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Les enjeux de l'emigration scolaire au Gabon


par Savin Berthier TSINGA BOUKANGOU
Université Omar Bongo - Master 2023
Dans la categorie: Géographie
   
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UNIVERSITE OMAR BONGO

--

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DES SCIENCES GEOGRAPHIQUES,
ENVIRONNEMENTALES ET MARINES

Master Recherche Géosciences Politiques du Monde Contemporain (MR GPMC)

Mémoire de fin de cycle

LES ENJEUX DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU

GABON

Présenté et soutenu publiquement par :
Savin Berthier TSINGA BOUKANGOU

Sous la direction de : Et la codirection de :

M. Serge LOUNGOU

Maître de conférences en Géopolitique (CAMES)

Année académique : 2022-2023

M. Christian WALI WALI

Maître-Assistant en Géographie de la population (CAMES)

DÉDICACE

Á mon feu père Gabriel BOUKANGOU NZENGUE
Et à ma mère Anne Josiane KASSA

II

REMERCIEMENTS

Un proverbe gabonais dit ceci : « un seul doigt ne peut laver la figure ». Cette pensée reflète la manière dont a été construit ce travail, par la collaboration de plusieurs acteurs. Ainsi, voudrions-nous, en premier lieu, remercier nos encadreurs, notamment notre directeur de mémoire, M. Serge LOUNGOU et notre codirecteur M. Christian WALI WALI pour cette passion transmise des Géosciences Politiques. Aussi, tenons-nous à leur exprimer notre gratitude pour les conseils, la rigueur et leurs orientations scientifiques, indispensables pour la réalisation de ce travail.

Nos remerciements vont également à l'endroit de tous nos enseignants intervenant au département des Sciences Géographiques, Environnementales et Marines. Nous exprimons une mention spéciale aux docteurs Emmanuel ONDO ASSOUMOU, Charles MBOUTSOU et Marius INDJIELEY, partis durant notre parcours estudiantin.

Nous adressons notre gratitude :

- Au Professeur Marc-Louis ROPIVIA pour ses conseils inestimables ;

- Á la promotion GPMC 2021-2023 ;

- Á la famille volontaire AGP (sud) de 2017 ;

- Á la famille BOUKANGOU NZENGUE ;

- Á nos proches (frères, soeurs et ami(e)s) pour le soutien indéfectible ;

- Á messieurs TCHAGARA RAOUF, Dimitri BEKALE, Julio Térence MOULOMBA ;

- Á Madame Clarisse NIENGUI ;

- Á Mademoiselle Pétrouchka MBATA NDOMBY ;

- Au père Médard KAPEND.

Et à tous ceux qui ont pris une part active dans la réalisation de ce mémoire, puissent-ils trouver dans ces lignes l'expression de notre profonde reconnaissance.

III

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

- AEF : Afrique Equatorial Française

- ANBG : Agence Nationale des Bourse du Gabon.

- AOF : Afrique Occidentale Française

- ENEF : École Nationale des Eaux et Forêts

- ENS : École Normale Supérieur

- ENSET : École normale supérieure de l'Enseignement technique

- FESAC : Fondation pour l'Enseignement Supérieur en Afrique Centrale

- HCR : Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés

- IIEP : Institut international de planification de l'éducation

- INSG : Institut Nationale des Sciences de Gestion

- IST : Institut supérieur de Technologie

- ISU : Institut de statistique de l'UNESCO

- MEFPTFPDS : Ministère de l'Emploi, de la Fonction Publique, du Travail et de la

Formation Professionnelle, chargé du Dialogue Social

- MEN : Ministère de l'Education Nationale

- MESRSTT : Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et

du Transfert des Technologies

- NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication

- OIM : Organisation Internationale pour les Migrations.

- OIT : Organisation Internationale du Travail

- ONU : Organisation des Nations Unies

- PSGE : Plan Stratégique Gabon Émergent

- SOSUP : Secrétariat d'orientation scolaire, universitaire et professionnel

- UNG : Université Nationale du Gabon

- UOB : Université Omar Bongo

- USS : Université des Sciences de la Santé

- USTM : Université des Sciences et Techniques de Masuku

iv

SOMMAIRE

DÉDICACE i

REMERCIEMENTS ii

INTRODUCTION GÉNÉRALE v

PREMIÈRE PARTIE 20

LA GÉOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON 20

CHAPITRE 1 : CARTOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE GABONAISE 22

1.1. La géographie des émigrés scolaires gabonais dans le monde 22

1.2. Les dynamiques migratoires des émigrants scolaires gabonais à l'étranger 32

CHAPITRE 2 : LES MOBILES DE L'EMIGRATION SCOLAIRE AU GABON 37

2.1. Les facteurs de l'exode scolaire des étudiants gabonais à l'international 37

2.2. Stratégies de captation des émigrants et leur intégration à l'étranger 44

DEUXIÈME PARTIE : 52

L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON : ENJEUX ET ANALYSE 52

CHAPITRE 3 : L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON : UN FAIT MIGRATOIRE AUX ENJEUX SOCIOÉCONOMIQUES, GÉOPOLITIQUES, SÉCURITAIRES ET

CULTURELS 54

3.1. Les enjeux socioéconomiques de l'émigration scolaire 54

3.2. Les enjeux géopolitiques, sécuritaires et culturels de l'émigration scolaire au Gabon 61

CHAPITRE 4 : LE DOMAINE SCOLAIRE, UN ENJEU DE SOFTPOWER 69

4.1. Puissance et domaine scolaire 69

4.2. Réflexion autour de la nécessité pour le Gabon d'améliorer son système éducatif 75

CONCLUSION GÉNÉRALE 80

BIBLIOGRAPHIE 84

ANNEXES 92

TABLE DES ILLUSTRATIONS 101

TABLE DES MATIÈRES 104

V

INTRODUCTION GÉNÉRALE

6

1. Justification du sujet

1.1. Contexte de l'étude

En 2020, le nombre de migrants dans le monde était d'environ « 281 millions de personnes, soit 51 millions de plus qu'en 2010, 128 millions de plus qu'en 1990 et plus de trois fois plus qu'en 19701 ». Ces chiffres montrant la croissance du phénomène migratoire, rappellent que les migrations concernent l'ensemble des régions du monde. L'analyse des récits de l'actualité à cet effet laisse apparaître l'image d'une mobilité qui projette tantôt le désespoir tantôt l'abnégation, le courage, le sacrifice, la persévérance, l'espoir ou le rejet. Ces expressions montrent à quel point « la migration est une expression de l'aspiration humaine à la dignité, la sécurité et un futur meilleur2». Dans un autre sens, les migrations sont « aussi causes de divisions entre les États et les sociétés3».

En effet, depuis les années 2000, les termes émigration, immigration, émigré, immigré ou migrant ont un écho particulier dans le monde. Devenues un enjeu central du débat public et électoral dans certains pays notamment du Nord, ces facettes de la mobilité introduisent plusieurs préjugés. Parmi ces derniers, une satire est faite sur la migration africaine qui s'apparente à un « grand remplacement4 ». En raison de l'histoire coloniale de nombreux États européens, les migrations africaines y tiennent une place importante, particulièrement en France. Cris BEAUCHEMIN et David LESSAULT affirment à cet égard que « la figure du travailleur immigré est associée, dans l'imaginaire public, à celle du travailleur algérien ou malien. La réalité migratoire est dès lors assimilée à un flux du Sud vers le Nord5 ». Dans cette perspective, l'Afrique est vue comme un réservoir massif et problématique de migrants, à l'égard duquel les Européens devraient avoir des politiques de contrôle de frontière. La mise

1 Nations Unies, 2018. Paix, dignité et égalité pour une planète saine. Disponible sur URL : https://www.un.org/fr/global-issues/migration (consulté le 14 mai 2023)

2UNESCO, 2019. Migration, déplacement et éducation : Bâtir des ponts, pas des mûrs. Rapport mondial de suivi de l'éducation, lieu d'édition, UNESCO, p. 11.

3Idem.

4Le « grand remplacement » est une théorie du complot d'extrême droite introduite en 2010 par l'écrivain français Renaud CAMUS. Elle est fondée sur des impressions qui promeuvent une défiance de nature raciste et xénophobe à l'immigration d'Afrique subsaharienne et du Maghreb accusée de vouloir changer l'identité française.

5Cris BEAUCHEMIN & David LESSAULT, 2014. « Les statistiques des migrations africaines : ni exode, ni invasion », e-Migrinter (En ligne). Disponible sur URL : http://www.journals.openedition.org/e-migrinter/417 (consulté le 1 mars 2023)

7

en place en 2005 de l'Agence Frontex6symbolise bien la volonté de protection des frontières extérieures de l'Union européenne de ce que certains qualifient d'une véritable « invasion africaine7».

Pourtant, ces inquiétudes et préoccupations politiques semblent très éloignées de la réalité statistique observée. L'organisation internationale pour les migrations8 (OIM), le Réseau Programme point sud et le centre d'étude des migrations de l'université d'Accra (Ghana), soutiennent que « la migration interrégionale volontaire ou forcée, représente la forme la plus courante des déplacements en Afrique lorsqu'on la compare à la migration africaine vers l'Europe ou d'autres régions du monde9 ».Sur la proportion d'Africains en mobilité dans le monde en 2023, près de 80 % étaient sur le continent10. Dans ce sens, WALI WALI affirme que « l'Afrique a toujours été un espace de déplacements, de transhumance, de nomadisme. L'histoire du continent noir est marquée depuis longtemps par les mobilités de ses populations11».

Parmi les pays d'arrivés de population sur le continent africain, on peut mentionner le Gabon, la Côte d'Ivoire, le Ghana et l'Afrique du Sud12 (carte 1). L'examen de la carte 1 montre que les principales destinations d'immigration économique à travers le monde sont les Amériques (nord, sud et centre) notamment les États-Unis, le Canada, le Venezuela et l'Argentine qui font figure de pôle d'attraction. En Eurasie13, l'Europe de l'ouest, le Japon et les États du Golfe Arabo-persique sont prédominants. En Océanie, l'Australie et la Nouvelle Zélande font figure de pays d'immigration économique.

6 Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne

7Selon Hervé Le BRAS, il y a une certaine peur d'une « invasion africaine » sous prétexte que le continent africain va voir doubler sa population dans les années à venir, jusqu'en 2050. Cette peur a été accrue par le livre de Stephen Smith dont le titre évocateur est « la ruée vers l'Europe. Dans ses mots il signifie que « la jeune Afrique va se ruer sur la vieille Europe, c'est dans l'ordre des choses ».On peut retrouver ces explications sur URL : https://www.migrationsenquestions.fr/question_reponse/2526-immigration-vers-une-invasion-africaine/(consulté le 28 novembre 2023).

8 OIM, 2019. Rapport sur la migration en Afrique : remettre en question le récit, Organisation internationale pour les migrations, p.2.

9Réseau Programme Point Sud et Centre for Migration Studies, University of Ghana, Accra, 2018. « École d'été : La migration intra-régionale en Afrique. Logiques, pratiques et défis », (en ligne), disponible sur URL : https://movida.hypotheses.org/3968 .

10Africa CenterFor Strategic Studies, 2023. Tendances migratoires à surveiller en 2023, (en ligne). Disponible sur URL : https://africacenter.org/fr/spotlight/tendances-migratoires-a-surveiller-en-afrique-en-2023/.

11Christian WALI WALI, 2010. Les réfugiés congolais au Gabon Modes de circulation et d'installation dans un espace frontalier, p. 28.

12 En plus de ces pays on peut également mentionner le Nigéria qui constitue selon l'OIM un pays d'immigration en Afrique de l'ouest

13 L'Eurasie est un terme géographique désignant conjointement l'Europe et l'Asie en tant que continent unique, plutôt que deux continents séparés.

8

Carte 1: Les flux migratoires économiques dans le monde en 201914

Connu comme étant « une destination majeure en Afrique subsaharienne15 », la

construction de la dynamique migratoire au Gabon s'est progressivement faite depuis la

14 Cette représentation est tirée des travaux de Giles PISON dans l'Atlas de la population mondiale, paru en 2019, p.139.

15Serge LOUNGOU, 2022. « Plaidoyer pour la création d'un observatoire des migrations internationales », L'Union n°14099, p.9.

9

période coloniale. Dans les années 189216, la demande de main-d'oeuvre dans les « chantiers forestiers dévoreurs d'hommes17 » va avoir un impact direct sur l'arrivée des populations étrangères. De même, pour répondre aux projets de construction d'infrastructures, d'équipements structurels et pour l'exploitation de ses matières premières, « l'État gabonais, comme avant lui l'État colonial, a entrepris, durant les années fastes (1975-1985), d'« importer » des contingents de travailleurs étrangers, pour la plupart d'origine ouest africaine18». Cette ouverture et les potentialités que le Gabon offrait en termes d'emplois, firent de lui, « une destination sollicitée par des milliers de migrants d'origine africaine »19. Mais, l'immigration au Gabon n'est pas seulement le produit de l'activité économique. Les nombreux conflits et crises dans la sous-région (guerre au Congo, en Centrafrique, au Tchad) ou en Afrique de l'ouest (crise du Biafra au Nigeria, guerre civile en Côte d'Ivoire) sont autant de facteurs qui ont fait du Gabon un pays d'arrivée de populations.

En outre, le Gabon est devenu un pays de transit. D'après WALI WALI (2010, p.88), « plusieurs personnes viennent s'installer pendant des mois ou années au Gabon avec l'intention de terminer en Europe». Il ajoute que de nombreux « ressortissants de l'Afrique de l'ouest, souvent des Sénégalais ou des Maliens, qui tenaient des commerces ont fini par partir en Italie ou en Espagne voire au Canada20 ». Une autre facette du transit est « celle qui consiste à venir emprunter des avions à partir de Libreville [...] et s'arrimerait à l'évolution des politiques migratoires de l'UE21 ».

Par ailleurs, le Gabon n'a pas toujours été ouvert à l'émigration. A cause de la faiblesse de sa démographie, les autorités encourageaient les populations à rester à l'intérieur du pays particulièrement lors du parti unique (1967-1990). Pendant cette période, « seuls les diplomates, les hommes d'affaires et les étudiants avaient la facilité de sortir du pays22».Cependant, l'émigration va connaitre une réelle dynamique au sortir de la Conférence nationale de 1990. Cette dernière permettra« d'accorder plus de souplesse à la circulation et nourrir un désir de sortir du pays pour les Gabonais afin de visiter d'autres aires

16 Pierre OMBIGATH, 2005. L'exploitation forestière au Gabon (1892-1973) : impact économique et social,

Thèse de doctorat d'Histoire, Université de Paris 7. Disponible sur URL : https://www.theses.fr/2005PA070009.

17Roland POURTIER, 1989. Le Gabon : État et développement, Paris, L'harmattan, tome 2, p.173.

18Serge LOUNGOU, 2003. Immigration et xénophobie au Gabon, Géopolitique africaine, URL :

https://www.africabib.org/rec.php?RID=258172371

19Christian WALI WALI, 2010. Op cit, p11.

20Christian WALI WALI, 2010. Op cit, p88.

21Idem

22Christian WALI WALI, 2010. Op cit, p85.

10

géographiques23 ». Nous situerons l'émigration scolaire dans ce contexte (même si elle constitue l'une des rares émigrations observées lors du parti unique).

1.2. Intérêt du sujet

Bien que renfermant l'idée de « mobilité », traiter des enjeux de l'émigration scolaire, c'est en partie se référer à la question de l'éducation et de la formation scolaire. En effet, définie comme « l'arme la plus puissante pour changer le monde24 », l'éducation occupe une place significative dans les enjeux de développement d'un pays. Dans cet ordre d'idées, Séraphin AKURE-DAVAIN, dans un discours à l'attention du ministre de l'éducation nationale à l'Assemblée nationale, déclarait voir dans l'éducation « la priorité des priorités25 ». Un aspect prépondérant de cette priorité réside sur le fait qu'un pan du Plan Stratégique Gabon Emergent traite de la question de la formation locale.

La question de l'éducation a déjà été traitée dans plusieurs travaux. En se focalisant sur la formation des professeurs du second degré au Gabon (1971 à 2010), GALEDI NZEY (2019), revient sur l'histoire de l'école normale supérieure, son rôle majeur et sa place dans le système éducatif gabonais. Dans le même élan, MBENGONE EKOUMA (2016) traite de la question de l'orientation au Gabon et de ses enjeux. En combinant plusieurs théories, ce livre propose des outils d'aides à l'orientation pour une construction du projet scolaire des élèves. Pour sa part, QUENTIN DE MONGARYAS (2014) déplore l'insuffisance d'écrits scientifiques sur l'école gabonaise après plus de cinq décennies d'indépendance. Partant d'une analyse pluridisciplinaire, l'auteur dresse un état de lieu de l'école gabonaise tout en esquissant des perspectives sur ses défis futurs.

Par ailleurs, si les migrations scolaires ont fait l'objet d'une littérature scientifique importante en Afrique, voire dans le monde (KOUA OBA, 2019 ; TCHEGHO, 1989 ; LEVATINO et AMETEPE26, BARON27, SAINT-VIL28, etc.), rares et peu connus sont les travaux qui appréhendent l'émigration des étudiants gabonais à l'étranger. Partant du contexte sous régional, KOUA OBA, dans son oeuvre « les migrations scolaires en République du Congo » fait l'état des lieux du système éducatif congolais et aborde la question des migrations scolaires congolaises à l'intérieur et à l'extérieur du pays. S'agissant de la

23Idem

24Nelson MANDELA, 1990. Discours prononcé au Madison Park High School, Boston.

25Extrait du discours prononcé par Séraphin Akure-Davain à l'Assemblée Nationale au titre des questions au gouvernement le 31 mai 2022.

26 Https://doi.org/10.7202/1020611ar

27 Https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2005-2-page-281.htm 28 Https://www.persee.fr/doc/caoum.

11

première échelle d'analyse, l'auteur soutient que l'absence du personnel enseignant au sein des collectivités locale et chefs-lieux de département, a entrainé l'exode des élèves en milieu rural. Il explique aussi que les facteurs d'émigration des étudiants (43%) au niveau international sont liés au manque d'infrastructures d'accueil d'étudiants et à l'inadéquation de l'offre de formations (prédominance des filières de formation littéraire) au niveau national. Face à ces maux, l'auteur présente à la fois les avantages et les inconvénients de ces mouvements scolaires pour l'économie congolaise.

Plus éloigné de l'Afrique, Catherine WITHTOL DE WENDEN (2018) dans « Atlas des migrations, un équilibre mondial à inventer »29, présente une nouvelle facette des migrations contemporaines. A cet effet, elle estime que de nos jours, la configuration des migrations se présente dans le monde sous la forme « Sud-Sud, Nord-Nord, Nord-Sud, et plus seulement Sud-Nord30». Ce livre nous a particulièrement permis de questionner les dynamiques de l'émigration scolaire gabonaises.

En formalisant une forme d'explication aux déterminants à l'émigration scolaire, Davis TOOD (1995) nous a permis de comprendre que les principaux facteurs qui attirent les étudiants vers un autre pays et qui orientent la direction des flux migratoires sont : des conditions favorables à la recherche, un meilleur contexte socioéconomique et la possibilité de vivre une expérience multiculturelle.

Eugénie TERRIER (2009), dans son article « les mobilités spatiales des étudiants internationaux. Déterminants sociaux et articulation des échelles de mobilité », présente la dynamique migratoire des étudiants en fonction de leurs géographies de départ. Enfin les Notes Campus France31 sur « la mobilité internationale des étudiants africains » nous ont permis d'avoir les statistiques sur la mobilité internationale des étudiants africains (Maghreb et Afrique subsaharienne), vers la France.

Au niveau du Gabon, les publications de LAMIRAL32, MBENG ESSONE (2021) et de LOUNGOU (2021) sont, à ce jour, les seules publications disponibles sur ce sujet. MBENG ESSONE, dans son article « Gabon : l'exode universitaire, un phénomène qui coûte de plus en plus cher à l'Etat », pose la problématique du coût de l'émigration scolaire au Gabon. Dans son analyse, il soutient qu'elle représente « un gouffre à sous » pour l'Etat, en ce sens

29Catherine Withtol de WENDEN, 2018. Atlas des migrations, un équilibre mondial à inventer, Autrement, collection atlas/monde. 95 p.

30Idem.

31 Campus France, 2017. La mobilité internationale des étudiants africains, hors-série, N° 16, 43p. 32 Https://www.gabonclic.info/formation-de-la-jeunesse-gabonaise-letranger-qui-profite-cette-politique-retrograde

12

que celui-ci est emmené à dépenser chaque année, environ 60 milliards de FCFA pour les allocations d'étudiants. Aussi, il estime que dans un contexte de crise, caractérisé depuis 2018 par des mesures d'austérité, l'émigration se présente comme un facilitateur de la fuite des cerveaux.

LOUNGOU (2021, p.12) dans « l'expatriation précoce des étudiants et ses risques pour le Gabon », développe la thématique de l'émigration scolaire suivant une autre approche. Dans cet article, il affirme que telle qu'elle se présente aujourd'hui, cette tendance « symbolise une évolution rétrograde du système éducatif gabonais ». Causée par plusieurs facteurs, l'expatriation précoce des étudiants expose à la fois la marginalisation et le rapport de force inversé du Gabon dans le domaine de la formation scolaire. Décrite plus haut comme potentiellement néfaste, il revient sur l'utilité de contrôler ce secteur qui représente « un domaine de souveraineté par excellence ».

Cependant, axés sur les coûts financier et humain, les facteurs internes ainsi que les dangers que cette mobilité représenterait pour le Gabon, ces travaux demeurent incomplets. Ils traitent peu des inégalités sociales dans l'accès à l'émigration scolaire, des conditions d'étude et de séjour à l'étranger, du devenir migratoire des étudiants en mobilité à l'issue de leurs formations et analysent peu la question relative au domaine scolaire comme enjeu de puissance des États.

