CHAPITRE DEUXIEME : PRATIQUE DES OUTILS DE GESTION
FINANCIERE DANS LES ENTREPRISES : CADRE THEORIQUE
L'environnement actuel est marqué par un accroissement
de turbulences technologiques, institutionnelles et économiques rendant
ainsi le pilotage de la performance des entreprises de plus en plus complexe et
incertain.
Pour maîtriser ces phénomènes, les PME
doivent adapter leurs structures et leurs modes de fonctionnement, rendant
aussi nécessaires des modifications des systèmes d'information,
et donc de l'adoption des outils de gestion financière.
En management stratégique et opérationnel, une
abondante revue de littérature montre comment la vision et la
stratégie d'une organisation peut se décliner en action et
résultat. Les écarts entre ces deux niveaux organisationnels
(stratégie et opération) et donc la performance peuvent
être mesuré par l'adoption d'un certain nombre d'outils de
gestion.
L'existence et la place de la fonction du contrôle de
gestion conditionnent cette adoption. Ainsi, ces modèles soient
généralement élaborés sans toujours tenir compte de
la taille de l'entreprise, on remarque que les auteurs les conçoivent en
pensant au concept de grande entreprise. Malgré le fait que la survie
des PME dépend, en partie, de la qualité des outils de gestion
financière dont elles disposent, celles-ci sont restées longtemps
en dehors du champ d'investigation des spécialistes en contrôle de
gestion. Le rôle du contrôle de gestion dans une PME est aussi
important que dans une grande entreprise, mais il ne faut pas la
considérer comme une grande entreprise en miniature (Jihane Abi Azar,
2011, p.2).
Dans ce chapitre, nous allons présenter au premier
point le cadre général du contrôle de gestion en contexte
PME et le second point est concentré au cadre théorique des
outils de gestion financière pour les PME.
2.1. Le contrôle de gestion en contexte
PME ? La fonction contrôle de gestion
Avant de présenter le cadre général du
contrôle de gestion, il nous paraît important de revenir sur les
définitions de contrôle et de contrôle de gestion.
Contrôler signifie vérifier, surveiller, évaluer,
maîtriser l'entité que l'on gouverne par rapport à son
système organisationnel et par rapport à l'environnement.
Contrôler une situation signifie la maîtriser, la conduire dans le
sens voulu. Le contrôle recouvre deux acceptions complémentaires.
Une dimension de vérification, sanction des résultats et des
comportements conformément aux objectifs fixés et une dimension
de maîtrise qui doit aider au pilotage de l'entreprise. Cette
complémentarité est soulignée par Bouquin (1998), pour
qui, la vérification n'est qu'une condition de la maîtrise. En
effet, le contrôle a priori (maîtrise) ne peut être
réel que si l'entreprise se donne les moyens d'un contrôle a
posteriori (vérification) des actions et des comportements (Jihane Abi
Azar, 2011, pp 2-3).
Appliqué à la gestion, le contrôle a pour
objectif la maîtrise des performances économiques de
l'organisation. Cette approche du contrôle constituera l'architecture de
notre recherche En effet, elle présente le processus de contrôle
:
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? Dans une logique de régulation grâce à
la vérification (analyse des écarts) qui permet de conduire
l'organisation vers l'état désiré ;
? dans une logique d'auto-apprentissage car l'action
corrective menée permet d'acquérir une expérience de la
réalité et cette accumulation d'expériences va pousser le
responsable à considérer l'état désiré
(Gervais, 1991).
Cette approche nous permet de déduire une
définition du contrôle de gestion basée sur la conception
du Plan Comptable Général pour lequel l'objectif du
contrôle de gestion d'une entreprise est de « maîtriser sa
conduite en s'efforçant de prévoir les évènements
pour s'y préparer avec son équipe et de s'adapter à une
situation évolutive ». Cette définition se base sur quatre
verbes clé: prévoir, se préparer pour
maîtriser et s'adapter, le contrôle de gestion est
présenté donc comme un processus dynamique visant à :
« définir un ensemble cohérent d'objectifs pour tous les
responsables de conception et d'exécution; faire mettre en place les
moyens en hommes, en équipements, en services extérieurs, en
organisation de commandement et de coordination pour atteindre ces objectifs;
observer régulièrement les excès et les insuffisances des
performances réalisées relativement aux objectifs
assignés; et utiliser ses observations pour entreprendre, le cas
échéant, l'aménagement raisonné des objectifs de
départ ou les actions correctives appropriées sur les moyens mis
en place ».
Nous constatons que le contrôle de gestion peut
s'exercer, soit par simple surveillance de l'évolution de valeurs
constatées, et selon Lauzel et Teller (1992) c'est souvent le cas des
PME; soit par comparaison de valeurs constatées et de valeurs
préétablies (analyse des écarts) ; soit par implication
active des responsables.
