Université Paris X (Nanterre) Institut National
Agronomique de Paris - Grignon
(INAPG)
Recomposition des rapports ville - campagne en Ile de
France : Exemple de la zone maraîchère de Cergy.
Mémoire de première année Master
: Mondialisation et Dynamiques Rurales Comparées.
Présenté par Ibrahim HESSAS
Composition du jury :
Mme Monique POULOT : Maître de conférence
(Université Paris X) M Jean Paul CHARVET : Professeur (Université
Paris X)
Septembre 2006.
SOMMAIRE :
INTRODUCTION : 1
RAPPELS METHODOLOGIQUES : 9 PREMIERE PARTIE
:
L'AGRICULTURE EN ILE DE FRANCE : DE LA PRISE EN COMPTE
SPATIALE A LA CONSIDERATION FONCTIONNELLE
1. LA PRISE EN COMPTE DE L'ESPACE AGRICOLE DANS L'AMENAGEMENT
REGIONAL EN ILE DE
FRANCE : 13
2. VERS L'INTEGRATION FONCTIONNELLE DE L'ACTIVITE AGRICOLE EN
ILE DE FRANCE : 19
DEUXIEME PARTIE : LA ZONE MARAICHERE DE CERGY : UN
ESPACE AGRICOLE URBAIN
1. UNE POSITION PARTICULIERE : AU CENTRE DE LA VILLE NOUVELLE DE
CERGY PONTOISE. 24
2. UN ESPACE SOUS FORTES CONVOITISES URBAINES : 29
2.1. La zone maraîchère : un espace ouvert :
30
2.2. La zone maraîchère : un espace de sport et
de loisirs : 33
2.3. La zone maraîchère : un espace de liaisons
: 35
2.4. La zone maraîchère : un espace
habité : 36
2.5. La zone maraîchère : un lieu de
décharges sauvages : 38 TROISIEME PARTIE :
L'AGRICULTURE DE LA ZONE MARAICHERE : UNE ACTIVITE
FAIBLEMENT INTEGREE DANS L'AGGLOMERATION DE CERGY PONTOISE
1. PRESENTATION DE L'AGRICULTURE DE LA ZONE MARAICHERE DE CERGY
: 40
2. PEU D'ECHANGES AVEC L'AGGLOMERATION DE CERGY PONTOISE :
50 3. LES TENTATIVES D'INTEGRATION URBAINE DE L'AGRICULTURE PAR
L'AGGLOMERATION DE CERGY PONTOISE : 54
3.1. Les mesures de protection de l 'agriculture en zone
maraîchère : 54 3.2. L 'intégration dans un circuit de
recyclage de déchets urbains : une tentative
échouée. 56
QUATRIEME PARTIE :
LES BASES DU RAPPROCHEMENT VILLE - AGRICULTURE EN
ZONE MARAICHERE DE CERGY
1. DE NOUVEAUX ROLES URBAINS POUR L'AGRICULTURE : 59
1.1. Un rôle social : de l'emploi agricole pour une
main d'oeuvre urbaine : 59
1.2. Les tags : pressions urbaines, ou appropriation
citadine de l 'agriculture : 60
1.3. Le rôle patrimonial et paysager : 62
2. LES CONDITIONS DU RAPPROCHEMENT VILLE - AGRICULTURE : 63
2.1. La reconstruction du dialogue agriculteurs -
agriculteurs : 64
2.2. Le renforcement du contact agriculteurs - citadins :
65
2.2.1. L 'obstacle : un recul des clients sur les
marchés forains : 65
2.2.1.1. Les légumes attirent de moins en moins
d'acheteurs : 68
2.2.1.2. Les marchés forains n 'attirent plus les
clients : 70
2.2.2. La clé du déblocage : un rôle
actif pour les agriculteurs : 72
2.2.2.1. Tenir compte des attentes des citadins : 72
2.2.2.1.1. Envers les produits agricoles : des
légumes frais à des prix abordables : 72
2.2.2.1.2. Envers l'espace agricole : 75
2.2.2.2. Renforcer l'image de l'agriculture au sein de la
société : 76
2.2.2.2.1. L 'agriculture : une activité capable de
satisfaire les attentes de la société : 76
2.2.2.2.2. Redéfinir le métier d'agriculteur
par ses points positifs : 77
2.2.2.3. Convaincre les citadins de maintenir l'agriculture
francilienne : 79
CONCLUSION : 81 LISTE DES ILLUSTRATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
Introduction :
Le phénomène de la périurbanisation est
né en France à la fin des années 1960, c'est vers 1967 -
1968 que l'engouement pour la maison individuelle reprend une nouvelle vigueur
quarante ans après les lotissements de l'entre les deux guerres. Hormis
quelques franges qui se développent en continuité avec
l'urbanisation existante, il s'agit d'une croissance urbaine
détachée de la ville mère dont l'essentiel s'effectue
à des distances plus ou moins grandes sous la forme d'îlots
urbains en plein milieu rural (Steinberg, Desert et Metton, 1991).
L'essor de la périurbanisation a conduit à la
naissance d'un espace à contours non précis dans lequel se
mêlent l'urbain et le rural avec des proportions plus ou moins
significatives selon que l'on se positionne proche de la ville ou de la
campagne. Il se caractérise principalement par de fortes migrations
domicile - travail permises par le développement de l'automobile et du
réseau routier et autoroutier et par l'accès à la
propriété rendu plus facile grâce aux systèmes de
crédits à la consommation et des prix du foncier plus abordables
en s'éloignant du centre ville. Toutes ces caractéristiques ont
abouti à la mise en place d'un espace particulier qui n'est ni ville ni
campagne mais qui regroupe les caractéristiques des deux espaces : le
périurbain. C'est un non lieu où l'agriculture a
été peu à peu désorganisée. Aujourd'hui, ces
franges rurales / urbaines changent de sens. La forme urbaine recherchée
inclut dorénavant des espaces ouverts, et notamment des espaces
cultivés, dont la permanence à proximité du bâti est
devenue une condition essentielle de la qualité du cadre de vie (Fleury,
2004).
La part de plus en plus marquante de cet espace dans la
répartition des infrastructures, des activités et de la
population a conduit l'INSEE à réviser son système de
découpage du territoire français ; un découpage en aires
urbaines qui tient compte des nouvelles caractéristiques de ces nouveaux
espaces (notamment les migrations domicile travail) est proposé en 1996.
En s'appuyant sur les résultats du recensement de la population de 1999,
ce zonage classe désormais 14930 communes comme périurbaines
(soit 41% de l'ensemble des communes françaises), elles concernent
près de 179792 Km² (soit 33% du territoire) et plus de
12,25 millions d'habitants (soit 21% de la population), les zones rurales
correspondent au territoire de 18535 communes (soit 51% des communes), 320171
Km² (soit 59% de la surface totale de la France) et 10,5
millions d'habitants (soit 18% de la population), le reste étant
classé en zone urbaine (INSEE, 2000). En 1999, 73% de la population
française métropolitaine vit dans les 361 aires urbaines et 56%
dans les 73 aires de plus de 100000 habitants (Bessy - Pietri, 2000), entre
1990 et 1999, la population a augmenté de 1,03% dans
les couronnes périurbaines, de 0,42% dans les banlieues
et de 0,12% dans les villes - centres pour l'ensemble des aires urbaines. La
progression de la population du centre vers la périphérie
caractérise 19 aires de plus de 100000 habitants. Ce
phénomène résulte d'un fort excédent des
arrivées sur les départs ce qui confirme la vigueur de la
périurbanisation (INSEE, 2000).
L'étalement urbain s'effectue par l'artificialisation
des sols qui touche annuellement 55000 ha de terres agricoles (Boisson, 2005).
Sa progression est inégalement répartie selon les zones
concernées, entre 1992 et 2001, elle a augmenté de 14% en zones
périurbaines, de 12% en zones urbaines et de 10% en zones rurales
(Agreste, 2002). A partir de ces chiffres, il ressort que la perte
irréversible des terres agricoles concerne avant tout les espaces
périurbains. Dans ces derniers, l'agriculture utilise encore 10,3
millions d'ha avec 231000 exploitations contre 16,7 millions d'ha avec 375000
exploitations en zones rurales et seulement 1,6 millions d'ha avec 57000
exploitations dans les zones urbaines (Boisson, 2005, Agreste, 2002). En France
métropolitaine, 84% du territoire reste encore occupé par
l'agriculture et la forêt (Boisson, 2005).
Si l'artificialisation des sols agricoles peut être
aujourd'hui plus ou moins freinée à travers les documents
d'urbanismes (schéma directeur, ou encore POS et PLU) qui peuvent
parfois rétablir définitivement la destinée agricole
à certains de ces espaces les sécurisant ainsi de toute pression
foncière, la proximité urbaine pose encore de sérieux
problèmes à l'activité agricole dans ces lieux
particuliers du contact ville - campagne ; vols, dégradations,
difficultés d'accès aux parcelles et problèmes de
circulation pèsent aujourd'hui sur les agriculteurs des espaces
périurbains. Néanmoins, la proximité urbaine permet aux
agriculteurs de commercialiser directement leurs produits et de tirer une marge
bénéficière plus importante de leur travail, le contact
avec les citadins les place aussi dans une position de
privilégiés leur permettant d'ajuster leurs modes de travail et
leurs productions selon les demandes locales. Avec le contact ville - campagne
extrêmement fort dans ces espaces, l'agriculture s'adapte et porte des
caractéristiques spécifiques : une agriculture périurbaine
s'identifie et se met en place (Poulot et Rouyres, 2005). A travers cette
agriculture périurbaine, c'est tout le concept de « campagne
périurbaine » proposé par Jean Renard qui s'exprime
désormais comme composante à part entière d'une nouvelle
typologie des campagnes européennes, il se défini avant tout par
la forte disparition de l'agriculture ou sa spécialisation (Renard,
2002). L'émergence de réseaux dédiés au maintien de
l'agriculture des milieux périurbains (Purple en Europe, Terre en ville
en France) confirme l'existence de la spécificité de
l'agriculture périurbaine, elle témoigne aussi de la
préoccupation de plus en plus importante des pouvoirs
publics et des Etats concernant ce type d'agriculture,
aujourd'hui le maintien de cette activité mobilise de grandes
régions urbaines européennes.
Dans ce mouvement, l'Ile de France tient un rôle actif
pour maintenir l'agriculture sur son territoire. Après la reconnaissance
d'une destiné agricole à ses espaces de cultures
définitivement exprimée dans le SDRIF de 1994, c'est le maintien
de l'activité agricole qui préoccupe les différents
acteurs de l'aménagement régional. Si l'espace agricole ne change
que peu notamment grâce aux efforts consentis pour maîtriser
l'étalement urbain, l'agriculture recule sur le territoire
régional à une vitesse touj ours soutenue.
L'enquête sur la structure des exploitations agricoles
réalisée par le ministère de l'agriculture à
l'automne 2005 fixe à - 3,1% le rythme annuel de disparition des
exploitations agricoles franciliennes pour la période 2000 - 2005. Ce
taux s'est stabilisé depuis 1988 à une valeur proche de - 3%
(pour une moyenne nationale de -3,9%). En 2005, la région compte 5600
exploitations (soit environ 1500 exploitations de moins qu'en 2000) dont 4200
unités professionnelles, en cinq ans, 14% des exploitations
franciliennes ont disparu. Ce recul est différemment ressenti selon les
départements, il est plus fort en petite couronne (-30%) et plus faible
en Seine - Et - Marne (-10%), les autres départements enregistrent des
baisses intermédiaires (-18% pour les Yvelines et l'Essonne, -17% pour
le Val d'Oise).
Le recul des exploitations en nombre s'est accompagné
par la poursuite de leur agrandissement, 39% ont plus de 100 UDE (contre 33% en
2000). Les exploitations appartenant à l'OTEX grandes cultures sont
celles qui se maintiennent le mieux, toutes les autres catégories
reculent, notamment les unités de cultures spéciales qui ont
perdu 29% de leur effectif (contre seulement 9% pour les grandes cultures).
Dans un contexte d'augmentation des charges et de pression foncière,
seules les exploitations les plus performantes et les plus aidées au
niveau communautaire résistent (Agreste, 2006).
Le constat demeure alarmant malgré les engagements
forts et solennels de la région en faveur de son agriculture, le
maintien de cette activité sur le territoire francilien réclame
aujourd'hui des mesures plus adaptées au contexte global mais surtout
aux spécificités locales de chaque espace agricole. Ces mesures
doivent non seulement tenir compte de l'opinion francilienne de plus en plus
importante dans le débat sur l'avenir de l'agriculture régionale
(Charvet, 2003), mais aussi de celle des agriculteurs eux-mêmes car c'est
à eux qu'incombe la continuité et la transmission de ce
métier pour les générations futures sans compromettre
leurs intérêts et ceux de la société actuelle, les
agriculteurs doivent jouer un rôle actif. Les gestes du « refaire
campagne » doivent considérer les att entes de toutes les parties
concernées par
l'agriculture francilienne tout en veillant à
répondre aux sollicitations de l'ensemble de la société
régionale (Poulot et Rouyres, 2005).
Jean Paul Charvet résume les conditions du maintien
d'une agriculture viable en Ile de France, il propose des voies pour une
durabilité économique et sociale de cette activité. Il
s'agit de garantir l'accès aux espaces agricoles et de sécuriser
les productions, de valoriser davantage la situation en zone périurbaine
et de procurer des revenus suffisants et mieux assurer les successions à
la tête des exploitations. Les agriculteurs qui auront un accès
commode à leurs exploitations, vont pouvoir mettre en place des cultures
qui seront sécurisées des pressions urbaines, il pourront ensuite
commercialiser eux-mêmes leurs produits afin de récupérer
une grande partie de la plus value (perçue par les agents
économiques). L'exercice de production peut s'accompagner par des
formations en marketing afin d'optimiser les conditions de commercialisation,
la mise en place de démarches de qualité permet de justifier les
prix proposés notamment pour les catégories sociales les plus
aisées. Au-delà de la simple production alimentaire, les
agriculteurs peuvent développer d'autres activités en lien avec
la ville dans le cadre de la multifonctionnalité de l'agriculture
(accueil de groupes, entretien et gestion des paysages), en communiquant sur
leurs apports à la société régionale, ils peuvent
justifier les soutiens qui leur sont apportés leur garantissant des
revenus supplémentaires (Charvet, 2003).
D'autres chercheurs, notamment à l'Ecole Nationale
Supérieur du Paysage de Versailles, considèrent qu'à moyen
et à long terme, l'agriculture périurbaine n'existera que sous
forme d'une agriculture urbaine1. Son nouveau rôle sera la
production de paysage, la défense de l'environnement et la promotion de
la biodiversité et de l'harmonie sociale. Elle reste touj ours une
activité économique, mais sa production ne sera plus
identifiée aux seules denrées agricoles ; en devenant
multifonctionnelle, elle devient une composante spatiale et sociale des
territoires urbains (Donadieu et Fleury, 1997, Donadieu, 2004, Fleury,
2004).
Il ressort ainsi que la place de l'agriculture en Ile de
France reste garantie par sa capacité à intégrer
fonctionnellement les projets urbains et à devenir pleinement urbaine,
cette destiné ne peut sans doute s'accomplir dans des délais
courts car elle nécessite des ajustements profonds qui s'opèrent
non seulement du côté de l'agriculture elle-même qui doit
assumer sa multifonctionnalité mais aussi de la part de la
société entière notamment pour rémunérer les
aménités qui découlent des nouvelles fonctions de cette
activité. En attendant, l'enjeu est de la maintenir viable pour qu'elle
puisse atteindre ce stade ultime d'intégration
1 - Il s'agit de l'agriculture des périphéries
urbaines qui s'oriente vers les nouveaux besoins urbains (Donadieu et Fleury,
1997)
totale dans les projets urbains où l'agriculture est
considérée comme un outil d'urbanisme, une infrastructure
naturelle d'intérêt public, capable d'organiser durablement le
territoire des cités puisque le développement de la ville aux
dépends de l'agriculture n'est pas inéluctable (Donadieu,
1998).
Ce travail propose de vérifier les conditions de la
réintégration de l'agriculture en ville notamment lorsqu'elle se
trouve entièrement contenue dans l'espace urbain, ce positionnement qui
concerne de plus en plus d'espaces agricoles suffit-il pour que l'agriculture
accède à une forme urbaine à travers la mise en place de
rôles fonctionnels avec la ville ?
De telles problématiques deviennent intéressantes
à aborder en Ile de France où les rapports ville - campagne sont
en perpétuelle recomposition.
Rappels méthodologiques :
Ce travail se divise en trois grandes parties, la
première basée essentiellement sur une recherche bibliographique
a pour objectif de retracer les principaux moments forts qui ont conduit
à l'émergence de l'agriculture comme préoccupation
régionale en Ile de France, l'objectif étant de montrer
l'ascension de l'agriculture dans les problématiques
d'aménagement régional ; après la reconnaissance et la
fixation d'une destiné agricole à une vaste partie de l'espace
francilien, c'est le maintien de l'activité agricole qui devient une
nécessité pour l'aménagement du territoire en Ile de
France.
Dans la seconde partie, il s'agit d'analyser les adaptations
du fonctionnement de l'espace agricole lorsqu'il est maintenu au milieu urbain
notamment en terme d'interactions qu'il peut développer avec son
entourage urbain proche, l'objectif est de montrer le degré et les voies
d'intégration de ce type d'espace dans les milieux urbains. Pour cela
j'ai choisi un espace agricole homogène nommée « zone
maraîchère de Cergy » dont la localisation
géographique permet d'introduire dans l'analyse les conséquences
des actions et des décisions prises lors de l'élaboration des
orientations à l'aménagement régional (villes nouvelles,
ceinture verte régionale) ; Le chevauchement de plusieurs
échelles (communale, agglomération nouvelle, régionale...)
complique davantage la problématique d'intégration urbaine de cet
espace et permet de rendre compte de la complexité de la gestion de
certains espaces agricoles franciliens (ou autres) se trouvent dans des
contextes similaires.
Cette partie est basée essentiellement sur un travail
de terrain qui consiste en un diagnostic territorial complet de la zone
d'étude dans le but de repérer les différents usages et
servitudes en place qui, même lorsqu'elles paraissent secondaires pour
certaines d'entres elles, peuvent contribuer inéluctablement à
expliquer le fonctionnement actuel de la zone maraîchère.
Pour mener mon diagnostic, j 'ai effectué, plusieurs
visites et passages sur le terrain au cours desquels j 'ai recensé,
noté, photographié et schématisé toutes les
composantes spatiales présentes sur cette zone et dans ses alentours
immédiats. Au-delà de mes observations personnelles, les
récits et les explications qui m'ont été données
par les différents acteurs rencontrés ont appuyées mes
remarques sur le fonctionnement de chacune de ces composantes et de toute la
zone maraîchère.
La troisième partie de ce travail propose d'analyser
les effets de ce positionnement urbain de l'espace agricole sur la
capacité de l'agriculture qui s'y pratique à s'intégrer
dans le milieu urbain et à participer aux projets de la ville en
développant des relations fonctionnelles
avec celle - ci. Cette partie qui représente aussi
l'essentiel de mon travail, est menée en réalisant deux
enquêtes de terrain :
La première consacrée aux agriculteurs a pour
objectif de connaître les principales préoccupations de ces
derniers en insistant sur leurs propres attentes vis-à-vis de la
société en générale et francilienne en particulier.
Pour cela, j 'ai établi un questionnaire qui reprend les principales
difficultés de l'agriculture des milieux périurbains. Les
questions choisies reprennent ainsi largement les problématiques du
voisinage urbain (foncier, relations avec la ville,...), mais aussi de la
capacité des agriculteurs à valoriser leur proximité
à la ville (choix des cultures, modes de
commercialisation)2.
Une fois sur le terrain, et dès les premiers contacts
avec les agriculteurs, je me suis rendu compte que leurs interventions restent
principalement focalisées sur certaines problématiques
(rémunération du travail agricole, revenus, commercialisation des
produits...) sur lesquelles les agriculteurs répondent avec beaucoup de
précision en prenant le temps nécessaire. Sur les questions
relatives au fonctionnement de leurs exploitations (rotation, gestion du
personnel,...) les réponses sont souvent rapides et peu précises.
Au bout de quelques entretiens, j 'ai donc choisi de laisser s'exprimer les
agriculteurs sur les sujets qu'ils jugent plus urgents à traiter. Des
simples questions - réponses, mon enquête s'est transformée
en de véritables entretiens plus approfondis et plus longs durant
lesquels la parole est principalement laissée aux agriculteurs qui
s'expriment et orientent leurs interventions selon les thèmes qui les
préoccupent le plus : ce sont ces thèmes que j 'ai
considérés par la suite comme leurs principales attentes
vis-à-vis de la société.
Le dépouillement des résultats de ces entretiens
directs avec les agriculteurs, m'a orienté dans l'élaboration du
questionnaire destiné pour la seconde enquête que j 'ai
réalisée auprès des citadins3. Ni la
sécurisation du foncier, ni les pressions urbaines ne semblent
préoccuper pour autant les agriculteurs de la zone
maraîchère, en revanche, ils témoignent tous d'une grande
inquiétude quant aux débouchés de leurs productions au
point où leurs attentes vis-à-vis de la société
tournent exclusivement autour de ce thème toutefois exprimées
sous diverses formes.
La seconde enquête a pour objectif de rechercher les
réponses des citadins aux principales demandes que leur adressent les
agriculteurs. Elle m'a permis de proposer mon questionnaire à un
échantillon de 90 personnes dont 79 ont répondu et 11 n'ont pas
souhaité s 'exprimer.
2 - Voir questionnaire destiné aux agriculteurs en
annexe.
3 - Voir questionnaire destiné aux citadins en annexe.
Les individus interrogés sont rencontrés sur les
six quartiers qui composent la commune de Cergy dans lesquels ils sont soit
résidents soit travailleurs. Ceux qui ont répondu sont
âgés entre 17 et 80 ans avec une plus forte représentation
de la catégorie d'âge 20-60 ans (plus de 90% des individus), cette
catégorie est aussi la plus concernée par l'achat des produits
alimentaires en général et des légumes en particulier.
Graphe 01 : Les catégories d'âge des personnes
interrogées.
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
10_20 20_ 30 30_ 40 40_ 50 50_ 60 60_ 70 70_ 80 Classe
d'âge (années)
3%
41%
19% 21%
Nombre total d'individus = 79 (100%)
10%
5%
1%
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Les entretiens sont directs, ils se sont effectués de
deux façons : soit en abordant les gens dans les rues et les lieux de
passages (trottoirs, places publiques,...), soit, directement sur leurs lieux
de travail afin de pallier le problème d'indisponibilité
exprimé par une partie des personnes rencontrées. Cette
deuxième façon d'enquêter, qui a le plus contribué
à l'avancement de mon investigation, présente cependant le risque
de causer des désagréments pour les personnes interrogées
sur leur lieu de travail (Poste, commerces, pharmacies, administrations,
université, écoles...). Afin de minimiser les non -
réponses, j'ai proposé après explication de l'objectif de
mon travail de laisser mon questionnaire aux gens, pour qu'ils puissent avoir
le temps de réflexion nécessaire et répondre
tranquillement dans un délai raisonnable : cette méthode permet
d'éviter des réponses courtes et moins réfléchies
puisque les délais de réponses sont choisis par les
enquêtés ; en revanche, et au-delà de sept jours sans
réponse, je considère que la personne n'a pas souhaité
s'exprimer.
