De l'être politique au droit à la politique: un essai de compréhension du sens de la politique chez Hannah Arendt( Télécharger le fichier original )par Tshis Osibowa Godefroy TALABULU Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius - Bachelier en philosophie 2007 |
I.2. Au centre de la pensée arendtienne : Qu'est-ce que l'homme ?... Si la politique est devenue le domaine privilégié à propos duquel s'est exercé le questionnement d'Hannah Arendt, c'est dans la mesure où dans ce domaine était posée de manière privilégiée la question `transpolitique' de la condition et de la liberté humaines. La préoccupation arendtienne pour le politique est tout à la fois et indissociablement souci pour ce qui transcende le politique, et dont la formulation la plus simple est la question : qu'est-ce que l'homme ?7(*) H. Arendt réfléchit sur l'originalité radicale de son époque, victime de l'antisémitisme, de l'impérialisme et du totalitarisme. Pour elle, notre siècle a totalement transformé le statut de l'homme ; celui-ci est désormais un membre d'un ensemble qui le dépasse et dont il ne peut s'échapper. Il vit dans un monde ou la technique prend de plus en plus d'importance et où tout se calcule en fonction de l'utilité. Tout peut être considéré comme un moyen permettant d'atteindre une fin. Pour autant que la politique concerne la gestion des affaires humaines, l'homme se trouve au centre de la réflexion de Arendt. Elle réfléchit sur la condition humaine et défend, de façon inexorable, le respect de la liberté ainsi que les conditions sous lesquelles celle-ci peut s'épanouir. Car la liberté est une valeur inaliénable. En effet, H. Arendt ne s'est pas contenté de diagnostiquer le mal en analysant les systèmes totalitaires. Dans ses travaux ultérieurs, et particulièrement dans La Condition de l'homme moderne, elle s'est interrogée sur les moyens par lesquels la société pourrait durablement se préserver contre la tentation totalitaire. Elle essaie d'y repenser les conditions réelles de possibilité de l'existence humaine, « de reconsidérer la condition humaine du point de vue avantageux de nos expériences les plus neuves et de nos craintes les plus récentes », bref, « de penser ce que nous faisons »8(*). Dans la préface à La Condition de l'homme moderne, Paul Ricoeur fait remarquer que « le lien de filiation entre Les Origines du totalitarisme et La Condition de l'homme moderne échappe tout à fait si l'on néglige le caractère propre de la pensée politique qui s'y exprime, son tour essentiellement problématique, et la requête que celle-ci pose d'une solution radicalement autre à apporter aux criminelles présuppositions du système totalitaire.»9(*) Notre auteur a vu dans le totalitarisme jusqu'où peut arriver le génie de l'homme : comment celui-ci est capable aussi bien de s'auto-construire que de s'auto-détruire. Il est en même temps le centre de son développement et de sa destruction. D'où, elle tentera de poser la question de savoir qui est cet homme ? Où vit-il ? Quel est le sens de son existence ? A travers La condition de l'homme moderne, Arendt s'efforce d'associer deux conceptions antagonistes de l'homme accompli. C'est une nouvelle anthropologie politique qu'elle s'efforce de fonder et que nous développerons dans le deuxième chapitre de notre travail. * 7 Roviello A., Sens commun et modernité chez Hannah Arendt, Ousia, Athènes, 1987, p. 5 * 8 Arendt H., Condition de l'homme moderne, traduction de Georges Fradier, , Calmann-Lévy, Paris, p. 27 * 9 Ricoeur P., Préface à La condition de l'homme moderne, Pocket Agora, Paris, 1994, p.9 |
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