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UNIVERSITÉ D'ÉTAT
(UEH)
FACULTÉ DE DROIT DES SCIENCES
GESTION DU CAP-HAÏTIEN (FDSEG/CH)
SECTION JURIDIQUE
INTERVENTION DES NATIONS UNIES EN HAÏTI CONSTITUTION
HAÏTIENNE EN VIGUEUR
INTERNATIONALES
MÉMOIRE DE SORTIE
PRÉSENTÉ PAR L'ÉTUDIANT : NEM EN VUE DE
L'OBTENTION DU GRADE
PROMOTION : ALIX
ANNÉE : 2012-2016
SOUS LA DIRECTION DU PROFESSEUR
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0
D'HAÏTI
ÉCONOMIQUES ET DE
DE 2004 À 2017, AU REGARD DE LA ET DES NORMES
JURIDIQUES
JEAN-BAPTISTE
DE LICENCIÉ EN DROIT
FUCIEN
GOSNER PAUL, AVOCAT
DÉCEMBRE 2020
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SOUTENANCE
Mémoire soutenu le Mercredi 23 décembre 2020, 10 :
00, à la Salle Tertulien Guilbeaud de la Faculté de Droit des
Sciences Économiques et de Gestion du Cap-Haïtien,
Université d'État d'Haïti.
COMPOSITION DU JURY
Professeur Phel Y. Casimir, avocat, président du Jury
Professeur Harold Chéry, membre, Bâtonier de l'Ordre
des avocats du Cap-Haitien Professeur Kervens Valcin, membre, av. Doctorant en
Droit
MENTION :
Très bien avec félications
NOTE : 80
ENCADREUR :
Professeur Gosner Paul, avocat, Vice doyen à la recherche
de la Faculté
INTERVENTION DES NATIONS UNIES EN HAÏTI DE 2004 À
2017, AU REGARD DE LA CONSTITUTION HAÏTIENNE EN VIGUEUR ET
DES NORMES JURIDIQUES INTERNATIONALES
i
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES i
REMERCIEMENTS iv
LISTE DES TABLEAUX ...v
RÉSUMÉ vi
REZIME vii
ABSTRACT viii
LISTE DES ABRÉVIATIONS ix
INTRODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE : PRÉCISION SUR LE PROBLÈME
ET LA CONCEPTION
THÉORIQUE DE LA RECHERCHE CHAPITRE I : POSITION DU
PROBLÈME ET SPÉCIFICATION DE L'OBJET DE LA
RECHERCHE 5
1. Construction de la problématique de recherche 5
1.1 Énoncé des questions et hypothèses de
recherche 8
1.2 Formulation des objectifs de recherche 9
2. Vers une étude diachronique de l'intervention
onusienne en Haïti de 2004 à 2017 10
2.1 Justification de l'étude 13
2.2 Limitation et Structuration de la recherche 14
CHAPITRE II : RÉVISION DE LA LITTÉRATURE
SCIENTIFIQUE ET JURIDIQUE,
CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE 16
1. Revue de littérature scientifique et juridique de
l'objet de la recherche 16 1.1 Tour d'horizon général sur
l'état de la littérature de l'intervention des Nations dans le
monde
et en Haïti de 2004 à 2017 16 1.2 L'intervention
onusienne en Haïti de 2004 à 2017 à travers les normes
juridiques, les
jurisprudences et la doctrine juridique 19
2. Perspectives théoriques et cadre conceptuel de la
recherche 24
2.1 Perspectives théoriques de la recherche 24
2.2 Cadre conceptuel de la recherche 26
ii
DEUXIÈME PARTIE : CADRE OPÉRATOIRE,
PRÉSENTATION ET ANALYSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
ET PROPOSITIONS POUR UNE
RÉDUCTION DES RISQUES D'INTERVENTIONS ONUSIENNES EN
HAÏTI .
CHAPITRE III : CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
41
1. Parallelisme et connexion entre la recherche scientifique
en général et la recherche juridique
en particulier 41
1.1 Précision et description de la méthodologie
de la recherche scientifique 41
1.2 Spécificité de la méthodologie
juridique . 42
2. Démarches méthodologiques adoptées
pour la recherche 43
2.1 Méthodes et instruments de collectes des
données appliquées à l'étude 44
2.2 Plan d'analyse des données et Stratégie de
vérification des hypothèses 47
CHAPITRE IV : PRÉSENTATION, ANALYSE ET
INTERPRÉTATION DES DONNÉES EMPIRIQUES DE L'INTERVENTION DES
NATIONS UNIES EN HAÏTI DE 2004 À
2017 52
1. Présentation et Description des principaux
résultats de la recherche 52
1.1 L'intervention militaire, politique et juridique de la
MINUSTAH de 2004 à 2017 53
1.2 L'exercice de la souveraineté interne et externe de
l'État haïtien 59
2. Analyse, Discussion et Interprétation des
résultats de la recherche 62
2.1 Une Justice haïtienne et des droits fondamentaux en
péril 63
2.2 Haïti un État fragile, failli et
défaillant 67
CHAPITRE V : PROPOSITIONS POUR UNE RÉDUCTION DE
L'INTERVENTION
ONUSIENNE EN HAÏTI 73
1. L'encadrement juridique de la souveraineté de
l'État par l'État de droit .. 73
1.1 Vers une conception relativiste de la souveraineté
de l'État 74
1.2 Place de la Charte internationale des droits de l'homme
75
2. Le renforcement des capacités juridiques et
institutionnelles des Pouvoirs de l'État 77
2.1 Place du Conseil constitutionnel et du Conseil
électoral permanent 79
2.2 Cri d'alarme contre l'arbitraire, la corruption et
l'impunité 81
CONCLUSION DE L'ÉTUDE 84
LISTE DES RÉFÉRENCES 89
iii
ANNEXES
.98
iv
REMERCIEMENTS
Ce travail de recherche est le fruit d'une conjugaison
d'amour, d'efforts personnels mais surtout de soutiens inestimables. Ainsi, sa
réalisation n'a été possible que grâce au concours
de nombreuses personnes à qui nous voudrions témoigner notre
entière gratitude.
Nos premiers remerciements sont tout d'abord adressés
à celui qui détient les profondeurs de l'intelligence. Pendant
toute la durée de la recherche, il nous a donné sa paix, nous a
procuré du bien-être et nous a guidé vers le droit
chemin.
Nous voudrions aussi témoigner toute notre
reconnaissance au Directeur de ce mémoire, Professeur Gosner PAUL, dont
la rigueur, la disponibilité et le sens du travail bien fait, nous ont
particulièrement épaté. Il va sans dire que les erreurs
observées dans ce travail ne sont imputables qu'à nous seul.
Nous désirons aussi remercier les membres de notre
famille, spécialement notre maman Madame Rosemonde JEAN-BAPTISTE et
notre soeur et marraine Finerlie JEAN-BAPTISTE en particulier, pour le soutien
moral et émotionnel qu'ils nous ont fournis.
Nous tenons aussi à remercier les professeurs et le
personnel administratif de la Faculté de Droit des Sciences
Économiques et de Gestion du Cap-Haïtien, de l'Université
d'État d'Haïti, qui nous ont fourni les outils académiques
nécessaires au couronnement de ce cycle d'études
universitaires.
Un remerciement très spécial à notre
autre moitié, Mademoiselle Leïka BAZILE. Le soutien inestimable
qu'elle nous apporte au quotidien a particulièrement boosté nos
aptitudes d'apprenti-chercheur.
Nous voudrions exprimer notre reconnaissance envers les amis
et collègues qui ont partagé avec nous leur soutien moral et
intellectuel. Nous pensons particulièrement à Jean Wadson
EUGÈNE, Romain SALOMON, SAINT-SURIN Stéphanie, Djounave Thamara
LOUISSAINT et Yves MILFORT.
Un grand merci aux Professeurs Maxi Marc ALTHIERY et Nixon
JULIEN, nos lecteurs critiques au niveau linguistique. Enfin un remerciement
spécial au Bureau des droits humains en Haïti (BDHH) pour avoir mis
à notre disposition son centre de documentation.
v
LISTE DES TABLEAUX
1.1 Tableau 1- Déploiement de la composante militaire et
des forces de polices de la
MINUSTAH 53 Tableau 2- Intervention des forces
policières et militaires de la Mission pour le maintien de
l'ordre et la sécurité 55
Tableau 3- Intervention de la Mission au sein de la Police
Nationale d'Haïti 56
Tableau 4- Intervention de la Mission dans les processus
électoraux haïtiens 57
Tableau 5- Intervention de la Mission auprès du
Ministère de l'intérieur, du Parlement et du
Ministère de la Justice .58 Tableau 6- intervention de
la Mission pour le rétablissement et le maintien de l'État de
droit
et des droits humains en Haïti .59 1.2 Tableau 7-
État de l'exercice de la souveraineté externe de l'État
haïtien entre 2004 et
2017 60 Tableau 8- État de l'exercice de la
souveraineté interne de l'État haïtien entre 2004 et
2017 .61
vi
RÉSUMÉ
Ce mémoire de recherche porte sur l'intervention des
Nations Unies en Haïti à travers la Mission des Nations Unies pour
la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) qui s'y est déployée de
2004 à 2017. Ce travail de recherche vise globalement à
identifier et comprendre les origines et fondements juridiques de cette
intervention. Aussi cherche-t-il à montrer en quoi cette mission est
compatible ou non avec la souveraineté de l'État haïtien,
caractéristique juridique suprême de l'État, garantie par
la Constitution haïtienne en vigueur et les normes juridiques
internationales. Il veut finalement formuler des propositions théoriques
calquées sur l'État de droit et matérialisées
à travers le renforcement des pouvoirs de l'État et l'existence
de certains organes de contrôle, comme contribution juridique à la
réduction des interventions onusiennes en Haïti.
En effet, l'égalité souveraine des États
et le principe de non-intervention constituent deux principes fondateurs du
droit des relations internationales. Les normes juridiques internationales
consacrent en lettre capitale ces principes à travers la Charte des
Nations Unies : aucune disposition de la présente Charte n'autorise les
Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un État. Par
ailleurs, la Constitution haïtienne en vigueur reprend à son compte
ce même principe en affirmant l'intégrité et
l'inviolabilité du territoire haïtien, quand elle avance que :
aucune autre force militaire ne peut exister sur le territoire haïtien si
ce n'est que la PNH et les Forces armées d'Haïti. Cependant, contre
toute attente, en 2004, le Conseil de sécurité des Nations Unies
autorise le déploiement d'une Mission civile et militaire (MINUSTH) en
Haïti, afin d'intervenir dans des questions de justice, de défense,
d'État de droit, de sécurité, lesquelles constituent les
champs de compétences exclusives de l'État. Ceci crée
rapidement un problème juridique qui nous porte à nous demander
comment expliquer les origines et fondements juridiques de l'intervention des
Nations Unies en Haïti entre 2004 à 2017. La réponse
hypothétique que nous donnons à cette question est qu'elle est
liée à la défaillance des trois pouvoirs de l'État,
Co-dépositaires de la souveraineté nationale..
En plus d'être confirmée, au terme de la
recherche plusieurs autres explications ont été obtenues. L'une
d'entre elles est que l'intervention onusienne participe de la fragilité
de l'ordre juridique international caractérisé par des normes et
principes souvent contradictoires: nonintervention, devoir d'ingérence,
souveraineté, action humanitaire. Toutefois, en dépit de la
pertinence de nos résultats, ils doivent être
appréciés avec retenu car ce travail, comme toute autre recherche
d'ailleurs, n'est parfaite.
vii
REZIME
Memwa rechèch sa chita sou entèvansyon
Nasyonzini nan Peyi Dayi atravè Misyon Nasyonzini pou estabilizasyon an
Ayiti (Minista) ki te deplwaye soti nan lane 2004 pou rive nan lane 2017.
Travay rechèch sa fèt nan lide pou idantifye ak konprann orijin
epi fondman jiridik zak enjerans sa. Li vle rive montre tou nan ki mezi misyon
sa konpatib ou non ak souverènte leta ayisyen ki se karakteristik
jiridik tout Leta, e konstitisyon ak nòm jiridik entènasyonal yo
garanti prensip sa. Li vle rive fòmile kèk pwopozisyon teyorik ki
pran jarèt sou nosyon Etadedwa e kap rive posib gras ak ranfòsman
pouvwa leta yo epi egzistan kèk ògan kontwòl ki ka
kontribyen nan redui risk intèvansyon Nasyonzini nan peyi a.
Nou paka pa raple Egalite souverèn Leta ak prensi non
entèvansyon se prensip fondatè dwa relasyon entènasyonal
la. Nòm jiridik entènasyonal yo konsakre prensip sa an lèt
kapital sa atravè chat Nasyonzini an : Okenn dispoziyon nan Chat sa pa
otorize Nasyonzini poul entèvni nan zafè entèn okenn Eta.
Nan menm sans sa konstitisyon Peyi dayi ki an vigè a repran menm prensip
sa : okenn fòs militè pa ka egziste sou teritwa ayisyen si se pa
PNH ak fòs ame Peyi Dayiti. Malgre tout prensip sa yo, an 2004
Nasyonzini otorize tèt li poul entèvni an Ayiti nan kesyon
lajistis, defans, Etadedwa, sekirite ki fòme sa yo rele chan konpetans
tout leta. Bagay sa kreye rapidman yon pwoblèm jiridik ki pouse nou
mande : ki eksplikasyon jiridik nou ka bay entèvansyon Nasyonzini sa ki
komanse an 2004 pou bout an 2017. Ipotèz nou fòmile pou keyson sa
se : entèvansyon sa lye ak defayans 3 pouvwa leta yo ki se
kodepozitè souverènte leta Ayisyen.
Ipotèz sa non sèlman konfime, men tou lè
nou fini rechèch la nou rive jwenn plizyè lòt
eksplikasyon. Youn ladan yo asosye entèvansyon an ak frajilite òd
jiridik entènasyonal la ki souvan karakterize pa yon seri nòm ak
prensip ki pa danse kole ak lòt. Nou ka pran egzanp : souverènte,
non entèvansyon, aksyon imanitè, devwa denjerans Toutfwa,
fòk nou di tou an depi de pètinans rezilta rechèch la,
rezilta yo dwe apresye ak pridans paske menm jan ak tout memwa, rechèch
sa pa pafè.
viii
ABSTRACT
This research paper focuses on the United Nations response to
Haiti through the United Nations Stabilization Mission in Haiti (MINUSTAH),
which deployed there from 2004 to 2017. This research work aims globally to
identify and understand the legal origins and foundations of this intervention.
It therefore seeks to show how this mission is compatible or not with the
sovereignty of the Haitian state, the supreme legal characteristic of the
state, guaranteed by the current Haitian Constitution and international legal
standards. Finally, it wants to formulate theoretical proposals modelled on the
rule of law and materialized through the strengthening of state powers and the
existence of certain supervisory bodies, as a legal contribution to the
reduction of UN interventions in Haiti.
Indeed, the sovereign equality of states and the principle of
non-intervention are two founding principles of the law of international
relations. International legal norms enshrine these principles in a capital
letter through the Charter of the United Nations: there is no provision in this
Charter that authorizes the United Nations to intervene in matters that fall
essentially within the national jurisdiction of a state. Moreover, the current
Haitian Constitution takes up this same principle by affirming the integrity
and inviolability of the Haitian territory, when it argues that: no other
military force can exist on Haitian territory except the HNP and the Armed
Forces of Haiti. However, against all odds, in 2004, the United Nations
Security Council authorized the deployment of a Civil and Military Mission
(MINUSTH) to Haiti to intervene in matters of justice, defense, rule of law and
security, which are the exclusive areas of state competence. This quickly
creates a legal problem that leads us to wonder how to explain the origins and
legal foundations of the United Nations intervention in Haiti between 2004 and
2017. The hypothetical answer we give to this question is that it is related to
the failure of the three powers of the state, Co-custodians of national
sovereignty.
In addition to being confirmed, at the end of the search
several other explanations were obtained. One of them is that the UN
intervention is part of the fragility of the international legal order
characterized by often contradictory norms and principles: non-intervention,
the duty to interfere, sovereignty, humanitarian action. However, despite the
relevance of our results, they must be appreciated with restraint because this
work, like any other research for that matter, is not perfect.
ix
LISTE DES ABRÉVIATIONS
APA : American Psychological Association
AUF : Agence Universitaire de la
Francophonie
BIRD : Banque Internationale pour la
Reconstruction et le Développement
CERMICOL : Centre de
Rééducation des Mineurs en Conflit avec la Loi
CIDH : Commission Interaméricaine des
Droits de l'Homme
CNHCU : Commission Nationale Haïtienne
de Coopération avec l'Unesco
CPJI : Cour Permanente de Justice
Internationale
DAP : Direction de l'Administration
Pénitentiaire
DDR : Démobilisation,
Désarmement, Réinsertion
FDSEG/CH : Faculté de Droit, des
Sciences Économiques et de Gestion du Cap-Haïtien
FMI : Fonds Monétaire International
MANUH : Mission d'Appui des Nations Unies en
Haïti
MICIVIH : Mission Civile Internationale en
Haïti
MINUHA : Mission des Nations Unies en
Haïti
MINUJUSTH : Mission des Nations Unies pour
l'appui à la Justice en Haïti
MINUSTAH : Mission des Nations Unies pour la
Stabilisation en Haïti
MIPONUH : Mission de Police civile des
Nations Unies en Haïti
MITNUH : Mission de Transition des Nations
Unies en Haïti
ODD : Objectif de Développement
Durable
OEA : Organisations des États
Américains
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONU : Organisation des Nations Unies
OPC : Office de Protection du Citoyen
PIB : Produit Intérieur Brut
PNH : Police Nationale d'Haïti
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RNDDH : Réseau National de
Défense des Droits humains
SDN : Société des Nations
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour
l'Éducation, la Science et la Culture
URSS : Union des Républiques
Soviétiques et Socialistes
1
INTRODUCTION
En occident où il a fait ses débuts,
l'État s'est construit dans le but de répondre aux besoins de
sécurité des populations. Les fonctions de base de l'État
vont devenir avec le temps la défense du territoire face aux invasions
extérieures, le maintien de la loi et de l'ordre, la garantie de la
stabilité de la monnaie. Après la seconde guerre mondiale,
l'État a intensifié son rôle dans l'économie
notamment. Il s'efforcera de stabiliser l'économie, de maintenir le
plein emploi, de favoriser la croissance, d'assurer la stabilité des
prix et de favoriser l'équilibre extérieur (Lachapelle et Paquin,
2004, p. 3). C'est ainsi que l'État souverain, tel que conçu par
la doctrine classique, s'est vu confier toute une gamme de fonctions dites
« fonctions régaliennes de l'État ».
Selon la littérature politique, diplomatique et
juridique, ces fonctions sont notamment le maintien de l'ordre, la
sécurité, la justice, la défense, le respect de ses
engagements extérieurs, (Illy, 2015, p. 55). Ainsi, le fait pour
l'État de pouvoir accomplir tout cela dans les limites de son territoire
signifie que, dans l'ordre interne et international, il est indépendant
et souverain et donc exempt de toute intervention étrangère.
Cependant, de nombreux chercheurs restent tout
étonnés devant la crise épistémologique, juridique,
politique que traverse l'État actuellement. T. Christakis dira
même avec dédain : « Qu'est-ce que l'État ? Quand
personne ne le demande, je le sais ; dès qu'il s'agit de l'expliquer, je
ne le sais plus » (Khadre-DIOP, 2017, p. 1). Cette difficulté de
conceptualisation amène plus d'un à peindre l'État comme
une réalité difficilement saisissable.
En effet, dans le contexte actuel des choses, beaucoup
d'études ont pu mettre en lumière les difficultés
énormes auxquelles font face les États, sujets originaires du
droit international public et donc de la Société internationale.
De plus en plus, les États, souverains au sens du droit international,
ne parviennent plus à maitriser leurs difficultés
intérieures. La défaillance des États est devenue de plus
en plus perceptible : ce qui influe sur leur souveraineté réelle.
Paradoxalement, la faillite des plus faibles États ne fait qu'accroitre
la convoitise des plus puissants qu'eux. Cet état de fait s'était
même soldé par la chute de la SDN qui s'est
révélée impuissante quand, par exemple, l'Italie entreprit
la conquête de l'Éthiopie, et l'Allemagne annexa l'Autriche. La
règle sacrosainte des relations internationales reste donc : tous les
États son égaux en droit mais inégaux dans les faits. Or,
au milieu de tous ces contrastes, le pilier des relations internationales
demeure toujours l'État souverain. Cependant, comme le souligne le
2
rapport de la commission internationale de l'intervention et
de la souveraineté des États (2001, Sommaire) :
La souveraineté des États implique une
responsabilité, et c'est à l'État lui-même
qu'incombe, au premier chef, la responsabilité de son peuple. Par
ailleurs, Quand une population souffre gravement des conséquences d'une
guerre civile, d'une insurrection, de la répression exercée par
l'État ou de l'échec de ses politiques, et lorsque l'État
en question n'est pas disposé ou apte à mettre un terme à
ces souffrances ou à les éviter, la responsabilité
internationale de protéger prend le pas sur le principe de
non-intervention.
C'est ainsi que depuis que les Nations unies occupent le
devant de la scène des relations internationales, le maintien de la paix
et de la sécurité internationale est devenu un enjeu politique
majeur. Cependant, s'il constitue la véritable mission de l'organisation
depuis sa création en 1945, l'ONU a été défaillante
dans la plus importante des affaires du maintien de la paix depuis la
Corée : la guerre au Viêt-Nam (Chaumont, 1968, p. 76). Et, les
interventions onusiennes sont souvent perçues comme une entrave à
la souveraineté des États membres de l'organisation.
Toutefois, en dépit de la montée en puissance
des interventions internationales et des inégalités qui existent
entre les États, l'indépendance et la souveraineté
demeurent le couronnement de l'existence internationale d'un peuple (Chaumont,
p. 86). Mais comme il est clairement exprimé dans le rapport de la
commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des
États, (p. 9) :
Il est communément admis que la souveraineté
implique une double responsabilité : externe - respecter la
souveraineté des autres États - et interne - respecter la
dignité et les droits fondamentaux de toute personne vivant sur le
territoire de l'État. [...] . La souveraineté
considérée comme responsabilité représente
désormais la condition minimale à remplir pour les États
désireux de montrer qu'ils sont capables de se comporter en bons
citoyens de la communauté internationale.
À regarder le niveau de fierté qui a servi
d'encrier pour écrire au sein de nos différentes Constitutions, y
compris celle de 1987, qu'Haïti est un État souverain et
indépendant, nous nous demandons si les constitutionnalistes ont
songé à cerner toutes les subtilités du concept «
souveraineté ». Car si nous laissons résonner les verves de
l'histoire politique d'Haïti au lendemain de l'Indépendance, le
doute persistera.
En effet, depuis son accession à l'indépendance
le 1er Janvier 1804, Haïti fait face à toute une
série de problèmes dont les plus pertinents constituent
aujourd'hui encore des points d'ombre
3
que de nombreux chercheurs n'arrivent toujours pas à
élucider. Une de ces préoccupations est bien évidemment
l'intervention de puissances étrangères dans des questions qui
relèvent exclusivement de sa compétence nationale. Des exemples
comme ça, l'histoire en a retenus plusieurs : en 1915, les
États-Unis d'Amérique se décident à intervenir en
Haïti, une mésaventure qui s'étendait sur 19 ans et dont les
conséquences sont aujourd'hui encore fortement ressenties. Plus
près de nous en 2004, le Conseil de Sécurité de
l'Organisation des Nations Unies, aux termes de la résolution 1542,
autorise cette dernière à intervenir en Haïti à
travers une Mission à la fois civile et militaire (MINUSTAH) qui
s'étendra sur 13 longues années (2004 à 2017). Beaucoup de
travaux de recherche et de débats intellectuels ont pu avoir lieu sur
cette mission. Devons-nous alors conclure que la problématique de
l'intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017 est suffisamment
débattue et résolue, et donc qu'il n'y a pas lieu d'investiguer
la question?
Malheureusement, soulignons-le, en dépit de la
très abondante littérature qui serait disponible sur l'ensemble
des actions onusiennes en Haïti à travers la MINUSTAH, son
explication juridique nous échappe encore. Or, il est clair que la
non-maitrise d'une telle question constitue un vide juridique et scientifique
d'une importance capitale. C'est ici que notre travail de recherche
intervient.
Nos principales préoccupations sont exprimées
à travers les questionnements suivants : quels peuvent être les
différents facteurs qui ont déterminé cette intervention ?
Est-elle le produit de l'irresponsabilité de l'État haïtien
ou s'inscrit-elle dans une politique impérialiste visant à
maintenir l'État haïtien dans la dépendance, affaiblissant
ainsi sa souveraineté interne et externe ? L'intention qui est à
la base de cette recherche consiste alors à tenter de trouver des
éléments de réponse à l'ensemble de ces
questionnements et beaucoup d'autres.
Cette étude veut alors proposer une nouvelle forme
d'analyse qui s'appuie sur de nouvelles hypothèses. Nous nous
tâchons de vérifier d'abord l'existence de l'intervention avant de
préciser ses impacts sur la souveraineté même de
l'État haïtien garantie par la Constitution et les normes
juridiques internationales. Nous établissons par la même occasion
le lien qui pourrait exister entre la faillite de l'État haïtien et
l'intervention des Nations unies en Haïti entre 2004 et 2017.
En effet, il importe de souligner que tant que ce trou existe
dans notre connaissance du phénomène, Haïti pourra continuer
de sombrer un peu plus chaque jour dans la fragilité, dans la
défaillance, dans la faillite. Fort de toutes ces considérations,
et compte tenu de la récurrence des
4
interventions onusiennes dans l'Histoire politique
récente d'Haïti, nous pensons qu'il est tout à fait
judicieux d'approcher autrement le problème, de proposer de nouvelles
pistes de réflexion, d'appréciation et d'analyse en vue d'une
meilleure compréhension de la question. Pour ce faire, nous adoptons une
démarche scientifique.
Cette démarche nous amène à mener notre
recherche suivant un plan scientifique mais aussi diagnostic contenant deux
parties répartie en cinq chapitres. La première partie
s'intéresse à la conception théorique de la recherche.
Elle contient deux chapitres qui précisent le problème, le champ
d'études et la conception théorique de la recherche. La
deuxième présente le cadre opératoire de la recherche.
Elle se développe en trois autres chapitres qui traitent de la
méthodologie adoptée, de la présentation, l'analyse et
l'interprétation des résultats avant de terminer sur la
formulation de propositions en rapport avec les problèmes
étudiés.
PREMIÈRE PARTIE :
PRÉCISION SUR LE PROBLÈME ET LA CONCEPTION
THÉORIQUE DE LA RECHERCHE
Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit
5
CHAPITRE I
POSITION DU PROBLÈME ET SPÉCIFICATION DE
L'OBJET DE LA RECHERCHE
Ce chapitre statuera sur la position du problème avant
de terminer sur la spécification de l'objet de la recherche, à
savoir l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017. Il
contient deux points: la problématique générale de la
recherche suivie des hypothèses de travail et des objectifs de recherche
et une amorce de l'approche adoptée à savoir l'étude
diachronique de l'intervention onusienne en Haïti de 2004 à
2017.
1. Construction de la problématique de
recherche
La pensée juridique du XXe et du XXIe siècle se
fonde sur le postulat selon lequel le degré supérieur du droit
positif c'est la Constitution. Cette dernière est communément
entendue comme un corpus de normes juridiques qui occupent le sommet de la
hiérarchie de l'ordre juridique interne. C'est le juriste Hans Kelsen
qui nous présente la représentation la plus claire de cette
hiérarchie sous la forme d'une pyramide : La normativité supra
législative, celle législative et celle infra législative.
Autrement dit, il s'agit en premier lieu de la Constitution issue de la
volonté de l'ensemble de la Nation ; en deuxième position se
trouvent les normes internationales, puis les lois etc.
