2.1.2- Le tiers-monde et ses caractéristiques
L'économie va s'intéresser autour de la question
du développement du reste de la planète suite à la
vulgarisation de l'expression tiers-monde, pour caractériser les pays
qui ne s'alignaient sur aucun des 2 blocs (capitaliste et communiste), disons
pour qualifier les pays considérés sous-développés
(Marc-Aurel. E. D, 2016). A ce propos, Iulia Nechifor (sd) a
écrit :
« L'expression «tiers monde» qui
apparaît en France à l'époque de la conférence de
Bandoeng (1955), sous la plume de G. Balandier et A. Sauvy, désignant
les trois quarts de l'humanité qui se trouvaient étrangers au
monde occidental du développement, illustrait l'idée que le
théâtre international ne se réduisait plus aux
«super-grands», et qu'il faudrait prendre en compte désormais
la masse énorme des colonisés, jusque-là simples figurants
sur la scène internationale. De ce point de vue, l'expression
«tiers monde« préfigure celle de «Sud» et renvoie
à d'autres clivages que celui, horizontal, entre l'Est et
l'ouest24. »
Dans cette même optique, Sauveur Pierre-Etienne, dans
Haïti : l'invasion des ONG (1997 :30), a écrit :
« Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la
division de la planète en deux blocs, le concept «Tiers monde»
convenait parfaitement pour désigner les pays
sous-développés. II fut utilisé pour la première
fois par le démographe français Alfred Sauvy, dans un article
publié dans le N°118 du journal L'Observateur, en France,
le 14 aout 1952, et qui s'intitulait « Tiers monde, une planète
». Ce concept désignait donc l'époque le
troisième groupe de nations qui n'appartenaient ni au monde riche
occidental, ni au monde socialiste. Et Sauvy écrivait en effet dans cet
article : « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence
de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu'il
en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans
la chronologie. C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle, en style Nations
Unies, les pays sous-développés f...] Ce Tiers monde
ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers-Etat,
veut, lui aussi, être quelque chose. »
Ce tournant théorique marque le début des
réflexions et attentions portées sur le tiers-monde, sur les pays
les plus pauvres de la planète. Nombre de théories se sont alors
adonnées à l'analyse
24 Iulia Nechifor, Culture, développement
économique et tiers monde, p.47.
19
et a l'explication du phénomène
sous-développement, citons entre autres : la théorie des
climats qui, selon elle, postule l'absence de climats stimulants,
particulièrement de l'hiver, serait à l'origine du
sous-développement, en constatant que la majorité des pays
développés se trouve dans des climats tempérés ;
la théorie des races postulant que le sous-développement
est congénital et donc monopole de la race blanche ; la
théorie de la causalité circulaire avec l'économiste
suédois Myrdal qui pense que le sous-développement est un cercle
vicieux par le fait que les gens n'ont pas un revenu leur permettant
d'épargner et d'investir ; la théorie démographique
avec les malthusiens et les néo-malthusiens qui sous-tendent que la
démographie est la cause fondamentale du sous-développement ;
la théorie des systèmes des valeurs qui fondent leur
thèse sur l'irrationalité économique des pays pauvres en
se livrant à des biens luxueux importes au lieu d'investir dans les
activités productives ; la théorie de la croissance
linéaire de Rostow postulant que le développement es un
processus stratifiés que chaque pays, pour se développer doit
suivre, et la théorie de la dépendance qui argumente que
le sous-développement est la résultante de l'accumulation de
richesse des pays riches au détriment des pays pauvres depuis
l'époque coloniale,...
Ainsi, différents auteurs issus de discipline assez
divers consacrent leurs réflexions sur le sujet
développement/sous-développement. Une multitude des
définitions est alors évident d'être apparues. Pour
l'économiste et sociologue haïtien Gerard Pierre Charles «
le sous-développement est un concept qui se refaire à la
condition structurelle ainsi qu'aux caractéristiques de la production,
de la distribution, de l'échange et de la consommation de centaines
sociétés... Le sous-développement est un produit de la
dépendance, et est accompagné de grandes déformations
sociales ainsi que de déséquilibres typiques (ville I campagne,
modernité I archaïsme)25. »
Si la définition du concept sous-développement
est fortement variée entre théories et auteurs, il existe
cependant en ensemble d'indicateurs qui soient communs à toutes et tous
:
- 1° insuffisances alimentaires
- 2° grave déficience des populations, forte
proportion d'analphabètes, maladies des
masses, forte mortalité infantile ;
- 3° ressources négligées ou gaspillées
;
- 4° forte proportion d'agriculteurs à basse
productivité ;
- 5° faible proportion de citadins, faiblesse des -classes
moyennes » ;
- 6° industrialisation restreinte et incomplète ;
- 7° hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire ;
25 Cité par Sauveur Pierre, Etienne,
Haïti : l'invasion des ONG, p.30.
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- 8° faiblesse du produit national par habitant ;
- 9° ampleur du chômage et du sous-emploi, travail des
enfants ;
- 10° situation de subordination économique ;
- 11° très violentes inégalités
sociales
- 12° dislocation des structures économiques et
sociales ;
- 13° ampleur de la croissance démographique ;
- 14° prise de conscience et situation en pleine
évolution
Ces quatorze caractères fondamentaux du
sous-développement qu'a élaborés Yves Lacoste ont certes
quelques variations relatives dans le temps puisque l'ouvrage de
référence Géographie du sous-développement
est datée de 1965. Toutefois, l'ensemble constitue des
caractéristiques intrinsèques au phénomène du
sous-développement, qui est pour toutes les théories tentant de
l'expliquer, un problème, un labyrinthe, qui attend
nécessairement un développement.
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