et leurs journées de
réduction du temps de travail, qui peuvent dépasser 20 jours
annuels.
En revanche, n'oublions pas que
pour les grands groupes, cité ci-dessus, la politique de recrutement fut
booster par les RTT. Ceux-ci constituent un avantage de taille au niveau du
recrutement et par rapport à leurs concurrents.
2) Les 39 heures comme contrainte supplémentaire
d'organisation : l'exemple des petites et moyennes entreprises
d'hôtellerie restauration :
Le passage aux 39 heures a été
particulièrement difficile pour les PME et les TPE du secteur de
l'hôtellerie restauration en particulier, car ils n'étaient pas
vraiment armés pour un tel bouleversement.
Les raisons de cette situation sont multiples. Ces entreprises
n'ont pas facilement accès aux conseils et experts capables de les
accompagner pour préparer ce passage dans les meilleures conditions
possibles, le dispositif d'appui conseil prévu par la loi Aubry
n'offrant pas toujours la garantie de trouver un interlocuteur
compétent.
L'organisation de la négociation a été
particulièrement complexe. Le dialogue social y est
généralement insuffisant, voire inexistant, freinant de ce fait
les possibilités de négociation. Par ailleurs, leurs dirigeants
ont du mal à connaître et à maîtriser les
différents outils d'aménagement du temps de travail existants.
Ces entreprises souffrent du manque de disponibilité de
l'encadrement, trop occupé par le quotidien de l'entreprise, alors que
les cadres ont un rôle crucial à jouer pour accompagner la RTT.
Enfin, ces entreprises ne disposent pas d'une interchangeabilité des
personnes suffisante pour permettre que la réduction du temps de travail
se traduise par des embauches compensatrices et ont du mal à trouver sur
le marché du travail les compétences dont elles ont besoin du
fait de la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur
d'activité.
Les lois Aubry elles-mêmes avaient pris implicitement
acte de la nécessité de traiter différemment les PME et de
ne pas les contraindre à passer aux 35 heures dans les mêmes
conditions que les grandes entreprises. Les plus petites d'entre
elles, celles employant moins de 20 salariés, ont
bénéficié d'un régime particulier, marqué
par un report du passage à 39 heures des modalités de
négociations spécifiques pour l'obtention des allègements
de cotisations sociales, et le maintien du droit existant en matière de
repos compensateur.
Malgré ces adaptations, les difficultés
d'application de la réduction du temps de travail aux petites
entreprises expliquent que leurs dirigeants aient fait preuve d'attentisme et
n'aient pas anticipé le passage aux 39 heures.
Force est malheureusement de constater que la levée de
bouclier que les 39 heures avaient provoquée dans le monde de
l'hôtellerie restauration des PME lors de leur mise en oeuvre
était justifiée : à quelques rares exceptions
près, pour les petites et moyennes entreprises, et en tout premier lieu
les plus petites d'entre elles, les 39 heures ont été un
véritable séisme, bouleversant des équilibres
économiques souvent fragiles et introduisant encore de la
rigidité dans la gestion quotidienne
En 2003, une enquête a été
réalisée sur les conditions de mise en oeuvre des 39 heures,
laquelle semble significative. Ainsi, à la question :
« pourquoi votre entreprise n'applique-t-elle pas les
39 heures », les entreprises hôtelières ont,
à 44 %, mis en avant l'inadaptation à l'activité des
entreprises.
Pourquoi ne pas appliquer les
35 heures ?
|
C'est trop compliqué à mettre en oeuvre en termes
d'organisation
|
11%
|
C'est inadapté à l'activité de
l'entreprise
|
44%
|
C'est un coût trop élevé pour l'entreprise
|
11%
|
C'est impossible de recruter pour remplacer les heures perdues
|
22%
|
Cela ne correspond pas à une demande des
salariés
|
22%
|
L'entreprise préfère payer des heures
supplémentaires
|
11%
|
Autres raisons
|
56%
|
Les sondés pouvant répondre à
plusieurs questions
Source : Enquête SVP (Cabinet de Conseil en
Management) 2003
|
Etude sur 142 entreprises en France, (20 Grandes entreprises,
54 PME, 68 TPE)
Concernant la réduction du temps de travail,
l'enquête relève que certaines entreprises préfèrent
afficher un horaire de 39 heures, et une pratique d'heures
supplémentaires. Elles semblent vouloir afficher leur
opposition à une loi inadaptée aux contraintes de leur secteur
d'activité.
Il ressort toutefois que la quasi-totalité des
entreprises hôtelière a accompli un abaissement du niveau moyen
des horaires. Parmi les multiples explications figure notamment le souci de
limiter les abus par peur des contrôles, de respecter la contrainte du
contingent d'heures supplémentaires et enfin de tenir compte de la
tendance générale des RTT et de son incidence sur la paix sociale
dans l'entreprise.
Pour celles qui n'ont pas opté pour les 39 heures,
l'argument majeur avancé est la menace, ressentie par leurs
salariés, d'une réduction des salaires. C'est également la
garantie d'augmentation future de ceux-ci, d'autant plus
appréciée par les salariés qu'elle intervient dans un
contexte général de modération, sinon de pur blocage, des
rémunérations dans les entreprises ayant procédé
aux RTT. La satisfaction de cette attente permet de conserver les
salariés, en tout cas le noyau dur du personnel. L'enquête note,
toutefois, que les choix qui ont été faits à un moment
donné peuvent changer avec l'évolution de la conjoncture et du
taux de chômage, que ce soit vers un retour aux 43 heures ou un
passage aux 39 heures, dans un égal souci d'attractivité.
Concernant la complexité de la loi, l'étude
relève qu'elle a été parfois rendue inaccessible aux
dirigeants de PME mais aussi aux salariés. Le manque de formation
juridique, l'inexpérience en matière de négociation et
l'insuffisance des conseils ont contribué à ce rejet. Certains
principes de base de la loi étaient méconnus, comme
l'accès direct aux aides prévu dans l'accord de branche. Il
s'agissait pourtant de clés pour l'accès aux aides.
En outre, le fait de négocier un accord d'entreprise a
pu être perçu comme une contrainte par les dirigeants. Certaines
entreprises craignaient de devoir adopter des mesures qui ne leur convenaient
pas. Il en est ainsi des modalités des RTT adoptées par les
entreprises passées aux 39 heures sans accord : sachant que les
salariés voulaient obtenir des jours de RTT, elles n'ont pas
négocié car elles estimaient que les jours qu'elles auraient
dû accorder seraient devenus source de perturbation dans leur
organisation et de baisse nette de production. Cette situation leur a permis
dans de nombreux cas de mettre en place des RTT journalière, qui a
permis de maintenir ou de limiter la baisse de production avec un effectif
constant. Le rejet de la négociation permettait aussi de
préserver l'avenir.
Il convient, cependant, de relativiser ce refus de
négocier. En effet, étant souvent le prolongement de la structure
familiale qui fut à l'origine de leur création, les petites
entreprises d'hôtellerie restauration se caractérisent par une
relation directe avec le personnel. L'employeur reste au contact du personnel
et les relations de « donnant-donnant » sont le quotidien,
tout comme la recherche de compromis sans nécessairement se
référer aux règles légales.
Enfin, le motif essentiel de non-recours aux
aides, y compris dans les entreprises qui remplissaient la plupart des
conditions juridiques prévues par la loi tient aux incertitudes sur
l'emploi. Les dirigeants préfèrent renoncer aux aides publiques
plutôt que s'engager sur un niveau d'emploi qu'ils ne maîtrisent
pas. Les trois lois sur les RTT avaient pourtant, comme on l'a vu,
atténué progressivement cette obligation. D'ailleurs, dans
l'échantillon étudié, peu de créations d'emplois
ont été réalisées, que les entreprises soient ou
non passées aux 39 heures.
Ecarts creusés entre entreprises de moins de
20 salariés et les autres, augmentation des tensions et du nombre
de salariés mécontents, problème du contingentement des
heures supplémentaires, difficultés de recrutements : la
situation qui résulte aujourd'hui de la mise en place de la
réduction du temps de travail dans les PME et les TPE, nombreuses en
hôtellerie restauration est pour le moins préoccupante.
III / LES
CONSÉQUENCES SOCIALES DES RTT : UNE FRANCE À PLUSIEURS VITESSES
Indiscutablement, les RTT ont imprimé une marque
profonde sur la société française. Certes, le
développement de la société des loisirs ne date pas des
RTT , mais, rythmé par la réduction du temps de travail, notre
pays semble accorder une place grandissante aux loisirs, devenus une
préoccupation majeure. Cet engouement ne cache toutefois pas de fortes
disparités, car si les 35 heures ont accru la place des loisirs, elles
ont dans le même temps creusé encore les inégalités
entre ceux qui y ont accès et les autres.
De fait, il apparaît malheureusement, à
l'évidence, que les 35 heures ont été à l'origine
d'un accroissement considérable des inégalités entre
Français : inégalités de temps et de conditions de travail
au sein d'une même entreprise et entre entreprises, mais aussi
inégalités dans la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle, accentuées par la pratique de la modération
salariale, inégalités enfin entre bénéficiaires des
35 heures et « les oubliés » (en hôtellerie restauration
par exemple) des RTT. Il en résulte un renforcement des lignes de
fracture au sein du monde du travail d'autant plus porteur d'inquiétude
pour l'avenir que les 35 heures ont, dans le même temps,
été génératrices d'exclusion et de réduction
du lien social.
Concernant la relation de l'individu à son travail,
enfin, s'il n'est pas discutable que le travail demeure une
référence et un moyen d'intégration dans la
société, il n'en demeure pas moins que la quasi-totalité
des personnes auditionnées par la mission a relevé une distension
du lien entre les salariés et l'entreprise, se manifestant tant par une
démotivation croissante que par une montée de
l'absentéisme, notamment pour raisons médicales. Cette situation
est sans doute liée à l'intensification des conditions de travail
et à l'exigence de polyvalence qui ont résulté des 35
heures et qui ont eu un impact quelle que soit la place du salarié dans
la hiérarchie de l'entreprise. Les cadres n'ont ainsi pas
été épargnés par l'intensification de leurs
conditions de travail, qui est accompagné, comme pour l'ensemble des
salariés, d'un stress et d'une pression supplémentaires.
A) LES 35 HEURES
IMPRÈGNENT LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE : LA FRANCE
RYTHMÉE PAR LES RTT :
Amorcé depuis le début du
20ème siècle, le phénomène
d'accroissement de la place des loisirs dans notre société a
été accéléré par la mise en place des
35heures, qui ont libéré encore du temps libre.
On aurait pu s'attendre à une amélioration de
l'accès aux loisirs pour les personnes qui en étaient le plus
privées. Malheureusement, il n'en a rien été. Loin de
développer leurs activités politiques, associatives ou
syndicales, les Français se sont repliés sur leurs
activités privées traditionnelles, au bénéfice
notamment de la famille.
Plus encore, dans un contexte de dégradation des
conditions de travail, les journées de réduction du temps de
travail ont souvent été vécues comme un moyen de
récupérer d'une activité professionnelle de plus en plus
intense.
Enfin, là encore, les inégalités ont
été accrues, puisque les 35 heures ont accentué les
disparités dans l'accès aux loisirs.
On assiste en outre aujourd'hui à une véritable
« RTT-isation » de la société française,
marquée par une dilatation des temps sociaux et un repli indiscutable
sur la sphère privée et individuelle, ainsi que par un
bouleversement, qui ne va pas dans le sens du progrès, de notre
organisation sociale.
B) LES 35 HEURES ONT-ELLES
ACCENTUÉ LES TRAITS DE LA SOCIÉTÉ DE LOISIRS ?
1) Développement de la
société des loisirs : un phénomène ancien
Autrefois réservé à l'élite et
à la classe dirigeante, les loisirs ont connu tout au long du
20ème siècle une lente mais sûre
démocratisation, amorcée dès 1936 avec la loi sur les
congés payés et la semaine de 40 heures. Mise un temps entre
parenthèses durant les années noires de 1940 à 1945, la
société de loisirs se développe à nouveau
dès la fin de la seconde guerre mondiale. Pour faire face à la
reconstruction, la loi du 25 février 1946 autorise les patrons à
avoir recours à 20 heures supplémentaires par semaine. Mais les
événements de Mai 1968 relancent à nouveau la baisse de la
durée du travail, les accords de Grenelle promettant notamment la mise
en oeuvre d'une politique progressive de réduction de la durée du
travail en vue d'aboutir à la semaine de 40 heures effectives. La loi du
16 juillet 1976 instaure par la suite un repos compensateur au-delà de
44 heures hebdomadaires. En 1978, la négociation interprofessionnelle
échoue suite à la proposition patronale d'annualisation du temps
de travail, et de fixation tant de la durée maximale hebdomadaire
à 50 heures que du contingent d'heures supplémentaires à
280 heures. En 1981, la durée hebdomadaire du travail est portée
à 39 heures. L'année suivante, les lois Auroux obligeront les
entreprises à négocier annuellement la question de la
durée et de l'organisation du temps de travail, sans forcement aboutir a
un accord.
Résultant de la croissance économique des Trente
Glorieuses, le processus de baisse tendancielle de la durée du travail
contribue à dégager du temps hors travail, dont l'importance
croissante explique en partie le développement d'une civilisation des
loisirs de masse. Les années 60 puis les années 70 voient ainsi
la montée en puissance d'une économie liée tant aux
loisirs qu'au tourisme.
Tandis que le secteur primaire perd en importance, se
développe une économie tertiaire, au sein de laquelle les
services liés à la personne et à son entretien occupent
une place prédominante.
Comme l'a souligné le sociologue Jean Viard, sur la
période 1992-2000, la croissance moyenne annuelle a été de
1,6 % contre 3,1 % pour la croissance du secteur des loisirs et de la culture
et 9 % pour le secteur de la communication. Ces deux secteurs ont donc
connu une expansion nettement plus rapide que celle de la moyenne des
consommations. Parallèlement, sur la période 1986-1999, le temps
quotidien consacré aux loisirs est passé de 3 heures 07
minutes à 3 heures 35 en moyenne. Ce phénomène est
d'autant plus marqué que la distinction entre les différents
temps : temps de travail et temps libre, temps quotidien, temps
hebdomadaire et temps mensuel, s'estompe progressivement.