Une fois les questionnaires récupérés, la
saisie puis l'analyse des données a permis de dresser un portrait du
monde agricole tel qu'il est perçus par les citadins ainsi que les
comportements de ces derniers vis-à-vis de l'agriculture (espace,
activité et productions) : Certaines réponses peuvent être
apportées aux différentes attentes des agriculteurs.
Enfin une dernière partie sous forme de propositions en
vue d'un rapprochement entre agriculteurs et citadins, résume les
principales conditions permettant à l'agriculture de tenir compte des
évolutions de la société qui l'entoure. A travers les
attentes des agriculteurs et les réponses des citadins, une série
de mesures est proposée dans l'objectif de rapprocher les agriculteurs
des citadins autour des préoccupations soulevées des deux camps.
Dans cette partie qui s'adresse aux agriculteurs, l'importance est
donnée à la fonction nourricière de l'agriculture car
c'est la principale fonction dans laquelle se reconnaissent encore les
agriculteurs : c'est dans leur mission de nourriciers que ces derniers peuvent
facilement accepter de fournir des efforts supplémentaires.
Première partie :
L'agriculture en Ile de France : de la prise en compte
spatiale à la considération fonctionnelle.
1. La prise en compte de l'espace agricole dans
l'aménagement régional en Ile de France :
La considération de l'espace agricole par les documents
d'aménagement régional de l'Ile de France s'est faite d'une
façon graduelle et tardive. Elle n'est devenue effective qu'après
83 ans des premières réflexions sur l'aménagement du
territoire dans cet espace devenu la région Ile de France.
Jusqu'au milieu des années 1970, les schémas
d'aménagement mis en place s'intéressaient beaucoup plus à
l'organisation de l'expansion urbaine de la région parisienne,
extrêmement forte notamment entre les deux guerres et après la
seconde guerre mondiale, l'espace agricole été alors
considéré comme une « réserve foncière »
en attente d'urbanisation, de préférence la moins coûteuse
pour l'Etat et les collectivités.
C'est ainsi que le PADOG de 1960 qui sépare les «
zones urbaines » des « zones rurales » par un
périmètre d'agglomération rigoureusement tracé en
préconisant une reconstruction de la ville sur la ville, autorise par
dérogation les constructions au-delà de ces limites et même
sur des terrains non affectés à l'urbanisation à
l'intérieur de ce périmètre4. Ces autorisations
de construire sont délivrées par la CARP5 à
condition que l'équipement des terrains soit pris en charge par le
demandeur et non par les finances publiques. Les motivations des instigateurs
de ce schéma sont plus la limitation des coûts de
l'étalement urbain que la préservation de l'espace rural et
agricole. Par ses préoccupations urbanistiques, le PADOG s'aligne
largement sur ses prédécesseurs schémas d'urbanisation de
la région parisienne. Dans le plan d'extension de Paris
édité en 1911, qui se donne comme cadre d'extension le
département de la Seine, les réflexions sont orientées
vers l'amélioration de la circulation et la reconversion d'îlots
insalubres en espaces libres. Son successeur de 1939 (appelé Plan Prost
Dausset) qui s'applique à la région comprise dans un rayon de 35
Km autour de Notre Dame, donne la
4 - Paul Delouvrier estime que « deux tiers des demandes
de dérogations pour construire ont été faites dans les
zones rurales en dehors du périmètre délimité par
le PADOG »
5 - Comité supérieur d'Aménagement et
d'organisation générale de la Région Parisienne : elle est
instituée par le gouvernement Poincaré auprès du ministre
de l'intérieur par décret du 24 mars 1928 et succède
à la commission d'aménagement et d'extension du
département de la Seine instituée en 1925; selon J Bastié,
ce fut le point de départ de toute l'oeuvre d'aménagement de la
région parisienne.
Figure 01 : Le périmètre de la ceinture verte de la
région d'Ile de France.
Zone d'habitat collectif
Espaces boisés 0 10 Km
Limites de la ceinture verte Source : IAURIF, 1995.
Zone d'habitat individuel
N
priorité à la lutte contre l'extension des
lotissements par l'interdiction de construire au delà d'un
périmètre d'agglomération (sauf par dérogation de
la CARP) et au renforcement du réseau routier par la création de
3300 Km de voies nouvelles ; il préconise, en outre, des réserves
« d'espaces libres publics et privés » et une limitation des
hauteurs des immeubles selon les communes (Bastié, 1964 et 1984). Si le
PADOG a le mérite d'être le premier schéma
d'aménagement de la région parisienne à la
considérer en sa globalité avec comme objectif la limitation de
son extension en « tâche d'huile », le SDAURP qui lui a
succédé en 1965, présente des idées
révolutionnaires pour la région en ayant comme objectif la
limitation de son extension en « doigts de gants » notamment par
l'instauration du principe d'extension en ville nouvelles construites sur des
« terrains neufs » séparées de l'agglomération.
La limitation de l'urbanisation des vallées que promulgue ce
schéma a suscité sa révision au cours des années
1970 et son remplacement par le Schéma Directeur d'Aménagement et
d'Urbanisme de la Région d'Ile de France (SDAURIF) de
19766.
Il s'agit enfin du schéma qui apporte un premier
souffle aux espaces naturels par l'instauration de la notion de « trame
verte » et de « zones naturelles d'équilibre ». Ce
schéma a également supprimé trois villes nouvelles sur
huit initialement prévues, à savoir celle du Vexin, de Mantes sud
et de Meaux sud.
Depuis, l'intérêt grandissant qu'a pris l'espace
agricole dans l'aménagement régional s'est traduit par la mise en
place de projets spécifiques visant le maintien de ce type d'espaces
notamment dans les périmètres contenus entre les villes nouvelles
et entre celles - ci et l'agglomération parisienne. C'est dans cette
logique qu'un projet d'envergure régionale est conçu au
début des années 1980, puis mis en place en 1987 sous
l'appellation de ceinture verte régionale.
Située à une distance comprise entre 10 et 30 Km
du centre de la capitale, le projet de départ (de 1982) recouvre le
territoire de 359 communes avec 264700 ha de superficie (près du quart
de la surface régionale) et un tiers de la population régionale
à 1404 habitants/Km². Entre 1987 et 1990, la zone
d'étude de la ceinture verte a été agrandie vers
l'extérieur pour englober la totalité des villes nouvelles, et
pour inclure, au Nord, la pleine de France comprise dans le cercle des 30 Km ;
elle s'étend désormais sur un espace total d'environ 300000 ha et
comprend 410 communes avec un peu plus de 5 millions d'habitants (soit 1
667habitants/Km²). Si elle concerne tous les
départements de la région (sauf Paris), elle se
6 - Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme
de la Région d'Ile de France (le district est remplacé par le
conseil régional d'Ile de France le jour même d'approbation de ce
schéma).
situe essentiellement, pour 85% de sa surface, dans les quatre
départements de la grande couronne (IAURIF, 1995).
Ce projet qui reprend les dispositifs du SDRIF de 1976,
présente l'ambition d'ouvrir de nouveaux espaces de loisirs, en
particulier, pour les fins de semaine, de maintenir l'agriculture dans les
zones périurbaines et de maîtriser le front urbain en
évitant l'extension en tâche d'huile de l'agglomération
(AEV, 1987). Jusqu'en 1990, 37456 ha d'espace verts ont été
ouverts au public dans le périmètre d'intervention de la ceinture
verte.
Tableau 01 : Les espaces ouverts au public par le projet de la
ceinture verte (jusqu'en 1990).
Type d'espaces
|
Surface en hectares
|
Petite couronne
|
Grande couronne
|
Total ceinture verte
|
Verts de proximité
|
881
|
2470
|
3351
|
Parcs
|
779
|
2545
|
3324
|
Forestiers
|
3584
|
26771
|
30319
|
Spécifiques
|
61
|
260
|
321
|
Terrains non aménagés
|
37
|
104
|
141
|
Espaces verts total
|
5306
|
32150
|
37456
|
Population en 1990
|
1765750
|
3283680
|
5049430
|
Espaces verts (m²/habitant)
|
30
|
98
|
74
|
Source : IAURIF, 1995.
Dans son rapport publié en 1987, l'agence des espaces
verts de la région d'Ile de France voit en la mise en place de la
ceinture verte une priorité régionale dont l'urgence se justifie
par la nécessité de ralentir la consommation des espaces
agricoles qui s'effectue à une vitesse impressionnante : 84900 ha ont
été soustraits à l'agriculture, aux bois et aux
forêts entre 1970 et 1986 (soit une moyenne de 5660 ha par
année).
Tableau 02 : Les espaces agricoles et forestières en Ile
de France avant la ceinture verte.
Années
|
Surfaces en milliers d'hectares
|
SAU
|
peuplerais
|
Bois et forêts
|
Territoires agricoles non cultivés
|
étangs
|
Territoire non agricole (sauf paris)
|
1970
|
658,0
|
13,0
|
261,2
|
48,7
|
2,0
|
213,0
|
1975
|
628,2
|
14,2
|
261,5
|
36,8
|
1,9
|
253,4
|
1980
|
619,0
|
14,3
|
260,1
|
17,0
|
1,9
|
284,2
|
1985
|
610,2
|
14,2
|
258,1
|
15,7
|
1,0
|
286,4
|
1986
|
609,3
|
14,2
|
258,0
|
15,8
|
1,0
|
287,0
|
Source : DRAF/ AEV, 1987.
Afin d'atteindre ses objectifs, la ceinture verte propose de
mener des stratégies adaptées à l'état de l'espace
agricole concerné : elle prévoit de réintroduire
l'agriculture avec une double fonction d'accueil du public sur les espaces
agricoles « dégradés » et propose de favoriser la
fonction de production de l'agriculture sur les espaces agricoles « non
dégradés ». Afin de maintenir l'agriculture, le projet
propose de la mettre à l'abri des agressions urbaines (comme toute autre
activité économique), notamment par des protections physiques
(clôtures) ainsi que par le maintien d'espaces tampons entre ces espaces
et la ville (AEV, 1987).
Bien que la croissance spatiale de l'agglomération
parisienne s'est considérablement ralentie entre 1982 et 1990 (2100 ha
par an contre 4400 ha pour la période 1975 - 1982), la consommation de
l'espace agricole est restée de mise, elle s'effectue aussi par
l'installation d'infrastructures, d'équipements et de zones
d'activité économique ainsi que par l'ouverture d'espaces au
public puisque plus de 2100 ha des espaces boisés ou cultivés ont
été consacrés à la création d'espaces verts
publics, de jardins familiaux, de terrains de sports et de loisirs de plein air
(IAURIF, 1995). En revanche, c'est l'essor de l'habitat individuel qui semble
le facteur le plus dévastateur des espaces agricoles, la consommation
d'espace se trouve ainsi directement liée à l'importance relative
de ce type d'habitat dans les constructions puisqu'il mobilise 80% de l'espace
d'habitat alors qu'il n'offre que 28% de logements : le rapport des
densités est supérieur à 10, c'est-à-dire qu'un
logement individuel consomme dix fois plus d'espace qu'un appartement (Merlin,
2003).
Pour l'IAURIF, la disparition d'une majeure partie des 70000
ha d'espaces agricoles du projet de la ceinture verte est à
prévoir d'ici 2015, dans le cas où la croissance urbaine de la
région conserve la même répartition géographique,
c'est-à-dire essentiellement dans le périmètre de la
ceinture verte ; toutes les entités agricoles seront amputées
avec la disparition complète de certaines d'entres elles, car
au-delà de la stricte superficie d'urbanisation, celle-ci entraîne
une destruction plus large (IAURIF, 2002). La proximité des
constructions et la multiplication des voies de communication rendent les
conditions d'exploitation difficiles ; les exploitants ayant un parcellaire
éclaté sur plusieurs endroits, souffrent de l'allongement des
temps de parcours pour les engins agricoles volumineux et lents qui doivent
emprunter les axes de la circulation générale dans une
région où le trafic est très dense jusqu'à des
heures avancées de la nuit. D'ailleurs et devant l'ampleur de ce
problème, un grand nombre d'agriculteurs de l'Ile de France souhaite la
séparation des circulations (Poulot et Rouyres, 2005).
Graphe 02 : La répartition de l'urbanisation francilienne
(1982 /1999).
Hors ceinture verte (27%)
En ceinture verte (73%)
Source des données : IAURIF (2002)
Cette expansion urbaine sur le territoire de la ceinture
verte, est intervenu au moment où s'effectue le ralentissement
progressif de l'urbanisation des villes nouvelles ; ces dernières n'ont
pu absorber que 30% de l'urbanisation de la ceinture verte, les deux tiers
restants étant principalement effectués sur les autres espaces
constitutifs de cette ceinture qui sont majoritairement tenus par
l'agriculture. Ainsi, la part des villes nouvelles dans l'urbanisation de la
ceinture verte est passée de 36% entre 1982 et 1994 à 21% entre
1994 et 1999 (soit une diminution de 15%), tandis que la part de la ceinture
verte dans l'urbanisation totale de l'Ile de France est passée de 70%
à 80% (soit une augmentation de 10%) pour la même période
(IAURIF 2002).
Dans les schémas directeurs, c'est au milieu des
années 1990 que l'espace agricole est explicitement pris en compte d'une
façon définitive par le SDRIF de 1994.
Ce schéma qui oriente les aménagements de la
région à l'horizon 2015, exprime enfin l'engagement solennel de
la région d'Ile de France à reconnaître l'espace agricole
comme une composante essentielle et à part entière du territoire
régional : les espaces agricoles, qui lorsqu'ils sont pris en compte,
sont laissés en blanc « réserves foncières » par
ses prédécesseurs, apparaissent finalement en légende du
document accompagnant ce schéma avec le qualificatif « agricoles
».
Le SDRIF qui attribut à l'espace rural la valeur d'une
« ressource rare » promulgue « la reconstruction de la ville sur
la ville » afin d'économiser l'espace rural dans la couronne rurale
et d'épargner la ceinture verte (Poulot et Rouyres, 2005) ; il
préconise de modérer
davantage sa consommation en limitant à 1750 ha la
surface à prélever annuellement hors infrastructures (soit une
économie de 30% par rapport à la période
précédente). Sur ce point, la mise en place d'un outil
spécifique de suivi de la consommation des espaces agricoles est
proposée. C'est à ce titre que les outils des services de l'Etat
(direction régionale de l'équipement, direction régionale
et interdépartementale de l'agriculture et de la forêt) et de
l'IAURIF sont mis en commun au sein d'un groupe baptisé
OCEAN7. Le SDRIF est le premier schéma directeur
régional à affirmer la vocation économique et patrimoniale
de l'agriculture. Il donne la priorité à l'activité
agricole dans l'espace rural, y compris par rapport à certaines
exigences environnementales (IAURIF, 2003). Il préconise aux
collectivités de garantir des espaces agricoles cohérents,
suffisamment étendus pour assurer des conditions satisfaisantes
d'exploitations (Poulot et Rouyres, 2005) ; les surfaces retenues sont de
l'ordre de 50 ha en agriculture de serre ou horticulture, 300 ha en agriculture
spécialisée ou maraîchage, 2000 ha en agriculture de plaine
ou grandes cultures. En conséquence, il prononce le caractère
intangible des espaces jaunes « à l'intérieur de leurs
limites historiques et naturelles ». La priorité est donnée
à la préservation de la couronne rurale avec un
développement modéré des bourgs et villages, et la
création de parcs naturels régionaux.
2. Vers l'intégration fonctionnelle de
l'activité agricole en Ile de France :
Après la prise en compte de l'espace agricole dans les
schémas d'aménagement de la région d'Ile de France
définitivement entérinée par le SDRIF de 1994, vient la
reconnaissance de l'activité agricole et de ses rôles potentiels
pour la région. L'émergence de cette prise de conscience de la
place que pourrait prendre l'agriculture dans le milieu urbain a
accompagné la reconnaissance de la multifonctionnalité de
l'activité agricole.
Cette prise de conscience qui s'est traduite par une
volonté de préserver non seulement l'espace agricole mais aussi
l'activité agricole elle-même dans les milieux urbains n'est pas
propre à l'Ile de France. On la retrouve aussi dans d'autres
régions françaises, européennes et mondiales. Des
réseaux d'agriculture urbaine ont ainsi vu le jour associant diverses
régions qui partagent comme point commun la présence de
l'agriculture à proximité ou à l'intérieur de leurs
espaces urbains : RUAF8 au niveau mondial, PURPLE9 au
niveau européen et réseau
7 - Observation de la Consommation d'Espaces Agricoles et
Naturel, constitué depuis 1997 sous le pilotage de la préfecture
de la région.
8 - Ressource Center on Urban Agriculture and Food.
9 - Peri Urban Regions Platform Europe.
Terre en ville en France, sont autant de réseaux qui
relient différentes régions prônant le maintien et le
développement de l'agriculture urbaine et périurbaine sur leurs
territoires.
L'avenir de l'agriculture périurbaine préoccupe
le conseil régional d'Ile de France depuis 2000. La région s'est
alors engagée dans le projet Sustainable Open Space (SOS) et dans le
cadre du programme communautaire international « Interreg IIIB »,
permettant une réflexion commune des régions de l'Europe du Nord
Ouest sur les espaces ouverts périurbains. Les efforts de la
région en faveur de la mise en commun des différentes
expériences conduites dans d'autres régions ayant la même
préoccupation pour leurs agricultures, s'ont couronnés par sa
participation à la création du réseau PURPLE, puis en
organisant l'assemblée constituante de ce réseau à Paris
(avril 2005) : la région d'Ile de France devient alors un acteur
explicitement actif dans la voie de maintien de son agriculture urbaine
à côté de sept autres régions
européennes10.
Le réseau PURPLE est né à la suite d'une
conférence tenue en octobre 2004 à La Haye (Pays-Bas) sur le
thème de « la ville et la campagne, vers un nouvel équilibre
» et qui a réuni plusieurs gouvernements régionaux
néerlandais ainsi que le comité des régions
européennes. Les débats ont été suivis par quelques
300 participants provenant de plus de 20 pays. Ils ont notamment abordé
les thèmes de la position de l'agriculture dans le développement
durable des territoires et de la production alimentaire.
Afin de mettre en application ses engagements, la
région d'Ile de France soutient avec l'Etat les programmes agri-urbains
qui associent agriculteurs, Etat et collectivités locales. Il s'agit de
démarches volontaires de développement initiées par les
différents acteurs concernés (agriculteurs, élus,
collectivités, conseil régional, Etat, société
d'agriculture et des arts) dans le but de répondre aux attentes des
collectivités et des populations locales vis-à-vis des espaces
agricoles en terme de maintien de la qualité du cadre de vie, du paysage
et de l'accueil, mais aussi de préserver les espaces et les
activités agricoles et mettre en place les conditions foncières
et économiques de leur développement afin de permettre à
ces espaces de jouer leur rôle d'équilibre et de gestion des
territoires (IAURIF, 2005). A travers ces actions, l'agriculture s'implique
entièrement dans la gestion des espaces urbains et périurbains :
elle devient fonctionnellement intégrée dans la ville.
10 - Le réseau PURPLE comporte huit régions
européennes : l'Ile de France, la Catalogne (Espagne), les Flandres
(Belgique), le Sud Est Anglais (Grande Bretagne), la Basse Silésie
(Pologne), la Moravie (Tchéquie), le Limbourg (Pays- Bas), Randstadt
(Pays- Bas).
Tableau 03 : Les dix projets agri - urbains de l'Ile de
France.
Projet
|
Initiation
|
Porteur du projet
|
Programme d'action
|
Centre Essonne
|
Elus et agriculteurs
|
Association pour le plateau agricole de Centre Essonne
|
Non
|
Cergy
|
Agriculteurs, SAA, Conseil régional
|
Association d'agriculteurs et des citadins de la plaine de
Cergy
|
Non
|
Marne -et - Gondoire
|
Collectivité
|
Communauté d'agglomération de Marne -et
-Gondoire
|
Elaboré (2001)
|
Plateau Briard
|
Collectivité
|
Communauté de communes du plateau Briard
|
Elaboré (2005)
|
Rambouillet
|
Etat (PDD)
|
Commune de Rambouillet
|
Non
|
Plateau de Saclay
|
Agriculteurs, SAA, Conseil régional
|
Association la terre et la cité
|
Non
|
Sénart
|
Agriculteurs, SAA, Conseil régional
|
Association les champs de la ville
|
Non
|
Triangle Vert
|
Collectivité
|
Association du triangle vert des
villes maraîchères du Hurepoix
|
Elaboré (2004)
|
Vernouillet
|
Collectivité
|
Association pour le développement de l'agriculture
périurbaine à Vernouillet et ses environs
|
Elaboré en (2005)
|
Plaine de Versailles
|
Agriculteurs, SAA, Conseil régional
|
Association patrimoniale de la plaine de Versailles et du plateau
des Alluets
|
En cours (en 2005)
|
Source : IAURIF, 2005.
Au-delà des engagements, le conseil régional
soutient trois filières prioritaires qui sont l'élevage (relance
des races locales d'agneaux et de volailles, charte de pension à la
ferme pour les activités équestres...), les productions
végétales (information et suivi des producteurs,
développement des filières grandes cultures-élevage,
qualité et commercialisation...), l'horticulture (mise à
disposition de la station d'expérimentation de l'APREHIF11
pour réaliser des travaux de recherche financés par l'Etat et la
région).
Son aussi encouragées les initiatives individuelles et
collectives de reprise d'exploitation (recensement des exploitations sans
successeurs, aide à l'installation en agriculture périurbaine de
3000 à 12000 €), la certification assurance qualité pour les
entreprises agroalimentaires (prise en charge jusqu'à 50% du coût
TTC de la démarche), la modernisation des entreprises (à travers
le PRIMHEUR12 pour améliorer la compétitivité
des exploitations maraîchères, arboricoles et les
pépinières (Conseil régional d'Ile de France,2006).
11 - Association Professionnelle Régionale pour
l'Expérimentation Horticulture ornementale et en pépinière
en Ile de France.
12 - Programme Régional pour l'Initiative en
Maraîchage et horticulture dans les Espaces Urbains et Ruraux.
Deuxième partie :
La zone maraîchère de Cergy : un espace
agricole urbain.
Au fil de l'histoire, les orientations de l'aménagement
du territoire régional en Ile de France ont produit le maintien d'un
certain nombre d'espaces agricoles disposés en îlots à
l'intérieure de l'agglomération qui demeurent gérés
par l'agriculture bien qu'ils soient entièrement enclavés par
l'urbanisation. Si l'absence de données chiffrables sur le nombre de
sites et les surfaces agricoles concernées, on peut néanmoins
estimer qu'ils se localisent pour leur majorité dans le
périmètre de la ceinture verte. Tandis que certains de ces
espaces sont aujourd'hui sérieusement menacés par l'urbanisation,
d'autres jouissent au contraire du privilège d'être maintenus
agricoles au moins jusqu'en 2015 dans le SDRIF de 1994, puis par des
schémas d'aménagements locaux (schémas directeurs, PLU),
dès lors, il devient intéressant d'analyser le fonctionnement de
ce types d'espaces réservés pour l'agriculture dans les milieux
urbains, ainsi que l'organisation de cette activité en rapport avec sa
localisation urbaine.
