3.2.- Les antécédents à la
situation
3.2.1.- La période coloniale
Avant de s'appeler Haïti, ce pays s'appelait
Saint-Domingue. C'est l'histoire d'une colonisation de l'ile d'Haïti,
conquis en 1492 par C. Colomb. C'est le tiers occidental de l'île
d'Hispaniola qui est la deuxième île des Grandes Antilles par sa
superficie. L'île d'Hispaniola a été l'un des points de
départ de la conquête européenne des Amériques. Les
puissances européennes du XVe siècle - le Portugal, l'Espagne,
l'Angleterre, la France etc. - se livraient une guerre
d'hégémonie et partaient à la conquête de nouvelles
richesses (l'or, l'argent, les trésors etc.) en vue d'étendre
leur suprématie commerciale, économique et militaire
(Rogoziñski, 1999 cité par Pierre, 2014 :25).
En 1697, sous la pression, entre autres, des activités
des squatteurs illégaux français sur la côte Nord-Ouest,
l'Espagne, par le traité de Ryswick, a concédé la partie
occidentale de l'île à la France (le futur Haïti) et
gardé la partie orientale (la République Dominicaine).
S'établit ainsi la société coloniale et esclavagiste de
Saint-Domingue sous la domination des colons blancs français. Comme les
autres îles des Caraïbes elle connaît les cycles de la
colonisation entre le XVème et le XVIIIème siècle :
à Saint-Domingue, cette première colonisation connaît
sa forme la plus aboutie et la plus oppressive (N. Baggioni-Lopez,
slnd). Le contexte auquel s'inscrit l'exploitation coloniale du
Métropole justifie cette assertion. Colonie riche et prospère
pour son métropole, Saint-Domingue était considéré
comme l'emblème de l'économisme métropolitain de la France
: l'exploitation agricole et industrielle dans les habitations se fait de
manière rationnelle : irrigation, amélioration de la production
dans ses rendements et dans sa qualité. En 1790, Saint-Domingue est le
plus gros producteur mondial de sucre et celui-ci à la réputation
d'être le meilleur du monde car, à partir de 1730, les planteurs
sont passés d'une production en brut à une production en blanc ou
terré, du sucre raffiné de meilleure qualité. Cette
production est devenue majoritaire à partir des années 1750 au
prix d'un fort investissement financier et technologique.
L'importance de l'économie de Saint-Domingue était
telle qu'elle...
« ...mérite bien à la fin du
XVIIIème siècle de s'appeler la Perle des Antilles : ses 793
sucreries en font de lui le premier producteur mondial de sucre. La colonie se
place aussi première pour d'autres productions tropicales : l'indigo (3
150 indigoteries), le coton (789 cotonneries) et le café (2 117
53
caféteries, cent millions de plants). Saint-Domingue a
une grande importance économique pour la France puisqu'un
Français sur vingt-cinq dépend directement du marché
colonial et qu'un sur huit en vit. La colonie rapporte à sa
métropole plus que toute l'Amérique espagnole à l'Espagne
»52.
« D'un point de vue comparatif, la colonie
française de Saint Domingue a été plus rentable à
la France que les treize (13) colonies de l'Amérique du Nord l'ont
été à l'Angleterre. Elle rapportait à elle seule
à la métropole française « plus que tous ses autres
territoires d'Outre Mer réunis53 »
Présentant une main d'oeuvre aussi efficace et
efficiente, le nègre de Saint-Domingue était traité, selon
l'expression de B. Lopez, de manière rationnelle. Par exemple la
population servile de Saint-Domingue a été massivement
vaccinée contre la variole dès les années 1780, avant la
France, et si leur mortalité est massive, c'est qu'elle est rentable. Il
est moins cher de remplacer un esclave que de l'entretenir. On peut
aisément comprendre que, dans une telle situation, et utilisé
comme biens meubles54, le nègre de Saint-Domingue ne vit pas
: il survécut. Si cette situation présentait toute cette
inhumanité d'un côté, elle favorisait dans l'autre la
conscience à la liberté, d'ailleurs, comme le note Pierre (2014)
le problème est que la prospérité et le
développement de Saint Domingue se faisaient au prix du sang des
esclaves noirs. En voie de conséquence, l'opulence de la colonie portait
en elle-même les germes de sa destruction. C'est ce qui a produit, suite
à une longue période de lutte (1791-1803), l'indépendance
d'Haïti et sa proclamation le 1er janvier 1804.
|