INTRODUCTION GENERALE
En 2010, la journée mondiale de l'environnement
consacrant l'année internationale de la biodiversité, est
axée sur le thème : « Des millions d'espèces - une
planète - Un avenir commun » pour souligner l'intérêt
au profit de l'homme, de la richesse des espèces et des
écosystèmes de la terre. Des milliers de manifestations, dans
beaucoup de pays, mettent l'accent sur les ressources fragiles menacées
par la forte croissance démographique et les changements naturels.
Cette tendance marque une sorte de révolution dans les
approches du développement et particulièrement dans le domaine de
la gestion des ressources naturelles. Une importance particulière est
accordée à trois notions centrales : « le
développement durable », « la biodiversité » et le
« partage des avantages ».
En effet, cette évolution marquée par l'adoption
de la Convention sur la Diversité Biologique (Rio, 1992) met au devant
de la scène internationale, la question relative à un ensemble de
connaissances et de pratiques longtemps négligées voire
ignorées : les « savoirs naturalistes locaux ».
Aujourd'hui, on se rend compte que les paysans ont un «
savoir propre » de leur environnement (variétés et
techniques culturales, techniques d'élevage, espèces
végétales etc.) qui s'est construit au cours des siècles
d'observation et d'expérimentation.
Les savoirs et les techniques de gestion des ressources
naturelles sont multiples et varient d'une catégorie
socioprofessionnelle à une autre.
Cependant, il ne s'agit guère d'une opposition de
connaissances et/ou pratiques entre les systèmes de production
traditionnels et modernes, mais leur combinaison en vue d'une
complémentarité.
Ainsi un des défis majeurs est de permettre aux
communautés locales de créer des synergies entre savoirs
endogènes et exogènes pour choisir leur propre voie vers un
développement durable dans la communauté rurale de Madina
Ndiathbé, partie intégrante du Sahel. Ce terroir est
découpé en trois zones géographiques (Carte1) selon le
rapport du PLD de 2009 :
- La zone Walo qui regroupe les villages de l'ile à
Morphil avec comme centre, la localité de Cas-Cas. Elle est
caractérisée par sa vocation agricole suivant le critère
hydro-pédologique des sols.
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Carte 1 : Situation géographique et zonage
de la communauté rurale de Madina Ndiathbé
- La zone Centre (Djéjégol) qui regroupe les
villages situés entre le Doué et la route nationale 2,
dominée par la localité de Madina Ndiathbé qui polarise
les flux commerciaux.
- La zone Diéri, à vocation pastorale, qui
regroupe tous les villages situés au Sud de la route nationale et
gravitant autour de Bano (village centre).
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La communauté rurale de Madina Ndiathbé est
située dans l'hémisphère nord entre les 16°49 et
16°26 latitudes nord et les 14°35 et 14°02 longitudes ouest.
Elle se trouve dans l'arrondissement de Cas-Cas, département de Podor,
région administrative de Saint Louis avec les limites suivantes :
- Le fleuve Sénégal, au Nord,
- Les communautés rurales de Méry et de Boké
Dialoubé, à l'Est, - La communauté rurale de Doumga lao,
au Sud et à l'Ouest.
La communauté rurale de Madina Ndiathbé a une
vocation essentiellement agricole en raison de ses importantes
potentialités hydriques et foncières. Les populations
dépendent de la valorisation des ressources naturelles (eau, sol et
végétation) qui assure la couverture de l'essentiel de leurs
besoins.
I. PROBLEMATIQUE
Au Sénégal, les politiques de gestion des
ressources naturelles, initiées depuis la période coloniale,
privilégient le plus souvent la mise en place d'aires
protégées (parcs, forêts classées...) sans tenir
compte des exigences des populations riveraines (exemple des aires marines
protégées, les forêts classées, le
déplacement des populations dans le parc national de Niokolo koba...).
Ce qui occasionne des conflits pour l'accès aux ressources, le
braconnage, la coupe abusive de bois...
Les projets de développement rural
intégrés, mis en place par l'Etat et exécutés en
collaboration avec les services déconcentrés, étaient
organisés autour d'une filière (la filière du coton avec
la SODEFITEX, la filière arachidière avec la SODEVA, la
filière rizicole avec la SAED...) où les agriculteurs
n'appliquaient que des consignes techniques sous le contrôle des agents
de l'Etat.
L'impact de ces différentes politiques s'est traduit
par des déséquilibres écologiques (monoculture
arachidière, par exemple), le développement de nouvelles formes
de dépendance économique et sociale (aide extérieure,
dette publique et privée) et une faiblesse des systèmes de
gestion, d'exploitation et de conservation des ressources locales.