La société française est marquée
aujourd'hui par la consommation tant de loisirs que d'éducation, de
culture et de vacances, qui représente une part conséquente du
budget des ménages (près de 9 % de leur budget total, dont la
moitié pour les dépenses culturelles). En se développant,
les loisirs se sont uniformisés, au profit de la
télévision, grande bénéficiaire de ce mouvement :
en 2001, la presque totalité des ménages vivant en France
métropolitaine étaient équipés d'un
téléviseur couleur, et 70 % d'entre eux possédaient un
magnétoscope. Ce média, diffusant une culture certes accessible
à tous mais standardisée, s'est taillé de fait la part du
lion dans l'utilisation du temps libre
Les rapports entre temps de travail et temps de loisirs sont
donc radicalement différents de ce qu'ils ont pu être par le
passé. En 1800, le travail représentait près de 50 % de la
vie éveillée contre 10 % pour le temps libre ; il en
représente aujourd'hui 12 % contre 30 % pour le temps libre. Les
proportions sont radicalement inversées. Alors qu'autrefois les temps
libres, et au premier rang d'entre eux le repos dominical et les jours
fériés, avaient pour objet de permettre aux travailleurs de se
reposer, ceux-ci ont totalement changé de nature. Les temps libres sont
aujourd'hui des temps pour soi, déconnectés de toute relation
avec l'occupation professionnelle, recentrés sur les goûts et les
besoins privés, sur la sphère intime.
2) En leur donnant encore plus
de place, les 35 heures ont accentué les inégalités
d'accès aux loisirs :
Alors qu'en 1936, la réduction du temps de travail
était dictée par le souci de donner du temps libre aux
travailleurs, les lois Aubry avaient pour objectif premier non pas
l'accroissement du temps libre mais le partage du travail. Cependant, l'impact
attendu sur l'accroissement de loisir en résultant était un
élément qui avait été pris en compte.
Augmentant encore le temps disponible, les lois sur les 35
heures ont-elles pour autant amélioré la situation des
Français quant à l'accès aux loisirs ? Il apparaît
malheureusement à l'analyse que si la réduction du temps de
travail a eu un effet réel sur la consommation de loisirs, elle a par
là même accentué les inégalités
d'accès qui caractérisent cette consommation et
créé une déception à la hauteur des attentes
suscitées.
Malheureusement : un impact limité sur les
départs en vacances
Concernant les voyages, les 35 heures ont introduit des
modifications réelles mais limitées. A la demande du
secrétariat d'Etat au tourisme, le Centre de recherches pour
l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) a
réalisé en 2002 une étude sur l'incidence des 35 heures
sur le comportement de départ des Français, dont il ressort que
si les 35 heures n'ont pas modifié le volume global des départs
des Français, elles ont toutefois joué sur la façon de
partir. Entre 2001 et 2002, les départs des Français ne se sont
pas globalement accrus. En revanche, la structure des vacances a
été modifiée par la réduction du temps de travail.
Un cinquième des bénéficiaires des RTT ont ainsi
déclaré avoir bénéficié de vacances plus
longues, en accolant des jours de RTT aux congés légaux ; 12
% ont déclaré être partis en week-end grâce à
la RTT, et 9 % avoir fait des départs supplémentaires «
à la journée ». Deux phénomènes apparaissent
clairement.
D'une part, les 35 heures ont permis une
désynchronisation des flux, en facilitant les départs au dernier
moment, le décalage sur la semaine des départs et des
arrivées ceux-ci n'ayant plus forcément lieu comme auparavant le
vendredi soir ou le samedi matin et le dimanche et l'étalement des
congés sur l'ensemble de l'année. Les 35 heures ont, d'autre
part, donné un coup de fouet aux séjours de proximité,
dans les régions de résidence, et favorisé le commerce,
les parcs de loisirs et les visites culturelles lors d'excursions ponctuelles.
Evolution de la fréquence des séjours
depuis les RTT
(en %)
|
|
Week-ends et séjours courts
|
Séjours longs
|
Plus souvent
|
Inchangé
|
Moins souvent
|
Plus souvent
|
Inchangé
|
Moins souvent
|
Cadres
|
49,9
|
43,4
|
1,3
|
28,5
|
68,7
|
0,9
|
Professions
intermédiaires
|
32,7
|
56,3
|
1,8
|
15,9
|
76,5
|
1,1
|
Employés et ouvriers
|
20,3
|
60,6
|
2,9
|
9,7
|
75,8
|
1,3
|
Source : La réduction du temps de travail, des
politiques aux pratiques - La Documentation française - juin
2003
|
Comme nous pouvons le constater, seulement les cadres partent
en week-end ou courts séjours plus souvent, alors que pour les
employés et les professions intermédiaires la situation n'a pas
beaucoup changée.
Ces modifications de comportement n'ont toutefois pas eu,
comme on aurait pu l'espérer, d'incidence majeure sur l'économie
touristique. Comme l'a justement fait remarquer M.André Daguin*,
« est-ce que les 35 heures ont eu une influence sur la
fréquentation des hôtels et restaurants ? C'est un jeu à
somme nulle. Les petites auberges à une heure ou une heure et demie de
voiture des grandes villes ont connu des week-ends plus
fréquentés. Dans le même temps, les hôtels des
grandes villes perdaient une ou deux nuitées. Au final, cela s'est
compensé. »
De fait, les départs supplémentaires
générés par les RTT se sont concrétisés par
des séjours en famille ou chez des amis (dans des hébergements
non-marchand) pour 15 % des bénéficiaires des RTT
interrogés. En outre, l'accroissement supplémentaire de temps
libre résultant des 35 heures n'a finalement que peu profité aux
départs en voyage, qui sont en queue des occupations citées par
les bénéficiaires des RTT.
Les personnes interrogées selon une étude du
Ministère du Tourisme en Novembre 2005 déclarent en effet avoir
affecté leur surcroît de temps disponible au repos (47 %),
à la famille et aux enfants (45 %), au bricolage et au jardinage (41 %),
aux amis (34 %), au shopping (33 %), à la télévision (31
%), aux tâches domestiques et ménagères (27 %), aux sorties
(23 %) et aux activités sportives (20 %) bien avant les voyages (16 %
des citations).
Seules activités moins souvent citées que les
voyages : les activités artistiques et créatives (11 %) et
surtout les activités associatives (10 %), dont les promoteurs de la
réforme attendaient pourtant un regain.
Un impact décevant sur l'hôtellerie &
les loisirs
Au-delà des simples départs en vacances, c'est
l'ensemble des activités de loisirs, d'hôtellerie, de
para-hôtellerie et de restauration qui auraient pu être
dynamisées par les 35 heures. Or, tant les observateurs que les
études relèvent d'une part que les habitudes en terme
d'occupation de temps libre n'ont pas été modifiées, et
d'autre part que les inégalités d'accès aux loisirs qui
préexistaient ont encore été accrues.
Alors qu'elles auraient pu créer un mouvement
général d'engouement pour les loisirs, les 35 heures ne se sont
en réalité pas traduites par une modification en profondeur de la
pratique des loisirs.
En effet, les conditions de mise en oeuvre des RTT,
s'accompagnant d'une intensification du travail et d'exigences accrues en
matière de flexibilité, ont dans bien des cas provoqué des
situations de stress et de fatigue, parfois dramatiques. De ce fait, loin
d'utiliser la réduction du temps de travail pour se divertir, les
salariés l'ont consacrée le plus souvent au repos, faute de
moyens. Ce phénomène a été souligné à
maintes reprises.
M. André Daguin* : président de
l'Union des Métiers et des Industries de
l'Hôtellerie
En outre, les 35 heures ont eu pour effet pervers
d'accroître encore les inégalités dans le temps libre qui
sont en France aussi fortes que les inégalités de revenus.
· première inégalité : les RTT n'ont
été réellement libératrices de temps libre que pour
les salariés qui ont bénéficié de journées
ou demi-journées de RTT. A l'inverse, ceux pour qui elles se sont
traduites par une réduction de quelques minutes de l'horaire de travail
quotidien n'en ont tiré aucun bénéfice pour leurs
loisirs.
· s'y ajoute une seconde inégalité, qui
réside dans la réalité de la contrainte
économique, laquelle a pesé lourdement pour nombre de
salariés. En effet, la modération salariale accompagnant la mise
en oeuvre des 35 heures qui ont ainsi été en grande partie
supportées par les salariés, et au premier chef les plus modestes
d'entre eux n'a pas permis aux ménages les moins fortunés de
tirer bénéfice de l'accroissement de leur temps libre au profit
de leurs loisirs. Ceci explique sans doute en partie l'appréciation sans
équivoque selon laquelle 44 % des personnes soumises aux 35 heures
seraient prêtes à « renoncer à leurs jours de RTT
en contrepartie d'une hausse de salaire » (selon un article de
la Confédération Française Démocratique du Travail
2003).
Loin d'augmenter les loisirs pour tous, les 35 heures ont donc
créé encore de nouvelles inégalités.
Force est de constater que ce sont en fait les personnes qui
partaient déjà le plus qui ont accru leur départ
grâce aux 35 heures, à savoir les cadres et les Franciliens. Alors
que 16 % de la population est partie en vacances et au moins quatre fois en
week-end en 2002, population que le CREDOC qualifie de «
privilégiés du départ », les « habitués
du non-départ », qui n'ont bénéficié ni de
week-end, ni de vacances depuis deux ans, représentent plus du tiers de
la population : « retraités, bas revenus et non
diplômés y sont surreprésentés. Chez eux,
finalement, les RTT n'ont eu guère d'effet en matière de
tourisme ».
C) LES RTT ONT RENFORCÉS LES LIGNES DE FRACTURE AU SEIN DU MONDE DU TRAVAIL :
Quelle a été l'influence de la réduction
du temps de travail sur l'évolution des conditions de travail au sein de
l'entreprise ?
L'impact de la mise en oeuvre de la réduction du temps
de travail n'est ni uniforme ni univoque. Les conséquences des 35 heures
sur les conditions de travail dans l'entreprise sont ainsi diverses et
fonctions de divers paramètres se cumulant tels que la taille de
l'entreprise, sa bonne ou mauvaise santé économique, et la place
des salariés dans la hiérarchie. Ainsi les 35 heures ont-elles en
fait accentué les lignes de clivage qui leur préexistaient entre,
d'une part, petites et grandes entreprises, et, d'autre part, cadres et non
cadres. Au total, il est indéniable qu'il existe des gagnants et des
perdants des 35 heures.
1) L'accentuation du clivage
entre les salariés des PME et des grandes entreprises :
Un constat s'impose : la réduction du temps de travail
a malheureusement encore creusé le fossé séparant les
salariés des petites entreprises et ceux des grandes.
Un premier clivage a été institué entre
les entreprises passées aux 35 heures et celles n'y étant pas
passées, qui sont essentiellement des très petites
entreprises. Une hiérarchie entre les entreprises, fonction de
l'état de la réduction du temps de travail, s'est
instaurée dans l'esprit des demandeurs d'emploi : tous les chefs
d'entreprises interrogés par la mission ont constaté que
l'existence ou non d'un accord sur la réduction du temps de travail est
devenue la question principale des candidats à l'embauche, que ceux-ci
postulent à des postes d'ouvriers ou à des postes de cadres.
Par ailleurs, lorsque des accords ont été
négociés dans les PME, ceux-ci ont été le plus
souvent beaucoup moins favorables aux salariés que ceux conclus dans les
grandes entreprises.
Au-delà du fossé entre grandes et petites
entreprises, les RTT ont également accru les différences au sein
de ces dernières : celles passées aux 35 heures disposent
aujourd'hui d'un avantage comparatif comparable à celui que les grandes
entreprises détiennent sur l'ensemble des PME.
De fait, si les 35 heures n'ont pas créé
les difficultés d'attractivité des PME, elles sont toutefois
venues renforcer le clivage qui existait déjà entre les
salariés des grandes entreprises, bénéficiant d'avantages
sociaux (oeuvres sociales, formation...), et professionnels (mobilité,
possibilité d'évolution,...), et ceux des petites et moyennes
entreprises, pénalisés à la fois par des
rémunérations et des avantages sociaux plus faibles et une
durée du travail plus élevée.
Or, cette situation est préoccupante, dans la mesure
où, dans les années à venir, les PME vont être
confrontées à des difficultés de recrutement encore
supérieures à celles, pourtant considérables, qu'elles
connaissent actuellement.
2) Le renforcement des clivages
entre les salariés au sein même de l'entreprise :
Ayant accentué le clivage entre salariés des
petites et grandes entreprises, les RTT ont en outre accru également les
clivages au sein même de l'entreprise, en n'ayant pas la même
incidence selon la place que les salariés occupent dans la
hiérarchie.
Les cadres sont-ils les grands gagnants des RTT ?
Les 35 heures ont fragilisé la catégorie de
cadres et dégradé leurs conditions de travail. Longtemps
caractérisés par un temps de travail très
élevé et par leur zèle, les cadres ont toujours plus
travaillé que les autres salariés. La période qui a
précédé la mise en oeuvre des 35 heures était
d'ailleurs celle d'une grande tension entre les cadres et les entreprises au
sujet même de leur durée de travail.
Alors qu'ils avaient jusque-là toujours
considéré qu'ils n'avaient pas à compter leur temps, les
cadres ont commencé à revendiquer un contrôle plus strict
de leurs horaires au tournant des années 1990. Touchés eux aussi
par le chômage alors qu'ils s'étaient pleinement
dévoués à l'entreprise, les cadres se sont sentis trahis :
« avant les années 1990, les cadres vivaient leur relation à
l'entreprise comme une relation de confiance ».
