2.2.2.2 Présentation des
résultats des estimations et interprétation
Afin de déterminer comment les stratégies
d'adaptation agricole aux changements climatiques influencent le rendement
agricole dans les pays membres de la CEEAC, nous avons effectué les
régressions en panels. Le tableau ci-dessous présente la
synthèse des différents résultats.
Tableau
4.3: Résultats des estimations
Variables
|
Modèle 1 (banane)
|
Modèle 2 (cacao)
|
Modèle 3
(café)
|
Modèle 4 (coton)
|
Engrais
|
-0,099**
(0,044)
|
0,006
(0,026)
|
-0,014
(0,019)
|
0,045
(0,025)
|
Insecticide
|
-0,008
(0,009)
|
-0,101***
(0,033)
|
0,018
(0,065)
|
0,015
(0,012)
|
Fongicide
|
/
|
0,095***
(0,020)
|
/
|
/
|
Herbicide
|
0,026
(0,028)
|
-0,026***
(0,010)
|
-0,015**
(0,013)
|
-0,002*
(0,006)
|
Investissement
|
0,203**
(0,091)
|
-0,068
(0,088)
|
0,005
(0,033)
|
-0,100**
(0,042)
|
Inflation
|
0,005**
(0,002)
|
-0,005**
(0,002)
|
-0,008**
(0,004)
|
-0,002**
(0,001)
|
Emploi
|
2,456**
(1,072)
|
2,358***
(0,368)
|
0,732*
(0,442)
|
0,373
(0,637)
|
Croissance économique
|
0,855
(0,716)
|
1,465**
(0,575)
|
0,477
(0,824)
|
0,106
(0,387)
|
p-value
|
Prob>F=0,00
|
Prob>chi2=0,00
|
Prob>chi2=0,00
|
Prob>F=0,00
|
Nombre d'observations=27
Nombre de pays= 3
Nombre d'années= 9
|
Les valeurs entre parentheses représentent les
écart-types corrigés de
l'hétéroscédasticité.*** p<0,01, **
p<0,05, * p<0,1 sont respectivement la significativité
à 1%, 5% et 10%.
Source: Auteur, estimations réalisées
à partir de STATA 15.1 avec les données de FAOSTAT
(2018), CCKP (2018) et de la WDI (2018)
Interprétation des résultats des
estimations
Au regard du tableau (tableau 4.3) ci-dessus, les
résultats obtenus se révèlent satisfaisant dans l'ensemble
tant au plan économétrique qu'au plan théorique :
Au plan économétrique, les tests de Fisher et
de Wald nous permettent de conclure que nos quatre modèles sont
globalement et fortement significatifs. En effet, les p-values associées
à ces statistiques (prob>F=0,00 ; prob>chi2=0,00;
prob>chi2=0,00 ; prob>F=0,00) sont inférieures à 1%
pour toutes les estimations. Les résultats de nos estimations sont
optimaux car nous avons corrigés les problèmes liés
à l'hétéroscédasticité.
Sur le plan théorique, en ce qui concerne le premier
modèle estimé (modèle 1), le coefficient associé
à la variable engrais est négatif et significatif au seuil de
5% ; cela suppose qu'une augmentation de l'utilisation des engrais dans
les plantations de banane entraîne une baisse du rendement, ce
résultat pourrait être dû au non-respect par les
agriculteurs des doses prescrites par les ingénieurs ou alors du
non-respect des périodes d'application des engrais. Pour ce qui est de
l'insecticide, son influence n'est pas encore perceptible sur le rendement de
banane car le coefficient associé à cet indicateur est de
signe négatif et non significatif.Ce résultat montre donc
l'influence négative que l'utilisation d'insecticides peut avoir sur le
rendement de banane. Pour ce qui est de l'herbicide, le coefficient
associé à cette variable est de signe positif mais non
significatif ; ce résultat montre l'influence positive que pourrait
avoir l'utilisation des herbicides dans les plantations de banane dans les pays
membres de la CEEAC.
S'agissant de l'influence de indicateurs
macroéconomique sur le rendement de banane dans le contexte
d'adaptation, il ressort de l'estimation que : le coefficient
associé à la variable investissement agricole est de signe
positif et significatif au seuil de 5%.Ce résultat se justifie du point
de vue théorique car l'investissement agricole permet d'accroître
le niveau de rendement agricole. Pour ce qui est de l'inflation, le coefficient
associé à cette variable est positif et significatif au seuil de
5% dans l'estimation ; une augmentation du niveau des prix entraîne
un accroissement du rendement de banane.Ce résultat est contraire
à nos attentes car l'inflation contribue à limiter l'accès
aux intrants agricole. En ce qui concerne l'indicateur d'emploi, le coefficient
qui lui est associé est de signe positif et significatif au seuil de 5%
dans l'estimation ; lorsque le taux d'emploi en agriculture augmente le
rendement de banane augmente plus que proportionnellement.Ce résultat se
justifie du point de vue théorique car la main d'oeuvre permet aux
agriculteurs de mieux prendre en charge leur plantation, ce qui contribue
à accroître efficacement le rendement. Concernant l'indicateur de
la croissance économique, le coefficient qui lui est associé est
de signe positif mais non significatif.Ce résultat montre l'influence
positive que pourrait avoir le taux de croissance du produit intérieur
brut réel sur le rendement de banane dans les pays de la CEEAC.