Ainsi, ces raisons nous ont conduit à porter notre intérêt de recherche sur cette problématique en examinant notamment les aspects liés à la taille de cette mobilité, aux facteurs de départ qui démontrent « l'insatisfaction des gabonais sur leur besoin en éducation33 », aux coûts de cette mobilité et à la place du Gabon dans la sphère académique mondiale. Aussi, l'intérêt de ce travail est d'apporter les éléments permettant de voir les enjeux de l'émigration scolaire gabonaise.

33Christian WALI WALI & Lionel OSSÉ, 2021. Les Gabonais expriment leur insatisfaction des besoins d'éducation, Dépêche No. 444, Afrobarometer, URL : https://www.afrobarometer.org/publication/ad444-les-gabonais-expriment-leur-insatisfaction-des-besoins-deducation/ .

13

1.3. Objet et champ de l'étude

L'objet de notre recherche, qui s'articule autour de deux concepts centraux, enjeux et émigration scolaire, porte sur l'émigration scolaire. Ces concepts sont polysémiques. Il importe de clarifier le sens de leur utilisation.

« En géographie, un enjeu est un objet auquel des acteurs attribuent une valeur34». Cette valeur peut être politique, économique, symbolique, stratégique, etc. Autrement dit, un « enjeu » renvoie à « ce qui est en jeu, ce qui est misé35 ». A titre d'exemple, « une ressource ou un espace peuvent être des enjeux, de même que l'accès ou l'usage de cette ressource ou de cet espace36 ». De manière plus large, l'enjeu est ce qui « sera gagné ou perdu au terme d'une démarche37 ». Cette définition concerne aussi bien les aspects matériels, dématérialisés que symboliques. C'est cette dernière déclinaison que nous considérerons dans la présente étude.

Avant de définir l'émigration scolaire, il convient de définir l'émigration. Richard PERRUCHOUD (2017, p.26.) définit ce terme comme l'« action de quitter son État de résidence pour s'installer dans un État étranger ». Dans le même sens, Yves LACOSTE (1994, p.564.) appréhende l'émigration comme la volte-face de l'immigration. Il ajoute que ces deux mouvements représentent un processus : la migration. « On parle d'émigration quand on considère le territoire de départ, d'immigration quand on considère le territoire d'arrivée38 ». Autrement dit, l'émigration se caractérise, du point de vue du pays qui le subit, par une sortie des populations vers un autre État alors que l'immigration, du point de vue du pays qui le subit, se caractérise par une entrée de populations étrangères.

L'adjectif scolaire est tout aussi difficile à présenter que la notion d'émigration. Selon le dictionnaire Le Robert, le scolaire renvoie à tout ce qui est relatif ou propre aux écoles, à l'enseignement et aux élèves. Donc il englobe aussi bien les établissements, les programmes que les apprenants. C'est cette dernière catégorie qui représente la tranche que nous mettons en valeur. Notre analyse portera essentiellement sur les étudiants par rapport aux élèves et aux stagiaires car ils sont les plus concernés par cette mobilité et posent moins la problématique de l'absence de données statistiques. Au regard de tous ces critères et définitions, nous

34Pascal BAUD, Serge BOURGEAT, Catherine BRAS, 2022. Dictionnaire de géographie, Hatier,6e édition, p. 457.

35 Https://www.nutcache.com/fr/blog/difference-entre-enjeux-et-objectifs/

36Géoconfluences, 2022. Enjeu, disponible sur URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/enjeu

37Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA, 2019. Le Gabon face à la cybercriminalité : enjeux et défis, Mémoire de master en géographie, Université Omar Bongo, p. 5.

38OIM, « Termes clés de la migration », ONU MIGRATION, Disponible sur URL : https://www.iom.int/fr/termes-cles-de-la-migration.

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considérons que le concept « émigration scolaire » dans cette étude renvoie aux étudiants gabonais qui partent du Gabon vers l'étranger à des fins académiques.

La présente recherche a comme objectif principal d'examiner les éléments internes et externes qui concourent à l'émigration des étudiants gabonais. Comme objectifs subsidiaires, ce travail présente, d'une part, les trajectoires scolaires et les parcours migratoires des étudiants gabonais à l'étranger et, d'autre part, analyse les enjeux de cette mobilité.

Notre travail s'inscrit principalement dans le champ des migrations internationales dans la mesure où les étudiants en mobilité traversent les frontières d'autres États. De même, il s'inscrit dans le champ des géosciences politiques39 puisque la migration, est « un phénomène complexe, qui peut être attractif ou répulsif mais n'est jamais neutre en termes géopolitiques40 ». Pour le traiter, nous nous appuyons sur une analyse interdisciplinaire réunissant la géographie, l'histoire, l'économie et la sociologie. La première discipline citée est utile pour cerner les enjeux et les facteurs d'émigration scolaire. L'histoire est convoquée pour étudier la genèse de ce mouvement de populations afin de comprendre sa réalité actuelle. L'économie permet de percevoir les coûts et l'aspect commercial de l'émigration scolaire. Enfin, la sociologie aide à comprendre ce phénomène social ainsi que le rôle joué par les anciens émigrants dans le processus d'insertion des nouveaux arrivés à l'étranger.

2. Problématique et hypothèses de la recherche

Avec 6,4 millions d'étudiants en mobilité internationale en 202341, dont près de 430 000 étudiants subsahariens42, les migrations pour étude ont revêtu une ampleur et une acuité sans précédent et « font partie des mouvements de populations les plus mobiles au monde43 ». Au regard de cette croissance, ce phénomène a suscité de nombreuses inquiétudes dans certains pays, à l'instar du Gabon. En raison de sa dépendance envers les pays d'accueils de ses apprenants, les autorités gabonaises entreprirent depuis la fin des années 1970, plusieurs actions pour réduire les mobilités externes des étudiants gabonais. La plus importante de ces

39Concept développé par l'école gabonaise de géographie et singulièrement de géographie politique à travers Marc-Louis ROPIVIA. 40 Https://www.huffingtonpost.fr/actualites/article/les-migrations-une-question-geopolitique_76485.html 41Campus France, 2023. Chiffres clés 2023 : 6,4 millions d'étudiants en mobilité internationale, disponible sur URL : https://www.campusfrance.org/fr/actu/chiffres-cles-2023-64-millions-d-etudiants-en-mobilite-internationale

42 Campus France, 2023. La mobilité étudiante dans le monde, p. 27. URL: https://ressources.campusfrance.org/publications/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_2023_fr.

43Thomas ROULET, 2012. « Les migrations étudiantes », Regards croisés sur l'économie, n° 8, p.71. Disponible sur URL : https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2010-2-page-71.htm.

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actions fut la décision de former localement dans l'enseignement supérieur. Cette affirmation mérite d'être éclaircie.

A cet effet, la fondation de l'université au Gabon dérive de deux moments forts. Elle tient à la fois de la dislocation en 1970 de la Fondation pour l'Enseignement Supérieur en Afrique Centrale (FESAC) et à l'éclosion de ce que Rose MEZUI44 nomme comme un « nationalisme universitaire ». Dans ce contexte, marqué par une volonté d'autonomisation (limiter l'influence des systèmes étrangers sur leurs ressortissants) et d'émancipation (sortir de la dépendance envers les universités extérieures à l'instar de celle d'Abidjan et de Dakar) des autorités dirigeantes, on assiste au Gabon, à la construction de plusieurs structures de formation (universités, grandes écoles, instituts). Parmi les structures construites, on note: l'Université Nationale du Gabon (UNG en 1970) devenue Université Omar BONGO en 1978, l'École Normale Supérieure (ENS en 1971), l'École Normale Supérieure d'Enseignement Technique (ENSET en 1972), l'Institut National des Sciences de Gestion (INSG en 1973), l'Université des Sciences et Techniques de MASUKU (USTM en 1986), l'Institut Supérieur de Technologies (IST, 1994), l'Université des Sciences de la Santé (USS en 2002). Ces établissements avaient comme objectifs de répondre quantitativement et qualitativement à la demande locale en matière de formation postsecondaire.

Malgré toutes ces réalisations, « les progrès accomplis demeurent insuffisants »45. Aussi, en accédant à la magistrature suprême en 2009, Ali BONGO ONDIMBA fît le pari de l'éducation. Dans sa vision de faire du Gabon une destination de référence en matière de prestation des services intellectuels de haut niveau, il projette, dans son projet de société, de bâtir la « Cité Verte de l'Education et du Savoir46 ». Comme gage de cet engagement à l'éducation, les actions suivantes sont mises en oeuvre :

- L'organisation des états généraux de l'éducation, de la recherche et l'adéquation formation-emploi en 2010 ;

- Élaboration du Projet de construction de l'Université de Boué en 2011 ;

- Le début de construction de l'école des métiers du bois de Boué en 2012 ;

- La mise en place de la « task force » sur l'éducation en 2018, etc.

Toutefois, malgré cette volonté de redorer le secteur de l'enseignement, le projet de construction de « la citée verte de l'éducation et du savoir » resta fictive. En conséquence,

44Elle fut la première secrétaire de l'Université National du Gabon en 1971.

45Adrien MAKAYA, 2021. « Le système éducatif gabonais », Revue internationale d'éducation de Sèvres, p.1. URL : http:// www.journals.openedition.org/ries/1081.

46La loi N°12/2011 portant orientation générale de l'éducation, la formation et de la recherche, titre VIII.

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l'éducation au Gabon est toujours confrontée à des difficultés, conduisant ainsi à alimenter l'émigration scolaire comme on peut le voir dans le graphique 1 ci-après.

Graphique 1: Courbe d'évolution du nombre d'étudiants gabonais en situation d'émigration

scolaire

8607

7856

7318

7076 7171

2016 2017 2018 2019 2020

Total

Source : Institut statistique de l'Unesco (ISU), 2022.

Il ressort de ce graphique que le nombre d'étudiants gabonais à l'étranger ne cesse de croître d'année en année. Il est passé de 7076 individus en 2016 à 8607 en 2020, soit une augmentation de 9,56 % de personnes en l'espace de 5 ans47. Face à cette augmentation continue, nous nous sommes posé la question centrale suivante : Pourquoi l'émigration scolaire est-elle en évolution constante au Gabon ? A cette question principale, nous avons formulé les questions secondaires suivantes : Quels sont les principaux pays de destination des étudiants gabonais à l'étranger ? Quels sont les enjeux de cette émigration scolaire ?

A ces interrogations, nous avons formulé trois hypothèses de recherche. Notre principale hypothèse consiste à considérer que les grèves répétitives dans les universités publiques gabonaises, le déficit et la vétusté des infrastructures, la faiblesse de l'offre de formation sont, entre autres, les facteurs qui favorisent l'émigration scolaire au Gabon. Ces facteurs s'inscrivent dans le modèle d'attraction-répulsion (push-pull) de Michel BEINE48 qui trouve une corrélation entre la demande d'éducation supérieure dans les pays d'origine, l'offre de formation inférieure et le choix de sortir. La mondialisation est aussi un autre catalyseur de ce processus parce qu'il permet aux populations de la planète de se fondre dans le « village

47 Nous avons été contraints de présenter cette dynamique sur l'intervalle de 5 ans à cause de l'indisponibilité de données au sujet de l'émigration des étudiants gabonais sur une échelle plus longue.

48Michel BEINE, 2017. Op cit, pp 3-4.

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planétaire » par les effets des médias et des NTIC, moyens qui permettent de voir le fonctionnement d'autres sociétés et rendent attractives celles-ci.

La seconde hypothèse consiste à penser que l'Afrique est le premier espace d'accueil des émigrés scolaire gabonais et les principales destinations des étudiants gabonais sont disséminées à travers le continent. Cette idée est soutenue par certains travaux tels que le Rapport sur la migration en Afrique, le livre de Claudio BOLZMAN et al49, et la thèse de WALI WALI, qui insistent sur le fait que la migration intracontinentale est, pour les Africains, la forme la plus courante des déplacements comparativement aux autres régions de la planète.

Dans la mesure où elle impacte la société sur les plans économique, politique, socioculturel, notre troisième hypothèse postule que l'émigration scolaire comporte plusieurs enjeux. En effet, représentant un « gouffre à sous » aussi bien pour l'État que pour les familles qui la supportent, elle met en exergue plusieurs problèmes. Ces dernières années, on a enregistré plusieurs décès d'étudiants gabonais à l'étranger, causant des drames dans les familles, sans omettre les étudiants qui sont souvent menacés et incarcérés. A ces enjeux socioéconomiques, ces départs questionnent la place du système éducatif gabonais en Afrique et dans le monde. L'enjeu culturel réside sur la question de l'impact des pays d'accueils sur les émigrants.

3. Cadre méthodologique

Pour élaborer ce travail, nous nous sommes appuyés sur la démarche hypothético-déductive. Elle est une « démonstration dont le point de départ est une hypothèse, un modèle ou une théorie50 » qui sera soit avalisé ou infirmé après analyse.

Pour ce faire nous avons réalisé des recherches documentaires en bibliothèque, dans les administrations et sur Internet. Afin de comprendre le rapport « géopolitique et migration », nous avons consulté l'ouvrage d'Adrien BOSCHET & Jean Baptiste GUEDAN (2017) dont le titre est: Comprendre les migrations. Contrairement aux préjugés construits autour de la question migratoire, ce texte nous a permis de bâtir un argumentaire sur les migrations à partir des chiffres réels de cette mobilité. Gilles PISON (2019) dans : Atlas de la population mondiale ainsi que Claudio Bolzman et al (2011): Migrations des jeunes d'Afrique Subsaharienne nous ont permis de voir les espaces d'arrivés et de départs de populations au

49Livre dont le titre est « Migrations des jeunes d'Afrique Subsaharienne ; Quel défit pour l'avenir ? ».

50Hervé GUMUCHIAN, Claude MAROIS & Véronique FEVRE, 2000. Initiation à la recherche en géographie, Paris, Economica, p.75.

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monde. Nous retenons d'ailleurs que l'Afrique constitue le premier espace migratoire des africains. En outre, WALI WALI (2010) dans: les réfugiés congolais au Gabon Modes de circulation et d'installation dans un espace frontalier, nous a montré (dans le chapitre II de la première partie de sa thèse), l'immigration, l'émigration et le transit comme aspect du phénomène migratoire au Gabon. Pour mieux percevoir, l'impact économique de l'émigration scolaire, nous nous sommes rendu à la bibliothèque de l'Assemblée Nationale du Gabon où nous avons consulté le Rapport de la Cour des Comptes (2013) « relatif à l'audit organisationnel, comptable et financier de l'Agence Nationale des Bourses du Gabon ». Nous avons complété ces informations par l'article de MBENG ESSONE (2021) dont la thématique est : « Gabon : l'exode universitaire, un phénomène qui coûte de plus en plus cher à l'Etat ». Ainsi, sans être exhaustifs, ces différentes références nous ont permis de définir nos hypothèses et construire les outils de collecte des données de terrain

Notre travail de terrain a été mené à l'Agence Nationale des Bourses du Gabon (ANBG) où nous avons pu recueillir certaines informations et eu des entretiens avec deux responsables. Nos échanges ont porté sur plusieurs points concernant le nombre d'étudiants boursiers à l'étranger, les pays vers lesquels ils émigrent, les filières de formation suivies par ces émigrants, la stratégie de formations de l'État gabonais derrière la mobilité des étudiants boursiers, etc. Au Secrétariat d'Orientation Scolaire, Universitaire et Professionnel51 (SOSUP), nous avons échangé avec un responsable sur les modalités d'orientation des étudiants gabonais à l'étranger.

En plus des entretiens menés dans les administrations, nous avons réalisé un questionnaire (annexe 1) à partir de la plateforme GoogleForm52 et un guide d'entretien (annexe 2) à partir de Microsoft Word. Nous avons choisi d'utiliser GoogleForm en ce qui concerne le questionnaire, pour faciliter la récolte de données à distance car notons-le, plusieurs de nos répondants se trouvent à l'extérieur du Gabon. Notre questionnaire a été soumis de manière aléatoire à 100 émigrants scolaires gabonais dont 52 hommes et 48 femmes. Le partage du questionnaire s'est fait grâce à un lien que nous avons bloqué une fois le quorum des 100 enquêtés atteint. Nous avons eu des réponses d'étudiants gabonais localisés au : Bénin (1), Brésil (2), Cameroun (4), Côte d'Ivoire (1), France (28), Ghana (2),

51Il est par décret n°0077/PR/MENFC du 11 juin 2019, un service public à autonomie de gestion technique, administrative et financière, placé sous l'autorité des Ministères en charge de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Formation Professionnelle

52 Google Forms est un éditeur de formulaire en ligne qui fait partie de G Suite (anciennement Google Apps) et plus spécifiquement de Google Drive. Google Forms permet de créer des formulaires en ligne pour des utilisations très diverses : questionnaires, sondages, enquêtes, collecte d'avis, etc.

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Mali (1), Maroc (7), Russie (6), Rwanda (2), Sénégal (36), Togo (6), Tunisie (1) et Turquie (3). En outre, nous nous sommes entretenus avec 7 parents ayant des enfants non boursiers à l'étranger. Nous avons fait le choix des non boursiers pour mesurer le coût de l'émigration scolaire sur les familles des émigrants. Le fond de nos échanges avec les parents a porté sur : les éléments qui influencent le choix du pays vers lequel les parents envoient les enfants, la situation sociale du parent, le type de structure d'accueil de l'enfant à l'étranger, le montant déboursé chaque année pour soutenir l'enfant et les perspectives à l'émigration scolaire. Le traitement et l'analyse des données se sont faits avec plusieurs outils dont Microsoft Office Excel et ARCGIS 10.4 (pour l'établissement des cartes).

4. Limites de l'étude et structure du mémoire

Pour la conduite de cette recherche, nous avons fait face à de nombreuses difficultés parmi lesquelles l'accès aux données officielles concernant le coût (annexe 3) et le nombre actualisé des étudiants boursiers émigrés à l'étranger, d'une part, et le manque d'ouvrages sur la thématique de l'émigration scolaire au Gabon, d'autre part.

La présente étude est subdivisée en deux grandes parties, composées chacune de deux chapitres. La première partie porte sur la géographie de l'émigration scolaire au Gabon qui analyse la cartographie de l'émigration scolaire gabonaise (chapitre 1) et les mobiles de l'émigration scolaire au Gabon (chapitre 2). La deuxième partie, intitulée l'émigration scolaire au Gabon : enjeux et analyse, traite de l'émigration scolaire au Gabon comme un fait migratoire aux enjeux socioéconomiques, géopolitiques, sécuritaires et culturels (chapitre 3) et examine le domaine scolaire comme un enjeu de soft power (chapitre 4).

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PREMIÈRE PARTIE

LA GÉOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION

SCOLAIRE AU GABON

Avec 8607 étudiants internationaux répandus à travers le monde en 202253, les migrations scolaires externes constituent une part importante des mouvements migratoires de la population gabonaise. Pour mieux cerner cette mobilité, cette partie a pour objectif de présenter la géographie de l'émigration scolaire gabonaise. Il s'agit précisément de dresser la cartographie de cette émigration scolaire ainsi que d'en examiner les déterminants.

21

53Données ISU, 2022.

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CHAPITRE 1 : CARTOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE GABONAISE

La carte constitue un outil central dans l'analyse géographique parce que « possédant une valeur heuristique immuable, tout en prenant des formes et des usages variés54 ». Dans un monde de plus en plus nomade, cartographier l'émigration scolaire des Gabonais, c'est représenter la dissémination de cette frange de la population à l'échelle de la planète. Pour parvenir à cela, nous présentons dans un premier temps la localisation des émigrants gabonais dans le domaine scolaire, puis dans un second temps, nous évoquons les dynamiques de ce mouvement de population.

1.1. La géographie des émigrés scolaires gabonais dans le monde

La géographie de l'émigration renvoie à la répartition spatiale des personnes qui sortent du territoire gabonais pour des raisons scolaires. Mais avant de parvenir à cette représentation, voyons d'abord l'histoire de l'émigration scolaire au Gabon.

1.1.1. Histoire de l'émigration scolaire au Gabon

« Connu pour être une zone d'arrivée des populations africaines, un pôle d'attraction pour les immigrés clandestins, le Gabon voit le questionnement autour de l'émigration se poser timidement55 ». De manière globale, les connaissances sur l'émigration au Gabon sont embryonnaires. Cette méconnaissance s'expliquerait par la rareté des études et des données dans ce domaine. Celles qui existent montrent que lors de la période postcoloniale, « les diplomates, les hommes d'affaires et les étudiants56 » étaient les principales franges de la population à bénéficier d'une facilité de sortir du pays.

Bien qu'il n'y ait pas de sources fiables qui traitent directement de la période d'éclosion de l'émigration scolaire au Gabon, les investigations menées sur la question nous emmène à retracer l'histoire de ce mouvement de population au Gabon « dès les premiers contacts avec les navigateurs européens au XVe siècle ainsi que pendant la traite transatlantique (du XVIe au XIXe siècle). On retient qu'à cette époque, de jeunes Africains sont acheminés en Europe pour devenir enseignants, prêtres ou pasteurs57 ». Un autre tournant de ce mouvement cadre avec la période des indépendances. En effet, « dans ces

54Annette CIATTONI et Yvette VEREY, 2018.Les fondamentaux de la géographie, Armand Colin, p. 28. 55 Christian WALA WALI, 2010.Op cit., p. 85.

56Idem

57Anton TARRADELLAS et Romain LANDMETERS, 2021. Les mobilités des étudiantes et des étudiants africains: une histoire transnationale de l'Afrique depuis la décolonisation, Diasporas, [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/diasporas/6089.

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prémices, l'école gabonaise sera d'abord aux mains des religieux protestants, puis catholiques58 ». Ils vont instaurer une première forme d'éducation laïque et sécularisée à l'occidental. Vers la fin du XIXe siècle, on assiste à la création d'écoles et de centres dont le but était de « civiliser, franciser59 » et créer une élite capable de gérer les affaires de la métropole. Ces objectifs vont se poursuivre, durant les années précédant et préparant les indépendances par la « création d'universités à vocation régionale comme l'université de Dakar, aujourd'hui Cheikh Anta Diop, créée en 1957. En Afrique centrale, Brazzaville jouait un rôle comparable en hébergeant les premiers établissements d'enseignement supérieur60 ».