En contrepartie d'une stabilité de l'emploi, les cadres
acceptaient de travailler pour l'entreprise sans compter leur temps. Cette
relation a été fortement déstabilisée, lorsque les
cadres ont découvert que les entreprises pouvaient les licencier sans
aucune hésitation, et bien souvent dans un but purement financier, soit
pour accroître la valeur du capital, soit pour assurer une meilleure
rémunération aux actionnaires
De ce fait, lors de la mise en place des 35 heures, les cadres
se sont montrés, dans leur grande majorité, très attentifs
à ne pas être lésés par rapport à l'ensemble
des salariés. Malgré un certain scepticisme quant au changement
que la réduction du temps de travail était susceptible d'apporter
sur leurs propres conditions de vie, tant personnelles que professionnelles,
malgré aussi la crainte d'une dévalorisation, les cadres ont
été porteurs d'une revendication forte et extrêmement
claire : celle de bénéficier, à l'instar des autres
salariés, des modalités de réduction du temps de travail.
Par ailleurs, il n'est pas rare, comme l'ont souligné
à maintes reprises les personnes auditionnées, que les cadres
aient du mal à bénéficier de toutes leurs journées
de réduction du temps de travail, même si la période
d'adaptation terminée, le nombre de journées non prises tend
à décroître. A cet égard, il est regrettable que les
formules d'épargne de ces temps de repos non utilisés ne soient
pas plus développées.
Toute la tâche d'organisation des équipes et de
l'activité de l'entreprise repose avant tout sur les cadres, qui
subissent donc sa plus grande lourdeur avec la réduction du temps de
travail.
Les 35 heures : un facteur de fragilisation des
salariés du bas de l'échelle et de ceux des petites entreprises
:
La réduction du temps de travail s'est traduite dans la
grande majorité des entreprises par une pression accrue sur les
travailleurs, créant une intensification des conditions de travail pour
l'ensemble des catégories de salariés. Mais si les cadres ont
été le plus souvent à même de compenser cet
accroissement par une plus grande liberté dans l'organisation de leur
travail, la flexibilisation a souvent rimé pour les salariés les
moins qualifiés et les moins bien placés dans l'entreprise avec
un accroissement des contraintes professionnelles exercées sur eux, sans
réelle compensation en termes de dégagement de temps personnel,
alors même que la modération salariale est venue obérer
leur pouvoir d'achat.
La fragilisation des salariés du bas de
l'échelle a donc pris la double forme d'une intensification des
conditions de travail et d'un frein à l'évolution des
rémunérations de ces salariés.
L'intensification des conditions de travail :
Les 35 heures ont ainsi fragilisé encore la position
des salariés les moins favorisés dans l'entreprise, et accru un
peu plus les clivages existant entre les différentes catégories
de salariés. Pour les plus fragiles d'entre eux, plus que le temps
libéré, c'est la nature des règles relatives aux
délais de prévenance et au choix des journées de
réduction du temps de travail qui apparaissent importantes ; or,
les salariés les moins bien placés dans l'échelle
hiérarchique ainsi que dans les petites entreprises n'ont pas toujours
été en mesure de négocier ces règles à
leur avantage.
Dans bien des cas, les salariés ont vu
disparaître des tolérances, qui leur semblaient acquises, sur les
temps de pause informels (pause « café », pause
déjeuner un peu plus longue que prévue,...). Les employeurs,
contraints à se montrer sourcilleux, ont développé une
intolérance à ce genre de pratiques, pourtant essentielle aux
bonnes conditions de travail de leurs employés.
La modulation des horaires a pu de ce fait se traduire
pour certains salariés par une véritable tyrannie exercée
par le temps de travail sur le hors travail.
Les 35 heures ont donc été un facteur aggravant
des difficultés préexistantes. L'intensification des conditions
de travail a été d'autant plus durement ressentie que les
travailleurs étaient ou non formés, en bonne santé,
contraints par leur vie familiale, bien placés dans la hiérarchie
de l'entreprise.... Pour celui qui a dû faire face à un
accroissement de sa charge de travail sans bénéfice en termes
d'amplitude horaire, voire même au contraire avec des contraintes
d'organisation accrues du fait de la modulation des horaires, les
35 heures ont pu devenir source, au mieux de mécontentement, et au
pire de souffrance.
3) Un problème important : l'évolution des
rémunérations a été freinée :
Outre la dégradation des conditions de travail et
d'articulation entre vie professionnelle et vie privée, les 35 heures se
sont accompagnées d'une modération salariale qui a pesé
sur tous les salaires, mais dont les effets se sont faits le plus fortement
ressentir sur les plus bas d'entre eux.
Certes, le phénomène de la modération
salariale ne date pas des 35 heures : la désindexation des salaires sur
l'inflation, cumulée à la montée du chômage, ont
été à son origine. Toutefois, comme l'a montré une
étude récente de l'INSEE, ce processus a été
accentué à partir de 1998 par la mise en place des 35 heures. De
fait, pour compenser la réduction du temps de travail, la plupart des
accords ont posé le principe d'une modération des salaires dans
les deux années suivant leur signature.
L'INSEE souligne que les salaires du secteur des services,
nets de cotisations sociales et déflatés des prix à la
consommation, ont connu des évolutions particulièrement
dynamiques entre 1996 et 2000 (+ 8,2%). Plusieurs facteurs ont contribué
à ce résultat : la baisse des cotisations salariales, le recul de
l'inflation et la hausse du niveau de qualification. Néanmoins, l'INSEE
met en évidence le « contexte de modération salariale
liée à la réduction du temps de travail »
Si elle rappelle que pour 90 % des salariés, la
réduction du temps de travail n'a entraîné aucune perte de
salaire (une compensation étant réalisée sous la forme
d'une hausse du salaire horaire ou d'une prime spécifique incluse dans
le salaire de base), l'INSEE souligne que cette compensation s'est, pour plus
de la moitié des salariés concernés par un accord de
réduction du temps de travail, accompagnée d'un gel ou d'une
augmentation moindre des salaires pendant une durée moyenne de deux ans.
Par ailleurs, l'INSEE met en évidence « un
resserrement des bas salaires vers le SMIC», notamment parce que si
« les salariés rémunérés au niveau du
SMIC ou des garanties mensuelles de rémunération ont leur pouvoir
d'achat garanti par des mécanismes de revalorisation, ce n'est pas le
cas des salariés rémunérés légèrement
au-dessus des minima légaux, qui ont vu leur salaire freiné par
les accords de modération salariale liée à la
RTT.»
Enfin, l'étude de l'INSEE fait apparaître que
« la réorganisation du travail liée à la RTT a
entamé certaines primes ». En effet, la modération
salariale n'a pas porté seulement sur le salaire de base, mais s'est
également traduite dans les rémunérations annexes et en
particulier sur les primes. La part des primes dans la
rémunération globale a ainsi diminué entre 1999 et 2000,
surtout pour les ouvriers pour lesquels elle est passée de 13,9 % en
1999 à 12,7 % en 2000. Cette diminution a concerné surtout les
primes liées aux contraintes de poste. En effet, à
activité et à structure de qualification données, «
les entreprises passées aux 35 heures » ont
attribué en 2000 moins de primes de contrainte de postes que les
entreprises restées à « 39 heures » ». Cette
limitation des primes a surtout concerné les ouvriers, pour lesquels ce
type de primes est une composante importante de la rémunération.
De même souligne l'INSEE, « l'annualisation et la modulation du
temps de travail ont entraîné la transformation de certaines
heures supplémentaires en heures prises en compte dans la durée
légale, ce qui a induit un manque à gagner pour les ouvriers et
les employés.»
4) Les 35 heures : une aubaine pour les femmes ?
La mise en place des RTT a suscité de fortes attentes
auprès de la population salariée féminine,
traditionnellement demandeuse d'une amélioration de la conciliation
entre les contraintes de la vie professionnelle et celles de la vie
privée. Cette aspiration à un meilleur équilibre de vie
était en effet présente dans l'esprit des lois sur les
35 heures. Qu'en est-il exactement aujourd'hui ? Les femmes ont-elles
retiré un bénéfice personnel et professionnel de la mise
en place de la réduction du temps de travail ?
Les problématiques féminines ne semblent pas
avoir été spécifiquement prises en compte lors des
négociations sur la réduction du temps de travail, ce qui est
regrettable, dans la mesure où il y avait là matière
à une réflexion sur la façon de modifier le
caractère sexué de la division du travail, les femmes
n'occupant pas les mêmes postes que les hommes, du fait notamment d'une
disponibilité professionnelle jugée insuffisante, et
d'améliorer la position des femmes dans l'entreprise. L'influence de
cette réforme sur la place des femmes dans l'entreprise est sujette
à discussion.
D'une part, l'impact des RTT sur la conciliation entre vie
privée et vie professionnelle est globalement jugé positif par
les femmes qui travaillent, puisqu'elles étaient 61% à constater
une amélioration en mai 2001. Toutefois, au-delà de ce
résultat global, les opinions divergent fortement en fonction de la
place des femmes dans la hiérarchie de l'entreprise et de la
catégorie socioprofessionnelle à laquelle elles appartiennent. Si
les femmes cadres constatent une amélioration à 72,5 % de
leur vie quotidienne - contre 8 % constatant une dégradation, et
19,5 % aucun changement -, seules 40,2 % des femmes non
qualifiées font le même constat, alors qu'elles sont 20,4 %
à ressentir une dégradation et 39,5 % à ne voir aucun
changement.
Mais ces disparités sont encore plus fortes concernant
l'impact des RTTsur l'évolution des conditions de travail.
Evolution des conditions de travail selon le sexe et la
catégorie socioprofessionnelle
(en %)
|
|
Catégorie socioprofessionnelle
|
Conditions de travail
|
|
Amélioration
|
Sans changement
|
Dégradation
|
Hommes
|
Cadre
|
29,2
|
42,9
|
27,9
|
Intermédiaire
|
30,9
|
40
|
29,1
|
Qualifié
|
24,3
|
47,3
|
28,4
|
Non qualifié
|
24,2
|
48,5
|
27,4
|
Ensemble
|
27
|
44,8
|
28,3
|
Femmes
|
Cadre
|
42,4
|
39,3
|
18,4
|
Intermédiaire
|
21,3
|
50,9
|
27,8
|
Qualifié
|
25,2
|
49,2
|
25,5
|
Non qualifié
|
20,9
|
43,7
|
35,4
|
Ensemble
|
25,1
|
47,7
|
27,2
|
Ensemble
|
26,4
|
45,6
|
28
|
Source : RTT et Modes de Vie - DARES 2004
|
Suite à cette étude, nous pouvons constater que
29,2% des hommes cadres ainsi que 42,4% des femmes cadres ont constaté
une amélioration de leurs conditions de travail depuis la mise en oeuvre
des RTT.
Ainsi, bien que les femmes soient plus nombreuses que les
hommes à se déclarer satisfaites des RTT, elles ne constituent
toutefois pas un groupe homogène, et les clivages entre les
différentes catégories de salariés se reproduisent au sein
de la population féminine. Au-delà de la satisfaction des femmes
cadres, qui étaient celles qui souffraient le plus, avant la mise en
place des RTT, d'un manque de temps pour leur vie personnelle, demeure la
déception des autres femmes salariées, et notamment des femmes
non qualifiées, pour qui les 35 heures sont finalement venues
introduire plus de contraintes que de souplesse, tant dans la vie au travail
que dans la vie privée. Ces dernières ont en effet subi de plein
fouet les contraintes de la flexibilité, qui s'est souvent soldée
pour elles par une désarticulation de leurs différents temps de
vie, alors même que leur temps de travail est fortement contraint par les
impératifs de la vie familiale et domestique.
En effet, la modulation du temps de travail est source d'une
irrégularité particulièrement préjudiciable pour
les femmes qui ont, dans leur grande majorité, même si les choses
évoluent pour les jeunes générations, la charge de
l'organisation de la vie familiale.
D) LES 35 HEURES GENERATRICE
D'EXCLUSION ET DE REDUCTION DU LIEN SOCIAL :
La réduction du temps de travail est
génératrice d'exclusion au moins à deux niveaux. D'une
part, en comprimant les heures disponibles, et en poussant les salariés
à être de plus en plus productifs, les RTT ont fermé la
porte de l'entreprise aux personnes les moins performantes car les responsables
d'entreprise sont à la recherche des salariés les plus productifs
avec une rentabilité horaire la plus importante possible.
D'autre part, elles ont accru encore les différences de
statuts entre salariés de la fonction publique et du secteur
privé d'un côté, et bénéficiaires de la
réduction du temps de travail et ceux n'en bénéficiant
pas, de l'autre.
1) Les RTT facteur d'exclusion
des salariés les moins performants :
Si les salariés les plus performants ou employés
par des structures « solides » ont pu tirer leur
épingle du jeu, il n'est pas sûr que ce soit le cas des personnes
les plus précaires, qui ont du mal à trouver leur place dans des
entreprises où les salariés sont de plus en plus soumis à
des impératifs de performance et de rentabilité. Si cette
situation n'est évidemment pas uniquement due aux 35 heures,
celles-ci ont toutefois encore augmenté la pression, au détriment
d'un certain rôle social et intégrateur de l'entreprise.
2) Les RTT facteur
d'accroissement des clivages entre secteur public et secteur privé et
entre bénéficiaires ou non bénéficiaires des
RTT :
Les RTT ont encore accru les clivages au sein du monde du
travail entre secteur public et secteur privé. En effet, le contraste
entre secteur marchand et fonction publique s'est pour le moins
consolidé, dans la mesure où la RTT au sein des fonctions
publiques d'Etat et territoriale s'est faite selon la modalité la plus
favorable pour les salariés, à savoir l'octroi de jours de RTT,
en l'absence quasi-totale de réorganisation pouvant être à
l'origine de contraintes nouvelles. Le même type de contraste existe
aussi entre ceux qui bénéficient des 35 heures et ceux qui
n'en bénéficient pas.