Les résultats du modèle 1 semblent corroborer
avec ceux trouvé par Boonwichai et al.(2019) qui ont
évalué les mesures d'adaptation potentielles sur les pratiques de
gestion sur le terrain pour la production de riz dans des scénarios des
changements climatiques en Thaïlande.Ils trouvent que l'augmentation de la
dose d'engrais peut toutefois réduire le rendement futur du riz. Ainsi,
nous relevons que l'augmentation de la quantité d'engrais dans la
culture de banane est inefficace pour booster le rendement.
Pour ce qui est du modèle 2, le coefficient
associé à l'indicateur quantité d'engrais utilisée
est de signe positif et non significatif ; ce résultat montre
l'influence positive que pourrait avoir l'utilisation du fertilisant dans la
plantation de cacao, il est conforme à nos attentes mais la non
significativité de ce paramètre pourrait s'expliquer par le fait
que les effets positifs ne sont pas encore perceptibles, de plus, le cacao se
développe plus dans un climat ou il y'a assez de précipitations.
En ce qui concerne l'utilisation d'insecticide, le coefficient associé
à cet indicateur est de signe négatif et significatif au seuil de
1% dans l'estimation ; ce résultat montre qu'une augmentation de
l'utilisation des engrais engendre une diminution du rendement du cacao, il est
contraire à nos attentes car l'insecticide permet de combattre les
attaques d'insectes dans les plantations de cacao, son signe négatif
serait dû au non-respect des périodes de pulvérisation.
S'agissant de l'utilisation du fongicide, le coefficient associé
à cet indicateur est de signe positif et significatif au seuil de 1%
dans l'estimation ; ce résultat est conforme à la
théorie et à nos attentes, il montre qu'une augmentation de
l'utilisation du fongicide dans les plantations de cacao engendre une hausse du
rendement. Contrairement à l'utilisation de l'herbicide, le coefficient
associé à cette variable est de signe négatif et
significatif au seuil de 1% dans l'estimation ; ce résultat est non
conforme à nos attentes.Il démontre que la hausse des
quantités utilisées d'herbicide engendre une diminution du
rendement du cacao.Cet effet négatif serait causé par un mauvais
usage de ce produit.
Pour ce qui est des résultats des indicateurs
macroéconomiques, le coefficient associé à l'indicateur
investissement agricole est de signe négatif et non significatif ;
ce résultat nous montre l'impact négatif que pourrait avoir
l'investissement agricole sur le rendement du cacao, ce signe négatif
peut s'expliquer par les contraintes que connait la production du cacao.
Concernant l'inflation, le coefficient associé à cet indicateur
est de signe négatif et significatif au seuil de 5% dans
l'estimation ; ce résultat répond à nos attentes car
une hausse de l'inflation est caractérisée par la baisse du
rendement, l'activité de production du cacao étantliée aux
intrants. Ainsi, l'effet de la hausse des prix des intrants agricole aura pour
conséquence la limitation de l'accès à ces produits. En ce
qui concerne l'emploi dans le secteur agricole, il ressort de l'estimation que
le coefficient associé à cet indicateur est positif et
significatif au seuil de 1% ; la hausse de l'emploi dans le secteur de
l'agriculture s'accompagne de l'augmentation du rendement de cacao, ce
résultat est conforme à la théorie économique car
la hausse de l'emploi dans le secteur agricole entraîne une hausse de la
production plus que proportionnelle, le rendement du cacao passant plus par
l'entretien des plantations. Pour ce qui est du taux de croissance de
l'économie, le coefficient associé à cette variable est de
signe positif et significatif au seuil de 5% dans l'estimation ; ce
résultat est conforme à nos attentes car la croissance
économique permet de développer la cacaoculture en puisant les
ressources provenant d'autres secteurs. Au final, la hausse de la croissance
économique est bénéfique pour le développement du
rendement du cacao dans les pays de la CEEAC.
Les résultats du modèle 3 nous montrent que le
coefficient associé à la variable engrais est de signe
négatif et non significatif ; ce résultat est non conforme
à la théorie, il montre l'influence négative que pourrait
avoir la quantité d'engrais utilisée sur le rendement du
café. L'utilisation des insecticides quant à elle est non
significative ; le résultat obtenu met en évidence
l'influence positive que pourrait avoir l'utilisation des insecticides sur le
rendement du café. Pour ce qui est de l'herbicide, ce dernier a un effet
négatif et significatif au seuil de 5% dans l'estimation ; le
résultat est non conforme à la théorie car l'utilisation
de ce produit permet de combattre la mauvaise herbe qui pousse dans les
plantations de café ; ce résultat peut être
expliqué par le non-respect des doses prescrites et des périodes
d'aspersion sur les adventices.