Ces établissements d'enseignements supérieurs construits en Afrique occidentale française (AOF) et en Afrique équatoriale française (AEF) auront pour premier but de former des individus capables d'assurer et de combler des objectifs assignés par l'autorité coloniale pour l'éducation. C'est dans cette vision idéologique mercantile que s'ébauche les prémices de l'émigration scolaire au Gabon. Pour leurs besoins en éducation dans l'enseignement supérieur, on va assister à des départs bien que très limités et encadrés surtout par l'administration coloniale. « Ces départs serviront à former un petit contingent d'élites locales 61 » puisque « pendant la période coloniale, une bonne partie du flux d'étudiants se faisait des colonies vers les capitales mondiales62 ».

A partir de 1960, année de l'indépendance du Gabon, la relation autrefois exclusive entre le Gabon et la France sur la formation des cadres supérieurs gabonais63 va un peu s'éroder au profit de relations multiples avec différents pays comme, les États-Unis, la Russie, etc. Avec la fin de la guerre froide au début des années 1990, le nombre des bourses américaines et russes va diminuer. La conséquence directe de cette situation est la montée d'États jusque-là plus discrets comme l'Arabie Saoudite, l'Inde, la Malaisie ou la Turquie, dans des stratégies de lancement des programmes pour faire venir chez eux des étudiants

58Véronique Solange OKOME-BEKA, 2020. « L'inspecteur pédagogique Allogho Beka Leon : histoire d'une vie vouée à l'éducation des jeunes gabonais », Narrativas de maestras (os) y normalistas en el girodecolonial, p. 3. URL : https://www.unilim.fr/trahs-ISSN:2557-0633

59Véronique Solange OKOME-BEKA, 2020. Op. cit, p3.

60 Roland POURTIER, 2010. « L'éducation, enjeu majeur de l'Afrique post-indépendances Cinquante ans d'enseignement en Afrique : un bilan en demi-teinte », Afrique contemporaine, n°235, p.106. Disponible sur URL : https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2010-3-page-101.htm

61Anton TARRADELLAS et Romain LANDMETERS, 2021. Op. cit, p7.

62 N.V. VARGHESE, 2008. Globalization of Higher Education and Cross-Border StudentMobility, Institut international de planification de l'éducation (IIEP) de l'UNESCO, URL: https://www.researchgate.net/publication/44839105_G00lobalization_of_Higher_Education_and_Cross-Border_Student_Mobility .

63Senat, 1960. Projet de loi portant approbation des Accords particuliers, conclus le 17 août 1960 entre le Gouvernement de la République Française, d'une part, et le Gouvernement de la République Gabonaise, d'autre part, N°7. URL : https://www.senat.fr/leg/1960-1961/i1960_1961_0007

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africains. Dans le même élan, « les mobilités étudiantes au sein même du continent africain se sont elles aussi intensifiées, en particulier depuis que l'Afrique du Sud post-apartheid a cherché à devenir le principal pôle d'éducation universitaire sur le continent. La réorientation des dynamiques de mobilité des étudiants africains depuis la fin du XXe siècle est également marqué par l'émergence de la Chine comme pôle d'attraction majeur64 ».

Partant du contexte africain, on peut retenir que l'analyse de l'histoire de l'émigration scolaire au Gabon montre que celle-ci a évolué suivant des contextes globaux. Notamment : colonisation-décolonisation-période des indépendances-mondialisation.

1.1.2. Le champ migratoire et les logiques de répartitions des émigrants scolaires dans le monde

Partant du concept de « champ » qui est une notion qui a longuement été « théorisée ou modélisée par différentes disciplines des sciences sociales65», le champ migratoire peut être considéré comme une « traduction spatiale des relations migratoires66 » de « l'ensemble de l'espace parcouru, pratiqué par les migrants67 ». Sa conception théorique provient des travaux de la géographie quantitative suédoise dont Torsten HAGERSTRAND en est une figure de proue. Repris par Daniel COURGEAU68 dans les années 1970 en France, le concept de « champ migratoire » émerge comme concept « charnière » de l'étude sur les questions relatives aux migrations internationales dans un contexte scientifique où les théories et les méthodes de la géographie classique ne « rendaient pas suffisamment compte des rapports à 1'espace, de ceux qui se nouent entre le migrant et les espaces pratiqués dans le cadre de parcours migratoires69». Décrivant tour à tour une position scientifique (par rapport aux notions plus neutres d'espace ou de système migratoire) et s'affirmant progressivement comme un support théorique, « le champ migratoire décrit bien ces combinaisons

64Anton TARRADELLAS et Romain LANDMETERS, 2021. Op. cit., p.10.

65David LESSAULT, William BERTHOMIÈRE, 2019. « Le champ migratoire : une notion fondatrice des théories contemporaines des migrations internationales ». In Yann SCIOLDO-ZÜRCHER, Marie-Antoinette HILY et Emmanuel MA MUNG, Étudier les migrations internationales, Presses universitaires François Rabelais, p.2.

66Mohamed KAMEL, Marie-Antoinette HILY, 2005. « Du champ migratoire aux circulations : une lecture des migrations internationales », Géographes associés, p. 2. URL : https://shs.hal.science/halshs-00687528/document 67Gildas SIMON, 1981. « Réflexion sur la notion de champ migratoire internationale », Hommes et terres du nord, numéro thématique issu de : Migrations internes et externes en Europe Occidentale. Tome 1, p. 85. 68David LESSAULT, William BERTHOMIÈRE, 2019. Op.Cit, p2.

69Gildas SIMON, 2002. « Penser globalement les migrations », dans Revue Projet 4, n° 272, p38 (en ligne). Disponible sur URL : https://www.cairn.info/revue-projet-2002-4-page-37.htm .

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géographiques et culturelles très fluides70» formé d'un ensemble de flux reliant le pays de départ aux pays d'arrivées. Il intègre à la fois les éléments liés à la « localisation, la pratique spatiale, et les logiques de répartitions des migrants71». De même, un champ migratoire possède sa propre spécificité qui le singularise et le différencie d'autres champs. La carte qui suit présente le champ migratoire des étudiants boursiers gabonais en 2019.

70Guy DI MÉO, 2010. Gildas SIMON, « La planète migratoire dans la mondialisation », Revue européenne des migrations internationales (En ligne), vol. 26 - n°1, p.187. URL: http://www.journals.openedition.org/remi/5051 71Gildas SIMON, 2000. « La mise en place et l'évolution du concept de champ migratoire », Géographes associés, p. 101. Disponible sur URL : https://www.persee.fr/doc/geoas_1266-4618_2000_num_24_1_2449

26

Carte 2: Les flux d'étudiants boursiers gabonais à l'étranger en 2019

27

La carte montre que les étudiants boursiers gabonais sont disséminés à l'étranger sur quatre continents à savoir l'Afrique, l'Amérique, l'Asie et l'Europe. Ils se trouvent dans 16 pays d'accueil en Afrique et 8 en Europe. Ces deux continents regroupent à eux deux le plus grand nombre de pays de destination, soit 24 des 31 pays d'émigration scolaire en 2019 (carte 2). On note 7 pays en Amérique et 7 autres en Asie. La concentration des cercles présentant les destinations majeures des étudiants gabonais montre que la France, le Maroc, la Tunisie et le Sénégal étaient en 2019 les pôles d'accueil des étudiants gabonais.

Pour compléter cette analyse, le tableau 1 ci-dessous présente les cinq destinations majeures des étudiants boursiers gabonais de 2014 et 2019.

Tableau 1: Les cinq premiers pays d'émigration des étudiants boursiers gabonais depuis 2015

RANG

ANNEES SCOLAIRES

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

1er

France (1845)

France (1993)

France (1856)

France

(1575)

France (1333)

2e

Afrique du Sud (327)

Sénégal (368)

Maroc (385)

Maroc (374)

Maroc (424)

3e

Sénégal (318)

Afrique du Sud (265)

Sénégal (334)

Sénégal

(213)

Tunisie (146)

4e

Maroc (250)

Maroc (259)

Afrique du Sud (186)

Afrique du Sud (121)

Sénégal (115)

5e

USA (146)

Cameroun (153)

Cameroun (92)

Cameroun (88)

Afrique du sud (76)

Source : ANBG, 2019.

Il apparait dans ce tableau que la France reste nettement en tête des destinations des étudiants boursiers gabonais même si ce chiffre est en décroissance. En faisant le cumul sur ces années, il y a eu 8602 personnes qui s'y sont rendus pour leur formation entre 2014 et 2019. Cette primauté pourrait s'expliquer par les accords particuliers conclus depuis 1960 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relatives à l'orientation et à la formation des futurs cadres gabonais. Les liens historiques, culturels et diplomatiques entre ces deux États sont également des facteurs explicatifs de cette situation. Aussi, en Afrique, la place du Maroc comme destination majeur des étudiants gabonais s'expliquerait par la croissance des offres de bourse d'étude du Maroc en faveur du Gabon72, la qualité de ses universités et la présence d'une plateforme marocaine

72 https://www.maroc-diplomatique.net/le-maroc-est-la-premiere-destination-des-etudiants-gabonais/ (consulté le 28 novembre 2023)

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d'orientation et d'accompagnement d'étudiants au niveau du Gabon. En outre, sur l'année académique 2018-2019, on observe l'entrée de la Tunisie dans le classement des cinq (5) pays d'arrivés d'étudiants boursiers gabonais à l'étranger. Dans la même foulée, on peut apercevoir la disparition du Cameroun de ce classement. Cette situation pourrait s'expliquer par l'augmentation du nombre de bourse de coopération offert par la Tunisie à l'endroit du Gabon. De même, il faut signifier que la présence d'agence d'accompagnements tunisienne au niveau du Gabon ainsi que l'implication des plusieurs établissement tunisiens au salon d'orientation organisés chaque années au Gabon, participeraient à cette dynamique.

Le tableau ci-dessous présente l'évolution des effectifs des étudiants gabonais par continent sur 5 ans.

Tableau 2: Effectifs des étudiants boursiers gabonais par continent de 2014-2019

 
 
 

Effectifs

 
 

Continent

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

Afrique (sans le Gabon)

1371

1339

1266

1020

987

Amérique

197

135

115

104

81

Asie

93

108

89

63

53

Europe

2069

2223

2039

1723

1440

Total

3730

3805

3509

2910

2561

Source : ANBG, 2019.

Deux principales informations se dégagent de ce tableau. La première information concerne la décroissance du nombre d'étudiants boursiers gabonais à l'étranger entre 2014 et 2019. La seconde expose une concentration du nombre étudiants gabonais vers l'Europe et l'Afrique. En termes d'effectifs, le tableau montre que l'Europe a accueilli entre 2014 et 2019 plus de la moitié des étudiants gabonais. Même si l'Afrique constitue le second espace d'accueil des étudiants gabonais, les informations de ce tableau traduiraient « des rapports inégalitaires entre les pays du Nord et les pays du Sud73» au sujet de la formation. De même, la mobilité des étudiants gabonais est principalement marquée par deux tendances « sud-nord et sud-sud ».

73 Eugénie TERRIER, 2009.Op. cit, p.71.

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1.1.3. Les logiques de répartitions des émigrants scolaires dans le monde

Les logiques d'émigration scolaire diffèrent d'un acteur à un autre. Pour comprendre les critères pris en compte par les étudiants gabonais dans le choix de leur pays d'émigration scolaire, nous nous focalisons sur deux types de normes. Les conditions selon l'État et celle des émigrants eux-mêmes.

? Les conditions d'études à l'étranger selon l'Etat

Pour bénéficier du soutien de l'État gabonais pour la formation à l'extérieur du Gabon, le futur émigrant doit répondre aux critères74 d'éligibilité du SOSUP et de l'ANBG qui sont les organes chargés de l'orientation.

Le SOSUP est un service de l'État qui veille à accompagner les élèves et étudiants dans leurs différents projets scolaires, universitaires et professionnels. Cet accompagnement passe, entre autres, par des missions d'informations et de conseils, d'orientations, de propositions d'orientations aux élèves et étudiants sur les offres de formation, de bourse, de stage et d'emploi. Avant d'acter l'orientation d'un candidat, le SOSUP analyse la filière de formation choisie, la moyenne obtenue aux examens, l'âge, etc.

Le responsable de la commission d'orientation au secrétariat d'orientation scolaire, universitaire et professionnel nous a expliqué que l'étudiant qui émet le voeu d'étudier à l'étranger doit formuler trois propositions des lieux et établissements vers lesquels il souhaiterait étudier. Par exemple si un étudiant désire étudier la médecine à l'étranger, il peut proposer une école de médecine en Afrique du Sud, en Chine ou à Cuba. À partir de ses propositions, le SOSUP émet un avis75. Cet avis est validé ou non par l'ANBG qui, en dernier ressort, en fonction de ses critères, décide.

Anciennement Direction des Bourses et Stages (DBS)76, puis Direction Gabonaise des Bourses et Stages (DGBS), l'ANBG est un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité juridique et de l'autonomie de gestion administrative et financière. Cet organe veille à appliquer la politique d'attribution de bourses en République gabonaise. L'ANBG oriente les émigrants scolaires sur la base d'une politique d'orientation qui s'appuie

74Conformément au plan stratégique Gabon émergent l'orientation demeure une question centrale en ce qui concerne la formation scolaire au Gabon. Cette orientation suit une politique mise en place à l'ANBG.

75 Cet avis émis vient du fait que le SOSUP est une commission ad hoc qui est sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieure. Elle ne décide pas.

76La Direction des Bourses et Stages a été créée par le décret n°00963/PR/MINECOFIN du 22 juin 1974. Cette dernière a été érigée en Direction Générale du ministère des Finances, de l'Economie, du Budget et des participations par décret n°00143/PR/MINECOFIN du 30 janvier 1975.

30

sur les filières prioritaires et secondaires de l'État. Les conditions et critères d'attribution d'une bourse d'étude pour l'étranger sont présentés dans le tableau 3 qui suit.

Tableau 3: Les critères d'attribution d'une bourse pour l'étranger par l'ANBG

Niveaux de formation

Critères d'attributions

Bacheliers

- Être de nationalité gabonaise,

- Obtenir son examen au premier tour (pour les Bacs
scientifiques et techniques et 12 pour les formations littéraires),

- Avoir au maximum 22 ans.

Master

- Être de nationalité gabonaise,

- Valider sa licence avec une moyenne minimum de 12,

- Avoir 26 ans au maximum,

- Effectuer sa demande de bourse dans les délais donnés par

l'ANBG.

Doctorat

- Être de nationalité gabonaise,

- Valider son master avec une moyenne minimum de 14,

- Avoir 30 ans maximum,

- Faire la demande sur le site de l'ANBG.

Source : ANBG (page officiel Facebook), 2023.

Pour bénéficier d'une bourse d'étude pour l'étranger de la part de l'État gabonais, il faut être de nationalité gabonaise. En fonction des niveaux d'études, les conditions diffèrent s'agissant de la moyenne et de l'âge limites qui sont appliqués en fonction de la filière et assouplis pour les boursiers handicapés. Pour l'enseignement supérieur général, l'accès à une bourse en Licence 1 est possible jusqu'à 22 ans et la limite d'âge de 24 ans est fixée pour les Licence 2 et Licence 3. Elle est de 26 ans pour le niveau Master. Les candidats à une bourse doivent entamer leurs études doctorales avant l'âge de 30 ans et avoir obtenu une mention bien ou assez bien.

? Les conditions d'études et de séjour à l'étranger selon les émigrants

Longtemps orientée en grande partie vers les pays du Nord, la mobilité scolaire gabonaise à l'international connait une diversité des destinations. Pour comprendre les déterminants du choix du lieu d'émigration scolaire, nous nous sommes rapprochés des étudiants gabonais ayant connu cette expérience migratoire. Les critères de choix sont consignés dans le tableau 4 ci-après.

31

Tableau 4: Les déterminants du lieu d'émigration scolaire selon les émigrants gabonais

Critères d'orientation

Effectifs

Pourcentage (%)

Les coûts de formation

42

42

La langue

13

13

Le niveau de vie dans le pays d'accueil

6

6

L'attractivité du pays d'accueil

2

2

La présence d'une forte communauté du pays d'origine dans le pays d'accueils

5

5

La proximité géographique avec le pays de départ

5

5

L'orientation est une recommandation

3

3

La réputation du pays d'émigration en termes de formation

24

24

Total

100

100

Source : Enquête de terrain, 2023.

Le principal critère pris en compte dans le choix du lieu d'émigration scolaire est le coût des formations. En effet, selon le tableau ci-dessus, 42 % des enquêtés affirment en avoir tenu compte. Avec 24 %, le second aspect est la qualité de la formation qui est présenté sous la dénomination de « la réputation du pays d'émigration en termes de formation ». Aussi, 13 % des enquêtés affirment que la langue joue un rôle important dans le choix de la destination d'étude. Les autres critères sont le niveau de vie dans le pays d'émigration scolaire (6 %), la proximité du pays d'accueil avec le pays de départ (5 %), l'attractivité du pays d'arrivée (2 %).

En outre, l'émigration scolaire ne serait pas qu'un projet résultant de la seule compilation de toutes les informations objectives, les décisions d'émigrer et l'option de la destination dépendraient de l'expérience des émigrés antérieurs. A cet effet, COURGEAU, cité par LESSAULT et BERTHOMIERE, affirmait dans ce sens que « la majorité des migrations se dirigent vers un lieu où les individus ont déjà des connaissances : la migration d'une période donnée serait ainsi intimement liée aux migrations antérieures77».

77David LESSAULT & William BERTHOMIERE, 2019. Op. cit, p.3.

32

1.2. Les dynamiques migratoires des émigrants scolaires gabonais à l'étranger

L'étude de la dynamique migratoire permet d'apprécier la complexité de la mobilité entre l'émigration des étudiants boursiers et le nombre général d'étudiants gabonais à l'étranger. En effet, à l'échelle de la planète, les migrations scolaires semblent connaître une croissance importante et « sont de plus en plus suivies par les États et les institutions »78. Selon le graphique 1, sur l'intervalle 2016-2020, le nombre général des étudiants gabonais à l'étranger a augmenté de 9,56 %. La courbe qui suit présente par contre l'émigration des étudiants boursiers.

Graphique 2: Courbe d'émigration scolaire des étudiants boursiers gabonais

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0

Total

2011-

2012-

2013-

2014-

2015-

2016-

2017-

2018-

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

5582

3465

2092

3730

3805

3509

2910

2561

Source : ANBG, 2011-2019.

Les informations issues du graphique ci-dessus montrent que le nombre d'étudiants boursiers à l'étranger ne cesse de diminuer. Cette dynamique est contraire aux informations du graphique 1 qui montre l'augmentation du nombre général des étudiants gabonais tournés vers l'émigration scolaire (estimé en 2016 à 7076, il est passé à 7318 en 2018 puis à 8607 émigrés scolaire en 2020 selon l'ISU). D'après le responsable technique chargé de l'orientation des étudiants gabonais à l'ANBG, la baisse du nombre des boursiers à l'étranger est liée aux facteurs suivants :

- La décision de l'ANBG de prioriser l'orientation des étudiants dans les établissements d'enseignements locaux plutôt qu'à l'étranger ;

78Mamadou GANDO BARRY, 2011. La migration pour études : l'expérience de retour des diplômés guinéens dans leur pays d'origine après une formation au Canada, Thèse de sociologie, Université de Montréal, p.16.

33

- La mise en place des missions de contrôle des établissements étant en partenariat avec l'ANBG (ces opérations permettent de déceler des établissements de qualité secondaire à l'étranger qui seront supprimés par la suite) ;

- L'application de critères plus élitistes dans l'attribution des bourses à l'étranger et le respect des secteurs de formation prioritaire et secondaire de l'État (les secteurs prioritaires bénéficient d'un accompagnement après obtention du baccalauréat alors que les secteurs secondaires en bénéficient après obtention de la Licence) ;

- La restructuration des données de l'ANBG (elle permettra de déceler des irrégularités sur le nombre réel d'étudiants pris en charge par l'Etat à l'étranger) ;

- Le coût élevé des formations à l'étranger.

1.2.1. Caractéristiques et profils des émigrants scolaires gabonais

Les émigrants scolaires gabonais sont de trois types : ceux dont les études sont prises en charge par leurs parents, les boursiers pris en charge par l'État et ceux pris en charge par les pays étrangers (ceux qui bénéficient de bourse de coopération). En dehors des données sur les boursiers, il existe peu d'informations sur les caractéristiques et profils des émigrants scolaires gabonais. Au regard de cette absence, nous utilisons la base de données de l'ANBG dont la répartition par sexe est présentée dans le tableau 5 suivant.

Tableau 5: Répartition des émigrants scolaires boursiers par sexe

Année
scolaire

Hommes

Femmes

Total

Effectifs

Pourcentage (%)

Effectifs

Pourcentage (%)

2011-2012

2883

51,65

2699

48,35

5582

2012-2013

1833

52,93

1631

47,07

3465

2013-2014

1129

53,97

963

46,03

2092

2014-2015

1957

52,47

1773

47,53

3730

2015-2016

2061

54,17

1744

45,83

3805

2016-2017

1927

54,92

1582

45,08

3509

2017-2018

1669

57,36

1241

42,64

2910

2018-2019

1571

61,35

990

38,65

2561

Source : ANBG, 2011-2019.

Le tableau montre que le taux de femmes boursières tournées vers l'émigration scolaire au Gabon ne cesse de décroitre contrairement à celui des hommes. En 2011-2012, le pourcentage des émigrés scolaires hommes était de 51,65 % contre 48,35 % pour les femmes.