Selon l'article 1er de la Constitution
haïtienne en vigueur : « Haïti est une République,
indivisible, souveraine, indépendante, libre démocratique et
solidaire ». Se reconnaissant d'une République souveraine et
indépendante, l'État haïtien se positionne contre toute
subordination sur le plan organique. En ce sens qu'il ne pourrait se trouver au
dessus de celui-ci aucune autre autorité. « Aucun autre Corps
armé ne peut exister sur le territoire national » peut-on lire
à l'article 263-1 de cette constitution. Soulignons au passage qu'il
s'agit là d'un principe sacramental qui a déjà
été exprimé dans le préambule de la Constitution
haïtienne en vigueur (2016, p. 15) en ces termes : « Le peuple
haïtien proclame la présente Constitution pour rétablir un
État stable et fort, capable de protéger les valeurs, les
traditions, la souveraineté, l'indépendance et la vision
nationale ». La charte des Nations unies à l'alinéa 4 de son
article 2 consacre à son tour ce même principe quand elle avance
que :
6
contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
La disposition la plus pertinente du principe de non
intervention est sans doute l'article 2 à l'alinéa 7 de la charte
des Nations Unies qui dispose : « aucune disposition de la présente
charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État [...]) ». Cela nous amène à faire un petit point
sur la signification de la compétence nationale d'un État du
point de vue du droit international.
En droit international, la compétence nationale d'un
État désigne le champ d'action de celui-ci qui relève de
son seul pouvoir de décision et échappe à l'empire des
règles internationales. Ceci étant dit, il revient à
chaque État de faire choix de son système économique,
politique ou social. Dans l'affaire du Lotus, La CPJI a même soutenu que
: « la limitation primordiale qu'impose le droit international à
l'État est celle d'exclure - sauf l'existence d'une règle
permissive contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un
État (CPJI, Affaire du Lotus, 1927, série A no 10, par
18-19. Cité par Assogba, p. 6). De plus, les articles premiers des deux
pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ; relatifs aux
droits économiques, sociaux et politiques, ratifiés par
Haïti, reconnaissent en termes nets le droit de tous les peuples de
disposer d'eux-mêmes : « Tous les peuples ont le droit de disposer
d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur
statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel ».
Cependant, si le Conseil de sécurité estime que
les mesures prévues à l'article 411 de la charte
étaient inadéquates ou qu'elles se sont
révélées telles :
(...) il peut entreprendre, au moyen de forces
aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et la
sécurité internationales. Cette action peut comprendre des
démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations
exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
de Membres des Nations Unies (Charte des Nations unies, Article 42, p.13).
1 Le Conseil de sécurité peut décider
quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent
être prises pour donner effet à ses décisions, et peut
inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci
peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations
économiques et des communications ferroviaires, maritimes,
aériennes, postales, télégraphiques,
radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la
rupture des relations diplomatiques. (Charte des Nations Unies, Article 41)
7
Plus tard, à travers la résolution 43/131 de
l'Assemblée générale de l'ONU en 1988 puis par plus de 300
résolutions du Conseil de sécurité dans une vingtaine de
conflits, le droit d'ingérence a été introduit et
consacré par le sommet mondial des chefs d'État et de
gouvernement comme un antidote au principe de non-intervention
susmentionné. Le 16 septembre 2005, ils affirmaient :
(...) Nous sommes prêts à mener en temps voulu
une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de
sécurité, conformément à la Charte, notamment son
Chapitre vii, au cas par cas et en coopération, le cas
échéant, avec les organisations régionales
compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent
inadéquats et que les autorités nationales n'assurent
manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide,
les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre
l'humanité. (Cité par Bettati, 2007, p. 381)
Ainsi, en 2004, les Nations Unis résolurent à
intervenir en Haïti à travers une Mission militaire de
stabilisation en vertu de la résolution 1542 du Conseil de
Sécurité. Nous sommes donc en présence d'une confrontation
entre les normes juridiques internationales elles-mêmes d'une part et,
d'autre part entre les normes constitutionnelles et les normes juridiques
internationales. D'un côté, certaines dispositions interdisent
strictement l'intervention. D'un autre côté, le principe de
non-intervention est totalement remis en question à la faveur d'un droit
d'ingérence motivé par des « menaces à la paix et
à la sécurité internationale ».
Selon la résolution 1542 du Conseil de
sécurité de l'ONU, créant la MINUSTA, la Mission devrait
entre autres « assurer un environnement sûr et stable, aider
à réformer et restructurer la Police nationale, appuyer le
processus constitutionnel et politique en cours en Haïti ». Insistons
au passage sur le fait que l'Organisations des Nations Unies n'était pas
à son premier coup d'essai en Haïti. Sa première
intervention remonte à 1990. Celle-ci se réalisa dans le cadre
d'une mission de contrôle des opérations électorales qui
ont abouti à la courte présidence de Jean Bertrand Aristide. En
1994, le Conseil de sécurité de l'ONU donne son aval aux
États-Unis d'Amérique qui lancent l'opération «
restaurer la démocratie ». L'année suivante, la Mission des
Nations unies en Haïti (MINUHA) prend le relais des forces
américaines (Pouligny-Morgant, 1998, p. 2).
Or, eu égard au principe de la hiérarchie des
normes, toute démarche onusienne visant à autoriser une
intervention de quelque nature que ce soit, militaire notamment, en Haïti
serait
8
frappée d'inconstitutionnalité. Car aucune
convention, aucun traité, aucune loi n'est supérieure à la
Constitution : tout autre texte de loi doit être rédigé ou
adopté en conformité avec les normes constitutionnelles.
Parallèlement, en dépit de ces nombreuses
interventions, nous sommes amenés à observer que l'État
haïtien demeure aujourd'hui encore dans une extrême
précarité. L'instabilité politique n'a toujours pas
été éradiquée. L'État de droit peine encore
à se construire. Ce qui porte des auteurs comme Ricardo Seitenfus
à qualifier d'échec l'aide internationale à Haïti :
« On veut faire d'Haïti un pays capitaliste, une plate-forme
d'exportation pour le marché américain, c'est absurde ! (...) on
ne résout rien, on aggrave la situation. Cela suffit de jouer avec
Haïti. » (Cité par Fernandez, 2011, para 14).
Partant de ces différentes considérations, cette
intervention onusienne crée à ce moment là un important
problème juridique qui suscite notre curiosité. Car, cette
question apparait comme une véritable anomalie pour laquelle il est
souhaitable d'engager une recherche explicative qui porterait sur les
déterminants, les liens causaux et processus juridiques
impliqués. C'est dans cette même lignée que nous formulons
ainsi nos questions de recherche suivies des hypothèses et objectifs de
recherche :
1.1 Énoncé des questions et hypothèses
de recherche
Question principale : Comment expliquer les
origines et fondements juridiques de l'intervention des Nations unies en
Haïti de 2004 à 2017 ?
Question spécifique 1 : L'intervention
des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017 est-elle compatible ou
non avec la souveraineté de l'État haïtien garantie par la
Constitution haïtienne en vigueur et les normes juridiques internationales
?
Question spécifique 2 : Par quels
moyens Haïti pourra-t-elle se mettre à l'abri des interventions
onusiennes ?
Comme nous le faisons remarquer dans plusieurs sections de
notre travail, notre objet de recherche oscille entre les normes
constitutionnelles, les normes juridiques internationales, la
défaillance des trois pouvoirs de l'État, c'est-à-dire,
son incapacité à remplir ses fonctions régaliennes et ses
fonctions de base et sa difficile insertion dans la société
internationale pour
9
expliquer les origines et les fondements juridiques de
l'intervention onusienne en Haïti entre 2004 et 2017. Ce travail de
recherche part donc de trois hypothèses: deux explicatives et l'autre
transformative. Nos investigations nous permettront très certainement de
vérifier la validité des hypothèses émises.
Hypothèse principale : L'intervention
des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017 est une
conséquence de la faillite des trois pouvoirs de l'État,
Co-dépositaires de la souveraineté nationale.
Hypothèse spécifique (1) :
L'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017
constitue une atteinte à la Souveraineté externe et interne de
l'État haïtien.
Hypothèse spécifique (2) :
L'établissement d'un État de droit en Haïti,
matérialisé à travers le renforcement des pouvoirs de
l'État et l'existence d'autres organes tels le Conseil constitutionnel
et le Conseil électoral permanent, contribue à y réduire
les risques des interventions onusiennes.
1.2 Formulation des objectifs de recherche
Les objectifs poursuivis dans le cadre de cette recherche
tiennent à la fois compte de nos questions de recherche et de nos
hypothèses de travail. Il s'agit donc d'un objectif principal et de deux
objectifs spécifiques.
Objectif principal: Identifier et comprendre
les origines et fondements juridiques de l'intervention des Nations unies en
Haïti de 2004 à 2017
Objectif spécifique 1: Établir
les liens de compatibilité ou d'incompatibilité entre
l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017 et la
Souveraineté interne et externe d'Haïti
Objectif spécifique 2 : Formuler des
propositions pour l'établissement, en Haïti, d'un État de
droit matérialisé à travers le renforcement des pouvoirs
de l'État et l'existence d'autres organes de contrôle pour servir
de prémisse à la libération d'Haïti de la
dépendance onusienne
10
2. Vers une étude diachronique de l'intervention
onusienne en Haïti de 2004 à 2017
Pris dans ses diverses facettes, le concept d'intervention
pose d'entrée de jeu de sérieux problèmes
épistémologiques tant que le champ qu'il couvre est
énorme. Pour certains, toutes pression exercée sur un État
est considérée comme une intervention. Pour d'autres toute
ingérence non consensuelle dans les affaires internes d'un État
constitue une intervention. De plus, il s'agit pour plus d'un de toute menace
de sanctions politiques, économiques, diplomatiques, militaires, blocus.
Et finalement pour d'autres encore elle se limite à l'action militaire
(Rapport de la commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des États, 2001, p. 9).
Pour leur part, Raymond Guillien et Jean Vincent (2005, p.
351) à travers le lexique des termes juridiques,
définissent l'intervention comme étant un « acte
d'ingérence d'un État dans les affaires d'un autre pour le
contraindre à agir selon sa volonté ». Il importe de faire
remarquer que le droit d'intervention ou plutôt le devoir d'intervention
ne fait pas encore unanimité. Juanita WESTMORLAND-TRAORÉ (2004,
p. 159) reconnait qu'il existe une tension réelle entre cette pratique
et le principe fondamental de la souveraineté des États. Ainsi,
l'intervention internationale se déroule aujourd'hui dans un
environnement violent et engage des forces civiles et militaires importantes
dotées d'une mission où, en parallèle, se côtoient
l'action militaire visant à maintenir ou à imposer la paix et
l'action humanitaire visant à secourir et à rebâtir
(Coulon, 2008).
De ce fait, plutôt que de nous focaliser sur des dates,
nous appuierons notre approche sur les grands axes d'intervention de la
MINUSTAH au cours de la période étudiée, sa formation, son
évolution et les faits qui la caractérisent. Car l'intervention
des Nations Unies durant la période 2004-2017 peut-être
étudiée sous divers angles : humanitaire, psychologique,
économique, militaire, politique, juridique. Toutefois, seuls les trois
derniers aspects sont pris en charge par la présente étude. Il
s'agit pour nous, d'une part, d'élucider l'objet de notre recherche et
d'autre part, de comprendre la triple portée militaire, politique et
juridique de cette Intervention.
Comme l'illustre Namie Di Razza (2010) plusieurs défis
ayant accompagné le processus de la consolidation de la paix peuvent
être recensés. Premièrement, la MINUSTAH devra faire face
au défi de la violence politique par la médiation, le «
Peacekeeping ». Deuxièmement, le défi de la violence
criminalisée par la lutte contre la criminalité, le « Peace
Enforcement ». Troisièmement, le défi de la violence sociale
et populaire par le DDR, le « Peace Building ». L'auteure a aussi
11
noté les défis onusiens de l'État de
droit. Il s'agissait essentiellement de « rétablir
l'État, pierre fondatrice de l'édifice de paix ».
Dans le point 7 de la résolution 1542 créant la
Mission, le mandat de la MINUSTAH est clairement exprimé en trois points
: le premier consiste à assurer un mandat sûr et stable ; le
deuxième consiste à appuyer le processus constitutionnel en cours
en Haïti ; et finalement le troisième point confie à la
Mission un mandat de soutien et de promotion des droits humains.
C'est ainsi que l'une des principales priorités des
soldats de la paix était de rétablir la paix et la
sécurité au moyen de patrouilles, de points de contrôle et
d'opérations de lutte contre la criminalité, et les menaces
à la sécurité internationale et à la paix. À
ce moment là, une précision conceptuelle de la notion de maintien
de la paix s'impose.
Le domaine du maintien de la paix désigne l'une des
compétences, des attributions, ou encore des activités des
Nations Unies dont le but est de normaliser les relations internationales,
d'introduire plus de justice, plus de respect du droit, de susciter plus
d'aversion à l'égard des procédures de force, et de
créer les conditions qui le préparent ou sauvegardent le maintien
de la paix : elles concernent, d'une part, le règlement pacifique des
conflits et la lutte contre l'agression et d'autre part, le désarmement.
(Chaumont, 1968, p. 63).
Dans le cadre de son intervention en Haïti,
l'Organisation des Nations Unies se donnait carte blanche pour exercer un droit
de regard sur la sécurité nationale à travers la PNH dont
elle travaille à la professionnalisation. La MINUSTAH ira même
jusqu'à introduire, dans le cadre de sa mission, un nouveau concept en
Haïti : la réduction de la violence communautaire. Cette approche a
compris des activités de sport et en faveur de la paix, mais aussi la
création d'opportunités économiques et sociales d'anciens
membres de gangs et de communautés vulnérables. (
https://minujusth.unmissions.org/peaceday-15-ans-de-maintien-de-la-paix-de-lonu-...,
consulté le 15 Mai 2020)
Par ailleurs, avec la section du système
pénitentiaire de la MINUSTAH, nous assistons à une autre forme
d'intervention. Cet organe est intervenu dans le renforcement des
capacités opérationnelles et de gestion de la Direction de
l'administration pénitentiaire haïtienne (DAP), ce qui a
permis de rendre opérationnelles 17 des 19 prisons existantes.
La MINUSTAH a également fourni aux autorités
législatives haïtiennes une assistance technique dans la
rédaction de nouvelles lois dont celle sur les prisons et un plan de
développement stratégique (2017-2021). Elle leur a aussi
assisté dans la création d'une
12
commission d'enquête pénitentiaire chargée
des cas de décès en détention (Nations Unies : Maintien de
la Paix,
https://peacekeeping.un.org/fr/protecting-civilians,
consulté le 20 Mai 2020).
De plus, la présence onusienne a été
fortement ressentie au niveau des processus électoraux haïtiens et
au niveau de la PNH. La Mission a étendu son intervention aux
différentes élections présidentielles, législatives
et municipales organisées en Haïti. Qui plus est, elle avait la
responsabilité de transporter et de sécuriser des bulletins de
vote de tout le pays vers la capitale. Dans le rapport du 12 Juillet 2017 du
Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies pour
la stabilisation en Haïti, d'autres éléments encore plus
pertinents que les précédents sont apparus.
En treize ans, l'intervention de la Mission sur le plan
juridique a été très importante. La composante
chargée des droits de l'homme à la MINUSTAH a assisté ou
pour certains soutenu les Haïtiens dans la protection et la promotion des
droits de l'homme. La MINUSTAH s'est aussi emparée d'importantes
opérations telles que des « Enquêtes sur les
allégations de violations des droits de l'homme ». La
capacité du gouvernement haïtien à répondre aux
mécanismes internationaux des droits de l'homme tels que l'Examen
Périodique Universel a également été
renforcée peut-on lire dans les différents rapports du
secrétaire général. La composante des droits de l'homme
s'est efforcée de donner aux organisations de la société
civile les moyens d'agir en tant que gardiennes du respect des droits de
l'homme et de la Constitution haïtienne.
De surcroît, dans l'un de ses rapports sur la Mission
des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (2017, pp. 4-5), au
nombre des aspects positifs, le secrétaire général a
rappelé la soumission, le 25 avril de la même année, du
projet de code pénal et du projet de code de procédure
pénale au Parlement par le pouvoir exécutif, et l'introduction
par une commission d'un projet de loi sur l'aide judiciaire au Ministère
de la Justice et de la sécurité publique le 11 mai.
Bref, l'intervention des Nations Unies en Haïti à
travers la MINUSTAH s'inscrit dans un contexte de crises inédites
marqué notamment par l'éternel apprentissage de la
démocratie, la baisse de la production nationale, la fragilité
des finances publiques, l'explosion des dettes publiques, et le non respect
flagrant des droits fondamentaux et des libertés publiques des citoyens.
Intervenant à un moment où il est tout à fait imprudent
d'affirmer qu'une situation de guerre sévit en Haïti, la Mission
des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti a à la fois
été une mission de protection de la sécurité
internationale que de maintien de la paix.
13
Car pour le professeur James Boyard (2010, p. 108) la menace
contre la paix désigne tout fait illicite commis par un État et
qui risque d'affecter la paix internationale par sa propension conflictuelle et
le jeu d'escalade des réactions. À cette catégorie, il est
d'usage d'inclure le non respect par un gouvernement d'un traité
bilatéral ou multilatéral, la violation par un État des
immunités et privilèges du personnel diplomatique d'un
État étranger etc.
D'où l'intervention des Nations Unies en Haïti
pour neutraliser la menace haïtienne à la paix et à la
sécurité internationale, rétablir l'ordre et y assurer un
climat de paix.
2.1 Justification de l'étude
Les recherches et les données sur Haïti
établissent que le pays fait face continuellement à une
série de crises les unes plus importantes que les autres. Ces
bouleversements affectent en particulier tous les piliers sur lesquels pourrait
reposer le développement durable du pays. Parmi ces crises, on retrouve
: une situation de polarisation des acteurs, une absence de politiques
publiques et de leadership, un déséquilibre voire même une
défaillance des trois grands pouvoirs de l'État, une
dépendance systématique vis-à-vis de l'international
caractérisée par une mainmise permanente de la
société internationale sur la politique interne d'Haïti.
C'est ainsi que depuis les élections de 1990, la
problématique de l'intervention des Nations unies en Haïti n'a
cessé de susciter l'intérêt de nombreux chercheurs. On la
retrouve notamment dans des travaux de Sciences politiques, de Relations
internationales, d'Économie, entre autres. Dès lors,
scientificité exige que nous précisions la pertinence
scientifique d'une telle recherche pour le Droit mais également la
pertinence sociale et académique de la recherche. Autrement dit, il sera
principalement développé les réponses aux questions
suivantes : « Qu'est-ce qui justifie que cette recherche doit-être
menée en Droit » et par nous-même ? En quoi constitue
l'originalité de notre travail de recherche ? Cette recherche se
justifie alors en raison de sa pertinence scientifique et sociale mais
également académique :
Scientifique parce que notre objet de recherche entre dans la
préoccupation de la Science à travers les questions
laissées ouvertes par d'autres chercheurs. Plus encore, dans les
études réalisées par de nombreux auteurs dont le rapport
de la Commission internationale de l'intervention et la souveraineté des
États, il est démontré que l'intervention nécessite
la préexistence d'une approbation légale ou normative par un
corpus supranational reconnu comme compétent par une loi ou un
traité international mais également la violation du principe de
la
14
responsabilité de protéger qui entraine ipso
facto celui de la responsabilité collective de protéger reconnue
à la communauté des États. Notre travail de recherche
s'appuie non seulement sur ces positions théoriques en cherchant
à identifier les fondements juridiques de l'intervention mais propose
aussi une nouvelle base théorique qui enseigne que l'intervention des
Nations Unies en Haïti relève d'un ordre juridique international
qui tend à relativiser le principe de l'égalité souveraine
des États telle que comprise dans sa conception absolue mais aussi de la
Faillite de l'État haïtien dû probablement à l'absence
de l'État de droit.
Ensuite, notre recherche se justifie par sa pertinence
sociale. Ce travail aborde des phénomènes de
société comme ceux de la dégradation des conditions
d'existence de la population haïtienne. Le rôle joué
jusqu'ici par les pouvoirs publics et les acteurs politiques se
révèlent tout à fait insignifiant par rapport à la
soif de changement de la population. Ce travail de recherche aura donc permis
de réfléchir sur les besoins de la population exprimés
à travers notamment la Constitution haïtienne en vigueur.
Finalement, ce mémoire se justifie en raison de sa
pertinence académique puisque premièrement de sa réussite
dépend l'obtention de notre diplôme de licence en Droit. Mais
encore, deuxièmement, dans la limite de notre connaissance, aucune
recherche portant spécifiquement sur cette problématique n'a
été menée par des étudiants à la
Faculté de Droit des Sciences économique et de Gestion du
Cap-Haïtien, de l'Université d'État d'Haïti. Il s'agit
donc d'un important vide juridique et documentaire que notre recherche pourra
très certainement réduire.
En conclusion, ce travail de recherche, une fois
réalisé, permettra entre autres de répondre à notre
objectif principal de recherche qui est celui d'identifier les origines et
fondements juridiques de l'Intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017. Ce qui sera une avancée assez considérable sur une
question qui est devenue récurrente dans notre Histoire de peuple.
2.2 Limitation et structuration de la recherche
Ce point développe la façon dont la recherche
est structurée du point de vue du temps, de l'espace et du
déroulement de la collecte et du traitement des données. Pour ce
travail, il est adopté une démarche scientifique construite en
six étapes : l'observation et la formulation du problème
général de recherche, la formulation de l'Hypothèse de
travail, l'investigation et l'expérimentation, les résultats,
l'interprétation et la conclusion de l'étude.
15
Compte tenu de la haute portée de la thématique
de l'intervention des Nations unies en Haïti, nous l'avons circonscrite
autour de la Mission des Nations Unies en Haïti pour la stabilisation en
Haïti (MINUSTAH). Notre sujet de recherche est donc logiquement
formulé : Intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017, au regard de la Constitution haïtienne en vigueur et des
normes juridiques internationales.
Pour éviter de sombrer dans l'incohérence et
dans la surabondance, notre recherche est menée en deux phases : l'une
conceptuelle et l'autre opératoire.
La phase conceptuelle de la recherche s'étend sur deux
chapitres. Le premier s'attache à spécifier et éclaircir
l'objet de la recherche mais également à présenter la
problématique générale de l'étude. Le
deuxième chapitre quant à lui couvre l'aspect conceptuel et
théorique de la recherche. C'est au niveau de ce chapitre que les
différents concepts et notions sont à la fois définis et
analysés et la perspective théorique de la recherche
affirmée.
La seconde phase de la recherche est rapportée à
travers trois autres chapitres. Dans cette partie, la démarche
méthodologique adoptée pour collecter, présenter,
décrire, analyser, interpréter les données de la recherche
est mise en en évidence. En outre, c'est aussi au niveau de cette partie
que les résultats de la recherche sont présentés et
discutés. Soulignons également l'existence d'un dernier chapitre
faisant office d'expérience-témoin, où des propositions
ont été faites dans l'objectif de trouver des solutions à
notre problème de recherche. En somme, notre travail de recherche
contient deux parties et cinq chapitres.
En effet ce travail de recherche se limite à des
indicateurs spécifiques. Il aborde premièrement l'intervention de
la Mission onusienne dans ses dimensions militaire, politique et juridique.
Deuxièmement, il analyse l'exercice de la souveraineté interne et
externe de l'État haïtien dans le contexte actuel de l'ordre
socio-juridico-économico-politique de la société
internationale. Finalement il s'évertue à démontrer les
effets potentiels de l'État de droit dans des efforts qui tendraient
à mettre Haïti à l'abri des interventions onusiennes. Toute
cette investigation sera réalisée dans un cadre spatio-temporel
clairement établi allant de 2004 à 2017. Cette période
correspond précisément aux débuts de l'intervention (2004)
et à la fin de l'intervention (2017) en Haïti.
À cheval entre le droit public interne et le droit des
relations internationales, notre recherche s'inscrit dans les lignées du
droit constitutionnel, du droit administratif et du droit international
public.
16
CHAPITRE II
RÉVISION DE LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE
ET JURIDIQUE, CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Le présent chapitre s'étale sur deux points : la
revue de littérature scientifique et juridique de l'objet de recherche,
les perspectives théoriques et le cadre conceptuel de la recherche.
Comme nous l'avons annoncé précédemment,
ce chapitre est le couronnement de la phase conceptuelle de notre recherche. Il
a pour vocation de décrire le domaine d'intervention de la
présente étude, de faire ressortir les questions laissées
ouvertes par des travaux antérieurs et finalement préciser le
champ où s'inscrit la recherche.
1. Revue de littérature scientifique et
juridique de l'objet de la recherche
Pour mener à bien cette recherche, nous avons
priorisé une revue de littérature à double portée.
Il s'agit pour nous d'explorer toutes les pistes nécessaires en vue de
parvenir à une explication juridique adéquate de notre objet de
recherche. Ainsi, il sera premièrement question de faire une recension
critique des travaux réalisés sur l'intervention des Nations
Unies à travers le monde en général et sur l'intervention
des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017 en particulier.
Deuxièmement, nous allons recenser les normes, les jurisprudences et les
notes doctrinales juridiques portant sur l'intervention en question.
1.1 Tour d'horizon général sur l'état
de la littérature de l'intervention des Nations dans le monde et en
Haïti de 2004 à 2017
La littérature de l'intervention internationale des
Nations unies est relativement abondante, contradictoire et diversifiée.
Parmi les auteurs ayant travaillé sur l'intervention des Nations unies
dans le monde, nous retenons les noms de Barbarat Delcourt, Olivier Corten,
Thierry de Montbrial, Roland Marchal et Richard Banégas. Tandis que pour
les travaux spécifiques qui traitent de l'intervention des Nations unies
en Haïti, ont été retenus les noms de : Rose-Anne St Paul,
Ricardo Seitenfus, Jocelyn Coulon, entre autres.
17
Une gamme de données et de réflexions assez
riches existe à propos des interventions internationales menées
notamment par l'ONU. Retenons à titre d'exemple l'ouvrage de Barbara
Delcourt et Olivier Corten intitulé « Ex-Yougoslavie : Droit
international, politique et idéologies ». La philosophie
adoptée pour la rédaction de cet ouvrage a été
toute particulière. Les auteurs croient que seule une analyse des
relations dialectiques liant droit international et politique permet de
comprendre ce qui s'est passé en Ex-Yougoslavie de 1991 à 1995.
Dans un premier chapitre les auteurs se sont penchés sur l'impact de la
politique sur le droit international. Ils dénotent une certaine
contradiction dans la prise de position juridique de certains États lors
des revendications d'indépendance de la Croatie et de la Slovénie
notamment ainsi que la faiblesse d'institutions comme les Nations unies. Dans
un deuxième et troisième chapitre, ils traitent des
théories politiques portant sur les relations internationales avant de
terminer, au troisième chapitre sur une critique du rôle du juge
au sein de la « Commission de Badinter » notamment. Si nous
reconnaissons l'importance d'un tel travail, il n'en demeure pas moins que
l'emphase n'est pas suffisamment mise sur l'O.N.U. qui est pourtant l'organe
régulateur des relations internationales.
Vient ensuite cet article de Roland Marchal et Richard
Banégas ainsi libellé « Intervention et
Interventionnisme en Afrique ». Publié en 2005 dans les
colonnes de la revue en Ligne CAIRN INFO, ce texte d'une utilité
remarquable propose des informations assez pertinentes. La réflexion de
ces auteurs part d'un constat qui date du 06 Novembre 2004 lorsque
l'armée française détruisit l'aéronef de
l'armée ivoirienne. Pour eux cette décision de Paris et l'absence
de réaction notable tant au niveau national qu'européen et
international laissent entrevoir un consensus mou sur les politiques
d'interventions en Afrique. Voulant inscrire leur réflexion dans un
cadre beaucoup plus académique, les auteurs ont souligné que ces
actions internationales et onusiennes s'inscrivirent dans le cadre d'une
conception solidariste, laquelle autorise l'O.N.U. à intervenir au nom
du principe de la responsabilité internationale de protéger.
Malheureusement, les auteurs ont simplement voulu faire un bilan de
l'interventionnisme en Afrique sans toutefois trancher les questions. C'est du
moins, les limites de leur réflexion, pensons-nous. Notre travail de
recherche se propose donc d'aborder la question sous cet angle.
18
Thierry de Montbrial livre, dans un article publié en
1998 sous le titre « Interventions internationales, Souveraineté
des États et démocratie », une autre réflexion
théorique sur le système international actuel qui mérite
d'être soulignée. Ce système se caractérise,
notamment, par la remise en cause de la notion d'État et par
l'émergence d'une « société » plutôt
qu'une « communauté » internationale. En attendant un
hypothétique «gouvernement mondial» que le système des
Nations unies ne préfigure pas, de nouveaux types d'unités
politiques apparaissent, dont la construction européenne est la plus
avancée. Pour l'auteur, cette évolution implique une
réflexion sur la notion d'universalité, dont les Occidentaux se
font les chantres.