Il existe en effet, les oubliés des RTT. Seulement 60
%. des personnes travaillant dans le secteur marchand sont concernées
par les 35 heures : il y a donc 40 % des actifs dans le secteur
marchand, à l'instar des chefs de PME qui ont dû travailler plus
pour compenser les RTT accordée aux salariés, qui ont pour la
plupart, du fait du sentiment de devoir payer les 35 heures aux autres,
développé une certaine amertume risquant d'aboutir à un
véritable communautarisme social.
Dans une enquête publiée en juin 2003, le
magazine Liaisons sociales remarquait que « la France
carbure aux deux-temps. Il y a ceux qui partent en congé ou en week-end
prolongé et ceux qui les regardent partir. ». Les auteurs
notaient, à juste titre, que
« l'exaspération des exclus des 35 heures est
aujourd'hui perceptible » et que « la
goutte d'eau des 35 heures a fait déborder le vase des rancoeurs
accumulées par les salariés des petites entreprises et par la
vaste galaxie de tous ceux qui travaillent à leur
compte «.
IV/ REMISE EN CAUSES DES RTT
A) LE DESASTRE ECONOMIQUE DES RTT :
Dès maintenant nous savons qu'il s'agissait bien d'une
décision marquée par très peu de préparation,
l'absence d'expérimentation et le mépris des
conséquences.
PREMIERE IDEE FAUSSE : Les 35 heures sont dans la
continuité de la tendance de la baisse de la durée du travail.
Les économistes montrent que dans ce domaine rien n'est
linéaire. Sans compter que la situation de l'emploi ne s'y prêtait
pas. On a en fait oublié :
· que la France avait déjà une des
durées du travail les plus faibles
En 1997, avec 1605 heures de travail par an par
salariés, la France travaillait déjà moins que 14 pays de
l'OCDE* dont certains réputés pour un grand pragmatisme social
comme la Suède, la Finlande ou l'Islande. Ainsi, les Etats-Unis,
travaillaient 15 % de plus, le Japon, 16 %, l'Australie 16 %, le Mexique 20 %,
la République tchèque, 29 % et la Corée 52 %.
· que la France est de surcroît un des pays qui fait
le moins travailler sa population en âge de travailler, les jeunes et les
plus âgés notamment.
OCDE* : Organisation de Coopération de
Développement Economique
Les jeunes prolongent leurs études, les
quinquagénaires partent en préretraite, Ainsi de 1981 à
2000, le taux d'activité des Français de 20 à 24 ans est
passé de 72,8 % à 51,2 %. Celui des Français de 60
à 64 ans de 34 à 14,5 %. Le taux d'activité des 55-59 ans
est lui aussi un des plus bas de l'OCDE. Le taux d'activité globale, des
15-64 ans, n'est lui que de 68,6 % en 2000.
1) Dans de nombreux pays la durée de travail
remonte :
La Suède, (dans le hit parade traditionnel des
avancées sociales) a le palmarès de la hausse de la durée
du travail.
Sur la période 1991-1997, la durée annuelle du
travail a augmenté dans 7 pays de l'OCDE (Australie, Canada, Finlande,
Mexique Nouvelle-Zélande, Suède, Etats-Unis). La Suède a
le palmarès avec 6,2 % de hausse sur la période. Depuis cette
date, 5 autres pays de l'OCDE ( Suisse, République tchèque,
Espagne, Islande et la Corée) ont rejoint cette tendance
haussière.
En la matière, il n'y a donc pas un « retard
» national à rattraper, au contraire. En France, il y a eu
également des contre-tendances, avec augmentation du temps de travail,
de 1938 jusqu'à la fin des années 50, à cause du
réarmement, de la reconstruction et de la croissance. Dans tous les
pays, et donc en France, le travail constitue une valeur essentielle de notre
société.
Vouloir le contrôler consiste à substituer l'Etat
au citoyen. Or, c'est à lui seul de décider. L'honneur de la
société est de lui offrir de multiples opportunités.
2) Doutes à l'origine, réflexes dirigistes
ensuite :
En 1991, à un congrès de la CFDT, Martine Aubry
prend la parole en disant : « J'ai bien compris qu'ici pour se faire
applaudir, il faut parler de la réduction du temps de travail. Eh bien,
vous allez être déçus. Je ne crois pas qu'une mesure
généralisée de réduction du temps de travail
créerait des emplois. Il n'y a pas de solution miracle. » A peine
élu, Jospin annonce que : « le slogan des 35 heures payées
39 n'est pas le nôtre. Il serait antiéconomique. » Dans
Libération, le 26 septembre 1997, Dominique Strauss-Kahn déclare
« Nous n'avons jamais dit 35 heures payées 39. Ce serait
détruire des emplois à coup sûr. »
Martine Aubry : « les 35 heures, on les a promises. On
est bien obligé de les faire. ». Au conseil national du PS, du 27
septembre 1997, Jospin : « Si les 35 heures devaient venir tout de suite
et être payées 39, le coût ne serait pas supportable pour
les entreprises. Ce serait donc une mesure antiéconomique. Mais, si le
passage aux 35h, devait entraîner une baisse de salaire, ce serait une
mesure antisocialiste et une faute politique. »
En France la durée du travail a toujours
été fixée par la loi (L.212-1). Les études
commandées seront très optimistes car basées sur des
méthodes qui étaient à cette époque
déjà largement connues comme non pertinentes. D'ailleurs, les
responsables hiérarchiques des auteurs le signaleront très
nettement voire courageusement. L'OFCE* écrit en 1997 : "la
réduction de la durée du travail est indissociable d'une baisse
des revenus des salariés en place". L'OFCE écrit en 1998 :
"l'impact sur l'emploi est maximal lorsque la réduction de la
durée du travail se fait à coût inchangé pour
l'entreprise ».
Les patrons des services d'études sont
particulièrement prudents estimant que les travaux effectués ne
sont cependant pas des prévisions. Jean-Paul Fitoussi le
président de l'OFCE en 1998 : "Confronté à cette radicale
nouveauté, il n'est pas d'autre méthode pour le chercheur que de
procéder par hypothèses, dont chacune est forcément
simplificatrice et dont la conjugaison conduit à un résultat
fragile
Ainsi, la réduction obligatoire du temps de travail
était dans l'état de la France en 1997, une décision
politique qui ne pouvait qu'affaiblir l'économie et la capacité
future à créer des emplois. Examinons maintenant comment dans
leur application immédiate les 35 heures furent reçues par ceux
qui sont trouvés directement concernés.
3) L'appréciation des chefs d'entreprise reste
globalement négative :
Pour la première fois, le Ministère de l'Emploi
et de la Solidarité, en avril 2002, publie une enquête
réalisée par la DARES auprès des entreprises pour
connaître leur opinion sur les 35 heures. Les employeurs passés
aux 35 heures trouvent que la RTT est négative au plan
économique, notamment au regard des coûts salariaux, des
coûts de gestion de l'organisation, de la rentabilité, du respect
des délais et de la réactivité. Toutefois, l'impact est
positif pour la durée d'utilisation des équipements, la
production et la polyvalence des salariés. Ceux qui jugent positif
l'impact de la RTT sur la situation économique globale de leur
établissement n'emploient que 5 % des salariés, contre 28 % pour
ceux qui le jugent négatif.
OFCE* : Observatoire Français des Conjonctures
Economiques
Les impacts économiques de la RTT sur les
établissements d'hôtellerie restauration, peut-on envisager un
lien entre les RTT et la dette ?
Etude réalisée sur des établissements de
5 salariés ou plus, ayant réduit la durée du travail avant
février 2001. Source : DARES
En outre, 58 % des entreprises hôtelières
connaissaient des difficultés de recrutement au sommet de la croissance
(janvier 2001 DARES) et encore 35 % aujourd'hui. Ces problèmes sont
connus depuis longtemps. Ainsi, dès 2000, la DARES, après analyse
de données recueillies auprès de 18 entreprises ayant
signé un accord « Robien » ou « Aubry » a
recensé 3 grandes difficultés :
· gains de productivité difficiles,
· annualisation pesante,
· modération salariale dégradant le climat
social de l'entreprise.
D'autres éléments confirment ces
difficultés. Fin 2001, 55 % des entreprises de moins de 20
salariés considéraient que la RTT aura un effet négatif
sur leur activité. En outre, d'après une enquête de la
CGPME, 36 % des chefs d'entreprise estiment que l'application des RTT a
dégradé le climat social de leur entreprise, 66 %, que leur
entreprise a perdu en compétitivité.
Elle rappelle également que cette mesure oblige les
entreprises à intégrer 157 pages nouvelles de textes de loi,
décrets et autres règlements, qu'aucun droit à
l'expérimentation n'est accordé et finalement que la loi du 19
janvier 2000 remplaçant celle du 13 juin 1998, invalide de nombreux
accords précédemment passés.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que pour
assurer le passage à l'euro, les banques, les établissements de
crédit, les sociétés de gestion et les entreprises
d'investissement ont dû obtenir une dérogation sur la durée
du travail. Le temps de travail a pu aller jusqu'à 52 heures
hebdomadaires.
Suite à certaines études de la DARES, nous
pouvons constater que les négociations sont une fois sur deux
conflictuelles. Dans 15 % des cas, cela va jusqu'à la grève ou le
débrayage, dans 7 %, l'entreprise a connu un épisode revendicatif
sans arrêt de travail (manifestation, pétition, etc.), et dans 24
% les manifestations de mécontentement étaient du type «
rumeur ».
Lorsque l'on regarde les statistiques, les grèves ou
manifestations sont plutôt l'apanage des plus grands
établissements, surtout quand ils sont dotés d'une
représentation syndicale ancienne. Ainsi, moins de 3 % des
salariés des établissements employant moins de 50 personnes ont
connu une grève lors des négociations sur les RTT contre 18 % de
ceux qui travaillent dans de plus grandes unités. Ces
négociations ne semblent pas profiter au mouvement syndical. En effet,
employeurs comme salariés estiment que les syndicats ne sont pas utiles
à la mise en place de la RTT. Le mandatement dans les entreprises ne
s'opère qu'à la fin de la négociation. Heureusement,
à l'issue des négociations, le climat social semble
s'améliorer.
La mise en oeuvre des dispositifs Aubry ne s'est pas
effectuée sans difficulté. Ainsi, fin 2001, seulement 23 % des
PMI de moins de 20 salariés étaient prêtes pour le passage
aux 39 heures. L'Observatoire du dialogue social ne dit rien d'autre. Il a
interrogé en mars 2000 plus de 400 DRH. Il semble que ce soit les plus
petites structures qui s'inquiètent le plus des conséquences des
RTT.
B) LES CONSEQUENCES SUR LES SALARIÉS :
Les salariés connaissent une réelle baisse du
temps de travail. Compte tenu du calendrier de la baisse de la durée
légale, les grandes entreprises sont à cette date davantage
engagées dans un processus de réduction du temps de travail que
les petites.
Ainsi, sept salariés sur dix ont alors connu une
réduction de leur durée du travail en dessous de 1 650 heures
dans les entreprises de plus de 500 salariés, contre un sur dix dans
celles de 10 à 19 salariés..
La diminution de la durée effective du temps de travail
de la catégorie majoritaire de salariés est apparemment source de
nouvelles tensions :
Etude
réalisée sur des établissements de 5 salariés ou
plus, ayant réduit la durée du travail avant février
2001.Source : DARES
Avis des salariés sur leurs conditions de travail en
entreprise :
Part des salariés travaillant dans une entreprise dont
la durée collective moyenne est inférieure ou égale
à 1 650 heures par an. Source : enquête ACEMO annuelle de la
DARES.
Aussi, à la fin de l'année 2000, plus de deux
ans et demi après le vote de la première loi « Aubry »,
les RTT concernent près d'un salarié sur deux. Sur un champ de
15,1 millions de salariés potentiellement concernés dans les
secteurs concurrentiels, environ 7,6 millions travaillent dans des entreprises
déjà passées à 35 heures. Cela touche toutes les
catégories professionnelles. Ainsi, d'après une enquête de
fin 2001, en France, 46 % des managers ont droit à la RTT et en
profitent et 33 % y ont droit mais ne peuvent la mettre en pratique.
Les salariés à temps partiel semblent
désavantagés. En effet, la durée du travail des
salariés qui restent à temps partiel baisse plus
fréquemment dans les entreprises passées à 35 heures que
dans celles restées à 39 heures.
1) le ralentissement ou le gèle des hausses de
salaires :
Les rémunérations sont à terme
touchées par les lois Aubry. Sept accords sur dix prévoient une
compensation salariale. Dans la quasi-totalité des cas, elle est
intégrale pour l'ensemble des salariés. Peu la limite à
certaines catégories, et envisage une compensation partielle ou encore
n'en prévoie aucune. Cependant, un quart des accords reste muet sur ce
sujet. Près de trois accords sur dix prévoient l'évolution
future des salaires, il s'agit alors sept fois sur dix d'un gel plutôt
que d'une modération.
En cas de gel, les négociateurs précisent le
plus souvent la période pendant laquelle les rémunérations
seront bloquées : elle va, en général, de un à
trois ans, et dans plus de la moitié des cas le gel est de deux ans.
D'autres éléments montrent que les augmentations
sont bien prisonnières des RTT. D'après l'enquête du
Cabinet Hay Management, les dépenses effectives affectées aux
augmentations de salaires diminuent. Sur l'ensemble des entreprises
concernées, on observe également une augmentation moins
importante des salaires de base, la différence avec les autres
étant de l'ordre de 1 % sur deux ans.
On constate de même une forte diminution des heures
supplémentaires dans les entreprises passées au 35 heures. Fin
2000, le nombre moyen d'heures supplémentaires par salarié est en
nette diminution dans les établissements Aubry. Alors qu'il était
avant RTT comparable à celui des autres établissements, d'environ
4 heures par trimestre, la baisse est de 2,0 heures du 4ème
trimestre 1998 au 4ème trimestre 1999, alors que dans les
établissements restés à 39 heures, à structure par
taille et secteur identique, le recul est de 0,2 heure. La mise en oeuvre de
dispositifs de modulation des horaires et les nouvelles organisations du
travail associées aux RTT permettrait ainsi de réduire le volume
d'heures supplémentaires, par rapport à celui pratiqué
auparavant.