34

Celui-ci va connaitre une légère variation durant l'année académique 2014-2015 avec 52,47 % pour les hommes et 47,53 % pour les femmes. Par ailleurs, l'écart est le plus important au cours de l'année 2018-2019. Le pourcentage des hommes à l'extérieur était de 61,35 % contre 38,65 % pour les femmes, soit une différence estimée à 22,7 %. Le graphique suivant expose les formations entreprises par les étudiants gabonais à l'étranger.

Graphique 3: Typologie des formations suivies par les étudiants boursiers émigrés

Filières

Sciences économique, Sciences de l'organisation et de gestion

Langues, Lettres et Sciences Humaines

Sciences Naturelles et Médicales

Droit et sciences politique

Science et Technique

Effectifs

235

357

478

481

1010

Source : ANBG, 2019.

Avec 1010 personnes en 2019, les filières scientifiques et techniques constituent les domaines les plus fréquentés par les étudiants à l'étranger. A cause du « faible financement de la formation technique au Gabon79», ce secteur reste marginalisé en dépit du fort besoin de techniciens pour répondre aux défis posés par l'industrialisation au Gabon. En outre, les sciences naturelles et médicales occupent la seconde place avec 481 individus. La troisième place est représentée par la filière des sciences économiques, de l'organisation et de gestion (478). Les langues, lettres et sciences humaines (357) occupent la quatrième place avant le droit et sciences politique (235). Le tableau ci-dessous présente le nombre d'étudiants en fonction des niveaux de formation.

79 Emmanuel MOUSSONE Prosper METOUGUE NANG, 2018. Le renforcement de la formation technique et l'industrialisation en Afrique subsaharienne : le cas du Gabon. Marché et Organisations, n°32, p.69.

35

Tableau 6: Évolution des étudiants boursiers émigrés gabonais en fonction du niveau d'étude

 

Niveaux et pourcentages

Années

Licence

%

Master

%

Doctorat

%

Total

2018-2019

1436

56,07%

853

33,31%

272

10,62%

2561

2017-2018

1652

56,77%

972

33,4

286

9,83%

2910

2016-2017

2076

59,17%

1151

32,8%

282

8,03%

3509

Source : ANBG, 2016-2019.

Sur les trois80 années présentées dans ce tableau, le niveau licence représente respectivement 56,07 %, 56,77 % et 59,1 % des mouvements scolaires vers l'étranger entre 2016-2017 et 2018-2019. En deuxième ressort ce sont les Master dont la moyenne des départs oscille entre les 32% et 33%. Le niveau doctorat boucle cette tendance à l'émigration avec 9% en moyenne.

1.2.2. Les inégalités sociales dans la mobilité des émigrants scolaires

En 2020, près de 860781 étudiants gabonais se trouvaient hors de leur pays dans le cadre de leur projet académique. Alors que la croissance extraterritoriale des étudiants gabonais prend de l'ampleur et dissimule une répartition à travers la planète, la carte de l'émigration scolaire des étudiants gabonais renferme de nombreuses inégalités. L'hétérogénéité du parcours migratoire des étudiants témoigneraient des origines sociales diverses des émigrants comme le montre le tableau 7 ci-après.

Tableau 7: Situation sociale des parents d'émigrés scolaire

Pays d'émigration de l'enfant

Niveau d'étude du parent

Statut social du parent

Tranche salariale du
parent

Maroc

Supérieur

Agent du public

De 950 000 à plus

France

Supérieur

Agent du Privé

De 950 000 à plus

Turquie

Supérieur

Agent du public

De 750 000 à 950 000 F

Afrique du Sud

Supérieur

Agent du public

De 950 000 à plus

Cameroun

Secondaire

Agent du public

De 150 000 à 350 000 F

Sénégal

Secondaire

Agent du public

De 350 000 à 550 000 F

Rwanda

Supérieur

Entrepreneur

De 550 000 à 750 000 F

Source : Enquête de terrain, 2023.

80 Nous avons fait le choix de ces trois années car la base de données qui nous a été transmise à l'ANBG avait certaines irrégularités. Elle ne permettait pas de traiter les données des années précédentes.

81 ISU, 2020.

Le tableau montre que la majorité des parents ont un niveau d'éducation supérieure et issue du secteur public. Aussi, le pays d'émigration de l'étudiant serait déterminé par la situation sociale et la tranche salarial des parents. Ceux dont les tranches salariales oscillent entre 150 000 et 550 000 FCFA, envoient leurs enfants au Cameroun, au Rwanda et au Sénégal. Ceux dont les tranches salariales sont plus importantes envoient les enfants dans le Maghreb, en Afrique du sud ou en Europe. Ces tendances confirment l'idée que les enfants issus « de familles aisées rejoignent généralement un univers académique prestigieux [...] tandis que les autres se répartissent ailleurs82».

Parvenu au terme de ce chapitre, il ressort que l'émigration scolaire remonte à la période coloniale. La cartographie actuelle de ce mouvement montre une diversité des destinations des émigrés scolaires gabonais à travers le monde. Cette répartition est dépendante de plusieurs déterminants notamment la situation sociale, l'obtention ou non de la bourse, etc.

36

82 Serge LOUNGOU, 2021. Op. cit, p.12.

37

CHAPITRE 2 : LES MOBILES DE L'EMIGRATION SCOLAIRE AU GABON

« L'éducation est considérée comme l'un des secteurs qui fonde le développement d'un pays. Elle participe à la formation des populations et à la cohésion sociale d'une nation83 ». Ainsi, pour s'assurer de meilleurs atouts pour planifier le développement, le Gabon, à travers la loi 16/66 du 9 août 196684, a mis en place les bases de l'enseignement public universel. Au regard des investissements qui avaient été consentis sur l'équipement et la transformation infrastructurelle dans le domaine scolaire au Gabon (construction d'universités, grandes écoles, instituts), une volonté manifeste des pouvoirs publics était de bâtir les fondements d'une école gabonaise souveraine et se positionner comme vecteur d'influence dans la sous-région et sur le continent en termes de formation85.

Toutefois au Gabon, comme dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, les attentes en matière d'éducation demeurent énormes et représentent une véritable problématique pour les États. Dans ce chapitre, nous examinons les mobiles de l'émigration scolaire au Gabon, particulièrement les facteurs de l'exode scolaire des gabonais à l'international. Puis nous verrons les stratégies de captation des émigrants ainsi que leurs processus d'intégration à l'étranger.

2.1. Les facteurs de l'exode scolaire des étudiants gabonais à l'international

Serge LOUNGOU86 a esquissé l'analyse des facteurs de l'émigration scolaire au Gabon. Notre travail poursuit et approfondi cette analyse en présentant les facteurs internes et les facteurs externes de l'émigration scolaire au Gabon.

2.1.1. Les facteurs locaux de l'émigration scolaire au Gabon

L'émigration scolaire est le point de rencontre entre l'éducation et la migration des personnes. On ne peut donc pas bien cerner les enjeux de ce mouvement sans questionner les facteurs de cette mobilité. Le facteur peut s'entendre comme un ensemble de circonstances associées à une réalité physique ou anthropique qui affectent les humains vivant dans une zone spécifique. Cette réalité physique ou anthropique peut-être incarnée par un manque

83Christian WALI WALI et Lionel OSSÉ, 2021. Op. cit, p.1.

84Journal Officiel N°15 du 1er août 1966, loi 16/66 du 9/8/1966, portant organisation générale de l'Enseignement dans la République du Gabon.

85 Ce désir d'être un pôle majeur en termes de formation en Afrique avait d'ailleurs été réaffirmé en 2011 par le président de la République gabonaise avec le projet de construction de l'école supérieure des métiers du bois de Bouée.

86Serge LOUNGOU, 2021. Op cit, p.12.

38

d'infrastructures, une contrainte du milieu naturel, des guerres ou conflits, des problèmes d'aménagements, d'insécurité, etc.

Dans l'analyse des facteurs de départ, plusieurs auteurs se sont penchés sur les théories et les modèles existants en matière de migration87. Il ressort de ces études qu'il n'existe pas de théorie propre au processus de la migration internationale mais plutôt tout un ensemble de théories et de modèle développés dans la perspective de disciplines différentes. Au sujet des facteurs internes de l'émigration scolaire, nous avons utilisé, d'une part, la théorie de l'offre et de la demande puis, d'autre part, la loi de répulsion pour expliquer cette mobilité.

La théorie de l'offre et de la demande nous a permis de comprendre comment l'inadéquation des offres d'équipements et de formations devant une demande de plus en plus croissante de Gabonais dans les établissements supérieurs a eu un impact direct sur la résolution de partir. Face aux difficultés du milieu local, la loi de répulsion nous a montré comment l'univers socioéconomique, politique, socioculturel, sécuritaire, devant le besoin de formation ont été sources de départ.

Pour matérialiser la cohérence de ces théories, nous nous sommes appuyés sur les données obtenus à partir du questionnaire administré aux 100 personnes, constituant notre échantillonnage. Ce dernier consistait à capter l'avis de certains gabonais sur les facteurs de leurs départs à l'étranger. Les résultats sont présentés dans le graphique ci-après.

Graphique 4: Les principaux facteurs de départ pour étude à l'étranger

Les grèves à répétition dans les universités au Gabon

Le manque de structures d'accueils

L'absence au niveau local de la formation choisie

La mauvaise qualité de la formation au niveau local

La facilité de trouver un emploie avec un diplôme étranger

La facilité de réussite à l'étranger

21

64

5

4

1

5

Source : Enquête de terrain, 2023.

87David LESSAULT, William BERTHOMIÈRE, 2019. Op cit, p3, rappellent en convoquant les travaux de Daniel COURGEAU que le phénomène migratoire est commandé par trois types de variables : la répulsion de la zone de départ, le pouvoir d'attraction de la zone d'arrivée et l'interaction entre les lieux de départ et d'arrivée.

39

Sur le graphique, on peut voir que le principal facteur d'émigration scolaire est le déficit infrastructurel souligné par 64 enquêtés. En effet, au lendemain des indépendances, la progression du nombre d'étudiants dans l'enseignement supérieur va avoir un impact sur les capacités d'accueil des structures supérieures locales. Le cas de l'UNG devenue UOB en 1978 en est une parfaite illustration. Ainsi, conçue en 1970 pour accueillir 8 000 étudiants, l'UOB avoisine aujourd'hui 40 000 étudiants. En octobre 2020, le président de la section UOB du SNEC affirmait que les maux qui minent les universités gabonaises sont en grande partie liés à « une énorme crise infrastructurelle88». Cette crise infrastructurelle est amplifiée par une insuffisance des ressources financières nécessaires pour répondre de manière adéquate aux exigences d'une formation et d'une recherche de qualité. Cette situation, selon lui, a conduit à la « détérioration des infrastructures académiques », favorisant une réduction de la capacité d'encadrement des étudiants dans les établissements.

Le graphique montre également que le contexte académique local, propice aux grèves à répétition aussi bien des enseignants que des étudiants, favorisant les échecs croissants dans les établissements publics, est selon 21 enquêtés le second facteur de départ. A cela, il faut adjoindre la faible diversité de l'offre de formation énoncé par 5 enquêtés. L'idée qu'il soit plus facile de réussir à l'étranger est évoquée par 5 enquêtés et la mauvaise qualité de formation dans les établissements d'enseignement au Gabon est notée par 4 enquêtés.

Pour compléter cette analyse, nous avons questionné certains étudiants gabonais partis à l'étranger afin de percevoir la manière dont ils se représentent la formation dans les établissements publics et privés au Gabon. Les résultats sont consignés dans les tableaux 8 et 9 suivants.

Tableau 8: Avis sur les formations dans les établissements privés

Niveau de formation

Effectifs

Pourcentages

Excellent

1

1%

Satisfaisant

27

27%

Moyen

55

55%

Insuffisant

17

17%

Total

100

100%

Source : Enquête de terrain, 2023

88Déclaration faite lors d'un point de presse du Syndicat National des Enseignants-Chercheurs et Chercheurs de l'Université Omar BONGO.

40

Selon les informations du tableau ci-dessus, 55 % d'enquêtés considèrent que le niveau de formation dans les établissements privés au Gabon est moyen. 27 % et 17 % pensent respectivement qu'il est satisfaisant et insuffisant. De même, 1 % estime que les établissements privés ont un excellent niveau de formation. Le tableau suivant renseigne sur les établissements publics.

Tableau 9: Avis sur les formations dans les établissements publics

Niveau de formation

Effectifs

Pourcentages

Excellent

1

1%

Satisfaisant

15

15%

Moyen

39

39%

Insuffisant

45

45%

Total

100

100

Source : Enquête de terrain, 2023

Comme il se lit dans ce tableau, 1 % d'enquêté pense que la formation dans les établissements public au Gabon est excellente. De même, la formation est jugée insuffisante à 45 %, moyenne selon 39 % de personne et satisfaisante pour 15 % d'entre elles.

La question des représentations est parfois négligée dans les analyses des facteurs migratoires, sous prétexte qu'elles procèdent de la subjectivité et ne permettraient donc pas une approche objective. Partant de l'émigration des étudiants gabonais, il serait incongru de traiter des facteurs de ce mouvement de populations, sans cerner en amont, comment les gabonais se représentent la formation au niveau local. L'analyse des visions subjectives des acteurs locaux est un outil indispensable pour appréhender la motivation d'émigrer.

Lorsqu'on parle de la formation scolaire au Gabon on n'est presque pas surpris par la considération que les acteurs locaux se font de l'éducation. Il est courant d'entendre les expressions comme « au Gabon, on ne fait pas l'école », « on n'apprend pas à l'UOB » ou « il y a quelle école au Gabon ! ». La perception de l'éducation au niveau local semble plus que mitigée. Cette considération est relayée par les artistes et se traduit par exemple dans cette chanson de l'artiste gabonais Anelka qui affirme que : « Tom Sawyer a fui les states pour Schooler au Gabon, everyday les enseignants font grève, mon ami donc ça l'arrange ».

41

L'image de Tom Sawyer89 rattachée à l'école gabonaise transcrit ce qu'on décrivait plus haut. On peut alors comprendre « l'insatisfaction » et « le besoin en éducation » exprimés par les Gabonais dans l'enquête réalisée par Afrobarometer90 en 2021. Les caricatures expriment aussi ces représentations comme on peut le voir sur la photo 1 suivante.

Photo 1: Le besoin en éducation des Gabonais face aux réalités locales et étrangères

Source : https://www.gabonmediatime.com

Cette caricature présente la désespérance de deux personnages, probablement deux parents d'étudiants ou d'élèves, face à la problématique de la formation. Confrontés à l'état de délabrement des structures de formation locale, ils envisageraient l'expatriation de leur progéniture.

En outre, la mondialisation, l'internationalisation et la coopération serait aussi des facteurs d'émigration scolaire. En effet, « comme beaucoup d'autres secteurs, le système d'enseignement supérieur n'échappe pas au phénomène de mondialisation et de globalisation. Dans le cadre universitaire, ceci s'est traduit par une importante

89Tom Sawyer est un dessin animé où est présenté un jeune orphelin (Tom) vivant chez sa tante Polly avec son demi-frère. N'aimant pas l'école, il préfère se promener, jouer et inventer des histoires tirées de son imaginaire. 90 Cette enquête fait un état de lieu de l'offre des structures de formation au niveau du Gabon. Dans la même foulée ce travail présente les perceptions et les attentes des Gabonais sur la question de l'éducation qui est jugée insatisfaisante par la majorité.

42

internationalisation des activités d'enseignement et de recherches91». On a ainsi constaté un rapport étroit entre ces phénomènes et l'accroissement substantiel des échanges de connaissances entre universités de pays différents ainsi qu'une internationalisation des origines des professeurs d'université et une forte augmentation de la mobilité internationale des étudiants.

De même, cette internationalisation de l'enseignement supérieur a été rendu possible grâce à la mise en place dans certains États des politiques internationales visant à conforter des liens diplomatiques par la signature d'accords de coopération académique et d'échanges d'étudiants. Pour le cas du Gabon, la diversification des offres de bourse de coopération émanant d'États tiers comme l'Inde et la France et d'organismes internationaux à l'exemple de l'UNESCO92ont facilité l'émigration scolaire au Gabon.

L'émigration scolaire des étudiants gabonais est plurifactorielle. En plus des facteurs des enquêtés internes, elle peut s'expliquer par des facteurs externes. Pour appuyer théoriquement ce point, notre argumentaire repose sur la loi d'attirance (ou d'attraction) .développé par Gérard-François DUMONT dans les dix lois de la géopolitique de la démographie93.

2.1.2. Les facteurs externes de l'émigration scolaire au Gabon

Les facteurs externes reposent généralement sur l'attraction des pays étrangers. En effet, « avec le tournant néolibéral des politiques publiques, à toutes les échelles, à partir du dernier quart du XXe siècle, l'aménagement du territoire, devenu aménagement des territoires, est passé d'une logique planificatrice, centralisée, redistributive, à une logique de compétitivité, dans laquelle chaque territoire doit valoriser ses atouts pour améliorer l'attractivité94 ». Parmi les éléments de cette valorisation, on peut citer le secteur de l'enseignement. De même, on peut mesurer l'attraction dans la capacité des territoires à attirer des flux de population. Cette attractivité repose sur des facteurs d'attractions. Dans ces facteurs externes, nous identifions trois facteurs d'attractivité : l'attractivité géographique, l'attractivité socio-économique et culturelle, et l'attractivité infrastructurelle.

91Michel Beine, 2017. Op cit, p1.

92 Un accord de coopération de création d'une Chaire de l'UNESCO a été signé janvier 2022 entre l'UNESCO et l'Université Omar Bongo dont l'objectif est de promouvoir la recherche sur le développement social et la démocratie.

93 Gérard-François DUMONT, 2010. Les dix lois de la géopolitique de la démographie. Diplomatie : affaires stratégiques et relations internationales, p47 (en ligne). Disponible sur URL : https://shs.hal.science/halshs-00827795/document .

94 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/attraction-attractivite

43

On entend par attractivité géographique, l'ensemble des éléments liés à l'espace qui influence le choix de localisation. Parmi ces éléments spatiaux, on peut citer deux concepts clés : la position et la situation. En tant que notion qui exprime ou qualifie les rapports de lieux (rapports d'influence ou hiérarchiques), la position d'un pays renvoie à ce qui pourrait être susceptible de retenir l'attention ou ce qui séduirait. En analysant la géographie de l'émigration scolaire des étudiants boursiers gabonais, on se rend compte qu'ils sont généralement orientés vers des pays réputés pour être des modèles de formation au regard des places qu'ils occupent dans les classements internationaux des meilleures universités au monde. Par exemple, les États-Unis, la Suisse, le Canada, la France, la Brande Bretagne, pour ne citer que ceux-ci, font partie du top 10 des pays ayant de meilleures formations au monde selon le classement Shanghai 2022. A eux seuls, ils accueillaient la moitié (1388) des émigrants boursiers gabonais en 2019 selon les données de l'ANBG.

L'attractivité socio-économique et culturelle quant à elle s'entend comme l'ensemble des évènements à haute valeur ajoutée et à fort potentiel d'image, censés apporter aux pays une certaine renommée, un supplément d'âme et un impact direct sur les émigrants. Au regard des informations recueillies au cours de nos entretiens, cette attraction repose sur :

- Les coûts et la qualité des formations (présence des programmes innovant) ;

- La rigueur de l'enseignement et le respect des calendriers scolaires ;

- L'accès à des ressources et des équipements de pointe, des méthodes d'enseignement innovantes,

- L'accès à une plus grande diversité culturelle et une ouverture d'esprit favorisant l'échange d'informations d'idées et la collaboration internationale ;

- L'organisation universitaire (système éducatif) ;

- La possibilité d'avoir des contrats de travail en alternance pour les étudiants ;

- Le niveau de vie ;

- La possibilité de faire des petits boulots pendant la formation ;

- Les commodités d'apprentissage, etc.

L'attractivité infrastructurelle dépend des investissements consentis pour viabiliser le secteur de l'enseignement. La place des infrastructures et leur organisation sont des clés majeures pour valoriser un territoire et agir sur son attractivité. Parmi les éléments de cette attraction on retrouve l'abondance et la diversité infrastructurelle, et la qualité de l'équipement pédagogique, etc.

44

2.2. Stratégies de captation des émigrants et leur intégration à l'étranger

Au Gabon, l'émigration scolaire est le résultat du jeu de plusieurs acteurs. Ces derniers opèrent sous différents espaces compris entre le milieu physique et le cyberespace. Il est question ici de comprendre le rôle joué par ces différents acteurs dans l'entretien de ce mouvement de population. De même, cette partie traite de la question de l'intégration des émigrés scolaires gabonais dans leurs pays d'accueils.

2.2.1 Système de captation de la ressource estudiantine gabonaise

Le système de captation est l'ensemble des mécanismes qui participent à l'émigration scolaire des Gabonais. Ce système est le lien entre le local et international. Il comprend les outils de communication, les plates-formes d'orientation et d'accompagnement ainsi que les salons internationaux d'orientation.

2.2.1.1. Les outils de communication et leur impact

Au sens large, les outils de communication jouent un rôle fondamental dans la stratégie de captation des étudiants locaux. Ce sont des facteurs décisifs qui facilitent le phénomène d'émigration scolaire au Gabon en ce sens qu'ils influencent directement les choix. Parmi ces outils nous avons : la publicité et les réseaux sociaux.

Concernant la publicité, nous nous sommes aperçus au cours de nos investigations qu'elle représente un moyen efficace pour convaincre. Un enquêté nous a rapporté que : « c'est par une affiche que j'ai réussi à formaliser mon départ du Gabon pour apprendre en France. En passant un soir au Trois-quartiers à Libreville, je suis tombé sur une affiche plaquée sur l'immeuble d'un établissement commerciale au niveau de la pharmacie Orety. En me rapprochant, j'ai pu enregistrer les coordonnées qu'il y avait sur l'affiche. Quelques jours plus tard, j'ai contacté la structure qui n'était tout autre qu'une agence d'accompagnement des étudiants à l'étranger. Après création du compte et validation de l'adresse email ainsi que l'édition des informations d'identification et jonction des pièces justificatives puis l'édition des parcours et la sélection des formations, j'ai pu soumettre mon dossier à l'agence pour validation accompagné des frais de dossier ». En retraçant cette information, nous sommes parvenus à retrouver cette enseigne illustrée sur la photo 2 suivante.