La zone maraîchère de Cergy illustre un exemple
parmi d'autres de ce type d'espaces agricoles urbains, c'est un terrain
d'environ 80 ha de superficie localisé sur le périmètre de
la commune de Cergy au centre de l'agglomération de Cergy Pontoise (Nord
Ouest de l'agglomération parisienne). Le site qui occupe l'une des
boucles de l'Oise, apparaît sous forme d'une « banane » avec un
côté convexe (Sud) limité par ce cours d'eau et un
côté concave (Nord) limité, pour sa majeure partie, par le
bois de Cergy.
Par sa localisation géographique particulière,
cette zone conjugue plusieurs aspects propres à l'aménagement
régional de l'Ile de France ; l'extension de l'agglomération
parisienne en « doigts de gants » suivant les fonds de vallées
et son impact sur les orientations décidées aux différents
schémas directeurs qui se sont succéder en vue de la contenir,
l'émergence de la préoccupation environnementale ainsi que
l'apparition des nouvelles attentes de la société
vis-à-vis de l'agriculture, sont autant d'événements qui
ont marqué la zone maraîchère de Cergy.
Le positionnement de cette zone au centre géographique
de l'agglomération de Cergy Pontoise échappe à la
localisation habituelle d'un quelconque territoire périurbain se situant
plutôt aux alentours des espaces urbanisés d'une façon
extérieure à un centre d'agglomération le plus souvent
bâti. Il s'agit là de la particularité de cet espace
périurbain que l'on pourrait qualifier d'urbain par sa situation et qui,
comme beaucoup d'espaces ouverts de la ceinture verte, continu d'être
géré par une agriculture maraîchère témoin
des vestiges d'une ceinture
Echelle : 1/100000 Source : I HESSAS. 2006.
Menucourt Vauréal
Figure 02 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
agricole urbain.
Cergy
Courdimanche Saint-Ouen-
L 'Aumône
Boisement Eragny-
Jouy- Neuville - Sur- Oise
Le Moutier Sur - Oise
Puiseux - Pontoise
Osny
Pontoise
78 93
92 94
91
Agglomération de Cergy Pontoise
95
77
maraîchère qui jusqu'au milieu du
20ème siècle alimentait encore le marché
parisien en divers produits agricoles (Phlipponneau, 1956). En comparaison avec
cette agriculture en ceinture maraîchère qui - à son
époque - était urbaine puisqu'en échange de
l'approvisionnement de Paris, elle recyclait les déchets urbains de
cette ville (Donadieu et Fleury, 1997), la localisation urbaine de
l'agriculture de la zone maraîchère au sein de
l'agglomération de Cergy Pontoise ne lui suffit pas pour devenir
pleinement une activité urbaine c'est-à-dire jouir de relations
fonctionnelles avec la ville qui l'entoure ; aujourd'hui encore d'autres
facteurs freinent l'intégration de cette activité dans les
projets urbains de la ville.
La ville nouvelle de Cergy Pontoise dont la création
sur des champs agricoles a été marquée par des expulsions
d'agriculteurs ayant abouti à leur exclusion du projet urbain de
départ, est aujourd'hui amenée à redéfinir la place
de l'agriculture sur son territoire pour accéder à un
développement cohérent qui associe développement
socioéconomique et cadre de vie : l'agriculture pourrait ainsi retrouver
sa place en ville à travers sa capacité à jouer d'autres
rôles plus bénéfiques pour l'agglomération que celui
de son approvisionnement en denrées alimentaires désormais
assuré par la grande distribution.
Par ailleurs, rattrapée par son histoire, cette zone
illustre la difficulté, voire l'impossibilité, du dialogue ville
- agriculture si les agriculteurs eux-mêmes n'ont pas été
préalablement associés au projet urbain qui, même lorsqu'il
parvient à concrétiser ses objectifs souhaités en terme de
population, d'emplois et d'infrastructures, n'obtient que peu ou pas
l'adhésion des agriculteurs : quarante ans après, la ville
nouvelle demeure ce projet qui leur a été imposé et qui a
été mené sans leur consentement ; les agriculteurs
continuent de la considérer en inadéquation avec leurs
préoccupations, même s'ils ne la voient plus comme une menace pour
leur activité.
1. Une position particulière : au centre de la
ville nouvelle de Cergy Pontoise.
On ne peut comprendre le fonctionnement de la zone
maraîchère si l'on ne tient pas compte de son histoire et des
circonstances qui l'ont conduit à son positionnement actuel au centre de
l'agglomération de Cergy Pontoise. Comme tous les espaces agricoles de
l'agglomération cergypontaine, la zone maraîchère est
antérieure à la ville nouvelle. C'est cette création
urbaine « de toutes pièces » qui lui a procuré
son positionnement particulier « au centre de l'espace urbain de
l'agglomération ».
Photo 01 : Le site de la ville nouvelle avant l'urbanisation (non
datée).
Limite de la zone maraîchère
Source : vue aérienne réalisée par Alain
Perceval N° 3450/ IAURIF N° 4374
Figure 03 : Le centre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en
1999.
Boisement Jouy-Le-Moutier
Courdimanche
Puiseux Pontoise
Vauréal
Cergy
Osny
Neuville- Sur- Oise
Pontoise
Source : IAURIF, 2005.
Entre la ville nouvelle et l'espace agricole de Cergy une
histoire douloureuse marquée par l'expropriation et l'expulsion des
agriculteurs qui occupaient le site ; de vives tensions ont ainsi longtemps
opposé agriculteurs et artisans de cette ville convaincus de la
pertinence de leur choix et déterminés à mettre en oeuvre
leurs plans au non de l'aménagement de la région parisienne.
C'est en 1965 que la volonté d'étendre
l'agglomération parisienne en villes nouvelles a été
adoptée et concrétisée par le SDAURP. Dès son
arrivée à la tête du district de Paris, Paul Delouvrier
avec l'aval du Général De Gaule a précipité la
révision du PADOG qui gérait jusqu'alors l'extension de
l'agglomération parisienne. Cette révision a été
justifiée par l'inadéquation de la restructuration de
l'agglomération parisienne autour des « points forts » de sa
banlieue (que propose ce schéma) avec la volonté de
répondre aux besoins criants en logements et en équipements
provoqués par la croissance parisienne : Delouvrier estimait que la
limitation foncière du PADOG est trop ardue pour dégager en temps
voulu l'espace constructible exigé par la croissance
démographique, et que le périmètre d'agglomération
imposé céderait sous la pression de celle - ci ; il a donc
opté pour une extension urbaine discontinue en « terrains neufs
», polarisée par des « villes nouvelles » voisines de
l'agglomération, mais séparées de celle - ci.
Pour choisir ces sites, deux contraintes ont orienté
l'équipe de Delouvrier : d'une part la surestimation de la croissance
démographique de la population régionale lors des projections
faites pour l'an 2000 ; et d'autre part, la présence d'axes tangentiels
favorables à l'urbanisation de part et d'autre de Paris et qui
reprenaient les infrastructures déjà mises en place. La
première contrainte, qui a abouti à l'exclusion des
vallées jugées trop étroites pour contenir le surplus de
la population13, a justifié l'orientation des constructions
et des infrastructures vers des endroits les plus loin des vallées
à chaque fois que cela est possible,
La décision de placer ces villes sur des terrains
vierges de toute urbanisation a suscité, pour l'AFTRP, d'importants
achats fonciers dans le but de constituer l'assiette propre à chacune
des villes. Ces achats n'ont pas toujours été faciles à
mener, ils ont été accompagnés par de nombreuses
difficultés dictées le plus souvent par l'état de la
propriété foncière, avec une importance relativement
variables selon le site concerné ; ainsi, contrairement au foncier de la
ville nouvelle d'Evry (appartenant à quatre propriétaires) ou
celui des grandes exploitations céréalières de Trappes, la
domination de la petite et moyenne exploitation
13 - Paul Delouvrier a confirmé qu'il serait peut
être tenté par les vallées si les chiffres qui lui ont
été fournis sur l'accroissement démographique de la
région parisienne été moins élevés.
maraîchère a rendu les acquisitions plus
difficiles à mener sur le site de Cergy Pontoise (Scherrer, 1989).
D'après le témoignage de Bernard Hirsch (alors
chargé des études de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en
1965), le périmètre retenu englobe un total de 10000 ha dont
près de la moitié ont été acquis. Le terrain est
extrêmement morcelé et comporte plus de 3000 parcelles avec de
petites propriétés tenues par plusieurs centaines de
propriétaires. Environs 40 cultivateurs pratiquent des cultures de plein
champ sur des exploitations de 15 ha en moyenne avec des systèmes de
vente sur les marchés de la banlieue parisienne ; la proximité de
Paris est donc un élément important de l'équilibre
économique des exploitations : la reconversion des agriculteurs
évincés devra se faire à proximité.
En règle générale, les exploitants ne
possèdent pas les terres qu'ils cultivent, ils les louent soit à
des membres de la famille, soit à d'autres propriétaires. Ceux-ci
tirent de très faibles revenus du fermage (quelques quintaux de
blé à l'hectare) et les organisations agricoles s'entendent pour
éviter toute revalorisation.
L'expropriation qui est une aubaine pour les
propriétaires leur permettant de mobiliser leur capital pour l'investir
dans des conditions plus avantageuses, est une perturbation parfois
catastrophique pour les cultivateurs décidés de continuer leur
activité ; pour ces derniers, une reconversion sur d'autres terrains est
nécessaire. A cause de l'inclinaison des terrains vers le Nord, les 500
ha acquis et aménagés par la caisse des dépôts au
Perchay (15 Km en direction de Rouen) ont été refusés par
les agriculteurs (le sol gèle en hiver et les récoltes sont
tardives en été), ces derniers ont choisi de rester à
Cergy qui bénéficie de situation unique pour les cultures
maraîchères (le versant est exposé au Sud, le sol est
sableux et ne retient pas l'eau) : le bras de fer avec les responsables de la
construction de la ville nouvelle est déclanché.
A plusieurs reprises, les exploitants ont menacé de
sortir leurs fusils comme en 1967 lorsqu'ils ont décidé de
bloquer le chantier de la préfecture en réclamant 250 ha (la
moitié de Cergy). Après plusieurs négociations et
arbitrage de la justice, 160 ha ont été sauvegardés pour
le reclassement des agriculteurs. L'Etat s'est engagé à
débloquer les crédits nécessaires pour financer les
travaux d'irrigation, et les agriculteurs ont reçus une indemnité
d'éviction de 2,7 francs/m² avec une somme
supplémentaire de 400000 francs pour les exploitations de petite taille.
En définitive, les quarante familles d'agriculteurs ont partagé
plus d'un milliard d'anciens francs comme réparation du préjudice
subi dans leurs exploitations sans compter les indemnités beaucoup plus
substantielles versées pour le paiement des terrains (Hirsch,
1990)14
14 - Bernard Hirsch fut aussi le premier directeur de
l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle, son
témoignage est publié par la presse des ponts et chaussées
en 1990.
C'est donc avec la création de la ville nouvelle de
Cergy Pontoise que l'affectation définitive de la zone
maraîchère pour l'agriculture a été officiellement
décidée. Au départ, cet espace été
réservée pour faire une plaine de jeux aux futurs habitants de la
ville nouvelle, les aménageurs l'ont cédé par la suite
à l'agriculture car il leur a permis de reclasser 20 exploitants. La
zone maraîchère doit ainsi sa survie à la ville nouvelle de
Cergy Pontoise qui, en se construisant sur la pleine de Cergy, l'a
volontairement contourné. Edifiée en « fer à cheval
» autour d'anciennes sablières devenues « les étangs
», cette ville s'est ensuite retrouvée contenant un coeur vert sans
que cela soit parmi ses objectifs15.
Cette position centrale de la zone maraîchère est
particulièrement intéressante puisque elle échappe au
traditionnel schéma d'un étalement urbain des villes qui veut que
le centre ville soit urbanisé et que la ville s'étende ensuite
sur sa campagne avoisinante; alors que ce fut le cas à l'échelle
régionale où la ceinture maraîchère décrite
par Michel Phlipponneau dans les années 1950 s'efface progressivement
devant l'avancée urbaine de la ville de Paris sur sa banlieue d'une
façon centrifuge, on constate à l'échelle de la ville
nouvelle de Cergy Pontoise (qui est entièrement contenue dans
l'agglomération parisienne) un processus inverse de cet expansion
urbaine autours de la zone maraîchère de Cergy : l'espace
bâti s'est étalé en entourant la zone
maraîchère d'une façon centripète ; aujourd'hui
encore la partie centrale de l'agglomération cergypontaine demeure non
bâti.
Ce positionnement d'espace agricole en « coeur vert
» entouré d'espaces bâtis n'est cependant pas propre à
la zone maraîchère dans la ville nouvelle de Cergy Pontoise,
à une échelle d'observation plus importante, la Randstad
(Pays-Bas) présente une organisation spatiale similaire. Il s'agit
néanmoins d'un projet planifié à l'échelle de la
région qui reprend le concept de la ceinture verte francilienne avec une
forme inversée (IAURIF, 1995).
Afin de maintenir sa vocation agricole, la zone
maraîchère a suscité des aménagements particuliers.
Les terrains ont été relevés avec l'installation d'un
réseau de drainage sur 7 ha, une mise en place d'un réseau
d'irrigation ce qui a permis une restructuration parcellaire.
Pour les travaux hydrauliques, dont le coût s'est
élevé à 800000 F, les agriculteurs ont
bénéficié d'une subvention du ministère de
l'agriculture de plus de 50%.
Par ailleurs, les propriétaires fonciers se sont
associés afin de gérer les aménagements de la zone
agricole. Ils ont assuré plusieurs actions :
· Création des voieries dont l'entretien est
à la charge de la commune,
15 - Deux propositions ont été avancées
lors de la création de la ville nouvelle de Cergy Pontoise, la
première en forme plus linéaire étirée vers le nord
en pénétrant dans le Vexin, et la deuxième en forme moins
linéaire que les aménageurs de l'époque appelaient en fer
à cheval et qui est finalement retenue.
· Maîtrise d'oeuvre du réseau d'irrigation,
· Participation à la mise en place des
clôtures du côté du bois de Cergy.
Le financement leur provient de plusieurs sources :
Indemnités d'expropriation pour les terrains agricoles,
indemnités de la SNCF pour son emprise (ligne du RER), subventions du
ministère de l'agriculture (pour le réseau d'irrigation). Pour le
reste, les propriétaires ont souscrit des emprunts, dont les
remboursements rentrent dans les charges fixes de l'exploitation.
Entre 1975 et 1980, la SAFER a intervenu pour acquérir
et aménager un lotissement agricole de 7,5 ha partagé en 12 lots
de 5000 à 7000 m² sur lesquels 5 jeunes agriculteurs se
sont installés16. Occupé à l'origine par la
vigne, le secteur en question a accueilli par la suite plusieurs
carrières de sable. Quand elles se sont arrêtées, elles ont
laissé beaucoup de trous qui servaient souvent de décharges
provoquant des nuisances aux agriculteurs voisins. Ces derniers ont
demandé à la SAFER d'acquérir et d'aménager cet
espace pour l'agriculture.
Les travaux effectués qui ont permis de viabiliser ce
secteur dégradé par les exploitations de carrières, ont
consisté en un déboisement, un nivellement avec apport de terre
pour l'implantation des serres froides, un équipement en eau et
électricité et la pose de clôtures à cause de la
proximité du bois de Cergy (IAURIF, 1992)
2. Un espace sous fortes convoitises urbaines :
Urbaine par sa localisation, la zone maraîchère
semble aussi devenir urbaine de point de vue de son fonctionnement. En effet,
les divers usages et utilisations urbaines suscités par sa localisation
géographique particulière, ont permis à cet espace de
jouer pleinement le rôle d'un quelconque territoire urbain, puisqu'ils
témoignent de la mise en place de divers liens fonctionnels avec
l'agglomération de Cergy Pontoise.
Ces usages sont parfois en compétition, voire en
complète contradiction entre eux mais aussi vis-à-vis de sa
destiné de base qui demeure la production agricole. Ainsi, pour chaque
groupe d'utilisateurs, ce site semble évoquer une fonction
particulière qui répond à ses besoins; si on se permet,
malgré tout, de garder l'appellation de « zone
maraîchère » pour désigner ce territoire, il serait
judicieux de parler de « zone(s) maraîchère(s)»
dès lors que ce même espace est perçu suivant une multitude
de considérations.
16 - Le lotissement reste le seul endroit dans la zone agricole
où il est possible de construire, les bâtiments de France exigent
toutefois des réglementations quant à la qualité
architecturale des habitations et des hangars.
2.1. La zone maraîchère : un espace ouvert
:
Dans un contexte de mise en concurrence, d'emblée sans
merci, imposée par la mondialisation, la compétition entre les
villes se joue désormais aussi sur leur capacité à
procurer aux habitants et aux entreprises un meilleur cadre de vie, lequel
demeure pour une grande partie dépendant de la présence du «
non bâti » à proximité voire à
l'intérieur des tissus urbains : les espaces ouverts deviennent une
composante stratégique de l'attractivité de plusieurs villes
régionales, notamment par les fonctions qu'ils peuvent assurer en
constituant des espaces pour le développement de certaines
activités « récréo - touristiques » disait
Christopher R. Bryant à propos de la place des espaces ruraux
périurbains et de l'environnement dans le développement
régional (Christopher R. Bryant, 2005). Plus que jamais, ces espaces,
qui ne doivent plus être considérés comme des
réserves foncières mais en tant que parties non construites des
villes (Guy Poirier, 2001), font partie intégrante des espaces urbains,
les distinguant selon la place relative qu'ils occupent en leur sein.
A Cergy Pontoise, l'important rôle paysager que joue la
zone maraîchère dans la constitution d'une continuité entre
le bois de Cergy et la base de loisir des étangs, qui permet à
l'agglomération de garder un « coeur vert », semble peu
reconnu car il est moins mis en avant.
Ainsi sur la carte officielle de la ville, notamment celle
éditée par la communauté d'agglomération en Janvier
2006, les espaces agricoles, dont fait partie la zone maraîchère,
sont colorés en jaune clair sans aucune explication en légende
dans laquelle tous les autres espaces constitutifs de l'agglomération
sont repris d'une façon assez exhaustive. En revanche, les chemins
d'exploitations encadrants ces espaces agricoles, trouvent toute leur place sur
cette carte et dans sa légende avec le qualificatif de « chemins
ruraux ». Si l'on considère cette désignation, on comprend
que les espaces agricoles continuent, implicitement, d'être
considérés comme étant « ruraux » malgré
leur positionnement en milieu urbain.
La zone maraîchère n'apparaît donc
nullement en légende de ce plan officiellement adopté pour Cergy
Pontoise17, plus encore, elle se voit amputer de sa partie Ouest
physiquement séparée d'elle par le boulevard de l'Hautil ; cette
partie est représentée en vert clair(interprété en
légende comme « espaces verts, parcs, jardins, parcs urbains
») se distinguant ainsi nettement du reste de l'espace agricole de
l'agglomération (représenté en jaune clair sans aucun
renvoi en légende). L'attribution d'une destiné non agricole
à cette
17 - Il est d'ailleurs affiché au rez-de-chaussée
de l'immeuble abritant le SAN, et présenté gratuitement aux
visiteurs de celui-ci.
partie de la zone maraîchère classée
« partiellement urbanisable » par le SDRIF de 1994, témoigne
de la vision que les autorités de l'agglomération se font de
l'espace agricole : les instigateurs du SDRIF qui ont
délibérément classé certains espaces comme
partiellement urbanisables, ont laissé aux élus locaux une marge
de manoeuvre dans le choix des espaces à urbaniser leur permettant ainsi
d'affirmer leur volonté politique en terme de préservation de
l'agriculture (IAURIF, 2005).
Les espaces ouverts qu'inventorie ce plan de
l'agglomération cergypontaine se scindent en deux groupes : le premier
représenté en vert foncé (repris dans la légende
par le qualificatif « d'espaces boisés ») se distingue d'une
seconde entité composée d'une multitude d'espaces à
nomenclature assez variée mais regroupés en une seule
catégorie représentée en vert clair et reprise dans la
légende sous l'appellation « d'espaces verts, parcs, jardins et
parcs urbains ».
L'analyse de ce plan est d'une importance considérable
lorsqu'on s'intéresse à la recomposition des rapports ville -
agriculture en milieu urbain. Etant à la fois officiel, disponible, bien
diffusé et offert gratuitement, ce plan cumule plusieurs avantages lui
procurant l'accessibilité requise pour qu'il touche de près le
public plus que les autres documents d'aménagement (POS ou PLU,
schéma directeur...) qui demeurent généralement plus
réservés18. Les informations qu'il véhicule
bénéficient ainsi des conditions idéales pour se
répandre efficacement parmi les citadins qui le prennent comme
référence puisqu'il émane des autorités officielles
de l'agglomération : conséquences, ce public, déjà
fortement citadin par son mode de vie (notamment les jeunes), et pour qui ce
plan occulte la présence d'espaces agricoles sur l'agglomération
cergypontaine, ne peut guère constater l'existence d'une activité
agricole au sein de la ville ; ce plan ne contribue donc pas à
rétrécir le fossé séparant l'agriculture des
citadins, bien au contraire, il ne peut que concourir à son
élargissement.
En se référant à ce plan, tout laisse
croire que l'espace agricole est considéré comme «
réserve foncière » en attente d'urbanisation rappelant ainsi
la position qu'ont eu longtemps les documents d'aménagement de la
région parisienne à l'égard de ce type d'espace à
l'échelle régionale.
L'une des raisons principales qui ont fait de l'espace
agricole un espace secondaire, voire inintéressant, pour
l'agglomération peut provenir d'une surestimation de la présence
d'un meilleur cadre de vie défini par l'existence de nombreux espaces
verts et parcs urbains sur son territoire : l'agglomération de Cergy
Pontoise considère qu'elle a déjà donné
pour le
18 - Ces documents sont payants au moment où ce plan est
proposé gratuitement au niveau de toutes les mairies de
l'agglomération.
cadre de vie et les espaces ouverts et verts, puisqu'elle
estime que son image « d'agglomération verte » est
suffisamment manifestée même au-delà de son propre
périmètre, notamment à travers son engagement comme «
ville porte » du Parc Naturel Régional du Vexin créé
justement pour la contrecarrer et pour éviter son extension sur les
plateaux du Vexin français en 1995 (Da Lage, 1996). Elle aurait donc
tendance à ne plus juger utile de fournir des efforts
supplémentaires qui auraient pour but de sauvegarder et de mettre en
avant l'espace agricole qu'elle possède.
Par ailleurs, le besoin en espace ouvert et vert au sein
même de cette agglomération ne se fait pas ressentir au point
où la majeure partie de ses citoyens la considère comme ville
verte (88% des habitants) (CA Cergy Pontoise, 2005); on peut donc comprendre
que les espaces agricoles n'apportent pas de satisfaction particulière
aux habitants de l'agglomération ni à leurs élus
puisqu'ils se trouvent déjà satisfaits en espaces verts existants
qui couvrent plus de 2000 ha (soit 1/4 de sa surface totale) : il y'a là
une véritable concurrence qui oppose espaces verts et espaces agricoles
et qui se joue désormais sur l'attraction d'opinions favorables à
leur maintien, cette situation confirme le « principe paysagiste »
évoqué par Pierre Donadieu et André Fleury qui est
susceptible, dans certains cas, d'éliminer l'agriculture de l'espace
urbain quitte à en reproduire certaines formes pittoresques ou
symboliques dans les parcs ou les cités (Donadieu et Fleury, 1997). Face
à une multitude de choix possibles, il n'est donc pas évident que
l'agriculture soit l'alternative au bâti dans les milieux urbains et
périurbains : jardins, espaces verts, forêts...., sont autant de
concurrents potentiels pour l'agriculture dans ces espaces. A partir de
là, on peut conclure que le statut de l'espace agricole dans
l'agglomération cergypontaine est largement tributaire de la
capacité de l'agriculture à montrer elle-même son
utilité pour justifier son maintien en milieu urbain.