L'exercice de la fonction contrôle de gestion a pour
objet essentiel de transmettre aux responsables les informations
nécessaires afin d'anticiper les actions, de suivre les
réalisations en fonction des objectifs poursuivis et de rendre compte
des résultats obtenus. L'exercice de cette fonction nécessite la
mise en place d'un nombre d'outils de contrôle, pour s'assurer que les
objectifs de l'entreprise sont atteints. Pour concevoir un système de
contrôle de gestion adapté au contexte des petites entreprises il
est indispensable de les définir, d'identifier leurs
spécificités et de comprendre les problèmes
spécifiques qui se posent à elles.
? Le contrôle de gestion et les PME
Plusieurs chercheurs se sont préoccupés du
contrôle de gestion, d'autres ont analysé les
spécificités des PME, mais les recherches relatives au
contrôle de gestion dans les PME restent encore rares. Depuis quelques
années, on a vu apparaître un certain nombre de travaux portant
sur l'existence du contrôle de gestion dans le contexte des PME.
(Chapellier, 1997 ; Fernandez et al. 1996 ; Van Caillie, 2002 ; Lavigne, 2002 ;
Nobre 2001). Ces différentes recherches sont néanmoins
contradictoires, certaines mettent en évidence un bon
développement des outils de contrôle dans le contexte des petites
et moyennes entreprises, d'autres présentent des résultats plus
nuancés. Après avoir réalisé une synthèse de
plusieurs recherches empiriques, McMahon et Holms (1991) considèrent que
l'état des connaissances sur ce sujet est insuffisant.
En effet, la plupart des études existantes traitent de
l'application d'un outil particulier dans le contexte des PME : Chadefaux
(1991), par exemple, étudie les prévisions dans les PME de moins
de 500 salariés à travers une enquête
réalisée auprès de 1000 PME. Cette étude montre que
les PME réalisent des prévisions essentiellement à court
terme,
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et ne présentent aucun objectif stratégique.
Bescos (1991) présente à travers une analyse critique les apports
et les limites des tableaux de gestion mis au point dans le cadre des PME. Par
contre, on trouve une série d'études qui dresse un premier bilan
de la situation du contrôle de gestion dans les PME dans une approche
contingente.
D'après ces études on peut tirer que les
variables expliquant la nature du contrôle de gestion dans les PME sont
définies par la taille de la PME, le rôle du chef d'entreprise et
les caractéristiques de l'offre et de la demande définissant
l'espace concurrentiel. Dans les développements qui suivent, nous allons
essayer de dresser, à travers la littérature existante, un
panorama des différents outils de contrôle mis en oeuvre dans les
PME.
? La fonction contrôle de gestion dans les
PME
La fonction contrôle de gestion dans les PME est souvent
sous structurée (Fournier, 1992). Elle est souvent assimilée
à la fonction comptable ou financière. Plusieurs études
montrent que, pour la plupart des dirigeants, le système de
contrôle de gestion est défini, par le système de
comptabilité conçu principalement pour rendre compte aux
autorités fiscales. Cependant on ne doit pas considérer que la
fonction de contrôle de gestion, dans une PME, n'existe pas.
Dans ce contexte particulier, elle est souvent associée
à d'autres fonctions. La position dans l'organigramme est fonction du
nombre de personnes et des services mis en place : d'une part, ce peut
être le comptable qui élabore les budgets et utilise les
techniques du contrôle, et d'autre part, c'est le dirigeant
personnellement qui souhaite coordonner et suivre les activités.
2.2. Cadre théorique des outils de gestion
financière
Pour piloter la performance financière d'une
entreprise, la littérature en gestion met l'accent sur un certain nombre
d'instruments s'inscrivant dans la perspective de la mise en oeuvre de la
démarche de planification comme le montre clairement la figure 1
ci-dessous.
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Figure 1 : Les composantes du système
d'informations financières
Long terme (5 à 10 ans)
PLAN STRATEGIQUE (Grandes options
stratégiques)
Moyen terme (2 à 5 ans)
Court terme (1 an)
MESURE DE LA PERFORMANCE
Résultats estimés (J+1 à J+10)
Résultats réels (J+30 à J+...)
TABLEAUX DE BORD
Normes
Résultats
Ecarts
COMPTABILITÉ (GEN & ANAL)
ANALYSEFINAN CIERE
CONTRÔLE BUDGETAIRE
PREVISIONS
ONS
REALISATI
Investissement
IS
Investissement
I
PLAN OPERATIONNEL
Financement
Exploitation
BUDGETS
Etat de résultat
Trésorerie
Source : KAMAVUAKO DIWAVOVA Justin, Cours de contrôle de
gestion, 2015, Inédit.