45

Photo 2: Enseigne publicitaire

Cliché : B. S. TSINGA BOUKANGOU, 2023.

Cette photo a été prise à Libreville au quartier Louis à l'immeuble « 241 store », situé en face de la pharmacie Orety.

Par ailleurs, à l'ère de la digitalisation et du développement du numérique, les réseaux sociaux prennent plus d'ampleur que les plateformes de communication classique (radio, télévision) du fait que les utilisateurs passent de plus en plus de temps connectés sur internet. Dans le rapport du GSMA95 et dans celui de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), le Gabon figure à la 1ere place en matière d'accès et d'usage des réseaux sociaux en 2021 en Afrique centrale. Avec 40% de sa population connectée, les réseaux sociaux constituent un levier stratégique d'attraction et un facilitateur important de l'émigration scolaire. Dans nos enquêtes, nous nous sommes aperçus de la manière dont ces moyens de communication, notamment Facebook et Google, participent de manière active à l'émigration scolaire. La mosaïque ci-dessous montre les nombreuses publicités sur ces plateformes.

95Organisme regroupant les opérateurs télécoms dans le monde.

46

Photo 3: Les réseaux sociaux, un vecteur de l'émigration scolaire au Gabon

Source : Le cyberespace (Facebook, Google, WhatsApp) Réalisation : Savin TSINGA BOUKANGOU, 2023.

A travers cette mosaïque, nous remarquons que les réseaux sociaux prennent une part active dans le processus d'émigration scolaire au Gabon. Cette implication passe par des messages provenant d'agences de conseils et d'accompagnement à l'étranger. La stratégie de ces derniers consiste à inonder le cyberespace local « de publicités destinées à appâter les futur étudiants96 » au sujet du pays mis en avant sur l'espace médiatique. De même, il faut dire que les personnes qui sont derrière ces plateformes d'orientation sont généralement d'anciens émigrants scolaires gabonais, revenus au pays après leur séjour à l'étranger. Le choix des réseaux sociaux réside sur le fait qu'ils sont à la fois un outil d'influence et un moyen d'accès aux étudiants présent au Gabon.

2.1.1.2. Les plateformes d'orientation et d'accompagnement

Les plateformes d'orientation et d'accompagnement constituent l'ensemble de structures, d'agences ou de cabinets de soutien scolaire et de préinscription pour les élèves et étudiants désirant poursuivre leurs études à l'étranger. Ils se présentent aujourd'hui comme les médiateurs entre les futurs émigrants scolaires et les établissements étrangers. Leur rôle

96Serge LOUNGOU, 2022. L'expatriation précoce des étudiants et ses risques pour le Gabon. Libre propos paru dans l'UNION, dans la rubrique Opinion.

47

consiste à conseiller et orienter les étudiants dans leurs projets d'études, afin de faciliter leur réalisation. Dans cette catégorie, deux principales plateformes se dégagent à savoir les orientations publiques et les orientations privées comme le montre le tableau 10 suivant.

Tableau 10: Quelques plateformes d'orientation et d'accompagnement

Types

Noms

Les plates formes publiques

ANBG, SOSUP

Les plates formes privées

Soluetude, Gabon académie, Ikeza

international, Figs Gabon, Educ assistance, Cori consulting, Valmastudy...

Source : Enquête de terrain, 2023.

Dans ce tableau, nous avons une liste non exhaustive des plateformes d'orientation et d'accompagnement des étudiants à l'étranger installés au Gabon. Composées de l'ANBG et du SOSUP, les plateformes publiques sont des organes qui assurent au nom de l'État gabonais l'accompagnement des étudiants. Leur politique d'orientation cadre avec la vision politique des gouvernants en matière d'éducation. Pour répondre à la demande ainsi qu'aux besoins des futurs émigrants scolaires gabonais, l'ANBG travaille en partenariat avec des organismes de gestion97. Ces derniers agissent auprès des établissements de formation et de l'administration au bénéfice des étudiants boursiers dans les pays d'accueil. Les organismes de gestion ont la compétence de répondre à toutes les questions liées à l'accompagnement des étudiants au compte de l'ANBG. Parmi ces organismes de gestion on retrouve le CDC Allemagne, Campus France, Smart Africa Consulting Maroc, Cegep/Canada, ASA Tunisie.

Les plateformes d'accompagnement privé sont composées d'agences qui se chargent de l'orientation d'étudiants boursiers et non boursiers. Leur accompagnement tient compte des besoins des futurs émigrants et des offres de formation des établissements à l'étranger. Ainsi, face à l'offre insatisfaisante de l'enseignement supérieur au Gabon, de « nombreux étudiants sont amenés à rallier l'étranger dans le cadre de la poursuite de leurs études98 ». Devant l'enjeu économique que représente l'émigration scolaire, cette augmentation a

97Les organismes de gestion renvoient à des prestataires qui peuvent agir dans le cadre de la gestion administrative, académique et financière au nom de l'ANBG.

98Henriette LEMBET, 2021. Etudier au Rwanda : gare aux arnaques! Disponible sur URL : https://www.gabonmediatime.com/etudier-au-rwanda-gare-aux-arnaques

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également entrainé la convoitise des agences d'assistance d'étudiants. Face aux profits générés dans le processus de traitement de dossier d'étudiants pour l'étranger, il s'est développé, en marge des procédures d'accompagnement, des « pratiques mafieuses99 ». « Entre promesses non tenues, engagements non honorés, abus de confiance, certains cabinets d'assistance iraient jusqu'à facturer aux étudiants gabonais des formalités à coût plus élevé qu'elles ne le sont réellement100 ». Le quotidien L'Union, dans sa livraison du mercredi 22 septembre 2021, rapportait dans ce sens les propos de certains étudiants confrontés aux problèmes d'escroqueries d'agences d'assistance. L'un d'entre eux affirmait ce qui suit : « j'ai découvert que l'agence faisait payer à mes parents en francs CFA le montant du coût de la scolarité et du loyer qui est en franc rwandais ».

La multiplication d'actes d'arnaque de certaines agences de suivi d'étudiants doit amener l'Etat à mieux les encadrer et les contrôler notamment par des campagnes de sensibilisation, en répertoriant les plus fiables ou en signant des partenariats avec ces agences privées.

2.1.1.3. Les salons internationaux d'orientation

Organisés depuis quelques années au Gabon, les salons internationaux d'orientation sont des événements qui réunissent différents établissements locaux et étrangers de l'enseignement supérieur. Ces derniers ont pour but de faire connaitre aux apprenants locaux, les différentes formations dispensées par les établissements qui y prennent part. L'objectif visé est celui d'attirer les meilleurs profils de candidats répondant aux critères de formation proposés dans leurs écoles et instituts.

A l'issue du salon international de l'orientation universitaire de Libreville organisé le 22 février 2023, Mohammed Amine KENDOUSI, chargé des admissions de Al Akhawanyn University d'Ifrane au Maroc, et Mohammed ABROUK EL ALAMI, responsable de développement international de Rabat Business School, affirmaient « être à la recherche d'individus intéressés par les domaines de la gestion, des finances, du marketing, etc. ». Cette déclaration montre que le Gabon est assimilé à une « réserve de chasse101 » dans laquelle les États extérieurs, par le truchement de leurs écoles et instituts, siphonnent l'élite scolaire locale.

99 Https://www.gabonmediatime.com/etudier-au-rwanda-gare-aux-arnaques 100Idem

101Serge Loungou, 2021. Op cit, p.12.

49

2.2.2 Processus d'insertion sociale des étudiants gabonais à l'étranger

La signification étymologique de la notion d'insertion renvoie à « l'introduction d'une chose dans une autre ou dans d'autres, celle-ci gardant sa ou ses particularités102 ». En étendant ce terme au concept d'insertion sociale, Catherine DEROUETTE et Stéphane RULLAC l'appréhendent comme « un concept sociologique qui a dépassé les frontières de la science sociale, pour s'appliquer à la société tout entière103». L'insertion sociale renferme « un ensemble d'activité ayant pour objectif la socialisation d'un individu pour lui permettre de trouver sa place dans une société104». Autrement dit, c'est un processus ou une « action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement 105 ».

L'intérêt d'étudier le processus d'insertion sociale des étudiants gabonais à l'étranger vient de certains travaux, en l'occurrence ceux de Julien BERTHAUD106 pour qui, « il existerait un lien entre réussite scolaire et les effets de l'intégration sociale ». Même si cette section n'étudie pas ce rapport, il traite tout de même du processus d'insertion des étudiants gabonais à l'étranger. D'ailleurs, dans le contexte de l'émigration scolaire, l'insertion renvoie à l'ensemble des moyens d'accompagnement par lesquels les étudiants, émigrants vers l'étranger, parviennent à réduire les risques d'exclusion. Ces formes d'accompagnement peuvent être de plusieurs ordres. Il peut s'agir d'un :

? Accompagnement socio-économique par des services d'accueil et d'hébergement, de soutien moral, de culture et loisirs, d'aide à la mobilité, aide financière... ;

? Accompagnement académique généralement encadré par les établissements d'accueil et qui se caractérise par des services et des programmes d'insertion dans les établissements (sport, randonnées, voyages...) ;

? Accompagnement administratif qui est l'aide dans l'établissement et la mise à jour des documents (carte d'étranger, carte consulaire...).

102Georges BONNEFOND, 2006. Insertion ou intégration, in De l'institution à l'insertion professionnelle, p.221. Disponible sur URL : https://www.cairn.info/de-l-institution-a-l-insertion-professionnelle--9782749205670-page-221.html&lang=fr

103Catherine DEROUETTE, Stéphane RULLAC, 2015. « Insertion sociale », In Stéphane RULLAC,

Dictionnaire pratique du travail social, Paris, Dunod, Hors collection, p.239.URL
: https://www.cairn.info/dictionnaire-pratique-du-travail-social--9782100725007-page-239.htm

104Pact'Arim, 2021. Qu'est-ce que l'insertion sociale, URL : https://www.pactarim.fr/maison/quest-ce-que-linsertion-sociale%E2%80%89/

105Définition de l'Index international et dictionnaire de la réadaptation et de l'intégration sociale (L'IIDRIS). 106 Julien BERTHAUD, 2017. Les effets de l'intégration sociale étudiante sur la réussite universitaire en 1er cycle sont-ils significatifs? Revue française de pédagogie. URL : http://www.journals.openedition.org/rfp/7077 (consulté le 03 janvier 2023)

50

Le tableau qui suit présente les moyens d'insertion des étudiants gabonais à l'étranger.

Tableau 11: Les moyens d'insertion des émigrants scolaire gabonais

Les moyens d'accompagnement

Effectifs

Pourcentage (%)

Les ami(e)s

47

47

La famille

30

30

Les associations des étudiants gabonais à l'étranger

4

4

L'établissement d'accueil

19

19

Total

100

100

Source : Enquête de terrain, 2023.

Le tableau montre que 47% et 30% des émigrés scolaires ont obtenu respectivement l'aide des amis et de la famille pour leur insertion à l'étranger. Pour soutenir ces données, une enquêtée nous a affirmé que lors de son arrivée au Sénégal, « c'était vraiment ma soeur qui m'a orienté dans tout. Notamment la recherche d'école, dans la mise à jour des documents administratifs, au sujet des informations importantes... ». En plus du soutien apporté par les proches, 19 % des émigrés scolaires bénéficient des programmes des établissements pour leur insertion. Selon un enquêté, « il peut s'agir des sorties scolaires (excursion) ou un voyage organisé regroupant une ou plusieurs classes de l'école ». Enfin, 4 % de répondants nous rapportent que les associations d'étudiants gabonais à l'étranger participent également à ce processus par « des conseils, l'apprentissage de la langue (pour les pays non francophones) ou l'organisation des évènements festifs107».

Confronté à certaines carences, l'homme a presque toujours emprunté la voie de la migration pour obtenir gain de cause à ses insatisfactions. A travers ce chapitre, nous avons pu voir que l'émigration scolaire au Gabon découle à la fois de facteurs internes et externes. Face à un système de formation au niveau postsecondaire « sinistré », l'extérieur se présente à tous ces Gabonais en quête d'avenir et d'espoir comme un palliatif à la question de la formation. Toutefois, ce dévolu jeté par les émigrants scolaires vers les pays étrangers tient sur le fait qu'ils constituent des espaces attractifs. Une attractivité qui s'incarne au niveau de l'univers sociétal et culturel de ces pays sur les coûts de formation, de la stabilité et la qualité de l'enseignement ou des perspectives après formation.

107Propos d'une enquêté sur le rôle des associations d'étudiants gabonais à l'étranger dans le processus d'insertion social.

51

En poursuivant notre analyse, ce chapitre a permis de comprendre que l'émigration scolaire au Gabon est entretenue par plusieurs acteurs. Ils agissent dans le cyberespace et dans le milieu local à travers les réseaux sociaux, la publicité, les salons internationaux de l'orientation et participent de manière directe et indirecte à l'entretien de cette dynamique migratoire de l'élite intellectuelle locale.

52

DEUXIÈME PARTIE :

L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON :

ENJEUX ET ANALYSE

53

Les universités sont au centre de la puissance et du rayonnement des territoires. Devant cette considération, la formation scolaire est devenue un enjeu de rayonnement, de puissance, de compétitivité entre États. Dans cette forme de « Guerre des Campus108 », certains pays de départ, grâce à l'amélioration de leur système scolaire, sont ainsi devenus des pays d'arrivée d'étudiants tandis que d'autres sont demeurés des espaces d'émigration scolaire. Cette partie analyse l'émigration scolaire au Gabon comme un fait migratoire aux enjeux socioéconomiques et géoculturels et pose les bases d'une analyse du domaine scolaire comme aspect du soft power.

108Devenu (les universités) un aspect culturel de l'influence des Etats, Émilie AUBRYE dans « soft power : la guerre des universités », présente les universités comme trait de la puissance "soft". Elle affirme à cet effet que depuis le "classement de Shanghai" et sur fond de compétition croissante entre monde occidental et monde asiatique, "la guerre des facs" s'intensifie, tandis que le nombre d'étudiants internationaux est en constante augmentation.

54

CHAPITRE 3 : L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON : UN FAIT MIGRATOIRE AUX ENJEUX SOCIOÉCONOMIQUES, GÉOPOLITIQUES, SÉCURITAIRES ET

CULTURELS

En tant que territoire vers lequel converge d'importants flux de populations étrangères, le Gabon, « dans la recherche légitime de son soft power, aurait logiquement dû constituer un espace d'immigration académique109 ». Toutefois, alors que la demande dans l'enseignement supérieur ne cesse de croître et que les universités sont en concurrence pour attirer les étudiants partout dans le monde, cette migration n'est pas sans enjeux. Dans ce chapitre, nous analysons les enjeux de l'émigration scolaire au Gabon. Pour y parvenir, notre réflexion porte, dans un premier temps, sur une étude des enjeux socioéconomiques de ce mouvement de population, puis, dans un deuxième temps, aborde les enjeux géoculturels et sécuritaire de l'émigration scolaire au Gabon.

3.1. Les enjeux socioéconomiques de l'émigration scolaire

Dans de nombreux travaux, les dimensions politique et culturelle de la mobilité internationale des étudiants ont longtemps été mises en avant dans les échanges interétatiques. L'enjeu principal était alors de « contribuer à accroître l'influence du pays d'accueil sur la scène internationale en formant les futures élites des pays avec lesquels des liens privilégiés étaient entretenus110». Ces enjeux ont aujourd'hui changé de nature. Avec la montée en puissance du fait capitaliste, l'impact économique est devenu prédominant. Dans le cas du Gabon, l'émigration scolaire des étudiants n'est pas sans conséquences. D'après MBENG ESSONE, cette mobilité « pèse de plus en plus financièrement111 ». Afin de mieux cerner le poids de ce phénomène, nous examinons le coût de l'émigration scolaire pour l'État gabonais et les familles qui la supportent.

3.1.1. Le coût financier et humain de l'émigration scolaire pour l'État gabonais

La formation demeure un enjeu fondamental pour le développement de tout État et le Gabon n'échappe pas à cette logique. Mais, face aux carences de son système éducatif,

109Serge LOUNGOU, 2021. Op. Cit, p.12. 110 Eugénie TERRIER, 2009. Op. Cit, p.74. 111 Https://gabonmediatime.com/gabon-lexode-universitaire-un-phenomene-qui-coute-de-plus-en-plus-cher-a-letat/

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l'émigration scolaire se présente comme un moyen nécessaire pour la formation du capital humain. Néanmoins, entre frais de scolarité, frais de déplacement, frais d'hébergement et couverture sanitaire, la prise en charge des émigrants scolaires coûte « cher à l'État112 ». MBENG ESSONE estimait ces coûts à « 64 milliards de FCFA pour assurer les études des ressortissants gabonais113». En fin 2015, le Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent évaluait ces dépenses à 59 milliards de FCFA. Dans le rapport relatif à l'audit organisationnel, comptable et financier de l'ANBG, la Cour des Comptes évaluait à plus de 33 053 294 000 FCFA les dépenses de l'État gabonais en 2011 pour assurer le paiement des allocations d'études des ressortissants gabonais à l'étranger. Le tableau suivant tiré du rapport de la Cour des Comptes montre l'évolution de ces chiffres de 2011 à 2013.

Tableau 12: Dépenses de l'État en matière de bourse au Gabon et à l'étranger entre 2011-2013

 

2011

2012

2013

Enseignement supérieur

Effectifs

Montant
(bourses et
accessoires)

Effectifs

Montant (bourses et accessoires)

Effectifs

Montant
(bourses et
accessoires)

Gabon

10 372

10 720 421 000

10 235

16 156 593 560

22 651

17 748 612 000

Etranger

4 192

33 053 294 000

3 422

28 465 025 700

2 366

27 816 342 000

Total

14 465

43 773 715 000

13 657

44 621 619 260

25 017

45 564 954 000

Source : Rapport relatif à l'audit organisationnel, comptable et financier de l'ANBG (Cour des

Comptes, 2014).

Le tableau montre qu'entre 2011 et 2013, le nombre d'étudiants au Gabon dans l'enseignement supérieur a doublé. Cette tendance est la conséquence de la politique d'orientation mise en place par l'ANBG en 2012, laquelle consistait à prioriser les établissements d'enseignement locaux. Ce choix stratégique a conduit à la baisse du nombre des étudiants gabonais à l'étranger passant de 4 192 en 2011 à 2 366 en 2013. Malgré ce déclin, les dépenses liées à l'entretien des étudiants gabonais à l'étranger demeurent plus onéreuses comparativement au montant de bourses et accessoires des étudiants qui sont au Gabon. Cela se justifie par le fait qu'à l'étranger, la prise en charge est plus importante. Pour

112 https://gabonmediatime.com/gabon-lexode-universitaire-un-phenomene-qui-coute-de-plus-en-plus-cher-a-letat/

113Idem

56

un étudiant boursier, l'Etat est emmené à prendre en charge le logement, le voyage aller-retour, les frais d'inscription et de formation, la couverture sociale et médicale, les allocations mensuelles et le trousseau scolaire, etc. Le tableau ci-après présente les montants mensuels de bourses en fonction des zones géographiques.

Tableau 13: Montants mensuel des allocations d'études accordées aux étudiants gabonais au
Gabon et à l'étranger

ZONE ET
CATEGORIES

C

D

E

F

G

1er cycle
(Prépa, DUT,
Licence)

2ème cycle
(Master,
ingénieur)

3ème cycle (Doctorat)

Bourse de
mérite

Bourse de
l'émergence

GABON

83 000

98 000

130 000

166 000

332 000

PAYS HORS ZONE
FCFA ET
MAGHREB

165 000

192 500

253 000

 
 

AFRIQUE
AUSTRALE

220 000

264 000

308 000

 
 

ASIE 3 ET MOYEN
ORIENT

275 000

330 000

385 000

 
 

AUTRES PAYS
EUROPE ET
AMERIQUE DU
SUD

297 000

352 000

407 000

 
 

ZONE EURO 3 ET
ASIE

308 000

353 000

418 000

 
 

ZONE EURO 2
AMERIQUE DU
NORD ET OCEANIE

425 800

455 800

498 800

 
 

ZONE EURO 1 ET
PAYS HORS ZONE
EURO ET ASIE 1

460 100

482 000

541 200

 
 

Source : Journal Officiel de la République Gabonaise N°124 Bis, du 26 septembre 2012.

Comme on peut le constater, il existe plusieurs catégories de bourses à savoir la bourse de mérite, la bourse d'émergence et la bourse classique. La bourse classique qui est la plus attribuée comporte trois sous catégories. La bourse C qui est accordée aux étudiants du premier cycle, des écoles préparatoires aux écoles d'ingénieurs (BTS, DUT Licence, ENI). La bourse D est accordée aux étudiants de deuxième cycle (Master), la quatrième et la cinquième année du cycle ingénieur d'application ou de conception. Enfin la bourse E est réservée aux étudiants de troisième cycle (doctorat). Ces catégories de bourses concernent à la fois les

57

étudiants présents au Gabon et à l'étranger. Cependant, leurs montants diffèrent en fonction des zones géographiques. Pour prendre l'exemple du trousseau scolaire, il est établi à 90 000 FCFA dans les zones FCFA et 180.000 hors zone FCFA pour les catégories de bourse C, D et E.

Sur la base de certains chiffres publiés sur la page Facebook de l'ANBG et des informations recueillies lors de la recherche documentaire, nous avons estimé les dépenses des allocations et de la prise en charge des étudiants boursiers au Gabon et à l'étranger en 2019. Ces données sont consignées dans le tableau suivant.