Au centre de l'agglomération, la commune de Cergy
considère davantage son espace agricole dans ses documents officiels ;
ainsi le manuel « Cergy pratique 2005 » édité par la
ville de Cergy dont l'objectif est de présenter la ville d'une
façon exhaustive et facilement compréhensible aux citoyens,
rappelle que sur ses 1460 ha de surface totale, la ville de Cergy comporte 535
ha d'espaces ouverts (soit près de 37% de son territoire) parmi lesquels
les surfaces agricoles sont comptabilisées pour les 160 ha qu'elles
couvrent (Ville de Cergy, 2005). Les réflexions exposées par ce
document qui sont accessibles à un large public puisqu'il est
gratuitement distribué dans les points d'informations (CIDJ, accueil,
hall de mairie...), illustrent bien l'image que se fait la ville de Cergy de
son espace agricole et implicitement la volonté de diffuser cette image
au sein de ces habitants afin qu'ils l'adoptent à leur tour.
Graphe 03 : La part de l'agriculture dans l'espace ouvert
à Cergy.
Espaces verts urbains 25%
Coteaux verts bordants l'Oise 9%
Base de loisirs 28%
l'espace ouvert total à Cergy = 535 ha
Surfaces boisées 9%
Surfaces agricoles 28%
Source des données : La ville de Cergy (2005)
A partir de l'analyse de ces documents, on arrive facilement
à comprendre la tournure que prend la recomposition des rapports ville -
agriculture à deux échelles territoriales et administratives
différentes qui sont l'agglomération cergypontaine et la commune
de Cergy. Au moment où l'espace agricole cergypontain demeure peu
montré par les instances de l'agglomération à ses
habitants, la ville de Cergy exprime une véritable intégration de
son espace agricole dans ses espaces ouverts tout en continuant de le qualifier
d'agricole : moins reconnue à l'échelle de l'agglomération
cergypontaine, la zone maraîchère trouve une considération
particulière au sein de la ville de Cergy où elle est
perçue avant tout comme un espace ouvert au même titre que le
reste des espaces verts et boisés que la commune comporte sur son
territoire. Cette considération illustre l'une des principales
possibilités d'intégration de l'agriculture dans les milieux
urbains, en l'occurrence sa capacité à gérer et à
entretenir des espaces ouverts à moindres coûts pour la
municipalité.
2.2. La zone maraîchère : un espace de sport
et de loisirs :
La zone maraîchère est traversée par un
réseau de routes et de chemins d'exploitation goudronnés, larges
de quatre mètres en moyenne qui forment en continuité avec les
chemins de randonnés aménagés dans le bois de Cergy, un
réseau de pistes plus important dans lequel
la tranquillité des lieux appelle à venir en
profiter pour y pratiquer du sport de plein air (jogging, marche,
vélo...), les « sportifs » attirés par le calme de
l'endroit ne se contentent pas d'utiliser les principaux chemins qui encadrent
les exploitations agricoles; ils n'hésitent pas à emprunter les
chemins secondaires qui traversent les parcelles cultivées.
Ces routes et chemins d'exploitation sont essentiels pour le
fonctionnement de la zone maraîchère car au delà du fait
qu'ils sont les seuls axes permettant la circulation des engins agricoles, ils
jouent également un rôle important lors des labours. En effet et
par souci d'utiliser entièrement les surfaces de leurs parcelles, les
agriculteurs labourent celles-ci jusqu'aux abords de ces chemins (sans laisser
de bandes de séparation non labourées), techniquement et afin d'y
parvenir, notamment lorsque le sens du labour est perpendiculaire aux chemins
d'exploitation, c'est sur ces derniers que les agriculteurs effectuent les
virages nécessaires pour labourer dans le sens inverse ; ces chemins
acquirent ainsi un rôle fonctionnel les intégrant parfaitement aux
exploitations durant la période du labour. La coïncidence des
labours de printemps avec de belles journées ensoleillées,
idéales pour les promenades et les sports de plein air, suscite de forts
usages de ces chemins ; ils se trouvent sollicités à la fois par
les agriculteurs et par les sportifs et les promeneurs créant ainsi des
conditions de conflits d'usage accrus au cours de cette période.
Bien que ces sportifs et promeneurs sont de plus en plus
nombreux à fréquenter la zone maraîchère (surtout
pendent les journées ensoleillées), leur présence ne
semble pas pour autant gêner les agriculteurs dans leur travail ; «
on a aucun problème avec eux, au contraire, lorsqu 'ils viennent
avec leurs enfants, ça nous fait plaisir car ils leur font
découvrir notre travail » estime un agriculteur. Loin de
causer une gêne à l'activité agricole, ces visiteurs
constituent donc un maillon important dans la communication et le
rétablissement des rapports entre agriculteurs et citadins en zone
maraîchère. Il faut évidement tenir compte du fait que par
leur dimension, leur localisation et les cultures qu'elles accueillent, les
parcelles agricoles de cette zone n'offrent pas de conditions propices à
la pratique de rodéo en plein champs (comme ce fut le cas pour certaines
exploitations céréalières situées en
périphéries urbaines dans des endroits moins surveillés) ;
à l'inverse de leurs homologues de la zone maraîchère,
quelques exploitants que j 'ai rencontrés dans le Vexin français,
souffrent de véritables problèmes et dégradations que leur
causent ces sports mécaniques.
2.3. La zone maraîchère : un espace de
liaisons :
Au centre de la ville nouvelle, la zone
maraîchère a hérité d'une localisation de carrefour.
Délimitée par l'Oise (au Sud), le bois de Cergy (au Nord) qui
donne sur un habitat collectif (quartier des Touleuses et des châteaux
brûloirs au Nord, quartier des Maradas au Nord - est), et un habitat
pavillonnaire (au Nord - ouest) assurant une transition vers la base de loisirs
des étangs (à l'Ouest). Le site est traversé par deux
voies de communications : la ligne A du Réseau Express Régional
(RER) qui traverse aussi l'Oise et qui reste aérienne vers la partie Est
de la zone maraîchère, une voie rapide à double sens
(boulevard de l'Hautil) qui traverse l'Oise par un pont surélevé
(d'une quinzaine de mètres environs) isolant ainsi la zone
maraîchère de sa partie Ouest. A ces deux principales voies,
s'ajoute une voie navigable que constitue l'Oise riche d'un important port
(port de Cergy) et de nombreux clubs nautiques agrippés sur ses bords.
Enfin, la totalité de la zone maraîchère est
encadrée par un réseau de voies et de chemins d'exploitation
fortement utilisé par de nombreux usagers (sportifs, promeneurs,
services municipaux...) mais aussi par les simples habitants des
périphéries de la zone maraîchère.
Loin d'être un espace isolé, le territoire de la
zone maraîchère joue un rôle non négligeable dans la
desserte de l'agglomération (notamment par le transport de marchandises
à travers l'Oise) sans oublier la desserte totale des habitations
installées sur les bords de l'Oise pour lesquelles la traversée
de la zone maraîchère est toutefois incontournable pour rejoindre
les autres quartiers de l'agglomération.
En plus de toutes ces liaisons qui permettent la circulation
d'individus et des marchandises, la zone maraîchère permet aussi
un autre type de desserte particulièrement lié à la
présence d'habitations sur son territoire : elle est traversée
par de nombreuses lignes électriques et téléphoniques qui
rattachent ces habitations aux réseaux urbains.
Les supports de ces lignes qui sont des poteaux en bois ou en
ciment, présentent des emprises au sol qui ne sont pas
négligeables notamment autours des poteaux électriques. Bien
qu'ils bordent majoritairement les pistes et les chemins d'exploitation,
certains sont installés par endroits au milieu même des parcelles
cultivées. Dans ces cas, ils sont susceptibles de constituer une
gêne permanente aux agriculteurs qui doivent les éviter lors des
labours en cédant un espace non exploité (près de 12
m²) autour de chaque poteau. Tandis que l'espace est justement
une denrée rare en zone maraîchère, ces pylônes font
perdre aux exploitants plusieurs mètres carrés de leurs champs
qu'ils ne peuvent plus cultiver, sans oublier la perte de temps que provoque le
détour de ces poteaux lors des différents travaux aux champs.
Photo 02 : L'emprise au sol des poteaux électriques sur
les parcelles cultivées.
Bois de Cergy Voie du RER A
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
2.4. La zone maraîchère : un espace
habité :
En dehors des maisons construites sur le lotissement
aménagé par la SAFER (appartenant à des agriculteurs), la
zone maraîchère abrite aussi un certain nombre de constructions
pavillonnaires qui jouxtent les exploitations agricoles en longeant la
première boucle de l'Oise. Ces habitations qui sont, pour certaines
d'entres elles, à quatre mètres des parcelles cultivées,
sont séparées de celles - ci par les routes d'exploitation. Elles
sont plus concentrées vers la partie Ouest de la zone
maraîchère où elles forment un demi cercle Nord Sud
délimitant celle - ci.
Par leur connexions aux différents réseaux
urbains (réseau d'égouts, d'eau, d'électricité et
de téléphone), elles ont suscité davantage de servitudes
pour la zone maraîchère (emprise au sol des lignes
électriques et téléphoniques), ainsi que des utilisations
liées au fonctionnement de la vie quotidienne de leurs habitants
(passages de facteurs, collectes d'ordures ménagères...).
Photo 03 : La zone maraîchère de Cergy, un espace
habité.
Boulevard de l'Hautil
Bois de Cergy
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
En zone maraîchère la rareté de l'espace
constructible a imposé une disposition spatiale particulière
à ces habitations. Ces dernières respectent en effet un
alignement bien droit suivant le tracé de la route qui les sépare
des parcelles cultivées tout en occupant au maximum l'espace contenu
entre cette route et l'Oise ; au moment où la partie Nord de la zone
maraîchère (la plus proche des constructions de la ville nouvelle)
reste épargnée par les constructions, c'est par les bords de
l'Oise que le bâti s'introduit et s'installe au voisinage des espaces
cultivés de la zone.
L'espace bâti en zone maraîchère n'est
cependant pas exclusivement occupé que par ces habitations, la
surélévation de la ligne du RER et le boulevard de l'Hautil a
suscité des constructions en béton (murs, ponts) qui cernent
totalement la zone comme pour rappeler l'omniprésence de la ville dans
ce coint de tranquillité.
Les habitants de la zone maraîchère
entretiennent des relations de bon voisinage avec l'agriculture : par leur
proximité, ils jouissent du privilège de s'approvisionner
directement en légumes frais chez les agriculteurs pour lesquels ils
constituent l'essentiel de la clientèle concernant la vente à la
ferme.
2.5. La zone maraîchère : un lieu de
décharges sauvages :
La localisation originale de la zone maraîchère,
à la fois à l'écart mais pas trop éloignée
des quartiers urbains de l'agglomération, a engendré des
conditions favorables au développement de dépôts sauvages
de déchets. Ces nombreuses « poubelles » à ciel ouvert
trouvent refuge dans les bords de l'Oise avec des proportions plus ou moins
faibles selon que l'endroit soit plus ou moins entretenu par son
propriétaire : c'est d'ailleurs sur les terrains non
clôturés que divers emballages (cannettes, bouteilles, bacs...),
déchets électroménagers et autres, sont
déposés.
Photo 04 : Décharge sauvage en zone
maraîchère de Cergy.
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Si les bords de l'Oise les plus visibles et les plus proches
des espaces cultivés accueillent plutôt des déchets
liés plus à la fréquentation du site par des passants
occasionnels, l'espace laissé entre la voie du RER et l'Oise qui est
moins visible à partir de la zone maraîchère, est
plutôt un endroit prisé pour déposer des déchets
plus importants et de nature différentes (pneus, gros appareils
électroménagers). Même si les bords de l'Oise demeurent de
loin les plus touchées par ces décharges, notamment celles
directement liées au voisinage urbain, d'autres endroits de la zone
maraîchère ne sont pas complètement épargnés
; l'espace en pente généré par la
surélévation du boulevard de l'Hautil connaît à son
tour, mais d'une
Echelle : 1/10000
Neuville- 02
Sur - Oise Eragny-
Sur- Oise
Figure 04 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
fortement convoité.
03
06
04
Cergy Pontoise
(N° des photos obtenues)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
07
façon moindre, l'accumulation de déchets plus
résiduels (sacs plastiques, cannettes et bouteilles de soda...)
liés cette fois - ci à la fréquentation de ce
boulevard.
Troisième partie :
L'agriculture de la zone maraîchère : une
activité faiblement intégrée
dans l'agglomération de Cergy pontoise.
1. Présentation de l'agriculture de la zone
maraîchère de Cergy :
Parmi toutes les utilisations de la zone
maraîchère, l'activité agricole demeure de loin la plus
imposante. Sur la totalité de son espace, 13 exploitations agricoles
pratiquent essentiellement des cultures maraîchères avec une forte
présence de la plasticulture (plus de 2,5 ha de serres), le
matériel agricole est géré en CUMA et l'approvisionnement
en semences et divers intrants s'effectue via la coopérative agricole de
Cergy.
Le mode de faire valoir pratiqué est mixte (fermage -
directe) avec la prédominance du fermage compte tenu de l'état du
foncier : celui - ci est très morcelé à cause du
morcellement de la propriété. Ainsi 102 personnes physiques ou
morales (car l'agglomération et la commune de Cergy sont aussi
propriétaires de certaines parcelles) se partagent une surface
d'environs 824607 m² divisée en 111 parcelles formant 63
propriétés. Ce sont de petites propriétés
appartenant le plus souvent à plusieurs propriétaires : 41
d'entres elles ont moins d'un hectare (dont 19 avec moins d'un demi hectare),
elles occupent une surface totale de 20,8 hectares répartie sur 48
parcelles qui appartiennent à 67 propriétaires. 10
propriétés ont des surfaces comprises entre un et deux hectares,
elles représentent une surface totale de 15 hectares répartie sur
22 parcelles appartenant à 19 propriétaires. 7
propriétés ont des surfaces entre 2 et 5 hectares, elles occupent
une surface totale de 24 hectares répartie sur 28 parcelles appartenant
à 12 propriétaires. Enfin, 3 propriétés ont entre 6
et 9 hectares. Elles occupent une surface totale de 22,4 hectares
répartie sur 12 parcelles appartenant à 4
propriétaires.
Selon le nombre de personnes par propriété, on
peut distinguer cinq catégories de propriétés
foncières en zone maraîchère :
Une première catégorie avec une surface totale
de 372312 m² (soit 45% de la surface exploitable de la zone
maraîchère) représente 29 propriétés
foncières. Elle regroupe les propriétés appartenant
chacune à une seule personne et concerne 29 propriétaires. La
seconde est la plus importante en terme d'étendue spatiale puisqu'elle
couvre une surface totale de 402387 m² (soit 49% de la surface
exploitable de la zone maraîchère) et représente 27
propriétés foncières. Elle regroupe les
propriétés appartenant à deux personnes chacune et
concerne 54 propriétaires.
Ces deux premières catégories qui peuvent
être rassemblées en un seul groupe concentrent 94% de la surface
cultivable de la zone maraîchère. Un second groupe qui concerne
les 6% restants rassemble les trois dernières catégories de
propriétés foncières : les propriétés
appartenant à trois, à quatre et à cinq personnes qui
s'étendent respectivement sur 231 67m², 1
9842m² et 683 9m² (soit 3%, 2% et 1% de la
surface cultivable de la zone maraîchère).
Tableau 04 : L'état du foncier agricole en zone
maraîchère de Cergy (Juin 2006).
Propriétaires par propriété (nombre)
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
Propriétés (nombre)
|
29
|
27
|
2
|
2
|
1
|
Propriétaires (nombre)
|
29
|
54
|
6
|
8
|
5
|
Parcelles (nombre)
|
48
|
56
|
3
|
2
|
1
|
Propriétaires par parcelle (nombre)
|
0,60
|
0,96
|
2
|
4
|
5
|
Surface totale (m²)
|
372312
|
402387
|
23167
|
19842
|
6899
|
Surface par parcelle (m²)
|
7756,5
|
7 185,48
|
7722,33
|
9921
|
6899
|
Surface par propriétaire (m²)
|
12838,34
|
7451,61
|
3861,16
|
2480,25
|
1379,8
|
|
Source : Données cadastrales de la commune de Cergy,
2006.
La rareté de l'espace en zone maraîchère
a contraint certains exploitants à rechercher d'autres emplacements plus
loin pour agrandir leur SAU.
Selon que les agriculteurs cultivent ou non des parcelles en
dehors de la zone maraîchère, l'organisation de leurs
exploitations ainsi que leurs stratégies semblent se
présentées différemment ; dès lors un
critère de typologie des exploitations selon la localisation de leurs
parcelles permet de distinguer deux types d'exploitations :
Le premier type « type A » regroupe les
exploitations dont la totalité des parcelles cultivées est
exclusivement localisée en zone maraîchère. Ce sont des
exploitations de surface moyenne de 8 ha avec des parcelles qui sont soit
regroupées en un seul endroit ou réparties sur plusieurs endroits
de la zone. Dans ce type qui concerne près de 60% des exploitations de
la zone maraîchère, les stratégies mises en oeuvre par les
exploitants consistent en l'élargissement maximal de la gamme des
productions à proposer aux clients. Sur ces exploitations, les parcelles
de cultures sont très nombreuses mais de faible surface car l'enjeu est
de cultiver pour une même période le maximum d'espèces
légumières. Le mode de commercialisation utilisé est la
vente sur les marchés forains, la vente à la ferme qui exige des
coûts supplémentaires (mise en place d'installations pour
l'accueil des clients, publicité...) ainsi que la vente à Rungis,
ne sont pas pratiquées puisque les investissements sont réduits
à
leur minimum et les volumes traités sont très
faibles. Ces exploitations sont gérées par une seule personne
(l'agriculteur) qui peut dans certains cas déléguer la gestion de
la production à un agriculteur chef. Sur ces exploitations, le nombre
d'ouvriers à l'hectare est le plus important avec une main d'oeuvre
agricole le plus souvent salariée permanente.
Tableau 05 : La main d'oeuvre salariée sur une
exploitation de 9 ha « type A ».
5
Type de contrat
Salariés
|
Nombre
|
Temps complet
|
Ouvriers maraîchers
|
2
|
|
1
|
|
1
|
Temps partiel
|
Vendeuses
|
1
|
Salariés (Total)
|
|
|
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Sur ce type d'exploitations qui sont exclusivement
maraîchères, plusieurs espèces légumières
coexistent durant la même période avec une rotation
pratiquée à trois échelles différentes : Ces
exploitations sont souvent divisées en quatre blocs de parcelles (B1,
B2, B3, B4) dont seulement trois blocs participent à la rotation
annuelle (B1, B2, B3), le quatrième bloc (B4) consacré à
la plasticulture reste en dehors de celle-ci. La première année,
le bloc (B3) est laissé au repos et les deux blocs (B1et B2) sont
cultivés. L'année suivante, le bloc (B3) est mis en culture par
les espèces cultivées sur le bloc (B1) qui accueil à son
tour les cultures portées l'année précédente par le
bloc (B2) alors que celui-ci est mis au repos durant la seconde année.
C'est ainsi que chaque année, un des trois blocs est laissé au
repos. Cette rotation qui s'effectue à l'échelle des blocs de
parcelles n'est pas la seule sur les exploitations, des rotations sont aussi
pratiquées à l'échelle des parcelles cultivées au
sein de chaque bloc ; par ailleurs, deux types de rotations s'effectuent
à deux échelles différentes sur le quatrième bloc
(B4), la première qui se déroule entre les serres permet de ne
pas cultiver successivement la même culture dans la même serre,
tandis que la seconde qui s'effectue à l'intérieur de la serre
permet de ne pas succéder la même culture sur la même
parcelle.
Ces différentes rotations jouent un rôle capital
dans l'entretien de la productivité des exploitations en zone
maraîchère car elles permettent d'utiliser au maximum la surface
de l'exploitation tout en protégeant la fertilité du sol avec des
économies en fertilisants et en traitements.
Figure 05 : Les rotations sur une exploitation agricole de type
A.
CON
AUB
B1
LAI OIG
AIL
CHO
HAR
TOM
B4
COU
HER
B2
Bloc de parcelles
RAD
HER
CAR
Parcelle au repos Nouvellement
Labourée
B3
Entrée
Serre Clôture
Chemins d'exploitation :
Primaires
Secondaires Tertiaires
Les cultures :
Quatre niveaux de rotation :
AIL : ail
AUB : aubergine CAR : carotte CHO : chou
CON : concombre COU : courgette HAR : haricot HER : herbes LAI :
laitue OIG : oignon RAD : radis TOM : tomate
Premier niveau (blocs de parcelles) Deuxième niveau
(parcelles de culture) Troisième niveau (entre les serres)
Quatrième niveau (dans la serre)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Un deuxième type d'exploitations « type B »
regroupe les exploitations ayant l'essentiel de leur surface en dehors de la
zone maraîchère ; les parcelles cultivées se
répartissent sur plusieurs communes différentes et les limites
d'exploitations dépassent ainsi largement les limites administratives
communales voire départementales. 40% des exploitations de la zone
maraîchère sont concernées par cette définition,
elles ont des surfaces plus importantes (45ha, 80ha...) dont seulement 8 ha en
moyenne sont localisés sur la zone maraîchère avec la
même organisation que celle des exploitations de type A.
Sur ces exploitations, la gestion n'est pas assurée
par un seul agriculteur, la responsabilité est partagée soit avec
un associé dans le cadre d'une forme sociétaire (par exemple en
GAEC), soit avec la conjointe. A l'inverse des exploitations du type A, celles
appartenant à ce groupe ne sont pas exclusivement
maraîchères ; elles consacrent une grande partie de leur SAU aux
grandes cultures et à l'arboriculture pour certaines d'entres elles.
Néanmoins, leurs parcelles cultivées en zone
maraîchère restent entièrement réservées au
maraîchage.
Les stratégies mises en oeuvre par les exploitants ont
pour objectif de fournir des produits de grande qualité (en bio par
exemple) et en quantité suffisante pour la vente directe (sur les
marchés forains et à la ferme) mais aussi pour le marché
de gros à Rungis. Les moyens engagés sont plus importants (serres
chauffées, cultures hors sol, publicité). Ces exploitations sont
celles qui souffrent le plus de leur position périurbaine ; si les
exploitants du type A estiment que la ville nouvelle ne leur procure ni des
avantages ni des inconvénients, ceux appartenant à ce groupe
n'évoquent que des points négatifs du voisinage urbain (vols,
dégradations...). L'éparpillement de leurs exploitations sur
plusieurs communes éloignées leur pose également des
problèmes de circulation et de gestion de leur travail (temps de
déplacement important entre les différentes parties de leurs
exploitations).
Tableau 06 : Comparaison entre deux exemples d'exploitations
(type A et type B).
