Spécification du modèle
économétrique
All models are wrong but some are useful.
George E. P. Box (Robustness in the strategy of
scientific model building, 1979)
5.1) L'auto-emploi comme une double décision
Nous avons souligné une influence significative du
niveau d'instruction dans la décision d'un individu de s'auto-employer.
Or une éducation de bonne qualité ou non est en relation directe
avec le niveau de confiance et de motivation. C'est dans ce cadre que Spence
(1973) explique par exemple que par manque d'information sur les
compétences du travailleur, les entreprises se basent sur la
qualification pour appréhender certains indicateurs non mesurables comme
la motivation, l'intelligence, le potentiel d'adaptation ou de formation. Le
problème dans ce genre de considération est que l'implication
directe est la double décision que représente l'auto-emploi: une
motivation pour travailler, et une autre pour travailler de façon
indépendante. En effet, l'analyse pionnière
réalisée aux États-Unis par le Prix Nobel
d'économie James Heckman révèle que l'estime et la
maîtrise de soi mesurés à l'âge de 14 à 21 ans
ont une forte incidence sur l'emploi, le choix du métier et les salaires
à 30 ans. Passer de 25 % à 75 % dans la mesure de ces
compétences non cognitives améliorerait les salaires à
l'âge de 30 ans d'environ 10 % pour les hommes et de plus de 30 % pour
les femmes (Heckman et al., 2006). De plus, les résultats d'une
enquête réalisée en Éthiopie, en Inde, au
Pérou et au Vietnam auprès des enfants d'âge scolaire
indiquent une corrélation positive entre le niveau d'estime de soi
à l'âge de 12 ans et le plus haut niveau d'études atteint
à l'âge de 15 ans dans l'ensemble des quatre pays. L'estime de soi
était également associée à la fois aux aspirations
professionnelles et au niveau d'éducation atteint (Rolleston et James,
2012). La variable représentant la motivation et le potentiel
d'adaptation servirait donc de variable explicative à la fois dans
une étude sur la participation à la force active (le fait de
travailler ou non), et dans une autre où la population
d'intérêt est celle des actifs, et où l'on analyse le choix
du travail indépendant. De façon concrète, il faut garder
à l'esprit que les chiffres du chômage masquent le fait que
certains jeunes cessent de chercher un emploi parce qu'ils n'ont plus l'espoir
d'en trouver. Ceux qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni en
recherche active d'emploi, sont souvent rangés dans la catégorie
des « inactifs », même si cette inactivité est le reflet
du marché du travail, bien plus que leur motivation personnelle.
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Lorsqu'on englobe également ceux que l'on
décourage de participer à la main d'oeuvre, les taux de
chômage des jeunes peuvent croître. Ne pas tenir compte de ses
aspects pratiques 1 dans une modélisation
économétrique conduit à un biais de sélection, dont
les contours économétriques sont abordés dans cette
analyse.
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