Tableau 14: Estimation du coût financier de l'émigration scolaire pour les étudiants boursiers

Gabonais

CONTINENTS ET
PAYS

EFFECTIFS EN FONCTION DES
CATEGORIES BOURSE EN 2019

MONTANTS

C

D

E

F

Afrique (sans le
Gabon)

669

283

35

 

4 827 089 163 FCFA

Amérique

48

21

12

 

431 064 000 FCFA
(estimation)

Asie

23

16

14

 

319 813 200 FCFA
(estimations)

Europe

696

533

211

 

7 441 807 902 FCFA

Gabon

30 036

5 721

319

62

30 688 798 000 FCFA

Total

31 472

6 574

591

62

43 708 046 530 FCFA
(estimations)

Source : ANBG (2018-2019) et interprétation de l'auteur, 2023.

Faute de données, nous n'avons pas pu répertorier les montants exacts de la prise en charge (paiement de la bourse, de la scolarité, de la prise en charge sociale, le coût du transport, l'hébergement, etc.) de l'État en Asie et en Amérique. Toutefois, en faisant le rapport entre le nombre d'étudiant (2561) à l'étranger en 2019 et le coût des allocations qui leurs sont destinées, on se rend compte qu'il fait presque la moitié (13 019 774 265 FCFA) du montant de bourses alloué aux étudiants locaux (30 688 798 000 FCFA). Un chiffre important alors que les personnes en situation d'émigration scolaire représentent relativement 1/15ème du nombre d'étudiants boursier au Gabon (36 138 étudiants au Gabon).

Au regard de ces montants élevés, l'État a pris la décision de revoir, en 2019, les modalités d'attribution des bourses en abrogeant le décret n°404/PR/MENESTFPRSCJS de septembre 2012 qui garantissait la « bourse pour tous ». Dans le même sens, la note

58

n°000576/PR/ANBG/DG/CTM de la Directrice générale de l'ANBG limitait l'accompagnement de l'État pour l'année académique 2023-2024 aux étudiants inscrits à l'étranger, dans les établissements supérieurs publics.

En dehors de ce levier financier, l'émigration scolaire expose une autre problématique : celle de la migration de « retour » ou de « non-retour114 » des étudiants gabonais dans leur pays d'origine après formation. Pour percevoir les conditions de ces deux tendances (retour ou non-retour), nous avons questionné les émigrés scolaires gabonais afin de mesurer leur intention de « retour » ou de « non-retour ». Les résultats sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau 15: Avis des émigrants gabonais sur l'intention de retour ou de non-retour

Avis sur la migration de retour

Pourcentage

Non

26%

Oui

74%

Total

100

Source : Enquête de terrain, 2023.

La majorité des émigrés scolaires gabonais (74 %) s'inscrivent dans une migration de retour, contre 26 % qui expriment l'intention de non-retour. Même si la proportion de ceux qui déclarent ne pas revenir est faible, cela reste malgré tout préjudiciable puisque cela conduit à une perte de compétences dans certains secteurs et cela représente un investissement non rentable.

Notre questionnaire nous a également permis de recueillir les raisons pouvant expliquer le retour ou le non-retour des émigrés scolaires gabonais. Le tableau ci-dessous présente ces données.

114 Le terme non-retour dans cette analyse est rattaché à la question de la « fuite des cerveaux » qui lui provient de l'anglicisme « brain drain ». Il est utilisé pour désigner dans l'ensemble l'émigration des personnes dotées de qualifications vers d'autres pays.

59

Tableau 16: Les causes de retour et de non-retour

Types

Description

Effectifs

Pourcentages

Les causes de retour

La famille

7

74%

L'attachement au pays de départ

5

Par patriotisme

37

Pour faire valoir les compétences acquises

10

Pour l'obtention d'un emploi

10

Pour investir

5

Les causes de non-retour

Le manque d'opportunité d'emploi au Gabon

9

26%

Le taux de chômage élevé

17

Total

 

100

100%

Source : Enquête de terrain, 2023.

Au regard de ce tableau, 74 % d'étudiants gabonais à l'étranger pensent que les causes de la migration de retour s'expliqueraient par six raisons dont les principales sont le patriotisme (37), l'espoir d'obtention d'un emploi (10) et la volonté de faire profiter leur pays de départ des compétences acquises à l'étranger (10). Par ailleurs, 26 % des enquêtés estiment que le non-retour pourrait être causé par deux principales raisons que sont le taux de chômage élevé et le manque d'opportunité d'emploi (9) au Gabon.

Le défi du développement au Gabon exige un effort de ramener sur son sol ses ressources humaines. Les intentions de non-retour, formulées par les étudiants gabonais à l'étranger, montrent qu'il faudra plus qu'une incitation au patriotisme ou au référant familial pour dissuader les volontés d'expatriation. L'État gabonais devrait s'inspirer de la stratégie qu'avaient mise en place certains pays africains en l'occurrence « la Côte d'Ivoire, le Ghana, l'Éthiopie ou le Cap-Vert, pour le retour de leurs migrants hautement qualifiés. Parmi les politiques de retour, l'Etat devrait « créer des réseaux locaux par lesquels les migrants qui reviennent trouvent de réelles opportunités grâce notamment à des investissements dans les secteurs de la science et de la technologie »115. Il pourrait également offrir aux étudiants potentiels à la migration de retour des conditions satisfaisantes de carrière dans leurs domaines, ce qui suppose un véritable travail de fond.

115Mamadou GANDO BARRY, 2011. Op. Cit, p.29.

Ce paragraphe expose les différentes stratégies développés par la Côte d'Ivoire, le Ghana, l'Éthiopie ou le Cap-Vert, pour le retour de leurs migrants.

60

3.1.2- L'impact socioéconomique de l'émigration scolaire au sein des familles gabonaises

Comme nous l'avons vu, le coût des études à l'étranger est élevé. A partir d'une enquête qualitative menée auprès de 7 parents qui prennent en charge (sans l'aide de l'Etat gabonais) les dépenses de leurs enfants qui apprennent à l'étranger dont 5 en Afrique et 2 en Europe, nous avons pu avoir une estimation des dépenses en fonction des zones d'études. Les résultats ont été condensés dans le tableau suivant.

Tableau 17: Estimation des dépenses selon le pays, le niveau d'étude et l'établissement d'accueil

entre 2018-2021

Pays

Structure
fréquentée à
l'étranger

Niveau
d'étude

Estimation des
dépenses par an

Statut social
du parent

Tranche salariale du
parent

Maroc

Ecole supérieur
privée

Master

3 600 000 FCFA

Agent du public

De 950 000 à plus

France

Université publique

Licence

4 000 000 FCFA

Agent du Privé

De 950 000 à plus

Turquie

Ecole supérieur
publique

Master

5 000 000 FCFA

Agent du public

De 750 000 à 950 000 F

Afrique du Sud

Institut supérieur
privé

Master

4 000 000 FCFA

Agent du public

De 950 000 à plus

Cameroun

Ecole supérieur
publique

Master

2 500 000 FCFA

Agent du public

De 150 000 à 350 000 F

Sénégal

Ecole supérieur
privée

Master

2 500 000 FCFA

Agent du public

De 350 000 à 550 000 F

Rwanda

Université publique

Licence

2 0000 000 FCFA

Agent du public

De 550 000 à 750 000 F

Source : Enquête de terrain, 2023.

Le tableau montre que plus le pays d'étude est éloigné, plus les coûts sont onéreux et cela grève les revenus des parents. Face à cette situation, certains parents solliciteraient que l'État apporte une aide aux étudiants non boursiers notamment en prenant en charge le trousseau scolaire et les frais sanitaires. Les dépenses des étudiants tournent globalement autour de trois secteurs : administratif et scolaire, vie sociale et sanitaire, et train de vie. Les coûts administratifs et scolaires regroupent les frais d'inscription dans les établissements (université, écoles instituts) et les frais relatifs à l'établissement des documents administratifs (Visa, carte de séjour). La vie sociale et sanitaire couvre les frais de restauration universitaire, la mutuelle, les assurances, les dépenses liées au transport du quotidien (pour les étudiants résidents hors des campus), les dépenses concernant les frais de santé, etc. Le train de vie

61

concerne les frais de communication (abonnements, Internet, téléphone), les frais liés aux activités sociales et de loisirs (sorties, sport ; tourisme, week-ends etc.), les frais de logement.

Au final, l'émigration des étudiants Gabonais coûte chère aussi bien à l'Etat qu'aux familles qui la supportent. Le double impacte de ce mouvement de populations sur l'État réside sur le fait qu'il constitue un « gouffre à sous » et représente dans le cas du « non-retour », une perte en diplômés hautement qualifiés pour répondre aux enjeux de développement du pays.

3.2. Les enjeux géopolitiques, sécuritaires et culturels de l'émigration scolaire au Gabon

Le choix de migrer vers un espace suppose que ce dernier rempli certaines conditions inexistantes dans l'espace de départ. Dans le contexte de la mondialisation où la compétitivité et la quête de puissance sont au centre des relations interétatiques, l'émigration scolaire croissante des gabonais vers l'étranger renvoie une image de ce que pourrait être la formation scolaire au niveau local. Dans cette section, nous analysons les enjeux géopolitiques, sécuritaires et culturels de ce mouvement de population.

3.2.1. Les enjeux géopolitiques

Du fait de l'internationalisation de l'enseignement supérieur, presque tous les pays au monde font face à l'émigration scolaire. L'internationalisation est définie par Charlotte POURCELOT comme un « processus qui, grâce à la mobilité internationale des étudiants et des enseignants, conduit à l'intégration des dimensions internationales et interculturelles dans les fonctions éducatives des institutions d'enseignement supérieur ainsi que dans leur gouvernance »116. Mais, selon qu'on émigre d'un pays du nord ou du sud, le mouvement n'est pas perçu de la même manière. En effet, lorsqu'un étudiant américain ou un étudiant chinois décide d'aller à l'étranger pour sa formation, on avancera moins comme raisons de départ des problèmes infrastructurels ou de calendrier scolaire non respecté. Au Gabon, les faits sont tout autres. Les départs successifs pour besoin éducatif à l'étranger ne sont pas toujours le résultat d'un choix propre. Ils sont en grande partie une réponse aux handicaps des pratiques scolaires au niveau supérieur.

Face aux nombreux problèmes infrastructurels couplés à la faible diversité d'offres de formation, des grèves à répétition et d'effectifs pléthoriques dans les établissements au

116 http://journals.openedition.org/ripes/3248

62

Gabon, l'émigration scolaire s'avère être une réponse indispensable à la demande des gabonais qui, chaque année, postulent dans l'enseignement postsecondaire. Ainsi, si ce mouvement migratoire rend le Gabon dépendant de l'extérieur pour la formation de son élite intellectuelle, cette dépendance est une entrave à la souveraineté académique nationale. Elle traduit l'incapacité du Gabon à assurer l'entièreté de la demande académique locale.

3.2.1.1. Le Gabon face à la compétitivité académique étrangère

Terme souvent employé dans plusieurs domaines pour sous-tendre l'idée de concurrence ou de rivalité, la compétitivité est une notion d'essence économique qu'il n'est pas facile de définir et de mesurer. Elle s'apparente toutefois à la capacité d'une entreprise à affronter la concurrence d'autres entreprises, en vue de s'assurer une position. Elle est aussi la « capacité d'une économie nationale à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d'emploi117 ».

Bien qu'étant « à l'origine une notion appliquée à des produits ou à des firmes118 », la compétitivité ne relève pas seulement du seul domaine des entreprises. Suivant une approche scalaire intéressante, Jacques Lévy « considère la compétitivité d'un territoire comme les effets positifs de son inscription dans un marché d'échelle supérieure119». Cette esquisse de définition appelle évidemment de nombreux compléments. Dans une approche géographique, Olivier DOLLFUS120 rappelle le lien étroit entre compétitivité et géographie. Il assimile cette notion à un « processus darwinien121 » dont l'enjeu est de permettre à des « groupes d'entreprises ou un pays de gagner des parts de marché122».

Ainsi, en associant cette notion au domaine académique, la compétitivité trouve dans la pensée darwinienne une nouvelle présentation du rapport de force entre pôles académiques (dominants) et périphéries (dominés). Cette description suit le principe de Pierre VELTZ pour qui « dans l'espace globalisé, les territoires, les nations, les villes sont de plus en plus explicitement mis en concurrence123», dans plusieurs domaines.

117Luc DENAYER, Siska VANDECANDELAERE, 2012. « Les défis de la compétitivité, reflets et perspectives de la vie économique », De Boeck Supérieur, revue tirée de Reflets et perspectives de la vie économique, p.5. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vieeconomique-2012-1-page-5.htm 118Gilles ARDINAT, 2013. Géographie de la compétitivité, Paris, Presses Universitaires de France, p. 19. 119Idem

120Olivier DOLLFUS, 1995. « Mondialisation, compétitivités, territoires et marchés mondiaux », L'espace géographique, n°3, p.270.

121Idem

122 Ibidem

123Pierre VELTZ, 2014. « La compétitivité par l'organisation », dans Mondialisation, villes et territoire, p.159 (en ligne). Disponible sur URL : https://www.cairn.info/mondialisation-villes-et-territoires--9782130627760-page-159.htm .

63

Nous rappelons qu'une éducation de qualité au niveau local est déterminante pour la compétitivité du pays à l'international. On peut déterminer qu'un territoire est académiquement compétitif ou non, par sa capacité à attirer vers lui des flux. Bien qu'aucune définition et méthode de mesure précise ne s'est encore imposée au sujet de la compétitivité, il n'en demeure pas moins qu'elle peut se lire à la fois sur le niveau d'attraction (dimension qualitative) ainsi que sur le nombre de personnes attirées (dimension quantitative). De même, elle peut aussi se lire dans les rapports internationaux où sont classées les meilleures universités au monde.

3.2.1.2. Les classements internationaux

Nés dans les années 2000, les « ranking » ou classements d'établissements de recherche et d'enseignement supérieur, sont des entités établissant des comparaisons d'établissements selon des critères quantitatifs et qualitatifs. Ils émergent dans un environnement compétitif entre établissements favorisant la prolifération de classements internationaux. Produits par divers entités (sociétés privées d'analyse d'information, des éditeurs scientifiques commerciaux ou des groupes publics de recherche), deux principaux types de classements internationaux se distinguent :

? Les classements intégrant les établissements publics de recherche, comme Scimago Institutions Rankings (SIR), Nature Index, Ranking Web of World Research Centers ;

? Les classements uniquement consacrés aux établissements d'enseignement supérieur (universités, écoles supérieures), comme Academic Ranking of World Universities (ARWU) plus connu sous l'appellation classement de Shangaï, Ranking Web of Universities, CWTS Leiden Ranking, THE World University Rankings, U-Multirank, QS World University Rankings.

Pour mesurer cette compétitivité, nous nous baserons sur deux types de classements internationaux à savoir le US News & World Report et le Academic Ranking of World Universities (ARWU) plus connu sous l'appellation de classement de Shanghai.

3.2.1.3. Les critères des classements

Les critères quantitatifs et qualitatifs de ces classements sont les effectifs de scientifiques et d'étudiants, le volume et la qualité de la production scientifique écrite, la qualité de l'enseignement, le rayonnement international ou l'attractivité de l'établissement.

Les critères quantitatifs prennent en compte les effectifs de scientifiques et d'étudiants, ressources contractuelles de l'établissement, nombre de prix Nobel et de médailles Fields,

nombre d'articles publiés dans les revues à haut facteur d'impact, nombre de chercheurs dont les articles sont les plus cités dans leur domaine, nombre d'articles de revues référencés dans des bases de données internationales (Scopus, Web of Science...), nombre de citations reçues par les articles publiés, nombre de publications scientifiques citées dans des brevets...

Les critères qualitatifs intègrent les niveaux des diplômes délivrés, degré de spécialisation de l'établissement, statut légal de l'établissement, réputation de l'établissement auprès des étudiants ou des enseignants-chercheurs ou d'employeurs et de partenaires...

Ainsi, en mettant en adéquation le Gabon et la compétitivité extérieure, il ressort du magazine US News & World Report124 (2022), qu'aucun établissement d'enseignement supérieur gabonais n'est ni dans le lot des 1750 écoles d'enseignement supérieur répertoriées dans le monde, ni dans celui des 66 d'Afrique. Le rapport reconnait en l'Afrique du Sud, la position de pôle de formation sur le continent africain. L'Egypte « reste cependant le pays le plus représenté avec 22 universités qui figurent dans le classement. Une seule université francophone (hors Maghreb) apparaît dans ce tableau des meilleures écoles d'enseignement supérieur africaines. Il s'agit de l'Université de Yaoundé au Cameroun125 ». Cette absence est également constatée dans le « classement Shanghai de 2021 » et elle en dit long sur la place du Gabon dans la sphère académique mondiale. Serge LOUNGOU parle d'ailleurs de « rapport de force inversé » du Gabon en ce qui concerne la formation supérieure. Témoignant ainsi de l'échec des universités locales à se hisser à un niveau de reconnaissance international. La figure qui suit, présente l'analyse que l'on porte sur la place du Gabon dans la sphère académique mondiale.

64

124 Ce classement est basé sur plusieurs indicateurs tels que la performance de recherche universitaire et la réputation mondiale et régionale

125 https://www.gabonreview.com/meilleures-universites-africaines-en-2022-luob-aux-abonnes-absents

65

Figure 1: Le Gabon dans la sphère académique mondiale

Source : Classement Shanghai et magazine US News & World Report/ Orientation : Serge LOUNGOU

L'examen de cette figure montre que le système académique mondial est structuré en zones académiques d'influences. Cette structuration cadre quelque peu avec la structure économique des pays à l'échelle mondiale. Au premier rang, on retrouve les pays du centre. Il s'agit des pays d'Europe de l'ouest, des États-Unis, du Canada, etc. Á eux seuls, ils détiennent les meilleures universités au monde et occupent les premières places dans les différents classements internationaux. La seconde catégorie est dominée par les pays Émergents ainsi que les nouveaux pays industrialisés. Ils disposent d'une représentativité qui n'est pas des moindre. Dans ce groupe on peut citer les BRICS, Israël, l'Arabie Saoudite, etc. Enfin, la dernière est une catégorie qui fait office de périphérie. Bien qu'elle englobe des pays engagés dans un processus de progression de leur domaine scolaire, il n'en demeure pas moins qu'elle reste sous-représentée. Dans cette périphérie, on retrouve le Gabon. Une périphérie de la périphérie. Au regard de sa place inexistante dans le classement des établissements perçu comme référence de formation au monde, il « apparait ainsi relégué au rang de périphérie de

66

troisième niveau. Une sorte d'angle mort à la remorque d'autres pays africain auquel il sert de réserve de chasse aux étudiants126 ».

3.2.2. L'enjeu sécuritaire de l'émigration scolaire au Gabon

L'émigration scolaire des étudiants gabonais cristallise un enjeu sécuritaire voire humain. On peut justement le constater à travers les décès de Christ Dorient DIVOKO127, de Ketch OBORO en 2020 (en Russie) ainsi que Jeannah Danys DINABONGHO en 2023 (Turquie) dans leurs pays de formation. Le cas de la jeune étudiante DINABONGHO dite « Dina », avait provoqué de vives émotions et entrainé de nombreuses mobilisations aussi bien dans son établissement à Karabük, à l'ambassade de Turquie au Gabon ainsi que sur la « toile ». Faisant corps avec cette tragédie qualifiée par certains comme une « noyade » ou un « assassinat », le ministère gabonais des affaires étrangères avait fait part, via un communiqué à GabonTélévision de « sa consternation et sa vive préoccupation après l'assassinat » de sa jeune compatriote.

Aujourd'hui encore, des voix continues de retentir face à ce décès. Dans un point de presse tenu en le 21 juillet 2023, une organisation féministe organisée autour du collectif « Féministe pour Dina » dénonçait certains abus dont sont victimes plusieurs immigrés. Á cet effet, le collectif estimait que « Dina a été victime du racisme qui fait de tous les réfugiés et immigrés des cibles » et rejetait le qualificatif de « mort suspecte » retenu par les autorités turques128.

Ainsi, garantir la sécurité des populations est une prérogative des dirigeants de chaque État. Ces pertes qui, dans certains cas, évoquent la question négrophobe et raciale, sont des interpellations à l'endroit des autorités gabonaises sur les accords de coopération tissés entre le Gabon et certains pays où émigrent les étudiants.

3.2.3 Les enjeux culturels de l'émigration scolaire

Au-delà de l'impact socioéconomique et géopolitique, l'accueil des étudiants a un enjeu culturel notamment en prenant en compte des aspects liés à l'identité nationale et d'acculturation. En effet, en allant à l'étranger, les étudiants gabonais partent avec des valeurs qui reflètent les pensées, les traditions, les croyances, la culture voire l'identité gabonaise.

126Serge LOUNGOU, 2021. Op. Cit, p.12.

127Morel MONDJO MOUEGA, 2017. Un étudiant gabonais trouve la mort en Afrique du Sud.URL : https://www.gabonmediatime.com/un-etudiant-gabonais-trouve-la-mort-en-afrique-du-sud/

128 Https://information.tv5monde.com/afrique/gabon-selon-la-maman-de-dina-le-gouvernement-turc-sait-quelle-ete-assassinee-2659475

67

Toutefois, « si l'identité peut se définir par rapport à la façon dont un individu se perçoit, se présente et se représente, elle est bien évidemment influencée par des paramètres socioculturels, et géographiques par rapport à l'endroit où il vit129».

Sous l'influence d'un environnement différent de leur espace de départ, l'arrivée et l'installation à l'étranger pourraient entraîner chez les émigrés scolaires, des modifications substantielles, étant donné que la migration, constitue un moment de brassage (social, culturel), d'interactions, d'influences réciproques. Elle est un moment, propice à la construction d'une interculturalité entre l'émigrant et son pays d'accueil. Ainsi, cette forme de « malléabilité identitaire130» résultante des interactions entre « émigrés scolaires » et espaces d'accueils « permet bien souvent de dépasser l'étape de la migration pour entrer dans une dynamique d'évolution identitaire131».

