Les revues scientifiques à la grande bibliothèque universitaire de Brazzaville.par Sieg Roldan Comblas KOUMBAT Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville - Master professionnel Sciences et Techniques de la Communication 2018 |
INTRODUCTION13 I-1- Contexte et justification du sujet :Le sujet que nous développons dans ce mémoire concerne la valorisation des revues scientifiques à la Grande Bibliothèque Universitaire et éventuellement leur place dans les collections cette bibliothèque. La valorisation des revues scientifiques est une mission qui, pour les bibliothèques universitaires passent par les acquisitions et la mise à disposition de ces ressources au public, de les vulgariser et d'en développer les collections. Les revues scientifiques ont, depuis leur apparition au XVIIe siècle, une influence dans la communication des savoirs et des interactions entre les scientifiques ; influence qui n'a pas changée aujourd'hui et ne cesse d'évoluer avec l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette prépondérance a intégré les revues scientifiques parmi les supports de recherche les plus prisés et les plus utilisés par les chercheurs. Destinées à transmettre l'information « de niveau scientifique » ou « qui est conforme aux exigences d'objectivité, de précision, de méthode des sciences, de la science », ces revues sont en effet clairement identifiées comme le vecteur principal pour la circulation de l'information au sein de la communauté scientifique, communauté représentée à l'université par les enseignants-chercheurs.]1 Les publications scientifiques sont pour ainsi dire, un des éléments constitutifs de l'existence de l'université en tant qu'institution scientifique et de la bibliothèque en tant qu'instrument qui participe à l'appui pédagogique et au bon fonctionnement de l'Université. En effet, les enseignants-chercheurs doivent publier des articles dans des revues pour s'accomplir tant professionnellement qu'institutionnellement. Cette culture est une obligation universelle puisqu'elle est admise comme une tradition pratiquée dans toutes les communautés savantes du monde. Depuis leur apparition au XVII jusqu'au début du XXe siècle, les revues savantes sont essentiellement gérées par les sociétés savantes comme la Royal socie- 1 Bourget L. (2004). Les usages des revues scientifiques par les enseignants-chercheurs en lettres et sciences humaines et sociales : quelles perspectives pour les bibliothèques universitaires. Mémoire : conservateur des bibliothèques [En ligne] Villeurbanne : Ecole national supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques. 131p. Disponible sur www.enssib.fr , consulté le 16/04/2019 14 ty de Londres ou l'Académie des sciences en France.2 Leur rôle était de coordonner et contrôler la circulation des nouvelles scientifiques, emboîtant ainsi le pas à l'Eglise qui exerçait jusqu'alors un pouvoir sur la diffusion des savoirs. C'est à partir du XXe siècle, juste après la seconde guerre mondiale, que le domaine de la publication scientifique se transforme en un marché économique rentable. L'arrivée fulgurante des éditeurs commerciaux coïncide avec l'installation du modèle des affaires dans le monde de l'édition savante, entraînant d'importants changements dans l'accès et la diffusion des publications scientifiques. Dans ce contexte, les périodiques scientifiques deviennent comme le mentionne Muriel Lefebvre dans une conférence animée le 23 mars 2012, URFIST à la fois un « contenu assimilable à un bien culturel et informationnel et un support appartenant au monde des marchandises, ce qui représente un véritable enjeu économique pour les éditeurs ». Parmi ces éditeurs, cinq ont un quasi-monopole de l'édition scientifique à savoir : Elsevier ; Springer ; Taylor et Francis, Wiley Blackwell et Sage qui détiennent près de 50% des revues savantes3. Possédant les revues les plus influentes et les plus demandées par les institutions de recherches et les bibliothèques universitaires, ils proposent des conditions attrayantes aux chercheurs qui voient là-dedans, l'opportunité d'accroitre la visibilité de leurs travaux en publiant dans ces revues où sont généralement répertoriés les plus grands sujets d'actualités scientifiques comme Ebola, le Cancer et bien d'autres.4 Favorisés par l'augmentation des publications et les indicateurs de l'Institut de l'Information Scientifique (ISI), ces grands éditeurs imposent des contraintes économiques défavorables aux bibliothèques universitaires des contraintes qui sont toutefois concomitantes à toutes les organisations de recherches à travers le monde (que ce soit les laboratoires, centres de recherches, ou les bibliothèques). Cette situation occasionne de lourdes conséquences économiques au niveau des bibliothèques universitaires qui se voient souvent dans l'obligation d'annuler certains abonnements. 2 Jérôme, D. (2008). L'autorité des grandes revues scientifiques. Colloque du Collège de France 2007, A. Compagnon, Odile Jacob, (FRA) [En ligne] p. 21. Disponible sur https://www.equipe.lps.v-psvd.fr consulté le 8 juin 2019 3 Lefebvre, M. (2012). La publication scientifique entre enjeux économiques et enjeux citoyens, Toulouse [En ligne] Disponible sur la chaine DOCCITANIST, consultée sur YouTube le 27 juillet 2019 4 Data Gueule, épisode 63, intitulé « Privés de savoir ? «, document publié sur YOUTUBE le 17 octobre 2016. Disponible sur le site : https://is.gd/wikiDTG63 , consulté le 10 juin 2019 15 Mais plusieurs bibliothèques universitaires à travers le monde mettent néanmoins des stratégies en oeuvre pour maintenir ou renouveler leurs abonnements. Le renouvellement régulier des abonnements permet aux bibliothèques de répondre à la demande des chercheurs, de leur offrir un service sur mesure et de valoriser les revues scientifiques grâce à une politique de gestion efficace des collections. Nous pouvons à ce titre citer la bibliothèque