C'est pourquoi dans le domaine du développement rural
en général et la gestion environnementale en particulier, de
nombreuses voix se sont levées pour demander une
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participation effective des populations locales à
l'identification, à la planification et à l'exécution des
projets.
Ainsi, dans la perspective d'une gestion durable des
ressources naturelles, il serait intéressant de prendre en
considération les savoirs locaux.
La Banque Mondiale indique dans le rapport sur le
développement du monde 1998 - 1999 sous le thème : « Le
savoir au service du développement », que « c'est le savoir et
non le capital qui est la clé d'un développement social et
économique durable ». Autrement dit, les savoirs locaux constituent
le fondement des sociétés traditionnelles pour la gestion des
terres et des eaux. Ces connaissances se sont développées,
pratiquées et transmises de génération en
génération. On peut en citer : la culture de décrue chez
les Halpular de la vallée du fleuve Sénégal, la
médecine par les plantes et la méthode de lutte contre les tiques
de bétail appliquée par les Foulani, l'agriculture en montagne
des Bamiléké...
Pour favoriser cette dynamique, la Convention sur la
Diversité Biologique adoptée en 1992, invitait la
communauté internationale à travers l'Agenda 21 à
inventorier les savoirs locaux.
Notre thème de recherche : « savoirs
locaux et nouvelles initiatives pour la gestion des ressources naturelles dans
la communauté rurale de Madina Ndiathbé » trouve
son intérêt dans ce contexte global de promotion des initiatives
locales. La communauté rurale de Madina Ndiathbé est un cadre
favorable pour mener cette étude, elle recoupe trois sous-ensembles
interdépendants (Walo, Djéjégol et Diéri). Des
connaissances y ont été accumulées et constituent un
élément fondamental de la culture et de la technologie de cette
société Halpular. Cependant, les années de crise, ont
été à l'origine de nouvelles initiatives qui se recoupent
à ces pratiques ancestrales.
Ainsi pour mieux cerner les contours cette
problématique, les orientations suivantes sont
élaborées.
1.1 Analyse conceptuelle
En vue de faciliter la compréhension des termes
utilisés dans cette étude, nous entendons les définir pour
éviter toute confusion, voire des interprétations
différentes.
Les « savoirs locaux » sont au
centre d'une vive controverse théorique. Dénommés, savoirs
traditionnels (Pintou, 2003), savoirs locaux et populaires (UICN, 1998), ils
sont définis comme
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« l'ensemble des savoirs, savoir-faire, pratiques et
représentations qui sont perpétués et
développés par des personnes ayant une longue histoire
d'interaction avec leur environnement naturel ».
Ils constituent la base de la prise de décision au
niveau local en matière d'agriculture, de santé, de
préparation de la nourriture, d'éducation, de gestion des
ressources naturelles et pour toute une série d'autres activités
menées au sein de la communauté rurale. C'est un outil
d'aménagement du territoire, de conservation selon les situations des
complexes formes de races animales, de variétés cultivées,
d'éléments de ces écosystèmes modelés par
les activités humaines.
Les savoirs locaux sont caractérisés à la
fois par leur ancrage local, leur dynamisme, leur ouverture et leur
capacité à opérer des emprunts et à s'innover. Ce
sont des savoirs qui intègrent harmonieusement pratiques locales et
connaissances technico-scientifiques.
Le savoir qu'il soit scientifique, endogènes ou local
est produit par un système social qui est en interaction avec d'autres
systèmes sociaux qui s'influencent mutuellement.
Le concept nouvelle initiative fait
référence aux connaissances technico-scientifiques
prônées par les administrations. Il s'agit de savoirs
administratifs construits sur la base de systèmes internationaux
générés par les universités et institutions.
Autrement dit, des savoirs fondés sur des procédures et
règlements formels comme les plans de gestion des ressources naturelles,
les connaissances scientifiques sur lesquelles s'appuient les politiques de
développement.
La gestion des ressources naturelles fait
référence aux façons dont les ressources sont
utilisées par une communauté ou un Etat pour des objectifs de
productions forestières, agricoles, halieutiques ou pastorales. Elle
s'apparente aux notions d'aménagement du territoire ou d'organisation de
l'espace, tout en ayant une portée plus vaste. Elle inclut toutes les
formes d'interventions dans l'environnement ayant pour finalité
l'utilisation optimale, dans la perspective d'un développement durable,
qui permettra de satisfaire les besoins actuels tout en préservant ceux
des générations futures.
Les ressources naturelles ont une grande importance dans le
développement des sociétés et leur mise en valeur
constitue un véritable enjeu.
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