En favorisant les relations interculturelles, l'accueil favoriserait l'acculturation qui est définie comme « l'ensemble des phénomènes et des processus qui accompagnent la rencontre entre deux cultures différentes132» qui peut se traduire par « l'intégration, l'assimilation, la séparation et la marginalisation133». Concernant les étudiants gabonais à l'étranger, le sentiment d'appartenance de ces derniers au pays d'accueil ainsi qu'à leur pays d'origine (Gabon) est mentionné dans le tableau ci-dessous.

Tableau 18: Avis des émigrés scolaires gabonais sur leur attachement au pays d'accueil

Attachement au pays
d'émigration scolaire

Effectifs

Pourcentage (%)

Oui

51

51

Non

43

43

Abstention

6

6

Total

100

100

Source : Enquête de terrain, 2023.

129Olivier DAMOURETTE, 2022. De l'importance de la géographie dans l'étude du lien entre mouvements de populations et transformation culturelle. Francophonie(s) africaines(s) : langues, culture et identités au prisme de l'interculturel, Université Sultan Moulay Slimane. URL : https://shs.hal.science/halshs-04087052

130 Idem.

131Ibidem

132 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/acculturation

133 John BERRY, 1997. Immigration, acculturation and adaptation, Applied psychology, Volume 46, issue 1, pp5-34. URL : https://iaap-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1464-0597.1997.tb01087.x

68

Ce tableau montre que la majorité des émigrés gabonais (51 %) estiment avoir un attachement particulier avec leur pays d'accueil. Près de l'autre moitié, 43 % pensent ne pas en avoir et 6 % se sont abstenus sur la question. Les données collectées montrent que cet attachement est justifié par : la durée du séjour, les liens socioculturels (création de famille avec les nationaux, amis, le train de vie dans les pays d'accueil, accueil des populations locales, la langue, etc.), la reconnaissance de la formation reçue, l'environnement politique et le projet professionnel.

En outre, dans le contexte global d'accroissement des interdépendances socio-économiques entre les États de la planète, la mobilité scolaire «favorise la compréhension interculturelle et la valorisation de la diversité134 ». Les expériences de mobilité permettent aux étudiants d'apprendre davantage des autres cultures du monde. « Ainsi, l'appréciation et la compréhension des enjeux internationaux par les étudiants constituent le principal bénéfice attendu de la mobilité scolaire135 ». Dans le même élan, l'émigration scolaire est une façon de former des citoyens plus ouverts à la diversité culturelle.

Bien qu'étant bénéfique pour l'État en ce sens qu'elle participe à la formation de l'élite intellectuelle gabonaise et la prépare à répondre aux défis posés par le développement, l'émigration scolaire au Gabon comporte plusieurs enjeux. Dans son volet socio-économique, elle met en exergue l'épineuse problématique des coûts de ce mouvement de populations. Il ressort de celui-ci deux volets. D'une part l'émigration scolaire coûte cher à l'Etat, d'autre part elle pèse sur les finances des familles qui supportent son poids. En dépit de cet impact financier, il pose un enjeu sécuritaire, si non humain. Par ailleurs, ces enjeux sont aussi d'ordre géopolitique et culturel. Ces derniers soulèvent les problématiques de dépendance, de rapport de force inversé, de faible compétitivité et d'acculturation.

134Groupe d'étude sur l'éducation mondiale, Éducation mondiale pour les Canadiens : Outiller les jeunes Canadiens pour leur réussite au Canada et à l'étranger, novembre 2017, p. 11.

135 Eva EGRON-POLAK, Ross HUDSON, 2014. Executive summary - Internationalization of Higher Education: Growing expectations, fundamental values, International Association of Universities 4th Global Survey.

69

CHAPITRE 4 : LE DOMAINE SCOLAIRE, UN ENJEU DE SOFTPOWER

L'éducation est reconnue comme un droit fondamental par les Nations Unies et constitue un facteur important de développement des États. Dans un monde en perpétuel compétition, l'éducation est à la fois un aspect fondamental de l'influence d'un pays et un moyen pour accéder à la puissance. Ce chapitre analyse la question scolaire comme enjeu de soft power, d'une part, et examine la nécessité d'améliorer le système scolaire gabonais, d'autre part.

4.1. Puissance et domaine scolaire

La géopolitique est définie comme l'étude des « dimensions géographiques de la puissance136». Dans sa démarche, elle analyse les « rivalités de pouvoirs ou d'influences sur des territoires et des populations qui y vivent137 ». Á travers ces deux déclinaisons, cette notion semble revêtir un intérêt particulier pour cette discipline scientifique. D'ailleurs pour percevoir cette réalité, Fréderic ENCEL affirme que « la question de la puissance est à la fois le coeur et le fil rouge de la géopolitique138 ». Notion complexe et polysémique, la puissance pourrait s'entendre comme la capacité qu'a un acteur à imposer ses choix aux autres acteurs. Autrement dit, elle est « le fait d'agir en toute souveraineté139 ».

Traditionnellement, on distingue la puissance dure (hard power) et la puissance douce (soft power)140. La première a longtemps été déterminée par la capacité militaire, l'économie, la démographie, la géographie et les ressources naturelles. Avec le temps, la notion de puissance s'est élargie. Elle a eu comme déterminant l'industrie, la finance, la culture, les nouvelles technologies et l'éducation141.

Contrairement aux idées reçues, la puissance n'est pas simplement un « phénomène foncièrement négatif qui renverrait seulement à l'idée de violence142 ». Être en mesure d'offrir un enseignement supérieur de qualité est devenu un enjeu de puissance pour les États car la reconnaissance au niveau international des universités d'un pays participe à l'influence de ce dernier sur la scène internationale.

136Frédéric MUNIER, 2021. Puissance et Géopolitique, in « Géopolitique et Géoéconomie du monde contemporain», la Découverte, p9. Disponible sur URL: https://www.cairn.info/geopolitique-et-geoeconomie-du-monde-contemporain--9782348070037-page-9.htm

137Idem

138Ibidem.

139 Frédéric ENCEL, 2022. Les voix de la puissance : penser la géopolitique au XXIème siècle », ODILE JACOB p 10.

140A ces deux formats de puissance, on a également le smart power. 141www.vie-publique.fr/fiches/38150-quels-sont-les-elements-de-la-puissance-des-etats

142 Frédéric ENCEL, 2022. Op cit, p7.

70

4.1.1 L'éducation au fondement de la puissance des États

« Il n'est de meilleures ressources que la valorisation du savoir143 ». En interrogeant la téléologie de l'éducation, COMENIUS144 pense que son but est celui de « former l'homme ». Fondamentalement, former c'est éduquer, façonner ou instruire. Plus explicitement, « c'est traiter les apprenants comme des élèves, c'est-à-dire comme des êtres en devenir qu'on élève à la condition d'Hommes par l'instruction145 ». Suivant cette approche, former un homme c'est potentiellement transmettre à celui-ci des connaissances et des valeurs, de sorte que les compétences acquises soient profitables à lui et sa communauté.

De même, l'école est un levier nécessaire au développement d'une nation car c'est elle qui bâtit les hommes et participe à la construction identitaire d'un pays. Par les différents mécanismes d'instruction, l'éducation permet non seulement de comprendre les fondements historiques d'un pays mais participe à « son émancipation, sa libération, à la maîtrise de ses moyens, de son destin, à la gestion de ses possibilités, de ses ressources, à la transmission de ses structures économiques et sociales146 », donc à la production des richesses diverses.

Aussi, la production des connaissances peut être considérée comme le principal facteur de l'essor économique et social. A cet effet, l'histoire de l'évolution des sociétés renseigne d'ailleurs que, même si « dans les pays industrialisés, le développement économique a précédé le développement éducatif, la séquence a été en partie inversée depuis la Seconde Guerre mondiale dans les nouveaux pays industrialisés et les pays émergents147 ». Dans ces espaces, « la croissance économique rapide, accompagné d'une amélioration du niveau de vie des populations, est concomitante à un développement sans précédent de la scolarisation148 ». Même si le processus de développement ne renvoie pas au mimétisme, force est de constater, en analysant les trajectoires de développement des sociétés humaines, le rôle tenu par l'école.

Au Gabon, l'éducation demeure indéniablement un facteur de développement et d'ascenseur social. Pour cela, il est essentiel que ce pays fasse « la politique de sa

143 Frédéric ENCEL, 2022. Op cit, p108.

144COMENIUS (en tchèque Jan Komensky) passe pour être le fondateur, le père de la pédagogie de la modernité. Il composa sa Didactica Magna (Grande Didactique) entre 1628-1632, avec une édition complète en 1657. Il promet « un art universel de tout enseigner à tous ». 145 https://cahigec.e-monsite.com/pages/espace-libre-propos/l-ecole-au-gabon-la-crise-du-sens.html

146Ces propos ont été tirés du résumé de Vincent ESSONO ASSOUMOU sur « L'école gabonaise et ses reformes cosmétiques ».

147 Philippe HUGON, 2005. « La scolarisation et l'éducation : facteurs de croissance ou catalyseurs du développement ? ». Article tiré dans Mondes en développement, N°132, p.22.

148Nolwen HENAFF, 2017. Le financement de l'éducation en Asie : mythes et réalités, Revue internationale d'éducation de Sèvres, n°68, p.112 (en ligne). URL : http://journals.openedition.org/ries/4363

71

géographie149 » tout en restant ouvert aux secteurs innovants. Cela suppose que le Gabon doit planifier son modèle académique en tenant compte de sa géographie à la fois physique et humaine. Ses formations doivent prendre en compte son domaine forestier150 immense, son sol et sous-sol riche et diversifié et son espace maritime aux ressources naturelles importantes.

Partant de ces caractéristiques, un modèle de développement économique qui passe par la formation, doit reposer sur les domaines inscrits ci-dessus. Dans le Plan Stratégique Gabon Emergent, ce modèle est en quelque sorte pris en compte dans le « Gabon vert, le Gabon industriel et le Gabon des services ». En consacrant des efforts budgétaires conséquents à la formation scientifique, technologique, minière, médicale et universitaire, le Gabon peut fonder « les voies de sa puissance ».

La première mesure qui pourrait aller dans ce sens serait déjà de réformer intégralement le système de formation gabonais. Dans un Café mathématique tenu en 2018 par l'Organisation des mathématiciens et enseignants du Gabon (Omega), les organisateurs soulignaient que le système éducatif actuel au Gabon, n'accordait que très peu d'importance aux séries scientifiques. Sur l'année académique 2016-2017, les statistiques montrent que 12 781 élèves étaient inscrits dans les terminales littéraires contre 2 236 élèves dans les terminales scientifiques, soit seulement 15 % des élèves dans les terminales scientifiques151.

Etant donné que le Gabon est un pays à fort potentiel maritime, minier, pétrolier et forestier, ces proportions ne permettent pas d'avoir des ressources humaines compétentes, essentielles à répondre aux défis de la transformation de ces secteurs. Ainsi, pour de meilleurs rendements, il serait souhaitable d'inverser les normes de formation locale. Cela passe par l'amélioration des capacités d'accueil dans les établissements d'enseignement, la restructuration de l'offre de formation nationale par l'introduction des formations techniques et scientifiques depuis l'école primaire, l'investissement dans des secteurs porteurs d'avenir, la formation des enseignants et des élèves dans les domaines des sciences et l'amélioration des conditions d'enseignement des enseignants. Le Gabon tirerait ainsi profit de son école en appliquant des politiques et des stratégies propres et en orientant son système de formation

149Napoléon BONAPARTE rappelle sous cette citation, la prégnance de la géographie, du territoire dans la modélisation des actions politique des Etats.

150 Recouvert par 23 millions d'hectares de forêt humide, soit 85% de sa superficie et des mers (les eaux représentent 42% du territoire gabonais.), le Gabon dispose d'un territoire aquatique estimé à 210 000 km2, possède un réseau hydrographique de 10 000 km2 destinée à irriguer la forêt tropicale.

151Cafés mathématiques : Valoriser les filières scientifiques, Publié le lundi 17 septembre 2018 par GabonReview. URL : http://www.news.alibreville.com/h/83880.html . Consulté le 29 mai 2023

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vers une école qui s'appuie sur le substrat géographique et non plus qu'exclusivement sur la demande du marché.

4.1.2. L'émigration scolaire au Gabon obéit-elle à une stratégie de l'État ?

Pays à revenus intermédiaires, le Gabon est caractérisé depuis des années par une dépendance à ses ressources naturelles (pétrole, manganèse, bois...). Ayant pris conscience de cette dépendance, le Gabon a élaboré en 2010, une stratégie de transformation économique, industrielle, au sein de laquelle, l'agriculture et le bois jouent un rôle central dans la diversification de son économie. Malgré ce projet ambitieux, le Gabon doit faire face à un déficit en personnes qualifiées dans les domaines précités.

Au regard de ces difficultés, les autorités gabonaises ont entrepris depuis 2012, comme ce fut le cas en 1960152, de mettre la formation au coeur de la stratégie de développement économique et social du Gabon. Cette stratégie se retrouve dans le troisième pilier du PSGE qui définit la formation comme facteur essentiel au développement du capital humain gabonais. Dans sa visée, la formation doit permettre d'offrir une « éducation de qualité à tous pour favoriser l'ascension sociale, de doter la nouvelle économie du Gabon Emergent, des qualifications et compétences dont elle a besoin153 ».

Pour la formation de cette élite intellectuelle, indispensable à sa transformation économique, sociale et industrielle, plusieurs ministères et agences sont impliqués dans la réalisation de ce projet. Il s'agit notamment du ministère de l'éducation Nationale (MEN), du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et du transfert des technologies (MESRSTT) et du ministère de l'emploi, de la fonction publique, du travail et de la formation professionnelle, chargé du dialogue social (MEFPTFPDS). L'ANBG et le SOSUP veillent à l'application des instructions édictées par l'État au sujet de la formation et l'orientation scolaire. Ces dernières s'appuient sur une politique qui tient compte des besoins de l'État et des entreprises gabonaises.

Dans son plan de formation des boursiers à l'étranger, la politique d'orientation tient compte des filières inscrites comme prioritaires et secondaires pour l'État. Les formations prioritaires concernent en majorité les secteurs scientifiques et technologiques. Les filières secondaires regroupent les enseignements issus des secteurs littéraires, des sciences humaines et sociales, du droit et de l'économie. Le tableau suivant présente les domaines prioritaires de l'État gabonais.

152 Mesmin-Noël SOUMAHO, 2004. Éducation, tiré de « Atlas du Gabon », éditions J.A, p48.

153 Plan Stratégique Gabon Emergent

73

Tableau 19: Les filières et les spatialités prioritaires de l'État Gabonais

FILIERES

SPECIALITES

NIVEAU D'ACCES

Aviation et Navigation
aérienne

Pilote, Contrôleur Aérien

Météorologie Navigateur Aérien

Baccalauréat
scientifique,
Technologique et
Licence scientifique

Agriculture et Agronomie

Agronomie Production Animale et Végétale

Agronomie Ingénieur Industrielle Et
Alimentaire Génie Rural

Baccalauréat
scientifique DUT,
Licence Professionnel
ou équivalent

Bois et Environnement

Systèmes constructif Bois et Habitat, Génie Bois et Ameublement, Production Bois et Ameublement

Baccalauréat
scientifique et
Technologique

Informatique et Nouvelles
technologies de la
communication

Relations publiques
stratégiques
internationales et
intelligence économique

Informatique MIAGE (Maîtrise Informatique

Appliquée à la Gestion des Entreprises),
Réseaux et Telecom Informatique de Gestion,

Infographie et Multimédia
Analyse Programmeur

Relations publiques, Relations internationales, relations publiques, stratégies internationales et intelligence économique

Baccalauréat
scientifique DUT,
Licence Professionnel
ou équivalent

Baccalauréat littéraire et économique

Information et
communication

Science de l'information et communication, Journalisme, Création publicitaire, Audiovisuel,

responsable d'édition, Communication
multimédia

Baccalauréat littéraire et économique

Éducation et enseignement

Enseignement, Science de l'éducation,

Education physique et sportive

Baccalauréat
littéraire, scientifique
et économique

Mécanique et technologie
industrielle

Mécanique, Électromécanique,

Electrotechnique, Génie Industriel et
Maintenance, Diagnostics et interventions sur équipement et systèmes, Génie Mécanique et Productique

Baccalauréat
Scientifique et
Technologique,
Bac+2/3

Architecture et conception

Architecture, Urbanisme, Gestion Urbaine, Art et Décoration, Architecture d'intérieure

Baccalauréat
scientifique,
technologique et
économique

Bâtiment- Pont et
Chaussée

Bâtiments et Travaux Publics, Ponts et

Chaussées, Génie et Infrastructures,
Topographie, Construction Métallique

Baccalauréat
Scientifique et
Technologique,
Bac+2/3

74

Mines et Pétrole

 

Ingénierie Pétrolière, Ingénierie des Mines,

Géophysique de Surface et Subsurface, Génie Pétrochimie, Génie Géologie et Pétrole

Baccalauréat
Scientifique et
Technologique,
Bac+2/3

Biologie-Biotechnologie
médicale

Imagerie Médicale, Biotechnologie, Génie

Biologie, Biologie Industrielle, Biologie

Médicale, Bioproduction, Chimie Biologie
Géologie

Baccalauréat
scientifique,
technologique,
Bac+3/4

Sciences et Environnement

QHSE, Géosciences et Environnement,

Ingénierie de l'eau et de l'environnement,
Mécanique Ingénierie environnement, Géologie

Baccalauréat
scientifique/ Bac+3/4

Médecine et santé

Médecine, Génétique, Ophtalmologie,

Pharmacie, Pharmacologie Science du
médicament vétérinaire, Technicien de Biologie Médicale

Baccalauréat
scientifique

Source : Site officiel de l'ANBG, 2023.

Après la présentation de filières considérées comme prioritaires pour l'État, le tableau suivant montre les filières secondaires de l'État gabonais.

Tableau 20: Les filières de formation et spécialités secondaire de l'Etat

FILIÈRES

SPÉCIALITÉS

NIVEAU D'ACCES

Économie-Commerce-Marketing Marketing et

Management

Commerce, macro économie, statistiques, Gestion et pilotage des projets, Commerce et distribution, et stratégies commerciales, Commerce internationale et marketing, Management, sciences

économiques, gestion de ressources humaines,
marketing et communication

Baccalauréat Technologique, Scientifique et Economique

Lettres-Sciences
Humaines

Lettres modernes, sociologie, anthropologie,

psychologie, philosophie, science du langage,

Géographie, Sciences politiques, Langues
étrangères appliquées, Sciences sociales, Histoire et Archéologie,

Baccalauréat Littéraire et Economique

Droit et Sciences
Juridiques

Droit public et privé, Droit des affaires et fiscalité, Carrières juridiques, Notariat

Baccalauréat Littéraire et Economique

Source : Site officiel de l'ANBG, 2023.

Les tableaux montrent que l'émigration scolaire des étudiants boursiers est codifiée par une politique d'orientation même s'il est difficile d'affirmer que cette politique obéit à une stratégie. Il y a certes des filières qui figurent comme prioritaires ou secondaires pour l'État, mais cela ne suffit pas pour que l'on parle de stratégie car la stratégie renvoie à la manière d'élaborer, de diriger et de coordonner des plans d'actions afin d'aboutir à un objectif déterminé et programmé sur le court, le moyen ou le long terme.

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L'État devrait donc se fixer de réels objectifs. Le premier d'entre eux serait d'étendre sa stratégie à l'enseignement secondaire. Penser à une stratégie de formation de l'émigration scolaire sans gérer le rapport entre le nombre d'élèves formés dans les sciences et celui formé dans les séries littéraires, c'est agir de manière spontanée. Résoudre l'inadéquation entre le nombre de scientifiques formé et celui des littéraires serait un pas vers une vision plus construite. Aussi, l'État devrait fixer des quotas de personnes à former dans les secteurs qu'il estime stratégique, de même qu'il devrait préparer un cadre permettant à ceux qui sont formés de mettre en valeur leurs connaissances.

En outre, il faut souligner que la politique d'orientation de l'État est restreinte, c'est-à-dire qu'il n'applique pas à tous les émigrants scolaires les mêmes mesures d'encadrement. De ce fait, il arrive que certains choix de formation des étudiants gabonais à l'étranger s'écartent des filières dites prioritaires ou secondaires de l'État. Il serait judicieux de mettre en place une plateforme globale d'orientation prenant en compte les étudiants boursiers et non boursiers.

In fine, le domaine scolaire peut être source de puissance si et seulement s'il bénéficie d'un réel investissement des autorités étatiques. Par des actions coordonnées et structurées, il peut engendrer de meilleurs résultats sur la formation, les projets de développement et la vie socio-économique. Pour cela, l'émigration scolaire doit suivre une stratégie efficace de l'État.

4.2. Réflexion autour de la nécessité pour le Gabon d'améliorer son système éducatif

Le développement de la scolarisation a débuté au Gabon dès l'époque précoloniale avec « la création en 1844, des premières écoles par les missions évangéliques américaines, puis par la Société des Missions évangéliques de Paris154 ». Mais l'école comme institution a fait son apparition au moment de la colonisation française. Elle est donc le résultat d'une transplantation du système éducatif français. Touchée par plusieurs maux, son développement est remis brutalement en cause au cours de la période1980-1985 par la crise économique et financière qui a secoué l'ensemble des pays africains. « Cette crise va entrainer un recul de la scolarisation et elle aura pour conséquence l'intervention accrue des bailleurs de fonds qui tenteront par des aides financières d'impacter les politiques d'éducation des pays africains155».

Face à cela, d'importantes conférences internationales sur l'éducation ont eu lieu au cours de ces années. Ces rencontres qui font office « d'agendas internationaux pour

154Mesmin-Noël SOUMAHO, 2004. Op. Cit, p.48.