En effet, on peut noter avec DEMEESTERE, LORINO et MOTTIS
(2002) que le pilotage est une démarche de management qui relie en
permanence stratégie et action opérationnelle et qui s'appuie, au
sein d'une structure donnée au départ, sur un ensemble de
systèmes d'informations (plans, budgets, comptabilité
générale, comptabilité analytique, analyse
financière, tableaux de bord) et pratiques. Ainsi, il est
supposé de façon implicite que les instruments ou outils de
gestion sont importants pour diriger efficacement une entreprise. Il semble
dès lors important de dresser un état des lieux sur la pratique
des outils de gestion financière au sein des PME en mettant en
évidence leurs rôles (utilités) et leurs
déterminants.
2.2.1. Les outils recensés
En se référant aux travaux de Moisdon (1997), il
importe de faire plusieurs distinctions. Un outil de gestion n'est pas une
règle dans la mesure où une règle peut être
informelle : elle peut être justifiée par l'expérience ou
le savoir-faire par exemple, et rester tacite alors qu'un outil de gestion sera
formalisé. Un outil de gestion est une « formalisation de
l'activité organisée ». Rowe, Fernandez et Picory (1994),
à travers une étude réalisée dans 102 PME dont
64,3% ont un effectif inférieur à 50 salariés, ont
entrepris de montrer que le pilotage des PME n'était pas dû
uniquement à des décisions intuitives. Dans cette perspective,
ils ont recensé une batterie d'outils de gestion très
utilisés dans les PME. Le premier objet de leur recherche,
affirment-ils, est de montrer que de nombreux outils de gestion existent dans
les PME. Ces outils s'inscrivent dans la dimension instrumentale du
contrôle de gestion. Ainsi les outils de prévision et de
réalisation ou de pilotage (cf. figure 1).
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2 .2.1.1. Les outils de prévision : plan
stratégique, plan opérationnel et budget
Les outils de prévision sont matérialisés
par les plans et les budgets. Il s'agissait de repérer la diffusion de
ces outils dans les PME. Les taux élevés de réponses
positives conduisent les auteurs à s'interroger sur le degré de
confiance à accorder à ces résultats. En effet, parce que
l'élaboration de certains outils (plan de formation, plan
prévisionnel de rentabilité des investissements) est complexe,
les taux de réponses doivent, selon eux, être plus faibles.
Toutefois, ils constatent qu'il existe une relation inverse entre le
degré de complexité de l'outil et son utilisation dans
l'entreprise (Jihane Abi Azar, 2011, p.7).
La planification est l'action qui marque la volonté de
l'entreprise d'agir sur le futur (donc de concevoir un futur
désiré). En rédigeant un plan
pluriannuel4,
l'entreprise s'inscrit dans une démarche qui consiste
à établir des buts à long terme précis (donc
à s'assigner des objectifs) et à définir des actions et
des stratégies permettant de les atteindre. La littérature en
gestion reconnaît l'importance de la planification dans une organisation.
Les auteurs soutiennent que toutes les organisations y compris celles de petite
taille, doivent adopter des systèmes de planification et de
contrôle pour être efficace (D'AMBOISE et BAKANIBA, 1990).
SHIRISHUNGU (2001) fait remarquer par ailleurs que le lien
entre planification et performance dans les PME est sujet à controverses
: les PME planifient moins ou pas du tout. En effet, dans la plupart des PME,
la stratégie est la plus souvent intuitive, opportuniste et repose sur
une vision à court terme de l'entrepreneur (GASSE, 1989). Selon une
enquête citée par DUCHENEAUT (1997), plus de 70% des dirigeants de
PME préfèrent l'intuition à la prévision et la
considère comme très importante dans la prise de décision.
De plus, l'enquête de CHADEFAUX (1991) auprès de 1000 PME,
révèle que les PME réalisent des prévisions
essentiellement à court (budgets) sans lien avec la stratégie
(les plans pluriannuels). Ainsi, la budgétisation est
considérée comme une pratique incontournable synonyme de la bonne
gestion de l'entreprise. Dans les années 1970, son usage s'étend
à toutes les formes d'organisation, y compris celle de petite et moyenne
taille (MAADANI et SAID, 2009).
Ce fort penchant pour le court terme s'explique par la taille
de la PME (structure flexible capable de s'adapter aux turbulences de
l'environnement) et le rôle central du propriétaire-dirigeant
(individu peu porté à déléguer ses
responsabilités opérationnelles pour avoir le temps de
réfléchir aux décisions stratégiques).
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