CHAPITRE II :
LE RECOURS AU MYSTICISME DANS UN ENFANT À
TOUT PRIX : MOTIVATIONS, MANIFESTATIONS ET
CONSÉQUENCES
La croyance au paranormal est assez rependue, que devient
naturel ce qui est surnaturel, et mystique ce qui est naturel. La
résultante de cette croyance, le plus souvent, est que des personnes
sont parfois accusées à tort de sorcellerie à cause de
leur état physique (handicap), leur âge, ou encore d'un lien
quelconque avec une personne accusée, comme il est le cas pour nous
ici.
Le mysticisme peut assez bien se définir, selon
l'étymologie, comme le " sens du mystère " (du grec fermer), le
sens de l'au-delà, de l'autre monde ", qui dépasse les limites de
notre expérience objective, soit dans la vie présente, soit dans
une survie éventuelle.
Comme nous l'avons dit dans le chapitre
précédent, le recours au mysticisme se fait pour plusieurs
raisons, mais dans notre cas, il est une bouée de sauvetage, une porte
de secours. Le mysticisme est employé comme tel parce que dans le texte,
nous voyons le couple Mbah qui s'engage vers des voies mystiques, dans le but
de sauver leur union, et ils sont prêts à tout pour y parvenir. Il
sera question au long de ce chapitre, de faire ressortir les motivations du
couple, d'examiner les manifestations du mysticisme, et d'évaluer les
effets du mystique sur leur vie.
II.1- Motivations/raisons du recours au mysticisme
Dans notre corpus, les motivations du couple sont : le
tempérament de Xavier, le regard des autres, et l'incompétence
des gynécologues.
II.1.1- Le tempérament de Xavier
Le tempérament se définit comme une disposition
de l'humeur et de la sensibilité d'un sujet, en relation avec soi et
avec l'extérieur. On pourrait aussi le définir comme un ensemble
de caractères physiologiques propres à un individu.
Dans le corpus soumis à notre étude, nous avons
tout d'abord la détresse, le désespoir et la haine de Xavier face
à leur situation. Celui-ci devient « ...nerveux,
grincheux, agressif » (P.31), parce qu'il n'arrive pas à
se faire à l'idée qu'ils n'aient pas d'enfants après six
années de vie commune. Il est aussi dit qu'il « supportait
de moins en moins les absences répétées de son
épouse et s'irritait du fait que malgré ses interminables
soirées de prières...elle continuait à croire qu'un
miracle viendra...pour la rendre enceinte » (P.32). Cette
persévérance dans la prière de son épouse alimente
de plus en plus sa haine contre le fait que malgré tout cela, elle n'est
toujours pas enceinte.
En psychologie, on distingue quatre types de
tempéraments, dont le tempérament nerveux, dont souffre Xavier.
Nous lisons dans « les quatre tempéraments de la
naturopathie » que les personnes avec des tempéraments nerveux
sont tout le temps agités et inquiets.
Xavier en a marre d'entendre parler de ce Dieu bon et
miséricordieux, comme le décrit Victoire, qui ne daigne pas
exaucer les supplications de son épouse, au vue de toutes les
prières auxquels elle assiste sans faute :
Et franchement, je me demande à quoi te servent les
messes tous les dimanches, la chorale, les interminables prières [...]
[tu] as tenu à te marier à l'Église [...] pour lui confier
ton mariage...ton mari, tes enfants...on ne peut pas dire qu'il t'a entendue.
Il s'est arrangé à ne même pas te donner un enfant
handicapé...Réveille-toi Victoire [...] Tu sais, tu devrais avoir
honte de continuer à croire à ces conneries. (P.37-38)
Dans cet extrait nous voyons un Xavier furieux, qui
n'hésite pas de reprocher à son épouse d'être trop
naïve, parce que malgré l'absence d'une réponse favorable de
Dieu, elle demeure ferme dans sa foi, et n'hésite pas à
confronter son époux s'il le faut : « Dieu a d'autres
manières d'exaucer les prières des gens. Ses voies ne sont pas
les nôtres, et il n'agit pas toujours selon nos
désirs. » (P.37)
Dans son amertume toujours, il martèle
ceci : « Si ce Dieu que tu pries tous les jours
t'écoutait, tu aurais au moins trois à quatre enfants aujourd'hui
comme tes amies. C'est dommage que ton Dieu soit sourd à toutes ces
nuits de prières... » (P.38) Ceci parce que Victoire
s'obstine à prier ce Dieu, qui pour Xavier, n'a visiblement aucune
intention de tourner vers eux son regard, et donc il est inutile de poursuivre
ce chemin de croyance à l'aveugle.
La mélancolie de Xavier se perçoit quand on dit
: « ...les larmes de Xavier coulaient à
l'intérieure, il pleurait au-dedans de lui-même. Il était
devenu un masque, comme si le manque d'enfant avait laissé sur son
visage une épouvantable grimace » (P.40). On voit
là que Xavier est à bout, au point de composer une chanson dans
un moment de profonde tristesse, mélodie dédiée à
cet enfant qui tarde à arriver.
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