Critères
|
Exploitations
|
|
Type B
|
Localisation des parcelles : communes (département)
|
Cergy (95)
|
Cergy (95), Osny (95), Menucourt (95), Andrésy
(78)
|
Cultures Surface (ha)
|
Légumes
|
9
|
20
|
|
0
|
54
|
|
0
|
1
|
SAU totale (ha)
|
9
|
75
|
Nombre d'UTH
|
4,5
|
5
|
Nombre d'exploitants sur l'exploitation
|
1
|
2
|
Systèmes de vente
|
Marchés forains
|
Marchés forains, Rungis, vente à la ferme
|
Stratégie de production mise en oeuvre
|
Gamme plus large + Quantités faibles
|
Qualité élevée +
Quantités importantes
|
|
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Le passage d'une exploitation de type A vers un type B se
fait par l'agrandissement de SAU qui nécessite en plus de la
capacité économique à réaliser des investissements
supplémentaires, une présence d'une ou de plusieurs autres
personnes afin de partager le surplus de travail que suscite ce type
d'exploitation. Le partage de la gestion de l'exploitation semble ainsi un
facteur déterminant l'accession d'une exploitation vers un type B ou au
contraire son reclassement en type A qui sous entend l'abondant d'une partie de
sa SAU : Il est beaucoup plus difficile à un exploitant de gérer
seul une exploitation de type B. Pour ce type d'exploitation, le rôle de
la conjointe est déterminant ; ainsi, l'incapacité de travailler
de la conjointe d'un agriculteur de type B, a contraint celui-ci à
abandonner ses parcelles localisées en dehors de la zone
maraîchère, puis à céder toute son exploitation
agricole en anticipant son départ à la retraite. En janvier 2006,
ses parcelles situées en zone maraîchère ont
été reprises par un autre exploitant qui les gère en type
A, l'agriculteur en question a été réintégré
dans la nouvelle exploitation en tant que salarié.
L'intervention des conjointes peut être d'une
façon complète pour certaines exploitations de type B : c'est le
cas d'une exploitation spécialisée en bio où la femme,
étant associée à son époux, effectue toutes sortes
d'opérations que suscite leur mode de production (binage,
désherbage manuel, récolte...) et de gestion de l'exploitation
(comptabilité, calendrier
cultural, orientation des ouvriers maraîchers...) mais
aussi de commercialisation puisqu'elle assure deux marchés par semaine
avec l'aide de son fils.
Sur d'autres exploitations, les femmes n'effectuent pas
directement des travaux aux champs, elles interviennent dans la vente notamment
sur les marchés et à la ferme et/ou par des rôles de «
secrétaires » pour leurs époux (comptabilité,
remplissage de formulaires et déclarations...). Enfin, pour certaines
exploitations, la participation de la femme à l'activité agricole
est inexistante ; ce sont des cas particuliers où la conjointe est dans
l'incapacité de participer à l'activité agricole suite
à une maladie ou à son âge avancé.
La main d'oeuvre féminine n'est pas
représentée par les seules épouses des exploitants en zone
maraîchère, les filles de certains d'entres eux participent
également d'une façon très active au fonctionnement des
exploitations (travail administratifs, marchés...). Par ailleurs, un
exploitant a engagé une vendeuse spécialement pour les
marchés.
Le recours à la main d'oeuvre salariée est
toutefois inévitable dans le cas des cultures maraîchères
exigeantes en travail manuel, surtout lorsqu'il s'agit de faibles surfaces
où la rentabilité économique ne justifie pas une moto
mécanisation compte tenu des faibles volumes traités.
Dans les milieux périurbains ou urbains, la
rareté d'une main d'oeuvre agricole qualifiée est un
véritable handicap pour l'agriculture. A l'unanimité, tous les
exploitants agricoles que j'ai rencontrés m'ont fait comprendre qu'il
devient de plus en plus difficile pour eux de recruter car les citadins voient
en l'agriculture un travail difficile et peu rémunérateur. Dans
ces circonstances, la prolongation des heures de travail pour les ouvriers est
très fréquente ; comme leurs patrons chefs d'exploitation, ces
ouvriers ont souvent des journées longues avec des heurs
supplémentaires qui ne sont pas touj ours bien
rémunérées.
L'ampleur de cette rareté de main d'oeuvre agricole en
nombre et en qualification constitue un sérieux problème pour les
exploitants car non seulement ils sont obligés de fournir plus d'heures
de travail sur leurs exploitations, mais aussi de consacrer plus de temps
à l'orientation de leurs ouvriers qui ne sont pas souvent
qualifiés pour le travail agricole. En zone maraîchère, les
conséquences sont très perceptibles ; à défaut
d'une main d'oeuvre abondante et qualifiée pour le travail agricole, les
exploitants recrutent sans avoir le choix de sélectionner les candidats.
Aujourd'hui, tous les ouvriers agricoles engagés sur les exploitations
sont d'origine étrangère (essentiellement des maghrébins),
habitant soit l'agglomération de Cergy Pontoise, soit la proche banlieue
parisienne. En plus de leur faible qualification, des difficultés de
communication exploitant - ouvriers (liées notamment à leur
faible compréhension de la langue française) ne facilité
pas le travail des exploitants.
Sur certaines exploitations, il existe une véritable
distinction des postes de travail : deux ouvriers assurent les travaux relatifs
à la production, deux autres le transport tandis que un ou deux ouvriers
assurent la commercialisation sur les marchés avec l'exploitant. Sur
d'autres les postes sont plus polyvalents : l'ouvrier maraîcher peut
assurer le transport, et le chauffeur participe à la vente sur le
marché avec le chef d'exploitation.
La vente sur les marchés forains est pratiquée
par tous les agriculteurs de la zone maraîchère qui mettent en
valeur leur proximité de l'important bassin de consommation de
l'agglomération parisienne. Les marchés les plus
privilégiés sont ceux de Paris et de la proche banlieue ; sur ces
marchés, les clients sont beaucoup plus sensibles à la
fraîcheur et à la qualité des produits qu'ils
n'hésitent pas de rémunérer même à des prix
plus élevés. La recherche d'une clientèle qui soit
prête à rémunérer toujours plus les produits, est
donc le critère le plus déterminant dans le choix des
marchés forains pour les agriculteurs de la zone maraîchère
: La distance (marché - exploitation), qui semble influencer la
majorité des producteurs de l'Ile de France (IAURIF, 2004), n'intervient
que peu dans le choix du marché à pratiquer. D'ailleurs, aucun de
ces producteurs ne commercialise ses produits sur les marchés de Cergy
ou de Pontoise malgré leur proximité immédiate.
L'IAURIF dans son Atlas rural et agricole de l'Ile de France,
estime que la vente sur les marchés de détail est un
débouché important pour les exploitations
spécialisées de la région. Les producteurs présents
sur les marchés viennent principalement des zones
maraîchères et arboricoles d'Ile de France. Ils ont
développé un système de production qui leur permet de
proposer une large gamme de produits de saison (plus de dix voire de trente
variétés de légumes ou petits fruits).
Parallèlement, quelques producteurs ont une offre plus
spécialisée : salades, oignons, pomme de terre. Ils disposent
d'atouts indiscutables avec une offre de produits locaux frais et de saison. La
vente sur les marchés est souvent considérée comme le seul
moyen de valoriser une production, en particulier pour les petits producteurs
qui ne sont pas concurrentiels sur le marché de gros. 25% des
exploitations commercialisent leurs fruits et légumes uniquement sur les
marchés (IAURIF, 2004).
En Ile de France, ils existent entre 600 et 700
marchés forains (IAURIF, 2000) dont 78 sont implantés dans Paris
intra-muros (les Echos, 2005). Ce sont majoritairement de petits marchés
puisque 65% ont moins de 50 forains et 35% ont moins de 20 forains (la taille
moyenne régionale étant de 50 forains par marché) ce qui
constitue une situation préoccupante pour la région puisque les
petits marchés ont souvent du mal à se tenir (IAURIF, 2000).
Au-delà de l'avantage économique qu'ils sont
susceptibles d'apporter aux agriculteurs (notamment la
récupération d'une marge bénéficière
nettement plus importante que celle qu'ils perçoivent en cas de vente
à des intermédiaires), les marchés forains offrent
également une occasion particulière pour la rencontre entre
citadins et agriculteurs en Ile de France. Ces marchés acquièrent
un rôle décisif dans le processus de réintégration
sociale de l'agriculture puisqu'ils forment des vitrines idéales sur le
monde agricole et des interfaces sociales actives avec le milieu urbain :
à défaut de se rendre sur les champs, c'est dans ces
marchés que les citadins peuvent nouer et entretenir d'éventuels
contacts directs avec les producteurs de leur région.
La vente à la ferme, sensée contribuer à
rétablir le lien avec la société urbaine, ne semble pas
séduire les agriculteurs, elle n'est d'ailleurs pratiquée que par
une seule exploitation gérée en GAEC dont l'essentiel de la
production est vendue sur les marché d'Ile de France et à Rungis
; tous les vendredis entre 16 heure et 19 heure, les clients peuvent ainsi se
rendre au siège de l'exploitation pour s'approvisionner en
différents légumes produits sur place et mis à leur
disposition sur des étalages placés sous un abri avec affichage
des variétés et des prix des produits. Ce type de vente qui
permet à l'exploitant de réaliser une marge
bénéficiaire plus importante puisqu'elle lui évite les
coûts des déplacements, reste stagnée malgré les
efforts consentis afin d'attirer plus de clients (distribution de
publicité dans les boites aux lettres, informations et
fidélisation des clients), « nos clients sont majoritairement
des habitués, de temps en temps on reçoit des nouveaux mais qui
ne reviennent pas souvent et d 'ailleurs même les habitués se font
parfois rares», affirme cet agriculteur en insistant sur le fait que
ce sont majoritairement des habitants des quartiers voisins « notre
problème est qu 'on arrive pas à séduire d'autres clients
même si on essaye de ratisser large par nos publicités »,
fortement convaincu qu'il a fait tout le nécessaire pour
développer ce type de vente sur son exploitation, cet agriculteur estime
qu'il ne peut pas faire plus : « aujourd'hui je consacre plus de 20%
de mon temps de travail pour la vente de mes produits et je ne peux pas faire
plus que ça compte tenu du temps énorme de travail que je doit
consacrer à la production », lorsque je l'ai interrogé
à propos de ce que les clients lui réclament le plus, il m'a
répondu : « les gens trouvent que le vendredi après midi
ne les arrange pas, mais les autres jours j 'ai beaucoup de choses à
faire, et c 'est le seul créneau dans lequel je peux me permettre cette
vente ; les débuts de semaine les gens achètent moins, le samedi
je fais les marchés forains, et le dimanche je me repose ». A
travers le témoignage de cet agriculteur, on comprend bien que le sort
de la vente à la ferme ne dépend pas uniquement de la
volonté des exploitants d'adopter ou pas ce type de vente selon
l'organisation de leur travail, mais tributaire aussi, et d'une
façon plus importante, des disponibilité des
clients qui ne sont pas forcement en adéquation avec les créneaux
horaires et les jours choisis pour réaliser cette vente. Même
intéressés par l'achat direct de légumes sur les
producteurs, l'inadéquation des disponibilités des clients avec
celle des agriculteurs est la principale entrave au développement de la
vente à la ferme, sans efforts et compromis de part et d'autre, ce type
de vente ne connaîtra pas le succès qu'on attend de lui en Ile de
France. Cet agriculteur que j 'ai réussi d'interviewer dans sa serre
entrain d'élaguer ses concombres et dont les propos ont mûrement
enrichi ma réflexion, ne voit aucune issue particulière à
cette problématique, « vous savez, j 'ai 55 ans et j 'ai
décidé d 'arrêter bientôt l 'activité agricole
car je ne peut plus fournir d 'efforts supplémentaires pour gagner juste
le SMIC !...», me confiât-il à la fin de notre
entretien.
En Ile de France, la vente à la ferme demeure
toutefois peu pratiquée et ne représente qu'un faible volume ;
21% des exploitants tous secteurs confondus font de la vente directe contre 15%
au niveau national. Ce sont essentiellement des arboriculteurs, des
horticulteurs, des pépiniéristes et des maraîchers. Ce
débouché est cependant en régression par rapport à
1988, quand 29% des exploitants vendaient directement aux consommateurs. Le
recul de l'agriculture spécialisée et des productions animales
ainsi que le durcissement des normes sanitaires, expliquent cette baisse,
même si la demande du consommateur est touj ours présente (IAURIF,
2004).
D'une façon plus originale, un agriculteur exploitant
à Cergy Ham, a aménagé un local sur la place de
l'indépendance à Cergy village qu'il a entièrement
dédié aux produits de son exploitation, les clients qui sont
essentiellement habitants du village, y trouvent légumes, oeufs, lapins,
plantes en pots... etc. Il s'agit d'un système de vente directe des
produits de la ferme qui s'effectue plus loin de celle-ci et plus proche des
clients ; ces derniers peuvent ainsi bénéficier des avantages que
leur confère l'achat direct chez le producteur sans en subir
l'inconvénient du déplacement jusqu'à la ferme. Par
ailleurs, ce type de vente directe s'effectuant toute la semaine (puisque le
local reste ouvert du matin au soir et tous les jours), permet de pallier le
problème des disponibilités des clients : ceux-ci peuvent s'y
rendre pour s'approvisionner tous les jours et à tout moment de la
journée.
Plus détaché encore du marché
cergypontain, un agriculteur spécialisé en bio a
développé un système de vente entièrement
adapté à une clientèle parisienne plus aisée ; tous
les samedi matin, il tient un stand sur le marché biologique des
Batignolles dans le 1 7ème arrondissement de Paris. En plus
des clients qui achètent occasionnellement ses légumes, les
abonnés reçoivent chaque semaine un panier de légumes
biologiques de saison contre un paiement mensuel. Les paniers
préparés à l'avance, sont de deux dimensions « gros
» et
« moyens », et les légumes sont soit produits
sur son exploitation soit achetés sur d'autres agriculteurs biologiques
à hauteur de 5% des quantités vendues.
2. Peu d'échanges avec l'agglomération
de Cergy Pontoise :
L'intégration de l'agriculture de la zone
maraîchère dans l'agglomération de Cergy Pontoise peut se
mesurée à travers la présence ou l'absence
d'échanges entre cette activité et la ville qui l'entoure. Ces
échanges peuvent prendre différentes formes notamment
économiques et sociales.
Sur le plan économique, les exploitants de la zone
maraîchère réalisent peu d'échanges avec
l'agglomération de Cergy Pontoise. En amont, ils s'approvisionnent, pour
la majeure partie de leurs intrants, à la coopérative agricole de
Cergy dont le siège est localisé à Cergy village contre le
paiement d'un droit d'adhésion annuel qui leur permet d'obtenir des
réductions importantes sur les prix d'achats. Cette association de
producteurs n'est pas habilitée à réaliser des
bénéfices par la vente aux agriculteurs, les faibles profits
qu'elle réalise de temps à autres (2000 euros en 2005) sont
aussitôt redistribués sur ses adhérents. En revanche, elle
réalise 20% de son chiffre d'affaire par la vente aux particuliers non
agriculteurs (jardiniers ou autres amateurs), pour cette part de son budget,
elle est redevable de charges comme tout autre établissement à
activité commerciale. Son responsable, que j 'ai rencontré sur
place, considère qu'à l'avenir la coopérative travaillera
de moins en moins avec les agriculteurs et de plus en plus avec les
particuliers, d'ailleurs, la part de ces derniers dans le budget pour
l'année 2006 est susceptible de passer à 25% soit une
augmentation de 5% par rapport à sa part en 2005 ; « ce qui
nous permettra de faire tourner la baraque ! ». Par sa
proximité immédiate, cette coopérative procure un gain de
temps énorme aux agriculteurs facilitant ainsi leur travail en zone
maraîchère de Cergy (ils ne sont plus obligés de parcourir
de grandes distances en traversant la ville pour s'approvisionner). Par
ailleurs et en dehors des différents intrants qu'elle leur fournit,
cette coopérative est aussi un lieu de rencontre pour les agriculteurs
(le seul pour la plupart d'entre eux), ils y découvrent les nouveaux
produits, les nouvelles techniques, des conseils et des suggestions qu'ils ne
peuvent pas forcement trouver ailleurs : au-delà du simple
approvisionnement, cette coopérative joue un rôle sociale
important pour les agriculteurs en leur permettant au moins d'avoir ce lieu
commun dans lequel ils peuvent s'échanger expériences,
idées mais aussi matériels et services puisqu'un espace
d'affichage leur permet de publier leurs petites annonces. Vue sous cet angle,
la
coopérative apporte donc d'innombrables services aux
agriculteurs de Cergy, néanmoins elle favorise une concentration de
l'agriculture dans l'espace « zone maraîchère - Cergy village
» l'isolant ainsi davantage du reste de la ville nouvelle puisque les
agriculteurs, à force de ne développer des liens qu'avec cet
ancien village, n'y trouvent aucune utilité à la ville nouvelle
quant à l'accomplissement de leur travail : en amont, l'activité
agricole se trouve indépendante de la ville nouvelle, elle est
concentrée dans le territoire formé par la zone
maraîchère et l'ancien village de Cergy qui demeure
complètement écarté, voire fermé, pour l'essentiel
de la population de l'agglomération cergypontaine. L'isolement de
l'agriculture de la zone maraîchère est favorable à
davantage d'éloignement entre la société et l'agriculture
de l'agglomération. Les conséquences sont déjà
perceptibles puisqu'un nombre important de citadins, notamment les plus jeunes
que j 'ai rencontrés, ignorent complètement l'existence
d'activité agricole à Cergy Pontoise. Pour Bertrand Hervieu, cet
éloignement conduit à long terme à l'ignorance et à
l'incompréhension vis-à-vis du monde agricole (Hervieu, 2001). Il
estime dans une conférence qu'il a animé au Québec que :
« Nous sommes devenus des sociétés urbaines, des
sociétés éloignées de la production
végétale et de la production animale. Nous n 'avons jamais si
bien mangé et nous n 'avons jamais aussi peu su ce que nous mangions.
C'est un processus d'abstraction complètement passionnant d'un point de
vue sociologique parce qu 'il est possible de le décliner sur la terre,
sur le métier et aussi sur l 'alimentation. D 'une certaine fa
çon, notre alimentation n 'a jamais été aussi abstraite,
ce qui veut dire qu 'il faut être parfois extraordinairement savant pour
arriver à véritablement comprendre comment ce qui est dans notre
assiette a pu être construit, fabriqué, sauvegardé,
conservé, chauffé... avant d'être digéré !
C'est un élément d'éloignement qui crée les
conditions d'une sorte d'incompréhension, parce que l 'ignorance est
forcement mère de l 'incompréhension. Si l 'on veut
évidement effacer ces choses, cela passe d 'abord par la connaissance et
par la compréhension ». (Bertrand Hervieu, 2001).
En aval, les agriculteurs de la zone maraîchère
ne vendent aucun de leurs produits sur les quatre marchés forains que
comporte l'agglomération de Cergy Pontoise, « la demande des
clients de Cergy Pontoise n 'est pas adaptée à la qualité
des produits que nous proposons ; nous produisons du haute gamme tandis qu 'ils
recherchent plutôt les bas prix », m'a répondu un
agriculteur qui préfère pratiquer d'autres marchés d'Ile
de France.
Tableau 07 : Les marchés forains de
l'agglomération de Cergy Pontoise.
Commune
|
Emplacement du marché
|
Jours et période du marché
|
Cergy
|
Quartier Saint Christophe
|
Mercredi et Samedi matin
|
|
Dimanche matin
|
Pontoise
|
Place de l'Hôtel de ville
|
Samedi matin
|
|
Jeudi matin
|
|
Source : La ville de Cergy, 2005.
D'après ce témoignage, l'absence de liens
commerciaux entre l'agriculture de la zone maraîchère et
l'agglomération de Cergy Pontoise peut donc s'expliquée
principalement par l'inadaptation des gammes de produits de cette agriculture
aux demandes des cergypontains. Les produits fournis s'orientent beaucoup plus
vers une clientèle prête à rémunérer
chère leur qualité, ce qui est moins le cas de la population de
Cergy Pontoise.
Selon une étude de l'INSEE, il s'agit d'une population
plus modeste que celle de l'ensemble de la région puisque son revenu
annuel médian est de 16700 € par unité de consommation (UC)
(contre 17400 € en Ile de France). Au sein de l'agglomération
nouvelle, ce revenu est le plus élevé à Neuville - Sur -
Oise (23000 €), et le plus faible à Cergy et Saint - Ouen -
l'Aumône où la moitié des habitants déclarent moins
de 14000 € par ans.
La part de la population dépendante du RMI est de 2,4%
à Cergy Pontoise comme en Ile de France. Cependant, au sein de
l'agglomération, cette part varie de 0,1% à Neuville - Sur - Oise
à 3,5% à Cergy, Pontoise et Saint - Ouen - l'Aumône. La
population dans ces trois communes présentent également des taux
de chômage les plus élevés (13,3% à Saint - Ouen -
l'Aumône, 12,1% à Cergy et 12% à Pontoise), les autres
communes présentent des taux relativement moins élevés
(10,4% à Osny, 9,7% à Jouy - Le - Moutier, 9,4% à Eragny,
9,2% à Vauréal, 6,4% à Courdimanche et à Neuville -
Sur - Oise, 6,2% à Menucourt et 3,8% à Puiseux - Pontoise). Ce
taux est de 10,9% pour toute la ville nouvelle contre 11,6% en Ile de France.
Si la population active francilienne est à 91,5% salariée, ce
chiffre atteint 95,2% à Cergy Pontoise.
Tableau 08: La composition de la main d'oeuvre salariale
à Cergy Pontoise.
Catégories professionnelles
|
Cergy Pontoise
|
Il de France
|
Employés
|
33%
|
30%
|
Professions intermédiaires
|
27%
|
25%
|
Ouvriers
|
20%
|
18%
|
Cadres, professions intellectuelles
|
15%
|
21%
|
Artisans, commerçants, chefs d'entreprises
|
3%
|
5%
|
|
Source : INSEE, 2004.
Les marchés forains de la ville nouvelle sont
adaptés à la clientèle qui les fréquente. A
l'intérieur de leur ambiance de « Souk » où se
côtoient des produits de différentes natures, les étalages
des fruits et légumes sont occupés plutôt par des
revendeurs qui s'approvisionnent généralement à Rungis et
qui proposent des prix adaptés aux faibles budgets des
ménages.
Photo 05 : Revente de fruits et légumes sur le
marché de Cergy Saint Christophe (Cergy).
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Une des pratiques les plus courantes dans ces marchés
s'apparente à un système de « soldes » qui s'effectue
en générale vers la fin du marché : les légumes
sont proposés dans des paniers ou des sacs plastics et vendus en volume
et non pas au poids. Cette pratique garantie aux commerçants
d'écouler le maximum de leur marchandise et permet aux clients de faire
leurs achats à des prix très avantageux.
La concurrence des prix rude entre ces marchés forains
et la grande distribution a contribué à l'éviction des
producteurs locaux du marché des fruits et légumes de
l'agglomération.