Quant au deuxième niveau, le constat est clair. En
dépit de la très abondante littérature qui existe à
propos de l'interventionnisme onusien en Haïti, les ouvrages
spécifiques qui traitent de notre problématique sont rares.
Toutefois, des articles et ouvrages de certains auteurs, des travaux de
recherches menés par d'autres étudiants ont
particulièrement façonné notre démarche. C'est le
cas de ce mémoire de sortie présenté par Rose-Anne St Paul
à la Faculté des Arts et des Sciences de l'Université de
Montréal en vue de l'obtention du grade de Maitrise en Sciences en
études internationales, Janvier 2013. Ce travail de recherche, « Le
chaos régulé : Une approche épistémique de
l'intervention humanitaire », se propose de comparer les modes
d'interventions étatique et non étatique ayant une optique de
maintien ou de rétablissement de la paix, de développement
économique et social, pour des raisons humanitaires. Le travail
réalisé par Rose-Anne St Paul concerne trois des interventions
américaines en Haïti. S'il est particulièrement utile
puisqu'il transpose la problématique de l'intervention internationale en
Haïti, nous pensons qu'il faut aller plus loin. Notre travail de sortie
dont l'objet de l'étude est l'établissement du lien entre la
Faillite de l'État haïtien et l'intervention des Nations unies en
Haïti en 2004 devra répondre à cette attente.
Nous ne pouvons passer sous silence l'oeuvre de Ricardo
Seitenfus à travers son ouvrage titré « L'échec
de l'aide internationale à Haïti : Dilemmes et égarements
». Paru en 2015 aux Éditions de l'Université
d'État d'Haïti, l'essentiel de cet ouvrage nous est rapporté
par Raoul Peck qui le préface. Dans cet ouvrage, Ricardo Seitenfus, nous
livre un puissant témoignage sur le rôle de l'international en
Haïti. Quoique l'on puisse penser de ses actions sur le terrain et du
rôle récent, de l'auteur dans la crise haïtienne, force est
de constater que le livre de Ricardo Seitenfus offre une précieuse base
de données sur le mode opératoire de l'international en
Haïti.
19
Bien qu'il ne traite pas spécifiquement de notre objet
de recherche, ce livre constitue un véritable guide à notre
travail de recherche. Dans cet ouvrage, l'auteur soulève des
questionnements qui dénotent non seulement une certaine faiblesse de sa
part mais également un manquement dans la connaissance des causes
entrainant ces nombreuses interventions étrangères en Haïti.
Quand il s'interroge par exemple : « qu'y-a-t-il de si extraordinaire sur
la Terre de Toussaint Louverture qui puisse expliquer son inadaptabilité
constante à la modernité ?». C'est précisément
l'une de nos préoccupations puisque nous proposons justement de
déterminer les différents facteurs qui ont
déterminé l'intervention des Nations unies en Haïti.
D'autres textes couvrent également notre
problématique. Considérons cet article de Jocelyn Coulon
titré : « L'intervention internationale. Pour une
éthique de l'engagement sur la longue durée ». Les
interventions internationales, plus encore celles déclenchées
dans l'urgence, sont toujours sujettes aux contingences. Elles sont le fruit de
débats et de compromis entre le possible et l'idéal, entre les
intérêts et la morale, entre l'utilitaire et le
désintéressé. À partir d'exemples concrets
(Haïti et Bosnie, Kosovo et Darfour), l'auteur s'interroge sur
l'éthique de l'engagement sur la longue durée. Selon lui, elle a
des chances de réussir si les membres de la
communautéì internationale décident d'investir
des moyens conséquents et de faire preuve d'une
volontéì politique exempte de
discontinuitéì lorsqu'elle déclenche une
intervention. À travers ce texte, l'auteur inscrit les interventions
internationales dans l'arène d'une politique « deux poids, deux
mesures ». Il fait remarquer que les résultats des interventions de
la communauté internationale ont été variables. Selon la
situation, les interventions sont teintées d'incohérence ou bien
planifiées, les unes ont réussi et d'autres se sont
soldées par un échec. Pour asseoir son argumentation, l'auteur a
notamment comparé les interventions en Haïti et à Bosnie. Si
l'intervention de la communauté internationale ou plutôt des
Nations unies en Haïti n'a pas été le principal objet de ses
réflexions, l'auteur a tout de même façonné notre
démarche en nous invitant à poursuivre la réflexion de
manière plus poussée.
1.2 L'intervention onusienne en Haïti de 2004 à
2017 à travers les normes juridiques, les jurisprudences et la doctrine
juridique
Ici, nous voulons reprendre l'ensemble des instruments
juridiques internationaux et constitutionnels qui nous servent
d'éclairage dans l'atteinte de l'objectif général que nous
nous sommes fixés dans le cadre de cette recherche. Il s'agit d'une part
de textes juridiques
20
garantissant l'égalité souveraine des peuples
et, d'autre part,c onsacrant le principe de non intervention internationale
dans des questions qui relèvent de la compétence nationale d'un
État ou plus largement d'autres textes qui ont un lien avec notre
thématique de recherche. Nous considérerons d'abord les deux
résolutions qui se situent au début et à la fin de notre
recherche à savoir : « La résolution 1542 du 30 Avril
2004 créant la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en
Haïti (MINUSTAH) » et « La résolution 2350 (2017)
consacrant la fin de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en
Haïti » :
Prenant note de l'existence de problèmes qui
compromettent la stabilité politique, sociale et économique
d'Haïti et estimant que la situation en Haïti continue de constituer
une menace pour la paix et la sécurité internationale dans la
région, le Conseil de sécurité de l'ONU a pris voté
la résolution 1542 du 30 avril 2004. Le Conseil :
- décide d'établir, sous le nom de Mission des
Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) la force de
stabilisation visée dans sa résolution 1529 (2004) pour une
durée initiale de six mois qu'il compte renouveler et demande que la
passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à
la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004.
- décide que la MINUSTAH aura une composante civile et
une composante militaire ; - agit en vertu du chapitre VII de la charte des
Nations Unies : décide de confier à la
MINUSTAH un mandat avec les grands points suivants: climat
sûr et stable,
processus politique, Droit de l'homme.
Vient ensuite la résolution 2350 (2017) mettant fin
à la MINUSTAH. Présentée par les États-Unis, le
Conseil de sécurité a décidé de mettre fin à
la Mission des Nations Unies en Haïti et décide de la route
à suivre par la nouvelle Mission, MINUJUSTH. Ainsi dans le texte du
projet de résolution (S/2017/313), le conseil de sécurité,
agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, selon les
modalités décrites à la section 1 du paragraphe 7 de la
résolution 1542 (2004), et eu égard aux paragraphes 5 à
14, qui ont trait à la nouvelle mission, décide de proroger le
mandat de la MINUSTAH pour une période de six mois et de procéder
à sa clôture d'ici au 15 octobre 2017.
21
Essayons, à présent, d'éclaircir la
question de l'intervention onusienne en Haïti de 2004 à 2017
à la lumière de certains principes juridiques internationaux, de
notes constitutionnelles et jurisprudencielles, tels que :
- le principe de l'égalité souveraine des
États et le principe de non intervention, défendus par la Charte
des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques,
- la Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre
États, résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 24 Octobre 1970 et la
Résolution 2131 du Conseil de sécurité des Nations Unies
»
- L'arrêt du CPJI, du 7 Septembre 1927, rec
série A, no 10 »
- la Constitution haïtienne en vigueur »
La société internationale telle que
structurée aujourd'hui s'est développée lentement et
inégalement selon les parties du monde. Les relations entre ses diverses
composantes furent d'abord fondées sur la compétition avant
d'être soumises à des règles de droit (droit international)
présentant des caractéristiques originales qui les distinguent
des règles du droit interne. Droit d'une société
décentralisée, il (le droit internation public) régit les
rapports entre entités égales et souveraines (Pascale
Martin-Bidou, 2017, p. 6). En particulier, l'égalité souveraine
des États comprend selon Pascale Marin-Bidou (p. 31) les
éléments suivants :
a. Les États sont juridiquement égaux ;
b. Chaque État jouit des droits inhérents à
la pleine souveraineté ;
c. Chaque État a le devoir de respecter la
personnalité des autres États ;
d. L'intégrité territoriale et
l'indépendance politique de l'État sont inviolables etc.
En effet, dans l'ordre juridique international, la charte des
Nations Unies symbolise la Constitution de ses États membres. Selon
l'article 1er de ladite Charte, les buts de l'organisation se limitent à
: maintenir la paix et la sécurité internationales ;
développer entre les nations des relations amicales fondées sur
le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de
leur
Dans l'affaire du Lotus, La CPJI a soutenu que : « la
limitation primordiale qu'impose le droit international à l'État
est celle d'exclure - sauf l'existence d'une règle permissive contraire
-
22
droit à disposer d'eux-mêmes. Réaliser la
coopération internationale en résolvant les problèmes
internationaux. À l'alinéa 4 de son article 2, la charte consacre
également ce même principe quand elle avance que :
Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs
relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
Plus loin à l'article 2-alinéa 7 de la charte
des Nations unies, il est dit qu': aucune disposition de la présente
charte n'autorise les Nations unies à intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État E...]).
Ratifié et entré en vigueur le 31 Janvier 2012
par Haïti et publié dans le moniteur no 5 du 27 Juin
2012, le le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, dispose en son article 1er alinéa
1 que : « tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En
vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel ».
Plus loin, le pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ratifié et entré en vigueur le 23 Novembre 1990 par
Haïti et publié dans le moniteur no 2 du 7 Janvier 1991,
reprend à son tour le même principe en son article 1er
alinéa 1 : « tous les peuples ont le droit de
disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel. »
Cette résolution prévoit que tous les
États « ont des droits et des devoirs égaux et sont des
membres égaux de la communauté internationale, nonobstant les
différences d'ordre économique, social, politique ou d'une autre
nature ». Selon cette résolution, aucun État ni groupe
d'États n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour
quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou
extérieures d'un autre État. Ce principe a notamment
été également repris dans la résolution 2131
baptisée « Déclaration sur l'inadmissibilité de
l'Intervention dans les affaires intérieures des États et la
protection de leur indépendance et de leur souveraineté.
(Gonzales, 2004, p. 20)
23
tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un
État (CPJI, Affaire du Lotus, 1927, série A no 10, par 18-19.
Cité par Assogba, p. 6). Des principes que la Constitution
haïtienne en vigueur consacre, protège et garantit.
En effet, le droit constitutionnel dit « politique »
renvoie à l'étude « scientifique »
(désengagée) des systèmes de normes, de règles,
volontairement mis en place pour assurer l'organisation et la stabilité
des relations entre les gouvernants et les gouvernés. Elle comprendra
l'ensemble des règles qui fondent l'État (du latin stare
: statut, qui tient debout). La professeure Mirlande Manigat (2004, p. 23) le
définit comme étant « un ensemble de normes, essentiellement
contenues dans un document appelé Constitution, qui s'appliquent
directement et par l'intermédiaire de textes et d'actes juridiques de
nature et de portée variées.
D'un point de vue foncièrement juridique, Haïti
est une République constitutionnelle à régime politique
multipartite. Le chapitre I de la Constitution de 1987 en vigueur, la
vingt-deuxième Constitution élaborée à la chute du
président à vie Jean-Claude Duvalier le 7 Février 1986,
précise ses caractéristiques. Ainsi, peut-on lire aux
différents articles du chapitre en question, qu'Haïti est une
République indivisible, souveraine, indépendante, libre,
démocratique et solidaire. Si certains de ces concepts ne posent
à priori aucune difficulté de compréhension, d'autres ne
peuvent être compris qu'à l'issue d'une interprétation
minutieuse. C'est précisément le cas des qualificatifs :
souveraine, indépendante, libre et démocratique.
En référence aux définitions
proposées par le lexique des termes juridiques pour le concept de
souveraineté de l'État, et à la Constitution
elle-même, Haïti ne peut être vue que comme une
République qui n'a pas d'égale dans l'ordre interne ni de
supérieure dans l'ordre international ; n'est limité que par ses
propres engagements et par le droit international ; un État où
tous les citoyens possèdent un droit de participation et de
contestation, des droits et des devoirs fondamentaux. Son territoire est
inviolable et ne peut être aliéné ni en tout ni en partie
par aucun traité ou convention. Il s'agit donc là du profil
juridique reconnue à la République d'Haïti et garanti par la
Constitution et le droit international, entant qu'État souverain, membre
des Nations Unies. Reste à savoir si dans la pratique Haïti peut
faire valoir son statut d'État souverain, exempt donc de toute
ingérence étrangère.
24
2. Perspectives théoriques et cadre conceptuel
de la recherche
L'un des objectifs poursuivis par la démarche
scientifique est la rupture. En menant une recherche, le chercheur doit
absolument rompre avec ses idées préconçues. D'où
la nécessité d'inscrire ses réflexions dans un cadre
théorique clairement défini. Dans cet ordre d'idée, notre
démarche s'appuie essentiellement sur le normativisme juridique du
juriste Hans Kelsen et la théorie de l'intervention internationale
suggérée par la commission de l'intervention et de la
souveraineté des États, parue dans son rapport publié en
2001.
2.1 Perspectives théoriques de la recherche
Dans les lignes précédentes, nous avons
présenté un ensemble de travaux réalisés sur les
interventions internationales onusiennes tant ailleurs qu'en Haïti de 2004
à 2017. À présent, nous allons positionner notre
réflexion et nos questions de recherche dans la littérature
existante tout en précisant l'angle d'approche qui est
privilégié dans la recherche. : Le
normativisme.
Depuis l'Antiquité, deux conceptions s'opposent : le
positivisme juridique tel que conçu dans la théorie du
normativisme de Kelsen et le naturalisme juridique. Le positivisme juridique
s'appuie sur deux courants spécifiques : le positivisme juridique et le
positivisme sociologique. Le premier consiste à affirmer que le droit
positif se suffit à lui-même. Il tient son autorité de
l'État qui l'a édicté. Le deuxième renvoie à
l'idée que le droit positif doit pouvoir améliorer les conditions
de vie du groupe et parvenir à la solidarité sociale. Les
partisans de cette seconde conception du droit positif pensent donc que les
normes du droit international sont fondées sur la
nécessité sociale. Pour Georges Scelle, qui se rattache à
cette doctrine, les normes viennent du fait social lui-même et de la
conjonction de l'éthique et du pouvoir produits par la solidarité
sociale (Zarka, 2015, p.8).
Les doctrines positivistes appartiennent à la famille
des théories volontaristes. Selon ces dernières, le droit a sa
source dans l'expression d'une volonté. David Ruzié (2008, p. 10)
précise que le droit international repose nécessairement sur la
volonté de l'État. C'est ainsi que de nombreux juristes ont
aidé à développer ce que nous pouvons appeler les
modalités de cette conception du droit. On parlera donc avec Jellineck
de la théorie de l'autolimitation : l'État ne peut être
lié par le droit que s'il y consent ; de la théorie de la
Vereinbarung (Triepel) : le droit international naît de la fusion des
volontés étatiques en une volonté commune.
25
Le juriste Hans Kelsen développe, à travers la
théorie pure du droit, le normativisme qui sert particulièrement
de support à notre démarche. Ce normativisme conduit à
présenter le Droit comme une pyramide de normes au sommet de laquelle
figure la volonté de l'État matérialisée dans la
Constitution. Ainsi, la norme inférieure valide ne peut être
contraire à la norme qui lui est immédiatement supérieure
de peur que cela n'aboutisse à un contentieux.
À la croisée de cette théorie se situe la
doctrine du naturalisme juridique. L'essentiel de cette doctrine prend sa
source dans les théories non volontaristes ou objectivistes. Elle nous
est rapportée par David Ruzié (2008, p. 10) en ces termes :
« la raison naturelle impose certaines règles aux relations
humaines, même en dehors de toute autorité sociale. Ces
règles s'imposent aux États dans leurs rapports naturels ».
Selon ces dernières, il y aurait au-dessus du droit positif, des lois
non écrites immuables et universelles s'imposant à toutes les
sociétés et que les divers législateurs devraient
respecter. Ainsi donc la théorie du droit naturel insiste sur le fait
que la raison naturelle impose certaines règles aux États, Les
tenants du droit naturel soutiennent qu'il existe un droit supérieur aux
États, des règles antérieures aux relations humaines, en
dehors donc de toute autorité sociale. Ces règles s'imposent aux
États dans leurs rapports mutuels.
Par souci de proposer des réflexions plus
poussées sur ce que ces considérations théoriques
désignent dans la réalité par rapport à la
souveraineté de l'État, nous avons inscrit notre recherche dans
la lignée de la « La théorie de la commission internationale
de l'intervention et de la souveraineté des États »
Le rapport de la commission (2001, p. 9) définit
l'intervention comme étant des mesures prises contre un État ou
contre ses dirigeants, sans leur consentement, à des fins qui sont
présentées comme étant humanitaires ou protectrices. Dans
sa conclusion, il est précisé que :
Les États souverains ont la responsabilité de
protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu'il est
possible de prévenir - meurtres à grande échelle, viols
systématiques, famine. S'ils ne sont pas disposés à le
faire ou n'en sont pas capables, cette responsabilité doit être
assumée par l'ensemble de la communauté des États.
(Westmorland-Traoré, 2004, p. 171).
L'acceptation de la notion d'intervention à des fins de
protection humaine, y compris la possibilité d'une action militaire,
suppose impérativement que la communauté internationale
élabore des normes cohérentes, crédibles et ayant force
exécutoire qui régiraient la pratique
26
étatique et intergouvernementale. Toute nouvelle
conception de l'intervention motivée par un souci de protection humaine
doit s'efforcer d'atteindre au moins quatre objectifs fondamentaux : le premier
consiste à établir des règles, des procédures et
des critères qui permettent de déterminer clairement s'il faut
intervenir et quand et comment il faut le faire; deuxièmement il est
question d'asseoir la légitimité de l'intervention militaire
lorsque celle-ci est nécessaire et que toutes les autres
démarches ont échoué; troisièmement, il faut
veiller à ce que l'intervention militaire, lorsqu'elle a lieu, soit
menée aux seules fins prévues, soit efficace et accorde toute
l'attention voulue à la nécessité de réduire autant
que faire se peut les coûts humains et les dommages institutionnels qui
en résultent; et finalement contribuer à éliminer, si
possible, les causes du conflit tout en améliorant les perspectives
d'une paix durable.
2.2 Cadre conceptuel de la recherche
Le cadre conceptuel développé ici doit
être perçu comme étant la réunion, sous un
même couvert, des connaissances et toute autre réflexion
scientifique, qui ont un rapport quelconque avec le thème de la
recherche et qui nous serviront de point de repères. Une fois construit,
le cadre conceptuel aura la force nécessaire d'orienter, d'enrichir la
problématique. Il est le point d'intersection des divers sens contenus
dans les variables. L'idée est de parvenir à une meilleure
compréhension des concepts principaux et secondaires en ayant soin de
donner des références. Les principaux thèmes de
l'hypothèse sont, à ce stade explicités à la
lumière du cadre conceptuel comme une sorte de rubrique analytique. Les
concepts tels que définis et examinés symbolisent la position
théorique et scientifique adoptée dans le cadre de ce travail et
constituent des points de référence. Il s'agit globalement de
comprendre les origines et fondements juridiques de l'intervention onusienne
subie par Haïti entre 2004 et 2017, à travers l'analyse:
- de la société internationale par rappoirt au
droit et aux réalités,
- des caractéristiques de la société
internationale,
- de la place du système des Nations Unies comme
organe régulateur des relations
internationales,
- des rapports entre État, Souveraineté et
Responsabilité de Protéger .
L'impérialisme collectif formé par la Triade
(États-Unis, Europe, et Japon) est à l'offensive et s'emploie
activement à refaçonner le monde en fonction de ses objectifs
propres. Il
27
Avec la mondialisation qui n'est pas seulement l'extension de
l'international à l'échelle du monde, nous entrons dans une
réalité qualitativement différente,
caractérisée par la prédominance des domaines de
transnational et du supranational, les deux porteurs de la
déstabilisation de l'État-nation [...] (Manigat, 2007, p. 960).
Outre son entrée polémique dans l'histoire mondiale, la
Nation-phare de 1804, pour reprendre l'expression de l'historien Leslie F.
Manigat, comme tous les pays sous-développés d'ailleurs, est
victime de son retard par rapport au nouvel ordre mondial.
Dès lors, pour comprendre le non-développement
d'Haïti et sa dépendance par rapport aux grandes puissances
mondiales, il faut, en plus d'une critique de ses choix politiques et
économiques, la replacer au sein de la société
internationale telle que structurée après la seconde guerre
mondiale. Ce sous-point s'attachera donc à analyser la difficile
insertion d'Haïti dans le concert des États ou mieux encore sa
vulnérabilité en raison des inégalités de situation
qui, avouons-le, enveniment les rapports entre les États.
L'avènement d'une société internationale
dépassant le cadre national, c'est-à-dire celui d'une
société marquée par un sentiment d'appartenance à
une communauté culturelle, linguistique ou religieuse, est relativement
tardif. Pendant des millénaires, les Nations évoluaient dans une
ambiance de rejet mutuel. Toute relation humaine entre individus ou entre
nations, peu importe, implique échange, échange au sens noble du
terme (Platier, 1958, p. 200). Un point de vue que Guy Agniel (1997, p. 8)
endosse parfaitement lorsqu'il fait savoir qu' « il a fallu des besoins
nouveaux, excédant les moyens d'une seule société
nationale ou nécessitant la collaboration de plusieurs d'entre elles,
pour que naisse la société internationale». Comme toute
société organisée, la société internationale
se fonde sur des lois. Elle est régie par un droit dit droit
international qui s'efforce de régulariser un monde de divergence, de
pluralisme et de contradiction. Mais si nous considérons les
caractéristiques de la société internationale telles que
présentées par Samir Amin, auteur d'un article intitulé :
Au-delà de la mondialisation libérale : un monde meilleur ou
pire ?, publié en 2006 dans les Presses Universitaires de France.,
nous serons alors contraints de plier à l'évidence de
l'impuissance du droit international.
28
est déjà parvenu à réduire les
pouvoirs dans la presque totalité des pays du Sud au statut de «
compradore », terme désignant les États soumis à un
ou des impérialismes. Dans ce cadre, les États-Unis, forts de son
rôle de fer de lance de cette offensive, sont en position de
déployer leur projet hégémoniste spécifique. Ce
projet passe par la mise en place d'un « contrôle militaire de la
planète » Washington intensifie sa présence militaire dans
presque tous les recoins du monde par la mise en place de nombreuse bases
militaires.
Actuellement, poursuit l'auteur, la société
internationale est caractérisée, d'une manière
générale, par l'éclatement du Sud et le contraste
grandissant entre un groupe de pays dits « émergents » (comme
la Chine, l'Inde, le Brésil, mais aussi des pays de taille plus modeste,
la Corée entre autres) à un pôle, et un « quart monde
» stagnant, voire régressant, à l'autre. Les nouveaux
avantages grandissants qui définissent les postures de domination des
centres vont bien au-delà de l'industrie. Ils se traduisent de plus en
plus par le contrôle des technologies, des flux financiers, de
l'accès aux ressources naturelles, à l'information et aux
armements de destruction massive. Par ce moyen, les centres
impérialistes contrôlent effectivement les industries
délocalisées dans les périphéries «
émergentes », les véritables périphéries de
l'avenir. Le sort que le projet impérialiste réserve aux peuples
des périphéries « non émergentes »,
catégorie à laquelle appartient la République d'Haïti
est encore plus dramatique.
Les régions du monde dites « marginalisées
» sont, en fait, l'objet de politiques systématiques des forces
dominantes, que Samir Amin qualifie de stratégies « d'exclusion
programmée » des peuples concernés, facilitant une
intégration plus poussée de leurs ressources naturelles soumises
à un pillage intensifié. La mise en oeuvre de ce projet passe par
l'agression et l'occupation militaire (comme en Irak) et la mise sous tutelle
pour cause d'endettement (cas des pays d'Afrique). Nous pouvons ajouter sans
ambages, l'intervention des Nations pour menace prétendue à la
paix et la sécurité internationale (comme en Haïti).
Face à ce défi d'une brutalité sans
pareil, les réactions du Sud en question sont soit timides à
l'extrême, soit inappropriées. Les gouvernements, comme ceux des
protectorats d'autrefois, ne disposent plus que d'une marge de manoeuvre
limitée à l'extrême et se gardent de remettre en question
le libéralisme économique dont leurs pays font les frais.
Désemparés, de larges secteurs des classes populaires embrayent
derrière des rhétoriques parareligieuses ou para-ethniques qui
accusent les divisions entre les peuples du Sud. Reconstruire le front uni du
Sud face à l'impérialisme collectif de la triade et à
l'offensive militariste des États-Unis constitue le
29
défi auquel les peuples d'Asie, d'Afrique et
d'Amérique latine sont confrontés notamment au lendemain de la
seconde guerre mondiale.
Ces relations se déroulent aussi dans un espace dont
l'homme commence tout juste à découvrir les limites : espace clos
physiquement par l'occupation et la mise en exploitation de presque toutes les
terres habitables, politiquement par l'extension du modèle
étatique à toutes les collectivités, économiquement
par l'épuisement inéluctable de certaines ressources vitales du
fait de leur exploitation intensive ou de leur destruction par la pollution.
(Merle, les caractéristiques de la société internationale
contemporaine, para 2).
Si les liens que les Nations tissent entre elles existaient
d'une manière ou d'une autre depuis fort longtemps, le XXe siècle
propose des éléments nouveaux dont il faut en tenir compte. Guy
AGNIEL (1997, p. 11) fait état d'un ensemble de phénomènes
qui on marqué ce siècle. Il pointe d'abord du doigt la
propagation du modèle étatique dans toutes les régions du
monde puis la montée en puissance de mouvements de colonisation
menés par les puissances européennes dans des régions
d'Afrique, d'Asie et d'Océanie. Cependant, cette situation sera vite
régularisée au terme de la première et la deuxième
guerre mondiale, lesquelles ont mis fin à la prépondérance
européenne et ont favorisé l'émergence de nouveaux
États. C'est ainsi qu'entre 1940 et 1970 le monde s'est
bipolarisé. D'un côté il y a le bloc de l'Est dominé
par l'URSS et de l'autre côté le bloc de l'Ouest mené par
les États-Unis d'Amérique en pleine puissance. L'URSS, est avec
les États-Unis la plus grande armée du monde et s'étend
sur 700000 km2. C'est du moins précisément dans ce
domaine là que son rôle est le plus important. Car d'un point de
vue strictement économique, elle est en proie à d'énormes
difficultés qui ne remettent toutefois en rien en question sa domination
au sein de la société internationale.
Outre le fait que ces deux puissances symbolisent le duel
entre deux impérialismes, les deux blocs sont porteurs d'une
idéologie, d'un modèle de société qu'ils veulent
étendre sur tout le reste du monde. À ce tournant de l'Histoire
de l'humanité, l'existence d'une Nation est conditionnée à
son appartenance à l'un ou l'autre camp. Michel Virally (1985, p. 730)
s'est arrêté sur l'année 1985 pour faire remarquer que la
société internationale d'alors, « est une
société réellement universelle, en ce sens que tous les
peuples du monde, à une ou deux exceptions près, ont
été admis à constituer des États souverains, qui
participent à la vie internationale sur un pied d'égalité
juridique avec les autres États ». Ces mutations et beaucoup
d'autres ont profondément
30
influé sur l'évolution de la
société internationale. Les relations internationales allaient
s'étendre sur bien d'autres domaines dépassant ainsi la
sphère politique. Désormais, nous assistons à
l'introduction de nouveaux concepts tels la « coopération technique
et économique ».
À ce sujet, Pierre de Senaclens (2004, p. 19) nous
fournit des éléments explicatifs d'une pertinence telle que nous
nous donnons la peine de les reprendre :
Ces mutations affectent les circonstances dans lesquelles se
déroule la politique internationale, notamment parce qu'elles favorisent
les interactions transfrontalières entre les peuples et les liens
d'interdépendance entre les États. Elles peuvent
occasionnellement ébranler les frontières nationales et les
régimes de souveraineté politique.