155 Marie-France LANGE, 2006. « École et mondialisation », Cahiers d'études africaines, p146 (En ligne). Article disponible sur URL : http:// www.journals.openedition.org/etudesafricaines/194

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l'éducation156» cadrent avec le processus de « mondialisation qui marque la mise en place d'un nouveau système de domination fondé sur l'imposition de la logique de marché à toutes les sphères de la société (économique, sociale, politique, culturelle, éducative...)157 ». A cet effet, à travers les aides publiques au développement de certaines organisations internationales (ONU, Banque Mondiale, etc.), on va assister à la production et la diffusion de plusieurs nouvelles normes scolaires d'essence néolibérale à l'instar de celle du capital humain. Cette théorie qui est mise en évidence dans le PSGE, cadre avec « un processus de globalisation qui contribue à une certaine forme de standardisation des politiques éducatives au niveau mondial158 ».

4.2.1 L'école gabonaise, un aspect de la souveraineté nationale

L'émigration scolaire évoque l'idée de mouvement, tout en renvoyant aux notions d'éducation et de formation. Ce terme est étroitement rattaché aux concepts de puissance et de souveraineté. Du latin « superus » qui veut dire « dessus », la souveraineté désigne initialement « l'exercice du pouvoir sur une zone géographique et sa population159». Elle est considérée en droit comme étant la « qualité de l'État de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but qu'il est appelé à réaliser160 ». D'autres auteurs comme Stephen KRASNER voient dans ce concept deux idées principales : l'autorité et le contrôle. Mais, la souveraineté sous-tend également l'idée d'autonomie et d'indépendance, c'est-à-dire la capacité à dépendre d'abord de soi et de n'être contraint par rien d'extérieur.

Le Gabon, « au sortir de l'indépendance en 1960, les finalités assignées par les pouvoirs publics à l'enseignement convergent vers l'idée d'une éducation pour le développement économique et social161 ». Mais, bâti sur des bases pas suffisamment endogènes, il n'y a pas eu une « décolonialité éducative162 ». De même, en raison du malaise

156 https://www.cairn.info/quelle-coherence-pour-l-education-en-afrique--9782804189471.htm

157Marie-France LANGE, 2006. Op cit, p.43.

158Hhttps:// corafrika.org/chapitres/souverainete-educative-des-pays-africains-linfluence-de-la-france-a-travers-le-pole-de-dakar/

159Le blog Juridique, 2022. Quelles sont les limites de la souveraineté ? Cours de Droit. URL : https://www.doc-du-juriste.com/blog/conseils-juridiques/quelles-limites-souverainete-05-12-2022.html

160Idem

161Mesmin-Noël SOUMAHO, 2004. « Éducation », In Atlas de l'Afrique : Gabon, Éditions J.A, p48.

162Cheikh FAYE, 2021. « Souveraineté éducative des pays africains : l'influence de la France à travers le Pôle de Dakar », in Kously LAMKO, Amy NIANG, Ndongo Samba. SYLLA, Lionel ZEVOUNOU (dir.), De Brazzaville À Montpellier. Regards critiques sur le néocolonialisme français. Collectif pour le Renouveau

Africain - CORA Éditions, Dakar, p.147 (en ligne). Disponible sur URL :

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auquel elle est confrontée, l'école gabonaise n'arrive toujours pas à engendrer le développement, ceci malgré la tenue des états généraux de l'éducation (1983 et 2010) ainsi que la création de task-force sur l'éducation en 2018. Au regard de cela, la formation au niveau local se trouve sinistrée.

Face à cela, le Gabon est tenu de composer avec les pays étrangers pour répondre aux besoins éducatifs de ses apprenants. Pourtant, « on dit bien éducation nationale comme on dit défense nationale163 ». L'éducation est un aspect important de la souveraineté d'un État. Dans cette mesure, il conviendrait à l'État gabonais de mettre en place, sur le plan local, les conditions d'une école souveraine. Ces conditions pourraient s'appuyer sur deux formes d'autonomisations : l'autonomisation structurelle et l'autonomisation substantielle.

L'autonomisation structurelle peut renvoyer à un processus au cours duquel l'État sort affranchi d'une situation de sujétion. Dans le cas de notre sujet, il s'agit de sortir de la dépendance envers les pays d'émigration scolaire des étudiants gabonais. L'autonomisation structurelle viserait à atteindre l'autosuffisance infrastructurelle au niveau postsecondaire qui passerait par la réfection des structures de formation existantes et la construction de nouvelles structures de formation. Concrètement, il conviendrait de « réaménager et agrandir les 3 universités publiques existantes sur le territoire et relancer les projets de construction d'universités à Port-Gentil, Mouila et Oyem où pourraient être créées de nouvelles filières professionnelles164». Ainsi, la création de plusieurs pôles académiques sur l'étendue du territoire aura un impact sur la mobilité académique locale. Elle contribuera aussi à la redistribution des apprenants vers l'hinterland qui souffre depuis des années d'un dépeuplement.

L'autonomisation substantielle peut-être perçue comme un processus idéologique d'émancipation dans les choix fondamentaux qu'un État s'est donné en matière d'éducation. « Ces choix visent à construire une identité académique locale en conformité avec les valeurs constituant l'âme de la société indexée165 ». Il est bien connu, « l'école instruisait avant-hier ; depuis hier on lui demande d'éduquer ; aujourd'hui sa mission se limiterait à déverser les jeunes dans le monde du travail166». L'autonomisation substantielle peut se faire par la restructuration des contenus des programmes et contenus d'enseignements, la mise en place

https://corafrika.org/chapitres/souverainete-educative-des-pays-africains-linfluence-de-la-france-a-travers-le-pole-de-dakar/

163Serge LOUNGOU, 2021. Op. Cit, p.12.

164 https://www.mays-mouissi.com/2018/08/24/education-quelles-solutions-pour-sortir-lecole-gabonaise-du-marasme/

165 Https://cahigec.e-monsite.com/pages/espace-libre-propos/l-ecole-au-gabon-la-crise-du-sens.html

166Idem

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d'un système de formation hybride, flexible entre une éducation traditionnelle et une éducation moderne. Cela permettra aux apprenants d'être sensible aux valeurs universelles de l'enseignement et prompt à l'acquisition des valeurs traditionnelles.

4.2.2. Les avantages d'une formation locale de qualité au niveau postsecondaire

Au Gabon, le système éducatif est hiérarchisé en quatre niveaux distincts que sont l'enseignement préscolaire, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Ce dernier regroupe les enseignements généraux, techniques et professionnels. Pour comprendre les avantages que pourrait engendrer la mise en place de meilleures conditions d'apprentissage au niveau postsecondaire, il faudrait rappeler les fonctions des établissements qui composent ce niveau de formation. Les établissements d'enseignement supérieur ont les fonctions d'éducation, de formation et de développement de la recherche. Au regard de ces attributs, ces établissements seraient des cadres pour les idées nouvelles et favoriseraient l'innovation et la recherche. De même, tout en agissant sur les hommes par l'acquisition des qualités et compétences, ils ont un impact sur les différents secteurs de vie d'un pays.

S'agissant du Gabon, l'amélioration des conditions d'apprentissage au niveau postsecondaire pourrait jouer sur la qualité de ses structures d'apprentissages. Dans un tel cadre, le Gabon réduirait les départs de ses étudiants et sortirait du rang dévaluant de pays « pourvoyeur de matière première intellectuelle ». Par ailleurs, sans véritablement représenter un espace où converge d'importants mouvements d'étudiants, le Gabon reste sevré de l'apport que pourrait représenter l'accueil d'étudiants étrangers. A cet égard, l'amélioration des conditions d'apprentissage dans l'enseignement supérieur au niveau local peut avoir un écho favorable sur l'attractivité de cet espace. En bénéficiant d'une telle attractivité, le Gabon pourrait répondre au rapport de force et à la compétitivité des pays étrangers dans le domaine scolaire. Aussi, en devenant un pays d'accueil, le Gabon engrangerait des ressources économiques non négligeables puisque de nombreuses études à l'instar de celle de Campus France portant sur « l'impact économique des étudiants internationaux en France167 » révèlent l'importance du phénomène de la mobilité entrante d'étudiants étrangers sur l'économie.

167 Campus France, 2022. L'impact économique des étudiants internationaux.

URL : https://ressources.campusfrance.org/publications/observatoire/fr/impact_economique_etudiants_internatio naux fr

79

Aussi, l'impact des universités sur l'économie locale repose sur la fonction de consommation. En effet, la présence d'étudiants et du personnel encadrant sur un territoire permet à la zone considérée de compter une part élevée de jeunes et donc de personnes qui vont consommer des biens et des services sur le territoire. Elle participe au développement d'une économie transversale autour des établissements d'enseignements supérieurs construits pour l'accueil des étudiants. La figure ci-dessous montre quelques activités générées par l'implantation des établissements d'enseignement supérieurs.

Figure 2: Quelques activités transversales générées par l'implantation d'un établissement
d'enseignement supérieur

Source : Rapport Campus France, 2022.

Cette figure présente les activités connexes à l'implantation d'un établissement d'enseignement supérieur dans un espace. Ces activités sont en liées à la fonction de consommation des personnes présentes dans les sites de construction des établissements.

Au final, en « consacrant des efforts budgétaires substantiels à la recherche physique, technologique, médicale, spatiale et universitaire de façon générale privilégie clairement un plus en matière de ressources et, in fine, de puissance potentielle168». A travers la recherche, les établissements supérieurs agissent sur l'économie locale à travers leurs fonctions d'éducation, de formation et de développement des synergies de recherche et de développement avec les entreprises. Aussi, ces établissements agissent comme moteur de l'économie tant au niveau de sa consommation brute (étudiants et personnel inclus) que de sa contribution à l'amélioration du capital humain.

168Frédéric ENCEL, 2022. Op cit, p108

80

CONCLUSION GÉNÉRALE

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Parvenu au terme de ce travail, les principaux objectifs de cette recherche étaient d'analyser la géographie, les facteurs et les enjeux de l'émigration scolaire gabonaise. Il ressort des principaux résultats obtenus au cours de nos enquêtes, que les étudiants gabonais sont disséminés à travers l'Afrique, l'Amérique, l'Asie et l'Europe. De même, le choix du lieu d'orientation peut dépendre des offres de bourse, des coûts des formations à l'étranger, de la condition sociale des parents, de la langue, de la distance entre le pays de départ et le pays d'arrivé, de la réputation du pays d'accueil en termes de formation.

Aussi, l'émigration des étudiants gabonais est liée à un phénomène de répulsion découlant de la crise structurelle et conjoncturelle qui sévit l'école gabonaise. En dehors de cela, nous avons montré que l'attractivité géographique, socioculturelle et infrastructurelle des pays étrangers pouvait expliquer la dynamique de cette mobilité.

En outre, les enjeux socioéconomiques, géopolitiques, sécuritaires et culturels de l'émigration scolaire des étudiants gabonais, ont un effet direct, sur les finances de l'Etat ainsi que sur celles des familles qui ont des enfants émigrés. En plus, ils exposent la dépendance du Gabon face aux pays d'accueil de ses étudiants. De même, les pays d'accueil ont un impact sur la personnalité voir l'identité des émigrants et sont source d'acculturation.

Le chapitre 4, a été axé sur la notion de puissance et son rapport avec le domaine scolaire. Dans celui-ci, nous avons montré que l'éducation constitue un aspect de la souveraineté et un levier indispensable à la transformation sociale, économique, industrielle d'un pays. Pour tirer profit des effets de l'éducation, le Gabon à un intérêt particulier à améliorer qualitativement et quantitativement ses infrastructures et son offre de formation au niveau postsecondaire.

Au terme de ce travail, notons que les trois (3) hypothèses émises au début de cette analyse ont été vérifiées. La première hypothèse (les grèves répétitives dans les universités publiques gabonaises, le déficit et la vétusté des infrastructures, la faiblesse de l'offre de formation, la mondialisation, les effets des médias et des NTIC, favorisent l'émigration scolaire au Gabon) est confirmée. Toutefois, il faut ajouter que les salons internationaux d'orientation, les agences d'accompagnement encouragent les départs massifs des étudiants gabonais à l'étranger. La seconde hypothèse (le principal espace d'accueil des émigrés scolaires gabonais est le continent africain. De même, les destinations des étudiants gabonais sont en grande partie disséminées à travers l'Afrique) est en partie confirmée. Dans le corps de notre travail nous avons vu que l'Europe est le continent vers lequel convergent la majorité des étudiants gabonais. Même si la France constitue la destination la plus sollicitée par les étudiants gabonais, l'Afrique, avec seize (16) pays d'accueils est l'espace qui a le plus de

82

destinations d'arrivées. Parmi ces destinations on peut hiérarchiquement citer : le Maroc, la Tunisie, l'Afrique du Sud, le Ghana, le Sénégal, le Cameroun. De même, la troisième hypothèse (Dans la mesure où elle impacte la société sous les plans économique, politique, social et culturel, l'émigration scolaire comporte des enjeux socioéconomiques, géopolitiques, sécuritaires et culturels) a été vérifiée. L'émigration scolaire des étudiants représente sous son volet socioéconomique, un facteur de dépense pour l'Etat que pour les familles des émigrants. Sur le plan culturel, ce mouvement de population est source d'acculturation et d'altération identitaire. En plus, l'émigration scolaire marque la dépendance du Gabon face aux pays d'accueils de ses ressortissants et cristallise un enjeu sécuritaire après les décès de plusieurs étudiants gabonais à l'étranger.

Si cette recherche a contribué à mieux comprendre les enjeux de l'émigration scolaire au Gabon, elle n'épuise pas toutes les questions ayant trait à l'expérience des émigrés scolaire gabonais. Comme on l'a vu, les problématiques du retour et du non-retour constituent des questions importantes d'analyse de la mobilité des étudiants qui restent peu étudiées. Dans un contexte d'austérité, caractérisé depuis 2018 par un gel de recrutement dans l'administration gabonaise, traiter de cette problématique participerait à l'approfondissement de ce travail sur l'émigration scolaire, d'autant plus que le chômage est un des catalyseurs du non-retour. Partant de cela, on peut s'interroger sur les perspectives de retour et de non retour des étudiants gabonais à l'issue de leur formation à l'étranger.

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92

ANNEXES

93

Annexe1 : Questionnaire utilisé pour le travail de terrain

94

95

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96

97

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99

Annexe2 : Guide d'entretien utilisé

100

Annexe3 : Aperçu de difficultés rencontrées dans la récolte de données

101

TABLE DES ILLUSTRATIONS

102

Liste des cartes :

Carte 1: Les flux migratoires économiques dans le monde en 2019 8

Carte 2: Les flux d'étudiants boursiers gabonais à l'étranger en 2019 26

Liste des figures

Figure 1: Le Gabon dans la sphère académique mondiale 65

Figure 2: Quelques activités transversales générées par l'implantation d'un établissement

d'enseignement supérieur 79

Liste des graphiques

Graphique 1: Courbe d'évolution du nombre d'étudiants gabonais en situation d'émigration

scolaire 16

Graphique 2: Courbe d'émigration scolaire des étudiants boursiers gabonais 32

Graphique 3: Typologie des formations suivies par les étudiants boursiers émigrés 34

Graphique 4: Les principaux facteurs de départ pour étude à l'étranger 38

Liste des photos

Photo 1: Le besoin en éducation des Gabonais face aux réalités locales et étrangères 41

Photo 2: Enseigne publicitaire 45

Photo 3: Les réseaux sociaux, un vecteur de l'émigration scolaire au Gabon 46

Liste des tableaux

Tableau 1: Les cinq premiers pays d'émigration des étudiants boursiers gabonais depuis 2015

27

Tableau 2: Effectifs des étudiants boursiers par continent de 2014-2019 28

Tableau 3: Les critères d'attribution d'une bourse pour l'étranger par l'ANBG 30

Tableau 4: Les déterminants du lieu d'émigration scolaire selon les émigrants gabonais 31

103

Tableau 5: Répartition des émigrants scolaires boursiers par sexe 33

Tableau 6: Évolution des étudiants boursiers émigrés gabonais en fonction du niveau d'étude

35

Tableau 7: Situation sociale des parents d'émigrés scolaire 35

Tableau 8: Les établissements privés 39

Tableau 9: Les établissements publics 40

Tableau 10: Quelque plateformes d'orientation et d'accompagnement 47

Tableau 11: Les moyens d'insertion des émigrants scolaire gabonais 50

Tableau 12: Dépenses de l'État en matière de bourse au Gabon et à l'étranger entre 2011-2013

55
Tableau 13: Montants mensuel des allocations d'études accordées aux étudiants gabonais au

Gabon et à l'étranger 56
Tableau 14: Estimation du coût financier de l'émigration scolaire pour les étudiants boursiers

Gabonais 57

Tableau 15: Avis des émigrants gabonais sur l'intention de retour ou de non-retour 58

Tableau 16: Les causes de retour et de non-retour 59

Tableau 17: Estimation des dépenses selon le pays, le niveau d'étude et l'établissement

d'accueil entre 2018-2021 60

Tableau 18: Avis des émigrés scolaire gabonais sur leur attachement au pays d'accueil 67

Tableau 19: Les filières et les spatialités prioritaires de l'État Gabonais 73

Tableau 20: Les filières de formation et spécialités secondaire de l'Etat 74

104

TABLE DES MATIÈRES

105

DÉDICACE i

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS iii

SOMMAIRE iv

INTRODUCTION GÉNÉRALE v

1. Justification du sujet 6

2. Problématiques et hypothèses de la recherche 14

3. Cadre méthodologique 17

4. Limites de l'étude et structure du mémoire 19

PREMIÈRE PARTIE 20

LA GÉOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON 20

CHAPITRE 1 : CARTOGRAPHIE DE L'ÉMIGRATION SCOLAIRE GABONAISE 22

1.1. La géographie des émigrés scolaires gabonais dans le monde 22

1.1.1. Histoire de l'émigration scolaire au Gabon 22

1.1.2. Le champ migratoire et les logiques de répartitions des émigrants scolaires dans le monde 24

1.1.3. Les logiques de répartitions des émigrants scolaires dans le monde 29

1.2. Les dynamiques migratoires des émigrants scolaires gabonais à l'étranger 32

1.2.1. Caractéristiques et profils des émigrants scolaires gabonais 33

1.2.2. Les inégalités sociales dans la mobilité des émigrants scolaire 35

CHAPITRE 2 : LES MOBILES DE L'EMIGRATION SCOLAIRE AU GABON 37

2.1. Les facteurs de l'exode scolaire des étudiants gabonais à l'international 37

2.1.1. Les facteurs locaux de l'émigration scolaire au Gabon 37

2.1.2. Les facteurs externes de l'émigration scolaire au Gabon 42

2.2. Stratégies de captation des émigrants et leur intégration à l'étranger 44

2.2.1 Système de captation de la ressource 44

2.2.1.1. Les outils de communication et leur impact 44

2.1.1.2. Les plateformes d'orientation et d'accompagnement 46

2.1.1.3. Les salons internationaux d'orientation 48

DEUXIÈME PARTIE : 52

L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON : ENJEUX ET ANALYSE 52

106

CHAPITRE 3 : L'ÉMIGRATION SCOLAIRE AU GABON : UN FAIT MIGRATOIRE

AUX ENJEUX SOCIOÉCONOMIQUES ET GÉOCULTURELS 54

3.1. Les enjeux socioéconomiques de l'émigration scolaire 54

3.2. Les enjeux géopolitiques, sécuritaires et culturels de l'émigration scolaire au Gabon 61

3.2.1.1. Le Gabon face à la compétitivité étrangère 62

3.2.1.2. Les classements internationaux 63

3.2.1.3. Les critères des classements 63

CHAPITRE 4 : LE DOMAINE SCOLAIRE, UN ENJEU DE SOFTPOWER 69

4.1. Puissance et domaine scolaire 69

4.2. Réflexion autour de la nécessité pour le Gabon d'améliorer son système éducatif 75

CONCLUSION GÉNÉRALE 80

BIBLIOGRAPHIE 84

ANNEXES 92

TABLE DES ILLUSTRATIONS 101

TABLE DES MATIÈRES 104

107

RÉSUMÉ

L'émigration des étudiants est un phénomène qui se pose depuis des décennies au Gabon. Pour répondre à la demande locale (lié à l'augmentation du nombre de nationaux souhaitant étudier chez eux) et dans le but de répondre à la compétitivité étrangère dans le domaine académique, les autorités gabonaises entreprirent dans les années 1970, de grands travaux de construction, de plusieurs établissements d'enseignement postsecondaires. Toutefois, malgré ces réalisations et du fait d'une école gabonaise qui ne cesse de s'étioler, l'émigration scolaire des étudiants se pose avec acuité depuis quelques années. Entre enjeux socioéconomiques, géopolitiques, sécuritaires et culturels, les départs des étudiants à l'étranger sont sujets à plusieurs représentations. Tout en transcrivant, la place dévalorisante du Gabon dans la sphère académique mondiale, cette tendance migratoire rappelle aux autorités dirigeantes, la nécessité de valoriser le secteur éducatif qui constitue un domaine de puissance et de souveraineté par excellence.

Mots-clés : Émigration - Gabon - Enjeux - Éducation - Soft power

SUMARY

Student's emigration has been a problem in Gabon for decades. To respond to local demand (linked to the increasing number of nationals willing to study home) and in order to respond to foreign competition in the academic field, the Gabonese authorities embarked on the construction on several universities and colleges in the 1970s. However, in spite of these achievements and because the Gabonese school system continues to decline, the emigration of students has soared in recent years. Between socio-economic, geopolitical, security and cultural issues, the departures of students abroad is subject to a number of representations. While displaying Gabon's devalued place in the global academic sphere, this migratory trend reminds those in power of the need of enhance the value of education which is on of the foundations of national glory and sovereignty.

Keywords: Emigration - Gabon - Issues - Education - Soft power