Ce point sur les salaires est fondamental. Avant 1997, les
Français plébiscitaient les hausses de revenus. C'est ce que
montre l'évolution du partage des gains de productivité. Ceux-ci
sont passés de 4 % en 1970 à 2 % en 1995. En début de
période il était donc possible de réduire de 2% le temps
de travail par an et d'augmenter le pouvoir d'achat par tête de 2%.
Dans le milieu de la décennie 1990, on observait une
stagnation de la durée de travail annuelle effective et donc un gain par
tête de 2% l'an, traduisant le fait que dans une période où
la productivité horaire donc les gains de rémunération du
travail baissent, le pouvoir d'achat est préféré aux
loisirs. Une étude du CREDOC montre également que les deux tiers
des salariés privilégient encore le pouvoir d'achat au temps
libre.
2) Les RTT sont égales à une montée
du stress des salariés (cf. annexe 3) :
Les conditions de travail se dégradent. On pense, par
exemple, aux « pointeuses ou badgeuses » pour les cadres ou aux
décomptes auto-déclaratifs que les entreprises mettent en place
pour répondre aux lois Aubry I et II. Une majorité de
salariés a moins de temps pour les mêmes tâches, est plus
stressée dans son travail, a de nouvelles tâches en plus de son
travail, et effectue un travail moins soigné.
Les conditions de travail se dégradent pour 44,8 % des
hommes et 47,7 % des femmes. C'est d'autant plus marqué que les
qualifications sont faibles. Le rapport Viard* donne des éléments
de réponse à ce constat. Il relève des différences
de modalités de RTT selon les statuts et en particulier une
inégalité d'accès aux journées et aux
demi-journées. Deux extrêmes apparaissent. D'un côté,
les ouvriers sont très nombreux à n'avoir qu'une réduction
journalière du temps de travail alors que d'un autre, les cadres
supérieurs bénéficient exclusivement de jours de vacances
et de demi-journées.
3) Les Français les moins qualifiés pas
satisfaits du passage aux RTT :
Le rapport Viard, constate que la RTT a
développé des effets positifs sur la vie quotidienne des
salariés (plus de temps libre, week-end libéré). Des
pratiques nouvelles se créent. Des vacances plus fréquentes et
moins longues : les professionnels du tourisme profitent de la RTT. De son la
DARES confirme l'évolution dans une enquête de début 2000 :
59 % des salariés à temps complet ayant connu une RTT ont
constaté une « amélioration de leur vie quotidienne »,
13 % ont constaté une « dégradation », 28 % n'ont pas
constaté de changement. Les cadres sont plus satisfaits (66 %). Quant
aux conditions de travail, 26 % ont constaté une «
amélioration », 28 % ont constaté une «
dégradation ». Les salariés estiment que la mise en place de
la RTT a entraîné d'abord, une exigence de polyvalence accrue (48
%), moins de temps pour les mêmes tâches (42 %), plus de stress au
travail (32 %) et de nouvelles tâches en plus (23 %). Les salariés
les plus satisfaits sont ceux qui bénéficient d'une ½
journée ou d'une journée à prendre
régulièrement. Il faut constater une dégradation de la vie
quotidienne pour 20,4 des emplois féminins non qualifiés. Les
faibles revenus sont clairement mois favorisés par ces dispositifs. Par
exemple, les parents travaillant encore 39 heures et voulant passer à
temps partiel sont obligées de diminuer leur temps de travail à
28 heures pour bénéficier de l'Allocation parentale
d'éducation (APE) au lieu de 32 heures auparavant.
D'autres problèmes demeurent trop peu
évoqués comme le travail illégal, l'économie
souterraine qui risque d'augmenter. Les salariés disposent en effet de
temps libre, mais avec une diminution de leurs heures supplémentaires,
ils voient leur pouvoir d'achat diminuer. Au total, les Français ont un
jugement réaliste sur cette mesure. Selon un sondage, 62 % des
français pensent que les RTT ont un impact plutôt négatif
sur l'économie. 38 % estiment que la vie quotidienne a été
améliorée grâce à ce dispositif.
Un dernier sondage est particulièrement
éclairant : 76 % des français souhaitent l'assouplissement des 35
heures et la possibilité pour les entreprises de recourir davantage aux
heures supplémentaires, ne serait-ce que pour pouvoir le cas
échéant, « travailler plus pour gagner plus ».
(articles de la Cfdt 2004)
Le rapport Viard* : Jean Viard : Directeur de
Recherche au centre d'étude de la vie politique Française
4) Le constat d'une démotivation croissante :
Au-delà de l'accroissement de l'absentéisme, les
auditions et visites auxquelles la mission a procédé ont mis en
lumière un phénomène de démotivation grandissante.
Contrairement à ce à quoi l'on aurait pu s'attendre, les
RTT, bien qu'elles aient dégagé plus de temps pour la vie
personnelle des salariés, n'ont pas augmenté leur motivation par
rapport à leur travail ou à l'entreprise. Bien au contraire, il
semble qu'elles aient contribué à démobiliser les
personnels.
Un premier constat s'impose. En dévalorisant le rapport
entre le travail effectué et la rémunération, la
réduction du temps de travail a jeté le doute sur le lien entre
travail et salaire
Ces effets pervers ont de plus été
amplifiés par l'arrivée sur le marché du travail de
nouvelles générations, dont le rapport à l'entreprise est
différent de celui de leurs aînés, y compris chez les
cadres : ceux-ci sont accusés de n'avoir « ni la culture
de l'entreprise, ni la motivation nécessaire. Souvent, leur objectif,
quand ils arrivent, est d'en faire le moins possible , et ainsi de ne
pas être capable de prendre la mesure des enjeux actuels auxquels
l'entreprise en France et les entreprises françaises dans le monde, ont
à faire face : « ceux qui donnent la primauté
à une organisation de vie tranquille s'installeront dans les
sociétés qui auront, hélas, probablement à les
licencier un jour, parce qu'elles n'auront pas le niveau d'activité qui
justifie qu'elles réussissent dans la compétition
mondiale ».
Un nouveau phénomène qui peut nous
inquiéter, celui du développement du licenciement à la
demande du salarié, qui veut pouvoir profiter du régime
indemnitaire avant de retrouver un emploi. Bien qu'elle ne concerne qu'une
partie limitée des salariés, celle assurée de retrouver un
emploi quand elle le souhaite, cette manifestation supplémentaire d'un
déni de la valeur du travail et de l'entreprise n'en est pas moins
néanmoins réelle ; elle a de fait été
relevée par nombre des personnes.
C) CONSEQUENCES SUR L'ECONOMIE DU PAYS :
D'abord le chômage a peu baissé alors que
c'était le premier objectif de la mesure. Avec 9,2 % de chômage,
la France est l'avant dernier élève de la classe
européenne. Son taux de chômage est de 1,6 points plus
élevé que la moyenne européenne. Depuis Juin 1997, 8 pays
européens ont réduit plus fortement le chômage que la
France. Actuellement plus de la moitié des pays européens
connaît une situation de plein emploi, leur taux de chômage
étant inférieur ou égal à 5 %. Il y a donc de
véritables exemples à méditer. Les remèdes au
sous-emploi sont à chercher hors de nos frontières, pas dans
notre corpus idéologique national.
1) L'attractivité du territoire remise en
cause :
Depuis 1997, on assiste à une
accélération des délocalisations et à une chute
très sévère de l'attractivité du territoire. Plus
précisément, lorsque l'on regarde les palmarès en terme
d'accueil d'investissements étrangers, la France recule sensiblement. De
1970 à 1998, la France et le Royaume-Uni se disputaient la
première place de pays européen d'accueil. Devant eux, au sein de
l'OCDE ne figurait que les Etats-Unis. Depuis 1999, le recul est plus net,
cette année là, la Suède et l'Allemagne sont
passées devant. En 2000, pour les investissements directs en provenance
de l'étranger, la France est revenue au 7ème rang,
derrière les Etats-unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Union
Belgo-luxembourgeoise, le Canada et les Pays-Bas. A l'inverse, en 2000, au sein
des pays de l'OCDE, la France devient le deuxième pays investisseur
à l'étranger, derrière le Royaume-Uni, et
précède les Etats-Unis. Elle était au troisième
rang en 1999 et au quatrième en 1998. Avant cela, son rang oscillait
entre le 4ème et le 6ème, les pays la précédant
étant suivant les années, les Etats-unis, le Royaume-Uni,
l'Allemagne, le Japon, et les Pays-Bas.
Le recul de l'accueil des investissements étrangers en
France montre que l'attractivité du territoire français baisse.
L'accélération plus importante que chez ses partenaires de
l'internationalisation des entreprises françaises le confirme.
L'étude publiée le lundi 24 juin 2002 par le
cabinet Ernst & Young ne dit rien d'autre. L'enquête
réalisée auprès de 200 dirigeants mondiaux, entre les 13
et 27 mars, montre que quatre décideurs sur dix estiment que la
situation de la France s'est dégradée en 2001 "en tant que site
d'implantation et de développement". Seul un tiers voit une
amélioration se profiler dans les trois prochaines années.
Résultat : moins d'une entreprise interrogée sur deux
prévoit de s'y implanter ou d'y développer ses activités.
"Les responsables des implantations internationales remettent en question la
capacité de la France à être un site stratégique",
souligne le document. Les intentions déclarées sont
inquiétantes : 43 % des dirigeants américains envisagent de
délocaliser une partie de leurs activités françaises vers
un autre pays européen. Tout comme près de 20 % des entreprises
européennes et françaises. Ces délocalisations
envisagées ne sont pas forcément totales ou industrielles. Elles
peuvent concerner une plate-forme logistique, un siège social, un
département comptable... "
Que manque-t-il à la France pour être plus
attractive ?
Les points favorables : la qualité de vie, la
fiabilité de ses infrastructures de transport et de
télécommunications, la qualité de ses scientifiques, son
implantation au centre de l'Europe. Les points défavorables :
L'environnement législatif, les coûts salariaux, les charges
fiscales des entreprises, la faible flexibilité du droit du travail, la
lourdeur de ses réglementations
2) Des coûts exorbitants et des résultats
faibles :
Les administrations ont évalué la
création d'emploi dans une fourchette de 200 à 300 000. Elles ont
sous-estimé les effets d'aubaines (les emplois de toute façon
créés), les effets de ralentissement de la croissance du à
une rentabilité et une compétitivité décrues qui
in-fine vont diminuer les carnets de commande. Elles ne prennent pas en compte
également les destructions d'emplois dues à l'augmentation du
SMIC et au relèvement des prélèvements.
Ainsi, Pour Pierre Cahuc*, qui commentait les chiffres d'une
étude similaire de la DARES, il y a deux années, « il
n'existe aucune raison sérieuse de penser que ces chiffres signifient
que la réduction de la durée du travail a créé des
emplois. Tout d'abord, les entreprises embauchent en permanence. Il y a environ
4 millions d'embauches chaque année en France. Les embauches
réalisées grâce à la loi Aubry ne
représentent donc au mieux que 3 % de celles observées
traditionnellement. Le marché du travail est caractérisé
par un intense processus de réallocation de la main-d'oeuvre qui
implique qu'un surplus d'embauches ne se traduit pas nécessairement par
un accroissement de l'emploi, car les sorties de l'emploi sont pratiquement
aussi nombreuses et plus fluctuantes que les embauches.
Certes, la loi Aubry contraint les entreprises qui signent les
accords à maintenir leur effectif pour une durée minimale de deux
années. Cependant, l'extrême variabilité des effectifs des
entreprises ne peut que susciter des doutes sur la possibilité de
respecter systématiquement de tels engagements. Comment les entreprises
confrontées à des difficultés imprévues vont-elles
pouvoir honorer leurs engagements ?
Ensuite, chaque année, une proportion significative des
entreprises a un effectif qui croît dans des pourcentages
supérieurs à ceux imposés par la loi Aubry lors de la
signature d'accords prévoyant des accroissements d'effectifs. Il est
donc hautement vraisemblable qu'une forte proportion des embauches
effectuées dans le cadre de la loi Aubry aurait été
réalisée de toute façon. D'autre part, nul ne peut exclure
que des emplois soient détruits, à terme, par le poids du
financement de la loi Aubry. »
Les économistes de la Fondation Concorde* proposent,
avec toutes les réserves nécessaires, une évaluation
comparée des effets sur l'emploi et les finances publiques de la baisse
des charges et de la réduction du temps de travail, à
dépenses publiques égales. Une hypothèse favorable sur la
création brute d'emploi aux environs de 225 000 par la réduction
du temps de travail ne débouche en réalité que sur 50 000
emplois.
En effet, il faut y soustraire la destruction d`emplois due
aux financements et à l'enchérissement du coût du SMIC. La
mesure coûterait environ 11 Milliards d'euros.
De la même manière, par une autre mesure
structurelle, la baisse des charges sur les bas salaires (franchise ou
ristourne), serait plus efficace avec 250 000 emplois nets. Pour cette mesure
l'effet brut est plus grand et les atténuations sont plus faibles.
M. Pierre Cahuc : Prix du meilleur jeune
économiste français de 2001
Fondation Concorde : lobby de 1800 membres, elle met
en place un cercle de réflexion « pour faire de la France le
pays le plus prospère d'Europe »
Le bilan est donc clair. En net, 11 Milliards d'euros
permettent de créer 50 000 emplois par la RTT et 250 000 par les baisses
de charges. Ne pouvait-on pas le prévoir ?
Suite à cette étude, nous pouvons
constater que les salariés ont de moins en moins de temps pour effectuer
une même tâche et qu'ils sont de plus en plus stressé au
travail.