Rappelons au passage que la mondialisation qui traduit une
sorte d'évolution du système capitaliste affectant l'ensemble de
la société internationale, a des conséquences assez
visibles sur les États en général mais surtout sur les
plus faibles. L'objectif global visant à maintenir l'ordre international
issu de la Seconde guerre mondiale n'apparait plus défendu que par les
grandes puissances (Gosselin, 1985, p. 746). Les nouvelles
réalités internationales peignent le triste tableau d'un monde
dont les échanges se déploient dans un espace beaucoup plus
important que par le passé. Compte tenu des moyens dont il faut
mobiliser pour intégrer ce nouvel ordre mondial, les petits États
se révèlent incapables de s'offrir une place de choix au sein de
la société internationale.
Comme nous l'avons développé
précédemment, la structure prise par les relations
internationales au XXe siècle a nécessité de nouvelles
approches. Ainsi, après l'échec des deux guerres mondiales, les
grands États ont résolu de mettre sur pied une organisation
internationale capable de relever les défis qui se profilent à
l'horizon. Le coup d'envoi est donné en 1941 lorsque les
États-Unis et le Royaume Uni signent la charte de l'Atlantique. Celle-ci
sera suivie par la signature, en 1943, de la déclaration des Nations
unies (déclaration de Moscou) par 26 Pays alors en guerre contre le
fascisme. Plus tard, d'Avril à Juin, lors d'une conférence tenue
à San Francisco, cinquante et un États signent le 26 Juin 1945 la
charte de l'Organisation des Nations unies.
Michel VIRALLY à travers son texte «
L'Organisation mondiale », définit l'ONU comme
étant une Association d'États dotée d'organes permanents
et constituée en vue de faciliter la
31
coopération de ces États dans la poursuite
d'objectifs communs (Cité par Gosselin, 1985, p. 742). Il s'agit donc
à l'origine d'une Association d'États égaux et
souverains.
Cette nouvelle organisation placée sur le toit du monde
comprend trois organes politiques principaux : Assemblée
générale, Conseil de sécurité, Secrétariat
général. (Agniel, 1997, p. 55). L'assemblée nationale est
composée de tous les membres des Nations unies avec une voix pour chacun
d'eux. Ses compétences s'étendent sur des sujets assez
diversifiés. Toutefois il est solidairement admis qu'elle
(l'assemblée) doit s'abstenir d'intervenir dans les affaires relevant de
la compétence nationale d'un État. Le conseil de
sécurité est composé de cinq membres permanents (Chine,
France, États-Unis, Royaume uni et la Russie) et de dix membres
élus par l'assemblée générale. Ses
compétences sont essentiellement le maintien ou le rétablissement
de la paix par tous les moyens possibles y compris celui de la force
conformément aux dispositions du chapitre VII de la charte des Nations
unies. Le Secrétariat général quant à lui est
dirigé par un secrétaire général
désigné par l'Assemblée pour un mandat de cinq ans
renouvelable une fois. Il a, entre autres, un rôle administratif et une
autre politique. Il est chargé, à ce titre d'exécuter les
décisions des divers organes, de dresser un rapport annuel à
l'Assemblée générale, de dresser un rapport devant le
conseil de sécurité sur toutes les affaires en cours et de
diriger les opérations de paix.
Pour explicites que paraissent ces notes, le rôle
véritable des Nations unies au sein de la société
internationale ne peut être compris qu'à travers d'autres
réflexions plus poussées. En vue de poursuivre ses objectifs,
l'ONU recourt généralement à ses principaux organes
spécialisés. C'est d'ailleurs par l'entremise de ces
différents organes qu'il arrive à remplir ses différentes
fonctions. Pour Pierre de Senaclens les fonctions des Nations unies sont donc
d'abord symboliques et normatives. Elle (l'ONU) représente pour les
gouvernements qui s'y rattachent un espace de politique symbolique, de
rencontres diplomatiques leur permettant de se faire un nom à
l'échelle internationale, de renforcer leur autorité
intérieure et de promouvoir les intérêts de leurs citoyens.
Entre des engagements politiques indéterminés et des discours
imprécis, les Nations unies multiplient les débats et les
réunions, augmentent le nombre de comités et d'autres structures.
Une bonne part de leurs ressources budgétaires est consacrée
à rassembler des colloques, à produire des textes de
portée normative. Les résolutions émanant de l'ONU est ses
institutions spécialisées comprennent des finalités
morales et politiques auxquelles les gouvernements sont censés se
conformer. Outre ces fonctions, c'est dans les opérations de paix
32
que l'action des Nations unies se révèle la plus
importante. Cependant, force est de constater que dans ce domaine là
encore son rôle est assez marginal et inefficace. Ce constat n'exclut pas
la lutte de la pauvreté qui constitue aujourd'hui l'une des
préoccupations majeures des Nations unies. Son impact dans ce domaine
sera relativement insignifiant en raison notamment de la concurrence avec
d'autres structures internationales telle la Banque mondiale. C'est
précisément au niveau humanitaire que son champ d'action est
beaucoup plus important. Une part croissante de son budget est d'ailleurs
allouée aux tragédies humanitaires. (De Senarclens, 2004, pp.
24-34).
En résumé, la structure actuelle de
l'Organisation des Nations unies est tout à fait défavorable aux
petits Pays. Les institutions de Bretton Woods (FMI et la BIRD) et l'OMC sont
avant tout au service de l'économie libérale qui n'est profitable
qu'aux grands pôles de production et d'échanges que constituent
les États-Unis, le Royaume uni, le Japon ou encore la Chine. Si à
l'ONU, les États membres sont considérés comme souverains
et égaux, il n'en va pas de même dans ces deux organisations
économiques où la disparité entre États l'emporte
sur l'égalité (Sierpinski, 2013, p. 122). La place que chaque
État occupe au sein des premières organisations internationales
se mesure à l'aune de l'économie. Au FMI ou à la BIRD un
lien direct existe entre le statut d'État membre et leur participation
financière aux organisations. D'où cette volonté d'essayer
d'établir les rapports entre État, Souveraineté et
Responsabilité de protéger.
Réalité très controversée et en
pleine crise actuellement, l'État s'est vu octroyé, depuis le
XIVe siècle au moins, un ensemble de théories qui
s'évertuent à expliquer son origine et déterminer son
rôle dans les sociétés politiques modernes notamment.
Né dans un contexte politique marqué par l'absolutisme et
l'autoritarisme, l'État a pris naissance dans les rapports que les
monarques et les sujets ont entretenus entre eux. De cette mutation des
monarchies européennes, est né premièrement l'État
Anglais. En France, l'organisation du pouvoir étatique fut
achevée au XVIe siècle. C'est ainsi que L'État en tant que
forme de gouvernement ou régime politique et social finit par se
propager en Espagne, Suède, Pays-Bas, Russie avant de s'étendre
sur toute la planète.
Au début du XVIII siècle, de nombreux auteurs
comme Locke, Montesquieu, Rousseau ont rejeté cette conception
absolutiste de l'État à la faveur d'une autre forme d'État
qui préconise
33
la séparation du pouvoir. C'est ainsi que deux
siècles plus tard, Carré de Malberg, Léon Duguit et
Maurice Hauriou allaient énoncer les fondements d'une toute autre
conception juridique de l'État. Mais concrètement que signifie le
concept d'État ?
Le concept d'État peut désigner plusieurs
réalités distinctes. Au sens restreint, il désigne les
pouvoirs publics, par rapport à la société civile. Dans un
autre sens encore étroit, voire beaucoup plus étroit même,
il désigne, au sein des pouvoirs publics, l'élément
central par rapport aux démembrements (les collectivités
territoriales). Dans un sens large, il revêt le sens d'une grande
collectivité. C'est en tant que tel que nous l'envisageons. D'où
la définition classique de l'État : « Entité
juridique constituée par un groupement d'individus fixés sur un
territoire déterminé et soumis au Droit international. »
Dans l'ordre juridique international, l'État est
perçu comme étant le sujet originaire du droit international. La
commission d'arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie du
29 Novembre 1991 a fait cette importante révélation : «
L'État est un sujet originaire et initial ou encore premier du droit
international. C'est-à-dire qu'il ne doit son existence dans l'ordre
international à aucun autre sujet. (Martin-Bidou, 2017, p. 14).
Gérard Gonzales (2004, p. 12) précise que
classiquement, il existe trois éléments constitutifs objectifs de
l'État. Il s'agit d'une population, d'un territoire et d'un
gouvernement. Le critère population ne laisse présager aucune
assise quantitative. Ainsi la taille des différentes populations de la
communauté des États est relativement distincte. Le territoire
d'un État est théoriquement tridimensionnel : terrestre,
maritime, aérien. Du point de vue du droit international, l'exigence
d'un gouvernement traduit la nécessité pour l'État
d'être doté d'organes capables de représenter sa
volonté en lui permettant d'entretenir des relations avec d'autres
États.
Pour Guy Agniel (1997, p. 29), un État existe
dès qu'une entité réunit trois éléments
fondamentaux - Population, territoire défini, appareil gouvernemental
effectif - et que n'étant soumise à aucune autorité
étrangère, elle est indépendante. Ce que Max Weber (1959,
p.8) dira en terme net quand, dans son texte intitulé « les
savants politiques », il avance que l'État consiste en un
rapport de domination de l'homme sur l'homme fondée sur les moyens de la
violence légitime.
Dans son ouvrage intitulé « l'ONU et les
Opérations de Maintien de la Paix » James Boyard (2010, p. 28) nous
renseigne sur les spécificités matérielles et juridiques
de l'État. Pour l'auteur, l'État désigne du point de vue
matériel une forme d'institutionnalisation du pouvoir
34
politique qui détient une autorité souveraine
sur l'ensemble d'un peuple et dans les limites d'un territoire
déterminé. D'un point de vue juridique l'État
détient une autre caractéristique qui fait justement sa
singularité, il s'agit de la souveraineté.
La souveraineté des États, loin de faire
unanimité, demeure un concept ambigu. Son caractère
interdisciplinaire exige pour reprendre les termes de GYÖRGY Antalfy,
qu'elle soit analysée à la fois selon la vision de la
théorie de l'État et du Droit. Deux branches du Droit nous
offrent les outils théoriques, juridiques nécessaires pour mieux
cerner la différentiation qui existe entre ces deux niveaux de
souveraineté. Il s'agit précisément du droit international
public et du droit public interne. La Science du droit international public
étudie la souveraineté sous l'angle exclusif des relations
internationale. De l'autre côté, celle du droit public interne
traite le problème en le projetant sur les conditions politiques
intérieures et l'organisme étatique d'un État
donné. D'où le regard qu'il faut également porter sur
l'histoire des doctrines politiques.
Comme toute notion d'ailleurs, le concept a connu
d'importantes variations. Ses connotations actuelles ne sont que les
résultats d'un long processus historique dont la reconstitution
s'avère difficile. Aucune trace d'une littérature quelconque de
la notion de souveraineté n'a été remarquée dans
l'Antiquité. Au Moyen-âge, elle s'est formée relativement
tard. Dans la doctrine, la notion de souveraineté s'est
véritablement développée au XVIe siècle grâce
aux travaux de Jean Bodin. Dans le courant de la Renaissance, l'idée de
souveraineté finit par faire fortune. On la retrouvera notamment chez de
nombreux auteurs comme Machiavel.
Jean Bodin étant l'un des premiers à proposer
une théorie de la souveraineté, précise que la
souveraineté est le pouvoir suprême qui n'est pas lié par
le Droit, et qui possède le monopole de créer et d'appliquer le
Droit et d'exercer la contrainte de l'État (Gonzales, 2004). Le pouvoir
suprême dont parle Bodin ici est celui du Monarque. Celui-ci
hérite d'un droit divin qui lui confère un pouvoir absolu sur ses
sujets. Cette nouvelle conception de la souveraineté se fonde sur les
luttes d'indépendance de l'État par rapport à
l'Église. Le passage de la féodalité à
l'absolutisme a par ailleurs profondément modifié le sens et la
signification de la notion de souveraineté. On assiste
présentement à une souveraineté équivalant à
la plénitude du pouvoir de l'État. C'est l'ère de
l'État féodal absolu.
Avec les philosophes des lumières, on assistera
à une toute autre réalité. Ces derniers s'opposent
catégoriquement à toute idée qui tendrait à
justifier le pouvoir illimité du Monarque.
35
C'est ainsi que sont nés les principes de «
séparation des pouvoirs, de constitutionnalité et de la
représentation populaire ».
Dans le livre II, chapitre I du contrat Social, Jean-Jacques
Rousseau affirmera que la souveraineté n'est que l'exercice de la
volonté générale dans ce qu'elle a d'exclusif, « la
direction des force de l'État selon la fin de son institution qui est le
bien commun ». La souveraineté est ainsi l'exercice d'un pouvoir
absolu confié au corps politique, lequel pouvoir est lui-même
l'émanation de la volonté générale au terme d'un
pacte social qui l'institue. Pour lui, la souveraineté compète
nécessairement au peuple (György, 1968, p. 9).
En Angleterre, on s'opposera catégoriquement à
l'idée de la souveraineté du peuple. On considère au
contraire que c'est le parlement qui est souverain. Locke qui a
particulièrement porté ce projet, a indiqué le parlement
comme sujet du pouvoir d'État. Les partisans de cette thèse
estiment que le parlement est l'incarnation de la volonté du peuple tout
entier. Un point-de-vue que de très nombreux observateurs
considèrent comme erroné dans la mesure où le parlement
est perçu comme un instrument de la politique de la classe dominante des
capitalistes.
Dans son texte « Les principes de la Philosophie du
Droit » Hegel pose les bases de cette nouvelle théorie. Il
propose, pour sa part, une toute autre peinture de la notion de
souveraineté. Contrairement à Rousseau, il considère que
la souveraineté est l'apanage de l'État lui-même. Suivant
cette approche hégélienne, la souveraineté n'est autre que
la caractéristique fondamentale d'un État légal et
constitutionnel. Il en ressort que la souveraineté est « l'essence
de l'État elle-même ».
Dans la structure actuelle de la société
internationale, les critères de population, de territoire
délimité par des frontières et d'un gouvernement effectif
se révèlent insuffisants pour caractériser l'État.
Les communes, les départements ou encore les régions ne
peuvent-ils pas revendiquer eux-aussi ces caractéristiques ? La
réponse est à coup sûr oui. « Le critère
permettant de distinguer un État d'une collectivité non
étatique est : son indépendance vis-à-vis de toute autre
entité qui se traduit, sur le plan du droit, par la souveraineté
» (Agniel, p. 15). Comme nous l'avons fait remarquer
précédemment, le concept de souveraineté est d'une
importance capitale. L'article 2 de la charte des Nations unies consacre
solennellement le principe de la souveraineté des États en ces
termes : « L'Organisation est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses Membres ».
36
Cependant, la souveraineté de l'État a une
double portée. Dans l'ordre interne, elle se traduit par une puissance
illimitée sur l'ensemble des collectivités et des personnes qu'il
dirige. Une conception qui signifierait que l'État est le seul à
pouvoir limiter ses compétences. Quand nous considérons les
nouvelles réalités qui sont nées des relations
interétatiques, l'idée de questionner la portée et la
signification du concept au regard du droit internationale s'impose.
Dans l'ordre international, l'idée de
souveraineté implique deux choses. D'abord une absence totale de toute
subordination sur le plan organique puis, une souveraineté
octroyée par le droit international. Il importe de faire observer qu'au
sein de la société internationale, le Droit joue le plus souvent
une fonction secondaire. Les normes n'ont jamais pu empêcher aux
États de recourir au pouvoir et à la force lorsque leurs attentes
ne sont pas comblées. Le dynamisme qui prédomine donc au sein de
la société internationale oblige les États à
investir des espaces extralégaux lors même que le droit
international ne laisserait aucun vide juridique. C'est ainsi que de plus en
plus, le droit international tend à limiter la souveraineté des
États en précisant leurs champs de compétence.
Une approche soutenue par Marcelio Oreja (1987, p. 512) quand
il avance que : « A priori, les deux notions de «
souveraineté des États » et de « respect des droits
humains» semblent antinomiques et inconciliables, chacune ne pouvant se
réaliser qu'au détriment de l'autre. » Pour l'auteur de
l'article les rôles respectifs de l'État et du citoyen, la
souveraineté quand elle est absolue constitue un obstacle majeur pour le
respect des droits fondamentaux des individus.
En conclusion, la souveraineté des États
dépasse largement le cadre théorique. Un État n'est
souverain que s'il est capable de remplir ses fonctions régaliennes et
ses fonctions de base. Pour James Boyard (2010, p. 34), dans l'ordre interne,
la souveraineté traduit les compétences exclusives de
l'État à assurer certaines responsabilités politiques,
sociales et administratives appelées fonctions régaliennes de
l'État. Tournée vers l'externe, elle exprime la capacité
juridique de l'État à participer pleinement dans les jeux des
relations internationales.
Aujourd'hui, avec l'introduction par la commission
internationale de l'intervention et de la souveraineté des États
du concept de la « responsabilité de protéger
», la teneur de la souveraineté a complètement
été modifiée. Des conceptions comme la souveraineté
des États et l'égalité souveraine ne sont que des
idéologies qui symbolisent ou camouflent certaines
réalités.
37
Des expressions de ce genre sont dangereuses.
(Schwarzenberger, 1949, p.137). La souveraineté de l'État est
donc de plus en plus encadrée par l'État de droit.
Est développée ici, la conception
théorique de l'État de droit, telle que présentée
dans le Dictionnaire des Droits de l'homme dirigé par Joël
Adriantsimbazovina et al, et publié en 2008 par les Presses
Universitaires de France.
Concept fondateur du droit public moderne, l'État de
droit traduit une certaine vision du pouvoir, forgé au fil de l'histoire
de l'Occident et qui apparait inhérente à la conception
libérale de l'organisation politique : donnant à voir un pouvoir
limité parce qu'assujetti à des règles, il implique que
les gouverneurs ne soient pas placés au dessus des lois, mais exercent
une fonction encadrée et régie par le droit.
À l'origine. C'est-à-dire, au cours du XIXe
siècle dans la pensée juridique allemande, le concept État
de droit poursuivait un objectif commun qui consistait à offrir un
encadrement juridique à la puissance publique de l'État. A
l'opposé de cette conception admise par tous, se profilent d'autres
visions assez différentes. Ainsi, l'État de droit c'est
tantôt l'État qui agit au moyen du droit, tantôt
l'État qui agit au moyen du droit, tantôt celui qui est assujetti
au droit, tantôt encore l'État dont le droit comporte certains
attributs intrinsèques.
Avec le temps, la conception formelle a fini par l'emporter,
donnant ainsi à l'État de droit le sens d'un État soumis
à un régime de droit, c'est-à-dire, dont l'action est
entièrement régie et encadrée par le droit. Après
la seconde guerre mondiale l'État de droit fera l'objet d'une
transcription dans le droit positif. Au-delà de la hiérarchie des
normes, l'État de droit sera désormais entendu comme impliquant
l'adhésion à un ensemble de principes et et de valeurs
bénéficiant d'une consécration juridique explicite.
Au cours des années 1980, le concept a connu une
véritable transmutation. Il signifie alors que la liberté de
décision des organes de l'État est, à tous les niveaux,
encadrée par l'existence de normes juridiques, dont le respect est
garanti par l'intervention d'un juge ; il présuppose donc que les
élus ne disposent plus d'une autorité sans partage, mais que leur
pouvoir est d'essence limité : et il implique qu'ils se confirment aux
règles qu'ils ont eux-mêmes posées. Corrélativement,
la dogmatique de l'État de droit conduit à conférer au
droit une place toujours plus grande dans la société.
Actuellement, l'État de droit ne tient plus lieu de
référence seulement dans l'ordre interne. Plus
profondément, dans la mesure où la logique de l'État de
droit est fondée sur le principe selon
38
lequel la puissance de l'État est encadrée par
des normes juridiques, elle trouve son prolongement au niveau international :
la mise en place du système des Nations Unies et la consécration
à partir de Déclaration universelle des droits de l'homme, d'un
socle de droits fondamentaux s'imposant aux États, ont ainsi posé
les fondations d'un État de droit international.
DEUXIÈME PARTIE :
CADRE OPÉRATOIRE, PRÉSENTATION ET ANALYSE
DES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE LA RECHERCHE ET PROPOSITIONS POUR UNE
RÉDUCTION DES RISQUES D'INTERVENTIONS ONUSIENNES EN
HAÏTI
41
CHAPITRE III
CADRE MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Le chapitre troisième de notre travail de recherche
sert d'introduction à la phase opératoire de notre
mémoire. En deux points, il établit premièrement le
parallélisme et la connexion entre la recherche scientifique en
général et la recherche juridique en particulier ; et
deuxièmement, il aborde les différentes méthodes
appliquées à l'étude c'est-à-dire la
démarche scientifique qui sera adoptée pour, d'une part,
collecter les données et, d'autre part, les analyser, les critiquer et
les interpréter mais également la stratégie de
vérification des hypothèses.
1. Parallélisme et Connexion entre la recherche
scientifique en général et la recherche juridique en
particulier
Le cadre méthodologique retenu dans le cadre de cette
recherche se situe à la croisée de la recherche scientifique de
manière générale et la recherche juridique en particulier.
Pour s'assurer d'avoir pris toutes les précautions possibles, deux
sous-points seront développés. Le premier s'attache à
camper le concept de recherche scientifique. Le deuxième précise
le champ d'intervention de la recherche en apportant des précisions sur
la spécificité de la recherche juridique.
1.1 Précision et description de la
méthodologie de la recherche scientifique
Pour Vaillancourt Louis dans la « méthodologie
apprivoisée : Guide d'introduction à la méthodologie
», la méthodologie, c'est la manière de procéder
pour mener une étude. C'est un savoir faire qui permet d'utiliser
diverses techniques pour réaliser et présenter un travail
écrit (cité par Toussaint, 2017, p. 63).
Il est donc entendu que la recherche scientifique est un
processus dynamique ou une démarche rationnelle permettant d'examiner
des phénomènes, des problèmes à résoudre, et
d'obtenir des réponses précises à partir d'investigations.
Ce processus est connu pour être systématique et rigoureux et
conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances. On fait une
recherche pour décrire, expliquer, comprendre, contrôler,
prédire des faits, des phénomènes et des conduites.
Selon Le Petit Larousse illustré 2011
(cité par Barraud, 2016, p. 9), la recherche désigne
l'ensemble des travaux menés méthodiquement par les
spécialistes d'une matière donnée afin de
42
faire progresser la connaissance de cette matière. La
recherche scientifique est donc un processus dynamique ou une démarche
rationnelle qui permet d'examiner des phénomènes, des
problèmes à résoudre, et d'obtenir des réponses
précises à partir d'investigations. Ce processus se
caractérise par le fait qu'il est systématique et rigoureux et
conduit à l'acquisition de nouvelles connaissances. Les fonctions de la
recherche sont de décrire, d'expliquer, de comprendre, de
contrôler, de prédire des faits, des phénomènes et
des conduites. La rigueur scientifique est se traduit par la notion
d'objectivité. Cela signifie que le chercheur ne traite que des faits,
à l'intérieur d'un canevas défini par la communauté
scientifique.
En résumé, la recherche scientifique est
systématique dans la mesure où elle suit des étapes
ordonnées de manière logique : Comprendre la nature du
problème étudié et identifier les champs de connaissances
en lien avec un tel problème; Établir l'état de l'art,
c'est-à-dire collecter/étudier la littérature pour
comprendre comment les autres chercheurs ont approché le
problème; Collecter les données de manière
organisée et contrôlée en vue d'arriver à des
décisions valides; Analyser les données appropriées au
problème étudié; Tirer les conclusions qui s'imposent et
faire les généralisations qu'il faut.
1.2 Spécificité de la méthodologie
juridique
La méthodologie juridique a pour objet d'étudier
ces moyens qu'utilisent les juristes afin de faire vivre concrètement et
quotidiennement le Droit. Elle est donc « la science des méthodes
du Droit » ou « l'étude des savoir-faire des juristes ».
Sa fonction est d'observer et d'expliquer la « mécanique du Droit
», quels que soient les résultats que celle-ci produit. Ce qui
importe d'un point de vue méthodologique n'est pas le contenu de la
norme mais les modes d'édiction, d'application et de sanction de la
norme (Bergel, 2001, p.102).
Dans cet ouvrage titré « Méthodologie
juridique », Jean-Louis Bergel fait remarquer que la méthodologie
juridique part du constat selon lequel la connaissance du Droit ne se
réduit pas à la connaissance des textes de loi et des
jurisprudences. L'auteur reconnait par ailleurs qu'elle suppose la
maîtrise des techniques et de méthodes spécifiques,
impliquant des logiques, des raisonnements, des instruments, des
classifications, des qualifications ou encore des modes d'expression
adéquats.
La recherche juridique est donc l'ensemble des travaux
menés méthodiquement par les spécialistes du droit afin de
faire progresser la connaissance du droit, l'ensemble des études et
des
43
activités scientifiques et intellectuelles portant sur
les normes, les institutions, les comportements et les opinions juridiques et
visant a approfondir le savoir juridique.
Apparait immédiatement combien cette recherche
juridique est plurielle, en premier lieu parce que le droit qui constitue son
objet peut se comprendre comme phénomène juridique, comme notion
de droit, comme droit positif ou même comme recherche juridique -- tel
est le cas au sein des présentes pages qui consistent en une recherche
relative a la recherche juridique --. De plus, elle n'est pas l'apanage des
juristes. C'est pourquoi il faut parler de « recherche juridique » et
non de « recherche en droit ». La recherche juridique est plus vaste
que la recherche en droit, laquelle ne concerne que les juristes et exclut les
sociologues, les anthropologues ou encore les économistes. Elle comprend
tout un pan de recherche sur le droit extérieure au droit. (Barraud,
2016, p. 9)
2. Perspectives méthodologiques de la
recherche
Pour la réalisation de cette étude, des
ouvrages, thèses, articles, textes de loi, textes ayant force de loi,
rapports, sont consultés dans le but de parvenir à une
explication nouvelle des facteurs juridiques ayant occasionné et
favorisé l'intervention des Nations en Haïti de 2004 à 2017.
Cette recherche scientifique est amorcée par la lecture et la discussion
de textes de divers domaines. Ce qui nous permettra d'obtenir des
données de type économique, juridique, scientifique, historique,
politique.
Très concrètement, il est ici question de se
donner les moyens scientifiques nécessaires pour mener la recherche
à savoir définir le champ de l'étude ; établir une
stratégie de vérification des hypothèses
énoncées à l'origine de la recherche ; faire état
des techniques et instruments qui seront utilisés pour recueillir et
traiter les informations.
Somme toute, ce point qui reprend la démarche
scientifique utilisée lors de la collecte et du traitement des
donnés, est secondé par deux sous-points : premièrement
les méthodes et instruments de collecte des données et
deuxièmement le plan d'analyse des données et la stratégie
de vérification des hypothèses.
44
2.1 Méthodes et instruments de collectes des
données appliquées à l'étude
Une méthode est une approche ordonnée qui permet
de travailler avec plus d'efficacité et de meilleurs résultats.
C'est une forme applicable à divers contenus qui suppose
l'accomplissement de diverses opérations dans un ordre
déterminé en vue d'un certain résultat (Toussaint, 2017,
p. 63). Par ailleurs, la méthode pour être efficace doit
s'inscrire dans une forme d'approche donnée.
Par rapport à la surabondance d'information qui
caractérise l'Univers actuel de la recherche, le choix de deux
méthodes, la méthode d'analyse de contenu et la méthode
historique, a été fait dans l'objectif de mettre à notre
disposition un ensemble de techniques descriptives objectives,
systématiques servant à l'exploitation des documents. Le choix de
deux méthodes plutôt qu'une se justifie en raison de la nature et
la dimension des différents indicateurs de recherches.
Ainsi, une première grille d'analyse de contenu est
élaborée afin d'observer la manifestation pratique des
indicateurs de la recherche. Une autre grille d'analyse de contenu est ensuite
élaborée pour tester ou encore évaluer la rigueur des
différents documents utilisés à savoir les ouvrages, les
articles, les thèses, les rapports etc.
L'analyse de contenu pour être efficace sera
effectuée à travers la catégorisation. La
catégorisation consiste à construire une grille d'analyse
composée de critères et d'indicateurs que l'on appelle les
catégories d'analyse. Une grille d'analyse structurée autour de
plusieurs étapes adaptées de Bardin (1997, 2003), Bauer (2012),
Robert et Bouillaguet (2007), Schreier (2014) (Cité par Dany, 2016).
