INTRODUCTION
L'aide étrangère pour le développement
fait partie des peu de sujets qui occupent une place tellement
intéressante et volumineuse dans la littérature économique
ces dernières décennies (I. Sachs, 1977). Présente sous
diverses formes (dons, IDE, crédits en céréales,
crédits financiers), elle a une corrélation très forte
avec les économies nationales tant du point de vue de l'assistance
sociale que du point de vue de l'économie politique. Surtout avec les
caractéristiques alarmantes des pays en développement (PED), on a
vite remarqué que l'aide internationale pour le développement
connait au fil du temps une allure grandissante.
Depuis la crise de l'endettement en 1982 au Mexique
(Éric Berr, 2000 ; Valérie Grivel, 2008) lorsqu'il suspendait le
paiement des intérêts qu'il devait au titre du service de sa
dette, la question de l'aide internationale est vue d'une autre manière
: le développement des pays bénéficiaires par
eux-mêmes, l'auto-développement ou le développement
autocentré. Ce, pour corriger le laxisme existant d'une part chez les
bailleurs et d'autres part chez les receveurs, y compris leur impuissance.
Ainsi, on a remarqué de nouvelles modifications mises en place par les
institutions de Brettons Woods (FMI, BM) et les organismes d'aide (OCDE, USAID,
AFD et autres agences nationales) pour l'allocation de l'aide. Pourtant, la
situation des pays pauvres n'a cessé, depuis 1982, de se
dégrader. D'après la Banque mondiale, la dette des PED
s'élève en 2001 à environ 2450 milliards de dollars tandis
qu'elle était d'environ 560 milliards de dollars en 1980. Dans le
même temps, les PED ont remboursé 3400 milliards de dollars
(à titre d'intérêt ou d'amortissement)6. Ce qui
nous a permis de constater que les remèdes n'ont pas été
efficace. Il est aussi possible de constater que le tournant
politico-économique du monde occidental marqué par le
libéralisme vers 1980 a augmenté la question de l'aide au
développement qui est surtout dû à la faiblesse des pays de
la périphérie sur le marché international. La
littérature de l'économie du développement renouvelle
cette fois les expressions coopération internationale
(Jean-Charles E., 2007) et partenariat (O. Navvaro-Florres,
2009). L'étude accrue des spécialistes sur la question de l'aide
internationale, le partenariat et la coopération internationale nous
permet d'assister à un débat sur cette question de la
coopération internationale : pour les
6 Éric BERR, la dette des pays en
développement. Bilan et perspectives, Paris, 2000, p2.
2
uns, la coopération internationale véhicule les
modèles de développement des pays nord-occidentaux,
perpétuant ainsi la dépendance économique et
l'inégalité des rapports de pouvoir qui caractérisent les
relations Nord-Sud depuis le colonialisme. Pour les autres, la
coopération internationale fait la promotion d'une voie alternative de
développement qui prône la prise en charge des populations locales
et l'ancrage du développement économique dans le
développement social7 ».
Il existe, en fait, une multitude d'études existant sur
la question de la coopération internationale pour le
développement: d'aucuns continuent de penser que la coopération
pour le développement est quasiment synonyme d'aide financière
ou, plus concrètement, d'APD (« aide publique au
développement »). À l'inverse, d'autres penchent pour une
définition plus large qui inclut, par exemple, les flux sur les
marchés (à savoir, les investissements directs étrangers
ou les transferts de fonds) (José Antonio A. & J. Glennie, 2016).
Mais ce qui est important, quel que soit la considération
théorique faite à partir de la coopération internationale,
elle inclut inévitablement la question de l'aide publique pour le
développement (APD), et peut-être même que c'est le centre
de toute coopération entre pays ou organismes internationaux.
L'aide publique pour le développement désigne,
en effet, le transfert de ressources des pays donateurs vers les pays en
développement à des conditions préférentielles afin
de promouvoir leur développement socioéconomique et politique.
Historiquement, et plus proche de nous, la question de l'aide publique pour le
développement est apparue suite à la fin de la seconde guerre
mondiale, disons mieux l'application du « Plan Marshall ». Ce plan
visait la lutte contre la faim, la pauvreté et le désarroi de la
population européenne (O. Navvaro-Florres, 2009 :15) avec l'idée
du développement économique. Au-delà de l'aide
humanitaire, le plan Marshall visait le renforcement économique des pays
d'Europe jadis industrialisés, afin qu'ils puissent s'insérer
promptement dans un système économique mondial. Et c'est jusque
dans les années 1960 marquées surtout la décolonisation
des pays de l'Afrique, que le développement et l'aide au
développement deviennent aussi une préoccupation des pays
développés pour les pays sous-développement. Bernard
Billaudot (2004) fait même remarquer que :
« Pendant tout un temps, le terme de
développement en science économique a été
l'oriflamme d'une nouvelle discipline - l'économie du
développement - qui voit le jour après la seconde guerre mondiale
et qui se construit dans les années cinquante et soixante en ayant
comme
7 Navarro-Flores, OLGA, Le partenariat en
coopération international : Paradoxe ou compromis ? 2009, p1.
3
champ d'investigation les pays f...]
sous-développés et f..] plus judicieux d'appeler les pays en voie
de développement ou encore, les pays du Sud8 ».