3. Les tentatives d'intégration urbaine de
l'agriculture par l'agglomération de Cergy Pontoise :
3.1. Les mesures de protection de l'agriculture en zone
maraîchère :
La vocation agricole de la zone maraîchère est
définitivement reconnue par les documents d'urbanisme et
d'aménagement. Que ce soit dans le schéma directeur de
l'agglomération cergypontaine ou dans le plan locale d'urbanisme de la
commune de Cergy, le caractère d'espace agricole est maintenu pour cette
zone qui ne peut par conséquent être affectée à
d'autres usages. La non constructibilité de la zone
maraîchère met son agriculture à l'abri de toute
spéculation de la part des propriétaires fonciers. Primordiale
mais non suffisante au maintien de l'activité agricole, cette
sécurisation foncière doit s'accompagner dans les milieux
périurbains par des mesures concrètes sur le terrain qui doivent
maintenant viser la sécurisation du travail des agriculteurs contre les
vols et les dégradations. Dans certaines communes comme à
Vernouillet, une des mesures prises consiste à mettre en place des
brigades montées de surveillance (Poulot et Rouyres, 2005).
Afin de réaffirmer sa volonté de
protéger l'agriculture en zone maraîchère,
l'agglomération de Cergy Pontoise a procédé par
l'installation de plaques signalétiques aux abords des parcelles
cultivées avec des messages rappelant aux utilisateurs de la zone
maraîchère de « respecter le travail des agriculteurs ».
Ces plaques qui portent aussi l'inscription de « zone
maraîchère protégée », n'offrent aucune
protection réelle puisqu'elles ne font que rappeler aux passants de
« ne pas emprunter les chemins d'exploitation et de tenir leurs chiens en
laisse » tout en les invitant à respecter les cultures «
fruits du travail des agriculteurs ». Elles s'adressent donc aux habitants
de la zone maraîchère et aux promeneurs qui ne sont pas les
véritables auteurs des dégradations, puisque les parties qui
souffrent le plus
des dégâts, sont les plus
éloignées des habitations de la zone maraîchères et
les moins propices pour la promenade (climat d'insécurité,
tags...) ; Par ailleurs, l'emplacement de ces plaques dans la partie Ouest de
la zone maraîchère est en contradiction avec la localisation des
dégradations qui sont essentiellement concentrées vers sa partie
Est.
Ainsi, la tentative de protection de l'agriculture en zone
maraîchère à travers ces plaques, ne semble adaptée
ni aux types de dégradations subies, ni à la logiques de leurs
auteurs.
Photo 06 : Des plaques pour protéger l'agriculture en
zone maraîchère de Cergy.
Bois de Cergy
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Enfin, la mise en place de ces plaques signalétiques
qui ciblent les usagers non agriculteurs de cet espace puisqu'elles ne seraient
pas nécessaires si la zone maraîchère était
exclusivement réservée aux agriculteurs, révèle
implicitement la reconnaissance d'une multifonction de la zone
maraîchère de la part de l'agglomération de Cergy Pontoise.
Celle-ci sous-entend l'existence d'autres usages en dehors de l'activité
agricole pour la zone maraîchère.
Il est évident que pour protéger efficacement
le travail des agriculteurs en zone maraîchère, seule une
stratégie de protection bien établie et qui prend en compte les
caractéristiques propres à cette zone, est susceptible de se
montrer utile. Un tel travail doit
d'abord commencer par une identification et un diagnostic
précis des dégradations constatées afin de trouver les
solutions et les méthodes de protection appropriées.
3.2. L'intégration dans un circuit de recyclage de
déchets urbains : une tentative échouée.
L'utilisation d'engrais urbains par l'agriculture n'est pas
un fait nouveau en Ile de France ; durant les siècles
précédents, le fumier provenant des animaux entretenus à
Paris a joué un rôle capital dans l'organisation et le maintien
des systèmes de production agricole de banlieue : les producteurs qui
disposaient de quantités touj ours plus importantes d'engrais urbains
peuvent étendre et intensifier leurs cultures spéciales sans
faire d'élevage ; ainsi, l'existence des cultures
maraîchères autours de Paris n'est pas sans rapport avec la
présence de nombreuses cavaleries (M Phlipponneau, 1956). A cette
époque (du 1 3ème au 1 9ème
siècle), la dépendance des cultures de banlieue
vis-à-vis des engrais urbains été très forte au
point où elle a encouragé certains agriculteurs, comme ceux
d'Aubervilliers, à produire des engrais verts dans leurs exploitations
pour s'affranchir de cette emprise parisienne (Turek et Roy, 1992).
Dans les années 1990, l'agglomération de Cergy
Pontoise se voulant exemplaire en matière d'environnement, a mis en
place une filière globale de recyclage des déchets
ménagers baptisée « Auror'Environnement » qui
s'organise autour du fonctionnement d'un ensemble d'équipements de
gestion des déchets ménagers composés de:
· 5 déchetteries et plus de 300 points d'apports
volontaires,
· 1 dispositif de collecte sélective pour l'ensemble
des habitations de l'agglomération,
· 1 unité d'incinération d'une
capacité de 160000 tonnes /an qui contribue au chauffage de 30000
équivalant/ logements,
· 1 centre de tri de 12000 tonnes/ an pour les journaux -
magazines et les emballages ménagers,
· 1 centre de tri de 60000 tonnes/ an pour les
déchets industriels banals et les encombrants,
· 1 unité de compostage qui traite 13000 tonnes/ an
de déchets verts et de déchets fermentescibles.
Situé sur la commune de Saint - Ouen - l'Aumône, le
centre principal de traitement permet non seulement de traiter les
déchets (journaux, magazines, emballages) pour Cergy
Pontoise mais aussi pour le syndicat intercommunal de Taverny
(8 communes), soit 280000 habitants en tout. Pour la seule agglomération
ce sont 90% des déchets ménagers qui sont traités et
valorisés grâce à cette filière.
Les déchets végétaux sont
déposés dans les cinq déchetteries de Cergy Pontoise, puis
collectés et acheminés au centre de compostage. Il s'ajoute
à cela et depuis 1998, le ramas sage direct des résidus de
préparation de repas et ceux du jardinage qui permet de
récupérer près de 100 Kg de déchets fermentescibles
par habitant/an : au total 17000 tonnes de déchets sont collectés
chaque année.
Comme les nombreuses entreprises d'espaces verts et de
jardinerie, les exploitations agricoles de la zone maraîchère de
Cergy participent activement à l'approvisionnement de cette
filière en déchets végétaux. Pour le faire, la
mairie de Cergy a aménagé un espace sous la voie du RER A
élevée en zone maraîchère : il s'agit d'un espace
bien clôturé avec portail se fermant à clé et dont
la surface est cimentée au sein duquel les déchets sont
disposés séparément selon leurs nature. Les feuilles et
les débris organiques sont regroupés dans un même quartier,
tandis que les déchets non dégradables sont déposés
dans une benne remorquable, les légumes détériorés,
quant à eux, bénéficient d'une place particulière
qui leur est réservée avec plaque signalétique.
Jouissant d'une bonne accessibilité, ce site permet aux
agriculteurs de déposer les déchets issus de leurs exploitations
(légumes détériorés ou invendus, restes de
végétaux,...) à n'importe quel moment de la
journée, il bénéficie d'ailleurs, d'une bonne
appréciation de la part des exploitants puisqu'il leur permet
d'éliminer gratuitement leurs déchets. Les agriculteurs peuvent y
déposer, en plus des déchets végétaux, leurs
déchets non fermentescibles (films plastiques, caisses, emballages de
produits phytosanitaires). A leur tour, les entreprises de jardinerie ainsi que
les services municipaux, peuvent y déposer les résidus
d'entretien des jardins et parcs urbains (feuilles et débris
végétaux) ; le tout étant par la suite
récupéré et amené au centre de compostage de la
filière.
A travers ce système, le partenariat imaginé
entre la ville nouvelle et l'agriculture en zone maraîchère ne
s'est pas entièrement accompli. En effet, force est de constater que par
peur de contaminer leurs cultures, les agriculteurs de la zone
maraîchère n'ont pas voulu adopter le compost que leur propose la
filière car ils le considèrent comme une source potentielle de
maladies des cultures. Ce risque est tellement pris au sérieux que
même le responsable de la coopérative agricole de Cergy, qui fait
aussi office de conseiller auprès des agriculteurs, n'hésite pas
de le rappeler : il est vecteur de maladies cryptogamiques qui, en
cas
d'utilisation de ce terreau, sont susceptibles de
contaminer les cultures. Aujourd'hui, seuls les espaces verts de
l'agglomération font encore usage de ce compost.
De son côté, Auror'Environnement explique que le
procédé de compostage adopté (fermentation des
déchets en milieu fermé à 60°C avant d'être
broyés à trois reprises puis humidifiés et
aérés, pour enfin subir des traitements chimiques afin
d'éliminer les odeurs désagréables de la fermentation),
continue de fournir, toutes les cinq semaines, 3000 tonnes de terreau pour 6000
tonnes de déchets traités.
A l'heure où je rédige ce
paragraphe19, le dépôt de la zone
maraîchère connaît une accumulation non négligeable
de végétaux et de débris déposés qui forment
des tas avec un stade de fermentation assez avancé, ce qui
témoigne de leur long séjour sur place et de la lenteur dans leur
acheminement vers le centre de compostage : une saturation des entrepôts
de la filière en stocks de compost non écoulés, pourrait
en être la cause de ce ralentissement.
En attendant, les conséquences négatives de la
fermentation des végétaux dans ce dépôt commencent
à menacer sérieusement le fonctionnement et la stabilité
de la zone maraîchère : les odeurs indésirables que
dégage cette fermentation atteignent, par des vents Sud (assez
fréquents dans cet espace), la rive gauche de l'Oise sur laquelle se
trouve des habitations et un restaurant qui n'hésite pas d'imputer la
baisse de sa clientèle en grande partie à la présence de
ces odeurs.
A long terme, cette initiative qui a voulu intégrer
l'agriculture dans une dynamique environnementale urbaine, n'aura pas les
effets attendus. Bien au contraire, n'ayant pas su montrer le rôle
positif que pourrait assurer l'agriculture au sein de la ville, cette
expérience a provoqué l'effet inverse en mett ant cette
activité en conflit avec son voisinage de l'autre rive de l'Oise.
19 - Mai 2006.
Quatrième partie :
Les bases du rapprochement ville - agriculture en zone
maraîchère de Cergy :
1. De nouveaux rôles urbains pour l' agriculture
:
1.1. Un rôle social : de l'emploi agricole pour une
main d'oeuvre urbaine :
Le rôle social de l'agriculture en ville prend forme
dès lors qu'elle satisfait des besoins sociaux émanent de la
population urbaine. Si pour une certaine catégorie sociale l'agriculture
est appelée à satisfaire des demandes en terme d'entretien
d'espaces ouverts, de gestion des paysages qu'elle conjugue avec des
productions de qualité, d'autres catégories lui réclament
encore fortement sa fonction nourricière et sa capacité à
fournir des postes d'emploi. Dans certains cas, cette activité constitue
un dernier recours pour des populations en mal d'intégration dans le
marché du travail urbain, de nouvelles bases du rapprochement ville -
agriculture peuvent se mettre en place.
En zone maraîchère de Cergy, la majorité
des ouvriers agricoles qui constituent l'essentiel de la main d'oeuvre
nécessaire au fonctionnement des exploitations (ouvriers
maraîchers, chauffeurs, vendeurs sur les marchés), sont
résidents des nouveaux quartiers construits avec la ville nouvelle de
Cergy Pontoise.
Cette agriculture qui demeure isolée de
l'agglomération en terme d'échanges économiques, retrouve
ainsi - à travers ce flux humain de main d'oeuvre - un véritable
lien social avec la ville. Bien que les chefs d'exploitations agricoles de la
zone maraîchère continuent de considérer que la ville
nouvelle ne leur procure « que ses inconvénients »,
on est ici plutôt en présence d'un avantage de leur rapports
avec la ville.
Compte tenu des profils des ouvriers qui occupent ces emplois
agricoles, ce partenariat acquiert une dimension sociale importante pour
l'agglomération nouvelle.
En effet, ces ouvriers cumulent pour la plupart d'entre eux,
d'innombrables handicaps minimisant leurs chances d'accéder à un
emploi urbain20. De l'autre côté, les chefs
d'exploitations agricoles de la zone maraîchère souffrent d'un
énorme manque de main d'oeuvre capable de mener les différentes
tâches agricoles sur leurs exploitations ; le
20 - voir Troisième partie, § 1 : présentation
de l'agriculture de la zone maraîchère de Cergy.
responsable de la coopérative agricole de Cergy n'a pas
manqué de me le rappeler « notez bien ceci, il y 'a un manque
énorme de main d 'oeuvre en agriculture, les jeunes
préfèrent les bureaux ; conséquence, les agriculteurs sont
obligés de faire plus d 'heures de travail », à ce
sujet, un agriculteur m'a confié que le coût de la main d'oeuvre
pour son exploitation est de 80% des coûts de production « je
dois donc la rentabiliser, est puisqu 'elle est de plus en plus rare, je suis
obligé de faire plus d 'heures de travail que n 'importe quel autre
travailleur par semaine». On comprend donc facilement qu'un
partenariat gagnant - gagnant s'est finalement mis en place entre la ville et
l'agriculture de la zone maraîchère, il est de nature sociale pour
l'agglomération et économique pour l'agriculture.
1.2. Les tags : pressions urbaines, ou appropriation
citadine de l'agriculture :
La coexistence de l'agriculture avec d'autres usages de la
zone maraîchère suscite des interactions et des rapports qui sont
parfois marqués par une compétition accrue notamment lorsqu'il
y'a concurrence pour certains objectifs partagés ; ainsi les tagueurs
qui semblent, comme les agriculteurs, conscients de la bonne exposition que la
ligne A du RER est susceptible de leur procurer, exploitent vivement cette
opportunité au risque de compromettre gravement le travail des
agriculteurs. Ces derniers voulant, à leur tour, profiter de
l'exposition pour afficher leur pratique de vente à la ferme, ont
placé leurs serres avec des panneaux publicitaires dans des endroits
bien visibles à partir du RER, ils ont ainsi offert aux tagueurs de
formidables supports pour se montrer à leur façon.
L'ampleur de ce phénomène est très
perceptible dans certains endroits de la zone maraîchère, ainsi
dès qu'un nouveau plastique est mis en place, il est vite gagné
par des tags de différentes formes (j 'ai même
repéré des plastiques tagués sur près de 20 % de
leur surface bien avant que leur mise en place sur les serres ne soit
complètement achevée), une fois tagués, les plastiques
deviennent opaques et voient leur capacité d'effet de serre,
recherché en plasticulture, chuter. Le préjudice pour les
agriculteurs est d'ordre multiple; il est d'abord agronomique (retard de
croissance des cultures concernées avec le surplus que cela induit en
travail et en apports d'intrants suite à l'opacité des
plastiques), mais aussi commercial car vecteurs d'une image négative de
la zone maraîchère (image d'insécurité) puisque les
tags sont susceptibles de dissuader d'éventuels clients qui, en les
voyant, renoncent de se rendre sur place pour s'approvisionner en
légumes frais. A cela s'ajoute des dommages collatéraux
se produisant au moment même de la mise en place des tags
(piétinement des cultures, endommagement des clôtures...).
Photo 07 : Des serres taguées en zone
maraîchère de Cergy.
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
En analysant la localisations et la disposition des tags, on
s'aperçoit qu'elles répondent à une logique bien
particulière: tous les tags sont orientés suivant un angle qui
leur permet au maximum d'être vus à partir du RER. Le lien entre
l'emplacement des tags et leur visibilité à partir du train
s'établit facilement puisqu'ils ne couvrent que les surfaces les plus
visibles des serres les plus proches de cette voie de transport. Plus loin de
celle - ci, les serres ne portent aucun tag ; plus justifiant encore, les
surfaces non exposées des serres même très proches du RER,
demeurent indemnes de toute forme de tags. On constate ainsi que les
motivations des tagueurs ne résident pas dans la volonté de
dégrader les serres car, si c'était le cas, ils auraient pu
taguer aussi des serres qui ne sont pas visibles du train, voire conjuguer
d'autres types de dégradations avec les tags (par exemple
déchirer les plastiques...) : la présence des tags ne constitue
donc pas une réponse aux atteintes au pays age et à
l'environnement que les serres évoqueraient aux citadins en illustrant
un certain productivisme de l'agriculture, elle n'est pas non plus une forme
gratuite de pression urbaine sur l'agriculture, elle représente par
contre
une tendance à l'assimilation de cet espace à un
espace urbain ce qui illustre une appropriation citadine de l'activité
agricole. Un rôle particulier se dessine pour l'agriculture en zone
maraîchère ; celui de fournir le support d'expression à une
certaine catégorie sociale (les tagueurs).
Si les exploitants ont choisi d'ignorer ces tags, le plus
touché d'entres eux continu de lutter seul contre ce
phénomène. Conscient de l'importance de la visibilité
à partir du RER pour les tagueurs, il a procédé par la
mise en place d'un film plastique vert en attendant que grandissent les arbres
qu'il a planté pour camoufler les tags.
1.3. Le rôle patrimonial et paysager :
L'une des principales voies pour la reconsidération de
l'agriculture dans les milieux urbains réside dans sa capacité
à participer à la construction d'une identité
territoriale, car audelà du paysage, les agriculteurs apportent aux
périurbains des enseignements qui leur permettent de s'enraciner dans
leur territoire de résidence (Charvet, 2003).
Compte tenu de l'origine multiple de leurs habitants, les
villes nouvelles ont plus que jamais besoin d'exploiter tous ce qui est
susceptible de contribuer à la construction d'une identité
commune sur leurs territoires. Dans ce contexte, l'activité agricole
pourrait jouer un rôle non négligeable dans la mise en place de
liens entre les populations citadines et leur territoire commun ; toutefois,
l'exploitation de ce rôle territorial de l'activité agricole doit
souvent passer par des démarches de patrimonialisation de l'agriculture
(Fleury et Serrano, 2002). Celles-ci interviennent lorsque l'agriculture est
protégée non pas pour son rôle nourricier mais parce
qu'elle est considérée comme faisant partie du patrimoine
identitaire de la ville, dans ce cas, divers outils peuvent être
utilisés selon les composantes des milieux concernés.
La création de zone de protection du patrimoine urbain
et paysager (ZPPAUP) est un moyen très approprié pour la
protection des espaces contenant à la fois des paysages ouverts
(forêts, espaces cultivés...) et des constructions (monuments
historiques, village ancien...).
Il s'agit d'un outil juridique créé par la loi
du 7 janvier 1983 qui se matérialise par un document contractuel ne
pouvant s'élaborer qu'avec la volonté de la municipalité
après enquête d'intérêt publique et en concertation
avec l'Etat. La décision finale appartient au préfet de la
région qui s'entoure des conseils d'une instance juridique et
scientifique (la commission régionale du patrimoine et des sites). La
ZPPAUP s'impose ensuite aux
particuliers et l'architecte des bâtiments de France a
pour mission de vérifier que les démarches d'autorisation des
travaux soient conformes aux dispositions de la ZPPAUP (ministère de la
culture, 2006).
A l'initiative de la municipalité de Cergy un projet de
ZPPAUP est créé en 1999, il est mis en application en 2000.
La phase de diagnostic a permis de repérer les espaces
publics et paysagers qui sont considérés comme constituants de la
mémoire de la commune de Cergy. Le village de Cergy, Ham ainsi que les
bords de l'Oise, les coteaux, les étangs, le bois de Cergy et la zone
maraîchère, au total 532 ha ont été choisis pour
être protégés. Trois grands secteurs ont été
définis :
1. Les secteurs urbains, susceptibles d'accueillir des
constructions (village ancien, port de Cergy et ses abords, maisons
isolées et constructions maraîchères)
2. Les secteurs naturels (espaces boisés et coteaux,
grands enclos - comme le parc de la Maison Gérard Philipe, espaces de
transition - comme les vergers et les terrains de cultures)
3. Les secteurs de projets, comprenant des espaces aussi bien
bâtis que naturels, ils sont destinés à des
aménagements spécifiques comme l'axe majeur ou la place de
l'église Saint Christophe (ville de Cergy, 2004).
Au moment où la zone maraîchère demeure
pour les agriculteurs un lieu d'exercice de leur métier sur lequel ils
ont installé des serres, des clôtures et d'autres moyens de
productions, elle accède à un statut de patrimoine culturel et
paysager prescrit par la ville : une fois de plus la fonction
nourricière de l'agriculture se trouve écartée par
d'autres priorités urbaines, le maintien de l'activité agricole
en zone maraîchère doit désormais tenir compte de toutes
ces revendications citadines qui la chargent de la préservation et la
transmission du patrimoine culturel et paysager aux générations
futures.
2. Les conditions du rapprochement ville - agriculture
:
Si le maintien de la destiné agricole de l'espace en
milieux urbains peut dans une large mesure s'effectuer à travers les
documents d'urbanisme (type PLU), le maintien de l'activité agricole
elle-même passe inexorablement par l'entretien de la viabilité
économique des exploitations agricoles (Charvet, 2003). La
sécurisation foncière et contre les vols et dégradations
doit s'accompagner par une sécurisation économique qui
nécessite d'assurer la
rémunération des actes de production agricole.
Celle-ci passe par le renforcement des liens économiques entre
l'agriculture et son entourage urbain immédiat car c'est d'abords avec
celui-ci que l'activité agricole partage la gestion de son espace, il
faut donc réfléchir à des stratégies qui permettent
aux agriculteurs et aux citadins de définir des projets communs en
convergeant mutuellement leurs objectifs. Cependant, la voie qui consiste
à faire des agriculteurs des jardiniers pour les citadins que les
agriculteurs eux même refusent est à exclure. Plusieurs chercheurs
rejettent aussi cette logique, ils proposent de considérer les
agriculteurs avant tout comme les nourriciers du monde et non d'abords des
jardiniers (Hervieu, 1993, Pisani, 2004). Dès lors toute
stratégie favorable à l'intégration fonctionnelle de
l'agriculture d'abords pour son rôle nourricier dans les milieux urbains
se trouve autorisée. Toutefois de telles initiatives qui demandent
l'engagement volontariste de toutes les parties concernées passent par
un certain nombre d'étapes clés du rapprochement ville -
agriculture.
2.1. La reconstruction du dialogue agriculteurs -
agriculteurs :
Les agriculteurs de la zone maraîchère sont
unanimement d'accord sur leur fort individualisme ; en effet, le même
propos « ici, c 'est chacun pour soi ! » revient le plus
souvent accompagné de « c'est vraiment regrettable »
chez la majorité des agriculteurs rencontrés. A travers
leurs propos, ils m'ont fait comprendre qu'il est devenu très difficile
aujourd'hui de se mettre d'accord pour éventuellement construire des
projets communs. Selon ces agriculteurs, les raisons de cette situation
résident dans « l'égoïsme » qu'expriment certains
d'entres eux à chaque fois qu'ils voulaient s'associer autour
d'objectifs communs.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il
paraît fort probable que des querelles très fortes existent et
s'alimentent entre les exploitants au point même de compromettre leurs
intérêts. Les conséquences de ces mésententes
constituent des obstacles énormes à l'aboutissement de projets
qui visent d'associer les agriculteurs même dans le cas où ils
émanent de l'extérieur, c'est ainsi que la proposition
d'association enclenchée avec Auchan de Cergy a été
vouée à l'échec, un agriculteur explique les raisons
« c 'est parce qu 'on n 'a pas su se mettre d'accord sur l
'organisation du stand qui nous a été proposé à l
'intérieur du magasin Auchan, que ce dernier a annulé son contrat
avec nous ». Selon cet agriculteur, l'enseigne leur a demandé
d'animer leur stand pendent six jours dans la semaine et de ne jamais le
laisser vacant pour des raisons commerciales, et puisqu'ils n'étaient
que trois agriculteurs à vouloir participer à
l'expérience, ils étaient obligés de consacrer deux jours
par semaine chacun pour assurer la
relève et la continuité du stand, «
avec le boulot qu 'on a sur nos exploitations, c 'est impossible de s 'absenter
deux journées entières, le problème est que les autres
[agriculteurs] ne voulaient pas y participer : on a fini par arrêter
». La seule exploitation qui a continué de travailler avec
l'enseigne, après la résiliation des autres, n'a
résisté que six mois, son responsable m'a alors confié :
« je me suis rendu compte que je devenait, petit à petit, un
employé chez Auchan, j'ai donc décidé d'arrêter
». Selon d'autres propos que j'ai recueillis auprès d'autres
agriculteurs bien informés sur la situation : Auchan était
très exigeant vis-à-vis des agriculteurs, notamment sur la
qualité des produits, « une tomate abîmée, c 'est
la caisse refusée ! », les agriculteurs ne pouvaient plus
suivre. Ces arguments concernant les exigences strictes de l'enseigne de
distribution me paraissent les plus explicatifs de l'échec de ce
partenariat puisque l'exploitation, qui a pu résister pendant les six
mois de l'expérience, est la plus avancée en terme de
qualité de produits par rapport aux autres exploitations de la zone
maraîchère ; son avancée est rendu possible par une
maîtrise technique sans commune mesure dans les autres exploitations de
la zone (serres chauffées, irrigation par goûte à
goûte, cultures hors sol).
