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De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt( Télécharger le fichier original )par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007 |
II.2.2. Le travailLe mot travail, comme le montre Hannah Arendt, a trait à une expérience corporelle pénible (poinein en grec, labor-laborare en latin, arbeiten en Allemand). Il renvoie à une activité liée au processus biologique du corps. C'est cette activité que vise Aristote lors qu'il parle des travailleurs qui pourvoient avec leurs corps aux nécessités de la vie. En effet, la vie est le règne de la nécessité parce que la reproduction de l'espèce, à travers les vivants, et la survivance individuelle de ceux-ci sont soumises à la répétition du même, à ce que Nietzsche a appelé l'éternel retour. Tant qu'un singulier se maintient en vie, ce maintien même est un cycle dont les phases se répètent : manques, peines prises à les combler, rassasiement, repos, nouveaux manques. Ce caractère cyclique de la vie marque l'activité laborieuse qu'elle conditionne à savoir la peine que prend le corps, en se débattant avec la nature, à lui arracher de quoi subsister, c'est-à-dire des produits essentiellement éphémères consommés aussitôt qu'apparus. Sylvie Courtine ajoute que « la condition et la valeur suprême du travail sont la vie. Il permet d'assurer non seulement la vie mais la survie de l'individu et de l'espèce. Son trait constitutif est l'absence de durée dans la mesure où la vie exige un incessant renouvellement. Sa nature périssable s'atteste du fait qu'il ne laisse aucune trace derrière lui, son produit faisant l'objet d'une consommation immédiate »18(*) et Arendt de conclure : « c'est la marque de tout travail de ne rien laisser derrière soi ».19(*) Par le simple fait que le travail vise exclusivement à la satisfaction des besoins primitifs de l'individu, Hannah Arendt ne lui reconnaît pas le statut politique. L'animal laborans est a-politique dans la mesure où le travail est toujours solitaire, tout individu y étant membre de l'espèce, et par suite interchangeable, anonyme et renvoyé à la solitude du souci du corps, de la vie, la satisfaction des besoins étant incommunicable. Il ressortit du cadre de la nécessité, nécessité de maintenir en vie l'espèce et ses membres, est privé de monde, et par suite ne connaît ni naissance ni mort au sens où nous l'entendons, sens qui présuppose un monde stable où apparaître et disparaître. n'est uni au monde ni aux autres hommes - même dans le cadre du travail collectif qui suppose l'abandon de toute individualité et identité - seul avec son corps face à la brutale nécessité de rester en vie.20(*) * 18Arendt H., Condition de l'homme moderne, op.cit., p. 317 * 19 Amiel A., Hannah Arendt, Politique et événement, Puf, Paris, 1996, p.54 * 20Arendt H.,Condition de l'homme moderne, Op.cit., p. 274 |
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