La première étape de notre analyse sera donc la
« circonscription de l'objet de recherche ou encore la sélection du
corpus. Elle se réalise en quatre (4) moments : le choix du
matériel à étudier c'est-à-dire la précision
sur l'origine et les modalités de sélection du contenu ;
l'Échantillonnage, la formulation des objectifs et des
hypothèses, l'élaboration des indicateurs sur lesquels s'appuiera
l'interprétation finale, le choix et la mise au point des techniques
à appliquer au corpus.
45
La deuxième étape de notre analyse est la
pré-analyse. Ici, le choix des documents à soumettre à
l'analyse est fait. Pour la mener à bien plusieurs autres exercices ont
accompagné la phase de la pré-analyse : constitution du corpus
soumis à l'analyse (le choix des documents) ; Familiarisation avec les
données lecture « flottante » et relecture. Reformulation des
hypothèses et des objectifs). Élaboration d'une grille d'analyse
de contenu (sur une partie du corpus) correspondant aux considérations
théoriques et au matériel. Test et révision de la grille
d'analyse de contenu. Test de la fiabilité/validité de la grille
d'analyse et des codes/catégories (double codage ; accord entre les
codeurs).
La troisième étape consiste à
définir les procédures de traitement, l'exploitation donc du
matériel. Cette étape prend en compte les éléments
suivants : Stabilisation de la grille d'analyse de contenu (stabilisation des
codes/catégories), saturation des thèmes/catégories.
Administration des techniques sur le corpus.
Pour toute recherche scientifique, le chercheur recourt
généralement à trois modes d'investigation pour mener sa
recherche ; il s'agit de l'approche quantitative, l'approche qualitative et
l'approche mixte. Compte tenu de la nature des indicateurs de la recherche,
l'objectif principal poursuivi et la typologie d'études
préconisée qui est à la fois exploratoire-explicative
puisqu'elle cherche à décrire et caractériser
l'Intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017, mais
également expérimentale, explicative et prédictive dans la
mesure où il s'agit de vérification d'hypothèses causales,
le choix de l'approche mixte a été fait comme mode
d'Investigation.
En adoptant cette approche, nous reconnaissons que notre
ambition consiste entre autre à observer, découvrir, expliquer et
comprendre les différents facteurs qui déterminent l'intervention
des Nations unies en Haïti notamment sur le plan juridique. Le mode mixte
aura donc pour effet de nous fournir des données de contenu, mais
également des données chiffrées.
Par rapport à la surabondance d'information qui
caractérise l'Univers actuel de la recherche, plusieurs grilles sont
élaborées (Voir Annexe I, II et II) dans l'objectif de mettre
à notre disposition un ensemble de techniques descriptives objectives,
systématiques servant à l'exploitation des documents. Une
première grille d'analyse de contenu (Voir Annexe I, Tableau 1) est
élaborée afin d'observer la manifestation pratique des
indicateurs de la recherche. Elle s'articule autour de 5 questions : Qui, Quoi,
Où, Quand, Comment, Pourquoi. Une autre grille
46
d'analyse (Voir Annexe II, Tableau 2) de contenu est ensuite
élaborée pour tester ou encore évaluer la rigueur des
différents documents utilisés à savoir les ouvrages, les
articles, les thèses, les rapports etc. Nous avons rapporté en
annexe un extrait de nos séances de collectes données à
travers les documents exploités.
Dans le cadre de cette recherche, nous accorderons une
attention toute particulière à la pertinence et la qualité
des sources. Ainsi, pour une collecte, un traitement et une analyse minutieuse
des données à recueillir, nous utiliserons les sources de
documentations suivantes en fonction d'une approche de hiérarchisation
:
1) Les normes
2) La Jurisprudence
3) La doctrine
4) Les ouvrages et périodiques
spécialisés
5) D'autres sources électroniques d'ouvrage
très connues du milieu universitaire telles : les classiques des
sciences sociales ; Open édition, érudit, Persée,
theses.fr, CAIRN, Google SCHOLAR etc.
Au reste, les citations, la liste des
références, l'usage de l'italique etc., les normes de
méthodologie de la 6e édition de l'American
Psychological Association (APA) seront appliquées.
La quatrième étape de notre méthode sera
l'interprétation et la synthèse des résultats. Elle sera
ainsi : Inférences, interprétation. Synthèse et
sélection des résultats. Confrontation » de l'analyse
à la question de recherche (hypothèses, objectifs) et aux aspects
théoriques. Bref, la discussion, la présentation des
difficultés et limite, de la Portée des résultats, des
Prospectives et finalement la production d'une section de synthèse :
conclusion et propositions.
En résumé, la nature de notre travail de
recherche, justifie le choix de l'analyse de contenu comme principale
méthode appliquée à l'étude. Ainsi, l'analyse de
contenu aura permis tout d'abord de mieux cerner des pensées, des
conceptions et des concepts relatifs au sujet, pouvant jouer un rôle dans
notre quête de réponses aux différents facteurs intervenant
dans l'Intervention des Nations Unies. Ensuite de repérer les
indicateurs qui nous fourniront les réponses nécessaires à
nos questions de recherche, tout en nous assurant de l'intelligibilité
des textes, de la cohérence de l'ensemble des textes.
- L'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à
2017 sera analysée dans ses dimensions militaire, politique et
juridique. Les indicateurs qui seront testés sont : le
47
Finalement, pour une meilleure resconstitution des faits et
une meilleure exploitation possible de ces sources, nous utiliserons la
méthode Historique. Dans le cadre de cette recherche, la méthode
historique est utilisée pour nous aider à constituer ou
reconstituer l'histoire. Elle permet de déterminer les faits historiques
puis les regrouper en un système scientifique. Cette méthode sera
particulièrement intéressante dans la mesure où elle nous
permettra de mieux reconstituer les faits relatifs à l'Intervention des
Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017. Les principaux instruments
qui accompagneront cette méthode sont les sources écrites, les
archives les manuscrits etc. Pour une meilleure utilisation des ces
différents documents, trois types de critiques seront faites : une
critique interne reposant sur la cohérence des textes ; une critique de
provenance qui s'intéresse à l'origine des sources ; une critique
de portée qui se fonde sur la confrontation des témoignages. Ces
quatre formes de critiques nous permettront de nous assurer que :
- Les écrits concernant les faits qui ont
constitué l'intervention des Nations Unies en Haïti
sont cohérents et respectueux du cadre spatio-temporel
de l'événement en question ; - La sincérité et
l'exactitude des témoignages sont avérées en comparaison
avec d'autres
sources traitant du même sujet ;
- Les sources relatives à l'intervention, à la
défaillance de l'État ou encore à la souveraineté
et à l'État de droit sont datées et actualisées.
2.2 Plan d'analyse des données recueillies et
Stratégie de vérification des hypothèses
Pour analyser les données recueillies, un plan
d'analyse a été constitué. Il s'agit pour nous de
déterminer le mode d'examen des données en procédant
à l'opérationnalisation de nos hypothèses de travail.
Rappelons que deux grands champ d'investigation ont été retenus :
l'intervention militaire, politique et juridique des Nations Unies ; la
défaillance des trois pouvoirs de l'État à travers
l'exercice de la souveraineté interne et externe de l'État
haïtien. Ainsi les dimensions et les indicateurs retenus pour la recherche
sont les suivants :
48
mode de déploiement de la composante militaire et des
forces de Police de la MINUSTAH ; l'intervention des Forces policières
et militaires de la Mission pour le maintien de l'Ordre et la
Sécurité ; l'assistance onusienne à la Police Nationale
d'Haïti ; l'intervention de la Mission dans les processus
électoraux haïtiens ; intervention auprès des institutions
étatiques ; l'intervention de la Mission pour le rétablissement
et le maintien de l'État de droit et des droits humains en
Haïti.
- La défaillance des trois pouvoirs de l'État
à travers l'exercice de la souveraineté interne et externe de
l'État haïtien sera analysée dans ses dimensions politique,
juridique, interne, externe. Les indicateurs qui seront testés sont : la
satisfaction des fonctions régaliennes de l'État ; la
satisfaction des obligations juridiques internationales ; la situation des
droits humains ; la capacité de l'État haïtien à
conclure des traité et établir des relations diplomatiques ;
l'égalité avec les autres États ; ingérence
étrangère.
L'analyse des données recueillies dans le cadre de
cette recherche sera effectuée à travers des hypothèses
dites opératoires. La formulation de ces hypothèses nous
permettra par ailleurs de vérifier les hypothèses de recherche.
Voilà pourquoi, le choix de la stratégie de vérification
de la démarche scientifique a été fait.
D'une manière conventionnelle, la démarche
scientifique appelée aussi démarche expérimentale repose
sur l'élaboration d'une ou de plusieurs hypothèses. Un
problème scientifique est mis à l'épreuve par
l'expérience. Dans le cas précis il s'agit du problème de
l'Intervention des Nations Unies en Haïti au cours de la période
2004-2017. Ce type de stratégie sera expérimenté à
travers une observation documentaire du phénomène
étudié. Il nous permettra, par ailleurs, de découvrir
l'ensemble des facteurs qui le déterminent.
Pour vérifier la pertinence des hypothèses que
nous avons émises, une étude empirique sera menée par
l'entremise des indicateurs qui ont été retenus pour chacun des
principaux concepts de notre recherche. Les hypothèses émises
relativement à nos questions de recherche seront ainsi
vérifiées par l'entremise d'autres hypothèses dites
opératoires tenant compte des variables dépendantes et
indépendantes.
49
A) Hypothèse opératoire 0
:
S'il y a effectivement eu intervention politique, juridique
et militaire des Nations Unies en Haïti entre 2004 à 2017 alors
:
- Déploiement de forces militaires et policières
onusiennes en Haïti ;
- La MINUSTAH s'était ingérée dans le
maintien de l'ordre et de la sécurité publique en Haïti ;
- La MINUSTAH est intervenue dans le processus électoral
haïtien, expression de la souveraineté nationale ;
- La MINUSTAH s'était ingérée dans le
maintien et le rétablissement de l'État de droit en Haïti
;
- La MINUSTAH s'est autorisée à poser des actions
visant à la garantie et la protection des droits humains en Haïti ;
ce qui constitue des obligations constitutionnelles de l'État
haïtien ;
- La MINUSTAH a servi de contingences militaires et posé
des actes militaires en Haïti qui relèvent de la
Responsabilité de la Police Nationale d'Haïti.
B) Hypothèse opératoire 1
:
Si l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017 est due à une défaillance des trois pouvoirs de
l'État haïtien alors :
- Les obligations constitutionnelles faites aux trois pouvoirs
de l'État haïtien n'ont pas été satisfaites ;
- Les fonctions régaliennes de justice, de
défense, de maintien de l'ordre, de l'intégrité
territoriale et la sécurité publique n'ont pas été
remplies ;
- L'État a perdu le monopole de la violence
légitime, le pouvoir de régulation de l'économie et de
législation.
C) Hypothèse opératoire 2
:
Si l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017 constitue une atteinte à la souveraineté externe et
interne de l'État haïtien alors :
- L'intervention des Nations unies a violé le droit de
l'État haïtien d'être considéré comme
l'égal des autres États de la société
internationale ;
50
- L'intervention des Nations Unies en Haïti a
violé le droit d'Haïti de ne pas subir d'intervention
étrangère pour des questions qui relèvent de la
compétence nationale de l'État conformément à
l'article 2-7 de la charte des Nations Unies ;
- L'intervention des Nations Unies en Haïti a remis en
question la légitimité de l'autorité de l'État
haïtien et sa capacité à user librement de la puissance
publique.
D) Hypothèse opératoire 3
:
Si l'établissement d'un État de droit peut aider
à réduire le risque d'intervention des Nations Unies en
Haïti alors:
- Un État où il y a l'indépendance des
pouvoirs, la reddition de compte, la transparence dans les décisions de
Justice, le recours judiciaire, l'égalité devant la loi, est
moins passible d'une intervention étrangère
- Un État où il y a la bonne gouvernance, qui
réprime la criminalité et combat l'impunité et
la corruption administrative, pourra se mettre à l'abri
des Interventions onusiennes
E) Expérience
- E1: Mettre en évidence la réalité de la
société internationale ; faire ressortir les grands principes du
droit de la société internationale ; comprendre l'insertion et
l'existence de l'État haïtien au sein de la société
internationale ; éprouver la légitimité de l'intervention
onusienne au regard de la Constitution haïtienne en vigueur et les normes
juridiques internationales.
- E2 : Passer en revue la prise en charge par l'État
haïtien de ses fonctions régaliennes de
ses obligations constitutionnelles et de la situation des droits
fondamentaux en Haïti.
- E3 : Réaliser une autre expérience (qui
servira d'expérience témoin) avec l'établissement d'un
État de droit en Haïti, matérialisé à travers
le renforcement des pouvoir de l'État et l'existence d'organes de
contrôle.
F) Résultats :
Les résultats de la recherche seront
présentés en tenant des instruments de collectes des
données des différentes méthodes retenues pour mener la
recherche sous forme de tableaux synthétiques et seront par la suite
décrits et analysés avec du texte.
51
G) Interprétation
Les résultats de la recherche seront
interprétés à travers plusieurs rubriques sous-jacentes :
l'analyse mixte des résultats, la discussion des résultats, la
critique et la portée des résultats.
Conclusion
Dans la conclusion du travail il sera expressément dit
si les hypothèses ont été confirmées,
infirmées ou nuancées.
Les données qui sont à la fois numériques
et scripturaires ont été rapportées sous la forme de
tableaux synthétiques et décrites avec du texte.
52
CHAPITRE IV
PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION
DES DONNÉES EMPIRIQUES DE L'INTERVENTION DES NATIONS UNIES EN
HAÏTI DE 2004 À 2017
Ce chapitre est consacré à la
présentation, à l'analyse, à la discussion et à
l'interprétation des résultats de la recherche sur l'intervention
des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017. Il s'agit donc de
montrer à la lumière des faits mesurables et observables
l'existence de la triple Intervention militaire, juridique et politique des
Nations Unies ; la défaillance des trois pouvoirs de l'État dans
leur rôle de garant de la souveraineté nationale. Et, finalement
faire ressortir le sens des résultats obtenus.
Ainsi, à l'instar des autres chapitres, deux points
sont attendus : premièrement, la présentation et la description
des résultats de la recherche ; deuxièmement l'analyse, la
discussion et l'interprétation des résultats.
1. Présentation et Description des principaux
résultats de la recherche
La collecte des différentes données obtenues
dans le cadre de cette recherche a été possible grâce
à l'utilisation de deux types de méthodes et d'instruments de
collectes des données : la méthode d'analyse de contenu et la
méthode historique. Cela nous a permis d'obtenir des résultats
diversifiés. Rappelons que nos principales préoccupations
consistaient à obtenir des données capables de nous permettre de
comprendre :
- L'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017 du triple point de vue militaire, politique et juridique
- La compatibilité ou l'incompatibilité entre
l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004 à 2017 et la
Souveraineté interne et externe d'Haïti
- Dans quelle mesure l'établissement d'un État
de droit en Haïti peut contribuer à réduire le risque des
interventions onusiennes dans la sphère de compétence du Pays
53
1.1 L'Intervention militaire, politique et juridique de la
MINUSTAH de 2004 à 2017
Cette section présente de manière
synthétique les principaux résultats de la recherche portant sur
l'intervention militaire des Nations unies en Haïti de 2004 à 2017
; l'intervention politique des Nations unies en Haïti de 2004 à
2017 ; l'intervention juridique des Nations unies en Haïti de 2004
à 2017.
Ces résultats sont rapportés à travers
six (6) tableaux qui fournissent des données empiriques portant sur :
- Mode de déploiement de la composante militaire et des
Forces de Police de la
MINUSTAH ;
- L'intervention des Forces de Police et des Militaires de la
Mission pour le maintien de
l'Ordre et la Sécurité ;
- L'assistance onusienne à la Police Nationale
d'Haïti ;
- L'intervention de la Mission dans les Processus
électoraux haïtiens ;
- Intervention auprès des institutions étatiques
;
- L'intervention de la Mission pour le rétablissement et
le maintien de l'État de droit et des
droits humains en Haïti.
Tableau 1. Mode de déploiement de la
composante militaire et des forces de Police de la MINUSTAH
MOIS/ANNÉE EFFECTIF COMPOSITION ZONE
D'AFFECTATION
Juin - Juillet 2004
Juillet - Aout 2004
2084
|
Une Brigade brésilienne, la
|
Port-au-Prince, Gonaïves, Cap-Haitien et
|
|
compagnie canadienne faisant partie de la force multi
continentale ayant précédé la MINUSTAH ; Le
|
Fort-Liberté.
|
|
Bataillon Chilien.
|
|
3111
|
Officiers : 54
|
Port-de-Paix à Saint-Marc, au Sud-est, La
|
|
Soldats : 2692
|
Chapelle dans le département de
|
|
Police civile : 240
|
l'Artibonite, au, Sud-ouest autour de Les
|
|
Unité de Police constituée : 125
|
Cayes, Hinche.
|
54
Tableau 1. Déploiement de la composante
militaire et des forces de Police de la MINUSTAH (suite)
MOIS/ANNÉE EFFECTIF COMPOSITION ZONE
D'AFFECTATION
Novembre 2004
Aout 2008
Aout 2012
Aout 2016
Juin 2017
5406
|
Officiers : 65
Soldats : 4428
Police civile : 560
Unité de Police constituée : 418
|
La Mission est déployée dans l'ensemble
du Pays et y assure une présence permanente sauf à
Jérémie et Port-de-Paix.
|
8877
|
Officiers : 102
Soldats : 6850
Police civile : 926
Unité de Police constituée : 999
|
La Mission est pratiquement déployée
dans l'ensemble du Pays.
|
10079
|
Officiers : 117
Soldats : 7155
Police des Nations Unies : 1127 Unité de Police
constituée : 1680
|
Aucune mention spécifique n'a été
faite concernant les zone d'affectation de la Mission au Mois
d'août 2012.
|
2358
|
Police des Nations Unies : 638 Unité de Police
constituée : 1658 Officier d'état major : 59 Contingents :
2299
|
Aucune mention spécifique n'a été
faite concernant les zone d'affectation de la Mission au Mois
d'août 2016.
|
1476
|
Police des Nations Unies : 654 Unité de Police
constituée : 1654 Officier d'État major : 54 Militaires : 1422
|
Principalement à Port-au-Prince
|
Source : Données fournies par les
Rapports d'étape du Secrétaire général sur la
Mission des Nations Unies pour la stabilisation en
Haïti : S/2004/698, S/2004/908, S/2005/313, S/2005/124,
S/2005/313,
|
S/2006/60, S/20061592,
|
S/2006/1003,
|
S/2008/202,
|
S/2008/586, S/2009/129, S/2009/439, S/2010/200,
S/2010/200/Corr.1,
|
S/2011/183, S/2012/678,
|
S/2012/128,
|
S/2013/139,
|
S/2013/493, S/2014/162, S/2014/617, S/2015/157, S/2015/667,
S/2016/225,
|
S/2016/753, S/2017/223,
|
S/2017/604
|
|
Ce tableau présente des données
synthétiques sur les débuts et le mode de déploiement des
Forces de Police et des Forces Militaires de la Mission. Ce faisant nous
cherchons à comprendre les variations observées dans la
composition, l'effectif et la répartition des principales forces de la
Mission. Ceci nous a amené à adopter une fréquence de
quatre ans dans un souci de clarté et de concision.
Depuis le déploiement des Forces onusiennes en 2004, le
nombre n'a fait qu'accroitre. En 2012, on irait mêmes jusqu'à
compter au sein du Pays une dizaine de milliers de Casques bleus dont la
majeure partie est constituée de Militaires. L'augmentation du nombre de
Militaires ou de Policiers s'inscrit dans le cadre du renouvellement et de la
reconfiguration du mandat de la
55
Mission. En Aout 2011, le Secrétaire
général de l'ONU présente un rapport (S/2011/540)
recommandant un retrait partiel de la MINUSTAH. Mais, comme nous pouvons le
constater, c'est seulement en 2016 que l'effectif de la MINUSTAH a
véritablement diminuée ; la fin de la Mission ayant
été prévue pour le mois d'Octobre 2017. Ainsi, en 2016 la
Mission comptait à peine deux milliers de personnes environ contre 1
millier en 2017.
De plus, les données recueillies montrent l'existence
d'une force onusienne pluridimensionnelle. En plus des composantes militaires
et policières, d'autres unités spécialisées sont
aussi présentes en Haïti. Les différentes forces onusiennes
ont pratiquement été présentes dans l'ensemble du
territoire du Pays.
Tableau 2. Intervention des forces
policières et militaires de la Mission pour le maintien de l'ordre et la
sécurité
Mois/Année Nombre
d'opérations
|
Nombre de Patrouilles à Pied
|
Nombre de Patrouilles Motorisées
|
Nombre de Contrôles
|
Aout 2014 - Aout 2015
|
1,118
|
5,812
|
18,774
|
2,259
|
Aout 2015 - Aout 2016
|
47
|
3,254
|
16,176
|
2,372
|
Mars 2017 - Aout 2017
|
9,780
|
3,587
|
2,1376
|
2,963
|
Source : Données fournies par les
rapports du Secrétaire général sur la Mission des Nations
Unies en Haïti S/2015/157, S/2015/667, S/2016/225, S/2016/753, S/2017/223,
S/2017/604
Ici les données observées sur le tableau
concernent les trois dernières années de l'intervention onusienne
en Haïti. Ces données rendent compte des différentes
interventions réalisées dans le domaine de la
sécurité publique. Ces interventions ont été
conduites par les composantes militaires et policières de la mission.
Pour l'année 2017, certaines des opérations ont été
à la fois policières et militaires. En tout cas, les chiffres
attestent un très grand degré d'implication de la MINUSTAH dans
le maintien de l'ordre et la sécurité publique en Haïti. Une
implication qui répond parfaitement a leur mandat de stabilisation.
Déjà dans le rapport S/2008/586, le Secrétaire
général avait brandi des indicateurs de progrès dans ce
domaine : renforcement de la présence de la PNH, démarrage du
processus d'enregistrement des armes patrouilles continues le long des
frontières et dans tout le Pays.
56
Tableau 3. Intervention de la Mission au sein de la
Police Nationale d'Haïti
Mois/Année Type de Soutien
opérationnel fourni Type d'appui technique obtenu
Constitution d'une capacité de garde-côtes,
14 000 agents formés et opérationnels.
|
Renforcement de la présence de la PNH,
réalisation des objectifs de réforme de la PNH, Programme de
certification, renforcement de la capacité administrative de la PNH.
|
1768 patrouilles avec l'effectif militaire de la
Mission + 836 autres patrouilles régulières au
31 Aout.
|
Formation pour les recrues et les instructeurs de Police ;
construction de nouvelles salles de cours à l'académie ;
renforcement de la capacité d'enquête de la PNH.
|
47 opérations conjointes ; 2372 postes de
contrôles ; 3254 patrouilles pédestres ; 16176
patrouilles motorisées avec le soutien des policiers
de la MINUSTAH ; 452 opérations avec la composante militaire de la
Mission ; 620 autres opérations avec l'aide des soldats du maintien de
la Paix.
|
Implémentation du Programme de formation initiale et de
perfectionnement des cadres ; opérationnalisation du projet de
numéro d'appel d'urgence « 114 » ; mise en oeuvre du plan de
développement stratégique de la PNH ; don d'équipements ;
formulation d'un projet de politique de santé en milieu carcéral;
Élaboration du plan d'action de la Direction de l'administration
pénitentiaire pour 2014- 2016;
|
13 interventions militaires aux élections du 29
Novembre 2017 ; 163 patrouilles effectuées en
collaboration avec des éléments la
Police nationale
|
Aucune autre donnée pertinente portant
spécifiquement sur ce volet n'a été trouvée au Mois
d'août 2017
|
2008-2011
Aout 2014 - Aout 2015
Aout 2015 - Aout 2016
Mars 2017 - Aout 2017
Source : Données fournies par les
rapports du Secrétaire général sur la Mission des Nations
Unies en Haïti S/2015/157, S/2015/667, S/2016/225, S/2016/753, S/2017/223,
S/2017/604
L'assistance que la Mission apporte à la PNH est
flagrante. Sur ce tableau sont exposés un certain nombre de faits qui le
prouvent. Si ces données sont obtenues pendant les trois
dernières années de l'intervention c'est seulement à titre
explicatif car elles sont observables pendant toute la durée de la
Mission. L'assistance onusienne est à la fois technique et
opérationnelle. Cependant très peu données de ce genre
existent en 2017 dans la mesure où les deux rapports du
secrétaire général publiés en 2017 font
plutôt mention de la fin de la Mission et de la transition pour la prise
de fonction de la MINUJUSTH.
57
Tableau 4. Intervention de la Mission des Nations
Unies dans les Processus électoraux haïtiens
Mois/Année Type d'appui technique obtenu
Soutien militaire
Préparatifs techniques et logistiques ; distribution de
matériel électoral ; Planification de l'emplacement des bureaux
de vote.
|
-
|
Évaluation de la sécurité des bureaux de
vote ; Aide technique et logistique.
|
Sécurité
|
Élaboration des amendements au projet de loi
électorale ; formation pour le personnel du conseil électoral aux
technologies des communications et de
l'information géographique ; renforcement du
mécanisme des listes
électorales ; coordination de l'assistance
électorale internationale ;
délimitation des circonscriptions électorales ;
élaboration du calendrier électoral pour les élections
législatives de 2009,
|
Sécurité dans le cadre de la
préparation des élections présidentielles
et législatives.
|
Aucune mention spécifique n'a été faite
concernant ce volet au Mois d'août
2017
|
Intervention à cinq reprises au
cours des élections du 20
novembre et 13 fois aux élections du 29 Novembre
2017
|
Octobre 2005 - Février 2006 Août 2008 -
Février 2009
Mars 2009 - Mars 2013
Mars 2017 - Août 2017
Source : Données fournies par les
rapports du Secrétaire général sur la Mission des Nations
Unies en Haïti S/2006/60,
S/2009/129, S/2009/439, S/2010/446, S/2013/139, S/2017/223,
S/2017/604
L'implication de la Mission dans les processus
électoraux est incontestable. Les rapports du secrétaire
général associent même la question électorale
à la liste des progrès de la Mission. Ce tableau présente
l'intervention des Nations Unies dans les principales élections qui se
sont tenues entrent 2005 et 2017. L'intervention a été
particulièrement analysée dans ses aspects technique, logistique
et sécuritaire. Il convient de faire remarquer que pour certaines dates,
il n'a pas été facile d'obtenir des informations utiles et
pertinentes.
58
Tableau 5. Intervention auprès du
Ministère de l'intérieur, du Parlement et du Ministère de
la Justice
Mois/Année Le Ministère de
l'intérieur... Le Parlement Haïtien Ministère de la Justice
et de la
sécurité publique
Aout 2008-Mars 2014
Intervention de la Mission dans la mise en oeuvre du programme
d'intervention Nord et Nord-est.
|
Intervention en vue de
l'adoption d'un agenda législatif.
|
Intervention pour la mise en
place de quatre bureaux
d'assistance juridique avec la participation du Barreau de
Port-au-Prince,
|
Formation en 2014 de 112 fonctionnaires de 16
municipalités ; formation de 5 délégués et de 38
vice délégués.
|
Mise en place, au
parlement haïtien, du bureau pour l'égalité
des sexes
|
-
|
Appui technique à la Mise en place de la
commission technique interministérielle
des frontières ; concours à l'exécution des budgets
municipaux, à la décentralisation et à la gestion des
frontières
|
Définition de priorités d'action
|
-
|
Source : Données fournies par les
rapports du Secrétaire général sur la Mission des Nations
Unies pour la stabilisation en Haïti S/2008/202, S/2008/586, S/2009/129,
S/2009/439, S/2010/200, S/2010/200/Corr.1, S/2011/183, S/2012/678, S/2012/128,
S/2013/139, S/2013/493, S/2014/162, S/2014/617
L'influence que la Mission des Nations Unies exerce sur
d'autres institutions étatiques a aussi été
présentée à travers ce tableau. Ce dernier montre à
quel point ce genre d'intervention a été importante au sein
d'institutions comme le Ministère de l'intérieure, le Parlement
haïtien et d'autres instances telles le Ministère de la Justice et
de la Sécurité publique. Cependant il importe de faire remarquer
que certaines données n'ont pas pu être obtenues et par
conséquent n'apparaissent pas sur ce tableau de résultats.