Le coût des RTT pour les finances publiques:
Le Sénat a particulièrement suivi la question du
financement de la réduction du temps de travail. C'est grâce
à lui, que le grand public sait que les 35 heures induisent un
coût exorbitant 11 milliards d'euros en 2000, 15 milliards d'euros en
2001, environ «30 milliards d'euros à terme et qu'il n'avait pas
été prévu par le gouvernement et ses services ».
« Ceux-ci, au contraire, avaient élaboré un scénario
affichant la neutralité de la réduction du temps de travail sur
les finances publiques, dès lors que les régimes sociaux, au nom
de la théorie des « retours » financiers des RTT,
contribuaient au financement de ce dispositif. Le gouvernement aurait donc
élaboré des projets de loi, devenues les « lois Aubry
», avant de connaître précisément la façon
d'assurer le financement du dispositif qu'il proposait, les premières
prévisions sur le coût des 35 heures se révélant en
effet totalement erronées.
Ainsi, au final, avec quelques années de recul, il est
clair que notre pays a réussi « l'exploit » de
prélever chaque année des dizaines de millions d'euros sur la
richesse nationale pour contribuer a ralentir notre capacité a
créer cette même richesse..
Nous sommes, constatons-le avec tristesse, un des derniers
pays au monde, le seul parmi les pays développés, encore sous la
menace de telles folies idéologiques.
3) Les RTT synonyme de régression sociale ?
Tout le monde va perdre. Le pouvoir d'achat et la
rentabilité des entreprises sont touchés négativement, la
création d'emploi est au mieux très faible, les salariés
sont démotivés. Des doutes très forts s'installent sur
l'avenir de la France.
En poussant la France vers un équilibre bas -
Durée raccourcie du travail effectué, peu d'emploi, salaires plus
faibles que ce qu'ils auraient pu être, service de plus basse
qualité, perte de compétitivité , c'est tout le pays qui
s'est recroquevillé.
Comment sortir de cette impasse :
L'assouplissement du système des RTT est une
nécessité absolue pour les entreprises qui ne sont pas
passées à 39 h (91 % des entreprises employant 51 % des
salariés), et une soupape indispensable pour celles qui ont
adopté un horaire collectif à 39 heures et qui ne pourraient y
rester. Deux sujets sont plus prioritaires : les possibilités de
souplesse dans l'organisation du travail et la maîtrise de son
coût, coeur de la compétitivité et donc de l'emploi en
France.
Avec la loi Aubry, la durée du travail hebdomadaire
moyenne ne peut dépasser 35h. Au-delà il s'agit d'heures
supplémentaires, qui sont très réglementées. Ce
type de contrainte est d'autant plus dommageable que persiste des
difficultés de recrutement notamment dans l'hôtellerie
restauration. La première priorité est bien l'accroissement du
contingent d'heures supplémentaires, desserrant ainsi la contrainte
physique sur l'activité des entreprises, et permettant aux
salariés de « travailler plus pour gagner plus ».
En ce qui concerne leur prix, la majoration pour heure
supplémentaire entre 35 et 39 heures devrait être fixée
durablement à 10 % (comme pendant la période transitoire d'un an
prévue par la loi Aubry) et portée à 25 % au-delà
des 39 heures (comme dans la période précédant la loi
Aubry). Cela ne consisterait qu'à respecter la signature des partenaires
sociaux, bafouée par la deuxième loi Aubry qui, contrairement
à ce qui était annoncé à l'occasion de la
première, n'a pas pris en compte les dispositions arrêtées
par les accords de branche.
Il est notamment indispensable d'assouplir le régime
des heures « complémentaires » (ce sont les heures
supplémentaires des salariés à temps partiel), en ne
limitant pas à l'excès leur nombre. C'est très important,
notamment pour le monde du commerce. Les assouplissements
précédents permettent à une entreprise de gagner en
souplesse afin de mieux répondre aux variabilités dans les
commandes qu'elles reçoivent. Cependant, ces assouplissements ne
permettent nullement ni de réduire le coût du travail, ni
même d'atténuer les surcoûts liés à
l'application des Lois Aubry. Le surcroît d'heures supplémentaires
effectuées sera dûment payé.
Le retour à un seul SMIC doit se faire au plus vite. Il
est impératif qu'il ne s'accompagne ni de perte de revenus pour les
salariés, ni d'accroissement des coûts pour les entreprises.
Au-delà, la sagesse est de séparer SMIC et politique, en confiant
l'évolution du SMIC à une commission indépendante qui
procéderait à sa revalorisation régulière, avec des
critères objectifs, incluant le souci du pouvoir d'achat, les gains de
productivité, les effets de la revalorisation sur l'emploi.
A plus long terme, une réflexion sur le profil des
charges pourrait être lancée. Un profilage optimisé permet
de faire de la redistribution sans toucher le coût du travail,
élément clé de la compétitivité. La
redistribution redevient bien alors du ressort de la société dans
son ensemble représenté par le gouvernement et non plus du
ressort des entreprises. L'idée d'un impôt négatif pourrait
être étudiée dans ce cadre.
La rapidité avec laquelle le gouvernement choisit de
faire cette convergence doit être neutralisée avec un dispositif
de baisse de charge compensateur afin que le coût du travail en France ne
s'accroisse pas ce qui aurait un effet désastreux au niveau des moins
qualifiés. Le dispositif de baisse de charges doit donc être revu.
Inciter à la baisse du temps de travail étant un non-sens
économique et social, il est indispensable de découpler ces
baisses de la durée du travail sans qu'aucune entreprise n'y perde.
L'autre passif du gouvernement socialiste en ce qui concerne l'emploi est la
loi dite de modernisation sociale. Il est impensable, de conserver une
législation de circonstances sur les licenciements, sous peine de
continuer à décourager l'investissement et l'emploi en France.
Travail dévalorisé, pouvoir d'achat
dégradé, désintérêt des élites pour
notre pays
Les différents points abordés montrent qu'il
s'agit bien d'une régression sociale. Retenons que les RTT ont aussi
dégradé les conditions de travail de ceux pour qui elles
étaient instituées, les plus modestes : les ouvriers et les
employés non qualifiés réduisant de surcroît
à court et moyen terme leur pouvoir d'achat. Pour une autre
catégorie de salariés, l'aspiration naturelle à plus de
loisirs, en particulier pour les cadres peut prendre des proportions peu
compatibles avec les réalités d'une économie ouverte sur
le monde ? Nous prenons tous le risque de devenir tous des consommateurs au
pouvoir d'achat déclinant.
Il se trouve un autre aspect non quantifiable, assez souvent
nié ou minimisé par ceux qui nous gouvernaient et ceux qui nous
gouvernent, car dérangeant, c'est la montée d'«
intérêt des élites », entrepreneurs et
créateurs, pour notre pays. La réputation d'une bureaucratie
administrative défavorable aux entrepreneurs, les 35 heures
obligatoires, loi de modernisation sociale, toute cette atmosphère aux
conséquences les plus graves. Mois après mois, les
Français découvrent avec inquiétude les effets multiples
et décalés de ces politiques : des usines qui ferment, d'autres
qui partent, et peu ou pas de créations pour les remplacer.
C'est aussi le résultat de ce mouvement invisible qui
voit les détenteurs de capitaux, les porteurs de projets, s'installer
chez nos voisins plus accueillants. Il est temps de revenir à plus de
bon sens et à plus d'ambitions pour les Français. Notre premier
objectif, au-delà de la mise à plat de ces 35 heures, devrait
être de réintégrer deux groupes d'exclus victimes des
dérives idéologiques: ceux dit "d'en haut" les familles
fortunées, les entrepreneurs et les créateurs de valeurs qui se
sont depuis plusieurs années installés à l'étranger
pour y vivre et travailler librement. Ils sont aujourd'hui des milliers. Il
faut les inciter à rentrer au pays et avoir le courage de prendre les
mesures nécessaires pour qu'ils participent ici chez eux à notre
prospérité. Dans le cas contraire si nous renonçons,
d'autres partiront et nous n'aurons alors que peu de chance de
réinsérer dans le monde du travail le deuxième groupe
d'exclus, ceux dit "d'en bas", ceux qui souffrent du chômage et de la
pauvreté.
CONCLUSION
Les réduction du temps de travail en France depuis le
milieu des années 1990 est le fruit de la confrontation des
intérêts de trois acteurs : l'Etat, les employeurs et les
salariés dont les objectifs sont différents. Le premier a
tenté une audacieuse politique de réduction du temps de travail
sous une forme inégalée dans le monde. Elle devait servir un
objectif macro-économique de réduction du chômage. Les
seconds (les employeurs) ont réagi diversement à la contrainte
que constituait à leurs yeux la fixation d'une nouvelle durée
légale du travail. Les 35 heures ont été pour le patronat
l'occasion d'une grande remise en question. Enfin, les salariés, dont
l'attente à l'égard de la RTT était inégale, ont,
eux aussi, dû faire valoir leurs intérêts lors de sa mise en
place, notamment à travers le processus de négociation intense
qu'a favorisé la loi.
Le résultat de cette confrontation est
hétérogène. Dans un certain nombre de cas, il semble qu'un
équilibre ait pu être trouvé entre les aspirations des uns,
la volonté politique de l'autre et les besoins des troisièmes.
Ainsi, lors des travaux sur la RTT menés au Commissariat
général du plan en 2001, une grande entreprise de
l'agro-alimentaire se montrait très optimiste sure les effets de la RTT
en termes de performances économiques et en termes de bien-être
des salariés. Mais dans d'autres situations, la RTT a été
menée de façon plus chaotique, soit parce que la
négociation était de moins bonne qualité, soit parce que
le rapprochement des intérêts était moins facile. Les
employeurs n'ont pas tiré parti de la RTT pour effectuer des gains de
productivité ou encore la flexibilité qu'ils ont mise en place
à cette occasion a détérioré quelque peu les
conditions de travail et de vie de leurs salariés.
Cette hétérogénéité des
situations est toujours aussi grande aujourd'hui puisque seule la moitié
des salariés a connu une baisse sensible de sa durée effective de
travail. La RTT n'a constitué un important changement dans les
conditions de travail et de vie que pour la moitié seulement du salariat
français. La situation des très petites entreprises est encore
incertaine : les outils classiques d'organisation du temps de travail y
sont mal ou totalement inadaptés. Les actions collectives conduites par
différentes Agences Régionales pour l'Amélioration des
Conditions de Travail (ARACT) soulignent la présence de
difficultés mais aussi de potentialités pour autant que les
questions touchant à la nature des prestations, d'organisation du temps
de travail, de polyvalence, de temps partiel ou de regroupement d'employeurs
soient discutées.
Les contrastes ressortent fortement selon les
situations : les établissements qui ont
bénéficié des aides incitatives de l'Etat (lois Robien et
Aubry I) se distinguent par des appréciations nettement plus positives
sur l'impact économique de la RTT, même si le bilan sur la
situation économique globale est jugé plutôt
négatif. La transformation d'un choc en opportunité s'explique
par différents facteurs : ces entreprises étaient des
pionnières, partisanes de la baisse du temps de travail, qui ont choisi
d'anticiper la RTT et surtout, qui ont bénéficié d'aides
généreuses de l'Etat.
L'accompagnement de l'accord et les ajustements à
termes sont aussi des facteurs de succès au niveau de l'entreprise car
l'environnement économique se modifie vite.
Par ailleurs, les principaux effets attendus, et,
effectivement produits par la RTT semblent aujourd'hui en très grande
partie révolus. En effet, c'est seulement lorsque la réduction de
la durée effective du travail est importante que des emplois peuvent
être crées ou sauvegardés. Par conséquent, les
effets positifs sur l'emploi observés sous les lois Robien et Aubry I
sont affaiblis depuis le passage à la loi Aubry II. Les principaux
apports de la RTT à la politique de l'emploi semblent donc bien
derrière nous.
Enfin, aussi bien au niveau micro-économique qu'au
niveau macro-économique, les conditions à réunir pour la
réussite de la RTT sont très exigeantes. Il a en effet fallu que
les entreprises effectuent de très importants gains de
productivité. De tels gains ne sont pas réalisables partout et
durablement : seules les entreprises les plus grandes ont pu atteindre ce
résultat. La mise en place de la RTT dans les plus petites structures ne
pourra pas donner lieu à de tels gains en efficacité. Autre
condition de succès, l'aide de l'Etat a été très
importante en début de période et pour les entreprises
pionnières. Les assouplissements apportés (Loi Fillon)
réduisent, au contraire, le caractère volontariste de
l'intervention publique en faveur de la RTT, les entreprises sont un peu plus
libre de gérer les heures supplémentaire. Enfin, la
troisième condition de la réussite de la RTT au niveau de chaque
entreprise mais aussi sur le plan macro-économique peut être
trouvée dans la modération salariale. Cette dernière
permet d'expliquer le succès d'opérations de RTT dans des
entreprises qui connaissaient par ailleurs plutôt une situation de
croissance. Elle fait aussi partie des conditions macro-économiques qui
ont été à l'origine des créations d'emploi de la
première phase de la RTT. Mais la modération, outre le fait
qu'elle peut réduire la satisfaction des salariés à
l'égard du processus de RTT, risque d'aboutir à terme à
l'expression de revendications salariales difficiles à satisfaire pour
les entreprises.
annexe 1
6E SEMAINE DE CONGÉS PAYÉS, SUPPRESSION DU SMIC HÔTELIER
LES TEXTES SONT APPLICABLES À PARTIR DU
1er JANVIER 2005
Deux arrêtés en date du 30
décembre publiés au Journal officiel du 1er
janvier 2005 étendent et, par conséquent, rendent obligatoires
à toutes les entreprises des CHR l'accord du 13 juillet sur le temps de
travail et l'accord du 2 novembre sur la prévoyance. Ces textes
constituent des avenants à la convention collective des CHR. Une grande
majorité des dispositions sont applicables à partir du
1er janvier 2005.
