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La détention préventive et protection des droits de l'homme au Togo


par Lar KOMBATE
Université de Nantes - Master 2 droit international et européen des droits fondamentaux 2016
  

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I. Section 1:Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques desdétenuspréventifs

Les limites de la protection des droits et libertés civils et politiques des détenus préventifs sont liées aux insuffisances de textes (Paragraphe 1) et aux institutions (Paragraphe 2).

A. Paragraphe 1 : Les limites textuelles

L'état des lieux du cadre légal (A) a permis de faire ressortir des insuffisances notoires (B).

23. A. L'état des lieux du cadre légal

Au Togo, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales des personnes poursuivies est spécifiquement inscrit dans la Constitution, qui engage l'Etat à garantir, entre autres53(*), l'intégrité physique et mentale des personnes poursuivies, la vie et la sécurité (article 13), la prohibition de l'arrestation ou la détention arbitraire (article 15),le droit du prévenu d'être examiné par le médecin de son choix, d'être assisté par un avocat et de bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion sociale (article 16), la notification immédiate des charges retenues contre toute personne suspectée d'avoir commis une infraction (article 17), la présomption d'innocence (article 18), le droit à un procès équitable et dans un délai raisonnable (article 19), l'interdiction de la torture, des traitements cruels, inhumains et dégradants (article 21) et l'indépendance du pouvoir judiciaire (article 113).

En résumé, le droit à un procès équitable est défini en premier lieu par les dispositions de la Constitution togolaise. En plus de la loi fondamentale togolaise, le cadre légal est également constitué d'autres instruments nationaux qui définissent les droits etlibertés civils et politiques en matière de la détention préventive. Les principaux textes sont :l'arrêté n° 488 du 1er septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire indigène au Togo,l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo, la loi n° 83 -1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure pénale au Togo,la loi n°2007 - 017 du 06 juillet 2007 instituant le Code de l'enfant au Togo et la loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

24. B. Les insuffisances inhérentes au cadre légal

En examinant le cadre législatif et réglementaire togolais en la matière, on peut soutenir que les traités relatifs à la protection des droits de l'homme dans l'administration de la justice pénale ont connu une intégration constitutionnelle effective, mais paradoxalement sont moins traduites dans les textes législatifs et réglementaires tels que le code de procédure pénale, l'ordonnance n°78- 35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo et l'arrêté n°488 du 1er septembre 1933. En effet, l'avancée significative enregistrée ces dernières années est entre autre l'adoption du Nouveau Code pénal togolais54(*). Il y a lieu de noter que la modification du Code pénal de 1980 était nécessaire pour pallier aux exigences de l'environnement national et international ainsi qu'à l'évolution de la société togolaise. On relevait également l'absence de sanctions de nombreuses infractions, incluant celles résultant de conventions internationales auxquels le Togo est partie. C'est ainsi qu'il existait de nombreuses dispositions du code pénal en contradiction avec la plupart des conventions internationales relatives aux droits humains. A titre d'illustration, le corpus normatif des droits de l'homme était lacunaire en ce qui concerne les dispositions pénales relatives à la torture, alors que le Togo est partie à la convention des Nations unies contre la torture et les traitements inhumains, cruels et dégradants. Il faut toutefois relever que ce Code était déjà une avancée lors de sa publication, et innovateur notammentpar l'intégration dedéfinitions conformes au droit international des droits de l'homme, des infractions ayant trait à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants55(*)et des mesures alternatives à la privation de la liberté. Afin d'éviter les recours excessifs à la détention provisoire et à la surpopulation carcérale, le NCPT a prévu des alternatives aux poursuites pénales (articles 58 à 62). Les articles 93 à 95 du NCPT ont créé une alternative aux poursuites qui constitue aussi bien une alternative à la détention qu'a la reconnaissance préalable de culpabilité qui définira le code de procédure pénale à venir.

L'analyse approfondie du cadre légal togolais a permis de relever également une série de lacunes notamment : absence de mesures de substitution à l'emprisonnement, absence d'institutionnalisation du juge des libertés et de la détention, du juge de l'application des peines, absence de définition des délais raisonnables en matière criminelle, l'absence d'un décret d'application de la loi sur l'aide juridictionnelle, les délais de procédure trop longs, la non transposition duprincipe de la présomption d'innocence dans le code de procédure pénale actuel,l'absence d'harmonisation des textes,l'absence de garanties contre la torture et les mauvais traitements dans le CPPT, l'absence d'une disposition expresse imposant de séparer les prévenus des condamnés, l'absence de limitation de motifs de la détention préventive pour lesquels le juge d'instruction ou le procureur de la République peuvent ordonner cette mesure que le CPPT qualifie d'exceptionnelle.

Au Togo, les prisons civiles continuent d'être régies par l'arrêté N°488 du 1er septembre 1933 réorganisant le régime pénitentiaire indigène au Togo. Une lecture attentive de ce texte, permet de noter qu'il est en déphasage avec le contenu de l'article 16 de la Constitution togolaise suscitée. Cet arrêté met l'accent sur le châtiment et certaines autres sanctions56(*). C'est une violation grave du droit au respect de l'intégrité physique du détenu préventif.

Il n'existe pas également un règlement intérieur régissant les prisons civiles togolaises. Ce vide juridique est souvent source de violences récurrentes, d'insécurité et d'indiscipline dans les prisons.

Ces insuffisances juridiques ci-dessus constatées constituent des handicaps pour le bon fonctionnement de l'administration de la justice pénale togolaise.

* 53Sous - titre 1 intitulé Droits et libertés tirés du Titre « des droits, libertés et devoirs des citoyens »de la Constitution Togolaise de 1992, p.6 et 7.

* 54Loi n° 2015 -10 du 24 novembre 2015 instituant le Nouveau Code pénal au Togo.

* 55Articles 198 à 206 de laSection 1 intitulé  «  De la torture et des autres mauvais traitements tiré du Chapitre
IV « Des atteintes à l'intégrité physique de la personne  » du NCPT, p. 38 - 39.

* 56Art. 32 de l'arrêté n°488 du 1er septembre 1933 :« toute faute commise par un détenu est sanctionnée par l'une des punitions suivantes infligées par le directeur de la prison assisté du surveillant - chef : suppression des pauses dans le travail, corvée supplémentaire le dimanche, demi-ration sans viande ni poison ; pour une durée maximale de 40 jours à ration normale ; cellule pour une durée maxima de trente jours ; salle de discipline, pour une durée maxima de trente jours ; mise aux fers en cellule en cas de fureur ou de violence grave. Les détenus qui se sont déclarés malades et n'ont pas été reconnus tels par le médecin de la prison sont punis soit de corvée supplémentaire le dimanche, soit desuppression, pendant un jour, de ration de viande ou de poisson. Les

détenus qui n'ont pas exécuté le travail qui leur avait été imposé n'ont droit qu'à la demi-ration sans viande ni poisson. »

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