Le mysticisme dans un enfant à tout prix de Charles Sohpar Elsa Gamnye Souop Université de Buéa - Licence es 2021 |
II.2.2- La délivranceLa délivrance se définit comme la fin d'un mal, d'un tourment, d'où résulte une impression agréable. Il a pour synonyme soulagement. Dans notre texte, le désir de soulagement apparait après la naissance de Jonbé Pamphile, quand il est découvert que ce dernier est en fait un serpent déguisé. Pour se débarrasser de l'enfant et être libre, un inconnu propose à Xavier d'abandonner l'enfant dans la forêt. Comment cet inconnu a-t-il fait pour savoir que leur enfant est un serpent, reste un mystère. Nous pouvons toutefois supposer qu'il a des dons de voyance, puisqu'il dit : « ...j'ai le don de lire, et je vois... La souffrance du serpent se lit sur votre visage...je vois aussi un serpent qui vous enserre... » (P.113). La consigne est claire : Xavier devait déposer l'enfant dans une broussaille au bord de l'eau, dans une forêt, puis s'en aller en courant sans se retourner. Dans « symbolisme de la forêt et des arbres dans le folklore »7(*), article de Judith Crews, il est dit que les arbres et la forêt ont une certaine mystification depuis l'antiquité. Clarissa Pinkola dit : « Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera, jamais ta vie ne commencera. Va dans les bois, va »8(*). Nous apprenons aussi dans « le symbolisme de la forêt »9(*) que la forêt peut être synonyme d'oppression ou de libération. Pour expliquer ces citations, on dira que c'est justement pour ces deux raisons que l'inconnu invite Xavier à se rendre dans la forêt : pour que sa vie prenne une tournure nouvelle dans cette forêt, qui est un lieu de libération. Autre instance de délivrance apparait quand le prêtre et les paroissiens effectuent le chemin de croix autour de la borne fontaine habitée par le serpent. Durant cette séance, des prières sont faites, et, peu à peu, le serpent libère la fontaine : « Plus la prière était forte, plus elle semblait provoquer la montée en force d'une eau boueuse qui jaillissait du robinet... La force de leurs prières semblait augmenter la pression de l'eau noire et boueuse... » (P.149-150). Au préalable, le serpent s'était immiscé dans le lit du curé : « [il trouva] un énorme serpent grisâtre lové dans sa couverture. [Il] porta la main au crucifix qui pendait toujours à son cou... [et] lentement et majestueusement, le serpent descendit du lit, puis il sortit de la chambre en frôlant la soutane du père Lesco. » (P.141) Cette scène pourrait être traduite comme un défi direct lancé à Dieu, avec comme intention de faire régner la loi du plus fort. Pamphile a des blessures au dos, suite aux prières faites par les paroissiens autour de la borne fontaine. Il a ces plaies parce que son double, le serpent, est aspergé d'eau bénite dans la fontaine. Ceci nous montre que l'enfant est capable de se dédoubler, et d'être à deux endroits à la fois. Toujours dans l'optique de la délivrance, le dénommé Su Fo Ngang s'engage à libérer la famille de Xavier de cet enfant serpent. Pour ce faire « Le groupe se mit en marche en pleine nuit pour le cimetière... [Su Fo Ngang avait] autour de son cou... une amulette d'argent en forme de coquille d'escargot...il leur avait demandé de s'oindre les pieds et les mains avec un produit noir et gluant... » (P.156). Afin de pousser le double animal à se dévoiler, « ...Su Fo Ngang se mit [à chanter,] à pleurer en battant le tambourin et en exécutant une danse mystique » (P.158), après quoi « un monstrueux serpent » apparait. Nous voyons dans cette scène que le mysticisme est à son comble parce que toutes les actions menées, que ce soit l'oignement des membres ou encore le chant, ont une connotation non dévoilée par l'auteur. Mais nous pouvons supposer que l'oignement sert à les blinder, et le chant sert à cajoler le serpent. Le jujube, pour les africains en général et le peuple bamiléké en particulier, est, par essence, le symbole de la paix. Ceci explique pourquoi Su Fo Ngang donne un mélange à base de jus de jujube au couple et à l'enfant de boire. Vu que c'est un fruit sacré, l'enfant quand il le prend, ne le supporte pas, et, regardant le feu « [dégage] une odeur animale...et...son visage prit progressivement une couleur effrayante... » (P.164) * 7 https://www.fao.org/ * 8 Femmes qui courent avec les loups, 1992 * 9 Adrien Choeur, https://www-jepense-org |
|