59
Tableau 6. Intervention de la Mission pour le
rétablissement et le maintien de l'État de droit et des droits
humains en Haïti
Année Principales
interventions
2008-
2011
2015-
2017
Création du conseil du Pouvoir Judiciaire en 2008
|
Création d'une inspection de la Magistrature en 2009
|
Réouverture de l'école de la Magistrature
|
Renforcement de la capacité de l'Office de la
protection des citoyens
|
Création de chambre spécialisée pour les
crimes à grand retentissement
|
Opérationnalisation de l'Office de la protection des
citoyens
|
Formation d'agents pénitentiaires
|
Augmentation de la capacité d'accueil dans les prisons
|
Ratifications des instruments légaux internationaux
|
Réduction des détentions prolongées et
illégales
|
Mise au Point des outils de suivi mensuel des affaires et des
indicateurs de performance pour les Juges d'instruction
|
Mise en place avec la direction de l'administration
pénitentiaire de politiques et de procédures visant à
améliorer les prestations de service et le respect des normes relatives
aux droits de l'homme
|
Source : Données fournies par les
rapports du Secrétaire général sur la Mission des Nations
Unies pour la stabilisation en Haïti S/2008/202, S/2008/586, S/2009/129,
S/2009/439, S/2010/200, S/2010/200/Corr.1, S/2011/183, S/2012/678,
S/2012/128
Ce tableau, dernier dans ce registre présente des
informations concernant l'intervention juridique de la Mission des Nations
Unies en Haïti contrairement aux précédents qui font
état de l'intervention politique. Les données recueillies
indiquent que l'intervention a lieu principalement dans le domaine de
l'État de droit et des droits humains.
1.2 L'exercice de la souveraineté externe et interne
de l'État haïtien
Dans cette partie, deux points ont permis de présenter
les résultats de la recherche sur le plan de l'exercice de la
souveraineté externe et interne d'Haïti durant la Mission des
Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti de 2004 à 2017. Il est
donc réparti en deux tableaux dont les titres sont :
- L'état de l'exercice de la souveraineté externe
de l'État haïtien entre 2004 et 2017
- L'état de l'exercice de la souveraineté interne
de l'État haïtien entre 2004 et 2017
60
Tableau 7. état de l'exercice de la
souveraineté externe de l'État haïtien entre 2004 et
2017
Capacité à conclure Aptitude à
établir des Égalité souveraine avec Ingérence
étrangère
des traités, convention rapports les autres
États
et accord diplomatiques
Observation
Observation
Observation
Oui
|
Oui
|
Oui
|
Oui
|
L'article 139 de la
Constitution haïtienne en vigueur consacre le droit de
signer et de
ratifier traités, convention et accord.
|
Oui
|
Oui
|
Haïti a notamment subi
l'ingérence onusienne à travers la MINUSTAH,
objet de notre recherche.
|
Ratification par
exemple, en 2013 du traité de Marrakech et bien
d'autres,
|
Haïti a, pendant toute la période de la Mission,
établi des relations
diplomatiques avec divers États
|
Le Statut d'État membre
de l'Organisation des
Nations Unies garantit
l'égalité souveraine
d'Haïti avec les autres États.
|
À d'autres niveaux, Haïti a subi aussi
l'ingérence d'autres
entités internationales telles l'OEA, le Core Group
qui ne sont prises en compte par la présente étude.
|
Source : Données fournies par le
rapport de la commission interaméricaine des droits de l'homme,
intitulé : « Haïti : Justice en déroute ou
l'État de droit ? Défis pour Haïti et la communauté
internationale » publié en 2006 ; Rapport publié sur la
situation de la justice haïtienne au cours de l'année 2014-2015 du
RNDDH ; Le rapport de Juin 2005 sur la Situation générale des
droits humains en Haïti à la veille des Élections
annoncées pour la fin de l'année 2005 du RNDDH ; le rapport de
recherche #1 : 15 mai 2015 produit par les professeurs Stephen BARANYI de
l'Université d'Ottawa et Yves SAINSINÉ de l'Université
d'État d'Haïti dans le cadre du Projet «
Sécurité publique et État de droit en Haïti » ;
Rapport des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti
(1er Juillet 2015-31 Décembre 2016) etc.
61
Tableau 8. état de l'exercice de la
souveraineté interne de l'État haïtien entre 2004 et
2017
Capacité du système De l'exercice du
Pouvoir de Situation des droits De la défense, la
sécurité
Judiciaire législation humains publique et
l'intégrité
du territoire
Observation
Observation
Observation
Faible, inopérante, inefficace, défaillante,
|
Parlement improductif et de connivence avec l'exécutif
; Dysfonctionnent à répétions du parlement.
|
Violation systématique des droits humains, Usage
illégal de la force,
|
Défense et intégrité territoriale non
assurée ; Monopole de la Sécurité publique confié
à la MINUSTAH.
|
Textes de loi désuets ;
|
Inadaptabilité avec l'ordre
|
Absence de mécanismes
|
Des communes sans
|
Justice corrompue ;
|
juridique international.
|
étatiques de protections
|
commissariats ; Effectif
|
Culte de l'impunité et de l'abus de l'autorité ;
Manque d'indépendance des magistrats,
|
|
des droits de l'homme.
|
insuffisant et problèmes d'équipements de la PNH ;
Non existence factuelle des Forces armées d'Haïti.
|
|
Bilan insignifiant pour la 49e
|
Enquête portant atteinte
|
Fragilité du budget de
|
|
législature :
|
aux droits des victimes et
|
fonctionnement de la
|
|
- 5 lois votées
|
des suspects ; Traitement
|
PNH, Perte du contrôle
|
|
- trois commissions
formées,
- 2 séances de questionnement du gouvernement par les
députés,
- 4 lois votées,
- adoption de 4
résolutions,
- 4 instruments internationaux ratifiés,
- 3 propositions de lois déposées au niveau du
Sénat
|
cruel inhumain ou dégradant au niveau des prisons ;
Arrestation et détention illégale ou arbitraire.
|
des frontières .
|
Source : Données fournies par le
rapport de la commission interaméricaine des droits de l'homme,
intitulé : « Haïti : Justice en déroute ou
l'État de droit ? Défis pour Haïti et la communauté
internationale » publié en 2006 ; Rapport publié sur la
situation de la justice haïtienne au cours de l'année 2014-2015 du
RNDDH ; Le rapport de Juin 2005 sur la Situation générale des
droits humains en Haïti à la veille des Élections
annoncées pour la fin de l'année 2005 du RNDDH ; le rapport de
recherche #1 : 15 mai 2015 produit par les professeurs Stephen BARANYI de
l'Université d'Ottawa et Yves SAINSINÉ de l'Université
d'État d'Haïti
62
dans le cadre du Projet « Sécurité publique
et État de droit en Haïti » ; Rapport des Nations Unies sur la
situation des droits de l'homme en Haïti (1er Juillet 2015-31
Décembre 2016) etc.
Ce tableau présente la défaillance ou encore la
faillite de l'État haïtien travers l'exercice de la
souveraineté de l'État haïtien. Les principales fonctionnes
régaliennes de l'État ont été reprises ici à
titre d'indicateur. Les données montrent que l'exercice de la
souveraineté d'Haïti est tout aussi discutable tant sur le plan
externe, qu'externe quoique garantie par la Constitution haïtienne et les
normes juridiques internationales. La défaillance de l'État
haïtien est moins importante sur le plan international. Elle l'est
beaucoup plus dans l'ordre interne où les pouvoirs de l'État,
à savoir les pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutif
jouent très peu leurs rôles. Toutefois, la défaillance de
l'État sur le plan interne constitue à elle seule un motif
d'intervention internationale popularisé par le rapport (2001) de
Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des
États.
2. Analyse, Discussion et interprétation des
résultats de la recherche
Dans cette section, les résultats de la recherche,
quoique présentés et décrits précédemment,
seront analysés, discutés et interprétés. Il s'agit
pour nous de faire ressortir le sens et la signification de nos principaux
résultats obtenus dans le cadre de la présente recherche.
Ainsi, dans cette partie, l'état de tous les
indicateurs qui ont été testés afin, d'une part, de
prouver la triple intervention militaire, politique et juridique des Nations
Unies durant la période étudiée, et, d'autre part, fournir
une explication juridique à cette intervention, sera
interprété c'est-à-dire élucidé à la
lumière de la problématique de recherche.
Globalement, les résultats de la recherche ont permis
de noter la défaillance des trois pouvoirs de l'État comme
principale cause de l'intervention onusienne en Haïti. En voici les
principaux facteurs qui l'expliquent:
- La fragilité du système judiciaire
haïtien
- La défaillance de l'institution parlementaire
haïtienne
- L'échec du pouvoir exécutif dans ses
rôles de défenseur de la sécurité publique et de
l'intégrité du territoire
63
2.1 Une Justice haïtienne et des droits fondamentaux
en péril
Ancienne colonie française, l'État haïtien
ou plutôt la République d'Haïti a adopté copieusement
le système judiciaire français. Ce faisant, la Justice a
totalement importé, la forme des lois, le système de codification
des lois et la structure judiciaire française. C'est ainsi qu'ont
été incorporés dans notre système de justice le
code civil calqué sur le code napoléonien de 1804, le code
pénal, le code d'instruction criminel. Malheureusement, le constat est
que ces textes n'ont été soumis qu'à des réformes
de faibles portées. Cette situation a pour conséquence un vide
juridique qui, ajouté à d'autres problèmes structurels,
entraîne la défaillance du système judiciaire haïtien.
Afin de comprendre pleinement la situation de l'appareil de justice
haïtien y compris les droits humains, une analyse des principales
données affichées dans le tableau des résultats
s'impose.
Les articles premier et deuxième du décret
relatif à l'organisation du pouvoir judiciaire du 22 Août 1995
fixe les conditions dans lesquelles est exercé le pouvoir judiciaire
haïtien :
Le Pouvoir Judiciaire est exercé par la Cour de
Cassation, des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des
tribunaux spéciaux qui traiteront de questions spécifiques et des
tribunaux de paix. Le Pouvoir Judiciaire est indépendant des deux autres
Pouvoirs de l'État. Cette indépendance est garantie par le
Président de la République.
Cela va sans dire que la bonne marche de ce système est
tributaire de l'ensemble des organes qui le constituent. Une assertion qui peut
difficilement être confirmée eu égard aux nombreux
défis auxquels fait face l'administration de la justice haïtienne.
William G O'Neil dans son livret « Un besoin prioritaire : Réformer
la justice en Haïti », fait savoir que le système judiciaire
haïtien manque de tout : ressources matérielles, personnel
qualifié, expertise, indépendance, honnêteté,
formation et structuration. Les juges et les commissaires sont souvent choisis
en fonction de leurs accointances sociopolitiques ou de leur
malléabilité face aux demandes fallacieuses de leurs
bienfaiteurs. (Cité par ÉDOUARD, 2013, para 1).
D'autres recherches effectuées sur les problèmes
du système judiciaire font grossir un peu plus cette liste par des
éléments nouveaux tels : la désuétude de nos textes
de loi, le faible niveau de formation de la plupart des juges, leur manque
d'éthique, l'impunité, les abus d'autorité et, comme nous
n'arrêtons pas de le souligner, la montée croissante de la
corruption qui gangrène la magistrature.
64
Pour sa part, le rapport de la commission
interaméricaine des droits de l'homme, intitulé : «
Haïti : Justice en déroute ou l'État de droit ? Défis
pour Haïti et la communauté internationale » publié en
2006, fait ressortir de manière détaillée les principales
faiblesses de l'administration de la justice en Haïti :
Les principales faiblesses de la justice, identifiées
par l'État lui-même et par les organisations gouvernementales et
non gouvernementales nationales et internationales, sont, entre autres : les
mauvaises conditions de travail des juges et autres menaces contre
l'indépendance des magistrats, les détentions préventives
prolongées avant l'inculpation et avant le procès ainsi que leurs
causes, y compris l'absence d'une représentation légale pour les
prévenus indigents, et la nécessité d'une réforme
approfondie des lois. À leur tour, ces problèmes contribuent au
problème plus vaste de l'impunité et des violations des droits de
l'homme et des autres crimes.
Ces rapports et bien d'autres laissent remarquer que l'un des
problèmes majeurs de la Justice haïtienne est la corruption.
Malheureusement, il ne s'agit point d'un problème nouveau. En effet,
selon Transparency international, de 2002 à 2011, Haïti est
passée du 89e rang au 175e rang mondial en matière de corruption
(cité par Brodeur, 2012, p. 50). Ce classement signifie qu'Haïti
figure parmi les dix pays les plus corrompus du monde.
Plus, loin, dans un autre rapport publié sur la
situation de la justice haïtienne au cours de l'année 2014-2015, le
RNDDH a fait, à son tour, des révélations assez alarmantes
sur les conditions de fonctionnent de l'appareil judiciaire haïtien:
tribunaux logés dans des bâtiments délabrés, Pas de
frais de fonctionnement pour les tribunaux de paix, absence de matériels
de fonctionnement, pas d'alternative au courant électrique, insuffisance
de magistrats au niveau des tribunaux de première instance.
Dans son rapport de 2015 (p.213) qui rend compte de la
situation des droits à l'échelle planétaire en 2014 et qui
reprend quelques événements majeurs survenus en 2013, Amnesty
international n'y va pas par quatre chemins pour nous peindre la situation dans
laquelle se trouve le système judiciaire haïtien. D'abord, le
manque global d'indépendance du système judiciaire demeurait un
motif de préoccupation. Le Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire, une institution jugée essentielle à la réforme
du système judiciaire, n'a entamé le processus de contrôle
des juges existants qu'en fin d'année. L'incapacité à
pourvoir plusieurs postes vacants au sein du pouvoir
65
judiciaire a exacerbé le problème de la
détention provisoire de longue durée. À la fin juin, les
prisonniers en détention provisoire représentaient plus de 70 %
de la population carcérale.
Autant comprendre le niveau d'inaptitude et de
fragilité de la Justice haïtienne qui est censée
considérée comme une des fonctions régaliennes de tout
État souverain. Il ne fait donc aucun doute que vu l'état d'une
telle justice, des menaces planeront sur les droits fondamentaux des citoyens.
Car, il est un fait que l'une des marques distinctives des États
fragile, faibles ou faillis, est la violation à outrance des droits et
libertés fondamentaux de leurs propres citoyens. À cela s'ajoute
également l'incapacité de l'État à garantir et
protéger ces droits. Une situation qui met en périls les droits
fondamentaux des Haïtiennes et Haïtiens.
Le rôle que devrait jouer l'État haïtien
dans la protection et le maintien des droits fondamentaux des citoyens
haïtien est clairement exprimé : « L'État a
l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à
la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens
sans distinction, conformément à la déclaration
universelle des droits de l'homme » (Article 19 de la constitution
haïtienne en vigueur). C'est aussi ce que nous pouvons lire à
l'article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
ratifié par Haïti et entré en vigueur le 7 Janvier 1991,
date de sa publication dans le moniteur : « Les États parties au
présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir
à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur
compétence les droits reconnus dans le présent pacte [...]).
Cependant, en dépit du fait que ces droits universels soient
érigés au rang des obligations de l'État, force est de
constater qu'ils sont dans la plupart du temps bafoués et violés
par les décideurs politiques eux-mêmes.
Soulignons que le rapport de Juin 2005 sur la Situation
générale des droits humains en Haïti à la veille des
Élections annoncées pour la fin de l'année 2005 du RNDDH
accuse l'État haïtien, c'est-à-dire les autorités,
d'êtres à l'origine d'une situation d'insécurité et
de violence politique croissante dans le pays. Le rapport fait observer
l'instauration de la violence politique, la criminalité
organisée, les persécutions politiques, les menaces, les
arrestations illégales, les détentions arbitraires etc.
Dans la foulée, l'office de la protection du citoyen
(OPC) a, dans son rapport sur la situation des droits humains en Haïti de
2009 à 2012, fait d'importantes révélations qui mettent
à nu le système judiciaire haïtien dans sa mission de
protection des droits fondamentaux. L'impunité occupe la première
place dans ce rapport. Viennent ensuite des allégations de violation des
droits humains commises par des membres de l'institution policière.
66
Malheureusement, la Justice s'avère toujours
impuissante lorsqu'il s'agit de répondre à ces accusations. Une
violation flagrante de l'alinéa 3 de l'article 2 du pacte international
relatif aux droits civils et politiques qui fait obligation à tous les
États de garantir que toute personne dont les droits et libertés
auront été violés dispose d'un recours alors même
que la violation aurait été commise par des personnes agissant
dans l'exercice de leurs fonctions officielles.
En février 2016, le haut commissariat des Nations unies
produit un rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti entre
le 1er Juillet 2014 et le 30 Juin 2015. L'un des problèmes
qui a particulièrement été mis en évidence dans ce
rapport est celui de la détention provisoire :
Au 2 juillet 2015, le taux de détention provisoire
demeurait à 72,19 % de la population carcérale, soit 7 655
personnes. Les centres de détention affichant les taux les plus
élevés sont le Centre de réinsertion pour les mineurs en
conflit avec la loi (CERMICOL, Ouest), 90,73 % ; suivi de près
par le Pénitencier national (Ouest), 88,70 % ; la Prison civile
pour femmes à Pétion-Ville (Ouest), 88,69 % ; et les
prisons civiles à Jérémie (Grand `Anse), 86,23 % ;
et aux Cayes (Sud), 85,23 %.
Faisons observer que les défenseurs des droits humains
rencontrent dans la plupart du temps d'énormes difficultés pour
pouvoir mener leurs activités sans crainte de représailles. Il
arrive qu'ils se trouvent en effet en butte à des actes de
harcèlement et d'intimidation, comme l'illustrent les nombreuses actions
urgentes émises dans des cas de menaces de mort ou de «
disparitions » présumées. Plusieurs rapports d'institutions
internationales comme celui de 2015 présenté par Amnesty
International, ont dénoncé les actes d'agressions que subissent
les défenseurs des droits humains en Haïti.
C'est ainsi que, incapable de mettre un terme à ces
vagues de violence, l'État se voit dans la plupart du temps
déposséder de son pouvoir de contrôle à la faveur
d'entités internationales dont l'ONU. Dans ce contexte, des
Organisations de la société civile haïtienne allaient
jusqu'à solliciter l'aide internationale. Une démarche nouvelle
mais légitime qui à priori remet en question la
souveraineté de l'État haïtien si l'on en croit les
commentaires de Gérard Gonzales (2008, p. 21) : « Le
développement des droits de l'homme a contribué par ailleurs
à relativiser le principe de non-ingérence. La notion de devoir
d'assistance ou d'ingérence implique donc la responsabilité
internationale en raison de potentielle menace». C'est dans cette
perspective que, toujours selon le rapport, le 1er octobre 2006 une
lettre ouverte est adressée au président de la
67
République d'Haïti, René Garcia
Préval, à propos des recommandations d'Amnesty International
concernant la protection et la promotion des droits humains. [AMR 36/011/2006].
Plus tard, soit le 17 décembre 2007, une autre lettre est
destinée au secrétaire général Ban Ki-Moon
concernant l'affaire des Casques bleus sri lankais rapatriés
d'Haïti, en novembre 2007, pour exploitation sexuelle. En Juin 2010, la
Plateforme des Femmes Citoyennes Haïti Solidarité lance un appel
aux Nations unies pour des actions en vue de garantir la sécurité
des femmes sinistrées dans les camps et quartiers précaires et
leur accès prioritaire, en lien avec la Déclaration 1325 du
Conseil de sécurité (octobre 2000).
Ces faits et bien d'autres font remarquer non seulement les
dangers encourus par les droits fondamentaux en Haïti mais
également la défaillance de l'État qui renonce, ne
serait-ce que dans les faits, à l'une de ses plus importantes fonctions
« la Justice ». Ce qui le place justement au rang d'État
fragile, failli et défaillant au sens du droit international.
2.2 Haïti un État fragile, failli et
défaillant
Les tableaux de résultats de la recherche nous peignent
un Pays qui est gérée pendant treize année au moins, par
les Nations Unies. Durant toute la durée de la Mission, Haïti est
un pays qui s'est révélé incapable de relever les nombreux
défis auxquels doit faire face tout pays à l'ère de la
mondialisation.
Depuis, un siècle environ, Haïti est
considérée comme étant le pays le plus pauvre du continent
américain. Ayant conquis son indépendance dans des conditions
difficiles au tout début du dix-neuvième siècle,
l'existence du peuple haïtien est conditionnée par une
économie à prédominance agricole marquée par la
petite exploitation paysanne de faible productivité. L'économie
urbaine est restée rachitique et liée au commerce international,
faible en volume, en valeur et en part relative du produit intérieur
brut. En dépit des tentatives entreprises pour essayer d'optimiser, les
résultats obtenus sont jusqu'ici décevants. L'industrialisation
demeure relativement faible, ralentie en partie par une agriculture qui s'est
montrée incapable de satisfaire la demande urbaine. Les croissances
observées dans le pays n'ont malheureusement pas permis une augmentation
significative des revenus moyens et le taux de pauvreté est
demeuré très élevé. Pour sa part, le professeur
Jean-Marie Théodat, auteur d'un article intitulé « L'eau
dans l'état, l'état nan dlo : Dilution des responsabilités
Publiques et crise urbaine dans l'aire Métropolitaine
68
de Port-au-Prince » n'a pas eu à faire du coq
à l'âne pour décrire la dilution des responsabilités
publique en Haïti dès la fin du XXe siècle :
Une véritable débâcle de l'État
caractérisait la vie politique haïtienne depuis la fin de la
dictature des Duvalier en 1986. Cette situation a connu une aggravation
dramatique après le séisme du 12 janvier 2010 qui a rendu encore
plus précaire la situation des plus vulnérables. Le pays est
connu sur la scène internationale comme un modèle d'État
fragile, nécessitant pour se maintenir à flot,
financièrement et politiquement, de plus en plus l'aide de la
communauté internationale. Depuis 2004, la MINUSTAH, mission de
stabilisation de l'ONU, s'essaye à rétablir les structures
d'encadrement d'une société déchirée par deux
siècles de régimes autoritaires et corrompus dont le dernier
avatar, le régime Lavalas représenté par Jean-
Bertrand Aristide, a porté à son comble l'échec de
l'expérience haïtienne d'un État juste, libre et
démocratique. (Théodat, 2010, pp. 336-337)
Cependant, pour pertinent que parait cette situation, affirmer
qu'Haïti est un État failli, réclame des analyses assez
soutenues. Tel est l'objectif poursuivi dans les lignes suivantes.
Pour le lecteur francophone, une précision
sémantique s'impose : parler d'État « failli » ne se
réfère nullement à une simple « faillite »
financière mais bien à un « échec » (failure en
anglais) étatique plus massif qui s'apparente pour certains à un
véritable « effondrement » (Gaulme, 2011, p. 19).
L'État en faillite s'entend de cet État qui, à un certain
moment de son Histoire, ne parvient plus à remplir ses fonctions
régaliennes.
Pour Guy Lachapelle et Stéphane Paquin (2004, p.3)
L'État s'est d'abord construit afin de répondre aux besoins de
sécurité des populations. Les fonctions de base de l'État
vont devenir avec le temps la défense du territoire face aux
dépravations d'invasions extérieures, le maintien de la loi et de
l'ordre, la garantie de la stabilité de la monnaie, l'assurance qu'il y
ait des règles juridiques compréhensibles pour les
échanges de base entre contractants. Après la Seconde guerre
mondiale, l'État va intensifier son rôle dans l'économie et
s'efforcera de stabiliser les prix et favoriser l'équilibre
extérieur.
L'État En faillite n'a par conséquent aucun
contrôle réel de son espace politique et économique. Il en
ressort que la Justice est faible et inopérante, que la défense,
la sécurité, la diplomatie sont paralysée. Pour nous
assurer d'avoir explorer les meilleures pistes possibles. Quatre autres
fonctions régaliennes de l'État haïtien seront mises en
examen. Il s'agit de la compétence normative de l'État, la
défense, la sécurité publique et l'intégrité
du territoire. Nous verrons
L'histoire du Parlement haïtien est truffée de
crises, de tensions et parfois même de conflits avec les autres pouvoirs
ainsi qu'avec la primature et le cabinet ministériel qui la renforce
69
donc, à travers l'interprétation des
résultats, que durant les treize (13) années de l'ère
MINUSTAH, l'institution parlementaire haïtienne a été
défaillante ; l'exécutif a échoué dans son
rôle de défenseur de la sécurité publique et de
protection de l'intégrité du territoire.
Pascal Martin-Bidou (p. 36) définit la
compétence normative comme le « pouvoir d'adopter des normes
». Comme nous l'avons fait remarquer, c'est l'une des marques distinctives
de l'État moderne.
Les critiques contemporaines de la loi évoquent de plus
en plus l'idée selon laquelle la loi serait aujourd'hui en crise,
malade, en désordre, relèverait de la pathologie,
nécessiterait une radioscopie, serait devenue inintelligible et complexe
au point de devenir une menace pour l'État de droit (Fluckinger, 2008,
p. 11). Les grandes législations de la planète, soucieuses de la
survie de la loi et consciente de sa nécessité incontestable dans
un État de droit, sont en pleine réforme. Ces réformes
visent, entre autres, à supprimer les actes obsolètes, à
raccourcir les textes existants et à assainir tout le recueil des actes
législatifs. Cette démarche a pour objectif principal
d'améliorer la qualité de la loi. Mais quand est-ce que la loi
est de bonne qualité ?
Pour Alexandre Fluckinger (p. 14), on distingue trois types de
critères : juridiques, factuels et rédactionnels. Les
critères juridiques de bonne législation découlent de la
légitimité démocratique, de la subsidiarité et de
la proportionnalité, de la sécurité juridique et de la
transparence du processus législatifs. Les critères factuels,
autrement dit ceux qui permettent d'examiner la capacité de la loi
d'agir sur les faits, sont l'effectivité, mesurée par
l'évaluation, et la simplicité de l'action étatique. Les
critères de qualité rédactionnelle sont la clarté,
la simplicité et la cohérence ainsi que la concision, la
précision et la réduction du volume de la législation.
Bref le pouvoir de législation pour nécessaire qu'il soit,
suppose la maitrise d'une certaine méthodologie légistique. En
Haïti, une institution parlementaire est mise sur pied avec la
responsabilité d'exercer le pouvoir législatif. La Constitution
haïtienne en vigueur dispose en son article 88 que : « le pouvoir
législatif s'exerce par deux (2) chambres représentatives. Une
(1) chambre des députés et un (1) Sénat qui forment le
corps législatif ». Se basant sur les tableaux des
résultats, l'on se demande si l'institution a rempli cette mission
régalienne reconnue à l'État haïtien.
70
mais plus particulièrement avec le pouvoir
exécutif dans sa dimension administrative. De 1987 à nos jours,
l'institution fonctionne suivant le principe du bicaméralisme. Mais
depuis des années, le respect des normes constitutionnelles devient de
plus en plus payant pour le Parlement. À cela s'ajoute également
le bilan tout à fait mitigé de nos différentes
législatures durant la période étudiée. L'on
reproche aux parlementaires leur connivence avec le pouvoir exécutif et
leur improductivité. L'adaptabilité de l'institution
parlementaire haïtienne au système international reste encore
à prouver.
Avec Sandra Jean Gilles (2015, p. 31), auteure d'un article
intitulé « L'institution parlementaire dans la dynamique de la
néopatrimonialisation de l'État démocratique en Haïti
», nous retenons trois demandes ou compréhensions des demandes qui
structurent la logique d'action des parlementaires : un parlementarisme
à saveur de développement, le parlementarisme normatif
renouvelé et un parlementarisme à la limite subversif. Les
résultats obtenus sur la base de ces repères sont
critiqués d'un point de vue de droit institutionnel mais surtout dans
une dimension anthropologique et historique qui renforce l'analyse
institutionnelle en lui donnant un peu plus de relief.
Si la souveraineté de la Nation est effectivement
confiée aux trois pouvoirs judiciaire, législatif et
exécutif, l'institutionnalisation de la démocratie relève
avant tout de la responsabilité du parlement. Or, la
réalité est que le Parlement haïtien évolue
constamment dans une ambiance de crise et de violence. Notons, pour expliciter
notre point de vue, le problème du renouvellement du personnel
parlementaire. Il est devenu une tradition que de constater la caducité
de nos parlements. Une situation qui est contraire aux valeurs de l'État
de droit. Ainsi, dire que le renforcement de la démocratie repose sur le
parlement seul est hyperbolique, nous le reconnaissons. Mais, il n'est pas
moins vrai que la mission de contrôle conditionne le bon fonctionnement
d'un régime démocratique. Est-ce réellement le cas ?