La profession peut continuer à
travailler sur la base de 39 heures, mais en contrepartie, elle supprime le Smic hôtelier, accorde une semaine de congés
supplémentaire et 2 jours fériés, réglemente le
travail de nuit et met en place un régime de prévoyance. Les
partenaires sociaux avaient décidé que les dispositions de ces
accords ne seraient applicables que dans le mois suivant la publication de
l'arrêté d'extension. Faute d'avoir pu publier les textes avant le
31 décembre 2004 dans le Journal officiel, le Premier ministre
a publié un décret le 1er janvier 2005 pour rendre
obligatoires le décret sur le temps de travail dans les CHR ainsi que
les 2 arrêtés qui étendent les 2 avenants à la
convention collective obligatoire et ce, à partir du 1er
janvier 2005.
Les entreprises concernées Sont
concernées les entreprises comprises dans le champ d'application de la
convention collective des CHR du 30 avril 1997, qui sont
répertoriées aux codes NAF suivants : 55.1A Hôtels avec
restaurant 55.1C Hôtels de tourisme sans restaurant 55.1 E
Hôtels préfecture 55.3A Restaurants et
cafés-restaurants 55.4A Cafés-tabac 55.4B Débits
de boissons 55.5D Traiteurs organisateurs de réceptions 92.6A
Bowlings Mais cet avenant ajoute un secteur d'activité qui
n'était pas prévu par la convention collective : les
discothèques dont le code Naf est 55.4C. Cet avenant concerne non
seulement les entreprises situées en France métropolitaine, mais
aussi dans les Dom (Guyane, La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe).
Confirmation de la durée du travail à 39
heures dans les CHR La durée du travail est maintenue
à 39 heures dans les CHR, sauf pour les entreprises qui avaient dû
réduire le temps de travail à 37 heures en 2002 et qui doivent
donc conserver cette durée du travail.
Sont donc considérées comme des heures
supplémentaires les heures effectuées à partir de la
40e pour les entreprises à 39 heures et à partir de la
38e pour les entreprises à 37 heures. L'avenant
prévoit que les 4 premières heures ne donnent lieu qu'à
une majoration de 15 %. Soit de la 40e à la 44e
heure. Puis les 4 suivantes sont majorées de 25 % et les suivantes
donnent lieu à une majoration de 50 %.
Contingent d'heures supplémentaires
Le contingent d'heures supplémentaires utilisable sans
avoir recours à l'autorisation de l'inspection du travail est
fixé à :
· 180 heures par an pour les
établissements permanents
· 45 heures par trimestre civil
pour les établissements saisonniers Durées maximales
du travail Les temps de présence au travail ne peuvent
être supérieurs aux durées suivantes
: Durée maximale journalière Cuisinier :
11 h 00 Autre personnel : 11 h 30
Veilleur de nuit : 12 h 00 Personnel de
réception : 12 h 00 Durées maximales
hebdomadaires Moyenne sur 12 semaines : 48 heures
pour les entreprises à 39 heures 46 heures
pour les entreprises à 37 heures Absolue
: 52 heures pour les entreprises à
39 heures 50 heures pour les entreprises à 37
heures
Temps d'habillage et de
déshabillage
Le temps d'habillage et de déshabillage n'est pas
considéré comme du temps de travail. Mais lorsque le port d'une
tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou
réglementaires, par des clauses conventionnelles, par le
règlement intérieur ou par le contrat de travail, et que
l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés
dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire
à ces opérations doit faire l'objet de contreparties. L'avenant
proposait plusieurs formes de contreparties, parmi lesquelles le blanchissage.
Mais l'arrêté du 30 décembre rappelle que ces contreparties
ne peuvent être données que sous forme de repos ou
financières. Faute de contrepartie définie dans l'entreprise, le
salarié bénéficie de 1 jour de repos supplémentaire
qui lui sera accordé ou payé. Le texte posait en condition
d'avoir 1 an d'ancienneté pour pouvoir bénéficier de ces
contreparties, mais l'arrêté a annulé cette condition, qui
n'est pas légale.
Aménagement du temps de travail
L'avenant vient préciser les modalités pratiques
en annexes des différents aménagements du temps de travail sous
la forme de :
·Modulation du temps de travail
·Organisation du temps de travail sous forme de cycle
·Aménagement sous forme de jours ou demi-journées de
repos
· Temps partiel modulé
Une semaine de congés payés
supplémentaire
L'avenant prévoit l'octroi de 6 jours de congés payés
supplémentaire, à raison de 0,5 jour par mois de travail
effectif. Ce qui donne 6 jours ouvrables ou 5 jours ouvrés. En
pratique, les salariés auront donc droit à 6 semaines de congés payés par an. Par
contre, les salariés qui ont déjà des jours RTT ou
d'autres jours conventionnels ne bénéficieront pas de ces 6 jours
en plus.
Ces droits à congés
supplémentaires se comptabilisent à partir de la première
période de référence suivant l'extension du présent
avenant. La période de référence commence du
1er juin au 31 mai de l'année suivante. Les salariés
vont donc commencer à comptabiliser ces jours à partir du 1er
juin 2005 jusqu'au 31 mai 2006, et ils pourront commencer à les prendre
à partir du 1er mai 2006.
Mais les salariés en CDD comme les saisonniers pourront
en bénéficier dès la saison d'été 2005 mais
au prorata de leur temps de travail. Un saisonnier qui travaille 4 mois pendant
la saison d'été pourra bénéficier de 4 fois 0,5
jour de congés supplémentaires, soit 2 jours
en plus de ces congés payés. Contrairement aux congés payés, les employeurs
ont la possibilité de donner ces 6 jours ou de les payer.
Deux jours fériés supplémentaires
La convention collective des CHR prévoit
déjà l'octroi de 3 jours fériés en plus du
1er mai. L'avenant prévoit que les salariés
bénéficieront de 2 jours fériés
supplémentaires selon le calendrier suivant :
· Un jour
férié supplémentaire à partir du 1er
juillet 2006
· Un autre jour férié
supplémentaire à partir du 1er juillet 2007. Ce
qui fait qu'à terme, les salariés bénéficieront de
5 jours fériés en plus du 1er mai.
Définition des trois catégories de
cadres et salaires minimums
Trois catégories de cadres sont
définies, les cadres dirigeants, autonomes et intégrés.
Un cadre dirigeant est celui auquel sont confiées des
responsabilités dont l'importance implique une large indépendance
dans l'organisation de son emploi du temps. Il n'est pas soumis à la
réglementation sur le temps de travail. Mais ce cadre doit avoir une
rémunération minimum mensuelle qui ne peut être
inférieure à 1,5 fois le plafond mensuel de la
Sécurité sociale, soit 2 516 x 1,5. Ce qui donne un salaire
mensuel moyen de 3 774 E.
Un cadre autonome relève du niveau 5 de la grille de
classification. Il bénéficie d'une large autonomie dans
l'organisation de son emploi du temps. Il peut être conclu des
conventions de forfait sur la base de 217 jours par an. Ce cadre ne peut avoir
un salaire inférieur au plafond de la Sécurité sociale,
soit 2 516 E. Un cadre intégré est soumis à la
durée collective du travail de l'entreprise. Il est possible de conclure
une convention de forfait avec une référence horaire qui inclut
les heures supplémentaires. L'avenant prévoit en outre une
indemnité de départ à la retraite majorée pour les
cadres. En effet, un cadre bénéficie d'une indemnité
égale à 1 mois de salaire après 5 ans d'ancienneté
et 2 mois après 10 ans d'ancienneté, quand la convention
collective n'accorde qu'un demi-mois pour 10 ans d'ancienneté.
Réglementation du travail de nuit
Conformément aux dispositions de la loi du 9 mai 2001
qui réglementent le travail de nuit, l'avenant prévoit des
contreparties au travail de nuit. Rappelant les dispositions de l'article
L.213-1-1 du Code du travail, l'avenant précise que tout travail entre
22 heures et 7 heures est considéré comme un travail de nuit.
Est considéré comme travailleur de nuit celui qui accomplit
pendant la période de nuit entre 22 heures et 7 heures :
·
Soit au moins 2 fois par semaine selon son horaire de
travail habituel, au moins 3 heures de son travail effectif quotidien
· Soit au moins 280 heures de travail effectif dans la plage
horaire de nuit pour les établissements permanents sur l'année
civile
· Soit sur une période d'un trimestre civil : 70
heures pour les établissements saisonniers ou les salariés
saisonniers des établissements permanents
Durée maximale
journalière Cuisinier : 11 h 00 Autre
personnel : 11 h 30 Veilleur de nuit :
12 h 00 Personnel de réception :
12 h 00 Pour les entreprises à 39 heures qui
souhaitent faire travailler leurs salariés plus de 9 heures par jour et
8 h 30 pour les entreprises à 37 heures, il doit être
accordé à ces salariés des périodes de repos d'une
durée au moins équivalente au nombre d'heures effectuées
par jour au-delà des ces limites de 9 heures et 8 h 30. Ce repos peut
être cumulé et pris dans les plus brefs délais.
Durées hebdomadaires Moyenne sur 12
semaines : 48 heures pour les
entreprises à 39 heures 46 heures pour les
entreprises à 37 heures Absolue : 52 heures pour
les entreprises à 39 heures 50 heures pour les
entreprises à 37 heures
Contrepartie au travail de nuit
L'avenant définit des contreparties au travail de nuit.
Il prévoit des compensations en repos compensateur qui seront
calculées par trimestre civil selon les modalités suivantes : 1 %
de repos par heure de travail effectuée pendant la période de
nuit, soit de 22 heures à 7 heures. En sachant que pour les
salariés occupés à temps plein et présents toute
l'année au cours de cette période, le repos compensateur est
forfaitisé et correspond à 2 jours de repos par an. C'est
l'employeur qui choisit quand donner ces 2 jours de repos
supplémentaires en tenant compte des besoins de la clientèle.
Suppression du Smic hôtelier
Jusqu'à présent, la suppression du Smic hôtelier (c'est-à-dire ne plus déduire la
valeur de la demi-nourriture dans le salaire espèces) était
optionnelle pour les employeurs. Ce choix était effectué pour les
employeurs qui souhaitaient bénéficier de la prime Sarkozy dans
son montant maximum de 114,40 E par mois et par salarié. Depuis le
1er janvier 2005, tous les employeurs ont l'obligation de supprimer
le Smic hôtelier. Leurs
salariés au Smic vont donc bénéficier
d'une augmentation de 67,32 E de leur salaire brut.
L'Hôtellerie Restauration n° 2906
Hebdo 6 janvier 2005
ANNEXE 2
Suppression du Smic hôtelier et une semaine de
congés payés en plus
L'Umih et le GNC ont signé avec trois syndicats
salariés (CFTC, CGC et FO) jeudi 1er juillet les grandes lignes du
projet d'avenant à la convention collective qui doit donner lieu
à un accord définitif qui sera entériné et
signé mardi 13 juillet prochain. La profession peut continuer à
travailler sur la base de 39 heures mais, en contrepartie, elle supprime le
Smic hôtelier, accorde une semaine de congés supplémentaire
et deux jours fériés, et met en place un régime de
prévoyance.
Le projet d'accord conclu entre l'Umih et le
GNC avec 3 syndicats salariés n'est pas passé inaperçu,
l'information ayant largement été relayée dans la presse
écrite et dans les journaux télévisés. Mais le
projet définitif doit être encore signé par les partenaires
sociaux mardi prochain. Même si Bernard Luminet, représentant de
la CGC, déclare «être fier d'avoir signé cet accord
dans la profession», il reconnaît que «sans le coup de pouce et
la pression exercée par les ministères des Finances et du Travail
sur les employeurs, rien n'aurait été possible» : il n'en
reste pas moins prudent. En effet, mardi 6 juillet au matin, les 3
organisations salariées ont fait une déclaration commune dans
laquelle elles annoncent : «Nous voulons rappeler également aux
organisations patronales signataires que ce `relevé de décisions'
devient caduc le 13 juillet au soir, et qu'à la moindre filouterie de
dernière minute, à la moindre virgule de travers dans le texte
définitif qui dénaturerait notre accord sur le fond, ils
assumeront toutes les conséquences de notre retrait.»
Pour André Daguin, président de l'Umih, la
signature de cet accord a pour premier objectif de clarifier la situation des
entreprises des CHR sur trois problèmes principaux, qui étaient
en suspens. «La durée du travail est désormais fixée
à 39 heures dans les CHR, il faut rappeler que le décret qui
fixait cette durée dérogatoire pour la profession doit prendre
fin au 31 décembre 2004. Nous avons donc confirmé cette
durée du travail pour la profession. Nous avons réglé le
problème du travail de nuit en le définissant, ce qui permettra
à tous les hôtels de cesser d'être en infraction en faisant
travailler ces veilleurs plus que ce qu'autorise la loi et qui n'était
pas adapté à nos entreprises. Nous avons aussi
réglé le problème du temps partiel en adaptant ce type de
contrat à la spécificité de nos métiers et pour
permettre d'avoir une coupure de 5 heures au lieu de 2 heures. Ensuite, il faut
faire attention aux effets d'annonce : quand on parle d'une augmentation de
salaire de 11 %, il faut rappeler que l'augmentation du Smic était
déjà de 5,8 %, et en supprimant le Smic hôtelier cela
correspond à une augmentation supplémentaire de 5,2 %. On ne peut
pas vouloir continuer à faire travailler nos salariés sur la base
de 39 heures sans les payer en conséquence. On ne peut pas se plaindre
de ne pas trouver de salariés sans rien faire pour rendre la profession
plus attractive.»
Une partie des organisations patronales très
mécontentes...
La CPIH, la Fagiht et le Synhorcat avaient
présenté en commun leur propre texte lors de la mixte paritaire,
mais celui-ci n'a pas retenu l'attention des syndicats salariés. En
raison des propositions faites de part et d'autre qu'ils jugeaient
déraisonnables, ils ont quitté rapidement la table des
négociations.