de l'Université Laval qui a vu augmenter son budget consacré à l'abonnement aux périodiques et aux bases de données. Entre 2015 et 2017 le budget des abonnements est passé de 86% à 90% contre seulement 14 % et 10% pour les monographies au cours de la même période5. Cela crée certes un déséquilibre dans les collections, mais ce déséquilibre reste du moins un avantage pour la Bibliothèque qui conserve tant soit peu sa capacité à offrir un service éditorial satisfaisant aux enseignants-chercheurs. Outre cela, d'autres alternatives ont été initiées par les bibliothèques dans le but de contourner la main mise des éditeurs commerciaux sur le marché de l'édition scientifique et l'accès aux revues. C'est le cas des bibliothèques françaises, universitaires et centres de recherches qui ont mis en place un consortium de bibliothèques que l'on appelle Couperin. L'objectif de cette plateforme est de négocier les abonnements avec les éditeurs. Créé en 1999, Couperin c'est plus de 200 membres que ce soit les bibliothèques universitaires, les laboratoires ou autres organisations de recherches et plus de 60 négociateurs volontaires qui contactent en moyenne 150 fournisseurs chaque année.6 Dans les pays en voie de développement et en Afrique en particulier, les bibliothèques universitaires peinent à s'abonner aux revues scientifiques pour deux raisons principales : la première est la hausse des prix des abonnements et la seconde, les restrictions financières. Voilà autant d'obstacles qui préoccupent les enseignants, les chercheurs et les étudiants pour qui l'accès à l'information scientifique et technique reste encore un véritable casse-tête, ce malgré l'introduction des supports électroniques dans la communication scientifique dans le continent et la disponibilité des publications scientifiques en libre accès sur Internet. 5 Bibliothèque de l'Université Laval [En ligne] Les éditeurs et la réalité économique des bibliothèques universitaires : constat, article lu sur le site www.bibl.ulaval.ca/rationalisation-periodiques-scientifiques/constat, consulté le 28 juillet 2019 6 Lefebvre, M. (2012). Op.cit., page 15 16 L'exemple du Bénin dont parle Djossè Roméo Tessy dans son article «les obstacles à l'adoption du libre accès par les étudiants et étudiantes du Benin« est très significatif puisque, écrit-il : « La bibliothèque centrale de l'Université D'Abomey-Calavi est la plus grande et la plus ancienne des bibliothèques universitaires. Cependant, elle ne semble pas assurer pleinement son rôle de fourniture de ressources documentaires. Les raisons de cette situation sont nombreuses : insuffisances des ressources financières allouées pour le renouvellement des collections, absence de politique de développement des collections. [...]. En l'état actuel, ces infrastructures hypothèquent la mission première de l'institution qui est la diffusion du savoir.7 ». En République du Congo, la Grande Bibliothèque Universitaire, considérée à ce jour comme la plus grande institution documentaire du pays, est également loin de s'inscrire dans la même dynamique que les bibliothèques universitaires des pays occidentaux. Cela s'explique par le fait que ladite structure se trouve non seulement dans l'incapacité de s'abonner aux revues scientifiques mais manque aussi d'alternatives pour proposer aux enseignants, chercheurs et étudiants de l'université Marien Ngouabi une offre en périodiques scientifiques. Le peu d'intérêt porté sur les revues scientifiques à la Grande Bibliothèque Universitaire et les conséquences que cela entraine sur les usagers de cette structure en général et sur les enseignants, les chercheurs et les étudiants en particulier, justifient notre intérêt à mener cette étude. L'objectif étant de mettre en évidence l'état global des revues scientifiques et de proposer des solutions concrètes. Nous ne pouvons rester insensibles devant une situation aussi inquiétante que celle de la non prise en compte des revues scientifiques à la Grande Bibliothèque Universitaire qui ne dispose d'aucun abonnement, alors que son rôle est d'en pourvoir aux usagers. Aussi, les jeunes chercheurs, notamment les étudiants en thèse ou en master ne peuvent pas produire des travaux d'un degré scientifique élevé parce qu'ils ne sont pas informés des derniers résultats de la recherche très souvent publiés dans les revues spécialisées. Désabusés, ils se tournent très vite vers des sources d'information sur Internet, dont ils ignorent la fiabilité dans la plupart des cas. 7 Djossè, R. T. (2015). « Les obstacles à l'adoption du libre accès par les étudiants et étudiantes du Benin. Justice cognitive, libre et savoirs locaux. éd. Science et bien commun » [En ligne] Disponible sur https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/les-obstacles-a-ladoption-du consulté le 9 octobre 2019 17 Il est désormais clair, qu'il faille agir au plus vite si nous voulons rehausser le niveau global de connaissances et avancer au rythme de l'évolution des sciences. La mise en place des mécanismes favorables à la valorisation des revues scientifiques est dans cette perspective, un impératif si l'on veut faciliter l'accès aux résultats de la recherche. Cela devrait également inciter les enseignants-chercheurs ou les étudiants à fréquenter plus souvent la GBU et à l'estimer au même titre que les autres institutions de recherche qu'ils consultent déjà. Pour ce faire, un équilibre devra être mis entre les revues scientifiques et les autres types de support afin de permettre leur communication et faciliter leur exploitation. Nous avons à cet effet, formulé une problématique qui nous permettra de nous poser des questions autour desquelles s'articulera notre étude.
La GBU valorise-t-elle les revues scientifiques ? 1-3-1- Questions secondaires : 1- Quels sont les facteurs qui bloquent la valorisation des revues scientifiques à la GBU ?
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