Ainsi, la relation entre coopération internationale
à travers l'APD et les pays en développement est très
étroite. C'est une corrélation qui se veut parfaitement
fructueuse de par son objectif : soutenir d'abord le développement
national. Ce qui implique un cadre macroéconomique sain, où les
inégalités sociales seront réduites. Un tel objectif doit
nécessairement être concrétisé par la mise en place
d'un cadre institutionnel répondant aux exigences sociales. D'où
la nécessité d'une gouvernance adéquate. A lorsque le
montant de l'aide se multiplie chaque année suivant la
mission9 de la coopération pour le développement, les
pays du sud en général, surtout Haïti tout en étant
un des receveurs par excellence de l'APD, n'est pas sorti du marasme
socioéconomique, politique et institutionnel auquel il fait face des
décennies durant. Bien au contraire, nous ne pouvons que constater, dans
le cas d'Haïti, une corrélation fortement négative existant
entre l'aide publique au développement et le sous-développement ;
c'est ce constat qui nous amène à pencher sur ce sujet
d'étude : Cadre institutionnel, aide publique au
développement et développement socioéconomique et
politique en Haïti au cours de la période 2000-2011.
Ainsi, ce mémoire de fin d'études se fixe pour
objectif d'analyser l'efficacité (ou l'inefficacité) de l'aide
publique au développement allouée à Haïti au cours de
la décennie allant de 20002011 pour le renforcement institutionnel [la
gouvernance] ou son inverse). Nous voulons aussi mettre un accent emphatique
sur les effets de l'APD sur l'administration publique haïtienne. Pour ce
faire, nous avons jugé nécessaire de structurer notre travail
autour de cinq (5) chapitres.
Dans le premier, nous tacherons de présenter les grands
courants de pensée qui feront l'objet de notre analyse tout au long du
travail, nous exposerons aussi notre cadre méthodologique et conceptuel.
Dans le deuxième chapitre, nous ferons une vue globale sur la situation
socioéconomique et politique du tiers-monde, en particulier le berceau
du monde pauvre : l'Afrique subsaharienne et aussi l'Asie du sud-est. Nous
étudierons l'impact de l'APD sur leur
8 Bernard Billaudot, Développement et
croissance : Les enjeux conceptuels des débats actuels, France, 6
octobre 2004, p5.
9 La coopération pour le
développement satisfait aux quatre critères suivants :
10) Elle vise de manière explicite à soutenir les
priorités de développement nationales ou internationales ;
20) Elle ne recherche pas le profit ; 30) Elle
prône la discrimination positive en faveur des pays en
développement ; et 40) Elle est basée sur des
relations de coopération visant à améliorer
l'appropriation par les pays en développement. Source : Qu'est-ce
que la coopération pour le développement ? Par José
Antonio Alonso et Jonathan Glennie, 2016.
Hypothèse générale
: Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration,
à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de
la non transparence et de la mauvaise gouvernance
4
situation avant de rentrer d'emblée dans notre cas
précis en prenant deux cas en faisant une analyse comparative.
Le troisième chapitre est consacré à un
exposé qui fera état de la situation socioéconomique,
politique et institutionnel d'Haïti ainsi que sa genèse dans la
vague de la coopération internationale. Nous analyserons aussi dans ce
chapitre, conjointement avec notre cadre théorique, la politique
internationale en vogue et l'ampleur des aides publiques pour le
développement (APD) dans le cas d'Haïti.
Le quatrième chapitre est destiné à la
vérification de notre hypothèse secondaire 1 : « Le
cadre institutionnel mis en place dans l'administration publique, à
cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non
transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion
saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au
cours de la période 2000-2011 ». Pour ce faire, nous ferons
une lecture analytique et critique autour du cadre institutionnel public
haïtien et sa relation, si elle existe, avec la mauvaise gouvernance qui
fait rage sur la Res Publica. En fait, nous voulons étudier
s'il y a une relation entre la faiblesse administrative et l'importance
considérable des fonds alloués ainsi que sa mauvaise gestion.
Enfin le cinquième chapitre sera réservé
à la vérification de notre hypothèse secondaire 2 :
« Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à
cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non
transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le
développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours
de la période 2000-2011 ». Un bilan de la situation
socioéconomique et politique sera fait pour voir si le cadre
institutionnel en place a favorisé ou non le développement.
Hypothèses
Si nous répétons Aktouf (1987) pour dire que
l'hypothèse est la formulation pro-forma des conclusions que l'on
compte tirer et que l'on va s'efforcer de justifier et de démontrer
méthodiquement et systématiquement, et comme une tentative
de réponse à la problématique de recherche, en
considérations de ladite problématique, et dans la perspective
d'orienter notre recherche, nous avons formulé ces hypothèses
suivantes :
5
n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide
publique au développement en vue de favoriser le développement
socioéconomique en Haïti au cours de la période
2000-2011.
Hypothèse principale : Le
cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne
marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du
phénomène de la corruption, de la non transparence et de la
mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de
l'aide publique au développement en Haïti au cours de la
période 20002011.
Hypothèse secondaire : Le
cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa
faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence
et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement
socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période
2000-2011.
10 Selon expression de Samuel HUNTINGTON, The
Third Wave of democrazisation (1992), cité par Renée Fregosi
dans Gouvernabilité et gouvernance globale : défis
théoriques et politiques, 12 octobre 2010, p3.
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