2. Perspectives théoriques et cadre conceptuel
de la recherche
L'un des objectifs poursuivis par la démarche
scientifique est la rupture. En menant une recherche, le chercheur doit
absolument rompre avec ses idées préconçues. D'où
la nécessité d'inscrire ses réflexions dans un cadre
théorique clairement défini. Dans cet ordre d'idée, notre
démarche s'appuie essentiellement sur le normativisme juridique du
juriste Hans Kelsen et la théorie de l'intervention internationale
suggérée par la commission de l'intervention et de la
souveraineté des États, parue dans son rapport publié en
2001.
2.1 Perspectives théoriques de la recherche
Dans les lignes précédentes, nous avons
présenté un ensemble de travaux réalisés sur les
interventions internationales onusiennes tant ailleurs qu'en Haïti de 2004
à 2017. À présent, nous allons positionner notre
réflexion et nos questions de recherche dans la littérature
existante tout en précisant l'angle d'approche qui est
privilégié dans la recherche. : Le
normativisme.
Depuis l'Antiquité, deux conceptions s'opposent : le
positivisme juridique tel que conçu dans la théorie du
normativisme de Kelsen et le naturalisme juridique. Le positivisme juridique
s'appuie sur deux courants spécifiques : le positivisme juridique et le
positivisme sociologique. Le premier consiste à affirmer que le droit
positif se suffit à lui-même. Il tient son autorité de
l'État qui l'a édicté. Le deuxième renvoie à
l'idée que le droit positif doit pouvoir améliorer les conditions
de vie du groupe et parvenir à la solidarité sociale. Les
partisans de cette seconde conception du droit positif pensent donc que les
normes du droit international sont fondées sur la
nécessité sociale. Pour Georges Scelle, qui se rattache à
cette doctrine, les normes viennent du fait social lui-même et de la
conjonction de l'éthique et du pouvoir produits par la solidarité
sociale (Zarka, 2015, p.8).
Les doctrines positivistes appartiennent à la famille
des théories volontaristes. Selon ces dernières, le droit a sa
source dans l'expression d'une volonté. David Ruzié (2008, p. 10)
précise que le droit international repose nécessairement sur la
volonté de l'État. C'est ainsi que de nombreux juristes ont
aidé à développer ce que nous pouvons appeler les
modalités de cette conception du droit. On parlera donc avec Jellineck
de la théorie de l'autolimitation : l'État ne peut être
lié par le droit que s'il y consent ; de la théorie de la
Vereinbarung (Triepel) : le droit international naît de la fusion des
volontés étatiques en une volonté commune.
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Le juriste Hans Kelsen développe, à travers la
théorie pure du droit, le normativisme qui sert particulièrement
de support à notre démarche. Ce normativisme conduit à
présenter le Droit comme une pyramide de normes au sommet de laquelle
figure la volonté de l'État matérialisée dans la
Constitution. Ainsi, la norme inférieure valide ne peut être
contraire à la norme qui lui est immédiatement supérieure
de peur que cela n'aboutisse à un contentieux.
À la croisée de cette théorie se situe la
doctrine du naturalisme juridique. L'essentiel de cette doctrine prend sa
source dans les théories non volontaristes ou objectivistes. Elle nous
est rapportée par David Ruzié (2008, p. 10) en ces termes :
« la raison naturelle impose certaines règles aux relations
humaines, même en dehors de toute autorité sociale. Ces
règles s'imposent aux États dans leurs rapports naturels ».
Selon ces dernières, il y aurait au-dessus du droit positif, des lois
non écrites immuables et universelles s'imposant à toutes les
sociétés et que les divers législateurs devraient
respecter. Ainsi donc la théorie du droit naturel insiste sur le fait
que la raison naturelle impose certaines règles aux États, Les
tenants du droit naturel soutiennent qu'il existe un droit supérieur aux
États, des règles antérieures aux relations humaines, en
dehors donc de toute autorité sociale. Ces règles s'imposent aux
États dans leurs rapports mutuels.
Par souci de proposer des réflexions plus
poussées sur ce que ces considérations théoriques
désignent dans la réalité par rapport à la
souveraineté de l'État, nous avons inscrit notre recherche dans
la lignée de la « La théorie de la commission internationale
de l'intervention et de la souveraineté des États »
Le rapport de la commission (2001, p. 9) définit
l'intervention comme étant des mesures prises contre un État ou
contre ses dirigeants, sans leur consentement, à des fins qui sont
présentées comme étant humanitaires ou protectrices. Dans
sa conclusion, il est précisé que :
Les États souverains ont la responsabilité de
protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu'il est
possible de prévenir - meurtres à grande échelle, viols
systématiques, famine. S'ils ne sont pas disposés à le
faire ou n'en sont pas capables, cette responsabilité doit être
assumée par l'ensemble de la communauté des États.
(Westmorland-Traoré, 2004, p. 171).
L'acceptation de la notion d'intervention à des fins de
protection humaine, y compris la possibilité d'une action militaire,
suppose impérativement que la communauté internationale
élabore des normes cohérentes, crédibles et ayant force
exécutoire qui régiraient la pratique
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étatique et intergouvernementale. Toute nouvelle
conception de l'intervention motivée par un souci de protection humaine
doit s'efforcer d'atteindre au moins quatre objectifs fondamentaux : le premier
consiste à établir des règles, des procédures et
des critères qui permettent de déterminer clairement s'il faut
intervenir et quand et comment il faut le faire; deuxièmement il est
question d'asseoir la légitimité de l'intervention militaire
lorsque celle-ci est nécessaire et que toutes les autres
démarches ont échoué; troisièmement, il faut
veiller à ce que l'intervention militaire, lorsqu'elle a lieu, soit
menée aux seules fins prévues, soit efficace et accorde toute
l'attention voulue à la nécessité de réduire autant
que faire se peut les coûts humains et les dommages institutionnels qui
en résultent; et finalement contribuer à éliminer, si
possible, les causes du conflit tout en améliorant les perspectives
d'une paix durable.
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