Pour Didier Chenet, président du Synhorcat, il s'agit
d'un accord injuste. «De nombreuses petites entreprises ne pourront pas
suivre et vont disparaître. Les allégements de charges ne pourront
pas couvrir en totalité ces coûts supplémentaires pour les
entreprises. Ces mesures vont représenter une augmentation de la masse
salariale de 8 à 10 % : les allégements de charges ne
compenseront pas cette hausse et cela se traduira par une perte de 3 à 4
point de marge nette. Quand on regarde la rentabilité de nos entreprises
et ce qu'elles laissent en marge nette... attention danger ! Si le texte est
confirmé, nous nous opposerons à son extension»,
conclut-il.
Quant à Jacques Jond, président de la Fagiht, il
dénonce «la politique de surenchère pratiquée par les
syndicats salariés» : Nous étions prêts à
accepter la suppression du Smic hôtelier, ce qui représentait une
augmentation de 11 % pour 40 % des salariés, mais nous ne voulions pas
donner plus de 2 à 3 jours de congés en plus. Cet accord va
profiter uniquement aux salariés, au détriment des entreprises.
21 % des hôtels saisonniers ont disparu depuis 10 ans, et cet accord va
accélérer le processus.» Pour Jean-François Girault,
«les petites entreprises vont avoir rapidement des problèmes. En
effet, cet accord va être applicable dès l'année prochaine
avec les congés payés, alors que le dispositif d'aide à
l'emploi prendra fin au 31 décembre 2005.»
... de même chez les salariés
Ce projet est loin de faire l'unanimité chez les
salariés, la CDFT et la CGT ayant elles aussi, un peu plus tard dans la
soirée, quitté la table des négociations et refusé
de valider ce projet. Pour la CFDT, «ce texte, même s'il comporte
des acquis tels que l'abandon du Smic hôtelier et la mise en place d'un
régime de prévoyance, laisse encore beaucoup de zones d'ombre qui
pourraient se traduire par des inégalités de traitement entre les
salariés.»
Les principales dispositions qui ont été
négociées
Le 1er juillet au soir, l'Umih et le GNC ont
signé avec trois organisations salariales (CFTC, CGC, FO) un
`relevé de décisions' qui doit être rédigé
pour en préciser les modalités, afin de donner lieu à un
accord définitif qui doit être signé mardi 13 juillet
prochain. Accord qui devra ensuite être étendu pour être
rendu obligatoire à tous les employeurs de la profession. Nous vous
proposons ici les grandes lignes du projet d'accord.
< Confirmation de la durée du travail
à 39 heures dans les CHR On prend en compte les heures
supplémentaires à partir de la 40e heure. Ces heures seront
majorées de 15 % pour les 4 premières, de 25 % pour les 4
suivantes et de 50 % pour les autres.
< Suppression du Smic hôtelier
Les employeurs des CHR qui ont l'obligation de nourrir leur
personnel doivent accorder 2 repas par jour, mais avec le mécanisme du
Smic hôtelier, la prise en compte de la moitié des repas dans le
salaire espèces disparaît.
Ce qui va entraîner une augmentation de 6 % du salaire.
Avec l'augmentation du Smic au 1er juillet, cela représente une
augmentation de 11 % des salaires au Smic dans la profession.
< Une semaine de congés payés
supplémentaires
L'accord prévoit l'octroi de 6 jours de congés
payés supplémentaires, à raison de 0,5 jour par mois de
travail effectif. Les salariés auront donc droit à 6 semaines de
congés payés par an.
Par contre, les salariés qui ont déjà des jours de RTT ou
autres ne bénéficieront pas de ces 6 jours en plus.
< Deux jours fériés
supplémentaires
en plus des trois déjà accordés par la
convention collective).
< Majoration pour le travail de nuit
Définition du travailleur et travail de nuit dont la
plage horaire est définie de 22 heures à 7 heures du matin.
Nouvelles durées maximales journalières de travail pour le
veilleur de nuit, qui sont fixées à 12 heures.
Pour les salariés qui travaillent la nuit, 2 jours de
repos supplémentaires et 1 jour pour les travailleurs du soir.
< Mise en place d'un régime de
prévoyance à 0,80 %
Cette nouvelle cotisation sera répartie à parts
égales, entre l'employeur et le salarié.
< Disposition sur le temps partiel
Conformément à la loi, un temps partiel est
inférieur à 35 heures. Mais l'accord prévoit qu'il ne peut
être inférieur à 24 heures, avec une seule coupure par
jour, mais qui peut être de 5 heures.
< Définition des trois catégories de
cadres
Un cadre dirigeant doit avoir au minimum un salaire
inférieur à 1,5 du plafond mensuel de la Sécurité
sociale, soit aujourd'hui un salaire supérieur à 3 714 e (plafond
Sécu : 2 476 x 1,5)
Un cadre autonome ne peut avoir un salaire
inférieur au plafond de la Sécurité sociale, soit 2 476
e. Un cadre intégré soumis à la durée collective
du travail de l'entreprise bénéficie en outre d'indemnité
de départ à la retraite supplémentaire. zzz66f
|
L'Hôtellerie
Restauration n° 2880 Hebdo 8 juillet 2004
ANNEXE 3
OPTIMISER L'EFFICACITÉ DE VOTRE
PERSONNEL
Comment limiter le stress professionnel
Le stress peut être à l'origine d'absences
répétées, d'accidents du travail, de maladies
professionnelles. Pistes d'action pour limiter ce risque. Par Carole
Gayet, information juridique.
La liste des facteurs professionnels exposant au stress est
longue. Selon les personnes, l'impact de ces facteurs pourra être
différent. Ces facteurs peuvent être liés à la
tâche à accomplir (charge de travail,
répétition...), à l'organisation du travail (inadaptation
des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et
familiale, comment faire vite et bien), aux relations de travail, à
l'environnement physique et technique (bruit, chaleur...) ou à
l'environnement socioéconomique de l'établissement (concurrence,
compétitivité...).
Plus de 1 travailleur sur 2 déclarent travailler dans
l'urgence et pour 1 travailleur sur 3, les relations avec les supérieurs
hiérarchiques sont source de tensions. Les symptômes du stress
peuvent être physiques (douleurs, troubles du sommeil, etc.),
émotionnels (sensibilité et nervosité accrues, etc.),
intellectuels (erreurs, oublis, etc.), comportementaux (agressivité,
isolement...).
Les réactions physiologiques pour faire face à
une situation de stress peuvent être néfastes pour l'organisme.
Les principales pathologies liées au stress sont les maladies
cardiovasculaires, la dépression et les troubles musculo-squelettiques.
Les effets du stress peuvent générer des absences
répétées, être à l'origine d'un accident du
travail ou d'une maladie professionnelle. Ils peuvent conduire à une
inaptitude, que sera amené à prononcer le médecin du
travail. Il s'en suivra une obligation de reclassement à votre charge.
À défaut, vous serez contraint de prononcer le licenciement pour
inaptitude.
Les conséquences du stress au travail sont lourdes
pour le salarié et l'employeur, la prévention de ce risque est
donc indispensable. À cette fin, nous vous proposons des pistes pour
identifier ce risque et le prévenir. zzz60m
Les questions à se poser...
|
... Des pistes d'action
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Votre personnel de cuisine est énervé,
crispé ?
|
Bien définir les tâches de chacun.
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Le personnel a-t-il du mal à faire face aux coups de
feu ?
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Bien définir les procédures d'organisation.
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Vos salariés se bousculent ?
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Organiser le travail pour anticiper et s'adapter
aux fluctuations de l'activité.
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Il y a de la casse ?
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Veiller à bien coordonner salle et cuisine.
|
Votre personnel de salle fait d'incessants allers-retours en
cuisine ?
|
Prévoir des zones de passage des plats
cuisine-salle.
|
Le personnel de salle a des difficultés à
mémoriser les commandes, fait fréquemment des erreurs ?
|
Bien définir les modalités d'identification
des plats.
|
Pour vous aider, n'hésitez pas à faire appel
à votre Comité d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT), au médecin du travail, au service
prévention de votre Cram (Caisse régionale d'assurance maladie)
ou à l'Institut national de recherche et de sécurité
(INRS).
|
Que dit le Code du travail ?
Le chef d'établissement prend les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la
santé physique et mentale des salariés de l'établissement
(L.230-2).
L'Hôtellerie Restauration n° 2967
Hebdo 9 mars 2005
ANNEXE 4
Jean-François Girault, président de la
CPIH
"Non à 35 heures, oui à 39 heures avec
des aides"
Deux mois après sa prise de fonction officielle
à la tête de la CPIH, Jean-François Girault revient pour
nous sur son refus de signer la RTT. Interview express.
Propos recueillis par S. Soubes
L'Hôtellerie : Votre
prédécesseur à la tête de la CPIH était
favorable à la signature des textes ramenant le temps de travail dans la
profession à 35 heures en 2007 si l'Etat s'engageait sur des aides
spécifiques pour les CHR. Lors des élections, vous aviez
annoncé que vous étiez contre le projet tout en acceptant
l'idée de réfléchir une nouvelle fois aux propositions.
Votre position est-elle aujourd'hui définitive ?
Jean-François Girault :
Effectivement, Roland Magne avait émis l'idée de
signer l'accord de RTT qui ramènerait le temps de travail à 35
heures au 1er janvier 2007. Accord signé depuis par la CFDT et la CGT.
Après avoir été élu à la tête de la
CPIH, j'ai, en interne, organisé plusieurs réunions pour savoir
si nous devions signer ou pas. Malheureusement, nous nous sommes rendu compte
que le projet, en l'état, n'était pas du tout applicable pour les
petites entreprises que je représente. Les retards de publication du
décret sur l'exonération des charges sur les avantages en nature
nous ont aussi mis mal à l'aise. En outre, les trois quarts des
professionnels que nous avons interrogés ont répondu
défavorablement aux 35 heures. Je ne veux pas entraîner la
profession dans quelque chose qu'elle ne pourra pas tenir. En ce qui me
concerne, je pense que la profession peut passer de 43 heures à 39
heures, si cette réduction du temps de travail est assortie d'aides
réelles. En revanche, la profession ne peut en aucun cas absorber 35
heures, même à terme. Ce n'est matériellement pas faisable.
L'Hôtellerie Avez-vous, comme vous l'aviez
évoqué, renoué un dialogue avec l'Umih ?
Jean-François Girault :
Oui, j'ai repris contact avec l'Umih mais aussi avec la
Fagiht. Nous mettons actuellement en place un plan d'action national concernant
la TVA. Nous voulons donner aux responsables départementaux des outils
leur permettant d'aller discuter avec leurs élus. Je pense que
l'unité syndicale est de nouveau envisageable et que celle-ci devrait
permettre à nos adhérents d'avoir une ligne directrice
générale, sachant, et j'insiste à ce sujet, qu'il n'est
aucunement question de fusion entre la CPIH et l'Umih.
...................
L'HOTELLERIE n° 2724 Hebdo 28 Juin 2001
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES :
Le temps de travail en Europe : organisation et
réduction : colloque, 7-8 décembre 1994, Dusseldorf sous la
direction de Reiner Hoffmann et Jean Lapeyre (1995)
La durée et l'aménagement du temps de travail
dans l'Union européenne : actes du colloque organisé par la
Confédération européenne des cadres, Luxembourg, 30
novembre 1995
Le travail: quel avenir ? Pierre Boisard, Daniel Cohen,
Mireille Elbaum.présentation d'Olivier Mongin (1997)
Vers une économie plurielle : un travail, une
activité, un revenu pour tous Guy Aznar, Alain Caillé,
Jean-Louis Laville propos recueillis et mis en forme par Inouk Faugère
(1997)
Réduction du temps de travail: que faut-il croire
? sous la direction de Jean-Pierre Chanteau et Denis Clerc ; avec Hugues
Bertrand, Alain Lebaube, Jacques Lesourne... (1997)
Le partage du travail dossier constitué par
Dominique Méda (1997)
Le guide pratique des 35 heures de Gilbert Cette (1998)
Le partage du travail : bilan et perspectives sous la
direction de Hervé Defalvard et Véronique Guienne (1998)
Le retour du travail David Alis, Michèle
Amiel, Anne-Françoise Bender... (1999)
La RTT, Que sais-je ? n° 3666
L'Aménagement du temps de travail, Que
sais-je ? n°3134
TEXTES DE LOI :
Loi Aubry I et Loi Aubry II
Loi Fillon
Convention Collective des Hôtels Cafés
Restaurant
Avenants de la Convention Collective
Journal Officiel, accords des HCR 1er Janvier
2005
ETUDES :
Enquête SVP « Pourquoi ne pas appliquer les 35
Heures » 2003
Documentation Française « La RTT, des
politiques aux Pratiques » Juin 2003
« Est-ce que les 35 heures ont eu une influence sur
la fréquentation des Hotels Restaurants » André Daguin
2003
Etude de l'INSEE « Evolution des
rémunération a-t-elle été
freinée » 1999
DARES « RTT et modes de vie » 2004
OCDE « Durée du travail en Europe »
1997
Rapport Viard « Effets des RTTsur le vie des
salariés » 2002
SITES INTERNET :
Site CFDT : « 800 00 salariés
toujours privés de RTT » 16 octobre 2003
« HCR, des patrons qui plaident pour la
RTT » 2004
Site UMIF : « RTT : le Conseil d'Etat
annule l'extension de l'accord » 26 février 2003
Site de L'Hôtellerie :
« 6ème semaine de congés
payés, suppression du SMIC Hôtelier » n°2906 du 6
janvier 2005
« Comment limiter le stress
professionnel » n°2964 du 9 mars 2005
« Non aux 35 heures, oui aux 39 heures avec
aides » n°2724 du 2 juin 2001
«
HCR : gouvernement et patrons
font un nouveau bras d'honneur au premier syndicat de salariés de la
branche ! » du 27 octobre 2005
ARTICLES DE PRESSE :
L'Expansion Dossier Haro sur les 35 heures
« Faut-il brûler la RTT ? » du 24
septembre 2003
Magasine Marketing « « Les 35 heures,
favorables au tourisme ? » magazine n°51 du 1er
juin 2000
Politis « Loi Fillon : une régression
sociale sans précédent » 17 octobre 2002
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