Dans la limite de nos bornes chronologiques, nous avons
opté pour le bilan de la 49e législature pour tenter
de comprendre la portée réelle de l'exercice d'un pouvoir aussi
important que celui de la législation. À ce jour, aucun sondage
n'a été réalisé pour mesurer l'affaiblissement de
l'image du Parlement dans l'opinion publique et son rôle boiteux dans
l'état actuel des institutions et dans le cadre du respect des normes
républicaines régissant la séparation des pouvoirs.
Toutefois, de nombreux faits montrent qu'il est devenu de plus en plus
fragilisé, empêtré, d'un côté, dans une
dépendance aveugle au pouvoir exécutif et, de l'autre, dans
une
71
hostilité féroce à ce dernier. Quel que
soit le jugement que l'on puisse porter sur le bilan de la 49e
législature, elle reste sur le triple plan de la construction de
l'État de droit, de l'évaluation effective des actions du pouvoir
exécutif et de la défense des intérêts de la grande
majorité l'une des législatures les plus insignifiantes et les
plus improductives de l'après Duvalier (Dumas, 2014, para 2). Devant
l'échec du pouvoir législatif, nous sommes dans l'obligation de
questionner à présent le rôle joué par le pouvoir
éxécutif dans ses attributions de défenseur de la
sécurité publique et de l'intégrité du
territoire.
La pensée de Katia Legare (2008, p.143), ouvre cette
section : « un État est défaillant lorsqu'aucune
administration centrale n'est en mesure de monopoliser l'exercice de la
violence à l'intérieur de frontières définies
». Une définition élargie à laquelle s'ajoute
également le respect des droits de la personne par cette autorité
et la satisfaction de besoins minimaux de la population en matière de
sécurité nationale et internationale notamment. Il s'ensuit que
l'État souverain doit être en mesure d'assurer la
sécurité de ses propres citoyens et prendre les mesures
nécessaires pour ne pas compromettre à la sécurité
internationale.
Dans l'ordre international, la seule existence de territoires
soustraits au contrôle d'un gouvernement central capable d'y imposer
l'ordre constitue une menace à la sécurité internationale.
D'abord, elle se traduit par l'augmentation des guerres civiles, le terrorisme
et bien d'autres fléaux. Lorsque les régimes s'effondrent, un
chaos inquiétant s'installe petit à petit ce qui laisse
incontrôlés de nombreux territoires, sans points d'appui pour la
communauté internationale. Ce qui pousse Hilary Benn, secrétaire
d'État pour le développement international du Royaume-Uni,
à spécifier les standards d'un « État normal »
en ces termes: « Pour que le système international fonctionne, il
faut des États forts... étant en mesure de fournir des services
à leurs populations, de représenter leurs citoyens, et de
contrôler les activités (se déroulant) sur leur territoire,
et de respecter les normes, les traités et les ententes internationales
» ( Cité par Legare, 2008, p. 149).
L'analyse des résultats relatifs à cette
question passe bien évidement par un ensemble d'interrogations qu'il
convient d'élucider : l'État haïtien a-t-il failli dans son
rôle de maintien de l'ordre et de la sécurité publique?
Dans quel sens peut-on dire que la situation de crise qui sévit en
Haïti menaçait la sécurité internationale
jusqu'à légitimer l'intervention des Nations unies ? Les
données fournies par les nombreux rapports consultés pour mener
cette recherche permettent de comprendre que l'État haïtien a perdu
le monopole de la défense, de la sécurité publique
72
et l'intégrité du territoire. Par exemple,
l'institution policière qui a la charge d'assurer la
sécurité publique souffre de sérieux problèmes :
pas de bâtiments appropriés pour loger les commissariats,
déficit de véhicules pour la PNH, manque de carburant,
problèmes de budgets, des sections rurales qui devraient, aux yeux de la
Constitution de 1987 et des règlements de la PNH avoir un
sous-commissariat, n'en ont pas. Toutes ces considérations et bien
d'autres montrent à quel point l'insécurité se normalise
en Haïti. Par ailleurs, les autorités nationales arrivent
difficilement à répondre aux besoins de la population en termes
de sécurité et de justice. Somme toute, dans le système
international, l'État souverain est l'unité centrale qui garantit
à la fois la stabilité internationale et l'ordre
intérieur. D'où la chasse aux sorcières destinées
à placer les États fragiles, faillis ou défaillants sous
protectorat international dans le but très controversé de
maintenir la paix et la sécurité internationale.
D'où également le fait qu'Haïti soit
constamment placée dans le chapitre VII de la charte des Nations unies.
En effet, il est communément admis que les États faillis
constituent une menace assez flagrante pour la stabilité et la
sécurité internationale. Conséquemment, ils parviennent
difficilement à défendre leur territoire et en consacrer
l'intégrité
73
CHAPITRE V
PROPOSITIONS POUR UNE RÉDUCTION DE
L'INTERVENTION ONUSIENNE EN
HAÏTI
Nous voilà arrivé au dernier chapitre
réalisé dans le cadre de la recherche. Il poursuit l'objectif de
développer l'hypothèse transformative de notre problème de
recherche. Ainsi, des solutions théoriques et pratiques calquées
sur l'État de droit sont proposées et développées.
La formule que nous utilisons pour la rédaction est la suivante : les
propositions sont énoncées puis justifiées. Il s'agit donc
de répondre à deux questions : Qu'est-ce qu'il faut faire pour
réduire les risques d'interventions onusiennes en Haïti ; Comment
le faire ?
Nos recommandations seront donc particulièrement
inspirées des propos de Louis Favoreu et al. (2010, p. 31)
précisant que l'État de droit, aujourd'hui, repose sur trois
piliers :
- L'encadrement juridique du pouvoir : la Constitution - Le
contrôle du pouvoir : la justice constitutionnelle - La division
(horizontale et verticale) du pouvoir
En rapport avec les différents facteurs ayant
favorisé l'intervention des Nations Unies en Haïti, nos principales
propositions pour contrer d'autres projets d'intervention onusienne en
Haïti sont les suivantes :
1- L'encadrement juridique de la souveraineté de
l'État par l'État de droit
2- Le renforcement des capacités juridiques et
institutionnelles des Pouvoirs de l'État
1. L'encadrement juridique de la souveraineté de
l'État par l'État de droit
Si la théorie pure du droit élaborée par
Kelsen misant sur la hiérarchie des normes, reste au coeur de
l'État de droit, l'exigence d'une normativité misant sur les
droits et libertés éclipse le paradigme d'un droit pur, le droit
devant désormais tirer sa légitimité des droits et
libertés de l'homme que l'État doit respecter et protéger
(Mondélice, 2015). Ainsi donc l'idée kantienne de la quête
de la paix par le droit sera au centre des propositions à formuler ici
pour qu'Haïti puisse se mettre à l'abri des interventions
étrangères.
74
1.1 Vers une conception relativiste de la
souveraineté de l'État
Notre première sous-recommandation est celle d'une
conception de la souveraineté calquée sur l'État de droit.
Pour cela, la prééminence de la loi doit être vue comme la
condition nécessaire à son effectivité. L'État
souverain doit donc être en mesure de satisfaire l'ensemble de ses
obligations légales exprimées dans la constitution et dans les
instruments juridiques internationaux.
Nous partageons ici les propos de Drieu Godefridi (2004, p.
147) lorsqu'il affirme que dans l'État de droit, les ordres doivent
être conformes aux règles ; les normes doivent être
hiérarchisées. Alors et alors seulement, peut-on dire que cet
État est régi par des règles, non par des hommes.
L'État de droit se caractérise donc par une pluralité de
fonctions : fonction législative d'élaboration des règles,
fonction exécutive d'élaboration des ordres, fonction
juridictionnelle de contrôle de la conformité des ordres et des
comportements des sujets de droit aux règles.
Dans un contexte comme celui-ci marqué par la
défaillance de l'État haïtien, la loi ou encore les normes
doivent à nouveau occuper une place de choix dans la vie de la
République. Ainsi donc à la lumière de ces
considérations, dans l'exercice de sa souveraineté, l'État
doit tout faire pour combattre l'arbitraire. Tous les actes du gouvernement
doivent émaner de la loi et suivant le principe de la hiérarchie
des normes.
L'État souverain est donc cet État qui est
respectueux des normes juridiques établies. Car, le concept
Souveraineté doit davantage être vu comme une «
responsabilité ». Une responsabilité d'obligations
des normes établies concernant les fonctions régaliennes de
l'État et les droits humains entre autres. Dans le jargon des Nations
unies, la responsabilité de protéger est
représentée sous le sobriquet de « R2P ». Les
premières tentatives de ce genre datent de la fin des années
1990. À cette époque, le secrétaire général
des Nations unies invitait les États membres à
réfléchir sur les éventuelles contradictions qui pouvaient
surgir entre la conception absolutiste de la souveraineté et les
violations massives et systématiques des droits humains. Faisant suite
à cet appel, le gouvernement du Canada accompagné d'un groupe de
grandes fondations annonçaient à l'Assemblée
générale de l'ONU en septembre 2000 la création d'une
commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des
États. Celle-ci, présentait son rapport, approuvé à
l'unanimité de ses douze membres, signé par Gareth Evans et
Mohamed Sahnoun, le 30
75
septembre 2001. Il s'agit d'un texte de 71 pages qui a servi
de base à l'élaboration et à l'adoption des § 138 et
139 du document final de New York du 16 septembre 2005. Dans le même
sens, la résolution 1674 du Conseil de sécurité sur le
renforcement des efforts de protection des civils en période de conflit
armé, particulièrement des femmes et des enfants, ainsi que la
responsabilité d'accompagnement de la communauté internationale.
À l'OIF : La Francophonie s'est prononcée à
diverses reprises en faveur de la R2P. Dans sa déclaration de
Ouagadougou puis dans celle de Saint-Boniface le 14 mai 2006.
La « responsabilité de protéger » :
suppose par dessus tout, une responsabilité de réagir devant des
situations où la protection d'êtres humains est une
impérieuse nécessité. Quand les mesures de
prévention ne parviennent pas à résoudre le
problème ou à empêcher que la situation se
détériore, et quand un État ne peut pas, ou ne veut pas,
redresser la situation, des mesures interventionnistes de la part d'autres
membres de la communauté des États dans son ensemble peuvent
s'avérer nécessaires. Ces mesures coercitives peuvent être
d'ordre politique, économique ou judiciaire et, dans les cas
extrêmes - mais seulement dans les cas extrêmes -, elles peuvent
également comprendre une action militaire. L'un des principes premiers,
en matière de réaction comme en matière de
prévention, est qu'il faut toujours envisager les mesures les moins
intrusives et coercitives avant celles qui le sont plus. (Commission
internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des États,
2001, p. 33).
1.2 Place de la charte internationale des droits de
l'homme
La Déclaration universelle des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
le 10 décembre 1948, a, de manière spectaculaire, renforcé
le mouvement international pour les droits fondamentaux de l'être humain.
Cette déclaration, votée dans un contexte assez particulier,
symbolise « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples
et toutes les nations ». Ce texte à vocation universelle
énonce pour la première fois dans l'histoire de l'humanité
les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
fondamentaux dont tous les êtres humains devraient jouir. Au fil des ans
son statut de norme fondamentale des droits de l'homme, que tous les hommes
devraient respecter et protéger, a été largement reconnu.
Haïti fait d'ailleurs partie de ces pays qui ont été les
premiers à adopter ce texte dans son entièreté. La
Déclaration, jointe au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques et ses deux protocoles facultatifs, ainsi que le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et
76
culturels forment ensemble la Charte internationale des droits
de l'homme. Par la ratification des traités internationaux des droits de
l'homme, les gouvernements expriment leur engagement à prendre des
mesures nationales tout en adoptant des lois compatibles avec les obligations
découlant des traités. Aujourd'hui, le respect de ces textes
conditionne même l'existence d'un État souverain. Autrement dit,
l'État pour pouvoir jouir pleinement de sa souveraineté et
s'exempter de toute ingérence étrangère doit
impérativement être capable de protéger et garantir ces
droits.
Ainsi, dans le contexte actuel des choses et dans une
perspective de restauration de la souveraineté de l'État. Il faut
:
A) Respecter scrupuleusement les droits
économiques sociaux et culturels des citoyens Toute
personne, en tant que membre de la société, a droit à la
sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables
à sa dignité et au libre développement de sa
personnalité, grâce à l'effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des
ressources de chaque pays. Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, Article 22.
B) Respecter scrupuleusement les droits
politiques des citoyens
Toute personne a droit à accéder, dans des
conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. Toute
personne a le droit de prendre part à la direction des affaires
publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de
représentants librement choisis. La volonté du peuple est le
fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit
s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu
périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou
suivant une procédure équivalente assurant la liberté du
vote. Déclaration universelle des droits de L'homme (1948), article
21.
C) Rendre effectif le droit à un
procès équitable
Toute personne a droit, en pleine égalité,
à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par
un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses
droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Déclaration
universelle des droits de L'homme (1948), Article 10.
77
Toute personne accusée d'un acte délictueux est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie au cours d'un
procès public où toutes les garanties nécessaires à
sa défense lui auront été assurées. (2) Nul ne sera
condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles
ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux
d'après le droit national ou international. De même, il ne sera
infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au
moment où l'acte délictueux a été commis.
Déclaration universelle des droits de L'homme (1948), article 11.
D) Le droit à un recours
effectif
Toute personne a droit à un recours effectif devant les
juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Déclaration universelle des droits de L'homme (1948), article 8.
Il n'est pas superflu de rappeler que le principe de
légalité consacre la soumission de l'action administrative
à la règle de droit sous toutes ses formes : formelle,
jurisprudentielles, et plus encore aux règles que l'exécutif
élabore lui-même. Mais la règle est morte si le juge ne la
vivifie pas; il n'y a pas d'État de droit sans recours donné au
particulier pour faire sanctionner la violation de la légalité
par l'administration. La seconde pièce du système, après
la loi, c'est le juge; l'État de droit, c'est l'État dans lequel
les violations de la légalité par l'administration peuvent
être constatées et sanctionnées par un juge.
2. Le renforcement des capacités juridiques et
institutionnelles des Pouvoirs de l'État
Les résultats de cette recherche nous ont permis de
conclure que la défaillance des trois pouvoirs de l'État
haïtien est à l'origine de l'intervention des Nations Unies en
Haïti de 2004 à 2017. Toutefois, notre analyse des résultats
a particulièrement pointé du doigt la fragilité de
l'appareil judiciaire dans sa fonction de contrôle de la
conformité des ordres et des comportements des sujets de droits aux
règles. Voilà pourquoi nos présentes sous-recommandations
concernent davantage le pouvoir judiciaire.
Les propos de Suzy Castor (2013, p. 7) servent
particulièrement de déclic aux présentes
sous-recommandations. Selon l'auteure, la justice se trouve totalement
discréditée dans son fonctionnement quotidien qui se
révèle loin des idéaux et normes fondamentaux. De plus,
ajoute-t-elle, la crise de l'institution judicaire demeure l'une des nombreuses
manifestations de la crise
78
de l'État dont elle n'est que l'un des segments. Cette
dynamique des structures judiciaires fragilise et pose de sérieuses
limites au processus de démocratisation qui a besoin, comme on le sait,
d'une justice saine pour sa consolidation. Peut-on construire un État de
droit avec un appareil judiciaire détourné de sa mission
essentielle ?
Deux importantes remarques ont été mises en
évidence. Premièrement l'appareil judiciaire haïtien souffre
d'un grand déficit de professionnalisme qui se traduit par sa lenteur,
le manque de ressources et de personnel qualifié, la
désuétude des textes de lois. Deuxièmement, le
système judiciaire atteste un grand problème
d'indépendance qui se traduit par un déficit
d'honnêteté, d'éthique, entre autres.
Comme nous l'avons fait remarquer dans plusieurs sections
développées précédemment, la Justice constitue une
des fonctions régaliennes à part entière de l'État.
Autrement dit, il revient à l'État souverain de se donner les
moyens pour rendre Justice et faire naitre l'État de Droit par la
Justice. Ainsi, l'indépendance et la professionnalisation de l'appareil
judiciaire doivent nécessairement passer par des éléments
clés.
Par rapport au volet de la professionnalisation, certaines des
recommandations formulées dans l'ouvrage collectif « La Justice en
question (2005, pp. 346-356) » conduit par Johan Goethals et al.
pourraient être mises à profit :
- Offrir une information sur le droit et la justice
quantitativement et qualitativement
supérieure.
- Évoluer vers un magistrat plus actif
- Donner davantage de place pour le justiciable et son affaire
- Mieux expliquer les coûts auxquels le citoyen est
exposé
Ces sous-recommandations sont révélatrices d'un
véritable changement de paradigme dans le système judicaire
haïtien. Plusieurs raisons le confirment : d'abord parce qu'il faut
absolument éduquer la Nation à la justice mais également
parce qu'il faut bâtir la justice sur le professionnalisme et la
transparence.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'indépendance du
pouvoir judiciaire haïtien, nos propositions sont claires :
79
- Les magistrats de quelque niveau de juridiction qu'ils
soient, ne devraient pas être nommés. À l'instar des deux
autres pouvoirs de l'État, les magistrats du conseil supérieur du
pouvoir judiciaire notamment, devraient être élus au suffrage
universel direct ou sur concours.
- Réduire l'influence du Ministère de la Justice
et de la Sécurité Publique (MJSP) et donner un réel
pouvoir de décision et de contrôle au Conseil Supérieur du
Pouvoir Judiciaire (CSPJ)
- Exiger que les magistrats de tous les niveaux de juridiction
et tout le personnel de la Justice, puissent recevoir initialement une
formation. Cela conduirait à initier une réforme en profondeur de
l'école de la magistrature mais également à
résoudre le problème de ressources et de personnel non
qualifié.
Pour ce faire, nous recommandons une révision suivie
d'une application stricte du décret du 22 août 1995 sur
l'organisation du Pouvoir judiciaire, allant dans le sens des recommandations
ci-dessus faites.
2.1 Place du Conseil constitutionnel et du Conseil
électoral permanent
Dans ses efforts pour restructurer la bureaucratie
étatique, les autorités de l'État doivent tout faire pour
respecter les normes juridiques établies tant dans l'ordre interne que
dans l'ordre international. L'État doit cesser d'être un
État d'exception en bannissant toute volonté d'établir des
dictatures et les accrocs à la loi.
En effet, le respect de la hiérarchie des normes
revient à poser comme prémisse l'existence d'organes de
contrôle et de décision. Faisons remarquer que l'État de
droit suppose nécessairement que la fonction du contrôle de la
conformité des ordres aux règles soit confiée à un
autre pouvoir (une autre institution) que celui (celles) qui exerce (nt) les
fonctions d'élaboration des normes. Ce pouvoir juridictionnel doit
être indépendant et distinct du pouvoir normatif (et peut
être confié à des institutions séparées
spécialisées dans un type d'ordres) (Godefridi, 2004). Or dans la
plus part du temps, ce qui fragilise réellement l'administration
publique haïtienne c'est une confusion dans l'exercice des
différentes fonctions régaliennes de l'État. D'où
la place d'un conseil Constitutionnel et d'un conseil électoral
permanent pour permettre, entre autres, de :
80
- veiller à l'authenticité des manifestations de
volonté du peuple souverain ;
- vérifier le respect des prescriptions constitutionnelles
: assurer la constitutionnalité des
lois ;
- assurer la protection des droits et libertés
fondamentaux ;
- combattre les dérives liées aux actes
administratifs du pouvoir exécutif ;
- combattre la corruption électorale et traiter les
contentieux des élections.
Suivant cet idéal à atteindre, le Conseil
Constitutionnel sera chargé de veiller à la conformité des
lois, des règlements d'origine exécutive et parlementaire et des
actes administratifs à la Constitution. Ces attributions du conseil
constitutionnel sont d'ailleurs évoquées à l'article 190
bis par l'entremise duquel il est établi que le conseil est
chargé de veiller à la régularité de
l'entrée des normes dans l'ordre juridique national. Ceci étant
dit, le Conseil Constitutionnel haïtien est compétent pour
connaitre du contentieux des normes par l'exercice d'un contrôle de
constitutionnalité à un double niveau : le contrôle par
voie d'action et le contrôle par voie d'exception.
Le premier contrôle est celui où le Conseil
Constitutionnel est chargé d'exercer sur les lois avant leur
promulgation par le Président de la République. En effet, la
procédure classique voulant que la loi votée par les deux
chambres du Parlement soit envoyée au Président de la
République pour être promulguée. Cependant, avant
d'être promulguée, l'article 190 ter.5 apportent une
précision sur les autorités qui sont à même de
saisir le Conseil Constitutionnel. Il s'agit du Président de la
République, du Président du Sénat, du Président de
la Chambre des Députés, d'un groupe de quinze (15)
Députés ou de dix (10) Sénateurs. Dans ce même
registre, il convient d'ajouter que, selon le même article, le Conseil
est aussi compétent pour se prononcer sur la constitutionnalité
ou non des arrêtés de l'Exécutif et des règlements
intérieurs du Sénat et de la Chambre des
Députés.
Soulignons aussi que l'article 109 ter.8 indique que : «
Lorsqu'à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il
est soulevé une exception d'inconstitutionnalité, le Conseil
Constitutionnel peut être saisi sur renvoi de la Cour de Cassation
». Ainsi, au cours d'une affaire qui est en train d'être
jugée dans un tribunal, l'une des parties en conflit qui estime
inconstitutionnelle la loi invoquée dans le procès peut soulever
une exception d'inconstitutionnalité. Le juge par devant qui l'exception
est soulevée se doit de surseoir à statuer
81
sur l'affaire et procède au renvoi de la question de
constitutionalité à la Cour de Cassation qui pourra saisir le
Conseil Constitutionnel. Néanmoins, la procédure de mise en
oeuvre du contrôle de constitutionnalité par voie d'action n'est
encore tracée par aucune loi.
Dans un autre registre, il s'avère utile de faire
remarquer que le Conseil est compétent pour connaitre du contentieux qui
opposent le Pouvoir Exécutif et le Pouvoir Législatif ou les deux
(2) branches du Parlement doivent être soumis au Conseil pour être
tranchés. Dans ce même ordre d'idées, le Conseil est
également compétent pour traiter de la séparation des
attributions de certains tribunaux du pouvoir juridictionnel haïtien.
C'est ainsi qu'il peut se prononcer sur les conflits d'attribution entre les
tribunaux administratifs, tribunaux électoraux et les tribunaux
judiciaires.
Une autre fonction du Conseil Constitutionnel, consiste,
d'après l'article 190.ter 6, à statuer dans le délai d'un
(1) mois à compter de la date de la saisine. En outre, ce délai
est de quinze (15) jours pour toute loi ou tout texte portant sur les droits
fondamentaux et les libertés publiques. S'il y a urgence, il peut
être ramené à huit (8) jours à la demande du
Gouvernement, du tiers du Sénat ou de celui de la Chambres des
Députés.
Pour ce qu'il s'agit des contentieux des élections
présidentielles ou parlementaires, nous pensons qu'il faut davantage
miser sur un Conseil électoral permanent. Ainsi, faut-il préciser
que l'adoption d'une telle proposition entrerait dans la bonne pratique
d'autres pays comme la France et l'Allemagne.qui enseignent que le contentieux
électoral peut être réglé de quatre (4)
manières différentes : par les Assemblées élues
elles-mêmes selon le système traditionnel de la
vérification des pouvoirs ; par les tribunaux ordinaires ; par des
tribunaux électoraux spécialement institués enfin par la
justice constitutionnelle.
2.2 Cri d'alarme contre l'arbitraire, la corruption et
l'impunité
Le dictionnaire Français Hachette, 2000, définit
respectivement les concepts « arbitraire et impunité » comme
étant toute action qui dépend uniquement du caprice d'un homme ;
absence de punition. Dans la réalité de la gestion de la chose
publique, l'État haïtien repose essentiellement sur le droit du
plus fort que sur les exigences de la loi. C'est d'ailleurs l'une des
acceptions même du concept « arbitraire ». Le Pouvoir
Exécutif, par exemple, relégué en arrière plan
à la faveur de la personne du Chef de l'État. Celui-ci est le
symbolisme d'une dictature personnelle, en faisant tout dépendre de son
bon vouloir et de ses caprices. Le type d'État qui découle d'une
telle
82
configuration du Pouvoir exécutif est d'une grande
fragilité, assure Leslie Péan (2013, p. 22). Or, en Haïti,
on vit continuellement l'expérience d'un absolutisme sans bornes dans la
façon de procéder des autorités Étatiques.
Par l'analyse des principaux résultats de la recherche,
il a été remarqué qu'en Haïti, il y a un grand
déficit de transparence et d'obligation de rendre compte. Cet
état de fait est tout à fait prouvé quand nous
considérons la réalité de la passation des marchés
publics en Haïti et la gestion des deniers publics. En effet, Haïti
fait partie des pays les plus corrompus de la planète. Les formes de
corruptions les plus fréquentes en Haïti demeurent : les
pots-de-vin, le népotisme, le favoritisme, le détournement des
fonds et biens publics, dilapidation de fonds publics, abus de pouvoir etc.
Pour pallier à ces problèmes, nous pensons qu'il serait opportun
d'accentuer les efforts au niveau de la transparence et de l'obligation de
rendre compte. Mais comment ?
Deux types de combats doivent être impérativement
menés : restreindre le pouvoir des autorités de l'État et
réduire l'influence étrangère.
Il est de tradition en Haïti que les autorités de
l'État, en particulier le Président de la République et
les Parlementaires, jouissent « d'un pouvoir sans contrôle et sans
limites. Autorités Étatiques signifient donc dans la plupart du
temps, sources d'avantages et de privilèges à ses partisans. Nous
le voyons jours et nuits, occuper ou avoir des proches qui occupent de hautes
fonctions dans l'administration publique est synonyme de tirer profit,
d'enrichissement personnel ». Voilà ce qui alimente
généralement le manque de transparence dans la gestion des
ressources et mais également le respect des normes établies.
Ceci étant dit, il faut rendre les organes qui sont
chargés de contrôler les dépenses publiques autonomes. Pour
reprendre les préoccupations de Magaly Brodeur (2012, p. 51), il faut
absolument combattre le manque de transparence, la centralisation des
décisions, le non-respect des règles ; lesquelles constituent des
pratiques contraires aux principes de bonne gouvernance et qui contribuent au
maintien et au renforcement de la corruption et donc du refus de rendre
compte.
Finalement nous pensons qu'il faut réduire l'influence
étrangère en Haïti. En effet, dans un système de
corruption, il n'y a pas que l'agent corrompu. Il y a aussi la présence
d'un agent corrupteur, l'un alimentant l'autre. Ainsi, malgré que la
communauté internationale tienne toujours un discours relativement
critique vis-à-vis de la corruption, les Organisations
83
internationales et les ONG participent à
l'institutionnalisation du problème. Quant leur influence n'est pas
réduite elles reviendront pour intervenir dans un problème dont
ils sont responsables. Magaly Brodeur (p. 52) rapporte des données d'une
enquête qui rend compte du niveau d'influence de l'international dans la
corruption en Haïti :
Dans le cadre de l'enquête diagnostique sur la
gouvernance et la corruption en Haïti réalisée en 2007, 41 %
des ONG ont affirmé payer (c'est-à-dire « toujours »,
« presque toujours » et « parfois ») des pots-de-vin afin
d'obtenir des contrats publics ; et lorsque l'on a demandé aux ONG et
aux OI d'estimer la fréquence à laquelle elles payaient des
pots-de-vin pour obtenir des services publics, les résultats
étaient sans équivoque (téléphone : 17 %,
électricité : 16 %, paiement d'impôts : 16 %, service des
douanes : 15 %, eau : 11 %, enregistrement des contrats : 11 %, services
postaux : 6 %, etc.) [BRIDES et al., 2007].
84
CONCLUSION DE L'ÉTUDE
Pratique très controversée et critiquée
dans les relations internationales, l'intervention internationale demeure une
forme de manifestation de l'ingérence que le droit international ne
parvient toujours pas à prévenir voire éradiquer. Si
l'égalité souveraine des États, constitue aujourd'hui le
principe fondateur et la pièce maitresse des relations internationales,
l'intervention des grandes puissances et des structures multinationales (comme
l'ONU) pour des fins humanitaires et de sécurité internationale,
l'emporte toujours. De 2004 à 2017, Haïti fut le
théâtre d'une importante intervention des Nations Unies à
travers la MINUSTAH. Cette intervention, ayant conquis notre curiosité
d'apprenti-chercheur, nous a amené à mener cette recherche.