Le manque d'organisation collective des agriculteurs est
considéré par l'IAURIF comme un des trois points faibles des
espaces agricoles résiduels entièrement enserrés au sein
de l'urbanisation dans lesquels se classe la zone maraîchère de
Cergy. L'encouragement de cette organisation collective est un préalable
pour toute reconnaissance des agriculteurs dans des projets urbains (IAURIF,
2002).
2.2. Le renforcement du contact agriculteurs - citadins
:
2.2.1. L'obstacle : un recul des clients sur les
marchés forains :
A l'unanimité, les agriculteurs rencontrés
expriment tous le souhait de voir les gens « revenir faire leurs
courses sur les marchés » afin qu'ils puissent vendre les
produits de leurs exploitations. Selon eux, la baisse des ventes est une
conséquence directe du recul de la clientèle sur les
marchés qui s'effectue dans un climat de changements profonds dans les
modes de vie et de consommation de la société.
Particulièrement adaptée à ces évolutions, la
grande distribution exerce une attraction sans précédent sur les
consommateurs (adaptation aux horaires de travail, adaptation des gammes de
produits proposés).
Dans ce contexte de grande concurrence, les marchés
forains sont de moins en moins fréquentés, l'existence d'un
décalage entre leur activité et les aspirations de la
société est de plus en plus perceptible par les agriculteurs ;
ils n'hésitent pas à exprimer leur sentiment que les
évolutions de la société ont malheureusement pris des
orientations qui vont plus à l'encontre de leurs attentes «
aujourd'hui, les gens préfèrent les sandwichs et les plats
cuisinés, nos clients sont souvent des habitués, le
renouvellement de la clientèle pose un véritable problème
au maintien de nos activités sur les marchés »,
explique un exploitant. Convaincu que les agriculteurs ne peuvent plus
fournir d'effort supplémentaire, cet agriculteur estime que « c
'est aux citadins de faire le pas s 'ils veulent maintenir l 'agriculture, ils
peuvent commencer par se rendre souvent sur les marchés pour acheter nos
produits ».
Garantir les débouchés à leurs
productions est la préoccupation la plus partagée par les
agriculteurs de la zone maraîchère, les problèmes les plus
directement liés au contact urbain (vols, dégradations et autres)
passent au second degré dès qu'ils évoquent les
difficultés rencontrées pour la commercialisation de leurs
productions. Un ouvrier maraîcher m'a confirmé que son employeur
fait de plus en plus recours à la destruction des légumes non
vendus qui reviennent des marchés ; contrairement aux revendeurs qui
pratiquent couramment la baisse des prix afin d'écouler leurs
marchandises surtout à la clôture des marchés, les
agriculteurs préfèrent détruire les légumes non
vendus afin de garder les prix à leur niveau acceptable.
La crainte de ne pas pouvoir écouler leurs productions
n'est pas une préoccupation propre aux agriculteurs de la zone
maraîchère, ni à ceux de la région d'Ile de France,
les chambres d'agricultures ont montré à travers une
études menée en 2004 que c'est la principale préoccupation
des agriculteurs au niveau national.
Dans cette étude, treize chambres
départementales d'agriculture ont mené deux enquêtes
auprès de 565 agriculteurs, d'une part, et de 140 agents de
développement agricole, d'autre part ; l'objectif étant de
hiérarchiser les préoccupations des agriculteurs et de
préciser leurs attentes en matière de services afin de produire
des méthodes et d'outils pour les conseillés et les agriculteurs
pour faire face aux nouvelles exigences de la PAC.
Publiés en 2006, les résultats de cette
enquête, qui a couvert la majeure partie du territoire national,
confortent les remarques que j 'ai retenu à propos de la part des
débouchés de leur production dans les principales attentes des
agriculteurs recensées en zone maraîchère de Cergy.
Graphe 04 : La vente de leurs produits, principale
inquiétude des agriculteurs français.
Charges opérationnelles
Organisation du travail
Qualité des produits
Transmission
Image du métier
Relations hum aines
Techniques
Organisation administrative
Foncier
Prix- débouchés
15%
10%
5%
0%
Orientation du système Temps de travail
Contrôles
Réglem entation
Trésorerie- endettement Charges de structure
Pérennité Investissement
Source des données : Chambres d'agriculture (2003)
Devant la rareté de la clientèle de plus en plus
ressentie sur les marchés, les agriculteurs deviennent très
vulnérables à la concurrence que leur exercent les produits
importés de l'étranger et qui saturent le marché avant
même que les produits locaux soient mis en vente. Il n'hésitent
pas d'exprimer le sentiment d'être sacrifiés au nom des
échanges internationaux et de l'élargissement de l'Europe ; ainsi
en mai 2005 certains agriculteurs que j 'ai rencontrés dans le Vexin
français quelques j ours avant le référendum sur la
constitution européenne, m'ont explicitement signifié à
l'époque qu'ils sont à la base contre tout élargissement
européen et par conséquent, ils voteront « Non » par
crainte d'être envahi par des produits venant de l'Est ! Une
année après, les agriculteurs de la zone maraîchère
entretiennent les mêmes craintes vis-à-vis des produits
étrangers en leur imputant leurs difficultés actuelles à
écouler leurs propres produits. En réalité, et c'est ce
que j 'ai compris à travers leurs arguments, la présence,
elle-même, des produits étrangers sur les marchés locaux ne
dérange pas les agriculteurs, en revanche, ce qui leur pose
problème c'est de ne pas pouvoir les concurrencer notamment sur les prix
; l'une des principales explications de cette impuissance réside, selon
ces agriculteurs, dans l'élévation excessive des charges en Ile
de France plus qu'ailleurs ; la périurbanisation qui met les citadins
géographiquement proche de l'agriculture expose cette activité au
regard att entif des consommateurs, les agriculteurs doivent fournir plus
d'efforts physiques et financier car en plus de la production proprement dite,
ils doivent veiller à montrer une bonne image auprès des
citadins. C'est une situation qui
devient de plus en plus contraignante tandis que les
producteurs étrangers à la région continuent de travailler
dans des conditions entièrement ignorées par les franciliens qui
ne peuvent juger que l'état du produit final qui leur est proposé
(d'ailleurs avec une qualité qui n'a rien à envier à celle
des produits franciliens), « en plus de leurs prix bas, ils deviennent
de plus en plus bons en terme de qualité, on parle d'Ile de France,
énorme bassin de consommation, il ne faut pas croire, ce n 'est pas pour
nos produits ! », reconnaît un agriculteur.
Si le retour des citadins sur les marchés forains
demeure pour les agriculteurs le signal le plus significatif en faveur du
maintien de leur activité en Ile de France, les tendances actuelles des
franciliens à déserter les marchés continuent d'aller
à l'encontre des attentes des producteurs (notamment maraîchers).
Les raisons de ce désaccord qui sont liées, pour une grande
partie, à l'ajustement des modes de consommation sur les modes de vie
urbains, prennent des apparences multiples dans la société.
2.2.1.1. Les légumes attirent de moins en moins
d'acheteurs :
La première explication au recul de la clientèle
sur les marchés est donnée par la baisse de la part des
légumes crus dans les achats des franciliens ; seul 2,53% des individus
interrogés confirment s'approvisionner en légumes crus tous les
jours, 8,86% d'entre eux les achètent moins d'une fois par semaine (soit
parce qu'ils ne s'occupent pas des achats de légumes dans leur foyer,
soit du fait qu'ils ne les achètent qu'occasionnellement).
Graphe 05 : Le nombre d'achats de légumes par
semaine.
Au moins une fois (56,96%)
Moins d'une fois (8,86%)
Tous les jours (2,53%)
Au moins deux fois (16,46%)
Au moins trois fois (1 5, 19%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Ces attitudes vis-à-vis des légumes ne sont pas
propres aux franciliens, elles sont les résultats de profondes vagues de
changements qui ont secoué l'ensemble de la société
française les quarante dernières années (Chambres
d'agriculture, 2003). L'achat des légumes crus est en partie lié
à la pratique de la cuisine dans les ménages, or, les couples
cuisinent peu chez eux et le nombre de repas pris hors domicile est important
(de l'ordre de trois par semaine) ; ils est plus élevé chez les
cadres supérieurs, les jeunes de moins de 25 ans et les urbains, en
revanche, les agriculteurs, les habitants des communes rurales et les
français âgés de plus de 65 ans, ont une moyenne de
consommation hors foyer très faible. Par ailleurs, l'augmentation du
nombre de ménages en raison de décohabitations, divorces,
individualisme qui s'est accompagnée par la diminution du nombre de
personnes par foyer (3,2 personnes en 1960 et seulement 2,4 en 2000 avec 31%
des ménages constitués d'une seule personne) est plutôt
favorable aux repas hors domicile et à l'achat de plats
préparés, les légumes frais trouvent peu d'acheteurs.
Même si les achats de légumes sont peu
fréquents chez les franciliens, ils demeurent plus ou moins
réguliers puisqu'ils confirment les acheter au moins une fois par
semaine (56,96% des réponses). Cette régularité est
intéressante à signaler car elle témoigne de la
continuité d'un certain mode de vie (par exemple cuisiner chez soi) qui
n'est pas totalement effacé par le rythme de vie urbaine : les
changements du comportement de la société ne sont pas
entièrement en contradiction avec l'existence d'une agriculture dans les
milieux
périurbains et urbains, reste à cette
activité d'adapter ses comportements et ses relations avec la ville en
suivant ces nouveaux modes de vie.
2.2.1.2. Les marchés forains n'attirent plus les
clients :
La baisse des clients sur les marchés forains
s'explique aussi par la concurrence que leur exerce la grande distribution, les
super et les hyper marchés sont majoritairement adoptés par les
individus interrogés pour effectuer leurs achats de légumes
(56,96% des réponses contre seulement 30,38% d'entres eux qui
préfèrent encore les marchés). L'achat à la ferme
ne séduit que peu de citadins (5,06% des réponses obtenues). Si
l'on croise ces résultats, avec ceux obtenus concernant la
fréquence d'achats de légumes, il ressort que non seulement les
citadins n'achètent pas assez souvent les légumes, mais qu'ils
préfèrent, davantage, les grandes surfaces lorsqu'ils souhaitent
les acheter. La vente directe qui permet aux agriculteurs de mettre en valeur
leur proximité urbaine (à la ferme et sur les marchés),
n'attire que 35,44% des clients.
Graphe 06 : Les lieux d'approvisionnent en légumes.
Marchés forains (30,38%)
Chez les agriculteurs (5,06%)
Autres (7,59%)
Grandes surfaces (56,96%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Les raisons pour lesquelles les citadins sont peu attirés
par les marchés forains sont multiples :
En tête des explications données, vient
l'inaccessibilité des marchés forains qui concerne 31,6% des
réponses obtenues. Elle s'explique soit par l'inexistence de
marchés près
des circuits de déplacements habituels des franciliens
(mauvaise répartition des marchés), soit par l'inadaptation des
horaires et des journées de tenue des marchés qui coïncident
le plus souvent avec les horaires de travail de la plupart des gens. Un grand
nombre de clients est ainsi rendu non disponible sur les marchés
à cause de leur inaccessibilité.
L'une des solutions avancées réside dans
l'adaptation des horaires de tenue des marchés forains à celle de
la clientèle ; ainsi le marché d'Anvers (20ème
arrondissement de Paris) est désormais ouvert chaque vendredi entre
15h et 20h30 pour permettre aux retardataires de remplir
leurs paniers. Comme celui-ci, cinq autres marchés d'après-midi
ont été créés par la municipalité afin de
répondre aux évolutions des modes de vie (Les échos,
2005).
En second lieu, ce sont les prix pratiqués jugés
relativement plus élevés qui expliquent la faible
attractivité des marchés forains (21,52% des réponses).
Enfin, la carence en gammes de produits proposés dissuade 17,72% des
personnes interrogées de se rendre sur les marchés, suivi du
sentiment que les produits vendus sont de mauvaise qualité (8,36% des
réponses). Toutefois, 5,06% des individus interrogés trouvent que
de simples raisons personnelles empêchent les gens de se rendre sur les
marchés forains, tandis que 15,19% des individus interrogés n'ont
aucune explication précise à la baisse des clients sur les
marchés forains.
Graphe 07 : Les marchés victimes de leur
inaccessibilité.
Raisons personnelles
Pas de contraintes précises
Produits de mauvaise qualité
Marchés moins accessibles
40
30
20
10
0
Produits trop chers
Manque de produits
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
2.2.2. La clé du déblocage : un rôle
actif pour les agriculteurs :
Dans l'ensemble de leurs démarches vers la
reconquête des citadins, les agriculteurs tiennent un rôle central
en intervenant d'une façon active car ils sont initiateurs puis porteurs
de leurs stratégies qui ne deviennent efficaces que lorsqu'elles sont
construites sur des bases complémentaires entre elles et
préalablement réfléchies à s'exécuter
simultanément.
2.2.2.1. Tenir compte des attentes des citadins :
Afin de reconquérir les franciliens, les
stratégies à mettre en oeuvre par les agriculteurs doivent tenir
compte des opinions des citadins sur l'activité agricole.
L'efficacité de telles stratégies dépend en grande partie
de leur capacité à détecter dans des délais
raisonnables les principales attentes de la société. Elles
supposent un suivi continuel de l'évolution des attentes de la
société qui interpelle l'agriculture pour plusieurs de ses
composantes.
2.2.2.1.1. Envers les produits agricoles : des
légumes frais à des prix abordables :
Les critères de sélection des légumes
adoptés par les citadins traduisent indirectement ce que ces derniers
attendent recevoir des agriculteurs ; Ainsi, le classement des trois premiers
critères de choix de légumes permet de hiérarchiser ces
demandes selon leur importance pour les citadins. Les résultats obtenus
montrent que la plupart des personnes interrogées sélectionnent
leurs légumes d'abord pour leur fraîcheur puis leur prix et sans
aucun autre critère.
Graphe 08 : La fraîcheur, premier critère de
sélection des légumes.
La qualité d'accueil
Aucun critère
La présentation
L'origine géographique
40
60
20
0
Le prix
Les conditions de production
La fraîcheur
1 er Critère 2ème Critère 3ème
Critère
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Ces résultats ouvrent une voie à la construction
de la stratégie que doivent mener les agriculteurs pour
reconquérir la clientèle francilienne. En effet, la
fraîcheur des produits (qui évoque aussi leur qualité
organoleptique puisque c'est essentiellement d'une façon visuelle, voire
au toucher, que les clients évaluent la fraîcheur des
légumes), est facilement maîtrisable par les agriculteurs
franciliens qui possèdent un ensemble d'atouts favorables (savoir faire,
proximité des marchés, conseils...).
Pour contribuer à l'élaboration de cette
stratégie, j 'ai souhaité éclairer les agriculteurs sur
certains préalables à prendre en compte, comme par exemple
l'analyse des comportements les plus probables que les clients sont
susceptibles d'adopter lors de leurs achats de légumes. Afin d'atteindre
mon objectif, j'ai effectué, dans un premier temps, des regroupements au
sein des trois premiers critères de sélection des légumes
qui m'ont été exprimés par les personnes
interrogées. Les deux critères « présentation des
produits » et « accueil du vendeur ou de la vendeuse » ont
été regroupés sous un seul critère : de marketing.
Par ailleurs, deux autres critères « conditions de production
» et « origine géographique » ont constitué
à leur tour un seul critère : de production ; « la
fraîcheur », « le prix » et « aucun critère
», sont maintenus en tant que trois critères à part
entière.
Une seconde étape de cet exercice a été
consacrée ensuite à la constitution des catégories de
comportements par croisement des groupes de critères suivant touj ours
les trois premiers critères de sélection de base exprimés
par les enquêtés. Au terme de cette étape, cinq
catégories de comportement ainsi que leurs poids dans
l'ensemble des comportements probables, ont été identifiés
suivant un classement des groupes de critères retenus.
Graphe 09 : Les catégories de comportements des clients
pour sélectionner les légumes.
Groupes de critères correspondants (1
er-2ème-3ème)
Marketing - Production - Fraîcheur
Aucun - Marketing - Prix
Production - Aucun - Production
Prix - Fraîcheur - Marketing
Fraîcheur - Prix - Aucun
46%
4%
8%
17%
25%
0% 10% 20% 30% 40% 50% Part dans les com portements probables
(%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Les résultats de ces regroupements montrent qu'il est
plus judicieux d'adopter des stratégies qui mettent en valeur la
fraîcheur des légumes puis de faire des efforts sur les prix si
les agriculteurs souhaitent exercer une attraction vis-à-vis des clients
étant donné que ces derniers auront tendance à 46%
à sélectionner les légumes d'abord pour leur
fraîcheur puis leur prix. Dans le cas où l'on souhaite plus
d'efficacité à la démarche, les agriculteurs peuvent aussi
faire des efforts de marketing, en soignant en plus de la fraîcheur et du
prix des légumes, la présentation de ces derniers (emballage
pratique, visibilité sur les marchés...) mais aussi l'accueil que
réserve la personne vendeuse aux clients qui assure 25% de chances
supplémentaires à la réus site de leur stratégie ;
pour y parvenir, un énorme travail commercial s'impose pour mettre le
maximum d'avantages du côté des agriculteurs franciliens dans leur
reconquête des clients.
Par ailleurs, l'effort des agriculteurs aussi indispensable
qu'il soit n'est cependant pas suffisant s'il n'est pas accompagné du
concours des populations ciblées ; aujourd'hui, le consentement des
citadins et des agriculteurs et la convergence de leurs motivations vers les
mêmes objectifs sont deux préalables à l'aboutissement de
tout projet conjointement défini par ces deux partenaires.
2.2.2.1.2. Envers l'espace agricole :
Les définitions que proposent les citadins pour
l'espace agricole renvoient implicitement à ce que ces derniers
attendent de ce type d'espaces, elles traduisent aussi l'image que les citadins
perçoivent ou conçoivent de l'agriculture des milieux urbains et
périurbains.
Les résultats obtenus montrent que 27,85% des personnes
interrogées n'ont choisi aucune des définitions proposées,
contre 72,15% qui ont choisi au moins une définition. Les personnes qui
ont répondu considèrent l'espace agricole d'abord comme espace
vert puis en tant qu'espace de production agricole.
Graphe 10 : La définition de l'espace agricole
périurbain d'après les citadins.
Aucun avis (27,85%)
Vert (25,32%)
Rural (3,80%)
De détente (5,06%)
Vide (6,33%)
De production (22,78%)
Urbain (8,86%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Ces réponses montrent que les citadins recherchent plus
la capacité de l'espace agricole à constituer un espace vert
(25,32% des réponses), avec toutefois, la persistance à grandeur
presque égale de sa capacité nourricière ; celle-ci ne
s'élimine donc pas avec l'apparition de nouvelles attentes de la
société. Une part importante des citadins continue de
considérer l'espace agricole comme un espace de production (22,78% des
réponses).
La prise en compte des attentes des citadins doit être
accompagnée par un travail de communication envers toute la
société ; au-delà de la simple satisfaction des demandes
des citadins, les agriculteurs doivent explorer toutes les voies les conduisant
à consolider l'estime que leur porte déjà la
société.
2.2.2.2. Renforcer l'image de l'agriculture au sein de la
société :
L'une des principales voies sur lesquelles doivent s'engager
les agriculteurs est l'entretien d'une image positive de leur activité
auprès de la société ; ils doivent sans complexes
communiquer sur les points positifs qu'ils peuvent apporter à la
population d'Ile de France.
2.2.2.2.1. L'agriculture : une activité capable de
satisfaire les attentes de la société :
Un des points forts que l'agriculture doit consolider pour
renforcer son image auprès des citadins, résulte de sa
capacité à satisfaire les besoins de la société
francilienne que celleci lui reconnaît déjà largement.
Cette question de la satisfaction des besoins de la société par
les agriculteurs, passionne la plupart des individus interrogés : 79,77%
d'entre eux ont voulu y répondre contre 20,23% qui n'ont pas
souhaité s'exprimer car ils n'ont pas d'avis précis sur le
sujet.
Parmi ceux qui ont répondu, près de deux tiers
pensent que les agriculteurs répondent bien aux besoins de la
société (63,29% des réponses). En revanche, 16,46%
estiment que, pour plusieurs motifs, les agriculteurs ne répondent pas
aux attentes de la société, les raisons évoquées
peuvent être regroupées en deux catégories :
Le premier groupe affiche un sentiment selon lequel les
agriculteurs ont fait délibérément le choix de ne pas
satisfaire ces attentes, les personnes interrogées estiment que les
agriculteurs ne tiennent pas suffisamment compte de l'environnement et des
risques sanitaires qui entourent leur travail, ils ne fournissent pas assez de
produits de qualité (sans utilisation d'intrants chimiques tel les
produits bio). Par ailleurs, ces personnes n'hésitent pas à
imputer l'élévation des prix des légumes aux producteurs
agricoles.
La deuxième catégorie de réponses, qui
traduit touj ours un sentiment d'insatisfaction vis-à-vis du travail des
agriculteurs, justifie cette fois-ci leur incapacité de répondre
aux besoins de la société même s'ils veulent parfois le
faire, les arguments avancés pour ce type de réponses
s'articulent autour du fait que les producteurs ne sont plus en mesure de
décider de leur façons de travailler vis-à-vis de la
société puisqu'ils sont eux-mêmes sous l'influence des
institutions, notamment européennes, et des grands groupes
agroalimentaires, parmi ces explications qui placent les agriculteurs
plutôt en victimes de tout un système, il ressort néanmoins
un type d'arguments plus distingués qui stipule que si les agriculteurs
ne peuvent
plus répondre aux besoins de la société,
c'est parce que cette dernière est de plus en plus exigeante à
leur égard et que, dans tous les cas, il est impossible de la
satisfaire.