Pour ce qui est des indicateurs macroéconomiques dans
le troisième modèle, le coefficient associé à la
variable investissement agricole est positif et non significatif ; les
effets de l'augmentation des investissements agricoles ne se font pas encore
ressentir dans le secteur du café. Concernant l'inflation, le
paramètre estimé qui lui est associé est négatif et
significatif au seuil de 5% ; ce résultat est conforme aux attentes
de la théorie, il montre que l'effet de l'augmentation des prix
contribue à réduire le rendement de café. Quant au niveau
d'emploi dans l'agriculture, l'indicateur associé à cette
variable est de signe positif et significatif au seuil de 10% dans
l'estimation ; ce résultat prouve que l'accroissement de la main
d'oeuvre dans le secteur de l'agriculture entraîne la hausse du rendement
du café. Le taux de croissance de l'économie quant à lui
est non significatif sur le rendement de café, ses effets ne sont pas
encore perceptibles dans les pays membres de la CEEAC.
S'agissant du modèle 4, les indicateurs associés
à l'utilisation des engrais et des insecticides sont positifs mais non
significatif ; ces résultats montrent l'influence positive que
pourrait avoir l'utilisation des engrais et des insecticides sur le rendement
du coton. Quant à l'utilisation des herbicides, le coefficient qui lui
est associé est négatif et significatif au seuil de 10% dans
l'estimation ; ce résultat montre que l'utilisation des herbicides
n'est pas propice au rendement du coton, ceci s'expliquerait par une
utilisation d'herbicides inappropriée à la culture du coton.
Quant aux indicateurs macroéconomiques, le coefficient
associé à la variable investissement agricole est négatif
et significatif au seuil de 5% dans l'estimation ; ce résultat peut
s'expliquer par le fait que le secteur du coton ne bénéficie pas
des investissements alloués au secteur agricole. Pour ce qui est de
l'inflation, le coefficient qui lui est associé est de signe
négatif et significatif au seuil de 5%, ce résultat est conforme
à la théorie et à nos attentes. S'agissant de l'emploi et
du taux de croissance de l'économie, ces deux variables sont positives
et non significatives sur le rendement du coton, leurs effets ne sont pas
encore perceptibles sur le rendement du coton des pays de la CEEAC.
Dans les travaux de Quan et al. (2019), il a
été prouvé que l'utilisation des herbicides comme
stratégies d'adaptation aux effets des changements climatiques par les
agriculteurs est inefficace pour stimuler le rendement du blé,
malgré son effet lent sur la culture à long terme il contribue
à diminuer le rendement. En s'appuyant sur cette analyse et
conformément à notre résultat, nous constatons que
l'emploi d'herbicides dans les plantations de café et de coton est
inefficace pour stimuler suffisamment leur rendement.
Au demeurant, les indicateurs ci-dessus
développés ont respectivement démontré à
juste titre l'intérêt relatif à la deuxième
hypothèse. Les effets négatifs observés sur les variables
d'adaptation sont dus en majorité aux mauvaisespratiques des
agriculteurs, aux conditions des précipitations et surtout des
températures qui ont tendance à augmenter dans les pays membres
de la CEEAC. Ces résultats montrent qu'effectivement les indicateurs des
stratégies d'adaptation aux effets des changements climatiques sont des
déterminants potentiels du rendement agricole. Ces déterminants
permettent d'accroître le rendement par hectare des cultures, cependant
leur application reste floue.
Au plan macroéconomique, plus d'éléments
théoriques tendent à démontrer que l'investissement dans
le secteur agricole est l'un des moyens les plus efficaces pour augmenter la
production. Il peut produire des avantages très divers en faveur du
développement agricole. On ne peut cependant pas s'attendre à ce
que ces avantages se produisent automatiquement. L'inflation amène les
agriculteurs à débourser davantage de moyens pour acquérir
un certain nombre d'intrants, des semences, d'où son influence
négative sur le rendement agricole. Le niveau d'emploi quant à
lui permet de recruter plus de mains d'oeuvre pour assurer l'entretien des
exploitations, il permet d'accroître les capacités de production
des agriculteurs d'où son influence positive sur le rendement agricole.
S'agissant de la croissance économique, elle est bénéfique
pour la production agricole car elle permet de puiser les ressources dans
d'autres secteurs pour étendre les capacités de production des
agriculteurs.
Au regard des résultats précédents, bien
que les agriculteurs soient techniquement équipés pour s'adapter
aux effets des changements climatiques observés, il n'en reste pas moins
que certaines stratégies d'adaptation mises en oeuvre dans le cadre des
pays de la CEEAC demeurentinefficaces,ce quiserait dû à une
mauvaise adaptation.
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