Toutefois, devant l'arsenal juridique, souvent contradictoire, dont nous
disposons, parvenir à une explication juridique de cette
problématique constituait un défi énorme. C'est ainsi que
notre question de recherche a apparu: Comment expliquer les origines et
fondements juridiques de l'intervention des Nations Unies en Haïti de 2004
à 2017 ? Au terme de cette recherche, trois principales conclusions ont
pu être obtenues :
1- L'intervention onusienne en Haïti de 2004 à
2017 tire son origine dans la structure actuelle de l'ordre juridique
international qui conditionne la souveraineté des État au
principe de la « responsabilité de protéger »
2- L'intervention onusienne en Haïti de 2004 à
2017 se fonde essentiellement sur la fragilité, la défaillance ou
encore la faillite des trois Pouvoirs de l'État, Codépositaires
de la souveraineté nationale ;
3- L'intervention relève finalement du triomphe de
l'arbitraire en Haïti au mépris de l'État de droit.
En effet, première République noire
indépendante du monde, deuxième en Amérique après
les États-Unis, Haïti n'a malheureusement pas su intégrer la
société internationale dans son entièreté. Son
Histoire et ses réalités auront fait de lui une Nation
singulière. Avec le professeur Leslie F. Manigat (2007, p. 623), nous
avons pu noter trois données de base permettant de conférer
à tout pays le statut de puissances dans le domaine des relations
internationales. Il s'agit
85
de ses dimensions territoriale, démographique et
économique. Haïti ne possède malheureusement aucun de ces
attributs.
Plus loin avec Véronic Dufour (2011, p. 28), nous avons
constaté qu'Haïti a encore beaucoup de chemin à parcourir
pour faire reculer la pauvreté, la faim, les maladies,
l'analphabétisme, la discrimination envers les femmes et la
dégradation de l'environnement. Plusieurs problématiques internes
et facettes propres au pays expliquent ce manque d'avancement depuis la
ratification de la Déclaration2 à la tournure
du millénaire. Plutôt que démontrer des progrès, la
majorité des indicateurs macro-économiques régressent : le
PIB est faible, le budget est déficitaire et fortement dépendant
de l'aide internationale et la structure des échanges commerciaux est
déséquilibrée. Plusieurs jeunes sont sans emploi et la
pression sur l'ensemble du territoire s'accentue de pair avec la croissance
démographique. La richesse du pays est très mal répartie
et la majorité des haïtiens se consacrent à des emplois
informels (GRAP3, 2003).
Les données prouvent que ce statut de paria
conféré à Haïti sur la scène internationale
s'explique en grande partie par sa dépendance vis-à-vis des
maitres du système international qui pensent qu'à
pérenniser leur hégémonie sur le reste du monde. D'un
côté, il y a la règle qui est la non-intervention et de
l'autre côté il y a l'intervention des plus forts États
dans la politique interne des plus faibles.
Cette situation se traduit par l'impossibilité pour les
petites Nations d'échapper à l'impérialisme, aux
conséquences de la mondialisation de l'Économie, du savoir et
pourquoi pas de la législation. Compte tenu de la teneur de cette
évidence, nous pensions qu'il était légitime de
questionner la capacité réelle de la République
d'Haïti à disposer de lui-même indépendamment de toute
ingérence étrangère. D'où la deuxième
conclusion qui laisse comprendre que l'intervention se fonde sur la
défaillance ou plus encore sur la faillite de l'État
haïtien.
Sur le plan strictement interne, Haïti est un État
absent, privé de toutes les caractéristiques d'un État
moderne. Pour reprendre les propos de Magaly Brodeur (2012, p. 51), sur le plan
juridique ou plus spécifiquement sur le plan législatif, il est
possible de noter que les lois
2 En septembre 2000, les 191 Etats membres des Nations unies
se rassemblent à New York et adoptent la déclaration du
Millénaire. "Nous sommes résolus à faire du droit au
développement une réalité pour tous et à mettre
l'humanité entière à l'abri du besoin", ont
déclaré les chefs d'Etat, qui se sont engagés à
intervenir dans huit domaines spécifiques, pour atteindre d'ici à
2015 les objectifs du Millénaire pour le développement qui sont
au nombre de huit (8) (à retrouver sur le site web des Nations
Unies).
3 GRAP, Groupement Régional Alimentaire de
Proximité, est une coopérative réunissant des
activités de transformation et de distribution dans l'alimentation
bio-locale.
86
haïtiennes comportent des lacunes majeures et souffre
d'un déficit énorme d'applicabilité. Sur le plan
économique, le pays patauge dans la précarité. Sans
oublier la corruption croissante qui gangrène l'administration publique
haïtienne et freine tout effort de développement. Ce qui
amène à la troisième conclusion. L'absence d'une
gouvernance fondée sur le respect des normes établies a donc
ouvert la voie à l'intervention.
Tout cela vient à confirmer notre hypothèse
principale qui laisse croire que l'intervention est une conséquence de
la défaillance des trois pouvoirs de l'État
Co-dépositaires de la souveraineté nationale. Ainsi, pour revenir
à nos hypothèses opératoires, durant toute la Mission, les
obligations juridiques de l'État haïtien exprimées dans la
Constitution et dans les normes juridiques internationales n'ont pas
été normalement satisfaites. De plus, l'État haïtien
a perdu, à la faveur de la Mission, le monopole de la violence
légitime, le pouvoir réel de régulation de
l'économie et ses différentes fonctions régaliennes ont
intégré les actifs de la Mission.
Quant à l'hypothèse spécifique 1, elle a
été nuancée. À la lumière des nouvelles
notes doctrinales sur la souveraineté de l'État, deux
observations peuvent être faites. Premièrement, si l'on
considère que la Constitution occupe toujours la première place
de la hiérarchie des normes, l'intervention est tout à fait une
atteinte à la Souveraineté de l'État haïtien de part
son mode d'exécution. Car il est clairement exprimé dans la
Constitution haïtienne en vigueur que l'existence d'un autre corps
armé en Haïti est prohibée. Si au contraire, on
considère les tendances actuelles du droit international telle que
présenté par le rapport de la Commission international de
l'intervention et de la souveraineté des États, on va dire que ce
n'est pas forcément le cas dans la mesure où, pour reprendre la
déclaration du Professeur Jean-Marie Théodat (p. 336) :
La défaillance d'un État n'est pas seulement un
danger sur la scène internationale, dans la mesure où elle
introduit un élément d'incertitude dans les relations
diplomatiques, mais aussi en raison de la précarité que cela
entraîne pour l'ensemble du corps social dont les services de base ne
sont plus fournis par le prestataire attitré.
C'est ainsi qu'entre 2004 et 2017, les Nations Unies sont
venues faire à la place des autorités haïtiennes ce qu'elles
auraient dû faire. Des forces onusiennes composées de policiers,
de militaires et de civiles se sont déployées sur l'ensemble du
territoire national dans l'objectif d'y rétablir la
sécurité et l'ordre public, la protection des droits de la
personne humaine, l'État de
87
droit, la Justice, la législation, la défense et
l'intégrité du territoire entre autres. Cette mission a donc
tapé dans l'oeil la souveraineté de l'État
haïtien.
Cette recherche a été réalisée
dans un contexte assez particulier et truffé de difficultés.
Réalisé à un moment où le pays bascula dans une
crise sociopolitique sans précédent (Peyi Lòk4)
jointe à la sanglante pandémie de Covid-19, ce mémoire de
recherche nous a coûté beaucoup d'énergie. C'est au niveau
de la collecte des données que les défis étaient plus
importants. En effet, à certains moments de la durée, visiter des
centres bibliothécaires, avoir de l'internet et de
l'électricité relevaient de la pure illusion. Par ailleurs les
premières tentatives de recherches réalisées
étaient totalement vouées à l'échec quand un virus
informatique détruisit tout le fichier qui contenait le travail. Ceci
nous a amené à tout reprendre durant une année environ, de
la question de départ à la conclusion de notre recherche.
En effet, d'énormes manquements méthodologiques
pourraient être repérés en fonctions de la grille
évaluative utilisée. Des erreurs pourraient avoir
été commises lors de l'exploitation des différents
documents. Par ailleurs, nous reconnaissons que les résultats de la
recherche pourraient être plus intéressants si nous disposions de
sources supplémentaires. C'est là l'une des faiblesses de tout
étudiant haïtien, les documents peuvent parfois se
révéler inaccessibles. D'autres erreurs sont également
observables au niveau de la présentation des résultats où
les tableaux utilisés ne répondent pas forcément aux
normes universelles de présentations de tableaux de résultats. De
plus, nous reconnaissons qu'une meilleure revue de littérature, si
beaucoup plus de documents avaient pu être consultés, nous
permettrait de mieux contrôler certains indicateurs et paramètres
qui pourraient très certainement être utiles à la
présente étude.
En termes d'apports, d'autres projets de recherche se
profilent à partir de la présente étude. En effet, il
serait intéressant que d'autres études couvrent de manière
spécifique les différents domaines d'intervention de la Mission
en Haïti. Une recherche pourrait reposer sur l'intervention militaire de
la Mission en ayant recours aux différentes opérations d'ordre
politique, militaire ou autre conduite par les Forces de Police et les
composantes militaires de la Mission. En outre, cette thématique a aussi
sa place dans de nombreux champs d'études. La
4 En Haïti, le concept Peyi Lòk (Pays
bloqué en français) a désigné un mouvement
populaire né sur les réseaux sociaux par des jeunes qui se
réclamaient de « petro challengers » en rapport avec le
scandale de gaspillage du Fonds Petro Caribe. Ce mouvement qui a vu le jour
à la fin de l'année 2019, avait pour principales revendications :
la démission du président et de l'ensemble des parlementaires, la
tenue du procès Petro Caribe.
88
Psychologie pour comprendre le comportement des haïtiens
vis-à-vis des casques bleus ; la médecine pour comprendre la
question du choléra par exemple.
Dans l'ensemble, cette recherche nous a permis d'approcher une
thématique assez intéressante. Elle aura particulièrement
permis l'avancement de la pensée juridique haïtienne en
matière de relations internationales et de souveraineté de
l'État mais surtout aura force de sensibiliser la société
en générale sur la nécessité de refonder
l'État, de le doter de mécanismes nécessaires capables de
renforcer sa souveraineté interne et externe. Comme les travaux de
recherche réalisés sur ce thème, ce travail de recherche
cache beaucoup d'autres questions laissées ouvertes. Quoique aborder une
thématique intéressante et participer à l'avancement des
savoirs scientifiques à ce sujet, ce travail reste incomplet et
révisable.
Ainsi au terme de cette longue investigation, nous concluons
par une nouvelle question qui servira, espérons-le, d'une nouvelle piste
de recherche pour le futur : Peut-on dire qu'entre 2004 à 2017, il y
avait menace de la paix, génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique
; crimes contre l'humanité ou toute autre menace qui légitimerait
la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti?
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Nations Unies, ONU. (2017). Rapport du secrétaire
général sur la mission des Nations Unies pour la stabilisation en
Haïti. S/2017/223
95
Organisations des États Américains, OEA. Et
Commission interaméricaine des droits de l'homme, CIDH. (2005).
Observations préliminaires de la commission interaméricaine
des de l'homme au terme de sa visite en Haïti en Avril 2005.
Réseau National de Défense des Droits humains,
RNDDH. (2014). Rapport sur la situation générale des droit
humains en Haïti au cours de la troisième année de
présidence de Michel Joseph Martelly
Réseau National de Défense des Droits humains,
RNDDH. (2015). Fonctionnement de l'appareil judiciaire haïtien au
cours de l'année 2014-2015
Réseau Nationale de Défense des Droits humains,
RNDDH. (2005). Situation générale des Droits humains en
Haïti à la veille des élections annoncées pour la fin
de l'année 2005
Thèses et
Mémoires
Bal, L. (2012). Le mythe de la souveraineté en Droit
international, la Souveraineté des États à
l'épreuve des mutations de l'ordre juridique international (Thèse
de doctorat, Université de Strasbourg) repéré à
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00721073
Dufour, V. (2011). Haïti : Un grand défi pour la
coopération internationale et le développement durable
(Thèse de Maitrise, Université de Sherbrooke, Québec)
repéré à
https://hdl.handle.net/11143/7175
Khadre Diop, A. (2017). La Notion d'État en droit
international et droit européen : De l'impossible approche conceptuelle
à la nécessaire approche fonctionnelle. (Thèse de
doctorat, Université Laval, Québec) repéré à
www.ucorpus.ulaval.ca
Mondélice, M. (2015). Le Droit international et
l'État de droit, Enjeux et défis de l'action internationale
à travers l'exemple d'Haïti (Thèse en cotutelle doctorat en
droit, Université Panthéon-Assas, Paris II, Paris, France)
repéré à
www.corpus.ulaval.ca
St Paul, R. A. (2013). Le chaos régulé : une
approche épistémologique de l'intervention humanitaire
(Thèse de master, Université de Montréal)
repéré à
https://hdl.handle.net/1866/10001
Zhekeyeva, A. (2009). La Souveraineté et la
réalisation de la responsabilité internationale des États
en Droit international Public (Thèse de doctorat en Droit, Co-tutelle
entre l'Université Paris 12 Val de Marne, en France et
l'Université Nationale d'Eurasie, Kazakhstan) repéré
à
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00675942
96
Textes légaux
Charte des Nations unies, 26 Juin 1945
Constitution de la République d'Haïti de 1987.
(2016). Port-au-Prince : éd. C3 Éditions.
Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre
États, résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 24 Octobre 1970 et la
Résolution 2131 du Conseil de sécurité des Nations Unies
CPJI, arrêt du 7 Septembre 1927, rec série A, no 10)
Décret du 22 Aout 1995 sur l'Organisation du Pouvoir
Judiciaire Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels Résolution 1542 du Conseil de
sécurité des Nations Unies Résolution 2350(2017) du
Conseil de sécurité des Nations Unies Articles et
ouvrages de Méthodologie
Barraud, B. (2016). La recherche juridique : Introduction et
conclusion. La recherche juridique - Sciences et pensées du droit,
L'Harmattan, hal-01369309)
Bergel, J-L. (2001). Méthodologie juridique. s.l.
éd. Puf.
Bernard, D. (2010). Guide de rédaction d'un mémoire
en Sciences humaines
Burgeois, L. (2012). Écrire un livre et se faire publier.
Paris : éd. Eyrolles
Lionel, D. (2016). Analyse qualitative du contenu des
représentations sociales
Nollet, J. (2019). Guide pratique du mémoire de recherche.
Sciences PO Toulouse
Spoiden, S. et Patris, S. (2015). Rédaction des
références bibliographiques selon les normes de l'American
psychological association. Bibliothèque de psychologie et des
sciences de l'éducation Université Catholique de Louvain
Lavoie, P. et al. (2012). Guide méthodologique des travaux
écrits, version abrégée d'APA (6e édition).
Université de Hearst
Toussaint, H. (2017). Le métier d'étudiant.
Port-au-Prince : éd. Imprimerie Média-Texte
97
Pages Web
Dumas, P-R. 2014). Bilan d'une législature.
Récupéré de l'adresse
http://lenouvelliste.com/article/130782/bilan-dune-legislature
Edouard, L. (2013). Le mode fonctionnement de la Justice en
Haïti : un obstacle à l'État de droit.
Récupéré de l'adresse
https://lenouvelliste.com/article/113240/le-mode-fonctionnement-de-la-justice-en-haiti-un-obstacle-a-letat-de-droit
Fernandez, B. (2011). L'échec des Nations unies en
Haïti. Récupéré du site du journal en ligne
le monde diplomatique à l'adresse
www.monde-diplomatique.fr
Merle, M. Les caractéristiques de la
société internationale contemporaine.
Récupéré de l'adresse
http://www.universalis.fr/encyclopédie/relations-internationales
Mission des Nations Unies pour l'appui à la Justice en
Haïti. (2019). 15 ans de maintien de la
paix de l'ONU en Haïti, Un voyage visuel.
Récupéré de l'adresse
https://minujusth.unmissions.org/peaceday-15-ans-de-maintien-de-la-paix-de-lonu-...
Nations Unies : Maintien de la Paix (2020).
Récupéré de l'adresse
https://peacekeeping.un.org/fr/protecting-civilians
ANNEXES
Le tableau ci-après est une grille qui analyse quand
à lui la rigueur du contenu de l'ouvrage. Il donne des informations
assez précises sur son niveau de scientificité.
99
ANNEXE I
EXTRAIT DE L'ANALYSE DE CONTENU APPLIQUÉE AUX
OUVRAGES
Lors de la pré-analyse nous faisons le choix d'un
corpus de texte qui seront soumis à l'analyse. Il s'agit d'ouvrages,
d'articles ou de rapports ayant un lien direct avec notre problématique
de recherche. Ici, nous reprenons un exemple à partir des analyses
réalisées sur le contenu des ouvrages consultés.
Titre de l'ouvrage :
Exemple : Mondialisation,
gouvernance et nouvelles stratégies subétatiques, dirigé
par Guy Lachapelle et Stéphane Paquin.
Objectif poursuivi par l'analyse :
Exemple : comprendre la crise de
l'État Nation par rapport à la mondialisation.
Afin d'atteindre cet objectif, une première grille
d'analyse de contenu est utilisée :
Tableau 1. Grille d'analyse de contenu
Code
|
Données recueillies
|
Observation
|
Qui ?
Qui est concerné ?
Quel est le problème soulevé ?
|
|
|
Quoi ?
De quoi s'agit-il ?
Quel est l'état de la situation ? Quelles sont ses
caractéristiques
|
|
|
Où ?
Où le problème apparait-il ?
|
|
|
Quand ?
À quel moment ?
Dans quelle fréquence ?
|
|
|
Comment ?
De quelle manière se produit le problème ?
|
|
|
Pourquoi ?
Quels en sont les causes et les facteurs ?
|
|
|
Résumé des informations
recueillies
|
|
100
Tableau 2. Grille d'analyse de la rigueur du contenu des
ouvrages
|
Qualité
|
OUI
|
NON
|
Titre
|
Clair
|
I
|
|
Résumé
|
Clair
|
I
|
|
|
Précis
|
I
|
|
Introduction
|
Objectif clairement énoncé
|
I
|
|
Chapitres
|
Argumentés
|
I
|
|
|
Référencés
|
I
|
|
|
Expliqués
|
|
|
|
Objectifs
|
I
|
I
|
Conclusion
|
Argumentée
|
|
I
|
|
Claire
|
|
I
|
|
Objective
|
|
I
|
|
Réponse à l'Objectif énoncé
|
|
I
|
Bibliographie
|
Respectueuse des normes
|
I
|
|
|
Étayée
|
I
|
|
|
Exacte
|
I
|
|
Finalement, nous procédons à l'analyse
proprement dite. Ci-dessous est placée l'analyse que nous avons
effectué sur l'ouvrage pris en exemple.
Rédigé par plusieurs auteurs, cet ouvrage est
très sollicité tout au cours de la réalisation de la
recherche. L'ouvrage en question est un document très riche en
information. En tant qu'ouvrage collectif, il est d'une richesse assez
remarquable. Dès l'Introduction l'objectif a été
clairement dégagé : il s'agit de rendre compte des
phénomènes qui entourent la crise actuelle que traverse
l'État-nation à cause de la mondialisation.
En ce qui concerne la conclusion de l'ouvrage, chaque chapitre
a sa propre conclusion et donc contrairement à la présence d'une
introduction générale, il n'y a pas de conclusion. De plus,
puisque l'ouvrage est rédigé à partir d'un symposium
international, les auteurs ont pris la parole en leur nom propre en prenant la
parole à la première personne comme c'est le cas pour
Théodore J. Lowi (p.11) : « J'ai mis l'accent sur... »
Toutefois, le fait est que l'ouvrage a tenu toute sa promesse
en nous permettant de mieux appréhender la gouvernance mondiale, les
indicateurs de la mondialisation, la capacité des États à
répondre aux défis de la mondialisation.
101
ANNEXE II
EXTRAIT DE L'ANALYSE DE CONTENU APPLIQUÉE AUX
ARTICLES
Lors de la pré-analyse nous faisons le choix d'un
corpus de texte qui seront soumis à l'analyse. Il s'agit d'ouvrages,
d'articles ou de rapports ayant un lien direct avec notre problématique
de recherche. Ici, nous reprenons un exemple à partir des analyses
réalisées sur le contenu d'un article consulté.
Titre de l'article :
Exemple : « L'État en
faillite » en droit international, d'Ousseni Illy
Objectif poursuivi :
Exemple : Parvenir à une
meilleure compréhension de la notion d'État en Faillite
Le tableau suivant est la grille qui a été
utilisée pour l'obtention des données susceptibles de nous
permettre d'atteindre notre objectif:
Tableau 1. Grille d'analyse de contenu
Code
|
Données recueillies
|
Observation
|
Qui ?
Qui est concerné ?
Quel est le problème soulevé ?
|
|
|
Quoi ?
De quoi s'agit-il ?
Quel est l'état de la situation ? Quelles sont ses
caractéristiques
|
|
|
Où ?
Où le problème apparait-il ?
|
|
|
Quand ?
À quel moment ?
Dans quelle fréquence ?
|
|
|
Comment ?
De quelle manière se produit le problème ?
|
|
|
Pourquoi ?
Quels en sont les causes et les facteurs ?
|
|
|
Résumé des informations
recueillies
|
|
102
Ensuite, une deuxième grille a permis d'évaluer son
degré de scientificité :
Tableau II. Grille d'analyse de la rigueur du contenu des
articles
|
QUALITÉ
|
OUI
|
NON
|
Titre
|
Court
|
I
|
|
|
Clair
|
I
|
|
Résumé
|
Court
|
I
|
|
|
Clair
|
I
|
|
|
Explicatif
|
I
|
|
Introduction
|
Informative
|
|
I
|
|
Descriptif du contexte
|
|
I
|
|
Objectif énoncé
|
I
|
|
Matériels et Méthodes
|
Précis dans la démarche
|
I
|
|
|
Type d'étude menée décrit
|
|
I
|
Résultats
|
Résultats précis
|
|
I
|
|
Résultats objectifs
|
I
|
|
|
Résultats cohérents
|
I
|
|
|
But du travail atteint
|
I
|
|
Discussion
|
Résultats synthétisés
|
|
I
|
|
Résultats comparés
|
|
I
|
|
Résultats critiqués
|
|
I
|
|
Ouverture du travail
|
I
|
|
Références
bibliographiques
|
Respectueuse des normes
|
I
|
|
|
Étayée
|
I
|
|
|
Exacte
|
I
|
|
L'analyse qui a donc été faite à partir de
ces grilles est la suivante :
Dans cet article, l'auteur nous a proposé une
réflexion assez intéressante sur la notion d'État en
faillite en général et sur ses implications en particulier. Ce
qui nous a été d'une grande utilité dans notre quête
de réponse à l'une de nos préoccupations à savoir
est-ce que oui ou non
103
Haïti était un État en Faillite. Cependant,
avant tout, nous avons procédé à l'analyse de sa rigueur
scientifique pour éviter de sombrer dans l'incohérence.
Ici, le document utilisé est tout à fait
révélateur quant à l'objectif poursuivi. Toutefois, il
dénote certaines faiblesses qu'il convient de souligner. C'est le cas
pour son introduction. Il était pratiquement impossible de nous
renseigner sur cette partie vu que sa présence n'est pas clairement
prouvée. Les résultats de l'étude manquent
également de précision ce qui nous met en difficulté pour
déterminer leur niveau méthodologique. Quant aux
références bibliographiques, elles sont clairement
notifiées.
En dépit de son apport pour notre étude, nous
reconnaissons avoir eu du mal à l'exploiter en raison du nombre
d'information manquant. Nous n'avons pas eu accès au
résumé de l'ouvrage, aux résultats ni à la partie
discussion. Cela est dû au fait que seul un extrait de l'article a pu
être trouvé.
Toutefois, le contenu reste fluide et riche en information.
104
ANNEXE III
MODÈLE D'ANALYSE DE CONTENU APPLIQUÉE AUX
RAPPORTS
Lors de la pré-analyse nous faisons le choix d'un
corpus de texte qui seront soumis à l'analyse. Il s'agit d'ouvrages,
d'articles ou de rapports ayant un lien direct avec notre problématique
de recherche. Ici, nous reprenons un exemple à partir des analyses
réalisées sur le contenu d'un rapport consulté.
Titre du rapport :
Exemple : Haïti : Justice en
déroute ou l'État de droit ? Défis pour Haïti et la
communauté internationale
Objectif poursuivi :
Exemple : Comprendre la situation de
l'exercice de la Justice haïtienne en rapport aux engagements
internationaux de l'État haïtien en matière de droits
humains.
Deux grilles ont été appliquées à
ce rapport. La première pour collecter les données relatives aux
informations recherchées. La deuxième pour évaluer la
rigueur du rapport.
Tableau 1. Grille d'analyse de contenu
Code
|
Données recueillies
|
Observation
|
Qui ?
Qui est concerné ?
Quel est le problème soulevé ?
|
|
|
Quoi ?
De quoi s'agit-il ?
Quel est l'état de la situation ? Quelles sont ses
caractéristiques
|
|
|
Où ?
Où le problème apparait-il ?
|
|
|
Quand ?
À quel moment ?
Dans quelle fréquence ?
|
|
|
Comment ?
De quelle manière se produit le problème ?
|
|
|
Pourquoi ?
Quels en sont les causes et les facteurs ?
|
|
|
Résumé des informations
recueillies
|
|
105
Tableau 2. Grille d'analyse de la rigueur du contenu des
rapports
|
QUALITÉ
|
OUI
|
NON
|
Titre
|
Court
|
|
I
|
|
Clair
|
I
|
|
Résumé
|
Court
|
|
I
|
|
Clair
|
I
|
|
|
Explicatif
|
I
|
|
Introduction
|
Informative
|
I
|
|
|
Descriptif du contexte
|
I
|
|
|
Objectif énoncé
|
I
|
|
Matériels et Méthodes
|
Précis dans la démarche
|
I
|
|
|
Type d'étude menée décrit
|
I
|
|
Résultats
|
Résultats précis
|
I
|
|
|
Résultats objectifs
|
I
|
|
|
Résultats cohérents
|
I
|
|
|
But du travail atteint
|
I
|
|
Références
bibliographiques
|
Respectueuses des normes
|
I
|
|
|
Étayées
|
I
|
|
|
Exactes
|
I
|
|
À partir de ces deux tableaux, l'analyse que nous avons pu
faire a été la suivante :
Ce rapport présenté par la Commission
Interaméricaine des Droits de l'Homme en 2006 nous propose un tableau
assez complet sur l'administration de la justice en Haïti sous l'angle des
obligations internationales souscrites par le pays en matière de droit
de la personne relativement à la convention américaine relative
aux droits de l'homme.
106
ANNEXE IV
ANALYSE DE LA FRÉQUENCE DES PRINCIPAUX
INDICATEURS DE LA
RECHERCHE
Grâce à l'utilisation des grilles d'analyse de
contenu servant d'instrument de collecte des données, la
fréquence des principaux indicateurs de la recherche a pu être
testée. En voici le tableau récapitulatif.
Tableau 1. Analyse de la fréquence des
principaux indicateurs de la recherche
Indicateurs
|
Mars 2015 - Aout
2015
|
Mars2016 - Aout
2016
|
Mars 2017 - Aout
2017
|
Assistance à la PNH
|
7
|
2
|
2
|
Appui institutionnel
|
2
|
4
|
|
Appui aux processus électoraux
|
3
|
2
|
|
Intervention en matière de
sécurité
|
5
|
7
|
3
|
Intervention pour le rétablissement de
l'État de droit
|
11
|
9
|
4
|
Intervention en faveur des droits humains
|
3
|
3
|
-
|
Dans l'objectif de comprendre à quel niveau nos
indicateurs sont descriptifs du contexte de la recherche, nous nous sommes
également intéressés à leur importance dans le
cadre de la Mission. Ainsi, notre grille d'analyse appliquée aux trois
dernières années de l'Intervention, nous a aussi montré
que :
Les indicateurs d'intervention militaire, politique et
juridique de la Mission ont été évoqués dans tous
les rapports du Secrétaires général sur la Mission des
Nations Unies pour la stabilisation en Haïti à plusieurs reprises.
L'aide que la Mission apporte par exemple à la Police Nationale
d'Haïti est évoquée au moins à 7 reprises dans le
rapport Aout 2015, à 2 reprises dans le rapport Aout 2016 idem pour le
rapport Aout 2017.
|