Il faut rappeler que même lorsqu'ils n'ont aucun contact
avec des agriculteurs, les personnes interrogées pensent à 22,78%
que ces derniers répondent biens aux attentes de la
société, toutefois ce taux peut atteindre sa valeur maximale de
40,51% des réponses lorsque, d'une façon ou d'une autre, les
personnes interrogées ont déjà rencontré des
agriculteurs ; les personnes qui n'ont aucun contact avec les agriculteurs et
qui pensent malgré tout que ces derniers ne répondent pas aux
besoins de la société sont très minoritaires, ils ne
constituent que 5,06% de l'ensemble des personnes interrogées.
2.2.2.2.2. Redéfinir le métier d'agriculteur
par ses points positifs :
La plupart des personnes interrogées jugent le travail
des agriculteurs difficile (87,34% des réponses). Cette
difficulté est argumentée le plus souvent par la quantité
de travail que doivent fournir les agriculteurs et sa pénibilité
suite au travail physique nécessaire, il s'ajoute à cela les
forts investissements et la subordination aux aléas climatiques et
économiques du moment.
Graphe 11 : L'appréciation du travail agricole par les
citadins.
Difficile (87,34%)
Facile (12,66%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Un croisement des résultats obtenus concernant
l'état du contact des personnes interrogées avec les
agriculteurs, et ceux obtenus concernant leur appréciation du travail
agricole, montre une surreprésentation des citadins qui ont un contact
avec les agriculteurs et
qui considèrent le travail de ces derniers difficile
(56,96% des réponses), et une sous représentation de ceux n'ayant
aucun contact avec les agriculteurs et qui considèrent le travail
agricole facile (5,06% des réponses). Par ailleurs, les citadins qui
considèrent le travail agricole difficile, même s'ils n'aient
aucun contact avec les agriculteurs, sont beaucoup plus nombreux que ceux qui
ont un contact avec les agriculteurs et qui considèrent leur travail
facile, leurs effectifs sont respectivement de 30,38% et 7,59% des
réponses obtenues.
Graphe 12 : L'état du contact des personnes
interrogées avec les agriculteurs.
Prés ence de contact (64,56%)
Absence de contact (35,44%)
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
Le contact avec des agriculteurs s'effectue soit à
travers des membres de la famille qui, dans certains cas, sont agriculteurs,
soit lors des vacances plus ou moins régulières en campagne, ou
par voisinage sur les lieux d'habitation (notamment pour les habitants de Cergy
village) voire par de simples contacts client - vendeur sur les marchés
forains.
Bien que ces contacts demeurent, pour la plupart des citadins,
moins réguliers voire occasionnels, ils permettent néanmoins des
échanges entre les deux mondes qui, même lorsqu'ils ne
s'inscrivent pas dans la durée, témoignent de la persistance du
cordon ombilical reliant l'agriculture à la société
urbaine.
Quelles que soit leur intensité, il est important de
maintenir ces échanges, voire de les encourager, puisqu'ils rendent
possible l'établissement des bases d'une communication agriculteurs -
citadins en milieu urbain et périurbain. Par ailleurs, même
lorsqu'ils ne débouchent pas sur de véritables projets communs,
ils permettent au moins aux agriculteurs de confronter la réalité
de leur travail avec les attentes des citadins, et à ces derniers de
se
faire une opinion (la plus précise) sur l'agriculture en
général et les efforts des agriculteurs en particulier.
2.2.2.3. Convaincre les citadins de maintenir l'
agriculture francilienne :
Bien que les personnes interrogées semblent à
64,56% avoir des contacts avec des agriculteurs et pensent à 63,29% que
ces derniers répondent biens aux besoins de la société,
ils ne sont que 40,51%, parmi les 53,16% qui ont souhaité s'exprimer sur
la question, à penser qu'il est possible de maintenir une agriculture en
Ile de France, 12,66% pensent que ce maintien n'est pas possible (ce qui est
proche des 16,46% des personnes interrogées qui estiment que
l'agriculture n'est pas en adéquation avec les attentes de la
société).
Le contact agriculteurs - citadins qui permet au moins
d'établir une certaine reconnaissance et une compassion envers les
agriculteurs pour leurs sacrifices fournis, n'est pas pour autant suffisant
pour convaincre les franciliens de penser, voire de souhaiter, le maintien de
l'agriculture en Ile de France ; en effet, parmi ceux qui pensent qu'il n'est
plus possible de maintenir cette activité, certains souhaitent
même sa disparition du territoire régional ! Ils argumentent leurs
points de vue par le fait que la proximité urbaine de l'agriculture
francilienne est favorable à l'exposition directe des cultures
légumières aux différents polluants d'origine urbaine,
pour ces gens, « les légumes produits par l 'agriculture
francilienne pourraient constituer des vecteurs potentiels pour les multiples
polluants urbains qui sont susceptibles de porter dangereusement atteinte
à la santé de leurs consommateurs ». Pour ces citadins
la proximité urbaine de l'agriculture est considérée comme
négative, voire néfaste, pour l'image de cette activité en
Ile de France, par ailleurs, on peut comprendre à travers ces craintes
d'ordres sanitaires, qu'une partie des citadins n'attendent aucune satisfaction
particulière de la part des agriculteurs, puisque ils sont conscients de
l'incapacité de ces derniers à répondre à leurs
préoccupations : ils les invitent donc simplement à quitter les
espaces urbains et périurbains les plus proches des villes.
Le deuxième argument que j 'ai recensé
auprès des détracteurs du maintien de l'agriculture en Ile de
France résulte plutôt d'une préoccupation sociale,
l'agriculture francilienne est perçue ici comme une activité
immobilisante de vastes espaces régionaux au moment où la crise
du logement atteint son paroxysme, pour les défenseurs de cet argument,
« l 'agriculture est incompatible avec les besoins de la
société en terme d 'habitations, il est donc souhaitable
que
celle - ci libère le plus d'espaces possible pour
que la construction de logements soit en adéquation avec les besoins de
la société régionale ».
Face à ces arguments qui reflètent
l'émergence d'un souhait de la disparition de l'agriculture de l'Ile de
France, car elle n'est plus compatible avec les attentes actuelles de la
société, les partisans de son maintien expliquent leur points de
vue par le fait que « c 'est grâce à cette agriculture
que les gens arrivent à se nourrir, ont doit donc la maintenir quels que
soient les coûts ».
Cet argument qui revient le plus souvent (hormis chez ceux qui
souhaitent le maintien de cette agriculture sans vouloir argumenter leur
choix), affirme la place prépondérante que conserve la fonction
« nourricière » de l'agriculture, même si elle
génère aussi d'autres satisfactions (ici fourniture d'espaces
verts) en milieux urbains. Par ailleurs, la coexistence de ces « multi
attentes » des citadins envers l'agriculture, met en évidence la
non substitution des fonctions de cette activité entre elles :
l'apparition de nouvelles attentes vis-à-vis de l'agriculture ne produit
donc pas la disparition des demandes traditionnellement émises à
l'égards de cette activité, une partie assez importante de la
société continue avant tout d'espérer de l'agriculture
qu'elle lui produit sa nourriture.
Le désir de maintenir une agriculture en Ile de France
qui émane de la société francilienne, annonce la mise en
place progressive de nouveaux rapports ville - campagne basés sur la
protection et le maintien de cette activité dans les milieux urbains et
périurbains.
Aujourd'hui, scientifiques, élus, responsables, ou
simples citoyens affichent tous une volonté de participer à ce
maintien selon les intérêts que leur procurent leurs fonctions
respectives au sein de la société. Force est de constater que des
problématiques socioéconomiques sont toutefois susceptibles de
faire émerger des accusations envers cette activité en milieu
périurbain puisqu'elle est perçue en concurrence avec les besoins
les plus urgents des populations (logement par exemple), ces populations ne
peuvent pas souhaiter son maintien. Il faut donc essayer de comprendre
davantage leurs motivations afin de trouver des solutions concertées car
même si leur avis est pour le moment plutôt opposé au
consensus qui s'est installé pour le maintien de cette activité,
il reflète néanmoins une autre vision de la problématique
de l'agriculture en Ile de France qui met en évidence
l'interférence des problèmes sociaux urbains avec l'agriculture
qu'il faut prendre en compte. En effet, si le maintien de cette agriculture
paraît aujourd'hui comme une évidence pour les chercheurs, les
élus et les responsables, le simple citoyen est loin d'être
convaincu puisqu'il n'y voit pas d'intérêt particulier
l'encourageant à fournir d'efforts supplémentaire que cela
exigerait. L'enjeu pour l'agriculture est de convaincre l'ensemble des citadins
sur les multiples services
qu'elle est encore susceptible de leur procurer afin de gagner
leur adhésion aux projets de son maintien : elle doit se montrer utile
pour les citoyens comme elle l'a fait auparavant pour les chercheurs, les
élus et les aménageurs.
Conclusion :
Les rapports ville campagne en Ile de France sont en voie de
recomposition. Celle -ci s'effectue essentiellement autour de la
reconsidération de l'agriculture qui continue avec les forêts
d'occuper et de gérer 76% du territoire régional au moment
où les franciliens perçoivent encore leur région
très fortement urbanisée (Poulot et Rouyres, 2005).
L'éloignement progressif du monde agricole est caractéristique
des sociétés dont les modes de vie sont de plus en plus urbains.
Cet éloignement va à contre courant de l'essor de la
périurbanisation qui par définition met géographiquement
les citadins touj ours plus proches des espaces agricoles.
L'exemple de la zone maraîchère de Cergy montre
que même dans les cas extrêmes où l'agriculture se trouve
entièrement contenue dans l'espace urbain, ses échanges avec la
ville qui l'entoure peuvent s'avérés faibles voire même
inexistants. Ainsi, le maintien de l'espace agricole péri ou intra
urbain ne suffit - il pas pour maintenir l'agriculture qui ne peut exister
durablement dans ces milieux que par son aptitude à développer
des liens fonctionnels avec la ville. Des facteurs historiques, sociaux et
économiques définis localement pour l'espace urbain
concerné, influencent considérablement la mise en place de ces
liens.
La participation des agriculteurs à la construction de
l'espace urbain de départ est déterminante puisqu'elle pose des
préalables à l'entente ville - agriculture facilitant
l'intégration de cette activité dans les projets urbains le
moment venu ; ainsi, l'exclusion des agriculteurs dans et par le projet de la
ville nouvelle de Cergy Pontoise explique le climat de méfiance qui
persiste entre l'agriculture et l'agglomération actuelle vouant à
l'échec toute tentative de réintégration urbaine de cette
activité au sein de la ville. Par ailleurs, les caractéristiques
sociales de l'espace urbain en contact direct avec l'agriculture dicte des
modalités de la mise en place de ces liens, elles peuvent soit
constituer un inconvénient majeur ou au contraire le moteur principal
des rapports fonctionnels ville - agriculture ; compte tenu des charges plus
importantes dans les milieux urbains et périurbains, les produits
agricoles proposés à des prix élevés sont en
inadéquation avec les attentes des populations qui ont une moindre
capacité économique à les rémunérer : les
agriculteurs de la zone maraîchère
préfèrent ainsi parcourir des distances plus
importantes pour se rapprocher de Paris afin d'écouler leur production,
les marchés de l'agglomération sont abandonnés car
fréquentés par les populations à faibles revenus
installées avec la ville nouvelle. Parce qu'elle a su s'adapter
même aux budgets les plus modestes, la grande distribution assure
désormais le ravitaillement de cette population en produits agricoles,
la concurrence des prix qu'elle exerce avec les revendeurs sur les
marchés forains de l'agglomération réduit les chances de
l'agriculture à réinvestir ces marchés.
L'analyse des tentatives de réintégration de
l'agriculture en ville nouvelle de Cergy Pontoise met en évidence
l'importance de la cohérence des objectifs des projets urbains en oeuvre
avec les stratégies de l'agriculture concernée : tandis que
l'agglomération réclame avant tout à l'agriculture qu'elle
lui préserve un cadre de vie à travers l'entretien et la gestion
de l'espace considéré comme vert, et plus récemment, de
participer à la constitution d'une identité patrimoniale pour la
ville, l'agriculture de la zone maraîchère souhaite plutôt
pouvoir vendre ses productions à des citadins de moins en moins
intéressés par les marchés forains.
La réintégration urbaine de l'agriculture est
possible, reste à définir les modalités et les voies de sa
mise en place. Dans l'attente de la rémunération de ses nouvelles
fonctions, la consolidation de son rôle nourricier reste un moyen
efficace puisque c'est dans ce dernier que se reconnaît encore
l'agriculture : la reconversion des agriculteurs en jardiniers est à la
fois refusée par plusieurs chercheurs et par les agriculteurs
eux-mêmes. Les stratégies visant la reconquête des
marchés urbains sont à encourager, toutefois, elles
requièrent le maintien de la clientèle citadine sur ces
marchés. De ce fait, les agriculteurs doivent s'activer dans cette voie
en explorant toutes les opportunités y compris celles qui
relèvent du marketing et de la communication ; ils doivent adapter leurs
politiques de production et de commercialisation aux populations
ciblées.
Compte tenu de la nature des interactions de l'agriculture
avec les sociétés des milieux urbains et périurbains
(difficultés de circulation, vols et dégradations, vente directe
des productions) il est plus raisonnable de favoriser les relations de
l'agriculture avec la population citadine de ses voisinages immédiats
cars c'est avec elle que cette activité partage la gestion de son espace
; les stratégies à adopter doivent ainsi tenir compte des
caractéristiques de chaque espace urbain concerné par
l'agriculture en question. Même si l'on se permet encore d'évoquer
l'espace périurbain lui reconnaissant une certaine
homogénéité, les stratégies de maintien de
l'agriculture dans ces espaces ne deviennent efficaces que si elles sont
définies à partir des données propres à chaque
contexte : les agricultures périurbaines qui soulèvent des
problématiques adaptées à chaque situation, doivent
être considérées à une
échelle plus locale sans, pour autant, exclure les
analyses globales à des niveaux d'observation plus
élevés.
Lorsque ces stratégies sont réfléchies
dans le sens de maintenir l'activité agricole viable à travers le
rétablissement de ses liens avec la ville, elles deviennent durables
notamment dans le cas où l'agriculture se trouve déjà
urbaine par sa localisation : étant déjà très
sollicitée par de multiples usages urbains (expression, sports,
promenades), l'agriculture doit accélérer son intégration
en ville afin d'éviter qu'elle reste en décalage avec la forte
assimilation de son espace par les populations urbaines. Elle peut commencer
par s'engager dans des voies de son rapprochement avec les citadins, celles -ci
s'effectuent principalement par la considération de leurs attentes ainsi
que par la consolidation de son image auprès de la société
urbaine.
Liste des illustrations :
Figures :
Figure 01 : Le périmètre de la ceinture verte de
la région d'Ile de France 12
Figure 02 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
agricole urbain 20
Figure 03 : Le centre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en
1999 22
Figure 04 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
fortement convoité 36
Figure 05 : Les rotations sur une exploitation agricole de type
A 40
Graphes :
Graphe 01 : Les catégories d'âge des personnes
interrogées 08
Graphe 02 : La répartition de l'urbanisation francilienne
(1982 /1999) 15
Graphe 03 : La part de l'agriculture dans l'espace ouvert
à Cergy 30
Graphe 04 : La vente de leurs produits, principale
inquiétude des agriculteurs français 64
Graphe 05 : Le nombre d'achats de légumes par semaine
66
Graphe 06 : Les lieux d'approvisionnent en légumes 67
Graphe 07 : Les marchés victimes de leur
inaccessibilité 68
Graphe 08 : La fraîcheur, premier critère de
sélection des légumes 70
Graphe 09 : Les catégories de comportements des clients
pour sélectionner les légumes 71
Graphe 10 : La définition de l'espace agricole
périurbain d'après les citadins 72
Graphe 11 : L'appréciation du travail agricole par les
citadins 74
Graphe 12 : L'état du contact des personnes
interrogées avec les agriculteurs 75
Photos :
Photo 01 : Le site de la ville nouvelle avant l'urbanisation
(photo non datée) 22
Photo 02 : L'emprise au sol des poteaux électriques sur
les parcelles cultivées 33
Photo 03 : La zone maraîchère de Cergy, un espace
habité 34
Photo 04 : Décharge sauvage en zone
maraîchère de Cergy 35
Photo 05 : Revente de fruits et légumes sur le
marché de Cergy Saint Christophe 50
Photo 06 : Des plaques pour protéger l'agriculture en
zone maraîchère de Cergy 52
Photo 07 : Des serres taguées en zone
maraîchère de Cergy 58
Tableaux :
Tableau 01: Les espaces ouverts au public par le projet de la
ceinture verte (jusqu'en 1990) 13
Tableau 02: Les espaces agricoles et forestières en Ile
de France avant la ceinture verte 13
Tableau 03: Les dix projets agri - urbains de l'Ile de France
18
Tableau 04: L'état du foncier agricole de la zone
maraîchère de Cergy (juin 2006) 38
Tableau 05: La main d'oeuvre salariée sur une
exploitation de 9 ha « type A » 39
Tableau 06: Comparaison entre deux exemples d'exploitations
(type A et type B) 42
Tableau 07: Les marchés forains de l'agglomération
de Cergy Pontoise 49
Tableau 08: La composition de la main d'oeuvre salariale
à Cergy Pontoise 50
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Direction de la communication de la ville de Cergy. 80 pages.
www.Iledefrance.fr
www.purple-eu.org
www.cergypontoise.fr
Annexes :
1. Questionnaire destiné aux agriculteurs
2. Questionnaire destiné aux citadins
Questionnaire destiné aux agriculteurs :
Questionnaire N° : / / Réalisé le : / ____/
____/ _____/
Commune de : / /
1- Vous êtes : Un homme Une femme
2- Votre âge (année de naissance) : / /
3- Vous êtes exploitant(e) agricole depuis au moins :
5 ans 10 ans 20 ans
Plus de 20 ans
Moins de 5 ans
4- Vous êtes actuellement en :
EARL GAEC CUMA Autre :
5- Vous exploitez des parcelles sur les communes de :
6- Actuellement la superficie totale de votre exploitation est
de : / / Ha, Dont l'essentiel est localisé:
En zone maraîchère, Nombre de parcelles: / /
Hors zone maraîchère, Commune(s) de: / /
7- Depuis le début de votre activité agricole,
votre superficie totale : A augmenté suit à :
A diminué suit à :
N'a pas changé
8- Votre principale production est :
Les grandes cultures:
Le maraîchage, essentiellement de : .
Autres :
9- Sur votre exploitation, vous pratiquez également : De
la céréaliculture
Du maraîchage
De l'élevage
De l'horticulture
De l'arboriculture
Autres cultures, élevage :
10- Quelles sont les cultures que vous pratiquez cette
année : En zone maraîchère :
|
|
|
C1
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C2
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C3
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C4
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
|
Hors zone maraîchère :
|
|
|
|
C1
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C2
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C3
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
C4
|
|
Surface (ha), nombre de parcelles :
|
/
|
/
|
Autres :
11- Dans votre exploitation réalisez-vous des
opérations :
D'emballage
De conservation
De transformation
Autres :
12- Avez-vous un label ou autres signes de qualité ? Oui
Non
Si oui le(s) quel(s)?
13- Sur votre exploitation, engagez- vous des ouvriers : Oui
Non
Si oui, sont-ils :
Permanents
Saisonniers pour les mois de :
Autre :
14- Quelle est pour vous la part de ces modes de
commercialisation: Vente à la ferme / /
Les marchés / /
Rungis / /
Autres :
15- Vos principaux clients sont : Des particuliers Des
Industries Agro-alimentaire
Des coopératives Des revendeurs
Des enseignes de distribution, lesquelles :
Autres :
16- Ils sont essentiellement localisés:
Sur votre commune
Dans la ville nouvelle de Cergy Pontoise
En Ile de France
Hors Ile de France
Autre :
17- Négociez - vous avec vos clients ?
Oui Non
Si oui, vous leur demandez :
De rémunérer la qualité de vos produits
à des prix élevés
D'acheter plus en quantité
De valoriser vos produits (publicité, rencontre avec les
consommateurs....) Autres:
18- Vos clients vous réclament :
Des efforts sur la qualité
De diversifier vos produits
De baisser les prix
Autres :
19- Exercez-vous d'autres activités sur votre
exploitation ? Oui Non
Si oui lesquelles ?
Restauration depuis :
Chambres d'hôte depuis :
Accueil de groupes depuis :
Autres :
20- Est-ce que l'agriculture est votre seule activité ?
Oui Non
Si non quelle est votre deuxième activité ?
Industrie, veuillez préciser votre métier:
Commerce, veuillez préciser votre métier: .
Artisanat, veuillez préciser votre métier:
Transport, veuillez préciser votre métier:
Autres métiers: .
21- Etes-vous en contact avec d'autres agriculteurs de la
région ?
Oui Non
Si oui dans quel cadre ? Et pour quel objectif ?
Association pour
Coopérative pour .
Syndicat pour
Cercle pour
Rencontre à l'occasion de
Autres :
22- La proximité de la ville est pour vous :
Un avantage
Un inconvénient
Sans effets
Pouvez- vous nous dire pourquoi ?
23- Selon vous, Que faut - il faire pour maintenir l'agriculture
en Ile de France ?
Que doivent faire les citadins?
Que doivent faire les agriculteurs ?
24- Avez - vous autres choses à ajouter ?
MERCI DE VOTRE PARTICIPATION
Questionnaire destiné aux citadins :
Questionnaire N° : / / Réalisé le : / ____/
____/ _____/
Commune de : / / Quartier de : / /
1- Vous êtes : Un homme Une femme
2- Votre âge (année de naissance): / /
3- Vous habitez : La commune de / /, quartier de / /, depuis /
/
4- Votre secteur d'activité est : Le tourisme,
précisez le poste : Le commerce, précisez le poste
: L'industrie, précisez le poste : Le transport,
précisez le poste : Autres précisez:
5- Par semaine, vous achetez des légumes au moins
Trois fois Deux fois Une fois Tous les jours Autres
précisez:
6- Vous les achetez habituellement :
Directement chez les agriculteurs situés à :
Sur le(s) marché(s) situé(s) à: Dans une grande
surface qui est:
Autres précisez :
7- Selon vous, pourquoi les gens n'achètent pas souvent
leurs légumes sur les marchés forains ?
8- Lorsque vous achetez vos légumes, vous les
sélectionnez selon d'abords (faites un classement) :
Leur provenance géographique
Leurs conditions de production
Leur fraîcheur
Leur prix
Leur présentation (emballage pratique, légumes bien
nettoyés et sains...) La qualité d'accueil du vendeur (ou de la
vendeuse)
Aucun critère
Autres
précisez :
...
9- Avez - vous déjà rencontrer des agriculteurs ?
Oui Non
Si Oui
A quel endroit:
A quelle occasion:
Combien de fois:
Autres précisez:
10- Pour vous, le métier d'agriculteur est : Difficile
Facile
Autres précisez:
Pourriez - vous nous dire pourquoi ?:
11- Pensez - vous que les agriculteurs répondent bien aux
besoins de la société ? Oui Non
Pourriez - vous nous dire pourquoi ?:
12- Pour vous, l'espace agricole à Cergy est d'abord?
Un espace vide
Un espace vert
Un espace de détente
Un espace de production agricole
Un espace urbain
Un espace rural
Autres précisez: Pourquoi?
13- Pensez - vous, qu'il est possible de maintenir une
agriculture en île de France? Ne sais pas
Non, pourquoi ?:
Oui, comment?:
14-Avez - vous autres choses à ajouter ?:
MERCI DE VOTRE PARTICIPATION
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